Mission d'information sur le suivi des négociations liées au brexit et l'avenir des relations de l'union européenne et de la france avec le royaume-uni

Réunion du jeudi 25 janvier 2018 à 14h40

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 14 h 40.

Présidence de M. François de Rugy, président de l'Assemblée nationale, puis de Mme Marielle de Sarnez, vice-présidente

La Mission d'information procède d'abord à l'audition de Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.

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Madame la ministre chargée des affaires européennes, nous avons le plaisir de vous entendre aujourd'hui sur le suivi des négociations liées au Brexit, et sur l'avenir des relations entre l'Union européenne et la France avec le Royaume-Uni.

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Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais d'abord vous remercier pour votre invitation et pour la création de cette mission, dont le travail nous sera précieux tout au long des négociations. Comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, je suis très attachée à une bonne information du Parlement, et j'espère que cette mission offrira une enceinte privilégiée pour des échanges que je souhaite les plus ouverts possible entre nous – je reviendrai sur la notion de confidentialité, puisque nous sommes au coeur d'une négociation.

Permettez-moi de faire un point sur l'état des négociations et de revenir brièvement sur l'accord sur les sujets prioritaires de la première phase qui a été trouvé entre les négociateurs le 8 décembre dernier.

Dans les orientations adoptées par le Conseil européen le 29 avril 2017, les chefs d'État ou de gouvernement avaient défini trois sujets comme prioritaires pour l'accord de retrait : les droits des citoyens, le règlement financier, et la question de la frontière irlandaise. Les six sessions de négociation, qui se sont tenues à partir du 19 juin 2017, ont permis d'obtenir des progrès qualifiés de suffisants sur ces trois points.

Les droits des citoyens européens au Royaume-Uni – dont 300 000 Français –seront protégés : ils pourront continuer à résider, travailler, étudier dans les mêmes conditions que celles prévues actuellement, et conserver le bénéfice de l'ensemble de leurs prestations sociales. Les cours britanniques seront chargées de l'interprétation uniforme de ces droits : elles devront prendre en compte la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne – CJUE – passée, présente et future, et pourront poser à cette dernière une question préjudicielle pendant huit ans. Dans la rédaction juridique de l'accord de retrait, nous veillerons très attentivement, compte tenu des intérêts de nos citoyens au Royaume-Uni, à consolider les garanties dont ils pourront bénéficier pour le plein respect de leurs droits.

Sur le règlement financier, le Royaume-Uni a finalement accepté de prendre en charge les dépenses qui lui reviennent, à savoir sa contribution aux budgets européens jusqu'en 2020, les « reste à liquider », les passifs ou encore les retraites des fonctionnaires. Ce résultat est très positif – vous vous en souvenez, nous partions de très loin…

C'est sans doute sur l'Irlande que les résultats obtenus doivent encore être le plus consolidés. En effet, l'accord trouvé reste flou et prévoit que la question irlandaise sera traitée dans le cadre de la relation future, c'est-à-dire dans la deuxième phase de négociation, à défaut par des solutions concrètes entre Irlande du Nord et Irlande du Sud, à défaut encore par un alignement du Royaume-Uni sur les règles du marché unique et de l'union douanière, celles qui sont nécessaires à la bonne coopération entre le Nord et le Sud de l'Irlande. Que ce soit lors de la rédaction de l'accord de retrait ou pour la définition du cadre futur des relations du Royaume Uni et de l'Union européenne, nous devrons être extrêmement vigilants pour faire respecter l'intégrité du marché intérieur et de l'union douanière. Je ne vous cache pas que ce sera une partie complexe de la négociation.

Le plus difficile cependant reste à venir. Nous devons d'abord poursuivre les discussions sur l'accord de retrait et transcrire juridiquement les engagements pris. On peut espérer que ce ne sera pas insurmontable. Plusieurs sujets n'ont pas encore été abordés avec la partie britannique, ou bien n'ont fait l'objet que de négociations liminaires qui restent à consolider : on peut, par exemple, citer la question des droits de propriété intellectuelle, les procédures de marchés publics en cours, les questions douanières, ou encore la protection des données personnelles et des informations classifiées, obtenues ou traitées avant le retrait.

Nous devrons faire preuve d'une vigilance toute particulière sur la gouvernance de l'accord de retrait, pour nous assurer que le Royaume-Uni respecte pleinement ses engagements

Nous devons ensuite voir si, et comment, nous pouvons mettre en place la période de transition d'environ deux ans qui a été demandée par Theresa May lors de son discours à Florence au mois de septembre.

Le 15 décembre dernier, au vu des progrès suffisants qui avaient été réalisés sur les sujets prioritaires du retrait, les chefs d'État ou de gouvernement ont autorisé l'ouverture de négociations sur une période de transition, en ont fixé les grands principes et ont demandé au Conseil d'adopter des directives de négociation plus précises. C'est ce que nous ferons lundi au prochain Conseil Affaires générales.

Quels sont les principes de cette période de transition ?

D'une part, le Royaume-Uni devra respecter l'intégralité de l'acquis, sans exception. Nous ouvririons sinon la porte à une approche « à la carte » du marché intérieur à plus long terme, ce qui est naturellement inacceptable. Cela implique que le Royaume-Uni devra continuer à intégrer l'acquis adopté pendant cette période de transition, qu'il devra respecter les quatre libertés du marché intérieur, et appliquer les instruments et structures de l'Union en matière de réglementation, de budget, de surveillance, d'exercice du pouvoir judiciaire et de contrôle du respect des règles.

D'autre part, toujours pendant cette période de transition, le Royaume-Uni ne pourra pas participer à la prise de décision au sein des institutions, agences et organes de l'Union européenne. L'Union doit pouvoir prendre des décisions de façon autonome. Par ailleurs, elle ne peut pas devenir, de facto, un statut permanent.

Cela m'amène au troisième point : la transition doit être limitée dans le temps. La raison est financière – la date proposée est celle du 31 décembre 2020, dans un souci de cohérence avec la fin du cadre financier pluriannuel actuel auquel Londres participe – mais aussi juridique. Les arrangements transitoires doivent entrer en vigueur au 30 mars 2019 dans le cadre des accords de retrait, et le traité prévoit que ces accords ne puissent être utilisés pour conclure un accord pérenne avec un État tiers.

J'en viens au troisième et dernier axe de travail, le plus important et le plus sensible : la définition de notre relation future avec le Royaume-Uni, une fois qu'il sera devenu État tiers.

L'article 50 du Traité sur l'Union européenne précise que l'accord de retrait devra tenir compte du cadre des relations futures de l'Union européenne avec le Royaume-Uni. L'Union et le Royaume-Uni devront donc définir une conception d'ensemble partagée de ce cadre, qui sera précisée dans une déclaration politique accompagnant l'accord de retrait.

Le Conseil européen adoptera en mars prochain de nouvelles orientations relatives au cadre des relations futures. Sur cette base, la Commission présentera un projet de directives de négociation qui devra être adopté par le Conseil. Les négociations seront ensuite menées par la « task-force article 50 » de la Commission à la lumière des orientations du Conseil européen et conformément aux directives de négociation.

Dans l'intervalle, l'Union a engagé des discussions préparatoires internes à vingt-sept, à travers des séminaires du groupe de travail « article 50 » organisés par l'équipe de Michel Barnier. L'objectif de ces séminaires est de dégager, au sein des vingt-sept États membres, une conception partagée du cadre des relations futures. Ces réunions, qui ont déjà commencé, ont une dimension transversale – par exemple sur la gouvernance ou sur la concurrence loyale – ou thématique. Plusieurs séminaires se sont déroulés au cours des semaines passées, ou vont se tenir dans les semaines à venir sur la pêche, l'aviation, les questions de justice et d'affaires intérieures, la politique étrangère et la défense, les services ou encore les accords internationaux. Nous nous préparons donc, le moment venu, à commencer les négociations avec le Royaume-Uni. Nous attendons de ce dernier qu'il le soit aussi et qu'il précise sa position sur le cadre des relations futures, car c'est à lui de commencer la conversation avec l'Union européenne – comme il a été invité à le faire par le Conseil européen dans ses orientations du 15 décembre.

Sur le fond, sans entrer dans le détail de chaque coopération thématique que nous pouvons envisager à l'avenir avec le Royaume-Uni, je souhaite rappeler certains principes généraux relatifs à la relation future entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

Ces principes ont été définis par le Conseil européen dans ses orientations du 29 avril 2017 et la France partage sans réserve cette approche, comme l'a récemment rappelé le Président de la République au sommet franco-britannique de Sandhurst, ou dans son entretien à la BBC.

Premièrement, l'accord sur les relations futures devra à la fois permettre de maintenir des liens forts et constructifs avec le Royaume-Uni, partenaire essentiel de l'Union européenne, tout en garantissant une cohérence d'ensemble des statuts différenciés offerts aux États membres et aux États tiers. Cela signifie que la situation du Royaume-Uni ne pourra qu'être moins avantageuse que celle d'un État membre, ou que celle d'États tiers qui acceptent davantage d'obligations.

Deuxièmement, l'accord devra respecter l'intégrité du marché intérieur et exclure toute tentative de « cherry-picking ». Le Royaume-Uni ne pourra participer au marché unique sans en accepter toutes les conditions, sauf à en compromettre l'intégrité et le bon fonctionnement. Ces conditions sont claires : il s'agit en particulier de l'indivisibilité des quatre libertés, de la contribution au budget européen et du respect de la compétence de la Cour de justice de l'Union européenne. S'il refuse de rester dans le marché intérieur – ce n'est pas la position du gouvernement britannique, dans la mesure où l'on attend encore de connaître sa position consolidée, mais cela ressort des déclarations faites par certains de ses membres – le plus logique est que le Royaume-Uni soit lié à l'Union par un accord commercial. Le négociateur Michel Barnier l'a dit, au vu des déclarations faites par des membres du gouvernement britannique, le modèle est à ce jour celui du CETA – donc, sans les services financiers.

Troisièmement, l'accord devra respecter l'autonomie de décision de l'Union et préserver ses intérêts, notamment financiers. Il devra également comprendre des mécanismes appropriés de respect des règles et de règlement des différends, et permettre le maintien d'une concurrence loyale entre l'Union européenne et le Royaume-Uni – un « level-playing field ». Cela implique des garanties contre les mesures et pratiques qui donneraient à ce pays un avantage compétitif indu, par exemple sur le plan fiscal, social, environnemental ou touchant à la réglementation.

La tâche qui s'annonce au cours des prochains mois sera ardue. Nous nous y préparons.

Nous devons nous préparer aux conséquences du retrait, car il ne pourra y avoir ni statu quo, ni retour en arrière. Le 30 mars 2019, sauf prolongation décidée unanimement, le Royaume-Uni sortira de l'Union européenne, qu'un accord de retrait ait été conclu ou non. La période de transition nous permettra de nous adapter à notre relation future avec le Royaume-Uni, mais elle sera courte et limitée dans le temps. Il faut également nous préparer à l'éventualité d'une absence d'accord, même si, naturellement, ce n'est pas ce que nous souhaitons.

La Commission a diffusé une série de notes techniques visant à présenter ce que sera, dans les faits, la situation à la date du retrait et en cas de sortie sans accord. Ces documents, ainsi que les travaux du Parlement européen, sont particulièrement utiles dans le cadre de cette préparation pour les autorités, les citoyens, les entreprises, car le contenu détaillé de l'accord de retrait ne sera connu qu'à la fin de l'année 2018.

Nous n'avons pas conduit, au niveau national, d'études d'impact au sens où ce terme est utilisé lors de la présentation d'un projet de loi. Toutefois, le Gouvernement et l'ensemble de l'administration sont fortement mobilisés sur la question du Brexit, et ils ont mené à bien un travail d'identification des différents enjeux du retrait.

Comme je vous l'ai indiqué, monsieur le président, et vérification faite à la demande du Premier ministre avec le Secrétariat général du Gouvernement, ces documents ne peuvent être simplement transmis compte tenu de l'existence d'une négociation internationale en cours, et de la préoccupation de ne prendre aucun risque de compromettre nos positions de négociations. Toutefois, le Gouvernement est prêt à contribuer au mieux à l'information de la mission par des auditions – celle d'aujourd'hui en est un exemple – et en définissant des modalités spécifiques d'accès à des documents d'analyse sectorielle et à des études transversales réalisés par le Secrétariat général des affaires européennes – SGAE.

Je me tiens naturellement à votre disposition pour poursuivre les échanges engagés avec vous.

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Merci, madame la ministre, pour cette intervention synthétique.

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Madame la ministre, j'ai lu le document du 8 décembre. Celui-ci fait état de la position commune des négociateurs concernant les droits des citoyens européens et britanniques dans l'Union européenne, en tout cas jusqu'à la finalisation de la phase de négociation. Que se passera-t-il après ?

J'ai cru comprendre que l'on souhaitait que l'accord de retrait précise les droits des citoyens de l'Union qui seraient amenés à résider au Royaume-Uni, et qu'il était question qu'une autorité internationale indépendante, installée là-bas, garantisse l'application de ces droits. Mais à ce stade et concrètement, quelles modalités d'installation envisage-t-on, après le 30 mars 2019 ? Pourront-ils tous bénéficier du « settled status » ?

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Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Nous travaillons sur les droits des citoyens qui sont aujourd'hui installés au Royaume-Uni. Nous y avons adjoint les droits de leur conjoint ou futur conjoint, de leurs enfants et des enfants à naître. Nous sommes allés aussi loin que possible dans la garantie de ces droits. Ces citoyens européens, qui résident actuellement au Royaume-Uni, sont donc assurés de pouvoir résider, travailler, étudier et bénéficier des mêmes protections sociales après le retrait qu'aujourd'hui.

Par la suite, le Royaume-Uni, devenu un État tiers, n'aura plus les mêmes engagements. Nos concitoyens qui iraient s'installer aux Royaume-Uni seraient donc, eux aussi, traités comme les citoyens d'États tiers, comme n'importe quel autre ressortissant venant d'une autre partie du monde que de l'Union européenne. C'est évidemment la conséquence indiscutable de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Cela étant, vous avez sans doute noté la forte implication des milieux d'affaires britanniques, et le souci exprimé à très haute voix de voir le Royaume-Uni rester attractif pour une main-d'oeuvre étrangère qualifiée. Avant que nous ne parvenions à un accord sur la première phase de la négociation avec le Royaume-Uni, ces mêmes milieux avaient en effet fait part de leur crainte de voir partir des talents dont ils avaient besoin. Et c'est là tout le paradoxe de la situation auquel fait face le Royaume-Uni après le référendum : alors que celui-ci s'est beaucoup fait sur les questions migratoires et sur la présence de ressortissants étrangers, aujourd'hui, l'une des préoccupations les plus vivement affichées porte sur la capacité du Royaume-Uni à conserver et à continuer à attirer les talents de chercheurs, d'ingénieurs et de financiers européens. De ce point de vue, le gouvernement britannique consent des efforts et le discours est rassurant sur les procédures destinées aux ressortissants d'États tiers souhaitant s'établir et travailler au Royaume-Uni à l'avenir.

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Merci, Madame la ministre, pour cet état des lieux des négociations. Vous avez évoqué la date du 31 décembre 2020 pour la sortie définitive du Royaume-Uni après la période de transition. À l'occasion de rencontres avec des chefs d'entreprise, j'ai constaté qu'en fonction de leur secteur d'activité, certains souhaitaient une période de transition beaucoup plus courte, et d'autres beaucoup plus longue. La date du 31 décembre 2020 est-elle actée ? D'autres négociations sont-elles prévues ?

Par ailleurs, vous avez parlé de l'intégrité du marché intérieur. On sait que certains États avaient été tentés de négocier des accords séparés, notamment dans le secteur de la pêche. Vous avez évoqué le risque de ne pas trouver d'accord. Se pourrait-il que des États s'engagent dans des négociations bilatérales avec le Royaume-Uni ? A-t-on la garantie, notamment de la part de Michel Barnier, que cela n'arrivera pas ?

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Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Non, la date n'est pas actée. Comme je l'ai expliqué, nous plaidons pour une période de transition courte et non reconductible, et si nous réfléchissons à une date autour du 31 décembre 2020, c'est que celle-ci coïncide avec la fin du cadre financier pluriannuel actuel, dans lequel nous sommes engagés, et dans lequel le Royaume-Uni, en tant qu'État membre, est engagé. Il y a donc une certaine simplicité à arrêter les compteurs à ce moment-là.

Theresa May, dans son discours de Florence, avait sollicité une période de deux ans. Certains, au Royaume-Uni, dans les milieux d'affaires, mais aussi dans certaines administrations, réfléchissent à une période plus longue, tout simplement parce qu'ils craignent de ne pas être prêts au bout d'un an et demi ou de deux ans. Du reste, c'est le Royaume-Uni qui a sollicité la période de transition parce qu'il lui était impossible d'être prêt pour un accord sur les relations futures fin mars 2019.

Nous considérons pour notre part qu'il n'est pas souhaitable de prolonger davantage cette période de transition car transition veut dire incertitude, et que l'incertitude est notamment l'ennemie des décisions économiques. Il n'est dans l'intérêt de personne de ne pas savoir de quoi la relation future sera réellement faite, car cela empêche de prendre les décisions nécessaires.

Cela m'amène à la deuxième partie de votre question sur l'intégrité du marché intérieur. Je l'ai dit : on ne peut pas exclure le risque de ne pas aboutir à un accord. Nous travaillons activement à ce qu'il y en ait un, car c'est notre intérêt réciproque – mais pas à n'importe quel prix, naturellement.

Y a-t-il un risque que les États membres ou certaines régions de certains États membres soient tentés, de leur propre initiative, de négocier des assurances avec les Britanniques sur des secteurs précis ? La tentation peut exister. Cependant, si nous avons obtenu des résultats satisfaisants dans la première phase de la négociation, c'est justement parce que nous avons préservé l'unité des Vingt-sept. Cela a été une très grande force. C'est parce que le gouvernement britannique n'a entendu qu'une voix, celle du négociateur européen, Michel Barnier, leur repréciser les attentes de l'Union européenne, que finalement, aussi bien sur la question des droits des citoyens que sur celle du règlement financier, le Royaume-Uni est venu sur nos positions.

Cela doit nous servir de leçon pour la deuxième phase. Nous serons forts du mandat que nous confierons à un négociateur unique. Les orientations lui seront données en mars prochain.

Naturellement, le travail en cours, les séminaires qui se réunissent aujourd'hui à vingt-sept, sont destinés à mesurer et à prendre pleinement en considération les intérêts offensifs et défensifs de chacun des États membres.

Dans ce cadre, le secteur de la pêche est prioritaire pour nous. Il l'est aussi, d'ailleurs, pour tous les États pêcheurs … Parce qu'il est important pour leur économie, la France, mais aussi l'Espagne, le Danemark, la Belgique et les Pays-Bas sont extrêmement attentifs à l'avenir de la relation future dans le secteur de la pêche.

C'est une des raisons qui explique la nécessité d'une période de transition courte. On ne peut pas attendre trois, quatre ou cinq ans pour savoir ce que sera la relation future dans le secteur de la pêche. Il en va de même pour le maintien ou la sortie du Royaume-Uni de l'Union douanière. On a besoin d'avoir une position ferme et définitive sur cette question, car la sortie de l'Union douanière signifiera, qu'on le veuille ou non, quelle que soit l'intelligence que l'on mettra dans la mise en oeuvre des décisions nécessaires, le rétablissement de contrôles douaniers. Or celui-ci impliquera, en particulier pour les zones portuaires ou la sortie du tunnel sur le territoire français, des aménagements qui ne sont pas mineurs. Plus tôt nous le saurons et mieux nous pourrons nous y préparer.

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Hier, avec certains de mes collègues, au Conseil de l'Europe, j'ai eu l'opportunité de rencontrer des membres de la délégation britannique. J'ai été surpris de leur réaction. On sent bien qu'ils sont en manque d'informations, et que de notre côté, c'est plutôt hermétique. Surtout, ils ont mentionné l'hypothèse – croyance ou réelle pensée politique ? – qu'il existait une opportunité d'échapper au Brexit. Il s'agissait bien évidemment, d'une délégation britannique très pro-européenne. Est-ce possible ou non ?

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Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Méfions-nous de la pensée magique. Avant le référendum, combien d'entre nous étaient absolument certains que les Britanniques, à la dernière minute, voteraient pour le Remain ?

Aujourd'hui, on entend certains dire que, finalement, le Brexit n'aura pas lieu. Tony Blair a ainsi évoqué un deuxième référendum. J'observe que les membres de la délégation britannique que vous avez rencontrés sont des pro-européens – et c'est la raison pour laquelle ils participent à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Quant à Tony Blair, il n'est plus aux affaires.

Quoi qu'il en soit, il faudrait un courage politique considérable à un homme ou à une femme d'État britannique pour revenir devant l'électorat en disant : « Nous allons organiser un deuxième référendum ». Cela reviendrait en effet à dire : « Nous vous avons menti », « la campagne du premier référendum s'est déroulée dans des conditions discutables »…

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Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Une telle démarche serait extraordinairement difficile.

Le moins que l'on puisse dire est que, depuis les élections de juin, le gouvernement britannique est affaibli et désuni. Je vais être très honnête : nous nous sommes beaucoup préoccupés de l'unité des Vingt-sept dans la première partie de la négociation, mais nous avons surtout assisté à la désunion de notre partenaire de négociation britannique.

Donc, pour en revenir à votre question, pour qu'un gouvernement prenne la décision de solliciter le peuple britannique pour un deuxième référendum, il faudrait qu'il soit extrêmement fort ou qu'il y soit acculé, notamment du fait d'une situation économique beaucoup plus mauvaise qu'elle ne l'est aujourd'hui – l'impact du Brexit est pour le moment extrêmement faible, dans la mesure où ce dernier n'a pas encore effectivement eu lieu. Tel n'est pas le cas.

Nous regrettons le choix britannique mais nous devons le respecter et nous préparer à ce que le Royaume-Uni sorte véritablement de l'Union européenne. Naturellement, si demain, un nouveau vote devait survenir et que le Royaume-Uni décidait de rester dans l'Union, la porte reste ouverte. Je pense cependant qu'il faut se vacciner contre la tentation de croire que la raison va prévaloir. Je nous incite néanmoins à une grande prudence.

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De fait, ce débat est derrière nous. Les autorités britanniques sont sans ambiguïté quant aux leçons concrètes à tirer du référendum.

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On a beaucoup parlé des conséquences économiques du Brexit ainsi que du marché unique et de l'union douanière, mais qu'en sera-t-il du SEAE ? Le Royaume-Uni étant la deuxième puissance diplomatique, que va-t-il advenir de ce service ? D'autre part, le modèle originel du Fonds de développement européen sera-t-il remis en cause, sans la contribution britannique ?

Y a-t-il des secteurs particuliers dans lesquels les deux parties auraient avantage à régler la situation de façon anticipée, avant que la période de négociation se termine et que commence la période de transition ? Je pense en particulier à la coopération universitaire dans certains dossiers de recherche qui ne sont pas renouvelés aujourd'hui, alors que cette coopération fonctionne très bien pour les deux parties. Plus longue sera la période pendant laquelle les grands pôles universitaires britanniques – tels Oxford ou Cambridge – et européens ne pourront renouveler leurs programmes de coopération dans le domaine de la recherche fondamentale de long terme, plus les deux parties seront perdantes. Faute de l'adoption rapide d'un accord séparé de l'accord final, ces programmes partiront aux États-Unis ou en Chine.

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Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Monsieur le député, vous flattez la diplomate que je suis en évoquant le SEAE. (Sourires.) Le Royaume-Uni est un grand partenaire diplomatique et stratégique de la France – on vient à nouveau de le démontrer lors du sommet de Sandhurst – et de l'Union européenne. La concertation avec le Royaume-Uni se fait au sein de l'Union mais aussi au Conseil de sécurité. Il n'y aurait pas eu d'accord nucléaire avec l'Iran si le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne n'avaient pas été déterminés à entraîner les autres membres permanents du Conseil de sécurité à dialoguer et à négocier avec ce pays du Golfe. Cette concertation étroite va demeurer. À l'intérieur ou à l'extérieur de l'Union européenne, le Royaume-Uni restera un partenaire essentiel. Nous le souhaitons et lui aussi. Naturellement, les Britanniques ne feront plus partie du SEAE. Dans ce domaine, comme dans d'autres, ceux qui se réjouissent du départ du Royaume-Uni parlent un peu vite. Le Brexit est un appauvrissement pour le Royaume-Uni, j'en suis certaine, et pour l'Union européenne, j'en suis certaine aussi. C'est moins bien sans qu'avec. Mais je ne doute pas qu'on mettra en place des processus de coordination.

La question du FED sera traitée. À ce stade, il y a sur ce sujet, comme sur d'autres, des bruits divergents de la part des Britanniques. Certains disent qu'ils souhaitent rester dans le FED, d'autres, qu'ils veulent en sortir. C'est en tout cas l'une des raisons, pas la seule, qui justifie que le FED ne soit pas partie intégrante du budget de l'Union européenne. Si nous voulons maintenir dans ce fonds une présence britannique, il faut qu'il garde sa spécificité.

Les secteurs dans lesquels les deux parties ont intérêt à aller vite sont nombreux. Celui de la coopération universitaire et de la recherche en est un. C'est d'ailleurs l'un des premiers secteurs dont parlent les autorités britanniques. On se souviendra que le Royaume-Uni est, de loin, le premier bénéficiaire des fonds d'Horizon 2020. On pourrait aussi citer la lutte contre le terrorisme et la coopération policière et judiciaire. Le débat commence au Royaume-Uni sur le fait que les Britanniques ne pourront plus bénéficier du mandat d'arrêt européen. Il n'est évidemment pas dans notre intérêt d'avancer en ordre dispersé. Il y a des sujets sur lesquels nos intérêts sont exactement symétriques ; il en est d'autres sur lesquels ils sont asymétriques. Si on séquence les accords que l'on est capable de passer avec le Royaume-Uni sur la relation future, on voit les faiblesses que l'on risque de faire entrer dans la négociation. Bien sûr, il est envisageable, et vraisemblablement dans l'intérêt de tous, que demain, le Royaume-Uni continue à contribuer financièrement aux programmes européens de recherche et à en bénéficier. Mais c'est tout ce qu'on peut dire à ce stade.

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Vous avez évoqué l'accord de décembre qui permet d'aller de l'avant. En ce qui concerne le budget et les droits des citoyens, vous avez raison, un accord a manifestement été trouvé mais s'agissant de la frontière irlandaise, nous avons tous fait l'autruche. Devons-nous attendre mars 2019 pour trouver une réelle solution ? Quelles sont les pistes les plus réalistes ? On ne peut pas construire de mur à la Trump et demander aux Irlandais de le financer et je ne suis pas certain que des contrôles à l'extérieur de l'île d'Irlande soient acceptables pour les unionistes les plus durs. Quelles seraient les conséquences d'un désaccord sur ce point ?

D'autre part, le Parlement britannique a décidé qu'il devrait lui-même approuver les conditions du Brexit. Que se passera-t-il s'il les rejette ?

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Nous entrons visiblement dans la phase très délicate des négociations. Vous nous donnez à espérer que les Vingt-sept pourront maintenir leur unité mais pensez-vous que ce soit vraiment possible à long terme ? Quels sont les principaux points d'achoppement et de divergence entre les États membres, hormis la pêche ?

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J'aborderai le sujet autrement, avec optimisme, car c'est dans ma nature, et sous l'angle de la rapporteure spéciale du programme « Développement des entreprises et régulations » à la commission des finances. Si les acteurs économiques ont exprimé des inquiétudes quant à leur manque de visibilité dans les prochains mois, nous apprenons aussi de bonnes nouvelles. Ainsi, ce matin, la délocalisation de 4 000 postes chez JP Morgan Chase a-t-elle été confirmée. Quel est votre sentiment à l'égard des retombées positives du Brexit ? Comment la France peut-elle espérer dans les prochains mois attirer des profils, des entreprises mais aussi les acteurs à fort potentiel qui sont aujourd'hui sur le territoire britannique ?

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Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Lorsque j'ai pris mes fonctions, il m'était difficile d'imaginer que l'ensemble de la question irlandaise pourrait être traité dès la première phase. Force est de constater que ce n'était pas le cas. Le document joint de décembre sur l'Irlande est fort ambigu : ce qui se passera en mars 2019 est lié à la situation politique intérieure britannique. Une solution pour l'ensemble de l'île d'Irlande aurait pu être envisagée – solution que Theresa May avait d'ailleurs acceptée avant de devoir la rejeter parce que le Parti unioniste démocrate (DUP) ne la soutenait pas et qu'elle perdait sa majorité.

Les choses peuvent évoluer d'ici à mars 2019 mais comme on n'en sait rien, on a rédigé le document joint en des termes non conclusifs. Admettons qu'on n'arrive ni à une solution où le Royaume-Uni resterait dans l'union douanière ni à la solution initialement rejetée par le DUP, et qu'on accepte une particularité de l'île d'Irlande qui irait encore plus loin que ce qui découle des accords du Vendredi Saint. Au-delà, on en arriverait à des gros mots, c'est-à-dire qu'on en reviendrait à la notion de frontières. Comme le disait un de mes interlocuteurs me décrivant le début des discussions sur l'Irlande, c'est du Magritte puisqu'on vous dit : « ceci n'est pas une frontière » … Cela étant, cela signifiera qu'il y aura des contrôles physiques entre l'Irlande du Nord et l'Irlande du Sud. On peut sans doute faire la liste des secteurs dans lesquels les contrôles physiques seraient tellement problématiques qu'il faudra trouver des solutions créatives. Il reste qu'il est difficile d'imaginer, par exemple, que les règles vétérinaires diffèrent entre les deux parties de l'île alors que les cheptels y circulent en permanence. Il est évidemment beaucoup trop tôt pour dire quelle solution sera retenue. Nous sommes en outre dans une situation particulière puisqu'il n'y a pas de gouvernement en Irlande du Nord et qu'il est donc particulièrement difficile de mettre les choses à plat. Les Vingt-six ont été très solidaires de la République d'Irlande pour laquelle la question est existentielle mais il est hors de question de porter atteinte à l'intégrité du marché intérieur en acceptant une solution irlandaise bancale.

Le vote du Parlement britannique pose question mais le vote de l'ensemble des parlements nationaux, s'agissant de la relation future, en pose une autre. C'est la loi de la démocratie et on doit la chérir mais rien ne dit que l'accord auquel parviendront les négociateurs sera entériné de part et d'autre de la Manche. Si nous parvenons à un accord mutuellement satisfaisant, nous pouvons néanmoins espérer que l'ampleur de la tâche et la difficulté des sujets abordés donneront aux uns et aux autres envie de passer à la suite et de lever ce climat d'incertitude.

Madame la présidente Thillaye, on doit tout faire pour maintenir l'unité des Vingt-sept car c'est dans notre intérêt. Nous avons ainsi mis au point un processus aux termes duquel un mandat et des directives de négociation ont été donnés à un négociateur unique. C'est en ce moment que les Vingt-sept entre eux mettent en avant leurs préoccupations et leurs intérêts. Le jour où le mandat sera entre les mains de Michel Barnier, il faudra à nouveau une décision du Conseil pour modifier ce mandat. Bien sûr, il y a des perceptions différentes. Ainsi, les pays ayant des relations commerciales prédominantes avec le Royaume-Uni sont pressés d'arriver à un nouvel accord. D'autres pays ont un secteur financier moins développé que le nôtre.

À cet égard, madame Grégoire, la Première ministre britannique plaide pour l'inclusion des services financiers dans l'accord commercial; nous, pour l'exclusion et Michel Barnier va dans notre sens. Le manque de visibilité est en effet handicapant pour les investisseurs mais vous avez raison, nous devons aussi tirer avantage du Brexit. Certains nous accusent d'être durs en négociation parce que nous voulons en tirer des bénéfices. Bien sûr et je viens fièrement le dire devant la représentation nationale ! Nous n'allons quand même pas nous en excuser.

Nous travaillons très activement à l'attractivité de la place financière de Paris, dans la perspective du Brexit, et au-delà. Beaucoup est fait en matière de fiscalité du capital mais aussi pour attirer des talents. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : ceux qui n'iraient pas à Paris iraient à Francfort. Il faut donc se montrer plus attractif qu'elle. Cela signifie mettre l'accent sur nos atouts car l'attractivité est un tout, à Paris et dans les territoires. Ainsi, culturellement parlant, vivre à Paris présente de nombreux avantages. Notre système éducatif est également un atout. Nous sommes champions du monde de l'autocritique à l'égard de ce système mais il est attractif et nous devons faire en sorte qu'il le soit davantage encore grâce au développement des classes et lycées internationaux. De ce point de vue, l'Île-de-France est parfaitement au rendez-vous ; les décisions prises actuellement renforcent notre crédibilité. Nous devons également travailler à la simplification des démarches administratives pour les étrangers et leurs conjoints. Nous avons aussi comme atout notre système de santé. Là encore, arrêtons de nous auto-flageller et comparons les systèmes de santé britannique et français. Nous avons enfin travaillé d'arrache-pied – et la chance est venue couronner nos efforts – pour la relocalisation à Paris de l'Autorité bancaire européenne. C'est le signal que dans le secteur des services financiers, sur le continent, c'est à Paris que cela se passe.

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Madame la ministre, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il est très probable que le Royaume-Uni quittera l'Union européenne le 30 mars 2019 car mars 2019, c'est demain. J'attire néanmoins l'attention de mes collègues sur un sondage publié hier dans la presse britannique – sondage qui, je vous l'accorde, ne fait pas un référendum – et qui donne pour la première fois un écart de 10 points entre ceux qui veulent rester et ceux qui veulent sortir de l'Union, avec une majorité à 51 %.

Ma question est très simple : quelle est la position de la France concernant le reliquat de soixante-treize sièges laissé par le Royaume-Uni ?

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Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir précisé que le secteur de la pêche était prioritaire. Élu de Boulogne-sur-Mer, et compte tenu des circonstances actuelles, vous imaginez à quel point cela m'importe. En effet, 60 % du poisson pêché par les Boulonnais des Hauts-de-France viennent des eaux britanniques. Ne pourrait-on distinguer, d'une part, l'accès aux zones de pêche, et d'autre part, les contraintes techniques telles le maillage ? Or l'accès aux zones de pêche date d'il y a quarante-sept ans, soit avant l'entrée du Royaume-Uni dans l'Union européenne. De ce fait, pourrait-on imaginer que ces accords soient pérennisés et confirmés, indépendamment du Brexit ? Cela rassurerait nos pêcheurs. Je pense que mon collègue de Calais sera d'accord avec moi, même si nos pêcheurs le titillent un peu en ce moment. (Sourires)

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Je ne parlerai pas des pêcheurs de Calais, actuellement bloqués par les pêcheurs de Boulogne …

Madame la ministre, vous avez évoqué les effets bénéfiques que pourrait avoir le Brexit. Si les accords du Touquet sont de nature strictement bilatérale entre la France et le Royaume-Uni, utilisez-vous la négociation globale de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne comme levier ou comme moyen de pression pour obtenir davantage des Britanniques ? D'après nous, ce qui a été négocié la semaine dernière ne change pas grand-chose à l'affaire.

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Député du Calvados, et plus particulièrement de la ville de Bayeux – vous voyez à quoi je fais référence (Sourires) – je voulais faire observer qu'il n'y a pas que l'attractivité de Paris : il y a aussi celle de la Normandie et de ses universités de Rouen, de Caen et du Havre. De plus, certains Britanniques bénéficient de prestations de santé sur notre territoire. Il faut donc également mettre en avant la qualité de notre système de santé.

D'autre part, la délégation britannique au Conseil de l'Europe m'a fait part de ses préoccupations à l'égard de Gibraltar : qu'en est-il de cette question stratégique ?

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Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

S'agissant du reliquat des soixante-treize sièges, pour faire très simple, comme l'Union européenne sera plus petite, il faudra moins de sièges au Parlement européen. C'est la position de plusieurs États membres – que nous partageons. Mais il faut aussi profiter de cette occasion pour rétablir une répartition des sièges entre les États membres qui tienne davantage compte de notre démographie car nous avions été lésés lors de la dernière répartition, en 2013.

C'est aussi l'occasion de faire vivre un projet dont on parle depuis longtemps au Parlement européen mais qui était considéré comme irréaliste parce qu'il n'aurait pu voir le jour qu'au détriment des sièges des États membres existants : la création d'une circonscription européenne dont les députés seraient élus sur des listes transnationales. La commission compétente du Parlement européen a voté avant-hier en faveur de la répartition suivante de ces soixante-treize sièges : dix-neuf sièges seraient supprimés, vingt-sept sièges seraient consacrés au rééquilibrage démographique – ce qui permettrait à la France de récupérer cinq sièges – et vingt-sept sièges le seraient à une circonscription européenne avec des listes transnationales. L'idéal, de mon point de vue, serait de consacrer trente sièges à cette circonscription européenne car qui dit listes transnationales dit qu'on n'accorde pas d'importance à la nationalité des candidats. Or, vingt-sept sièges font quand même penser au nombre d'États membres et semblent indiquer qu'il y aura un candidat par État membre. Cette nouvelle répartition des sièges sera votée en plénière le 7 février prochain au Parlement européen et le Conseil européen informel de février doit examiner ce sujet le 23 février.

La pêche est vraiment un dossier prioritaire pour nous. Michel Barnier en est pleinement informé. Notre intérêt est de pouvoir pêcher dans les eaux britanniques, celui des Britanniques est de pouvoir écouler leurs produits de la pêche sur le marché européen. Nous avons donc des inquiétudes et des atouts dans cette négociation. L'accord bilatéral de pêche qui avait été conclu avant l'entrée du Royaume-Uni dans l'Union européenne, et que le gouvernement britannique a dénoncé il y a quelques mois, était en réalité caduc depuis l'entrée du Royaume-Uni dans l'Union européenne. Il faut donc réinventer une relation entre l'Union européenne et le Royaume-Uni dans le domaine de la pêche.

En ce qui concerne Calais et la renégociation des accords du Touquet, une étape importante – et difficile à obtenir des Britanniques – a été franchie à Sandhurst pour renforcer l'appui matériel, financier et en effectifs aux autorités françaises dans le traitement de la question migratoire dans le Calaisis. Utilise-t-on la négociation du Brexit pour améliorer encore nos cartes ? La question migratoire sera de toute façon traitée dans la relation future – j'ai évoqué les questions de coopération judiciaire et policière – mais nous avons tout de même des préoccupations et des intérêts qui doivent être examinés davantage au niveau bilatéral. La situation de Calais est unique dans l'Union européenne.

Vous me dites que l'attractivité ne concerne pas que Paris mais il me semble avoir évoqué Paris et les territoires. C'est évidemment à propos des services financiers que la question de Paris est centrale. Je tiens à vous rassurer et à aller dans votre sens : que ce soit au sommet de Versailles, lundi, ou, plus largement, dans tout le travail que nous menons au quotidien en faveur notre l'attractivité, c'est bien celle des territoires français que nous promouvons auprès des investisseurs étrangers. Les annonces qui ont été faites lundi dernier concernent un certain nombre de territoires, ayant pour atouts leurs infrastructures de transports, leurs pôles universitaires et de recherche et leurs équipements hospitaliers.

Enfin, le Conseil a reconnu que Gibraltar était une question sensible sur laquelle l'Espagne a appelé notre attention. La question n'ayant pas été réglée dans la première phase de la négociation, elle reste sur radar. Évidemment, du point de vue britannique, la récupération de Gibraltar par l'Espagne n'est pas une option. Je doute donc que la situation actuelle change beaucoup.

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Je vous remercie, madame la ministre. Avant de clore cette première audition, je voulais informer mes collègues, en votre présence, de la réponse que vous m'avez fait parvenir aujourd'hui même à un courrier que je vous avais adressé le 26 décembre. Notre mission souhaitait en effet que lui soient transmises les études d'impact du Brexit sur l'Union européenne et la France, établies par les services du gouvernement. Je ne vais pas lire l'intégralité de votre courrier dont j'enverrai copie à tous les membres de la mission. Je précise simplement que le Gouvernement proposer d'organiser la consultation par des parlementaires membres de la mission d'information, selon un mode similaire à celui utilisé pour les négociations de politiques commerciales (salle de lecture dédiée , pas de copie) en raison des risques que cela ferait courir à la négociation. Il s'agirait en l'occurrence, « des analyses sectorielles sur les conséquences du Brexit dans les divers domaines de la relation avec le Royaume-Uni » ainsi que « des notes horizontales, juridiques, produites par le Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) ou la direction des affaires juridiques du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ». Les modalités techniques concrètes seront discutées entre les services de l'Assemblée nationale et le ministère. Nous en reparlerons au sein de la mission mais peut-être pouvez-vous nous en dire un mot de vive voix.

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Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Nous sommes très attachés à ce que vous soyez pleinement informés mais aussi très vigilants car nous sommes dans le cadre d'une négociation. Par ailleurs, le négociateur a fait le choix, que nous soutenons, de publier ses mandats successifs de négociation. Nous avons commencé, avec le Secrétariat général aux affaires européennes, à rassembler les documents sectoriels et transversaux que nous vous proposons de venir consulter.

La mission d'information procède, sous la présidence de Mme Marielle de Sarnez, vice-présidente, à l'audition de Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor.

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Madame la directrice générale du Trésor, nous sommes très heureux de vous recevoir pour cette audition à huis clos, qui porte sur les conséquences juridiques, économiques, sociales, budgétaires du Brexit, en Europe, particulièrement en France.

Le nombre de secteurs potentiellement affectés est d'une grande importance. Vos services ont-ils effectué une cartographie de l'impact du Brexit ? Le cas échéant, quels secteurs sont les plus exposés ? Évidemment, la France n'est pas seule concernée, et certains États européens parlent déjà de nouer avec le Royaume-Uni les liens les plus forts possibles pour éviter des conséquences sur leurs tissus économiques respectifs. Dans quelle mesure le Brexit pourra-t-il avoir un impact différent d'un pays à l'autre ? La France est-elle particulièrement vulnérable ?

Par ailleurs, l'accord de transition et l'accord final sont l'objet de nombreux scénarios. Les avez-vous évalués ? Pour quel type d'accord commercial plaideriez-vous vous-même ?

En amont du référendum du mois de juin 2016, vos services anticipaient que l'impact du Brexit sur le Royaume-Uni serait fort et immédiat. Or le pays a su faire preuve d'une certaine résilience. À quoi attribuez-vous celle-ci ? Et quelles sont aujourd'hui vos prévisions pour l'économie britannique ?

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Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor

Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, de nous recevoir. La question qui est l'objet de cette audition nous mobilise grandement depuis un an. Nous sommes à un tournant de la négociation sur le Brexit. Jusqu'au mois de décembre, les négociations pilotées par le « groupe de travail article 50 » ont été consacrées aux modalités de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Nous abordons maintenant les discussions sur la phase de transition et les relations futures – régler les questions liées à la sortie du Royaume-Uni était évidemment un préalable nécessaire pour envisager l'après. Le Conseil européen du 15 décembre dernier a considéré que les progrès sur les différents sujets identifiés au titre du retrait étaient suffisants pour que l'on passe à la phase suivante, à savoir la négociation du cadre des relations futures et l'organisation de la période de transition, qui s'ouvrira sitôt le Royaume-Uni devenu un État tiers, au mois de mars 2019.

Au cours de la première phase, la position du Royaume-Uni a mis du temps à se stabiliser. En revanche, face au Royaume-Uni, les vingt-sept autres membres de l'Union européenne ont fait preuve d'une grande unité, d'une grande cohérence, travaillant efficacement et en bonne intelligence avec la Commission européenne.

Un enjeu majeur est évidemment de consolider cette approche au cours de la seconde phase, dont les enjeux sont encore plus déterminants. J'en citerai trois.

Premièrement, nous aurons à consolider les engagements pris par le Royaume-Uni dans la première phase, pour les inscrire dans un accord juridique de retrait qui sera soumis à la validation du Conseil et du Parlement européen. Les questions, majeures, de la facture et du droit des citoyens ont été réglées. Celle de la frontière irlandaise reste l'objet de fortes incertitudes – nous avons trouvé une rédaction qui permet d'avancer, mais, sur le fond, le problème reste entier. Il faudra être vigilant quant aux solutions qui pourront être trouvées pour mettre en place un système sans frontière visible, mais qui ne porte pas atteinte aux règles du marché intérieur.

Deuxièmement, les modalités de la phase de transition doivent être définies. Les directives de négociation vont être adoptées la semaine prochaine par le Conseil. Disons-le simplement, le principe retenu est : « tout sauf les institutions. » Tout se passe comme si le Royaume-Uni restait dans l'Union européenne, sauf qu'il n'y est plus, et ne siège plus dans les institutions. Les Britanniques devront donc appliquer l'ensemble des règles de l'Union européenne et respecter la compétence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), ils devront contribuer au budget de l'Union européenne comme s'ils en étaient encore membres, sans participer au processus de décision. Cette transition doit être d'une durée limitée et prendre fin au plus tard le 31 décembre 2020, pour éviter que se prolonge un régime particulier. Cette échéance maintient une certaine pression pour que soit adopté un régime permanent.

Troisièmement, il s'agit de définir d'ici au mois de mars 2019 les principes qui régiront nos relations futures avec le Royaume-Uni. Le Conseil européen du mois de mars prochain doit adopter des orientations de négociation et donner un nouveau mandat à la Commission. La négociation formelle d'un accord de libre-échange ne pourra, elle, commencer que quand le Royaume-Uni sera devenu un pays tiers, mais nous devrions avancer grandement auparavant. Notre priorité sera de garantir des conditions de concurrence équitable et de préserver l'unité, la stabilité financière et l'autonomie réglementaire de l'Union européenne.

Aujourd'hui, la seule option, compte tenu des principes fixés par Mme May, notamment l'objectif de sortir du marché intérieur et de l'union douanière, l'objectif de recouvrer la souveraineté législative et juridictionnelle et de pouvoir conclure des accords de libre-échange avec des pays tiers et celui de limiter la liberté de circulation des personnes, nous paraît celle d'un accord de libre-échange, sur le modèle du Comprehensive economic and trade agreement (CETA). Des réflexions se poursuivent encore au Royaume-Uni sur l'union douanière et certains paramètres, mais il convient en tout cas de clarifier le débat pour expliciter les différents modèles et les contraintes qui en résultent.

Compte tenu de l'importance de nos relations économiques avec le Royaume-Uni mais aussi pour des raisons de politique internationale ou de sécurité, notre objectif sera de maintenir des relations économiques et humaines aussi étroites que possibles. Un accord de libre-échange le permet, mais il n'offrira jamais le même degré d'intégration que l'appartenance à l'Union européenne ou au marché intérieur, qui suppose des règles identiques appliquées par des institutions communes qui assurent l'égalité des armes entre les acteurs économiques. La sortie de l'Union européenne impliquera nécessairement des barrières et des contrôles. Dans le cadre d'un accord de libre-échange, cela devrait être aussi limité que possible – c'est notre objectif – mais ce sera d'autant plus limité que le Royaume-Uni acceptera d'appliquer les règles européennes, notamment en matière de concurrence et d'aides d'État. Nous travaillons étroitement avec les acteurs économiques pour qu'ils se préparent. La possibilité que nous n'arrivions pas à nous mettre d'accord demeure. Certes, le risque d'une sortie brutale sans accord me paraît s'être fortement réduit, car nous avons beaucoup progressé sur les conditions de l'accord de retrait et la phase de transition, mais la situation politique reste compliquée au Royaume-Uni et les positions des uns et des autres sont assez différentes. Il convient donc de se préparer à tous les scénarios.

Quant à l'impact économique, nous avions anticipé, comme tous les organismes de prévision, que le référendum britannique sur le Brexit en juin 2016 aurait des effets plus immédiats et plus directs. Nous imaginions la possibilité d'un choc, qui aurait pu affecter les marchés, un choc de confiance, mais en 2016 et 2017 toutes les surprises politiques, tous les chocs exogènes ont été « absorbés » par les marchés. Il en fut ainsi, par exemple, de l'élection du président Trump. Pour l'instant, l'impact du référendum sur le Brexit sur l'activité économique est négligeable. En revanche, il a entraîné une dépréciation très importante de la livre, qui a perdu de l'ordre de 16 % depuis le référendum, et une forte accélération de l'inflation, qui atteint environ 3 % au Royaume-Uni. Cela n'est pas sans inciter la Banque d'Angleterre à envisager un resserrement de sa politique monétaire, et nous commençons à constater des premiers effets sur le pouvoir d'achat et la consommation intérieure. La croissance s'en trouvera affectée. À court terme, la dépréciation de la livre stimule les exportations, mais, sur un plan microéconomique, et sans que cela se traduise pour l'instant en termes macroéconomiques, nous constatons des changements dans certaines décisions d'investissement au Royaume-Uni.

En l'absence d'accord, le droit commun de l'organisation mondiale du commerce (OMC) s'appliquerait, et les conséquences du Brexit se feraient beaucoup plus fortes, et bien plus sensibles pour le Royaume-Uni que pour l'Union européenne. Selon nos estimations, l'impact serait dix fois plus fort sur le Royaume-Uni que sur l'Union européenne. Certes, de telles estimations sont sujettes à caution, mais tous les organismes de prévision considèrent que c'est avant tout le Royaume-Uni qui serait affecté. L'impact ne serait pas forcément le même pour tous les pays membres de l'Union européenne, inégalement exposés au commerce avec le Royaume-Uni. Le cas de l'Irlande est particulièrement notable : 16 % des exportations irlandaises sont destinées au marché britannique. Avec 7 % d'exportations à destination du Royaume-Uni, la France est plus proche de la moyenne de l'Union européenne ; des pays très ouverts comme les Pays-Bas, la Belgique, les pays du Nord sont plus exposés que nous. Quoi qu'il en soit, il importe de se préparer aux différents scénarios.

Avec l'ensemble des acteurs économiques, nous avons essayé d'évaluer filière par filière l'impact potentiel du Brexit. Certes, nous sommes moins exposés que d'autres pays au niveau macroéconomique, mais environ 500 entreprises et certains secteurs – les vins et spiritueux, l'agroalimentaire et l'automobile – seront plus particulièrement affectés par le rétablissement de barrières aux échanges, notamment le rétablissement de contrôles réglementaires. Ils le seraient encore plus si des droits de douane devaient être rétablis. Ainsi, pour le secteur automobile, le droit commun de l'OMC prévoit l'application de droits de douane élevés de l'ordre de 8 %. Or les flux, les allers-retours entre la France et le Royaume-Uni sont nombreux dans ce secteur. Il en résulterait donc un coût de frottement important. Une sortie sans accord serait préjudiciable également pour le secteur de la chimie.

Des secteurs seraient extrêmement touchés du fait de barrières non-tarifaires ou de règles d'homologation : le nucléaire, le transport aérien et le transfert de données personnelles. La levée des obstacles aux échanges dans ces trois secteurs relève non d'un accord commercial mais d'accords spécifiques, et une rupture sans accord serait particulièrement problématique.

Notre objectif serait donc de parvenir à un accord de libre-échange. Nous serions également ouverts à un accord sur le modèle norvégien : le pays reste un pays tiers à l'Union européenne mais adhère à l'Espace économique européen et participe au marché intérieur, en acceptant d'appliquer toutes les réglementations européennes, sans participer à leur définition, de reconnaître la juridiction de la Cour de justice de l'Union européenne, de se soumettre aux contrôles prévus en matière d'aides d'État, de contribuer au budget communautaire et d'accepter la libre circulation des personnes. Un accord de ce type répondrait à nos objectifs économiques mais nous paraît difficile à accepter pour le Royaume-Uni. La solution est donc sans doute un accord de libre-échange allant le plus loin possible, avec des droits de douane faibles, voire nuls, des procédures allégées et l'application la plus large possible par le Royaume-Uni des règles de l'Union européenne, mais sans aller aussi loin que l'adhésion au marché intérieur.

L'un des enjeux majeurs pour l'économie française et européenne à long terme est la question de l'équivalence des règles de concurrence. Il faut éviter que le Royaume-Uni diverge sur le plan réglementaire tout en gardant un accès plein et entier à notre marché. Un arbitrage doit être fait entre le souci à court terme de perturber le moins possible la fluidité des échanges et l'objectif de moyen terme, qui est d'éviter que notre marché français et européen reste complètement ouvert à un pays qui n'appliquerait pas les mêmes règles, ne serait pas soumis aux mêmes contraintes en matière d'aides d'État et pourrait se livrer au dumping fiscal, réglementaire, environnemental, social, etc. Les accords de libre-échange classiques sont généralement conclus avec des pays tiers dont la taille et la proximité géographique au marché européen sont bien moindres – un accord avec le Canada peut être très ouvert, car le Canada est loin et nous en sommes séparés par des barrières naturelles. Nous devons donc être particulièrement vigilants

Nous serons particulièrement vigilants aussi à propos des services financiers. Ils doivent être traités non dans un accord de libre-échange mais de façon séparée, sur la base de régimes d'équivalence, après analyse du régime juridique, du cadre juridique et des règles de supervision. C'est le dispositif en vigueur dans l'Union européenne pour tous les pays tiers en matière financière. Nous avons conclu des accords d'équivalence avec les États-Unis et le Canada. L'idée serait d'appliquer ce type de régimes, en les perfectionnant et en les renforçant un peu, avec le Royaume-Uni. C'est à notre sens la seule façon de maîtriser les risques liés à la stabilité financière propres à ce secteur. La situation est paradoxale : le Royaume-Uni a pris une place très importante en matière de services financiers au sein de l'Union européenne, jusqu'à avoir en certains domaines une position monopolistique. Pour maîtriser notre propre risque et conserver notre souveraineté, il ne faut pas nous placer en position de faiblesse en reconnaissant les normes britanniques. Un régime d'équivalence amélioré, renforcé serait une solution.

Les Britanniques caricaturent souvent la position française en prétendant que notre seul objectif est de profiter du Brexit en rapatriant de l'activité – financière ou industrielle – en France. Nous voulons évidemment être attractifs à l'heure de la relocalisation des investissements, mais nous sommes surtout très vigilants sur les règles d'équivalence et de concurrence, et sur l'intégrité du système européen, avec un ordre juridique au sommet duquel la CJUE s'assure de l'application homogène des règles communes et du caractère sain et équitable des conditions de la concurrence.

En cas de sortie brutale, nous disposons des capacités nécessaires pour que l'ensemble de l'activité financière soit traité au niveau européen, avec de très rares exceptions, principalement la compensation sur certains produits, localisée en grande partie à Londres. À très court terme, dans une situation de Brexit dur, cela pourrait poser des difficultés, mais nous pourrions y faire face en reconnaissant unilatéralement à titre temporaire l'équivalence du régime britannique pour assurer la continuité des contrats en cours.

Tels sont les enjeux. Les incertitudes quant à l'issue du processus restent nombreuses. Au cours des prochaines négociations, il s'agira de maintenir l'unité des Vingt-sept, quand bien même leurs intérêts sont plus divergents qu'au cours de la première phase et de la négociation budgétaire. Le mécanisme d'une négociation pilotée par la Commission qui rapporte très régulièrement au Conseil via un « groupe de travail article 50 » qui se réunit très souvent et travaille sur l'ensemble des sujets est de nature à favoriser cette unité, à offrir une vue globale et à défendre une position européenne harmonisée, nonobstant d'inévitables débats entre les Vingt-sept.

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Nous voyons bien les risques d'un Brexit dur, mais la durée même de la négociation d'un accord de libre-échange justifie une grande inquiétude. Nous savons combien d'années la négociation du partenariat transatlantique de commerce et d'investissement a duré, pour ne pas aboutir. Nous savons combien d'années ont été nécessaires à la conclusion du CETA. Comment donc croire qu'un accord de libre-échange entre le Royaume-Uni et les Vingt-sept pourra être conclu en moins d'un ou deux ans ? Une période d'incertitude s'ouvre, qui tient non seulement à la substance de l'accord de libre-échange mais aussi au calendrier de la négociation et de la ratification. Tout cela prendra énormément de temps. Quid de cette période ?

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La politique commerciale est largement une compétence dont les États se sont défaits au profit de l'Union européenne. Comment la direction générale du trésor envisage-t-elle donc, à cet égard, et y compris d'un point de vue institutionnel, le Brexit ? Qu'une organisation régionale elle-même membre de l'OMC voie l'un de ses membres la quitter est une première. Pensons aussi au mémorandum d'accord relatif aux règles et procédures régissant le règlement des différends. Aujourd'hui, lorsque l'Union européenne est condamnée, c'est l'ensemble des États membres qui sont condamnés. Qu'en sera-t-il des effets de la jurisprudence et des amendes que doit verser l'Union européenne ? Ma question n'est pas forcément précise, je veux simplement savoir comment la direction générale du Trésor envisagea ces questions.

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Le duty free a favorisé le trafic maritime de passagers transmanche, et la fin du duty free n'est pas étrangère à la fin de ce trafic transmanche. Avec le Brexit, le duty free sera-t-il rétabli ? Cela pourrait donner à des armateurs l'idée de revenir à Boulogne-sur-Mer…

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Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor

Madame la présidente, cette période de transition de deux ans pendant laquelle tout est gelé, si elle est acceptée par le Royaume-Uni dans les conditions fixées par les Européens, nous donnerait un peu d'air pour négocier. Nous ne serions plus dans le scénario où nous avions deux ans au total pour tout conclure. Il est vrai que toutes les négociations d'accord de libre-échange sont plus longues, qu'elles prennent des années, voire des décennies. En l'occurrence, la situation est différente : nous n'essayons pas de nous rapprocher, nous nous séparons. Je suis cependant d'accord avec vous : il y a là une incertitude. Un accord entrera-t-il en vigueur à temps ou bien devrons-nous en passer par une phase de retour au droit commun de l'OMC ? Cela aurait un effet quelque peu disruptif, qu'il convient cependant de relativiser sur le plan économique : la dévaluation de la livre a un effet supérieur à celui qu'auraient finalement les droits de douane. Sauf dans certains secteurs, comme le secteur automobile, ils auraient un impact marginal. Cela dit, nous avançons pas à pas. Dès lors que nous savons vers quoi nous nous dirigeons, il est possible que des passerelles soient mises en place, au-delà de la phase de transition et jusqu'à la mise en place de l'accord définitif – ce que nous appelons le phasing in. En revanche, il ne serait pas évident de prévoir dès à présent une phase de transition de cinq ans, notamment pour des raisons politiques, car cela signifie que le Royaume-Uni devrait continuer de contribuer au budget européen et d'appliquer l'ensemble des règles de l'Union européenne pendant cinq ans. L'incertitude n'en est pas moins réelle, je le reconnais.

Effectivement, c'est la première fois qu'un État membre d'une organisation régionale elle-même membre de l'OMC quitte cette organisation régionale. Aujourd'hui, nous notifions à l'OMC en tant qu'Union européenne des contingents d'importation qu'il faut déconsolider, pour en retrancher la part du Royaume-Uni. Il faut que les autres pays l'acceptent. Le processus, effectivement tout à fait inédit, est en cours. Cette question des contingents est tout à fait majeure au moment où le Royaume-Uni deviendra un membre de l'OMC comme un autre.

Les duty-free reprendront-ils leur place ? J'avoue ne pas pouvoir répondre à votre question de façon précise, mais je le pense, dans la mesure où le Royaume-Uni ne sera plus dans le marché intérieur et sera considéré comme un pays tiers.

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Madame la directrice, le Royaume-Uni est un partenaire exceptionnel pour la France puisqu'il était, en 2016, son cinquième client. Il s'agit aussi du premier excédent commercial bilatéral, avec un solde positif de 12 milliards d'euros. Depuis l'engagement du Brexit en 2017, on constate que les importations du Royaume-Uni ont fortement augmenté et que notre solde commercial s'est effondré de près de 5 milliards. Cela est-il lié à un rapatriement des stocks de la part des grands groupes, et dans quels secteurs ?

Par ailleurs, ma circonscription accueille un site de production d'Airbus. Quel pourrait être l'impact du Brexit sur les résultats de l'entreprise ?

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Merci, madame la directrice, d'avoir dressé un portrait aussi complet de la situation. Député des Français établis en Europe du Nord, je note que le droit de la concurrence est un sujet totalement absent du débat public outre-Manche. Il ne semble pas traverser l'esprit des Britanniques que s'ils ne respectent pas le droit de la concurrence, notamment sur les aides d'État, il y aura des conséquences !

Quelques mois seulement après le référendum, Theresa May a reçu Carlos Ghosn, le patron de Nissan. Ce dernier est sorti du rendez-vous satisfait des assurances qui lui avaient été données. A-t-on une idée de ce qui lui a été promis ? Beaucoup d'entreprises, mais aussi des collectivités locales, essaient d'obtenir une garantie de l'État contre les effets potentiellement négatifs du Brexit. Quelles peuvent être les pistes envisagées par le Gouvernement, sachant que ces aides seraient considérées comme aides d'État par la DG concurrence, si celle-ci demeure l'autorité de concurrence dans le cadre d'un accord ?

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Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor

Madame la députée, l'évolution des échanges commerciaux de ces derniers mois est vraisemblablement de nature conjoncturelle. Les déplacements d'investissements n'ont pu avoir, à aussi court terme, un tel effet sur le commerce extérieur, mais la dévaluation de la livre sterling stimule les exportations britanniques et peut dégrader notre balance commerciale.

Pour le moment, on n'observe pas une délocalisation massive d'investisseurs et les grands acteurs industriels attendent de voir comment les choses se passent avant d'engager de nouveaux investissements. En revanche, dans le domaine financier, très régulé et nécessitant toutes sortes d'autorisations, on se prépare sérieusement à un repli dans l'Union européenne, en créant des structures juridiques, des statuts d'établissements de crédit afin d'être prêt, le moment venu, à relocaliser les activités.

Les attitudes sont donc différentes, mais cela ne se traduit pas dans le solde commercial. Oui, la Grande-Bretagne est un partenaire important ; c'est la raison pour laquelle la France a intérêt à un accord de libre-échange incluant le moins de droits de douane possible.

Monsieur le député, c'est vrai, les Britanniques sont très discrets sur le droit de la concurrence et ont intérêt à minimiser le sujet dans la négociation. On ne sait pas ce qui a été promis à Nissan – on subodore qu'il s'agit d'aides d'État, de subventions –, mais ce dossier a permis de faire prendre conscience aux pouvoirs publics et aux acteurs économiques de l'importance de l'enjeu des aides d'État et des conditions équitables de concurrence.

Les Britanniques devront dans tous les cas respecter les normes européennes sur les biens pour pouvoir les exporter vers l'Union européenne, mais la question se pose s'agissant des règles sur les processus de production (par exemple, le règlement REACH qui vise à sécuriser la fabrication et l'utilisation des substances chimiques dans l'industrie européenne). Si le Royaume-Uni se mettait à exporter sans droits de douane et sans contrôles des produits fabriqués sans respecter nos normes, nous ferions face, à moyen terme, à un important problème de concurrence. Cela risque d'être difficile sur le plan politique. Dans les accords de libre-échange conclus par l'Union européenne, la dimension des normes environnementales est peu développée s'agissant spécifiquement des processus de production.

Il en va de même pour les aides d'État : si les Britanniques commencent à subventionner massivement leurs entreprises et que cela leur donne un avantage compétitif, cela nous posera problème. D'où l'intérêt d'introduire, dans l'accord de libre-échange, des clauses qui nous permettent de réagir face à ce genre d'évolution.

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Lors du sommet franco-britannique, j'ai été surpris d'entendre un ministre de Theresa May déclarer que le gouvernement envisageait de créer, à la place de l'ECHA, une agence des produits chimiques et d'appliquer, en lieu et place de REACH, des normes équivalentes, quoiqu'un peu dégradées sur certains points. Il avait l'air de penser que cela suffirait pour pouvoir exporter. Cela me laisse sans voix – à moins qu'on lui ait indiqué que c'était une voie possible !

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Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor

Très clairement, nous voulons conditionner l'accès au marché intérieur au respect des normes européennes. Il faudra être très vigilant sur ce point.

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Madame la directrice, on entend beaucoup dire que le Brexit remet en cause la stabilité financière européenne. L'autorité bancaire européenne montre une certaine inquiétude, dans la mesure où les banques européennes seraient exposées en raison de la présence dans leur bilan d'actifs, mais aussi de passifs britanniques. On dit aussi qu'il s'agit d'une question d'engagement contractuel. Je souhaiterais que vous m'expliquiez, de façon pédagogique, les risques que le Brexit fait peser sur la stabilité financière, ainsi que sur les entreprises françaises, financées à Londres.

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Certaines banques basées à Londres s'apprêteraient à déplacer leurs activités d'investissement dans la zone euro. Seront-elles supervisées par la Banque centrale européenne ? Auront-elles le même statut par rapport à la Banque européenne d'investissement ou au Fonds européen de développement ?

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Les Britanniques expliquent que l'efficacité du financement des marchés européens, qui s'explique par la concentration dans la City des services, sera réduite du fait de leur dispersion dans plusieurs villes, comme Francfort, Paris ou New York. Cet argument tient-il en matière d'économie, ou est-il purement politique ?

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Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor

Les marchés, dans les domaines tels que le financement des entreprises, l'émission de dettes, l'émission d'actions nouvelles, existent dans l'Union à vingt-sept et ne sont pas dépendants du Royaume-Uni. Nous disposons d'une industrie financière sur la continent qui est très développée et est en mesure de répondre à la demande de nos acteurs économiques. Il existe cependant quelques activités – notamment la compensation de certains produits financiers - qui sont très concentrées à Londres. L'absence d'accord pourrait dans ce cas déboucher sur une incertitude juridique problématique sur les stocks de contrats en cours, qu'il faudrait régler. Il existe toutefois des solutions à la main de l'Union européenne, qui pourrait reconnaître de façon unilatérale l'équivalence de la régulation britannique dans ce domaine. Cela permettrait de ne pas suspendre le cadre actuel et de donner aux acteurs financiers le temps de se réorganiser.

La stabilité financière constitue un point important dans l'organisation des relations futures, car il s'agit de ne pas se retrouver dans une situation où notre coeur financier resterait à Londres, sous réglementation et supervision britanniques. En cas de difficulté, et la crise des dettes souveraines survenue en 2011-2012 l'a montré, seul l'intérêt national prévaut. Il n'est pas sûr que si une telle situation venait à se reproduire, le Royaume-Uni prendrait garde à nos intérêts. De telles activités, essentielles pour le fonctionnement de notre économie, ne peuvent dépendre de Londres.

En 2012, lorsque la zone euro était en très grande difficulté, la Banque d'Angleterre a augmenté les exigences de collatéral, sans prévenir les superviseurs européens et sans tenir compte des effets sur la dette des pays de la zone euro. On voit bien que ce système n'est pas tenable et trop dangereux pour l'Union.

Il est tout de même paradoxal que les Britanniques, qui souhaitent sortir de l'Union, appellent à ne pas fragmenter les marchés dans l'accord futur au motif qu'ils sont unifiés, alors que c'est précisément grâce à la construction européenne qu'ils le sont ! L'argument est difficilement recevable, aussi bien sur le plan politique que sur le plan économique : le Brexit est par nature une décision de « fragmentation » de l'Union européenne et ce ne sont pas les Vingt-sept qui en sont responsables. Certes, la relocalisation des activités réduira une partie des économies d'échelle que permettait leur concentration dans la City, et il y pourrait y voir ponctuellement des coûts additionnels. La concentration des chambres de compensation permet ainsi, dans une certaine mesure, de réduire les besoins de collatéraux, puisque les transactions se neutralisent les unes les autres. Séparer les activités peut avoir ainsi un effet sur les exigences de collatéral, mais je pense que cela restera mineur.

Il est possible que des activités se relocalisent ailleurs qu'en Europe. La City était attractive parce qu'elle desservait l'ensemble du marché européen. Avec le Brexit, les banques internationales relocaliseront leurs activités pour l'Europe en Europe, mais elles pourront installer les activités internationales à Singapour ou à New York. En tout état de cause, c'est surtout la City qui en subira les conséquences.

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Merci, madame la directrice. Il est très important que la mission d'information travaille sur les questions liées à ce futur partenariat. Il n'y a rien de pire pour les relations commerciales que l'incertitude, qui crée instabilité et désordre.

Y a-t-il d'autres questions ?

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Pourquoi les Français résidant en Grande-Bretagne se hâtent-ils d'obtenir leur naturalisation ?

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Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor

Un accord a été trouvé pour les ressortissants de l'Union européenne qui auront résidé au Royaume-Uni au moins cinq ans avant la date du Brexit. Ensuite, la libre circulation n'existera plus et les Européens seront considérés comme résidents étrangers, perdant une partie des droits liés à leur citoyenneté européenne.

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Notre prochaine réunion, jeudi 15 février, sera consacrée aux effets du Brexit sur les droits et avantages des citoyens européens et britanniques.

Il me semble, madame la directrice, que la représentation nationale devrait avoir connaissance, en toute transparence, de l'évaluation des impacts du Brexit sur les secteurs économique et financier. J'imagine que celle-ci est conduite en continu. Je ne sais pas si notre mission d'information pourra aller plus loin dans ce questionnement, mais il est important que le Parlement puisse mesurer les effets de la sortie du Royaume-uni de l'Union, afin de tenter de les corriger.

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Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor

J'ai été peu diserte sur l'aspect budgétaire. Maintenant que la question de l'accord financier global est réglée – conformément aux objectifs que nous nous étions fixés et que nous considérions comme légitimes – le dossier qui va se trouver sur la table dès le mois de février est celui du budget européen, avec la question de savoir jusqu'à quel point les États membres devront compenser la perte de ce contributeur net qu'est le Royaume-Uni.

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Il conviendra aussi, madame la présidente, de suivre l'impact politique du Brexit. Nous sommes dans une situation schizophrénique dans la mesure où, plus le succès de l'accord de libre-échange avec les Britanniques sera grand, plus les pays souhaitant emprunter la même voie seront nombreux. Nous cheminons sur une ligne de crête, et l'équilibre sera assez compliqué à trouver.

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Il est évident que si l'on peut quitter demain l'Union et se retrouver après-demain avec tous les avantages de l'Union sans en assumer les devoirs, cela ne pourra pas fonctionner.

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Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor

Dans les discussions, les Britanniques nous accusent souvent de vouloir les punir en leur faisant payer le prix de leur sortie. Nous ne voulons simplement pas qu'ils aient le beurre et l'argent du beurre. Il est intéressant de constater qu'un pays comme le Danemark – qui ne participe pas à toutes les politiques de l'Union, à commencer par l'euro –estime que l'Union ne tiendra pas si le Royaume-Uni obtient un accord trop favorable. C'est un argument que j'oppose aux Américains lorsqu'ils nous disent de prendre garde à la fragmentation : si nous sommes trop flexibles, il n'y aura plus d'Union européenne.

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C'est là toute l'ambiguïté : l'accord ne doit pas être trop favorable, il ne doit pas nous être défavorable. Nous devons trouver le bon équilibre.

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Les sondages, notamment au Danemark et en Pologne suggèrent que la partie de la population qui était plutôt favorable à une sortie de l'Union considère désormais que c'est une mauvaise idée.

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Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor

Attendons que l'accord soit conclu !

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Ajoutons qu'il faudra garder l'unité des Vingt-sept pour les futures négociations commerciales, et cela ne sera pas simple non plus !

Madame la directrice, merci d'avoir répondu à notre invitation et merci à ceux qui vous ont accompagnée.

La séance est levée à 16 h 50.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Bertrand Bouyx, Mme Christelle Dubos, M. Pierre-Henri Dumont, M. Fabien Gouttefarde, Mme Olivia Gregoire, Mme Christine Hennion, M. Alexandre Holroyd, Mme Marie Lebec, Mme Constance Le Grip, Mme Martine Leguille-Balloy, M. Jacques Marilossian, M. Jean-Pierre Pont, M. François de Rugy, Mme Marielle de Sarnez, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye

Excusés. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Paul Christophe, M. Julien Dive, M. Sébastien Jumel, Mme Marietta Karamanli, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Vincent Rolland