Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 11h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • couvre-feu
  • lits
  • malade
  • réanimation
  • sortie

La réunion

Source

La réunion débute à 11 heures 10.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission auditionne M. Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, sur le projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire (n° 3464) (M. Jean-Pierre Pont, rapporteur).

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Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Mesdames, messieurs les députés, c'est une situation peu commune. Il y a un mois, pratiquement jour pour jour, j'étais devant votre commission pour présenter le projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire. L'examen n'aura pas été à son terme. Je disais alors que nous étions à la croisée des chemins, au point de bascule ; force est de constater que, mis à part quelques métropoles où des mesures dérogatoires ont permis de juguler la progression du nombre de cas, et à l'exception notable des régions Bretagne et Nouvelle Aquitaine, toujours sous la cote d'alerte, l'épidémie a flambé dans l'immense majorité du pays.

Nous ne sommes pas les seuls en Europe, continent le plus touché. Des pays qui n'avaient pas été affectés par la première vague sont désormais atteints, comme la République tchèque, qui fait face à une vague de mortalité sans précédent. Le Pays de Galles et l'Irlande vont se confiner à nouveau pour quinze jours, au minimum. Même l'Allemagne fait face à une situation « très inquiétante », selon les mots de la chancelière.

Il y a un mois, j'évoquais cette hypothèse ; je disais qu'il ne fallait pas nous désarmer, que nous aurions peut-être besoin de nous doter de moyens supplémentaires pour lutter contre l'épidémie.

Ces dernières vingt-quatre heures, plus de 100 personnes sont décédées, plus de 150 ont été placées en réanimation, 2 000 ont été hospitalisées, soit une hospitalisation par minute – depuis que j'ai commencé de parler, cinq personnes ont été admises à l'hôpital. Il est évident que la situation épidémique actuelle aura dans deux ou trois semaines des répercussions sur l'activité des services de réanimation.

Nous espérons que les mesures proportionnées, progressives, territorialisées et adaptées à la situation, que nous avons prises depuis le mois d'août seront à même de freiner l'épidémie. Mais nous ne voulons pas « payer pour voir ».

Le Président de la République a décidé, lors du dernier conseil de défense et de sécurité nationale, l'instauration d'un couvre-feu dans les métropoles placées en zone d'alerte maximale. Je ferai cet après-midi, avec le Premier ministre, des annonces complémentaires ; un certain nombre de territoires seront à leur tour concernés.

En droit, un couvre-feu ne peut être instauré que dans le cadre de l'état d'urgence : le Conseil d'État a considéré en juillet que les mesures dérogatoires de sortie de l'état d'urgence n'autorisaient pas la mise en place de mesures plus restrictives, et particulièrement les mesures de couvre-feu.

Parce que l'heure est grave, un décret déclarant l'état d'urgence sanitaire sur l'ensemble du territoire national a été pris en conseil des ministres. Conformément à la loi, la prorogation de l'état d'urgence sanitaire au‑delà d'un mois nécessite l'autorisation du législateur. C'est le cinquième texte de ce type que je défends devant vous. C'est le fonctionnement normal de notre démocratie, mais je ne le fais pas de gaieté de cœur. J'eusse aimé n'en présenter qu'un, et même aucun. Je ne suis pas responsable de la circulation du virus ; en revanche, je suis responsable de la sécurité des Français.

Vous connaissez ce texte, aussi n'entrerai-je pas dans les détails. J'appelle votre attention cependant sur l'article 3, qui permet la mise en œuvre des systèmes d'information SI-DEP et Contact-Covid.

Nous sommes là pour parler franchement. Laissez-moi vous dire que j'ai été surpris de voir des parlementaires, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, voter par principe contre la pérennisation de ces systèmes de suivi des cas contacts (contact tracing), alors qu'ils n'étaient pas les derniers à considérer que le Gouvernement devait faire davantage pour protéger les Français ! On ne peut à la fois tenter de désarmer par son vote l'État dans ses missions régaliennes, et regretter qu'il n'en fasse pas assez.

Chacun est libre de son vote, je suis libre de mes remarques. Voter contre la prolongation de SI-DEP et de Contact-Covid, c'est considérer que nous ne devons plus disposer de systèmes d'information qui permettent aux agences régionales de santé (ARS), à l'assurance maladie et aux médecins de mettre à l'abri les personnes positives au covid-19 et de prévenir les cas contacts. C'est ce dont on parle, rien d'autre !

L'article 4 prévoit une série d'habilitations visant à rétablir ou à proroger les dispositions d'ordonnances prises sur le fondement des lois du 23 mars et du 17 juin 2020 et des dispositions législatives récentes.

Cet article est issu du débat parlementaire. En première lecture du projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire, la commission des Lois du Sénat avait considéré que nous ne pourrions peut-être pas revenir devant le Parlement dans les temps pour pérenniser certaines mesures provisoires. Les sénateurs avaient alors adopté des amendements visant à proroger ces mesures d'incitation et de protection de la population. Nous en avons tiré les conclusions en décidant, dans le présent texte, de proposer au Parlement de proroger un ensemble de dispositifs, à l'instar de ce que nous avions proposé, et que vous aviez accepté, au moment de l'instauration de l'état d'urgence sanitaire.

Je suis là pour que nous puissions avoir un débat franc. Je tenterai de répondre le plus précisément à vos questions, mais je n'évoquerai pas les mesures décidées dans le cadre du conseil de défense et de sécurité nationale, qui seront annoncées cet après-midi par le Premier ministre.

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Monsieur le ministre, je vous remercie d'être venu répondre à nos questions, alors que notre commission s'apprête à débattre du cinquième texte relatif à l'épidémie de covid-19.

Ma première question concerne le contexte sanitaire, que le conseil scientifique a qualifié de « dégradé » dans son avis du 19 octobre. Pourriez-vous dresser un état des lieux précis de la situation, en la comparant à celle qui prévalait le mois dernier ? A-t-on déjà des éléments sur les effets du couvre-feu ?

Comme nous le craignions, certains services de réanimation arrivent à saturation. Ce constat est inquiétant car la situation n'est pas la même qu'au mois de mars, lorsque la concentration du virus dans le quart nord-est du pays autorisait de grandes opérations de transfert de patients. Le fait qu'il soit désormais présent sur tout le territoire ne risque-t-il pas de compliquer les choses en cas de saturation des capacités hospitalières ?

Les systèmes d'information SI-DEP et Contact-Covid sont très importants pour assurer le suivi de l'épidémie et mettre en œuvre la stratégie « tester, tracer, isoler ». Quelles sont les difficultés rencontrées dans leur déploiement et dans l'exhaustivité des données collectées ? Quelles mesures pourraient être prises pour y répondre ?

Enfin, pouvez-vous préciser les raisons qui vous amènent à solliciter de la part du Parlement des habilitations pour proroger des mesures dans les domaines de la vie économique et sociale ? Quelle serait la durée de ces prorogations ?

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Je commencerai par souligner un paradoxe : alors que nous sommes sollicités dans des conditions d'extrême urgence pour examiner un texte d'exception, on nous prévient qu'il nous faudra attendre cet après-midi pour connaître les nouvelles mesures ! Je peux d'une certaine façon le comprendre, mais reconnaissez que, pour des parlementaires consciencieux, cela soit frustrant et pour tout dire difficilement acceptable. Cette façon de procéder foule aux pieds les pouvoirs du Parlement.

Pourriez-vous donner des éléments chiffrés sur le nombre de lits de réanimation, dont on dit qu'il serait limité et même inférieur à ce qu'il était en mars ? Quelles sont les perspectives d'évolution dans les jours qui viennent ?

On nous a fait état, aux mois de mars et avril, d'un défaut de coordination entre les établissements publics et privés : de nombreux lits de réanimation mis de côté, préparés pour recevoir les malades du covid-19, auraient été peu utilisés. Il se dit que, cette fois encore, le privé serait peu sollicité. Mais peut-être est-ce une fausse information ?

Enfin, on peut être tout à fait favorable à SI-DEP et à Contact-Covid et poser les questions qui s'imposent sur la protection des données de santé. Ce n'est pas une ineptie de la part des parlementaires, cela traduit leur attachement à la démocratie. Du reste, ces critiques ont pu être formulées ailleurs – la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a prononcé des injonctions –, ce n'est donc pas une pure vue de l'esprit ou une malveillance de l'opposition. Quelles améliorations comptez-vous apporter à ces systèmes d'information ?

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Nous concevons que les circonstances poussent le Gouvernement à demander au Parlement des habilitations à légiférer par voie d'ordonnance, cela était déjà le cas dans le précédent texte sur l'état d'urgence sanitaire. Nous avons toutefois une interrogation à propos de l'article 4 : l'habilitation permettra au Gouvernement, en tant que de besoin, d'adapter à l'état de la situation sanitaire des mesures déjà prises. Pourriez-vous cependant nous expliquer ce que recouvre ce terme ?

Sur quels critères avez-vous arrêté la date du 16 février ? Le Conseil scientifique, dans son avis du 1er octobre, avait bien mis en garde contre les difficultés qui ne manqueront pas de se poser en cette saison. Or le 16 février, l'hiver n'est pas fini…

Le même Conseil scientifique souligne que la reprise épidémique est forte dans toute l'Europe, pas seulement dans notre pays. Pouvez-vous nous dire si une réponse sanitaire concertée est en cours de préparation ? Si oui, laquelle ?

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Si nous avons exprimé notre accord de principe pour accompagner le Gouvernement dans sa lutte contre la pandémie, nous voulons vous faire part, monsieur le ministre, d'un certain nombre d'interrogations.

La première concerne le nombre d'habilitations demandées, qui noircissent quatre pages du document. Est-il bien indispensable de légiférer par ordonnance sur des sujets aussi divers et variés et d'écarter les parlementaires des décisions qui seront prises dans autant de domaines ? Le Parlement a pourtant démontré ces derniers mois qu'il pouvait se réunir à tout moment, travailler en urgence et même siéger le week-end. Je ne pense pas que ces habilitations soient toutes nécessaires pour gérer convenablement cette crise.

Lors de l'examen du précédent projet de loi, nous vous avions effectivement interrogé sur l'efficacité des systèmes d'information tels que ce Contact-Covid. Comprenez que nous sommes tout à fait dans notre rôle en essayant de préserver les libertés individuelles, surtout lorsqu'il s'agit de données aussi sensibles que des données de santé. Il serait tout à fait curieux de votre part de sous-entendre que nous ne voulons pas aider la lutte contre le covid lorsque nous formulons simplement des observations dans le but de défendre les libertés publiques et le respect de la vie privée des particuliers. Les modifications que vous souhaitez apporter à ces systèmes d'information seront-elles plus efficaces ? Il apparaît que l'application StopCovid n'a pas été téléchargée par grand monde – et pas davantage par les plus hautes autorités de l'État – et qu'elle n'a pas donné des résultats extraordinaires.

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Je tiens à vous assurer du soutien du groupe Agir ensemble dans cette mission difficile de gestion de la crise sanitaire. Nous savons combien il peut être compliqué d'assurer l'équilibre entre la poursuite de l'activité économique et sociale et les mesures de protection sanitaire, basées sur les avis du Conseil scientifique.

Je voudrais vous interroger, non pas sur le bien-fondé des nouvelles restrictions mais sur leur acceptabilité. Sachant que cette crise durera encore plusieurs mois, voire plusieurs années, ne faudrait-il pas réfléchir dès maintenant à des mesures d'adaptation et de prévention et à des sanctions plus lourdes à l'encontre des personnes qui ne respecteraient pas les mesures, notamment celles qui touchent à l'isolement ?

Au cas où il serait difficile de faire appliquer le couvre-feu, disposez-vous d'un panel de mesures alternatives et complémentaires ? Certains pays ont instauré un confinement spécifique pour les personnes les plus vulnérables et un confinement le week-end pour le reste de la population. Est-ce une piste de travail pour votre ministère ?

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Vous allez vraisemblablement annoncer une extension du couvre-feu cet après-midi, et le Parlement n'est pas au courant. Les bras m'en tombent ! Comment voulez-vous prôner l'unité nationale et nous engager à prendre part à la gestion de la crise si, comme toujours, nous apprenons ce que vous allez faire par les médias ? Ma question est très précise : depuis quand réfléchissez-vous à un élargissement du couvre-feu ? À défaut d'avoir consulté les parlementaires, vous êtes-vous concertés avec les élus locaux ?

Vous venez de critiquer la position des parlementaires qui émettent des doutes sur les systèmes de traçage des cas contact. Permettez-moi de m'étonner ! Notre rôle n'est-il pas de défendre les libertés publiques ? Nous sommes prêts à débattre, mais par pitié, pas de surenchère ! Vous appelez à l'unité nationale ; encore faut-il la faire avec tout le monde, et pas en usant de telles méthodes !

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Le débat ne porte pas sur les mesures sanitaires qui doivent être prises pour protéger nos concitoyens, mais sur les conditions de dessaisissement du Parlement, dans la mesure où l'évolution de l'épidémie peut exiger une réactivité à laquelle un parlement ne peut prétendre lorsqu'il légifère.

Un état d'urgence sanitaire a été déclaré, un certain nombre de mesures ont été prises et l'épidémie a été maîtrisée. La sortie de l'état d'urgence sanitaire a justifié que le Parlement débatte de mesures transitoires – c'était le sens du texte que nous étions appelés à examiner. Nous pouvons comprendre que la navette parlementaire ait été suspendue en raison de l'évolution de la situation. Mais nous comprenons moins que, dans le présent texte, succède à l'article 1er qui proroge l'état d'urgence sanitaire l'article 2 qui proroge le régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire. Ce sont deux régimes juridiques qui s'entrechoquent. Cela me paraît contestable, tant pour la lisibilité que pour les droits du Parlement.

Comme d'autres collègues, je souhaite répondre à l'injonction que vous avez faite aux parlementaires de voter sans discuter l'article 3. Lors des débats, nous n'avons à aucun moment contesté la nécessité d'un système d'information, mais questionné les conditions et la durée de la conservation des données à caractère personnel, possiblement attentatoires aux libertés publiques. Le Conseil d'État, le Conseil constitutionnel et la CNIL ont formulé des remarques, des recommandations, des préconisations en ce sens. Le débat existe ; je suis désolé de vous dire que nous l'aurons encore en séance, car il est indispensable.

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Comme mes collègues, je souhaite rappeler à M. le ministre que nous sommes pleinement dans notre rôle lorsque nous interrogeons le Gouvernement et que nous contrôlons son action. Nous parlons bien ici de mesures exorbitantes du droit commun, particulièrement dérogatoires, qui remettent en cause des libertés fondamentales. Cela justifie que nous portions une attention particulière à chaque point des textes que vous nous soumettez. D'autant que l'existence de cette deuxième vague soulève un certain nombre de questions sur ce qui a été fait et sur ce que l'on aurait pu mieux faire. Les réponses nous aideront sans doute à mieux appréhender la situation.

Alors non, les parlementaires n'ont pas à se censurer ou à voter aveuglément tout ce que dit le Gouvernement. D'ailleurs, ils ne sont pas les seuls à contester certaines mesures, dont celles qui ont trait au traçage. Je rappelle que la CNIL a souligné un certain nombre de manquements dans ce domaine.

À ce propos, je souhaiterais savoir où nous en sommes dans l'investigation sur les foyers épidémiques. Un tableau, publié par Santé publique France, a fait l'objet d'une large diffusion et de nombreuses interprétations. Vous les avez contestées, sans toutefois expliquer pourquoi on ne parvenait pas à identifier, dans 90 % des cas, les circonstances de la contamination. Ce devrait pourtant être un élément fondamental pour intervenir et casser les chaînes de contamination. Comment mettre en place une stratégie de lutte efficace si l'on ignore où et comment la plupart des contaminations se produisent ?

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On peut concevoir que l'art de gouverner soit difficile dans cette période compliquée et, dans le même temps, que la critique est nécessaire : c'est le principe même d'une démocratie et d'un État de droit.

Au-delà du principe même des habilitations, je m'interroge sur les durées proposées pour la prorogation de ces mesures. Nous savons que l'acceptation de ces mesures décroît au fur et à mesure que le temps passe et que viendra le moment où le règlement et les interdits ne fonctionneront plus. Il ne pourra y avoir d'adhésion de la population que s'il y a confiance, et il ne pourra y avoir de confiance sans débat démocratique. Je crains que si l'on met sous cloche la démocratie pendant une période aussi longue, nos concitoyens ne cessent d'adhérer aux décisions. Sans parler du manque de respect dont le procédé témoigne à l'égard du Parlement.

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Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Pourquoi, dans un même texte, proposer l'instauration de l'état d'urgence sanitaire et des mesures transitoires de sortie ? Nous savons bien que nous ne sortirons que par paliers de l'état d'urgence sanitaire : on n'autorisera pas le même jour l'ouverture de toutes les discothèques de France et les rassemblements de 50 000 personnes dans les palais des sports. J'espère que nous en sommes tous conscients ! C'est bien ce que signifie « Vivre avec le virus » : des restrictions s'imposeront tant qu'il n'aura pas été éradiqué, grâce à la vaccination notamment. Mais comme vous, je souhaite que l'état d'urgence sanitaire dure le moins possible. Anticiper la sortie en prévoyant dans le même texte des mesures dérogatoires permet de ne pas avoir à légiférer à nouveau à la fin de l'état d'urgence – ce qui repousserait d'autant l'échéance.

Pourquoi le 16 février ? Pour la raison que vous avez indiquée : il ne fallait pas se retrouver au cœur de l'hiver contraint d'examiner un nouveau projet de loi pour proroger encore les mesures. Si l'on avait dû choisir une date plus appropriée, elle aurait été sans doute plus lointaine.

Protéger les Français, c'est notre seule ambition, et nous comptons sur votre expertise et les retours que vous avez eus de la première vague et du confinement. Et quand j'entends dire que les parlementaires ne sont pas respectés, pardonnez-moi ! C'est le cinquième texte que vous examinez, je passe pour ma part quarante heures par semaine devant vous. Trouvez seulement un parlement qui fonctionne autant que le nôtre ! Même durant le confinement généralisé, le Parlement français était le dernier des parlements européens à fonctionner. Les Britanniques n'ont guère de leçons à nous donner en matière de parlementarisme : leurs députés ont été bien peu sollicités sur la question.

Vous nous reprochez de réserver les annonces aux Français. Je pourrais vous rétorquer qu'il n'est pas scandaleux que les décisions prises en conseil de défense et de sécurité nationale soient annoncées par le Premier ministre à l'ensemble des Français, représentation nationale incluse.

La concertation avec les élus a bien lieu. Ainsi, hier, à la demande du Gouvernement, la préfète de la Loire a réuni par visioconférence l'ensemble des maires et des parlementaires du département pour les informer des annonces qui seront faites aujourd'hui.

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Olivier Véran, ministre

Postulez donc à Ségur, monsieur Pancher, on vous trouvera un bureau !

Madame Obono, depuis le début, votre groupe a voté contre tout.

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Eh oui, nous sommes des parlementaires !

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Olivier Véran, ministre

Votre groupe a voté contre l'état d'urgence, contre la sortie de l'état d'urgence, contre les mesures dérogatoires de sortie de l'état d'urgence, contre les systèmes d'information de suivi des cas contact et même contre les systèmes d'information qui permettent d'enregistrer les tests positifs pour prévenir les porteurs.

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Olivier Véran, ministre

Je vous pose donc la question : qu'avez-vous à proposer face à cette épidémie qui remplit les hôpitaux ?

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Quelle mauvaise foi ! Nous avons rédigé des dizaines de propositions de loi !

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Le ministre m'a interpellée. Moi, j'ai posé ma question dans le cadre prévu !

(Exclamations.)

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Seulement si je vous la donne, ce sont les règles du Parlement ! Merci de respecter cette commission, qui fonctionne en bonne intelligence depuis trois ans.

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Olivier Véran, ministre

C'est un fait : le groupe de la France insoumise, à l'unanimité, a voté contre l'état d'urgence, contre la sortie de l'état d'urgence, contre les mesures dérogatoires accompagnant la sortie de l'état d'urgence, contre le système d'information permettant d'enregistrer les tests positifs, contre le système d'information permettant d'appeler les porteurs pour les mettre à l'abri.

Je voulais en débattre avec le président du groupe la semaine dernière, devant les Français. Quelles mesures alternatives proposez-vous ? Je ne dis pas que nous avons la science infuse, que la communauté scientifique et médicale et l'ensemble des juristes qui travaillent auprès du Gouvernement ou dans les organismes indépendants ont forcément raison ; je dis que nous sommes ouverts aux contributions. Seulement, un vote contre n'est pas une contribution. Voter contre le principe même d'un système d'information, ce n'est pas la même chose que voter contre un système parce qu'il n'aurait pas été amendé et amélioré.

Je ne m'engagerai pas dans un débat sur l'application StopCovid, désormais TousAntiCovid, qui n'est pas concernée par ce texte. Les seuls systèmes d'information dont nous traitons ici sont Contact-Covid, qui permet le suivi des cas contact, et SI-DEP, qui permet d'enregistrer les tests positifs.

J'aurai l'occasion de l'évoquer devant les Français cet après-midi, Santé publique France a publié hier soir des nouvelles cartes sur le site Géodes, qui fait en toute transparence l'état des lieux des contaminations et des incidences épidémiques à une échelle très fine, de l'ordre de 4 000 habitants. Il est désormais possible de zoomer sur le périmètre dans lequel on réside et de connaître l'incidence de la maladie.

On pourrait aller plus loin et, à partir des données biologiques, indiquer demain aux médecins, aux élus qu'il y a eu trois contaminations dans une rue donnée ou faire connaître le taux de positivité dans telle ou telle université. Mais nous n'en avons pas le droit car plusieurs instances, et notamment la CNIL, ont retoqué les projets au motif que les informations, insuffisamment anonymisées, représentaient un risque pour les libertés individuelles. Nous sommes toujours sur la ligne de crête entre le respect des libertés fondamentales, auxquelles nous sommes tous très attachés, et la capacité d'assurer, dans la continuité, une lutte efficace et précoce contre le virus.

Il ne faut pas non plus perdre de vue que la majorité des personnes sont asymptomatiques et que la durée d'incubation peut atteindre quatre ou cinq jours. Paradoxalement, il serait bien moins complexe de lutter contre un virus qui provoquerait des symptômes dans 95 % des cas et dont la durée d'incubation serait de deux heures. Néanmoins, les moyens consacrés par les organismes publics sont considérables et les données sont publiées en toute transparence.

Les différences avec la première vague sont notables. La courbe d'ascension des réanimations et des cas graves ne prend pas la même forme exponentielle que celle de la première vague, car le facteur reproduction du virus est inférieur. C'est l'effet des politiques qui sont conduites et du respect par les Français des gestes barrières. Un effort supplémentaire peut faire basculer les choses. Le facteur de reproduction était de 3 au printemps, il est désormais de 1,3. Notre objectif est simple : le faire repasser sous la barre de 1. Nous estimons, avec les scientifiques, que le couvre-feu, le respect des gestes barrière et la solidarité hors pair des Français sont de nature à permettre ce basculement. Nos concitoyens sont de plus en plus vigilants et font preuve d'une acceptabilité remarquable des mesures, alors que nous en avons tous assez…

J'ai pu indiquer à plusieurs reprises en conférence de presse l'état des services de réanimation et le nombre de lits. Notre pays comptait en situation normale 5 100 lits de réanimation armés, équipés, avant l'épidémie. Le chiffre est passé à 5 800 après la première vague. Nous avons donc augmenté dans la durée le nombre de lits de réanimation de 15 %.

Nous avons formé de nombreux soignants pendant l'été et pris des mesures dérogatoires pour les étudiants en santé, afin qu'ils puissent venir prêter main-forte si cela est nécessaire. Nous avons également constitué un stock de médicaments de réanimation pour soigner jusqu'à 29 000 malades, contre 17 000 durant la première vague. Nous avons des respirateurs pour équiper plus de 10 000 lits. Au 15 avril dernier, en pleine puissance, nous étions montés à 10 700 lits de réanimation, dont une part est occupée par des malades non covid - environ 3 000 malades, selon les estimations.

Progressivement, à mesure que l'on augmente le nombre de lits, on déprogramme des soins et on mobilise des soignants supplémentaires, en majorant de 50 % leurs heures supplémentaires, en payant en espèces tous les jours de vacances qu'ils n'ont pas pris, et jusqu'à un treizième mois pour une infirmière qui prêterait main-forte si la situation l'exigeait.

Nous sommes aujourd'hui dans une situation différente de celle de la première vague, qui avait particulièrement frappé le Grand Est. Les services de réanimation de la région étaient en saturation totale. Des transferts interrégionaux et à l'étranger ont été effectués par train, avion, bateau. La totalité des soins avait été déprogrammée par moi-même, en amont, avec le déclenchement du plan blanc exceptionnel. Souvenez-vous : certains au Parlement avaient demandé pourquoi on déprogrammait tout alors qu'il n'y avait encore que deux cents malades en réanimation. Vous verrez dans deux semaines, avais-je répondu… C'est cela, l'anticipation. S'il fallait attendre que chacun ait appréhendé des données d'un niveau de technicité et de complexité extrêmes, qui sont brassées par les scientifiques sur des bases de modélisations et d'études épidémiologiques, on agirait tout le temps trop tard. Oui, je revendique qu'il y ait des décisions qui ne soient pas concertées avec la représentation nationale, et qui vous soient présentées après décision en conseil de défense. C'est le régalien, c'est le domaine de la puissance publique et de l'État.

Aujourd'hui, la situation est différente. Nous sommes capables d'avoir une vision territorialisée. Prenons l'exemple d'Auvergne-Rhône Alpes, une région que je connais bien. Quand un hôpital est saturé, qu'il n'y a plus de lits en réanimation, on transfère les malades dans un autre hôpital de la même région. On tient compte du fait que l'hôpital est saturé et on commence à y déprogrammer des soins, à prendre du personnel supplémentaire pour libérer des capacités de réanimation supplémentaire. Si aussitôt qu'à l'échelle de la région, on constate qu'il y a une saturation de tous les lits – ce n'est pas le cas aujourd'hui –, on commence les transferts intrarégionaux. Mais du fait de la nature de cette nouvelle vague et de sa répartition, force est de reconnaître que les réservoirs de réanimation sont peu nombreux : il nous reste la Bretagne, la Nouvelle-Aquitaine et, pour partie, le Grand Est. Les régions les plus touchées sont l'Île-de-France, la région Auvergne-Rhône Alpes, l'Occitanie, les Hauts-de-France, la Provence-Alpes-Côte d'Azur, là où précisément nous avons d'ordinaire des réservoirs de réanimation. Elles sont déjà soumises à une très forte saturation : dans la plupart d'entre elles, plus de 50 % des lits sont déjà occupés par des malades covid.

Lorsque cela devient nécessaire, le directeur général de l'ARS, conformément à un plan national issu du retour d'expérience (RETEX) de la première vague, contacte les hôpitaux et, dans le même mouvement, les cliniques privées, pour leur demander de déprogrammer tous les soins qui ne sont pas indispensables. C'est le cas en Auvergne-Rhône-Alpes dans cinq départements : pendant deux semaines, l'ensemble des soignants du public et du privé ont tout annulé en chirurgie, hors chirurgies ambulatoire, cancérologique et d'urgence. Tout a été annulé, dans le public comme dans le privé.

L'efficacité des mesures est le sujet le plus compliqué. Ce virus, vous le savez, est un paquebot. Il a fallu dix-huit jours pour que l'on commence à voir l'impact du confinement généralisé. Nous nous posons donc plusieurs questions, avec modestie, gravité et remise en question permanente : à partir de quand estime-t-on qu'une mesure n'a pas suffisamment d'efficacité compte tenu de l'épidémie et du profil évolutif ? À partir de quel moment faut-il anticiper les choses et prendre des dispositions supplémentaires ? Ce sont des questions fondamentalement complexes. Si nous avions une réponse deux jours après avoir appliqué une mesure, ce serait formidable. L'exemple de la Guyane a montré qu'il a fallu environ deux semaines pour que le couvre-feu commence à porter ses fruits. Il en va de même dans les autres pays.

Ce qui a changé depuis quinze jours, alors que l'épidémie était maîtrisée et que les courbes commençaient à s'infléchir, c'est que, tout d'un coup, on a assisté à une croissance exponentielle des cas. On ne sait pas l'expliquer ; tout ce que l'on sait c'est qu'elle a touché toute l'Europe. Le refroidissement est probablement un des facteurs : les gens sont davantage restés en famille et se sont regroupés davantage à l'intérieur qu'à l'extérieur.

Cela m'a du reste valu d'être taquiné sur certains réseaux sociaux très honnêtes, pour avoir dit que le confinement faisait circuler le virus. Je ne parlais évidemment pas du même confinement que le confinement généralisé. Chacun, avec un peu d'honnêteté intellectuelle, comprend la différence entre les deux, mais je le précise encore une fois : lorsqu'il fait très froid, et qu'il y a des virus dehors, les gens ont tendance à faire à l'intérieur les activités qu'ils faisaient auparavant dehors. Ce n'est pas la même chose que de rester chez soi, avec un minimum de contacts, sans voir personne.

J'en viens aux habilitations à légiférer sur certains sujets par ordonnance. Notre objectif est que ce soit terminé avant février, et de ne rétablir en bloc ce que nous avions fait pendant la période de confinement car la situation est objectivement différente : nous visons plutôt un objectif à la baisse. Contrairement à ce qu'a dit Mme la ministre Pau-Langevin, je ne compte pas quatre pages d'ordonnances – ou alors, en police 20 –, mais une et demie. Peu importe !

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Il y a plus de quatre pages, en petits caractères !

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Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Je veux donner quelques éléments sur ces ordonnances pour vous montrer notre bonne foi. Une ordonnance du 25 mars 2020, par exemple, instaure pour les établissements de santé une garantie minimale de recettes, établie au regard des différents impacts de la crise sanitaire sur leurs activités respectives. Une autre ordonnance, du même jour, augmente le plafond de la capacité individuelle de garde des assistants maternels, et met en place un service unique d'information des familles, pour connaître en temps réel les places de crèche et les assistants maternels disponibles. Une autre, encore, permet de prolonger des droits sociaux, de trois à six mois, lorsque les droits ont expiré entre le 12 mars et le 31 juillet 2020, comme la complémentaire santé solidaire ou l'allocation adulte handicapé.

L'idée est d'éviter toute rupture de droits, de prise en charge ou d'accompagnement dans le domaine de la santé, de l'entreprise, de l'économie et du social.

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Au nom du groupe La République en marche, je tiens d'abord à saluer la gravité de votre propos et à nous y associer. La situation sanitaire se dégrade dans notre pays. Nous devons en prendre la mesure. Plusieurs dizaines de milliers de nouveaux cas positifs sont comptabilisés chaque jour et le nombre de décès croît à mesure que les jours passent. Quant à nos services de réanimation, ils sont très mobilisés, malgré l'augmentation significative de leurs capacités.

De nombreux débats ont lieu sur la structuration des services de réanimation. L'objectif est bien de soulager ces services et le personnel soignant, en faisant reculer le virus et en œuvrant pour que moins de nos concitoyens ne soient malades.

Aujourd'hui, vous nous invitez à voter un état d'urgence sanitaire. Ce projet de loi est un texte non seulement d'exception mais aussi d'anticipation, puisqu'il vise également des mesures transitoires. C'est ainsi qu'il faut les entendre. L'objectif n'est pas de rester indéfiniment en état d'urgence sanitaire, mais bien d'en sortir. Vous proposez le 16 février, comme date la plus tardive de bascule. Comment voyez-vous les choses ? Comment bascule-t-on vers un régime transitoire ? Sur quels indicateurs pensez-vous vous appuyer ? Quel en serait le calendrier ? Vos réponses nous permettront d'anticiper le plus possible cette situation avec ce texte qui, je le répète, est un texte d'exception mais aussi d'anticipation.

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La lecture conjuguée des avis du Conseil d'État et des décisions du Conseil constitutionnel sur les différents textes que nous examinons depuis six mois éclaire bien les raisons qui nous conduisent à débattre de ce projet de loi.

De mon point de vue, vous avez déclenché l'état d'urgence sanitaire trop tôt. Vous avez décidé de remettre la France dans un état d'urgence sanitaire, alors que les mesures de couvre-feu partielles dans le territoire national pouvaient parfaitement être prises dans le cadre du régime de la sortie de l'état d'urgence sanitaire.

Cela signifie, monsieur le ministre, qu'avec le retour à l'état d'urgence sanitaire et sa prorogation, soumis à notre examen, vous préparez des règles bien plus strictes encore que celles qui ont été présentées aux Français jusque-là. Quand nous avons voté l'état d'urgence sanitaire en mars, avec une possibilité pour le Gouvernement de le redéclencher pendant un an, par simple décret, nous avions en quelque sorte anticipé cette situation.

Mais nous n'avions pas anticipé que vous déclencheriez l'état d'urgence sanitaire trop tôt, pour solliciter ensuite une prorogation jusqu'au 16 février, sans éclairer le débat parlementaire de la réalité des mesures que vous entendez prendre dès aujourd'hui.

Voilà la lecture que nous en faisons. Juridiquement, c'est cohérent avec les discussions que nous avons pu avoir dans cette assemblée.

Une précision : les habilitations à légiférer par ordonnance que demande ce texte font bien plus de six pages, en police 8 – voyez par vous-même. C'est un pouvoir énorme que nous confions à votre Gouvernement.

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Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Ce n'est pas le texte que vous montrez, mais une présentation Powerpoint…

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Merci pour ces explications, monsieur le ministre. Vous l'avez dit, vous êtes fréquemment présent à l'Assemblée. À chaque fois que vous faites de la pédagogie à notre égard, en donnant des explications, vous en faites aussi à l'égard de l'ensemble des Français. Vous nous avez ainsi éclairés sur certains sujets, de façon précise.

Je me souviens de nos débats au mois de juin, lorsque nous sortions du premier état d'urgence. Et quand il s'est agi d'instituer un régime transitoire au 2 juillet, le groupe Les Républicains se disait prêt, s'il le fallait, à revenir au mois d'août, en urgence. Dès le mois d'août, des mesures ont pu être prises très rapidement.

Le virus est un paquebot, vous l'avez dit, mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas prendre des décisions aussi rapidement que lorsqu'on pilote une vedette. Plus vite on prend une décision, plus vite elle est effective. C'est ce que montre ce besoin de textes, qui sont en effet des textes d'anticipation – Mme Avia l'a souligné. Mais le présent projet de loi permet aussi l'efficacité. C'est ce que demandent les Français aujourd'hui.

Quand on n'est ni infectiologue, ni virologue, ni spécialiste de la question, dire, comme je l'ai entendu, que le texte a été présenté trop tôt, semble irresponsable – je m'attends là à entendre quelques cris. Monsieur Schellenberger, je vous savais spécialiste, et bon spécialiste, des politiques publiques. Je vous ignorais infectiologue.

Je suis aussi surpris des propos de M. Pancher sur la concertation. Mon préfet m'appelle pratiquement deux fois par semaine, à chaque fois qu'il prend une décision.

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Peut-être ai-je un bon préfet ou ai-je noué de bonnes relations.

En tout cas, récemment, il a dû prendre certains arrêtés sur l'obligation du port du masque dans les villes de plus de 10 000 habitants du département. Et il nous a consultés, ainsi que chacun des maires, pour définir les périmètres dans les villes avant toute décision.

Nous sommes dans une situation compliquée, qui demande un peu de travail commun et la mise au boisseau de nos oppositions parfois stériles.

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Je vous remercie, monsieur le ministre, de revenir devant l'Assemblée. Vous l'avez dit, et il faut le répéter, vous venez souvent pour répondre à de nombreuses questions. Nous vous en remercions.

Je souhaiterais signaler un point d'attention, à l'aube ou au cœur de cette deuxième vague. Nos soignants ont travaillé dans des conditions difficiles ce printemps. Je tenais encore à les remercier pour leur mobilisation et pour ce qu'ils ont fait pour nous.

Vous avez distribué une prime covid, ce dont je vous remercie. Le but est de reconnaître le travail réalisé et d'entretenir la motivation de nos soignants. Malheureusement, les remontées de terrain et les témoignages de soignants font état de fortes disparités, d'inégalités et parfois d'un sentiment d'injustice : la façon dont elles ont été distribuées par les administrations des établissements hospitaliers a suscité une grande incompréhension dans de nombreux endroits. Un contrôle a posteriori et un suivi précis par le ministère des solidarités et de la santé sur les modalités de distribution de ces primes ont-ils été prévus ?

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Nous sommes en train d'affronter une deuxième vague – malheureusement, tout le monde dans la société, et parfois même ici, n'a pas conscience de la gravité de la situation –, comparable à la première, et pas seulement en France : l'Irlande a par exemple décidé de reconfiner sa population.

Je rappelle à mes collègues que nous avions voté quatre mois d'état d'urgence sanitaire pour la première vague. En toute logique, c'est la durée qui est proposée dans ce texte pour affronter la deuxième.

Monsieur le ministre, vous avez dit à raison que nous pouvions prévoir la situation dans les hôpitaux dans deux semaines eu égard au nombre de nouveaux cas de ces derniers jours. On insiste beaucoup sur le taux d'occupation des places en réanimation, mais il faut aussi mettre en évidence les conséquences des nombreuses hospitalisations de patients covid qui, sans nécessiter de réanimation, n'en désorganisent pas moins le fonctionnement de notre système de santé en obligeant notamment à une déprogrammation des soins : d'ores et déjà, dans les hôpitaux d'Île-de-France, plus de la moitié des lits est occupée par des patients covid.

D'après vos estimations, quel sera le taux d'occupation des hôpitaux de la région francilienne dans deux semaines ? Quelles seront les conséquences sur leur activité habituelle ?

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Monsieur le ministre, je vous remercie pour ces informations toujours très précises et pédagogiques. Je souhaitais revenir sur les mesures appliquées, sachant que leurs incidences ne se feront pas sentir avant deux à trois semaines, notamment les dispositions concernant la réalisation des examens de dépistage.

Quelles évolutions envisagez-vous sur les types et les pratiques de tests sur le territoire et aux frontières, pour gagner du temps et adapter en conséquence la période d'isolement ? Le projet de loi comporte une demande d'habilitation sur les répercussions financières. Projetez-vous de faire évoluer la prise en charge de ces tests, aujourd'hui assurée par la sécurité sociale, avec une participation des mutuelles ?

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Monsieur le ministre, un de nos collègues d'outre-mer vous a interrogé il y a peu sur les difficultés rencontrées pour effectuer des tests en outre-mer. Votre réponse avait laissé entendre que l'outre-mer n'était pas une priorité, ce qui avait choqué plus d'un. Je veux espérer que les questions que je vous soumettrai ne viendront pas violer le secret du conseil de défense que vous avez invoqué. Elles méritent cependant d'être posées et de recevoir des réponses.

Pour lutter contre la covid-19, il faut des gestes barrières, tout le monde le dit. Mais comment les respecter, et notamment le lavage des mains, dans un département où, un jour sur deux, nous n'avons pas d'eau ? Cela paraît très compliqué.

Comment lutter efficacement contre la covid-19 quand nous n'avons pas de tests suffisants, au point qu'aujourd'hui, dans les faits, les Mahorais sont pris en otage ? Je parle là d'un département français que vous ne connaissez pas encore mais que vous découvrirez, je l'espère.

À Mayotte, il n'y a pas de tests. Les Mahorais ne peuvent aller qu'à Paris car ils n'ont pas besoin de test au départ de Mayotte. Mais depuis le confinement, décidé en avril dernier, ils ne peuvent pas aller ailleurs dans la région : ils sont confinés de fait. Qui plus est, il leur est très difficile d'accéder aux officines de pharmacie : nous n'en avons que vingt, pour une population d'environ 400 000 habitants ! Un texte a fixé un quota de 14 000 à 20 000 pour prétendre à l'ouverture d'une pharmacie, alors qu'il est à 2 000 ou 3 000 sur le territoire national. Avec une offre de soins aussi limitée et des pharmacies à la médication quasi inexistante, comment lutter contre le virus ?

J'aurais donc souhaité que l'on modifie le texte d'une part pour favoriser la création des officines de pharmacie et, d'autre part, pour assurer à la représentation nationale que vous étendrez à Mayotte le code de la santé publique dans son ensemble.

Voilà des questions précises, qui ne relèvent pas de l'état d'urgence sanitaire.

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Monsieur le ministre, sans vous pousser à dévoiler les mesures que vous annoncerez tout à l'heure, j'ai une question concernant la gravité de la situation. On sait, vous l'avez dit, que le virus se propage de manière exponentielle. Par ailleurs, nous commençons à disposer d'un certain recul sur des mesures, comme le couvre-feu, prises par certaines métropoles.

Ma question est simple, mais la réponse est beaucoup moins évidente : croyez-vous que les mesures proposées visant à installer des couvre-feux dans certaines métropoles et à les étendre dans d'autres seront suffisantes, compte tenu de la gravité de la situation ?

En corollaire, sera-t-il possible, avec le présent texte, de prendre des mesures plus fortes telles que le confinement généralisé, comme on l'observe par exemple en Belgique depuis quelques heures, et en Irlande ?

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Je repose la question, à laquelle vous avez en partie répondu, sur la justification des dates retenues : le 16 février pour la fin de l'état d'urgence sanitaire et le 1er avril pour la fin de la période transitoire.

Vous estimez que, dans le calendrier parlementaire, nous n'aurions pas le temps d'organiser un vote en janvier, du moins avant le 16 février, pour rétablir des mesures transitoires de sortie de l'état d'urgence sanitaire. C'est la raison qui vous a poussé à introduire ce sujet dans le projet de loi.

Telle est la question que je souhaiterais vous poser, car cela doit être clair pour nous, afin que nous puissions valider et défendre ce principe même.

Par ailleurs, vous demandez de reconduire une série d'habilitations qui figuraient dans la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19. Plutôt que de citer tout ce qui sera reconduit, car les dispositions sont très nombreuses, pourriez-vous nous indiquer celles que vous avez abandonnées ? Je crois notamment savoir que vous n'avez pas reconduit des dispositions en matière de justice, le Parlement s'étant déjà penché sur le sujet. Ma collègue Laetitia Avia était notamment intervenue sur la question des incarcérations ou du fonctionnement des institutions judiciaires.

L'article 3, qui concerne la conservation des données, inclut le traçage humain, dans des fichiers SI-DEP ou Contact Covid. J'y suis très favorable et le préfère largement au traçage numérique par le biais d'une application. La durée de conservation des données obtenues par traçage humain, qui était de trois mois a été étendue à six mois, puis trois mois pour la disparition des données à la fin de l'état d'urgence sanitaire. Alors que nous sommes précisément en train de le rétablir, comment se compileront tous ces délais pour la conservation des données, que nous avions autorisée dès mai 2020 ?

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Je souhaiterais vous apporter une précision sur l'information du Parlement, sujet qui est revenu à plusieurs reprises. Dans la loi du 23 mars 2020, nous avons indiqué que « l'Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l'état d'urgence sanitaire. L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces mesures. »

En application de cette disposition, le Premier ministre transmet toutes les semaines à l'Assemblée nationale ses informations, qui sont publiées sur le site de l'Assemblée nationale sous l'intitulé « Rapport d'étape du Premier ministre sur les mesures prises au titre de l'urgence sanitaire et de l'organisation de la sortie de l'état d'urgence ».

Les deux ministres, Gérald Darmanin et Olivier Véran, sont à la disposition de la commission pour présenter des points d'étape. Dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, qui pourrait se prolonger pendant plusieurs mois, nous pouvons prévoir des rendez-vous réguliers en commission des Lois, pour mener de tels échanges. Nous pouvons essayer d'être imaginatifs, et organiser des points parlementaires, sans repasser à chaque fois par le vote d'une loi, qui suppose une navette et des débats très longs et chronophages.

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Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Je ne suis pas juriste – cela n'a échappé à personne depuis le début de cette crise –, mais je commence à m'acoquiner avec les méandres du droit, dont je ne sais pas s'il est un art ou une science. C'est ce qu'on dit pour la médecine, cela vaut certainement aussi pour le droit.

Sans chercher à provoquer une controverse entre vous-même, monsieur Schellenberger, et les institutions chargées d'éclairer le Gouvernement, je me dois de vous dire, malgré tout le respect que j'ai pour vous et le Parlement, qu'entre vous et l'avis du Conseil d'État ou la décision du Conseil constitutionnel, j'ai tendance à suivre ces derniers.

En premier lieu, le Conseil d'État constate que « si la quasi-totalité des mesures prises depuis cette déclaration, notamment par le décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire et par les arrêtés du ministre de la santé du 16 octobre 2020, aurait pu être prise sur la base de la loi du 9 juillet 2020 […], il n'en est pas de même de la mesure d'interdiction des déplacements de personnes hors de leur lieu de résidence entre 21 heures et 6 heures du matin (couvre-feu) prévue par l'article 51 de ce décret du 16 octobre. »

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Vous avez déclenché l'état d'urgence sanitaire trop tôt !

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Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Vous appellerez le Conseil d'État. Je me fais seulement son porte-voix : je n'ai pas la compétence pour aller à l'encontre de cette appréciation.

Je poursuis : « Cette mesure, estimée nécessaire par le Gouvernement pour faire face à l'aggravation de la crise sanitaire, prise sur le fondement du 2° de l'article L. 3131-15 du même code – que je commence à bien connaître, hélas – ne peut être mise en œuvre sur le fondement de la loi du 9 juillet 2020 comme cela résulte de la décision du Conseil constitutionnel mentionnée au point 5.

« En deuxième lieu, sur la base de l'avis en date du 19 octobre 2020 du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-13 du même code, prenant en compte les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire, notamment les données épidémiologiques, et l'incertitude quant à l'évolution de la situation actuelle, le Conseil d'État constate une nette aggravation de la crise sanitaire. »

Cette aggravation est confirmée par l'avis du Conseil scientifique du 19 octobre.

On peut tourner les choses dans tous les sens. Si je vous présentais un texte qui n'était pas conforme aux recommandations du Conseil d'État, inspirées par le Conseil constitutionnel, vous ne seriez pas le dernier à nous taper dessus, et vous auriez raison. Je maintiens que nous sommes dans le droit. Cela dit, vous êtes commissaire aux Lois, je ne suis que ministre des solidarités et de la santé, moins familier que vous de ces questions.

Mme Avia a demandé quels étaient les indicateurs de bascule hors de l'état d'urgence sanitaire. La réponse n'est pas simple. Souvenez-vous : alors que nous étions en plein confinement depuis plusieurs semaines, un jour, le Président de la République, dans une allocution à la télévision, a annoncé que l'on déconfinerait le 11 mai ; il a anticipé de quelque deux ou trois semaines. Une audition en commission d'enquête mardi prochain sera l'occasion de réviser mes classiques…

Sur la base de l'évolution des courbes épidémiques au moment où l'on décide, du fameux facteur R de reproduction, des taux d'occupation et de la réduction de l'impact sur la mortalité dans les hôpitaux, il faut être en état d'anticiper quelle sera l'évolution à quinze jours. À ce moment, comme on veut que l'état d'urgence sanitaire dure le moins longtemps possible, on agit sitôt que l'on constate que l'on a pris une bonne courbe.

Quand le Président de la République donne un chiffre, ce n'est jamais anodin : il a dit qu'un des objectifs serait que l'on retombe en dessous de 3 000 à 5 000 malades par jour, afin d'être capable de reprendre un contact tracing efficace et d'avoir écrasé les courbes. Au 11 mai, lorsque nous avions déterminé les conditions du déconfinement, nous avions anticipé jusqu'à 3 000 ou 3 500 malades par jour et équipé en conséquence les équipes des ARS et de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) pour effectuer le traçage. Nous avions anticipé 15 ou 20 cas contacts par malade.

Lors du déconfinement, nous avons eu la bonne surprise de voir que le nombre de malades était de 800 à 900 par jour et que les cas contacts étaient moins nombreux. Si nous avions anticipé d'une semaine le déconfinement, il aurait probablement été de 4 000 ou 5 000 malades par jour. C'est notre devoir d'anticiper, de présenter les arguments, les critères.

Vous vous souvenez peut-être de cette une du journal Le Parisien qui avait fait un peu peur, dans laquelle j'avais laissé entendre que le déconfinement n'aurait peut-être pas lieu le lundi 11 mai : si nous n'avions pas eu d'indicateur garantissant de manière suffisamment solide que nous avions moins de malades que ceux que nous étions capables de tracer, nous aurions repoussé le déconfinement d'un ou deux jours. Heureusement, cela n'est pas arrivé.

S'il fallait refaire un système de primes, ce ne serait pas de la même manière. Il faut agir en urgence, de manière à la fois centralisée et décentralisée, pour toucher un maximum de personnes, mais c'est très compliqué : certains soignants ont passé une semaine dans un établissement, trois jours dans l'autre, quatre jours ailleurs encore.

La meilleure réponse pour les soignants, c'est le Ségur : on ne parle pas d'une prime de 1 000 euros mais de 220 ou 250 euros nets de plus par mois, pris en compte dans le calcul de la retraite, et désormais versés à tous les soignants de notre pays. L'impact financier est considérable. Mais vous avez raison, il faut faire attention à cet aspect des choses.

Pacôme Rupin a demandé, au-delà de la saturation des lits de réanimation, ce qu'il en était de la saturation des lits d'hospitalisation. C'est un réel problème : les prises en charge se sont améliorées, on met moins les gens en réanimation, et c'est tant mieux, mais davantage à l'hôpital.

Je discutais hier avec le directeur général de l'ARS Île-de-France – si M. Pancher était resté, il aurait vu que des informations sont données aux députés, mais il arrive parfois, lorsque je les leur livre, qu'ils ne soient plus là pour les entendre. (Sourires.) Il prévoit par exemple de transformer des lits de soins de suite et de rééducation, notamment dans le secteur privé, en lits d'hospitalisation conventionnelle, capables d'accueillir des malades non covid pour libérer des lits non covid, à l'hôpital et dans les cliniques, sur lesquels on pourrait hospitaliser des malades covid, de manière à augmenter nos capacités. C'est du travail à façon, qui se fait territoire par territoire, région par région, hôpital par hôpital, clinique par clinique.

J'ai beaucoup parlé du dépistage, un sujet qui est un peu hors champ. L'innovation, ce sont les tests antigéniques rapides, qui permettent d'avoir un résultat en une dizaine ou vingtaine de minutes, qui se déploient avec deux stratégies : l'une vise un dépistage en population asymptomatique, comme les universités, les étudiants en santé ou les EHPAD ; l'autre, le diagnostic individuel, où le test est pratiqué chez le médecin, le pharmacien, l'infirmière. Tout cela se met en place ; il faut un minimum de temps de formation, d'équipement, de commandes. Cela a commencé dans l'ensemble du territoire. Toutes les régions sont pourvues en tests antigéniques pour des opérations collectives de dépistage. Nous aurons bientôt des indicateurs de suivi. J'ai déjà signé l'arrêté qui fixe notamment les tarifs pour les libéraux qui les réaliseront.

Je maintiendrai en outre la prise en charge à 100 % par l'assurance maladie car elle était très efficace – on ne change pas une équipe qui gagne. En télémédecine, le fait de n'avoir pas à faire appel à la complémentaire santé a boosté la téléconsultation. Vous aurez peut-être noté que dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale – j'irai le défendre dès que je vous aurai quittés, et M. Gosselin sera là, comme toujours –, nous récupérons les sommes que les complémentaires santé n'auront de ce fait pas dépensées : cela représente 1 milliard d'euros pour 2020. Elles seront au minimum de 500 millions en 2021.

Je n'ai jamais dit, monsieur Kamardine, que l'outre-mer n'était pas une priorité. D'abord, parce que je ne le pense pas ; ensuite, parce que ce serait une mauvaise politique. J'ai dit que les personnes en voyage ou en déplacement depuis les territoires ultramarins n'étaient pas aussi prioritaires que des personnes symptomatiques susceptibles de transmettre le covid. Par ailleurs, les mesures obligeant à un dépistage préalable avant de se rendre outre-mer avaient été prises, à juste titre, à la demande des parlementaires ultramarins, pour protéger ces territoires. Désormais, avec les tests antigéniques, nous disposons des moyens d'amplifier notre politique de tests, d'autant que les délais se sont considérablement raccourcis, et c'est tant mieux.

Mayotte a payé un lourd tribut à la prise en charge de la crise sanitaire. Elle est sortie mi-septembre de l'état d'urgence sanitaire, parce que la situation sanitaire le permettait. Auparavant, nous pouvons nous le dire, compte tenu des capacités hospitalières, du profil populationnel, des inégalités très fortes, du niveau de pauvreté, les conséquences sanitaires pouvaient être terribles. Mayotte fait partie des territoires qui m'ont fait très peur. Les évacuations sanitaires ne peuvent pas se faire dans les mêmes conditions…

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Ce n'est pas faute de vous avoir alerté !

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Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Voulez-vous dire que les mois d'urgence sanitaire, un couvre-feu appliqué avec beaucoup plus de force que sur le reste du territoire national, c'était du flan ? Je vous le dis : ce n'était pas du flan, c'était efficace ! On peut aussi se dire les choses quand ça fonctionne !

Les Mahorais ont subi de nombreuses contraintes pour lutter avec efficacité contre la pandémie. Félicitons-nous collectivement d'avoir pu préserver ce territoire, précieux pour la République et d'avoir sauvé un nombre très important de vies. Pourquoi toujours dénigrer l'action qui a été conduite, même quand les résultats sont là ?

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Je n'ai pas dénigré votre action, mais alerté sur nos difficultés d'accès à la santé. Je vous ai posé des questions précises sur l'ouverture de pharmacies et l'extension des dispositions du code de la santé.

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Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Monsieur le député, on fera tout ce qu'il est possible de faire. J'en ai encore discuté avec la directrice générale de l'ARS de Mayotte cette semaine. Nous suivons la situation avec la plus grande attention. Les faits sont têtus. Les preuves sont là pour montrer l'attention portée au territoire que vous représentez et à sa population. Nous serons toujours de son côté.

L'état d'urgence sanitaire donne la possibilité de prendre des mesures différentes des dispositions de couvre-feu actuellement en vigueur – je ne dis pas qu'elles sont plus fortes, même si certaines le sont sans doute. C'est une possibilité. Nous faisons face aux situations telles qu'elles évoluent, avec anticipation, pour ne pas agir trop tard.

Comme médecin, comme citoyen, comme ministre, je ne peux admettre une seconde que l'on puisse considérer, à tel stade épidémique, le couvre-feu comme une mesure excessive – M. Schellenberger va croire que je lui en veux, ce qui n'est absolument pas le cas.

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Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Vous avez dit que c'était trop tôt. Précisez votre propos, si vous le souhaitez.

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Je n'ai pas dit que vous aviez décidé trop tôt un couvre-feu mais que vous aviez déclenché l'état d'urgence sanitaire trop tôt. Le fait de prendre une mesure de couvre-feu ne nécessitait pas la base juridique de l'état d'urgence sanitaire. Vous avez cité le Conseil d'État ; je peux vous citer votre propre argumentaire sur le texte précédent. C'était juridique, et non pas sanitaire.

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Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Il était préférable de le préciser, car cela m'avait surpris. Quoi qu'il en soit, je vous ai répondu sur le plan juridique.

Enfin, pour revenir à la question de M. Houlié, le Parlement sera saisi d'un projet de loi pérenne d'ici décembre ou janvier. Je remercie beaucoup la présidente de la commission des Lois, Mme Yaël Braun-Pivet, d'avoir constitué une mission d'information sur le régime juridique de l'état d'urgence sanitaire. J'ai cru comprendre qu'elle démarrerait vite, et c'est tant mieux car elle pourra éclairer notre action. C'est un travail de coconstruction ; nous n'y arriverons pas les uns contre les autres, cela n'a pas de sens. Sur un sujet aussi essentiel, nous avons besoin de nous instruire mutuellement : il s'agit tout de même de modifier durablement notre droit. Nous suivrons ses travaux de très près.

Certaines habilitations, notamment celle relative à la justice, que vous citiez, ne sont pas reprises dans le texte, car cela n'est pas nécessaire. Nous n'avons pris que celles qui étaient indispensables : elles sont suffisamment nombreuses pour ne pas avoir besoin d'en rajouter.

Je vous remercie et vous souhaite de bons travaux en commission, avant de vous retrouver dans l'hémicycle.

La réunion s'achève à 12 heures 25

Membres présents ou excusés

En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.