Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Réunion du mercredi 13 octobre 2021 à 16h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Audition de MM. Christophe Tardieu, secrétaire général de France Télévisions, Laurent Guimier, directeur de l'information, Florian Humez, directeur des relations avec les pouvoirs publics, et MM. Éric Valmir, secrétaire général de l'information de Radio France, Benjamin Amalric, responsable des relations institutionnelles, et Mme Juliette Duchemin, chargée de mission au secrétariat général de l'information.

La séance est ouverte à 16 heures 05.

Présidence de M. Xavier Breton, président.

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Nous recevons des responsables de l'audiovisuel public : M. Christophe Tardieu, secrétaire général de France Télévisions, M. Laurent Guimier, directeur de l'information, M. Florian Humez directeur des relations avec les pouvoirs publics  ; M. Éric Valmir, secrétaire général de l'information de Radio France, M. Benjamin Amalric, responsable des relations institutionnelles et Mme Juliette Duchemin, chargée de mission au secrétariat général de l'information. Nous entendrons également les responsables des principales chaînes privées. Cette audition est ouverte à la presse. Elle est retransmise en direct sur le site internet de l'Assemblée nationale et fera également l'objet d'un compte rendu. Je vous propose d'intervenir dans un propos liminaire avant de procéder aux échanges de questions et de réponses.

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Christophe Tardieu, secrétaire général de France Télévisions

France Télévisions est soumise à des obligations très précises en matière d'animation de la vie démocratique. Trois textes régissent ces obligations : l'article 4 de la Constitution de 1958 ; la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et le décret du 23 juin 2009 qui fixe le cahier des charges de France Télévisions. À ce titre, France Télévisions doit respecter plusieurs règles : l'honnêteté de l'information, le pluralisme des courants de pensées et d'opinions, ainsi que l'égalité et l'équité des candidats. Ces obligations sont contrôlées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), régulateur du secteur.

France Télévisions est résolument engagée pour assurer une information gage de sérieux, de transparence, d'indépendance et de qualité. Nous avons par exemple développé des initiatives dans la lutte contre les infox. Notre offre « vrai ou fake » a été étendue afin de lutter contre les fausses informations qui ont beaucoup circulé pendant la pandémie. Notre information est produite par des journalistes professionnels qualifiés. Nous disposons en interne des procédures de vérification de l'information. À ce titre, nous observons que l'offre d'informations de France Télévisions est mieux notée que celle de ses concurrents privés. Nous pensons que les audiences intéressantes réalisées par France Télévisions dans le domaine de l'information démontrent la confiance des Français dans la chaîne.

Notre chaîne France info, que nous avons montée avec nos partenaires de Radio France, est regardée quotidiennement par 4,8 millions de téléspectateurs. Elle a connu une forte progression de l'ordre de 33 % entre 2019 et 2020. L'offre numérique de France info attire 3,5 millions de visiteurs uniques en moyenne par jour, ce qui correspond également à une augmentation de 30 % par rapport à 2019. Les magazines de la rédaction nationale sont regardés par 16,5 millions de téléspectateurs.

Nous pensons donc assurer un rôle particulier dans la vie démocratique. Nous couvrons largement les scrutins électoraux et nous nous attachons à rendre compte des principaux débats des assemblées nationales, territoriales ou locales ce qui favorise la connaissance des institutions auprès du public.

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Laurent Guimier, directeur de l'information de France Télévisions

Nos contenus et nos productions au quotidien s'étendent sur 365 jours par an, hors ou pendant les périodes électorales. Cette production continue, sept jours sur sept, constitue une différence et une originalité du service public par rapport à d'autres médias et acteurs qui contribuent à la diffusion de l'information dans notre pays. Nous comptons différents piliers de l'information : nos journaux télévisés sur les antennes nationales et régionales, dans l'hexagone et les territoires ultramarins ; des magazines notamment d'investigations qui démontrent que nous sommes les seuls à proposer de l'enquête politique sur des chaînes généralistes. Ces enquêtes sont de formats divers. Nous pourrions les qualifier de hors les murs sur notre chaîne France info. À l'inverse, les émissions politiques sur d'autres chaînes d'information présentent quatre à six débatteurs dans un studio. Nous avons souhaité diversifier la présentation du fait politique. Notre contenu numérique annuel est constitué de 200 000 formats écrits et vidéos.

L'objectif des réseaux et de l'implantation locale de France Télévisions demeure de mailler au mieux la production de l'information sur nos territoires. Ce processus engendre des résultats intéressants, non pas en termes d'audience, mais en matière d'informations politiques. À titre d'exemple, pour les élections régionales et départementales de 2020, entre le 30 mars et le 30 juin 2020 nous avons proposé dans nos journaux télévisés régionaux 4 200 reportages et invités. Nous pensons être un vecteur essentiel de la production et de l'animation du débat local.

Le deuxième pilier concerné par cette audition concerne ce qui se déroule hors période électorale. La participation, la citoyenneté et la fabrique de l'abstention ont également cours hors des périodes électorales. Nous sommes le seul groupe qui propose une émission politique sur une chaîne généraliste chaque mois sur France 2. Chaque semaine, sur France 3, l'émission « Dimanche en politique » propose un invité à l'échelle nationale et quatorze à quinze invités en région. Cette irrigation permanente des débats au plus proche des préoccupations des citoyens et la complémentarité de la production sur nos antennes nationales constituent un pilier important de notre contribution à l'amélioration de la participation électorale.

Nous investissons beaucoup dans le numérique en termes de personnel, de masse et d'innovations. Or 10 % du futur corps électoral amené à se prononcer lors des échéances de 2022 sera primovotant. Il est évident que le territoire de conquête éditoriale l'est aussi pour celles et ceux qui se présenteront au suffrage des Français l'année prochaine. Notre capacité à déployer une offre ambitieuse sur TikTok avec des programmes spécifiques comme « La République, c'est toi » qui a une vocation pédagogique et d'information sur le déroulement de la campagne appartient à nos missions. Il ne s'agit pas d'une mode, mais d'une façon centrale de penser la production de l'information, d'apporter notre contribution à l'animation du débat et à l'amélioration de la participation électorale.

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Éric Valmir, secrétaire général de l'information de Radio France

Radio France est soumis aux mêmes règles contractuelles que France Télévisions. L'indépendance constitue aussi un gage de qualité pour les citoyens. Radio France rassemble 15 millions d'auditeurs par jour toutes chaînes confondues. Ces audiences sont historiques. Elles se sont cristallisées dans un contexte de désinformation sur la fiabilité et la vérification de l'information.

Nous réalisons des enquêtes de terrain, tandis que nous avons opté pour le temps long contrairement aux phénomènes de mode inspirés par les réseaux sociaux. Le format long est source d'audience. Les enquêtes de la cellule d'investigation sont très suivies par nos concitoyens. La cellule investigation de Radio France participe à un consortium international, ce qui lui permet de prendre part à de grandes enquêtes comme celle qui a récemment porté sur Pandora Papers.

Un autre volet auquel nous sommes attachés concerne l'éducation aux médias. Elle apparaît dans nos antennes, dans les territoires et auprès des institutions. Nous estimons que savoir débattre est primordial et souhaitons que tous les publics connaissent le débat. Les émissions de France culture, France inter et France info proposent des débats à rebours des « clashs » qui opposent deux radicalités. Nous encourageons le débat d'idées. Nous parions sur l'intelligence. Or cette stratégie s'avère fructueuse puisque nos chaînes sont particulièrement suivies. Nous disposons de plusieurs émissions politiques sur toutes les chaînes. À noter, l'effort considérable de France Bleu qui s'est attachée à monter en gamme dans l'information politique tant d'un point de vue local que national.

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Selon vous qui êtes en charge de la diffusion des émissions de campagnes officielles, serait-il souhaitable de moderniser ces productions ? La publicité politique est interdite dans notre pays. La situation devrait-elle évoluer pour que nous disposions d'un nouveau champ de communication ?

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En France, le service public remplit un rôle important dans la diffusion de l'information pluraliste. Vous avez vécu comme nous cette terrible séquence de l'abstention aux dernières élections. Cette baisse de la participation touche l'ensemble des formations politiques. L'abstention demeure un phénomène continu depuis 1974.

En avez-vous tiré des leçons particulières sur votre façon de travailler ? Que vous inspirent les réflexions des abstentionnistes qui déclarent ne pas avoir reçu d'information sur les différents modes de scrutin ? Les électrices et les électeurs sont-ils convenablement informés des enjeux des différentes élections nationales et locales ? Ces réponses que nous avons pu retirer d'un certain nombre de questionnements auprès de nos concitoyens nous préoccupent aujourd'hui.

Comment faire évoluer les messages à caractère informatif pour les rendre plus attractifs ? En 2021, 70 % des jeunes de 18 à 34 ans ne se sont pas rendu aux urnes. Cette part de la population ne consomme plus la télévision comme nous avons pu le faire au même âge. Les programmes se visionnent sur des écrans différents, selon des choix particuliers et spécifiques. Quelles sont les leçons que vous pouvez tirer de la situation ? Que pouvez-vous envisager dans le futur pour cette éducation aux médias ? Comment le service public peut-il demeurer dans son rôle afin que les citoyens opèrent un choix de manière élective ?

Comment décidez-vous de la fréquence à laquelle vous recourez aux sondages ? La communication des chiffres de l'abstention au cours des journées électorales est-elle susceptible de mobiliser ou de démobiliser l'électorat ?

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Éric Valmir, secrétaire général de l'information de Radio France

L'abstention nous conduit à nous interroger. Nous avions, pour ces élections, décidé de participer à une campagne de vidéos proposée par les législateurs. Ces spots présentaient les compétences des régions et départements. Nous avions décelé qu'il s'agissait là d'un enjeu. Toutefois, ces initiatives n'ont pas été suffisantes. L'élection est demeurée accolée à un baromètre national. Les citoyens ne connaissent pas les compétences des départements et des régions. Il s'agit d'un véritable casse-tête. Nous proposons beaucoup de pédagogie sur le terrain pour expliquer comment fonctionnent les institutions ou quelle est la valeur du vote. Le vote n'aurait-il plus de valeur ? Lorsque nous parlons de la crise de défiance envers les journalistes, nous sommes corrélés à la crédibilité politique.

Nous essayons de renforcer notre dispositif. Ainsi, nous lançons au 1er décembre 2021 un baromètre sur la connaissance de l'Union européenne. De quels outils l'Union européenne dispose-t-elle ? Quel rôle a-t-elle joué dans la crise sanitaire ? Ces sondages se traduiront par des émissions sur toutes les antennes pour répondre à ces questions et les mettre en corrélation avec les résultats des études. C'est un outil qui nous permettra de comprendre davantage le comportement électoral des Français. Nous souhaitons proposer un processus similaire en France. Il s'agira d'œuvrer dans le reportage et l'éclairage de terrain.

Concernant les sondages sur le niveau de participation au cours de la journée de vote, la communication des chiffres peut permettre de mobiliser. Ils ont une incidence sur le comportement électoral. Il me semble qu'il s'agit d'un indicateur important que nous devons conserver.

Notre sentiment est partagé s'agissant de la publicité. En fonction des chaînes, toutes n'ont pas la même opinion.

La pédagogie est très importante. Je pilote les dispositifs d'éducation aux médias de Radio France. Il existe une énergie parmi les effectifs de Radio France que nous ne retrouvons nulle part ailleurs. Beaucoup de nos journalistes, producteurs et techniciens interviennent dans les milieux scolaires. Ces interventions dépassent le cadre d'une éducation aux médias. Elles participent à l'inscription de l'élève dans un parcours initiatique. Nous travaillons avec lui sa capacité à s'émanciper et à s'exprimer. Il ne s'agit pas d'avoir confiance dans les médias, mais en soi. C'est un travail de fond et de longue haleine mené avec les enseignants, les documentalistes et les journalistes. L'éducation aux médias constitue un travail en profondeur pour comprendre ce que vivent les jeunes gens. Notre objectif demeure qu'ils sachent s'exprimer. Nous vivons au rythme de « clashs » télévisuels sur les chaînes d'informations en continu. Un débat c'est savoir écouter et argumenter. Nous devons l'enseigner aux plus jeunes, car lorsque ces éléments ne sont pas maîtrisés ils donnent lieu à des règlements de compte ou à des situations comme celle qui a conduit à la mort de Samuel Paty. Savoir débattre est un axe fondamental de la pédagogie, de même que la maîtrise des outils de la désinformation. Dorénavant, il est difficile de ne pas s'informer avec son smartphone. Il est donc nécessaire pour l'élève de maîtriser les flux d'informations afin qu'ils ne deviennent pas un handicap dans son parcours personnel. Je précise que les journalistes qui participent à cette éducation aux médias sont bénévoles, ils s'impliquent sur leur temps libre, car cette initiative ne figure pas dans le cahier des charges de Radio France ou de France Télévisions.

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Laurent Guimier, directeur de l'information de France Télévisions

Concernant la modernisation de la campagne officielle, je ne suis ni producteur ni directeur artistique. Par conséquent, je ne me prononcerai pas sur la qualité ou l'obsolescence des campagnes passées. Nous réfléchissons à nos contenus et à leur support. Il demeure possible d'examiner les modalités de diffusion et de partage des clips de campagne qui ont été pensés historiquement depuis 1965 pour la télévision. Si notre préoccupation majeure reste le déclin de la participation pour certains types de population, nous ne pouvons pas oublier que le rapport à l'information s'effectue ailleurs que sur les antennes linéaires de la télévision.

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Christophe Tardieu, secrétaire général de France Télévisions

La publicité politique est un sujet compliqué, car France Télévisions ne diffuse pas de publicité après 20 heures. Par ailleurs, il s'agit d'un sujet qui dépend d'une décision politique. Ces publicités existent dans d'autres pays. Toutefois, je ne dispose d'aucune certitude quant à leur succès. Les chaînes du secteur privé vous fourniront probablement une réponse plus appropriée en la matière puisqu'elles disposent d'un intérêt certain pour les recettes publicitaires.

Les chiffres de l'abstention demeurent préoccupants pour nous en tant que représentants de l'audiovisuel public et en tant que citoyens. Nous sommes face à un paradoxe : jamais l'abstention n'a à ce point progressé tandis que nous n'avons jamais diffusé autant d'émissions politiques. L'existence de quatre chaînes d'informations en continu est un phénomène récent. Malgré l'importance de ces médias en termes d'audience et d'impact sur la population, ils n'ont pas joué sur la participation. En dépit des décrochages en région de France 3 et de France Bleu, malgré le développement de débats et autres émissions politiques, nous ne sommes pas efficaces dans la lutte contre l'abstention.

Yann Barthès, qui intervient quotidiennement sur une chaîne concurrente, interroge désormais un seul homme politique par émission pour permettre le développement des idées. Nous ne disposons pas de solution parfaitement équilibrée et satisfaisante. Nous demeurons dans l'expérimentation permanente en matière d'exposition des débats politiques. Je ne suis pas certain que l'audiovisuel public puisse jouer un rôle structurant. Il existe des élections plus faciles à expliquer que d'autres.

Nous assistons depuis dix ans environ à une révolution des usages. Aujourd'hui, il est possible de regarder ce que nous souhaitons, quand nous le voulons, et sur l'écran de notre choix. Notre organisation traditionnelle, notre grille ne répondent plus directement à ces préoccupations. Désormais, nous devons réfléchir à la manière dont nous produisons des contenus politiques qui expliquent et permettent l'organisation de débats et leur consommation. Le rendez-vous du débat n'est pas extrêmement pertinent. Concernant les primovotants, il s'avère nécessaire d'examiner les possibilités de partenariats avec les médias qui utilisent d'autres canaux.

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Laurent Guimier, directeur de l'information de France Télévisions

Nous assistons pour une partie de la jeunesse française à une décorrélation entre les notions d'engagement et de participation électorale. Il existe de nombreuses initiatives sur le numérique à l'instar de la plateforme d'informations franco-allemande autour des questions d'environnement que nous avons lancée. Elle délivre de l'information et nous permet de comprendre les usages de cette jeunesse. L'abstention ne constitue pas un désengagement de la jeunesse de la chose politique. Mon collègue a évoqué TikTok. Nous donnons également la parole aux jeunes dans nos émissions politiques diffusées sur France info. Nous leur permettons d'intervenir en direct depuis Skype et d'échanger avec des politiques. Il s'agit d'une fonction de laboratoire, d'une action qui nous permet de comprendre l'engagement des jeunes en politique.

Il existe un ardent besoin d'éducation aux médias. C'est une bataille essentielle pour la démocratie, qui engage les pouvoirs législatifs, exécutifs et les médias. Cette question est d'autant plus urgente que le public dans son intégralité est confronté à ce qui ressemble à de l'information, mais relève de la propagande et/ou de la désinformation. La capacité que nous aurons pour faire comprendre aux jeunes la différence entre un tract et un article est essentielle. Nous disposons de moyens, d'une culture, de l'envie. Notre contribution à l'apprentissage de la lecture des médias est indispensable.

Sur un plan formel, les sondages électoraux de la rédaction de France Télévisions font l'objet d'un appel d'offres pluriannuel que nous partageons avec Radio France. La période en court se terminera en 2023. Ipsos a remporté ce marché. La gestion financière et éditoriale de ces questions est organisée en amont et de façon coordonnée avec Radio France. La fréquence des sondages est prévue en avance, ce qui nous permet de ne pas disperser nos moyens. Le choix des personnes testées est toujours effectué en accord avec le sondeur qui apporte une expertise technique fondamentale. La question des probabilités de candidatures nous amène à tester des personnalités dont des citoyens, des partis politiques ou des associations souhaitent la présentation aux élections. Nous disposons de l'expertise et du recul historique dont l'institut de sondage nous permet de profiter.

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Monsieur Christophe Tardieu, vous avez expliqué qu'il était aujourd'hui compliqué d'informer sur le fait européen. Les rédactions des chaînes privées et en partie publiques ont déserté le Parlement européen et la Commission européenne. Il existait auparavant des représentations permanentes des chaînes privées et de France 2. Seule la rédaction de France 3 est aujourd'hui présente à Bruxelles.

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Laurent Guimier, directeur de l'information de France Télévisions

Je me permets de rectifier vos propos. Concernant le traitement de l'actualité européenne, nous produisons un magazine « Nous les Européens » diffusé sur France 3 chaque dimanche matin. Sur France info, canal 27, deux heures et trente minutes d'émissions hebdomadaires sont consacrées au traitement de l'actualité européenne. S'agissant de notre présence au cœur des institutions européennes, nous disposons d'une correspondante à Strasbourg et de deux correspondants à Bruxelles. Nous avons fusionné nos rédactions : le bureau présent à Bruxelles est commun à France 2 et France 3. Il est composé de deux journalistes. En outre, nous avons nommé à Paris un rédacteur en chef des affaires européennes, François Beaudonnet, qui est chargé de coordonner notre capacité à produire de l'information et à l'injecter dans nos différentes éditions nationales afin de renforcer et d'améliorer le lien entre Bruxelles et Paris. Quatre journalistes se consacrent donc entièrement au traitement des questions européennes et à la représentation de tous les courants politiques qui concourent à l'expression de la démocratie en Europe.

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Christophe Tardieu, secrétaire général de France Télévisions

J'ajoute que nous ne raisonnons plus en termes de France 2 et de France 3. Il s'agit d'une rédaction dans son ensemble qui produit des reportages pour toutes les chaînes de France Télévisions.

Lors d'un récent colloque au Sénat sur la place de l'Europe dans les médias, j'ai usé d'une formule rapide visant à dire que nous éprouvions des difficultés pour réaliser des émissions consacrées à l'Europe, car ce sujet ne permettait pas de réaliser une audience intéressante. Votre question me permet de préciser ce point. Nos collègues des principales chaînes privées n'ont plus de correspondant à Bruxelles, alors que nous avons conservé des équipes conséquentes. Concernant l'audience, nous souhaitons demeurer de grandes chaînes généralistes qui intéressent au maximum nos citoyens aux programmes proposés. La complexité des institutions communautaires, de leurs interventions respectives, le processus d'adoption de la norme communautaire sont compliqués à expliquer aux citoyens qui décrochent vite. Peut-être n'avons-nous pas trouvé le bon format. Nous avons diffusé le discours sur l'état de l'Union de la présidente de la Commission européenne Mme Ursula von der Leyen. Nous pouvons espérer une acculturation. Nous poursuivrons nos efforts pour expliquer l'Europe, quelles que soient les conséquences en matière d'audience.

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Nous sommes très intéressés, car vous représentez une institution importante y compris en dehors de la prochaine élection qui sera nationale. Je suis étonnée, monsieur Éric Valmir, qu'au mois de décembre vous interveniez sur l'élection européenne. Pourquoi avoir choisi ce calendrier ?

Nous sommes des élus nationaux et des représentants des territoires puisque nous sommes élus dans nos circonscriptions. Nous sommes inquiets, pas au niveau national, car le débat d'idées existe. Je parle de France 3. Je suis d'Occitanie, de la Haute-Garonne en particulier. France 3 et France Bleu sont proches des élus locaux. Ce tropisme pour les élus locaux entraine pour les élus nationaux que nous sommes un défaut d'écoute et de sollicitation. Ce phénomène pose un problème au-delà de l'entrée dans l'élection nationale. Je vous rejoins : une irrigation permanente est nécessaire. Que représente pour vous le débat politique ? Comment envisagez-vous un cahier des charges ou des dispositions particulières pour renforcer l'aspect politique des choses ? Quelle place est-elle accordée aux élus nationaux et locaux pour qu'ils expriment leurs choix et leurs propositions politiques ?

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Au soir du second tour des élections régionales et départementales sur France 2, un journaliste, Laurent Delahousse indiquait : « ça fait longtemps que je n'avais pas animé de débat politique, je commence à vraiment comprendre les Français de plus en plus ». Il faisait référence à l'abstention. Quelques instants plus tard, Rachida Dati lui a répondu que la baisse de la participation électorale pouvait être également imputée aux journalistes.

En tant qu'élus, nous devons nous interroger sur notre part de responsabilité quant à l'abstention. Cette mission d'information est un outil pour réaliser cette introspection. Aucun de vous n'a évoqué la possible responsabilité que vous pourriez avoir dans l'abstention. Avez-vous une responsabilité quant à la baisse de la participation électorale ? Vous indiquiez que vous ne pourriez pas être prépondérants pour lutter contre cette abstention. Je pense à l'inverse que le service public doit travailler à informer les citoyens quant au rôle des institutions. Sur le terrain, nous faisons face à des citoyens qui ne comprennent pas les compétences des institutions. Engagez-vous une réflexion sur la façon dont le traitement de ces sujets pourrait attirer davantage d'électeurs vers le bureau de vote ?

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Je souscris aux prises de parole de mes deux collègues, quant à la difficulté éprouvée par les élus nationaux pour être pris au sérieux et intéresser les journaux locaux tels que France 3 et France Bleu.

Laurent Delahousse disait : « On ne traite plus des sujets essentiels pour les Français, mais de ceux qui font de l'audience ». N'avez-vous pas le sentiment que le traitement des élections régionales et départementales s'est opéré par le biais d'une nationalisation au détriment des enjeux locaux ? Nous avons le sentiment que ces scrutins étaient traités comme l'antichambre de l'élection présidentielle. Il me semble que la radio effectue un travail pédagogique qui est moins présent à la télévision.

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Éric Valmir, secrétaire général de l'information de Radio France

Sur France Bleu, il existait un défaut majeur, celui d'interroger l'élu uniquement en cas de polémique ou d'activité forte. Désormais, un programme quotidien présenté par Wendy Bouchard « Ma France » donne la parole aux élus des territoires. Il s'agit d'aller vers le quotidien des élus pour comprendre les enjeux de la société. Le terme « irrigation » employé par mes confrères convient parfaitement à notre cahier des charges.

Concernant le calendrier de nos programmes portant sur les questions européennes, le baromètre de l'Union européenne prend le prétexte de la présidence française. La question posée est celle de l'intervention de l'Europe dans notre vie quotidienne. Je ne trouve pas qu'il soit fastidieux d'expliquer les compétences d'une région. Tout dépend de la forme donnée à cette présentation. Parler de l'Europe au mois de décembre ne nous empêchera pas de couvrir l'élection présidentielle.

Notre responsabilité est importante. Nous travaillons sur la composition des rédactions et leur diversité. Nous avons recours à l'apprentissage, nous nous engageons contre les discriminations portant sur l'origine sociale et le handicap, et nous agissons en faveur de la ruralité. Ce processus permet d'ouvrir le champ de la composition des rédactions pour disposer d'une parole non formatée et aborder au mieux un certain nombre de sujets. Dans les sondages que nous menons avec Ipsos, nous interrogeons sur les thématiques de campagnes attendues. Nous n'oublions pas que les élections législatives succéderont à l'élection présidentielle. Ces scrutins doivent être mêlés du point de vue de leur traitement médiatique.

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Christophe Tardieu, secrétaire général de France Télévisions

Madame Murielle Roques-Etienne, je serai également provocateur en vous disant que peu importe l'émission que nous diffusons, nous ne pouvons pas obliger les téléspectateurs à la regarder. Indépendamment des efforts de pédagogie que nous effectuerons, il demeure difficile d'intéresser le public à des sujets techniques. Je souscris aux propos de mon collègue de Radio France, l'effort de pédagogie concerne la forme, le contenu et les passeurs. Dans le domaine culturel, nous pensons au rôle exceptionnel de Bernard Pivot en tant que passeur. Pour chaque thématique développée, il est nécessaire de disposer des bons passeurs. En ce sens, nous sommes particulièrement impliqués dans la formation des journalistes.

Madame Jacqueline Dubois, vous indiquez que nous n'avons pas organisé suffisamment de débats autour des élections départementales. Pourtant, deux cents débats ont été retransmis sur France 3.

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Je ne parlais pas des débats, mais de la présentation des enjeux de ces élections.

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Laurent Guimier, directeur de l'information de France Télévisions

Nous avons proposé 4 200 sujets et invités entre les mois de mars et de juin 2021.

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Les débats étaient retransmis tard le soir.

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Christophe Tardieu, secrétaire général de France Télévisions

Certains débats avaient lieu à 19 heures. Nous ne sommes pas entièrement satisfaits de ce que nous faisons ni des résultats au regard de l'abstention. Il est essentiel d'accroître la régionalisation de France 3. Nous y réfléchissons étroitement avec nos amis de Radio France pour développer nos synergies sur les antennes et sur le numérique. Il s'agit de trouver comment disposer d'une information nationale et locale capillarisée. Nous cherchons des solutions et testons des innovations. Ce dont nous allons rendre compte doit disposer d'un contenu intéressant, tandis qu'il nous revient de travailler à une présentation ludique et intéressante.

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Laurent Guimier, directeur de l'information de France Télévisions

Concernant Laurent Delahousse, je me dois en tant que directeur de l'information de dire quelques mots. Vous avez joué à la petite phrase. Laurent Delahousse a une liberté de ton qui était celle du citoyen. Il a exprimé une surprise, une exaspération. Il s'est attaché à donner la parole à tous et à maintenir le respect de la qualité du débat.

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Il n'est pas méprisable quand on est un média de chercher à rassembler du public. Au sein du service public, il existe des chaînes comme Arte avec des objectifs de production de haute qualité intellectuelle. Un des enjeux d'une grande chaîne de service public peut être de réunir de nombreux spectateurs sans en éprouver de la gêne. Comment produire un contenu de qualité qui obtient une audience importante ? Qu'entendez-vous par moderniser ? Si moderniser revient à courir derrière les chaînes privées qui visent davantage d'audimat, je ne suis pas certaine que cela tirera les spectateurs vers le haut et permettra de remplir les missions citoyennes dont nous parlons ici. La responsabilité de l'abstention revient selon moi d'abord à l'espace politique qui n'intéresse plus suffisamment les Français. La politique institutionnelle telle qu'elle est aujourd'hui crée du ressentiment, de la colère et du désintérêt. Malgré tout, vous demeurez du point de vue de l'intérêt du public et de la politique, un acteur voire un partenaire puisque vous appartenez au service public.

Vous avez évoqué l'indépendance. Pouvez-vous préciser votre pensée ? Concernant la question de la forme qui me paraît fondamentale, disposez-vous d'indicateurs en termes d'audience, du basculement de l'ère du « clash » à autre chose ? Il me semble que l'ère du « clash » s'épuise. Des débats qui permettent davantage la conflictualité, et pendant lesquels plusieurs visions du monde s'affrontent en s'écoutant prennent plus d'ampleur. Avez-vous les moyens d'observer ce changement de paradigme ? J'ai le sentiment d'une normalisation de ce que j'entends en particulier sur les ondes radiophoniques.

Je vous épargne la colère de ma famille politique à l'égard de la diversité d'idées parmi vos invités. Nous avons le sentiment de ne pas être particulièrement bien traités. Comment pensez-vous la question du pluralisme ? Les usages changent, ils sont très différents désormais. Devant ces mutations comment vous organisez-vous ? N'y a-t-il pas lieu d'imaginer un cadre avec des intellectuels, des élus, et des journalistes qui travailleraient de concert pour remédier à cette abstention massive ?

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Christophe Tardieu, secrétaire général de France Télévisions

Concernant l'indépendance des rédactions, ces dernières décident des sujets qu'elles présentent, la direction de France Télévisions n'effectue aucune intervention en la matière.

Nous réfléchissons au quotidien à la problématique de forme de nos contenus. Nous pensons que, dans le cadre de l'élection présidentielle, il serait important de disposer d'une émission dans laquelle il n'y aurait qu'un seul invité politique qui pourrait, pendant une heure et demie, développer ses idées. Nous essayons de moderniser cela avec un invité mystère, un débat…

Vous avez évoqué la culture du « clash ». Lors de la première émission que nous avons proposée en la matière, une chaîne d'informations en continu a diffusé un débat au même moment. Du coup, notre émission a perdu une importante partie de son audience.

Nous expérimentons une émission qui s'appelle le « 20 h 22 » lors de laquelle un invité politique du journal télévisé de 20 heures dispose d'une vingtaine de minutes pour exposer ses idées. Pour le moment, un seul invité est venu. Nous réfléchissons à ces nouvelles formes d'émissions politiques pour intéresser les Français. Comme vous, nous constatons une forme de désintérêt, d'indifférence ou d'hostilité face à ces programmes, que nous essayons de combattre.

Les temps de parole sont précisément décomptés par le CSA. Il existe un contrôle administratif extrêmement précis sur les équilibres de temps de parole qui peut aboutir à des interventions de notre part. Cette réglementation encadre la programmation de nos émissions et ajoute des obligations en faveur cette diversité que vous appelez légitimement.

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Laurent Guimier, directeur de l'information de France Télévisions

Effectivement, il me semble que l'ère du « clash » est derrière nous. Il existe quatre chaînes d'informations en continu. Seule France info ne propose pas ce type de programmes. Or elle a gagné 30 % de part d'audience en un an. En essayant d'offrir une narration différente de la politique, nous séduisons, notamment les jeunes. Ainsi France info est régulièrement la deuxième chaîne d'information chez les 15/49 ans. France info séduit des jeunes en proposant une politique sans « clash ».

Concernant l'audience, elle n'induit pas forcément la participation électorale. Certaines émissions à forte audience peuvent même dissuader les électeurs de se rendre aux urnes.

Nous développons à la direction de l'information un programme appelé « Démocratie » ouvert à des intellectuels et à des chercheurs. À ce stade, ce programme n'est pas accessible aux représentants de partis politiques, mais cela reste une possibilité.

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Éric Valmir, secrétaire général de l'information de Radio France

Concernant le programme « Démocratie », je suis d'accord, il s'agit d'une piste à explorer.

La question du pluralisme est très sérieuse. Le CSA nous écrit régulièrement pour des retards sur les formations politiques et requiert de notre part des justifications. Le comptage l'emporte parfois sur l'intérêt éditorial. Il arrive également que des personnalités politiques refusent des invitations.

Le ressenti est exact bien que nous ne disposions d'aucun d'indicateur quant à l'estompage de la culture du « clash ». Le débat qui semblait programmé comme une arène n'a pas pris cette forme. Les carrefours d'audience de Radio France sont les temps longs, l'interactivité, les débats d'idées. Or, comme vous le soulignez, peu de « clashs » ont lieu sur les antennes de Radio France.

J'ai parlé d'indépendance, car nous sommes attaqués ces derniers temps. Nous demeurons entre le marteau et l'enclume. Vous nous poussez à instaurer un échange plus vif, tandis que la population nous a attaqués verbalement et physiquement. Dans les manifestations anti-vaccin notamment, nous sommes régulièrement traités de « collabos », de « fascistes ». Pour certains, la radio du service public est une radio d'État. J'interviens dans de nombreux festivals et débats. Je suis souvent interpellé sur la notion d'indépendance. Par conséquent, cette notion revient aisément dans mon discours. Nous devons régulièrement rappeler notre indépendance vis-à-vis du pouvoir politique.

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Christophe Tardieu, secrétaire général de France Télévisions

Désormais, pour couvrir des manifestations, nous embauchons des gardes du corps pour nos journalistes, ce qui n'a pas empêché certains d'entre eux d'être frappés. Nos collaborateurs sont confrontés à une tension extrême.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci pour votre participation à cette table ronde.

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Je vous remercie pour ces échanges très riches.

La séance est levée à 17 heures 30.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Bruno Bilde, M. Xavier Breton, Mme Isabelle Florennes, Mme Monique Iborra, M. Gérard Leseul, Mme Jacqueline Maquet, Mme Muriel Roques‑Etienne, M. Benoit Simian, M. Stéphane Travert