Mission d'information sur la résilience nationale

Réunion du mardi 30 novembre 2021 à 18h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • citoyenne
  • cognitive
  • militaire
  • résilience
  • volontaire
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La réunion

Source

MISSION D'INFORMATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS SUR LA RÉSILIENCE NATIONALE

Mardi 30 novembre 2021

La séance est ouverte à dix-huit heures trente

(Présidence de M. Alexandre Freschi, président de la mission d'information)

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous avons le plaisir d'accueillir M. Brice de Gliame, président de l'association Résilience citoyenne, accompagné par Mme Isabelle Hugues de Segonzac et M. Stéphane Rivière membres du bureau, et par Mme Séverine Dieval et M. Amaï Goudiaby bénévoles de l'association.

L'association Résilience citoyenne a déjà été entendue par la mission d'information de la commission de la défense sur les réserves. Notre collègue M. Christophe Blanchet, membre de la présente mission consacrée à la résilience nationale, écrivait dans son rapport : « Les bénévoles de l'association Résilience citoyenne, composée d'anciens militaires, de gendarmes d'active, de réservistes militaires, entre autres bénévoles […] ont assuré, dans le cadre d'une convention signée avec l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le brancardage de patients, le nettoyage et le convoyage de linge, la préparation des dépouilles avant présentation aux familles dans les chambres mortuaires ainsi que le nettoyage et la désinfection des chambres et lieux de soins des hôpitaux auxquels ils étaient affectés. »

À la lumière de votre retour d'expérience, M. Christophe Blanchet regrette « le manque d'information dont souffre la population en général sur le volontariat et l'engagement ainsi que la frustration croissante d'une partie des citoyens qui voudraient être utiles, mais ne trouvent pas d'engagement adapté à leur disponibilité ».

Nous serons donc heureux de vous entendre sur les actions que vous menez, sur la conception de la résilience que vous développez et sur les pistes que vous pourriez nous suggérer.

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Brice de Gliame, président de l'association Résilience citoyenne

Nous sommes membres d'une association de citoyens sur la résilience nationale, sujet que nous considérons comme vital pour l'avenir de notre nation.

Nous intervenons ici, non pas comme des personnes de savoir, mais comme des citoyens engagés, ayant vécu des expériences parfois très intenses émotionnellement et pouvant en témoigner.

Je souhaite remercier chaleureusement les volontaires venus en renfort des équipes hospitalières depuis le début de la crise sanitaire, ainsi que les citoyens, notamment mes camarades de la réserve citoyenne, qui ont, depuis 2004 et jusqu'à ce jour, contribué à nos réflexions et à nos actions expérimentales.

Trois temps forts ont contribué à la création de l'association Résilience citoyenne, fondée en 2018 par et pour des citoyens, sur la base des expériences civiles et militaires de ses créateurs ici présents. L'objectif de notre association est d'expérimenter de nouvelles formes de réflexions et d'actions pouvant contribuer à la résilience nationale. Notre organisation est le fruit d'années de travail sur le terrain en tant que collaborateurs bénévoles du service public.

Dans un premier temps, de 2004 à 2010, nous avons créé et mené le projet « Mémento » . Il consistait à transposer des méthodes de raisonnement issues des armées à nos petites et moyennes entreprises françaises pour les aider à faire face à une concurrence internationale de plus en plus hostile. Cinq mémentos – sur le renseignement, la planification, la protection et la sécurité de l'information, l'aide à la décision et l'influence – ont été élaborés par un collectif d'acteurs publics et privés, civils et militaires, réunis autour d'une charte de coopération signée le 16 juin 2005, aux Invalides, en présence et sous l'impulsion du gouverneur militaire de Paris . Ils ont été diffusés gratuitement aux acteurs concernés.

Dans un deuxième temps, de 2016 à 2020, en lien étroit avec l'état-major de la zone de défense de Paris, des stages de sensibilisation à la menace terroriste et au secourisme d'urgence ainsi que des stages d'acculturation et de cohésion ont été réalisés pour des réservistes citoyens.

Enfin, en septembre 2018, un grand colloque fut organisé à l'École militaire sur le rôle du citoyen dans la défense et la résilience de la nation. La secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) en assura l'inauguration, qui fut suivie d'une allocution vidéo du ministre de l'éducation nationale. La première table ronde a permis à des représentants de la Suisse et du Sénégal d'apporter leur retour d'expérience sur l'implication du citoyen dans la défense et la résilience de leur pays. La seconde a réuni plusieurs représentants d'institutions françaises qui présentèrent leur perception de la situation en France et du rôle du citoyen dans la résilience nationale. La conclusion de ces divers échanges, qui fut prononcée par l'animateur du colloque, peut se résumer en ces termes : « Le chemin à parcourir pour amener la résilience de la nation française à son meilleur niveau sera long. Il passera, bien sûr, par l'école de la République et il suppose que le pouvoir politique favorise sans plus tarder l'engagement massif des citoyens. »

C'est ainsi que notre association Résilience citoyenne devint un instrument potentiel pouvant être utile au service de cet engagement. Elle fut sollicitée en mars 2020, à la suite de l'appel du président de la République et après avis de l'autorité militaire de rattachement, pour répondre aux besoins des hôpitaux en demande de renforts volontaires afin de soutenir logistiquement et moralement les équipes soignantes.

En une année de crise sanitaire, nous avons apporté 2 500 heures de renfort volontaire, de jour comme de nuit, pendant les week-ends et les jours fériés, auprès d'équipes soignantes de sept hôpitaux d'Île-de-France. Ce sont près de 100 citoyens, femmes et hommes mis en sécurité juridique, sanitaire et émotionnelle, puis formés sur le terrain, en binômes avec les équipes soignantes, qui sont ainsi intervenus.

Parmi ces citoyens se trouvent des réservistes opérationnels, des gendarmes, d'anciens militaires et également des volontaires sans aucun rapport avec l'institution militaire. Ces derniers sont de tous âges, actifs ou retraités, étudiants universitaires ou issus de grandes écoles, citoyens sans emploi ou travailleurs du secteur privé ou de la fonction publique, de tout statut social, issus de quartiers favorisés ou prioritaires. Certains citoyens « renforts résilience » sont présents aujourd'hui avec nous et sont prêts à répondre à vos éventuelles questions.

Durant toute cette période, les renforts résilience poursuivaient parallèlement leurs activités professionnelles en distanciel ou sur le terrain, grâce aux autorisations obtenues. Des missions d'accompagnement bénévole ont été menées auprès d'agents hospitaliers, mais également auprès de personnes faisant partie d'états-majors, comme au sein de la cellule de crise covid du ministère de la santé. Toutefois, qu'il s'agisse d'interventions sur le terrain ou en état-major, ces citoyens n'étaient pas préparés à affronter une situation de crise sous une telle tension, d'une aussi forte intensité émotionnelle pendant une si longue période.

Dans les hôpitaux, afin de s'acculturer plus rapidement à l'environnement et aux codes hospitaliers, d'autres renforts résilience ont pu bénéficier d'un accompagnement émotionnel. Il s'agissait de troquer ses chaussures de ville pour des chaussures de sport, d'oublier le vouvoiement avec les équipes soignantes, de s'intégrer immédiatement dans les processus hospitaliers, notamment ceux de planification et de compte rendu de mission.

Notons que certains renforts craignaient d'être contaminés au contact des patients covid et de ramener le virus dans leur foyer ou sur leur lieu de travail. D'autres avaient besoin de réguler leurs émotions afin d'accomplir sereinement leur mission. En effet, les interventions au contact de patients plongés dans un coma artificiel ou de familles de patients covid décédés sont des situations qui nécessitent une mise en sécurité émotionnelle préalable tant pour soi que pour l'entourage et la mission de renfort dans sa globalité. Enfin, pour d'autres citoyens résilients participant au plan à horizon 2030, notamment ceux issus des quartiers prioritaires, il s'agissait de comprendre de manière constructive comment fonctionne l'appareil d'État. Je vous cite ici deux de leurs interrogations : « Qu'est-ce que l'Assemblée nationale ? Quel est le rôle d'un député ? ».

En conclusion, nous pouvons affirmer que cet engagement collectif fut bénéfique et fort d'enseignements. Nous en voulons pour preuve l'audition de notre association Résilience citoyenne, le 14 janvier 2021, par une mission d'information de la commission de la défense et des forces armées sur les réserves. Un rapport fut alors publié le 19 mai 2021, il précise notamment trois points que nous retenons : en premier lieu, les réserves constituent une chance dans la résilience de la nation et la cohésion nationale ; en second lieu, l'association Résilience citoyenne, qui a réuni des volontaires pour beaucoup issus des forces de défense et de sécurité, a apporté un remarquable soutien logistique et moral aux hôpitaux de l'AP-HP ; enfin, il est nécessaire de disposer d'associations agréées, capables d'animer effectivement une communauté de bénévoles.

À la suite de cette audition et du rapport que je viens d'évoquer, avec une cinquantaine d'autres citoyens, nous nous sommes posé la question suivante : est-ce le moment, pour nos institutions, de considérer le citoyen, non plus comme un risque pour notre résilience nationale, mais au contraire comme une force potentielle pouvant apporter ponctuellement un soutien à des institutions momentanément fragilisées ? Si oui, comment agissons-nous ?

Pour y répondre, Résilience citoyenne a élaboré, dès le mois de juin suivant, un plan proposant des voies et des moyens de préparation tant individuelle que collective pour faire face à l'une des menaces hybrides et majeures que les citoyens français devront affronter d'ici à la fin de cette décennie, à savoir la menace cognitive. Concernant cette dernière, Mme Florence Parly, ministre des armées, indiquait lors du forum de l'innovation de défense du 26 novembre 2021 : « Ces scénarios nous font entrevoir les possibilités d'une nouvelle forme de menace, combinant des capacités dans la manipulation de l'information, de désinformation, de cybernétique, de psychologie, d'ingénierie sociale, de biotechnologies et que l'on pourrait résumer en une sorte de nouvelle forme de guerre : la guerre cognitive. La guerre cognitive, c'est la capacité à exploiter les vulnérabilités du cerveau humain en ayant recours à toutes les méthodes que je viens de citer. » Cette menace s'assimile donc à une guerre dans laquelle l'esprit humain représente le champ de bataille. Le but est d'agir non seulement sur la pensée des citoyens, hommes, femmes ou enfants, mais également sur leurs actes.

Nous dénombrons trois risques majeurs.

Tout d'abord, dans cette nouvelle forme de combat, qu'il s'agisse d'opportunisme, de désir d'agression ou de besoin de prédation, nos adversaires utilisent leurs expertises du numérique, des sciences cognitives et des réseaux sociaux de manière non conventionnelle et intentionnelle pour façonner les émotions et les croyances de citoyens ou de communautés de citoyens. Leur but consiste à influencer les comportements du ou des citoyens au profit d'objectifs tactiques ou stratégiques, pervers ou destructeurs, ciblés sur nos concitoyens, nos institutions, notre démocratie et donc notre patrie.

Ensuite, les émotions du citoyen sont au cœur de cette guerre cognitive, à travers des réactions qui engagent à la fois le corps et l'esprit. Pour se préparer à ce nouvel espace de combat, les citoyens doivent se protéger contre toute manipulation émotionnelle intentionnelle. Pour cela, chacun doit savoir rapidement identifier ses émotions, les comprendre, les exprimer, les réguler et les utiliser. Il s'agit de mieux résister à des mécanismes de peur primaire, d'addiction ou de dépendance pouvant être activés par nos adversaires via les réseaux sociaux et l'internet sans frontières.

Enfin, un troisième risque concerne la « capture » de nos émotions par ces adversaires. Ces derniers court-circuitent et parasitent les liens, notamment émotionnels, entre le citoyen français et ses institutions. Certains diront qu'il n'existe pas réellement de lien émotionnel entre le citoyen et ses institutions. Ils ont raison et c'est justement cette faille, cette vulnérabilité que nos adversaires exploitent. En manipulant nos émotions, certains acteurs influencent déjà nos comportements, par exemple, dans le choix d'un restaurant, d'un vêtement, voire d'un vote. Ces comportements font partie de notre culture.

Or, selon nous, la culture est assurément l'un des trois piliers fondamentaux d'une nation, les deux autres étant l'instruction et la défense. Chacun de ces trois piliers a sa fonction propre. Au sujet de l'instruction et de la défense, M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation, indiquait lors du colloque « Résilience » en 2018 : « L'éducation nationale est la colonne vertébrale de la République. La défense, c'est d'une certaine manière, sa protection, sa peau, si vous me permettez l'expression. C'est l'alliance de ces deux éléments, essentiels pour l'avenir, que nous souhaitons. » La culture, quant à elle, est l'âme de la nation, porteuse de son histoire, de ses sentiments et de ses émotions.

S'il est besoin de vous prouver combien les enjeux de cette guerre cognitive sont cruciaux, je citerai une phrase de l'étude réalisée en mai 2021 par l'Imperial College de Londres et l'université Johns Hopkins pour l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) : « Lorsqu'elle est menée de main de maître, la guerre cognitive peut diviser, voire morceler, une société tout entière, à un point où celle-ci n'aurait alors plus la volonté collective de résister aux intentions de l'adversaire. Un opposant pourrait en théorie subjuguer une société sans recourir à la force brute ou à la coercition. » Autrement dit, cet adversaire pourrait mettre notre pays et ses citoyens dans un état de « coma artificiel » sans même que nous nous en rendions compte.

Il s'agit d'ailleurs d'un véritable sujet de préoccupation y compris pour l'OTAN. Ainsi, son commandant suprême allié Transformation (SACT), un général français, soulignait, dans le compte rendu de la première réunion technique sur la guerre cognitive qui s'est déroulée à Bordeaux le 21 juin 2021 : « Aujourd'hui, les progrès technologiques réalisés dans le domaine informationnel et l'hyperconnectivité dans laquelle nous vivons, rendus possibles par la numérisation des informations, démultiplient les possibilités de manipulation d'un individu ou de ciblage d'un groupe de personnes. Cette bataille des perceptions affecte tous les secteurs de la vie des sociétés et en particulier celui de la sécurité et de la défense. »

La rencontre de l'intelligence naturelle – notre cerveau – et de l'intelligence artificielle – les machines et leurs outils, les algorithmes, les réseaux sociaux – ouvre de nouvelles opportunités à l'humanité. Cependant, cette rencontre provoque également de nouvelles failles pouvant diviser et morceler notre société tout entière. La guerre cognitive est donc à considérer comme une menace d'intelligence hybride qui transforme, directement et inconsciemment, nos libertés de pensée et d'action. Elle peut impacter inévitablement la vie de nos concitoyens et la résilience de nos institutions militaires, civiles, économiques, culturelles, écologiques, sanitaires et sociales.

Pour contrer ce phénomène, nous souhaitons agir ensemble en sensibilisant d'abord les citoyens sur leur propre résilience émotionnelle afin d'augmenter celle de la nation en conséquence. En ce sens, nous mettons en place le plan Résilience et intelligence émotionnelle 2030 (RIE 2030). Son approche expérimentale rompt avec le traditionnel raisonnement selon lequel on commence par élaborer un concept, puis une doctrine pour ensuite déployer des actions . En effet, nous considérons qu'il s'agit d'abord d'expérimenter des actions. Grâce au retour d'expérience, nous actualisons les doctrines pour affiner les concepts qui bénéficient ainsi d'un éclairage actualisé du terrain. Notre objectif, dans des contextes de haute tension, consiste à mieux penser globalement pour mieux agir localement et rapidement.

Nous avons expérimenté ce raisonnement et réalisé, pendant une année, une action de mobilisation citoyenne face à une menace sanitaire. Ce type de raisonnement inversé, innovant et non conventionnel, peut permettre de faire bouger des lignes à l'intérieur d'un cadre. Toutefois, si l'action expérimentale démontre son efficacité opérationnelle, elle peut aussi déplacer le cadre lui-même et déclencher inévitablement des mécanismes de peur, avec les comportements associés – sidération, fuite, agression – chez les garants des lignes ou des cadres.

C'est ainsi que, comme le montre notre audition d'aujourd'hui ou celle de l'association en janvier dernier par la mission d'information sur les réserves, l'expérience « Renfort résilience covid » a suscité des réactions sur ce sujet vital que représente la résilience nationale.

Pour se préparer à ce combat et défendre nos libertés de pensée et d'action, le plan RIE 2030 s'articule autour du triptyque : sensibiliser, expérimenter, sécuriser. Il s'agira donc de sensibiliser à court terme les citoyens et les institutions, par le biais d'un mémento sur la résilience et l'intelligence émotionnelle. Ce document est le fruit d'une collaboration entre acteurs civils et militaires. Il a été réalisé sur le modèle de ceux déjà produits avec le ministère des armées, mais en y associant cette fois des professionnels de la santé et de la solidarité, de l'éducation, de l'économie, de la culture, de l'écologie, de la justice, de la cyberdéfense, des organisations patronales, professionnelles, consulaires et syndicales ainsi que des maires et des citoyens.

Le deuxième enjeu consistera à expérimenter, au travers d'ateliers et de modules innovants, la sensibilisation à la résilience nationale et à l'intelligence émotionnelle au profit des citoyens et de la nation. Cette expérimentation sera proposée à l'association des maires de France (AMF) pour associer maires et citoyens. Elle sera également suggérée à des collèges et lycées avec le soutien de professeurs et d'universitaires déjà avertis, ainsi qu'aux jeunes du service national universel (SNU). Les anciens et les jeunes étudiants de l'Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN) et de l'Institut des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) pourraient animer ces ateliers, en lien notamment avec les préfets, les délégués militaires départementaux (DMD) et les réserves. Ces modules seraient déclinés selon une méthode visant principalement à mieux appréhender les enjeux de défense et de sécurité ainsi que les capacités individuelles et collectives. Ce processus permettra d'anticiper au mieux, d'intégrer, de gérer la capacité de résistance à toutes agressions malveillantes intentionnelles impactant l'intégrité d'esprit et de corps des citoyens français. À cet égard, nous envisageons de tenir un colloque « Un an après » afin de présenter le retour d'expérience de cette première année, laquelle pourra déjà contribuer grandement à augmenter la résilience nationale.

Enfin, il s'agira de sécuriser, en concevant collectivement, d'une part, un concept sur la résilience de la nation intégrant la menace cognitive et, d'autre part, une politique publique de résilience et d'intelligence émotionnelle, inspirée de celle encadrant l'intelligence économique. Notre objectif est de consacrer une loi à la protection du cerveau des citoyens français.

Pour illustrer notre démarche, nous pourrions faire un parallèle avec le refrain de notre hymne national :

« Aux armes, citoyens ! » – l'arme proposée est le mémento résilience et intelligence émotionnelle ;

« Formez vos bataillons ! » – des citoyens, issus notamment des réserves, forment le 1er bataillon ;

« Marchons, marchons ! » – avançons ensemble, sans peur, citoyens et institutions, avec de nouvelles approches et actions expérimentales ;

« Qu'un sang impur… » – la part non humaine de l'adversaire ;

« Abreuve nos sillons ! » – et prive nos cerveaux de sa liberté de pensée et d'action !

Afin que ce parallèle ne reste pas lettre morte, il nous faut agir maintenant, ensemble et rapidement. Il nous faut élaborer, sous l'égide de parlementaires et du SGDSN, une charte de coopération, dans la continuité de celle signée en 2005 avec le projet Mémento. Elle posera la procédure à suivre pour sensibiliser à la résilience et à l'intelligence émotionnelle notre pays.

Notre définition de la résilience est simple et claire. Pour un citoyen, il s'agit de la conscience des risques encourus et de la capacité à agir pour y faire face. Pour résister et agir, l'émotion représente une ressource, dans la mesure où le citoyen sait bien l'éprouver, l'identifier, la comprendre, l'exprimer, la réguler et l'utiliser. Pour une nation, la résilience signifie prise de conscience collective des risques encourus et capacité à agir ensemble pour y faire face. Pour résister et agir ensemble, face aux menaces et aux crises à venir, la résilience des citoyens constitue une force.

Avant de clore cette présentation, il nous tient à cœur de vous dire que nous partageons toutes les informations sur le projet Mémento, la charte de coopération signée en 2005, les stages réalisés, l'intervention du ministre Jean-Michel Blanquer, notre plan RIE 2030, ainsi que le projet de charte de coopération 2022-2030. Si vous le souhaitez, nous mettrons à votre disposition des liens d'accès pour chacun de ces six sujets.

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Nous vous remercions pour ce que vous avez fait. J'ai noté plusieurs références historiques dans votre riche discours, notamment des paroles de Jules Michelet.

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Je vous remercie pour votre action. Dans notre analyse, à mi-parcours de cette mission d'information, nous constatons que nous disposons de moyens nationaux opérationnels assez performants. En effet, nous pouvons nous reposer sur une bonne planification avec le SGDSN, sur des moyens d'agir sur le réel grâce à nos armées, à notre sécurité civile, ou encore aux 200 000 sapeurs-pompiers volontaires. C'est ainsi que nous arrivons, globalement, à faire face aux crises importantes comme celles provoquées par les aléas climatiques. Le diagnostic est donc que l'on sait faire. En revanche, nous devons améliorer la culture de résilience. C'est en ce sens que votre association nous intéresse particulièrement. Comment combiner l'action des autorités publiques avec celle des citoyens ? En effet, en cas de crise grave, il est possible que l'action publique ne soit pas suffisante, elle devra alors être complétée par une forte prise en main des citoyens. Votre association présente l'intérêt de l'antériorité puisque vous travaillez sur ce sujet depuis 2004. Vous disposez également d'une approche large – appui aux acteurs économiques, secourisme, menace cognitive – ainsi que d'un savoir acquis.

Vous indiquez que les autorités ne doivent pas considérer le citoyen comme un risque, mais comme une force potentielle, un élément de résolution de crise. Je suis d'accord, il faut considérer le citoyen comme un élément de résolution. Cependant, je n'irais pas jusqu'à dire que les institutions considèrent le citoyen comme un risque, mais plutôt comme une personne sur laquelle on doit produire un effet.

Votre association constitue une instance de réflexion et un support pour ceux qui souhaitent s'engager. Quel est son apport à l'engagement dans des structures connues comme le service civique, la réserve opérationnelle, la Croix-Blanche, la Croix-Rouge ? Quelle est sa spécificité ? Quelle est sa réflexion doctrinale ? Percevez-vous votre association comme un modèle réplicable ou vous considérez-vous plutôt comme un think tank qui travaille sur la résilience pour produire des idées et des politiques de résilience ?

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Brice de Gliame, président de l'association Résilience citoyenne

Nous nous situons entre le concept et ce que vous avez exposé. Notre approche est expérimentale. Elle vise à éclairer les concepts. Si, en mars 2020, il nous avait été demandé quel était notre modèle cible pour apporter un soutien aux hôpitaux momentanément fragilisés, nous aurions été incapables de répondre. Notre approche privilégie l'expérimentation, puis nous mettons notre retour d'expérience à la disposition des institutions, des organisations ou des associations. Telle est notre valeur ajoutée. Notre association ne fonctionne pas sur la base d'une volonté individuelle. Nous avons l'ambition de travailler et de concevoir des solutions collectivement.

Vous évoquiez la sensibilisation des citoyens à la résilience nationale. Au préalable, un accord collectif est nécessaire sur une définition générique de la résilience, avec tous les acteurs impliqués. Si le ministère des armées acceptait de mettre à notre disposition les plateformes d'intelligence collaboratives, avec l'ensemble des acteurs, nous serions en mesure de livrer une définition générique en un mois, une définition qui serait partagée par tous. Elle serait ensuite diffusée par un mémento par l'intermédiaire des maires et des professeurs dans les écoles, les collèges et les lycées. Nous leur proposons également la possibilité de faire face aux enjeux liés à la résilience nationale par une méthode simple d'apprentissage à la gestion des émotions. Il s'agit de l'enseignement donné à nos enfants en maternelle. Avec l'appui des sciences cognitives et des chercheurs français, nous pourrions reprendre cette méthode basique d'intelligence émotionnelle et l'adapter. Elle serait couplée dans le mémento à une partie de sensibilisation aux risques et une partie apportant un mode opératoire pour que le citoyen se protège. Ce document serait un support de mobilisation.

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Vous avez fait état de votre action auprès des hôpitaux dans le cadre de la crise sanitaire. Pouvez-vous témoigner de ces réalisations concrètes ? Comment vous êtes-vous intégrés dans les hôpitaux en tant que civils ? Quel accueil vous a-t-il été réservé ? Administrativement, comment avez-vous pu mettre en place vos services auprès du personnel soignant ? A-t-il existé des blocages ? Existe-t-il des problèmes statutaires ? Votre aide a-t-elle été refusée par certains hôpitaux ?

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Brice de Gliame, président de l'association Résilience citoyenne

Nous avons reçu un réel soutien du secteur de la santé, qui nous a apporté les conditions nécessaires pour l'accueil et l'intégration des renforts résilience dans les hôpitaux. Un processus d'intégration a été mis en place avec, en premier lieu, une formation de sécurité à l'hôpital. Ensuite, les renforts résilience ont été mis en sécurité juridique : ils ont signé un contrat avec les directions des ressources humaines hospitalières pour bénéficier d'un encadrement identique à celui des agents hospitaliers. Ces renforts résilience intégraient ainsi le cadre juridique de l'AP-HP. Les volontaires ont signé des conventions de bénévolat, ou des contrats à durée déterminée, afin de respecter la volonté des syndicats. Par la suite, ces volontaires ont été placés en sécurité sanitaire avec les équipes d'hygiénistes des hôpitaux. Ils ont ainsi appris à s'habiller, à se laver les mains et à assurer l'ensemble des gestes permettant de garantir leur sécurité sanitaire et celle des autres. Pour les renforts placés en zone rouge, c'est-à-dire dans les zones à forte intensité émotionnelle – chambre mortuaire –, il était impératif d'assurer leur sécurité émotionnelle. En conséquence, avec les cellules d'urgence médico-psychologiques, nous avons mis en place un protocole au terme duquel des psychologues accompagnent préventivement et soutiennent les différents renforts volontaires.

La santé est un pilier. Les directions et les collaborateurs des services de soins, de qualité, de sécurité, de communication et de ressources humaines se sont immédiatement impliqués. Cette proximité avec le personnel hospitalier nous a permis de mesurer directement sur le terrain le sens et la solidité de son engagement au service du public. Lorsqu'une cadre, présente, à plein temps en chambre mortuaire, s'effondre dans son service et vous explique qu'elle ne dort plus, mais qu'elle se reprend rapidement pour retourner à son poste, son désarroi et son courage sont à l'image du comportement exemplaire de l'ensemble des agents des hôpitaux que nous avons rencontrés.

Nous avons reçu un soutien important du secteur de la santé avec la venue du directeur général de l'AP-HP, lui-même accompagné du directeur des ressources humaines de l'hôpital Henri-Mondor, que je remercie pour son soutien sans faille pendant cette année sous tension. Le 8 mai au matin, nous étions cinq renforts résilience et deux personnels soignants en chambre mortuaire. Une accalmie passagère nous a permis de partager un café avec le directeur général de l'AP-HP et le directeur des ressources humaines. Tous deux avaient pris le temps, en ce jour férié, de venir sur le terrain. Cela représentait un soutien pour les équipes en place et ce moment a contribué à la cohésion mutuelle des renforts résilience et du personnel hospitalier.

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Amaï Goudiaby, bénévole de Résilience nationale

Concernant le processus d'intégration, j'ai commencé mon volontariat à la mi-mai en tant que brancardier. Le nombre de brancardiers était insuffisant pour conduire les patients potentiellement atteints du covid-19 en imagerie afin de réaliser un scanner des poumons. Cette radio venait compléter le diagnostic établi à la suite d'un test PCR, afin de confirmer le cas de covid-19. En raison de ce manque de brancardiers, les patients patientaient longtemps dans les services d'urgence et je me suis, à ce moment-là, engagé via l'association Résilience citoyenne. Une semaine après ma prise de service, mon intégration était telle que je me sentais déjà comme un brancardier titulaire.

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Pourriez-vous nous en dire plus sur la phase d'intégration des volontaires ? Comment cela se déroule-t-il en pratique ?

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Amaï Goudiaby, bénévole de Résilience nationale

L'association a fait un appel aux volontaires, j'y ai répondu. Dans les 48 heures qui ont suivi la formation, j'intégrais une équipe hospitalière.

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Séverine Dieval, bénévole de Résilience nationale

Lors de notre arrivée à l'hôpital, M. Brice de Gliame nous attendait. Il nous a présentés à notre équipe de travail, puis nous nous sommes rendus à l'accueil administratif pour remplir les formalités liées à notre identité. Enfin, il nous a présenté notre chef de service. Nos premiers pas dans l'hôpital étaient donc entièrement encadrés.

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Brice de Gliame, président de l'association Résilience citoyenne

Les armées nous ont soutenus en relayant nos appels à candidature auprès des réservistes citoyens, par l'intermédiaire du cabinet du gouverneur militaire de Paris. Je remercie son chargé de mission rayonnement, qui a guidé nos premiers pas. Je remercie également l'association nationale des réservistes de l'armée de terre (ANRAT) pour sa réactivité et son soutien efficace. Nous avons utilisé nos réseaux militaires et civils pour relayer nos appels à candidature. L'université Paris Dauphine, pour ne citer qu'elle, a diffusé nos appels à candidature. L'état-major interministériel de la zone de défense de Paris (EMIZDP) nous a également soutenus en mettant des lits picots à notre disposition quasi immédiatement. Ces lits permettaient aux renforts résilience fatigués de prendre de courtes pauses récupératrices, notamment la nuit. Je remercie avec gratitude les deux colonels qui ont successivement commandé la division prestation soutien à l'état-major, sans lesquels notre démarche n'aurait pu se développer.

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C'est une chance pour notre pays de disposer de citoyens engagés. Comment vos membres sont-ils recrutés ? Existe-t-il une base de données des compétences particulières des volontaires ? Il est ici question de la crise sanitaire engendrée par la pandémie de covid-19. Cependant, nous aurions pu faire face à d'autres types de crise. Comment avez-vous su que vous pouviez vous engager ? Comment vous organisez-vous pour passer un appel ? Une certaine disponibilité est nécessaire pour participer à ce volontariat. Quelle serait, selon vous, l'organisation optimale sur notre territoire ?

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Séverine Dieval, bénévole de Résilience nationale

C'est un ami, ancien militaire, qui m'a transmis l'annonce de M. de Gliame sur un groupe WhatsApp. J'ai ensuite eu trois entretiens téléphoniques avec des psychologues qui devaient s'assurer que j'étais suffisamment solide pour être volontaire dans une chambre mortuaire. Ils ont constaté que j'étais apte à effectuer ce type de tâche et j'ai été mise en sécurité psychique. L'un des praticiens m'a conseillé de le contacter au moindre problème.

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Une définition de la résilience a été proposée dans le Livre blanc paru en 2008 : « La résilience est la volonté et la capacité d'un pays, de la société et des pouvoirs publics de résister aux conséquences d'une agression ou d'une catastrophe majeure puis de rétablir rapidement leur capacité de fonctionnement normalement ou tout du moins dans un cadre acceptable. » Ce Livre blanc a été rédigé par l'écosystème de la défense nationale. La résilience représente donc un objectif national qui est partagé depuis quatorze ans par les autorités de notre pays.

La question qui se pose au niveau national est de savoir si cette résilience s'appuie sur des outils publics mobilisables connus – les sapeurs-pompiers, l'armée, la sécurité civile, des associations agréées – ou si nous avons la volonté d'associer les citoyens. Cette dernière supposition implique d'accepter que la solution publique puisse être dépassée dans certaines conditions. Nous avons en France la vision d'un État fort. Politiquement, il est difficile de dire que l'État ne peut pas tout. Dès lors que nous établissons ce constat, il devient possible de recourir à l'aide des citoyens, en fléchant les moyens et en produisant du retour d'expérience, comme savent le faire les organisations publiques telles que les armées et les centres hospitaliers.

Votre projet associatif propose une interface supplémentaire entre les citoyens qui souhaitent s'engager et les besoins existants, en complément de ce qui existe déjà comme le service civique, les réserves, les sapeurs-pompiers ou encore les réserves communales de sécurité civile. D'autre part, vous êtes un laboratoire d'action pour produire du retour d'expérience, pour capitaliser sur l'action menée au-delà du service apporté. Ainsi vous souhaitez améliorer vos réflexions sur la résilience, produire de la connaissance et participer à la réflexion collective.

Selon vous, l'association des citoyens est indispensable pour disposer du meilleur niveau de résilience. Cela correspond parfaitement à la vision que j'ai à titre personnel.

Je souhaiterais comprendre ce qu'est le plan RIE 2030. Portez-vous ce plan ? Le proposez-vous aux pouvoirs publics ? Comment s'y intègre le mémento qui serait distribué aux citoyens ? Les autorités suédoises, par exemple, distribuent aux citoyens un mémento leur indiquant la conduite à tenir en cas d'état critique.

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Brice de Gliame, président de l'association Résilience citoyenne

Vous avez synthétisé le positionnement de Résilience citoyenne. Notre intuition, concernant l'intégration du citoyen, découle des expériences de terrain. Nous nous sommes aperçus que l'État n'était plus en capacité de placer un policier ou un militaire devant chaque lieu de culte ou chaque école maternelle. Les crises à venir seront plus tendues, tant économiquement qu'humainement. Il est nécessaire de réfléchir ensemble et au travers d'un retour d'expérience que nous ne sommes pas en mesure de synthétiser seuls. L'enjeu est de concevoir le modèle futur. Par conséquent, je ne peux pas pousser davantage ma réflexion.

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Comment votre association est-elle financée ? Combien de personnes regroupe-t-elle ? Sur quel territoire œuvrez-vous ?

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Brice de Gliame, président de l'association Résilience citoyenne

Le financement de notre association provient uniquement de ses adhérents. Nous sommes quatre adhérents. Nous ne disposons d'aucune subvention et n'en demandons pas. Nous nous appuyons sur des réseaux solidaires qui relaient nos appels à volontaires et se démultiplient par la suite, donnant ainsi du sens à notre action. Nous intervenons sur l'ensemble des zones de défense de la France.

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Quel est votre champ d'action ? Au-delà de la conceptualisation forte et raisonnée, apportez-vous une limite à vos champs d'engagement compte tenu de votre effectif ?

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Brice de Gliame, président de l'association Résilience citoyenne

Notre champ d'action consiste à protéger et à participer à la résilience des citoyens et de la nation. Il s'agit d'utiliser et d'expérimenter les compétences des citoyens.

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Vous permettez et facilitez des échanges avec les citoyens, vous contribuez au débat public et vous avez l'humilité d'indiquer qu'après quinze ans d'action, vous ne disposez pas de toutes les solutions.

Selon vous, le chemin à parcourir pour amener la résilience de la nation française au meilleur niveau sera long et il passera par l'école de la République. Quel rôle conférez-vous à l'école pour gagner en résilience ? Vous parlez d'ailleurs tantôt d'éducation, tantôt d'instruction. Pourquoi ce changement de termes ? Enfin, quel est votre avis sur le projet de service national universel ? Pensez-vous qu'il peut contribuer utilement à la résilience nationale ?

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Isabelle Hugues de Segonzac, membre du bureau de Résilience nationale

Pour faire preuve de résilience, il convient de poser certains paramètres. L'instruction des futurs citoyens est indispensable, sachant que la culture représente un des trois piliers de la nation. Elle intègre toutes les valeurs d'un pays dans lesquelles ses citoyens se reconnaissent. La culture fédère et permet à une nation de réagir à une menace, quelle qu'elle soit, car elle intègre la façon de vivre, de penser et de s'exprimer d'un pays. Nous évoquions la menace cognitive. La culture s'exprime à travers sa langue ; c'est le principal vecteur de communication et d'expression de la culture, en l'occurrence ici gréco-latine. Elle offre une vision différente du monde selon que nous sommes anglo-saxons ou latins. En découlent des conséquences dans le domaine économique et en matière de défense. Enfin, la culture constitue un vecteur de force économique et de cohésion sociale. L'appellation française de nos produits représente une source de rayonnement national et de poids économique. La langue et l'économie se soutiennent l'une et l'autre. Enfin, la langue est aussi un vecteur de cohésion sociale. L'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 en atteste. François Ier souhaitait fédérer son pays au travers d'une langue administrative unique. Les provinces françaises frontalières ont résisté à l'adversaire étranger parce qu'elles se reconnaissaient dans la France et dans sa culture. L'instruction appartient à la culture, aux côtés de l'éducation et de la défense. Cette prise de conscience engendre un élan collectif.

Albert Camus disait que la langue française était sa patrie. J'aime à penser que la culture est notre patrie, en tant qu'âme et ciment d'une nation.

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Nous nous accordons sur l'importance du facteur culturel, auquel s'ajoute la force morale de chaque citoyen. Nous connaissons tous la formule de Thucydide : la force de la cité ne réside ni dans ses remparts ni dans ses vaisseaux, mais dans le caractère de ses citoyens. L'adhésion à un projet collectif renforce notre volonté de nous battre pour la nation. Concernant l'éducation nationale, dont le rôle est prépondérant, avez-vous des idées d'action ou des remarques pour renforcer ce ciment national ?

Par ailleurs, avez-vous un avis sur le projet de service national universel (SNU) ? Ce dernier consiste, je le rappelle, à proposer à chaque jeune français un stage de quinze jours en collectivité. Deux jours sont consacrés à l'acquisition d'éléments de base dans différents domaines, dont la défense. Puis, il lui est proposé de s'engager à proximité de son lieu d'habitation dans une expérience de volontariat.

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Stéphane Rivière, membre du bureau de Résilience nationale

Dans le cadre des journées nationales du réserviste, j'ai porté la bonne parole auprès d'étudiants dans certaines écoles d'ingénieurs et universités. Nous avons pu nous appuyer sur des éléments de langage fournis par le ministère de la défense pour présenter le monde de la défense et son action sur le territoire national et à l'étranger, avec l'opération Sentinelle notamment. Nous avons également présenté l'action de la réserve citoyenne et les mémentos.

En termes d'organisation, il existe aujourd'hui des processus qui fonctionnent mais ne sont pas connus. Au titre de la résilience, des entreprises sont partenaires de la défense en permettant à leurs employés de bénéficier de jours dits « autorisation spéciale d'absence » (ASA) pour effectuer une période de réserve. Le 18 novembre 2021, des conventions ont été signées dans les salons du gouverneur militaire de Paris entre le général Véronique Batut, secrétaire nationale de la garde nationale, et des entreprises françaises. Elle a rappelé à quel point il était important de permettre aux salariés de disposer de temps pour se consacrer à la nation et combien cela concourait à la résilience. Elle a également précisé que sans la réserve opérationnelle, certaines missions de nos armées ne pourraient pas être assurées. Il y a donc déjà des actions qui ne pourraient être accomplies par les institutions sans l'apport des citoyens. Dans la même logique, on pourrait très bien imaginer que ce type de convention qui couvre le champ militaire pourrait être utile pour d'autres opérations, notamment au bénéfice des ministères de la santé ou de l'éducation nationale. Il s'agirait d'aider à combler ou à compléter des dispositifs aujourd'hui nécessaires dans le cadre de la résilience.

Lorsque vous êtes connu en tant que réserviste, vous rayonnez. Vous devenez un relais du volontariat. Nous assumons ainsi le rôle de vecteur de communication, un rôle qui serait facilité par le rayonnement que pourraient nous fournir les entreprises. Cela permettrait également de révéler certaines aptitudes. Il est en effet déterminant pour l'entreprise de disposer de personnel capable de contrôler ses émotions.

De plus, si l'entreprise a vocation à s'engager dans la résilience, actuellement peu de dispositifs le lui permettent. Nous pourrions proposer un dispositif au titre de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) qui permettrait, par des conventions de servir à plusieurs niveaux. Je suis persuadé que de nombreuses entreprises y trouveraient de l'intérêt et seraient prêtes à jouer le jeu. Il s'agirait de prévoir un cadre d'engagement pour un nombre donné de jours. Il incomberait ensuite à l'établissement de valoriser cet engagement dans ses actions quotidiennes d'entreprise citoyenne résiliente. Ces concepts auxquels nous réfléchissons sont réalisables, mais une volonté politique est indispensable.

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Stéphane Rivière, membre du bureau de Résilience nationale

Je ne crois pas. De nombreuses entreprises permettent à leurs salariés en fin de carrière de bénéficier d'un temps partiel senior (TPS) pour effectuer du mécénat dans des associations. Plutôt que de vouloir former son employé qui restera encore un ou deux ans à travailler, ce qui est très coûteux, l'idée est de dire que ces employés ont suffisamment d'expérience, que ce sont des personnes solides et capables de résister à des émotions et qu'ils peuvent faire des missions mécénat. Si chaque entreprise fonctionnait ainsi, nous disposerions d'une force de frappe importante pour faire face à des menaces. Par ailleurs, de plus en plus d'entreprises travaillent sur les questions cognitives. La cyberdéfense a intégré le monde des entreprises. Nous souhaitons que notre association permette d'élaborer des concepts et de les expérimenter avec des entreprises volontaires.

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Les entreprises peuvent valoriser l'emploi des réservistes dans une démarche de RSE, cela se pratique depuis longtemps. Il faut signer une convention et des avantages fiscaux peuvent être octroyés. La difficulté est plutôt de motiver les entreprises dans cette démarche-là. Elles ont même la possibilité d'assurer un maintien de salaire. C'est le cas des entreprises industrielles et de technique de défense, ainsi que des fonctionnaires qui disposent de leur rémunération et de la solde de réserviste. La question porte plus sur la sensibilisation.

Vous avez qualifié les réservistes opérationnels de citoyens engagés. Quand on parle d'engagement citoyen, on pense plutôt au bénévolat, aux projets associatifs. Or, les réservistes opérationnels sont des militaires ayant les mêmes droits et obligations que les militaires d'active. Ils sont formés et soumis à un commandement. Il s'agit d'un mode d'emploi particulier.

Votre réflexion est néanmoins intéressante. La résilience nécessite avant tout un large engagement de tous, elle ne repose pas uniquement sur des moyens publics nationaux ou locaux. Vous contribuez à cette prise de conscience progressive au travers de votre action.

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Stéphane Rivière, membre du bureau de Résilience nationale

Les directions des ressources humaines réfléchissent aux raisons susceptibles de motiver un employé à rester dans son entreprise. L'engagement citoyen constitue une de ces motivations. Une entreprise qui saura favoriser l'engagement citoyen de son personnel sera certainement plus à même de garder son employé qu'une autre. Outre l'équilibre que l'entreprise apporte à son personnel, il est important de le fidéliser.

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C'est un des intérêts de la loi PACTE. Nous avons voté la possibilité pour les entreprises de développer ce type de mission.

La réunion se termine à dix-neuf heures cinquante.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur la résilience nationale

Présents. – Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Alexandre Freschi, M. Thomas Gassilloud, M. Fabien Gouttefarde