COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 20 mai 2020
La séance est ouverte à neuf heures trente.
La commission examine, en deuxième lecture, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à améliorer le droit des travailleurs et l'accompagnement des familles après le décès d'un enfant (n° 2729 rectifié) (M. Guy Bricout, rapporteur).
Mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de vous dire combien je suis heureuse que nous soyons à nouveau réunis, pour la première fois depuis le 4 mars, dans la salle de notre commission.
Nos activités ne se sont cependant jamais interrompues. Je veux du reste saluer votre implication au cours de cette période, en particulier celle des douze membres de notre commission qui, sous la forme de binômes associant majorité et opposition, ont assuré le suivi dans le cadre de l'urgence sanitaire. Leurs synthèses et les documents annexés sont désormais en ligne sur le site de l'Assemblée. Cet ensemble d'une grande richesse me sera très précieux lorsqu'il me reviendra, mardi prochain, de présenter à la mission d'information de la Conférence des présidents la contribution de notre commission.
Les décisions du bureau du 5 mai dernier nous permettent de reprendre le cours de nos travaux législatifs. Pour l'heure, la capacité de notre salle est strictement limitée afin d'assurer le respect des distances entre les participants. Dans ces conditions, la moitié des commissaires de chaque groupe peuvent prendre part à la réunion. Comme vous le savez, le port du masque est obligatoire, hormis dans l'hémicycle. J'insiste sur cette consigne sanitaire, car nous devons faire preuve d'exemplarité, même si, je le conçois, ce n'est ni agréable ni simple. Tout le temps que cela sera nécessaire, des masques et du gel hydroalcoolique seront mis à votre disposition dans chaque salle.
Je suis très heureux d'être de nouveau parmi vous, quelques mois après mon précédent passage devant votre commission. Je ne sais que dire, tant est difficile la séquence que nous sommes en train de vivre. Nos débats en première lecture nous avaient donné l'occasion de parler de ce que représente pour chacun de nous la vie d'un enfant, à la lumière tragique du malheur que cause sa disparition. Les événements que la France a connus depuis nous font davantage encore prendre conscience de la valeur, autant que de la fragilité, de l'existence. Je me réjouis donc que nous examinions ce texte aujourd'hui. Je souhaite que ses dispositions entrent en vigueur au plus vite, pour le bien des familles endeuillées.
La proposition de loi qui vous est soumise a été complètement revue depuis son vote en première lecture à l'Assemblée. Avec Muriel Pénicaud, ministre du travail, avec Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance, avec mes collègues Sereine Mauborgne et Michèle de Vaucouleurs, nous avons mené un large travail de concertation avec les associations, les organisations syndicales et les organisations patronales. Je veux leur adresser, à tous, mes remerciements les plus chaleureux et les plus sincères. Le travail que nous avons accompli a permis d'aboutir à des propositions solides et à un texte que je crois plus complet et plus généreux.
Le Sénat a intégré ces propositions par amendements en commission, puis en séance ; les sénateurs ont également déposé divers amendements qui ont permis d'enrichir le texte et dont je salue la qualité. Je tiens à les remercier également pour leur travail, plus particulièrement Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour la commission des affaires sociales, et Mme Catherine Di Folco, rapporteure pour avis de la commission des lois.
Le texte qui vous est présenté aujourd'hui va donc nettement plus loin que ma proposition de loi initiale, et je m'en félicite.
Son article 1er vise à instaurer un congé de deuil d'une durée de quinze jours en cas de décès d'un enfant ou d'une personne à charge, si cet enfant ou cette personne était âgé de moins de 25 ans. Quinze jours, cela signifie, en fait, trois semaines de congé. C'est davantage que les douze jours que je proposais à l'origine ; cette durée me paraît désormais satisfaisante. Ce congé se décompose de la manière suivante : sept jours intégralement pris en charge par l'employeur et huit jours au titre d'un congé spécial pris en charge pour moitié par la sécurité sociale, pour moitié par l'employeur. Aucune démarche du salarié ne sera nécessaire, si ce n'est celle de demander à bénéficier du congé et d'en informer l'employeur au moins vingt‑quatre heures avant de le prendre.
Ce nouveau congé bénéficiera aux travailleurs indépendants et aux agriculteurs. Le texte répond ainsi aux interrogations légitimes qui avaient été soulevées ici en première lecture. Les travailleurs indépendants pourront bénéficier d'indemnités journalières, sous réserve de cesser leur activité, et les agriculteurs d'une allocation de remplacement pour les travaux dans leur exploitation. Les agents publics, qu'ils soient fonctionnaires ou contractuels, bénéficieront également du nouveau congé de deuil. C'est l'objet de l'article 1er bis, qui prévoit par ailleurs que les congés pour deuil d'un enfant ne seront pas pris en compte dans le calcul des congés payés annuels. Rappelons que ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Quel que soit le secteur d'activité – privé, public ou indépendants –, la durée du congé demeurera de cinq jours pour le décès d'un enfant âgé de plus de 25 ans, conformément à ma proposition de loi initiale. Pour que cela soit bien clair, je précise que le dispositif proposé crée un congé de quinze jours en cas de décès d'un enfant de moins de 25 ans, qu'il soit à charge ou non, ou en cas de décès d'une personne à charge de moins de 25 ans, qu'il y ait ou non un lien de filiation directe. Je précise également – cette disposition est issue d'un amendement sénatorial – que lorsque l'enfant décédé était lui-même parent, le congé est de sept jours.
Nous avons souvent pu entendre, lors des auditions, que, le plus souvent, les quelques jours de congé accordés par la loi ne suffisaient pas à surmonter cette terrible épreuve. C'est une évidence, mais il faut le rappeler : quelques jours ne suffisent pas pour faire le deuil d'un enfant, ni même quelques mois ou quelques années. C'est toute une vie qui est nécessaire. L'écrivain Philippe Forest, dont l'œuvre est profondément marquée par la mort de sa fille, l'a rappelé récemment : on entend souvent dire que l'on « fait son deuil », mais la plaie qui s'ouvre avec la mort d'un enfant ne peut jamais complètement se refermer.
Cette proposition de loi est modeste. Elle vise seulement à permettre aux parents endeuillés de reprendre pied, de reprendre leur souffle pendant quelques jours, loin des obligations de la vie professionnelle.
Nous savons que, même porté à quinze jours, le congé ne suffira pas. Certains parents prendront un congé de maladie pour disposer de davantage de temps. Toutefois, actuellement, un délai de carence est appliqué à cet arrêt maladie, qui implique une perte financière en l'absence de prise en charge par l'employeur. L'article 8 remédie à ce problème, en prévoyant que le délai de carence ne sera pas appliqué au premier arrêt maladie pris à la suite du congé de deuil. Ces dispositions s'appliqueront aux salariés du secteur privé comme aux agents publics, aux travailleurs indépendants et aux agriculteurs.
Mais l'objectif de ce texte est d'aller au-delà de l'allongement d'un congé : il est de faire en sorte que les parents endeuillés soient accompagnés de la meilleure manière qui soit dans leur épreuve. Si la mort d'un enfant est un fardeau que l'on ne peut partager, nous pouvons au moins tâcher d'alléger les autres fardeaux de la vie pendant ce moment si difficile.
Le fardeau financier, tout d'abord. Les obsèques d'un enfant sont en effet coûteuses. La famille doit, le plus souvent, débourser plusieurs milliers d'euros immédiatement après le décès. Dans certains cas, pour les familles les plus démunies, la mairie peut prendre en charge les frais d'obsèques ; je le sais pour avoir moi-même été maire et avoir été dans cette situation. Mais ces cas sont finalement rares, notamment parce que les parents ne savent pas toujours que cette possibilité existe.
L'article 4 vise à remédier à ce problème, en instaurant une allocation forfaitaire versée lors du décès d'un enfant. Certains d'entre vous avaient appelé en première lecture à la création d'un « capital décès » ; je crois que le texte répond exactement à leur souhait. Le montant de cette allocation forfaitaire sera déterminé par décret – il devrait être arrêté cet après‑midi, au cours d'une réunion interministérielle. Le Gouvernement envisage de le fixer à au moins 2 000 euros – 1 000 euros au-delà d'un certain niveau de revenus. Permettez-moi de saluer ces engagements, que je pense être les bons.
Le fardeau financier, c'est aussi la disparition ou la diminution des prestations familiales consécutive à la perte de l'enfant. Actuellement, le recalcul par les caisses d'allocations familiales (CAF) est immédiat ; il a lieu dans le mois suivant le décès. Imaginez : immédiatement après la tragédie du décès, le couperet financier tombe ! Ainsi, une famille de deux enfants perd soudainement les allocations familiales et une famille comptant un enfant handicapé perd l'allocation spécifique. Lorsque la suppression des allocations s'ajoute au coût des obsèques, la situation devient insurmontable.
C'est pourquoi l'article 3 garantit que l'enfant décédé continuera à être pris en compte pendant une certaine durée dans le calcul de certaines prestations familiales. Quasiment toutes les prestations sont concernées : les allocations familiales et ses deux compléments que sont la majoration pour âge et l'allocation forfaitaire, le complément familial et sa majoration, l'allocation de soutien familial, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et l'allocation de rentrée scolaire.
En ce qui concerne le revenu de solidarité active (RSA), les parents endeuillés peuvent aujourd'hui demander que l'enfant décédé continue à être pris en compte dans le calcul de leurs droits, pour une durée de six mois. Cette prise en compte n'est toutefois pas automatique. Or, les parents n'ont pas toujours la force d'entreprendre de longues démarches. L'article 5 met fin à cette situation en prévoyant le maintien, pendant un an, de la prise en compte de l'enfant décédé pour le calcul des droits au RSA. Il inclut également la prime d'activité dans le dispositif.
Parmi les fardeaux que doivent porter les parents endeuillés, il y a aussi le fardeau psychologique. Certes, nous pouvons faire bien peu de chose pour le rendre plus supportable, mais nous pouvons tout de même agir.
Nous pouvons agir d'abord sur le fardeau de la peur, celle de se faire licencier, de perdre son emploi parce que l'on a plus la tête au travail et que l'on cherche davantage à se reconstruire qu'à s'investir pleinement dans ses obligations professionnelles. Les employeurs sont, dans l'immense majorité des cas, compréhensifs : je le sais, et je refuse que l'on en doute. Mais la peur peut tout de même être là.
C'est pourquoi l'article 7 prévoit une protection contre le licenciement après le décès d'un enfant ou d'une personne à charge âgée de moins de 25 ans. Cette protection durera treize semaines. Elle ne sera pas totale, et c'est logique : en cas de faute grave de l'intéressé ou d'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger au décès de l'enfant, le contrat pourra être rompu. Ces dispositions reprennent mot pour mot le droit existant applicable aux femmes enceintes ou venant d'avoir un enfant, et nous pouvons nous en satisfaire.
Le fardeau psychologique, c'est aussi, tout simplement, la souffrance mentale. Aussi l'article 6 met-il en place, à titre expérimental, un nouveau parcours de soins visant à prendre en charge les proches endeuillés, qu'il s'agisse des parents, des frères et sœurs ou des enfants vivants. Ce nouveau parcours de soins, centré sur les soins psychologiques, permettra une meilleure coordination des professionnels de santé et par suite des soins de qualité. Je précise que son caractère expérimental s'explique par la dérogation au droit commun que représentent encore les parcours de soins. Cela n'empêchera toutefois pas sa mise en place, bien au contraire.
Enfin, le texte conserve le dispositif adopté à l'Assemblée en première lecture en matière de don de congés entre salariés en cas de décès d'un enfant ou d'une personne à charge âgé de moins de 25 ans. Ce dispositif bénéficiera également aux agents publics, étant précisé que le chef de service ne pourra s'opposer au don de jours de repos.
Pour conclure, je suis heureux que ma proposition de loi suive ce chemin. Je souhaitais, en la déposant, que les parents endeuillés puissent bénéficier d'un véritable temps pour reprendre pied. Grâce au texte qui vous est proposé, ce sera le cas. Je remercie mes collègues de la majorité et le Gouvernement de m'être venus en aide – après un petit temps d'hésitation, certes, mais le sujet dont nous discutons et la situation que vit notre pays méritent que l'on oublie les vaines querelles.
Il est temps d'agir pour les parents endeuillés, et d'agir vraiment. Ce texte nous le permet. J'ose espérer que vous le soutiendrez.
(Applaudissements.)
Après son examen en première lecture par l'Assemblée nationale, cette proposition de loi ne comportait que deux articles et son sort avait suscité l'indignation de la population, compte tenu de l'injustice vécue par les familles endeuillées. Les députés et les sénateurs ont, dans un esprit de coconstruction, retravaillé le texte avec les familles, l'enrichissant de sept articles afin de prendre en compte, outre le temps de répit prévu dans la proposition initiale de Guy Bricout, toutes les dimensions, aussi bien psychologiques que financières, de la question.
Ce texte est le premier que nous examinons en « présentiel » depuis le début de la crise, et je m'en félicite. Je précise que, comme l'a voulu le Gouvernement, la famille élargie est prise en compte, afin de ne pas exclure les membres « rapportés » des familles recomposées. Le groupe La République en Marche souhaite que ce texte soit voté conforme – et à l'unanimité – car nous avons accompli un travail de coconstruction très productif. Ainsi ses dispositions pourraient s'appliquer dès le 1er juin, pour ce qui concerne l'allocation forfaitaire, et dès le 1er juillet, pour ce qui concerne le congé. Cela nous paraît important dans le contexte actuel, où le nombre des décès d'enfants augmente et où l'accompagnement des familles endeuillées est nécessaire.
Cher Guy Bricout, je veux tout d'abord vous remercier, au nom du groupe Les Républicains, pour la manière dont vous avez défendu votre proposition de loi lors de son examen en première lecture et dans les jours qui ont suivi, notamment lors des questions au Gouvernement. De fait, ce texte a fait l'objet d'une forte exposition médiatique, en raison de la position incompréhensible du Gouvernement et de la majorité, qui avaient fait le choix – comme d'habitude, lorsqu'il s'agit d'un texte émanant d'un groupe d'opposition – de vider de son contenu votre proposition de loi, pourtant profondément humaine puisque son article unique avait pour objet de porter de cinq à douze jours la durée du congé de deuil en cas de décès d'un enfant mineur, et ce pour des raisons que nous pouvons tous facilement comprendre.
Très vite, le Président de la République s'est rendu compte de l'erreur du Gouvernement, alors représenté par Mme Pénicaud, qui estimait que ce n'était pas à l'entreprise de supporter le coût d'un tel congé. Nos collègues sénateurs ont alors fortement enrichi le texte avec, cette fois, la coopération pleine et entière du Gouvernement. Ainsi l'article 1er a été réécrit pour créer un congé de deuil, non plus de douze jours, mais de quinze jours ouvrés, financé, pour les sept premiers jours, par l'employeur et, pour les huit jours suivants, par la sécurité sociale.
Le texte prévoit également d'étendre à la personne ayant la charge affective et permanente de l'enfant le bénéfice de ce congé, par ailleurs ouvert aux salariés mais aussi aux indépendants, aux non-salariés agricoles et aux agents publics. Il prévoit, en outre, le maintien des allocations familiales pendant les trois mois suivant le décès – c'est une très bonne chose –, le maintien du RSA pendant six mois, l'expérimentation d'un dispositif de suivi psychologique, une prise en charge financière, l'interdiction de licenciement pendant les treize semaines suivant le décès et la suppression du délai de carence pour la prise d'un congé de maladie.
Monsieur le rapporteur, le groupe Les Républicains votera bien entendu votre proposition de loi.
Notre commission se réunit en « présentiel » pour la première fois depuis plus de deux mois, et il est heureux que ce soit pour examiner, en deuxième lecture, la proposition de loi qui nous avait été soumise au mois de janvier par Guy Bricout et dont la version finalement adoptée n'était pas satisfaisante. Si cette proposition de loi initiale nous semblait parcellaire, elle tentait néanmoins d'apporter une réponse aux familles endeuillées par la perte d'un enfant, réponse qu'il nous fallait sans trop tarder porter à la hauteur des attentes.
Fruit d'un travail de coconstruction mené par les associations de soutien aux familles endeuillées, les partenaires sociaux, le Gouvernement et les parlementaires, le texte qui nous revient du Sénat répond très largement à ces attentes. Non seulement il prévoit un congé de répit dont il étend le bénéfice au-delà des seuls salariés du secteur privé, mais il s'attache à alléger les conséquences administratives et financières du deuil, qui ajoutent de la peine à la peine. Il vise également à assurer une protection dans l'emploi dans une période de grande vulnérabilité et prévoit l'expérimentation d'un parcours de prise en charge psychologique des familles endeuillées.
Si le temps de la décision et de la mise en œuvre paraît bien souvent trop long à nos concitoyens, le juste temps du dialogue et de la concertation n'a pas de prix. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés sera heureux de partager avec vous, monsieur le rapporteur, et avec tous ceux qui ont participé à la concertation la satisfaction de voir adoptée cette proposition de loi aboutie.
La proposition de loi déposée par notre collègue Guy Bricout dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe UDI, Agir et Indépendants, qui visait à porter à douze jours minimum le droit au congé lors du décès d'un enfant mineur, nous revient en deuxième lecture.
Lors de son examen en première lecture, en séance publique, le texte avait été amputé de sa principale disposition, qui visait à porter à deux semaines la durée du congé de deuil des salariés en cas de perte d'un enfant. Je ne souhaite pas revenir sur cet épisode de notre histoire commune, sinon pour souligner l'écho favorable qu'a reçu le principe du texte initial à la suite de nos débats. Bien entendu, nous avions regretté l'issue de cette discussion, sans pour autant céder aux polémiques politiciennes et aux procès d'intention qui ont suivi ; ce n'est pas notre méthode, et encore moins celle de notre collègue Guy Bricout. Je préfère relever que l'émotion suscitée a permis d'obtenir des engagements concrets du Gouvernement et des résultats tangibles pour les familles et les associations concernées. Nous nous en réjouissons.
Le Sénat a introduit de nouvelles dispositions qui viennent utilement compléter la proposition de loi initiale. Elles visent à porter à quinze jours les droits d'absence d'un salarié en cas de décès d'un enfant, à étendre sa portée aux fonctionnaires et indépendants et à accroître la protection des familles dans ces moments douloureux. Un nouveau périmètre a donc été défini au Sénat. La proposition, enrichie de nouvelles dispositions, reflète désormais une approche plus globale des droits sociaux des actifs et des familles. Le groupe UDI, Agir et Indépendants y est bien entendu favorable.
Au moment d'examiner cette proposition de loi en deuxième lecture, il me paraît nécessaire de revenir à son inspiration initiale, qui était de provoquer une prise de conscience et de susciter un élan de générosité des Français. Saluons le travail collectif élaboré à partir de l'engagement de notre collègue et ayons pour objectif d'agir efficacement en conjuguant humanité et solidarité, pour permettre aux familles de mieux surmonter cette terrible épreuve.
(Applaudissements.)
Je remercie Guy Bricout d'avoir permis que ce texte voie enfin le jour. En première lecture, le groupe Libertés et Territoires s'était prononcé en faveur de l'instauration d'un congé de deuil de douze jours consécutifs pour le décès d'un enfant mineur ou à charge. Il nous paraissait en effet essentiel de soutenir ce texte car, même si ces jours de congé ne changeront rien à la douleur et au chagrin provoqués par la perte d'un enfant, ils doivent permettre d'aborder plus facilement les démarches administratives. La discussion en commission et en séance publique a suscité beaucoup d'incompréhension – je n'y reviens pas. Le texte finalement adopté était bien en deçà de l'ambition de la proposition initiale, qui avait été quasiment vidée de sa substance.
Nous ne pouvons donc que nous réjouir du travail réalisé au Sénat et de l'engagement du Gouvernement, qui a réparé ce qu'il a lui-même estimé être une erreur. Nous nous réjouissons notamment du compromis trouvé à l'article 1er, qui permet de porter de cinq à quinze jours le congé de deuil pour le décès d'un enfant ; son financement est équilibré puisqu'il est réparti entre l'employeur et la solidarité nationale. La ministre du travail a eu raison de souligner que le coût du dispositif initial reposait entièrement sur les entreprises. Mais, à l'époque, rien n'avait été proposé pour remédier à ce problème. En tout état de cause, de cet échec, est née l'opportunité d'étendre aux agents publics, aux indépendants et aux non-salariés agricoles le bénéfice de ce congé de deuil. Il s'agit d'une avancée très importante.
La lecture au Sénat a permis d'approfondir la proposition de loi initiale et d'y intégrer de nouveaux dispositifs, notamment la suppression du délai de carence, qui la renforcent considérablement. Notre groupe soutient donc le texte avec beaucoup d'enthousiasme.
(Applaudissements.)
Ma participation à une réunion de la commission des affaires sociales est inhabituelle et je me réjouis qu'elle me permette de soutenir cette proposition de loi. Je remercie nos collègues du groupe UDI, Agir et Indépendants, notamment Guy Bricout, de l'avoir proposée dans le cadre de leur « niche ». Le fait que nous examinions ce texte alors que beaucoup de familles françaises se sont retrouvées endeuillées et ont rencontré les difficultés que l'on sait pour accompagner leurs défunts lui donne peut-être encore davantage de solennité.
Cette discussion permettra, non pas d'effacer, mais de dépasser un épisode incompréhensible et pas très glorieux pour la majorité. De fait, le texte a été amélioré – sans doute l'aurait-il été, de toute façon, par le Sénat. Il aura cependant fallu que de nombreuses pressions, relayées par la presse, soient exercées, y compris par les chefs d'entreprise – au nom desquels Mme Pénicaud avait parlé de manière un peu imprudente – pour que l'on en revienne au bon sens et à une position plus compréhensible, compte tenu du sujet.
Nous nous félicitons notamment que le texte comporte trois dispositions qui avaient été défendues par plusieurs groupes, dont celui de La France insoumise, en première lecture : l'indemnisation pour le décès d'un enfant majeur, l'extension du bénéfice du congé pour deuil d'un enfant aux indépendants, notamment aux agriculteurs, et le maintien de la prise en compte de l'enfant décédé dans le calcul des allocations et minima sociaux perçus par le foyer. Pour ces différentes raisons, nous voterons cette proposition de loi avec plaisir !
On a évoqué la situation extrêmement douloureuse dans laquelle se trouvent les familles qui perdent un enfant. Nul ne saurait faire commerce de leur peine. Je ne reviendrai donc pas sur les événements précédents, mais il est clair que les décisions initialement prises étaient trop injustifiables pour perdurer.
Nous examinons une proposition de loi renforcée, à laquelle les aménagements apportés donnent encore un peu plus d'ampleur. J'apporterai néanmoins un bémol : je regrette qu'ait été ajouté, au passage, un article consacré à la nouvelle marotte qu'est le don de jours de congé – comme si le droit aux congés était superflu et pouvait être remis en cause. Mais je retiendrai l'essentiel, c'est-à-dire le congé de quinze jours accordé pour le décès d'un enfant, congé dont le financement a été revu. Je remercie, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, notre rapporteur d'avoir réussi à faire aboutir ce texte. Nous créons ainsi un droit nouveau dont bénéficieront nombre de nos concitoyens.
Nous ne pouvons être que satisfaits de l'évolution de la législation pour les parents endeuillés. C'est primordial, car ils doivent pouvoir reprendre leur souffle quelques jours, loin des obligations de la vie professionnelle et sans courir le risque de perdre leur emploi. La mort d'un enfant est une tragédie, elle cause un deuil insurmontable, laissant les parents à jamais marqués par le souvenir de celui qu'ils n'auront pas vu grandir. Il convient donc d'allonger la durée de ce « répit », mot que je préfère à celui de « congé ».
Il faut sans doute aller plus loin et penser à un accompagnement qui s'inscrive dans la durée, car la souffrance, la solitude et le désespoir ne disparaissent pas après quelques mois. Des années plus tard, le deuil des familles doit encore être pris en considération par l'employeur, qu'il soit privé ou public, tant l'épreuve du deuil peut expliquer le manque d'énergie ou le comportement au travail.
Il ne s'agit pas d'une modeste proposition de loi, comme l'a dit le rapporteur, mais d'un texte profondément humain et juste. Lors de mes travaux sur la proposition de loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques, j'ai pu constater à quel point la maladie et le deuil d'un enfant sont des tabous. Les familles se trouvent démunies face à cette épreuve terrible et leur accompagnement n'en est que plus important. Si je salue les modifications apportées au texte après une première lecture à l'Assemblée nationale qui n'a pas été à la hauteur des attentes des Français, nous nous honorerions en allant plus loin et en améliorant l'accompagnement psychologique. J'ai en effet constaté d'immenses disparités territoriales dans l'accompagnement des familles d'enfants malades : certains hôpitaux sont dotés d'équipes formidables, d'autres sont dépourvus des moyens humains et financiers nécessaires, ce qui a des conséquences inacceptables pour les familles. Nous devons mieux faire ; je me félicite, à cet égard, de l'expérimentation prévue à l'article 6 qui permettra, je l'espère, de déboucher sur un dispositif national ambitieux et pérenne.
La proposition de loi a été améliorée au Sénat grâce aux propositions émanant des associations de familles et au travail des parlementaires de tous bords. Le texte compte désormais neuf articles ; il prévoit notamment le renforcement de l'accompagnement psychologique des familles endeuillées, pris en charge par l'assurance maladie. Pouvez-vous nous en dire davantage sur l'organisation concrète de ce suivi auquel les parents pourraient ne pas avoir le réflexe de recourir ?
Guy Bricout a défendu ce texte avec l'humanité qui est la sienne, faisant preuve, dans les conditions que l'on connaît, d'une détermination farouche. On s'interroge parfois sur le rôle des parlementaires : nous avons montré que nous pouvions faire bouger les lignes, comme ce fut le cas sur les cancers pédiatriques. Il est encourageant de constater que nous pouvons traiter de telles questions en tordant le cou aux idées reçues. Nous le devions aux familles marquées à jamais par le deuil.
(Applaudissements.)
L'examen en première lecture à l'Assemblée nationale avait donné lieu à des échanges douloureux et provoqué l'incompréhension des familles, que nous avons pu rencontrer par la suite dans nos circonscriptions. Je suis donc satisfaite que les deux chambres aient transformé l'erreur de jugement initiale en permettant que ce texte aille plus loin, puisqu'il inclut désormais le soutien psychologique et le maintien des prestations sociales. Le travail parlementaire répond ainsi aux besoins concrets émanant de situations fort douloureuses.
Cher Guy Bricout, en tant que députée et mère, je tiens à vous remercier ainsi qu'à saluer votre persévérance et votre très grand courage. Je vous soutiens à 2 000 % !
(Applaudissements.)
Comme je vous l'ai dit, j'ai vécu un drame familial. J'ai également rencontré de nombreuses associations et entendu les députés qui m'ont fait part des difficultés financières et administratives auxquelles les parents, déjà plongés dans la douleur immense de la perte de leur enfant, sont parfois confrontés. Ce que certains peuvent subir est effarant : malgré toutes les législations que nous pourrons adopter, ils seront encore contraints de recourir au congé maladie.
L'accompagnement psychologique est sans doute ce qu'il y a de moins difficile à organiser. Ce sont bien souvent les associations qui viennent d'abord en aide aux parents endeuillés ; il revient ensuite aux médecins de les orienter vers des consultations spécialisées. L'article 6 met en place à titre expérimental un nouveau parcours de soins, mieux coordonné, pour les parents et la fratrie. La porte est ouverte : il convient d'apporter des précisions dans ce domaine et de travailler à l'amélioration des conditions d'application du dispositif.
La commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er : Création d'un congé de deuil d'une durée de quinze jours pour le décès d'un enfant ou d'une personne à charge de moins de vingt-cinq ans
La commission adopte l'article 1er sans modification.
Article 1er bis : Création d'une autorisation spéciale d'absence pour les agents publics en cas de décès d'un enfant ou d'une personne à charge de moins de vingt-cinq ans
La commission adopte l'article 1er bis sans modification.
Article 2 : Extension du don de jours de repos aux salariés et agents publics ayant perdu un enfant ou une personne à charge de moins de vingt-cinq ans
La commission adopte l'article 2 sans modification.
Après l'article 2
La commission est saisie de l'amendement AS2 de M. Adrien Quatennens.
La notion de don de jours de congé, que nous trouvons contestable, revient subrepticement à l'article 2 – c'est la raison pour laquelle nous venons de voter contre cette disposition. Nous estimons en effet que les parents endeuillés n'ont pas à recourir à la charité de leurs collègues et qu'il revient à la collectivité de prendre en charge les congés maladie consécutifs au décès d'un enfant. Nous demandons donc au Gouvernement un rapport relatif aux congés pour enfants malades, afin de permettre leur prise en charge totale par l'assurance maladie.
L'amendement concerne les parents d'enfants malades alors que le texte traite du congé pour le décès d'un enfant. Par ailleurs, donner un délai de deux mois au Gouvernement pour rendre le rapport risquerait de repousser de plusieurs mois l'application de la loi, sans même que nous soyons certains d'une issue positive. Enfin, les congés maladie consécutifs au décès d'un enfant sont pris en charge à 100 %, si l'on inclut la participation de l'employeur et de la complémentaire santé individuelle.
Je propose que vous interrogiez le Gouvernement par le biais d'une question écrite ou orale, et je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement, à défaut de quoi mon avis sera défavorable.
La demande d'un rapport ne retarde pas la promulgation d'une loi. J'entends votre remarque concernant le fait que l'amendement concerne les congés pris en raison de la maladie de l'enfant ; nous pourrions le rectifier. Mais vous aurez compris que notre intention est de remettre en question l'extension du don de congés, que nous contestons.
Vous évoquez le don de RTT en faveur de collègues parents d'enfants malades, qui est une démarche volontaire. Or, la proposition de loi concerne les parents endeuillés.
C'est lors de l'examen du texte en première lecture à l'Assemblée nationale, et non au Sénat, que l'article 2 a été introduit. Il étend aux parents ayant perdu un enfant le dispositif de la « loi Mathys », qui permet le don de jours de repos à un parent dont l'enfant est gravement malade. Cette loi a été votée en 2014, sur l'initiative de Michèle Delaunay, par une majorité de gauche. Hélas, elle ne prend pas en compte les parents qui perdent leur enfant d'une manière brutale : l'article 2 comble cette lacune.
Par ailleurs, nous avons essayé, comme vous, monsieur Coquerel, de quantifier le nombre de jours d'arrêt maladie liés à la perte d'un enfant, en prenant en compte le temps de la maladie, du décès et du deuil. Il nous semblait que le fait de disposer de données précises nous aiderait à mieux soulager les familles. Mais nous n'avons jamais pu avoir ces informations, du fait du secret médical : nul n'est tenu de justifier le motif de son arrêt de travail, sauf auprès du médecin inspecteur de la sécurité sociale. Le Gouvernement n'a donc pas les moyens de nous remettre, dans un délai de deux mois, le rapport que vous demandez. Je comprends votre interrogation, mais les données manquent pour y répondre.
La commission rejette l'amendement.
Article 3 : Maintien de certaines prestations familiales après le décès d'un enfant ou d'une personne à charge de moins de vingt-cinq ans
La commission adopte l'article 3 sans modification.
Article 4 : Instauration d'une allocation forfaitaire universelle en cas de décès d'un enfant à charge
La commission adopte l'article 4 sans modification.
Article 5 : Maintien de la prise en compte de l'enfant décédé au titre des droits au revenu de solidarité active et à la prime d'activité
La commission adopte l'article 5 sans modification.
Article 6 : Expérimentation en matière de prise en charge psychologique des familles endeuillées
La commission adopte l'article 6 sans modification.
Article 7 : Protection contre le licenciement en cas de décès d'un enfant ou d'une personne à charge de moins de vingt-cinq ans
La commission adopte l'article 7 sans modification.
Article 8 : Suppression du délai de carence en cas d'arrêt de travail à la suite du décès d'un enfant ou d'une personne à charge de moins de vingt-cinq ans
La commission adopte l'article 8 sans modification.
Après l'article 8
La commission examine l'amendement AS4 de M. François Ruffin.
Cet amendement consiste, comme le précédent, en une demande de rapport – je répète qu'une telle demande ne remet pas en cause la promulgation de la loi. Le rapporteur a décrit fort justement les multiples difficultés que peuvent rencontrer les parents au moment des obsèques de leur enfant. Nous proposons que, dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif à la prise en charge par l'État des frais d'obsèques des enfants décédés.
Il est vrai que l'action sociale des CAF verse déjà des aides, mais leur montant varie d'un département à l'autre et les démarches pour en bénéficier sont souvent lourdes. De plus, dès lors qu'il existe une prise en charge de l'État, celle-ci ne doit pas dépendre de la situation économique et sociale des familles mais être étendue à tout le monde : c'est un principe qui nous est cher.
Le Gouvernement propose, je l'ai dit, d'accorder 2 000 euros aux familles endeuillées – ou 1 000 euros au-delà d'un certain niveau de revenus. Le montant de ces sommes, qui seront versées par l'État, sera de nouveau discuté au cours de la réunion interministérielle de cet après-midi. Il est vrai que les frais d'obsèques sont souvent plus importants et que l'on accorde actuellement une indemnité d'environ 3 400 euros en cas de décès d'une personne.
Quoi qu'il en soit, l'adoption de votre amendement modifierait la proposition de loi et imposerait une nouvelle lecture au Sénat, ce qui nous ferait perdre beaucoup de temps. Or l'État a pris des engagements financiers et va veiller à une harmonisation des aides versées par les CAF. Dans chaque commune, le centre communal d'action sociale (CCAS) a une commission de solidarité et il en est de même des CAF – même si j'admets qu'il existe des différences selon les territoires. Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Outre les CCAS et les CAF, je mentionnerai également les départements, sans oublier les associations, comme la Ligue contre le cancer, qui verse également des aides pour les frais d'obsèques. Il existe donc déjà de nombreux dispositifs, et c'est tant mieux.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte, à l'unanimité, l'ensemble de la proposition de loi sans modification.
(Applaudissements.)
. Je tiens à féliciter le rapporteur, ainsi que les députés et les sénateurs de tous bords, d'être parvenus à bâtir un tel texte.
La séance est levée à dix heures trente.
Informations relatives à la Commission
La commission des Affaires sociales a désigné :
– M. François Ruffin, rapporteur de la proposition de loi de M. François Ruffin Femmes de ménage : Encadrer la sous-traitance, cesser la maltraitance (n° 2954) ;
– Mme Caroline Fiat, rapporteure de la proposition de loi de M. Jean-Luc Mélenchon visant à créer un pôle public du médicament (n° 2814) ;
– M. Christophe Blanchet, rapporteur de la proposition de loi de M. Christophe Blanchet permettant le don de congés payés sous forme de chèques-vacances aux membres du secteur médico-social en reconnaissance de leur action durant l'épidémie de covid-19 (n° 2978).
Présences en réunion
Réunion du mercredi 20 mai 2020 à 9 h 30
Présents. - M. Belkhir Belhaddad, M. Christophe Blanchet, Mme Brigitte Bourguignon, M. Guy Bricout, Mme Fannette Charvier, M. Sébastien Chenu, M. Paul Christophe, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Véronique Hammerer, Mme Caroline Janvier, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, Mme Sereine Mauborgne, M. Bernard Perrut, Mme Bénédicte Pételle, Mme Michèle Peyron, Mme Claire Pitollat, M. Alain Ramadier, Mme Michèle de Vaucouleurs, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier
Assistait également à la réunion. - M. Éric Coquerel