Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 22 juin 2021 à 17h00

Résumé de la réunion

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  • EHPAD
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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 22 juin 2021

La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.

La commission auditionne M. Luc Broussy sur son rapport interministériel sur l'adaptation des logements des villes, des mobilités et des territoires à la transition démographique.

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Notre commission s'est récemment beaucoup consacrée à la crise sanitaire mais aussi à de nombreux autres sujets tels que les politiques de l'emploi ou les questions relatives au fonctionnement des agences régionales de santé (ARS). Parmi les nombreux autres sujets d'actualité, nous ne pouvons bien sûr pas occulter la mise en place de la cinquième branche de la sécurité sociale et, au-delà, les enjeux sociaux, économiques et politiques soulevés par la question du vieillissement. C'est pourquoi nous recevons cet après‑midi M. Luc Broussy qui, à la demande des ministres Brigitte Bourguignon, Jacqueline Gourault et Emmanuelle Wargon, a récemment remis un rapport sur l'adaptation des logements, des villes, des mobilités et des territoires à la transition démographique. Ce rapport est intitulé Nous vieillirons ensemble : 80 propositions pour un nouveau Pacte entre générations. Il s'inscrit dans la suite du rapport sur l'adaptation de la société au vieillissement que vous aviez remis au Premier ministre voici maintenant huit ans.

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Luc Broussy

Ce rapport arrive à un moment à peu près aussi singulier que le moment où il m'a été commandé fin novembre. Initialement, il s'agissait d'une mission très courte : je devais rendre des conclusions à la fin janvier pour alimenter le projet de loi Grand âge et autonomie qui devait parvenir au Conseil d'État au mois de mars. Six mois plus tard, je viens vous le présenter avec l'espoir qu'il alimentera un projet de loi Grand âge et autonomie devenu maintenant Générations solidaires.

Finalement, avec quelques mois de décalage, la problématique est similaire : comment faire en sorte que ce projet de loi ne soit pas seulement, même si ce serait déjà très important, un projet de loi sanitaire et médico‑social mais qu'il ait une approche beaucoup plus transversale et interministérielle que prévu à l'origine ? C'est donc avec une approche interministérielle, que j'ai qualifiée d'holistique, que j'ai voulu m'engager dans ce rapport.

Je souhaitais un document de cinquante ou soixante pages mais il en comporte cent soixante‑quinze parce que, au fur à mesure de l'avancée du travail, la richesse des sujets abordés émerge. Ce rapport aurait pu être encore bien plus volumineux.

L'approche interministérielle a été un atout énorme. Lorsque j'ai remis le rapport aux trois ministres, je les ai remerciées d'avoir eu cette forme de courage car il n'est pas toujours évident et naturel de partager les responsabilités. Que Brigitte Bourguignon ait d'emblée souhaité que ce rapport soit co-conduit avec Emmanuelle Wargon et qu'elles aient ensuite compris la nécessité d'associer la question des territoires a permis de remettre le rapport à trois ministres. Je sais que certains d'entre vous ont assisté en visioconférence à la séance de remise de ce rapport ; vous avez vu à quel point Emmanuelle Wargon d'une part et Jacqueline Gourault d'autre part, Brigitte Bourguignon naturellement aussi, étaient impliquées dans la réflexion.

Le fait que le rapport soit commandé par trois ministres nous a d'emblée ouvert les portes non seulement du ministère des affaires sociales et de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), qui sont les acteurs classiques de ces débats, mais aussi de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) au ministère du logement, d'Action Logement, de l'Agence nationale de l'amélioration de l'habitat (ANAH), de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV)... La signature des trois ministres a permis d'ouvrir le spectre de manière beaucoup plus large que d'habitude.

L'approche holistique repose sur l'idée que vieillir à domicile nécessite d'aborder l'ensemble des sujets, du domicile jusqu'à ce qui permet la vie chez soi. C'est la raison pour laquelle ce rapport aborde les thèmes du logement, de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire et évoque également les questions de mobilités et de transports.

Le contexte démographique comporte au moins deux caractéristiques essentielles. La première est la hausse exponentielle, dans les dix ans à venir, du nombre des personnes âgées entre 75 et 84 ans. La France vieillit, et en regardant dans le détail, des cohortes se distinguent. Il est important de considérer que le nombre de personnes entre 75 et 84 ans augmentera en moyenne de 47 % entre maintenant et 2030 dans vos territoires, dans vos villes, dans vos agglomérations. Nous passerons de 4 à 6 millions de personnes de 75 à 84 ans pendant que, dans cette même décennie, le nombre de personnes de plus de 85 ans stagnera. À partir de 2030, c'est l'inverse avec l'explosion du nombre des personnes de plus de 85 ans et une progression certes, mais moindre, des personnes de 75 à 84 ans.

Je veux ainsi montrer, tout d'abord, les temporalités de la démographie auxquelles il faut nous adapter par des temporalités dans les politiques publiques. Cela ne signifie pas que nous ne devons pas nous occuper de la perte d'autonomie maintenant, tout de suite, mais le phénomène sera beaucoup plus puissant à partir de 2030. L'urgence actuelle est la très forte augmentation du nombre des 75 à 84 ans qui sont concernés par des politiques publiques différentes.

L'adaptation des logements et l'adaptation des villes doit d'abord avoir lieu en direction de ces personnes entre 75 et 84 ans dont la caractéristique particulière est que ce sont des personnes qui vivent chez elles. Il n'est pas utile de leur parler d'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), de services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) ou de services de soins infirmiers à domicile mais ces personnes commencent à avoir de premières fragilités. Ce sont les personnes que vous connaissez autour de vous, qui commencent à dire : « Je vais arrêter de conduire » ou qui sont parfois un peu incontinentes sans oser le dire mais ont besoin de s'adapter. Les premières fragilités apparaissent mais la question de l'EHPAD ne se pose pas car ces personnes ne sont pas dépendantes.

Le second élément sociologique est le constat que les personnes qui auront 85 ans en 2030 avaient 23 ans en mai 1968. Les vieux de demain ne sont donc pas ceux d'aujourd'hui et encore moins ceux d'hier. Ils auront une relation à leur volonté d'autonomie et de liberté différente de celle de leurs propres parents. C'est la première génération qui a vu ses parents en EHPAD. C'est la première génération qui a parfaitement conscience de ce qu'est la dépendance puisqu'elle a eu à s'occuper de celle de ses propres parents. Ces personnes ont donc des réactions différentes, des attentes différentes, des désirs différents, ce qui doit influer sur nos politiques publiques.

J'ai voulu aborder le sujet du logement en priorité car il constitue le point de départ de toute la réflexion. Nul ne peut vieillir chez lui si son chez‑lui est impraticable. Les accidents survenant à domicile causent 10 000 morts par an. Regardez les politiques publiques sur la sécurité routière. Nous sommes passés en quarante ans de 18 000 morts par an à un peu plus de 3 000. Sur le tabac, vous vous battez, ici et ailleurs, pour que les politiques publiques permettent de prévenir le nombre de décès en raison du tabac. Or, concernant les chutes des personnes âgées à domicile, les chiffres n'ont pas changé depuis vingt ans. Chaque année, 8 000 à 9 000 personnes décèdent d'une chute à domicile sans que ce chiffre fasse l'objet d'une communication. J'ai donc mis ce drame de santé publique en exergue du chapitre sur le logement car nous ne pouvons pas continuer à faire comme si ce sujet n'existait pas.

Vieillir chez soi demain nécessite d'abord de redéfinir le chez‑soi. Vieillir chez soi ne signifie pas seulement vieillir dans la maison dans laquelle on a élevé les enfants, dans laquelle on a vécu avec son mari et dans laquelle on est aujourd'hui toute seule avec le jardin, l'escalier qui descend à la cave et l'escalier qui monte à la chambre. Vieillir chez soi est déjà, de plus en plus, une redéfinition du mot « chez‑soi ». Une personne âgée peut être chez elle dans une résidence autonomie, dans une résidence services seniors, dans ce qui est dénommé dans mon rapport « habiter autrement », que ce soit une résidence intergénérationnelle, un habitat inclusif, un système de colocation... Il ne faut pas considérer que vieillir à domicile signifie vieillir dans un chez‑soi inadapté, dans le chez‑soi qui crée ces 10 000 chutes par an.

La nouvelle politique de maintien à domicile, de vieillir chez soi, nécessite donc d'abord de redéfinir la notion de chez‑soi et, de plus en plus, nous pourrons souhaiter un chez‑soi collectif. J'ai déjeuné voici deux ans avec la ministre danoise des personnes âgées. Je lui ai dit : « Vous savez que vous êtes une héroïne ici. On explique que, chez vous, vous avez quasiment interdit la création de nouvelles maisons de retraite. » Elle m'a répondu : « Nous y revenons parce que, à un moment donné, la politique du domicile a aussi ses limites, dont l'isolement. » Nous pouvons mettre tout ce que nous voulons en place. Toutefois, une personne âgée seule chez elle, elle est vraiment seule.

Nous construisons peu à peu cet entre-deux qui n'est pas un logement intermédiaire. « Intermédiaire » signifierait en quelque sorte que, entre chez soi et le cimetière, il existe l'EHPAD et le foyer logement. Non, il s'agit de construire d'autres formes alternatives de lieux où, demain, nous vieillirons. Cela nécessite aussi quelques éléments de politiques publiques, notamment pour les résidences autonomie qui sont un peu les oubliées des politiques publiques.

Il existe aujourd'hui 2 000 résidences autonomie, dont beaucoup sont dégradées en termes immobiliers pour la raison simple que les bailleurs sociaux ne s'en occupent pas. La CNSA vient de mobiliser 60 millions d'euros sur les deux prochaines années, soit quatre fois plus que les quatre années précédentes, mais c'est nettement inférieur aux besoins. Vous aurez bientôt à vous prononcer à nouveau sur l'utilisation du plan d'aide à l'investissement (PAI) de 1,5 milliard d'euros du plan de relance délégué à la CNSA ; je propose que 10, 15 ou 20 % de ce plan de relance soient affectés aux résidences autonomie.

J'insiste sur ce point car la résidence autonomie est la résidence services seniors des plus modestes. Or, aujourd'hui, personne n'est obligé en résidence services seniors. Certains peuvent être contraints d'aller en EHPAD mais nul n'est obligé d'aller en résidence services. Savez-vous pourquoi les gens y vont ? Les habitants des principales grandes enseignes de résidence services sont, à 75 %, des femmes seules âgées de plus de 80 ans. Ce sont donc des personnes qui ont décidé d'aller dans une résidence collective parce que, chez elles, elles ne supportaient plus l'isolement ou l'inadaptation du logement. Toutefois, il faut avoir un peu de moyens pour aller dans une résidences services seniors et ceux qui n'en ont pas vont dans les résidences autonomie. Malheureusement, nous les laissons se dégrader au fil du temps sans beaucoup réagir. Je pense qu'une partie du PAI pourrait aider à l'éviter.

Je n'ai pas beaucoup insisté sur l'habitat inclusif car nous avons déjà l'excellent rapport Piveteau. Lorsque Denis Piveteau et Jacques Wolfrom écrivent, il ne reste rien à dire ensuite. J'ai donc inséré ce sujet dans une dynamique et cité à nouveau – avec l'accord de Denis Piveteau – quelques mesures qui étaient déjà présentes dans son rapport mais je n'ai pas voulu revenir sur les excellentes propositions déjà faites par MM. Piveteau et Wolfrom.

J'en arrive à la simplification et à la massification des aides à l'adaptation des logements. 75 % des seniors sont propriétaires de leur logement et l'adaptation des logements est avant tout une adaptation des logements par leurs propriétaires. Aujourd'hui, les aides forment un capharnaüm, fruit de l'histoire, mélangeant l'intervention d'Action Logement, de la CNAV, de l'ANAH et parfois du département, puisque certains départements comme les Alpes‑Maritimes ou la Saône‑et‑Loire ont des politiques assez dynamiques sur le sujet. Chaque porte d'entrée a des conditions d'éligibilité différentes, selon les ressources, le groupe iso-ressources (GIR)... L'aide MaPrimeRénov' ayant été un succès quantitatif manifeste, incroyable, il faut copier ce qui marche et, avec « Ma Prime Adapt », j'ai tenté, avec le concours de l'administration du ministère du logement, de la DHUP et de l'ANAH, de prévoir un guichet unique, un dossier unique, des conditions uniques d'entrée dans ce système.

La condition des GIR n'est plus acceptable. Emmanuelle Wargon a indiqué que le principe de « Ma Prime Adapt » est à peu près acquis mais le diable se niche dans les détails. Voici quelques jours, un représentant de Bercy a souhaité limiter cette aide aux GIR 1, 2, 3 et 4. J'attire votre attention sur ce point. Il n'est pas possible d'attendre qu'une personne chute trois fois dans l'escalier avant qu'elle puisse enfin bénéficier d'une aide financière pour adapter son logement. Si le coût des travaux est élevé, peut-être pouvons-nous prendre en compte les ressources mais pas le GIR. Si nous n'aidons pas les personnes en GIR 5 ou 6 à adapter leur logement et que nous attendons qu'elles soient en GIR 4, je crois que nous ratons une marche, c'est le cas de le dire !

Il convient de massifier le dispositif : au total, nous consacrons actuellement à peu près 150 millions d'euros à ces dispositifs, en tenant compte du crédit d'impôt, de l'ANAH... Or ce budget est très faible. Vous qui êtes habitués à manipuler les milliards d'euros dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), nous parlons ici de sommes à peu près dérisoires. En Angleterre, le dispositif d'aide à l'adaptation des logements est doté de 550 millions d'euros. Si nous passons demain de 150 à 200 millions d'euros, puis de 200 à 300 puis à 400 millions d'euros en quatre ou cinq ans, avouez que ce ne sont pas du tout des dépenses irréalistes. Ce sont des dépenses extrêmement modestes à l'aune de l'enjeu.

Une fois que le logement est adapté, soit en adaptant le logement existant, soit en changeant de logement, il faut que ce logement soit dans un environnement bienveillant. Vous connaissez autour de vous le cas de la personne fragile qui est bien chez elle mais qui, en franchissant sa porte, se heurte à des trottoirs ou des voiries inadaptées à sa fragilité, à des feux rouges ou des passages piétons inadaptés, à l'absence de bancs publics ou de toilettes publiques... En bref, si la ville n'est pas bienveillante, cela crée une forme d'assignation à résidence : la personne est bien chez elle mais ne pourra pas sortir de chez elle.

Cet enjeu concerne les maires et les présidents d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) plutôt que l'État, l'ARS ou les départements. La première nécessité est d'ériger en label national le label « Villes Amies des Aînés ». Dans quelques jours, Pierre-Olivier Lefebvre, délégué général du réseau « Villes Amies des Aînés », annoncera la composition du label sur lequel il a travaillé mais l'État doit s'en emparer. Si une loi existe, le label doit être contenu dans la loi pour lui donner une force. Il ne doit pas être uniquement le fruit, déjà judicieux, du travail d'une association mais reconnu de manière beaucoup plus officielle.

Il faut surtout que les maires aient envie que leur ville soit labellisée « Villes Amies des Aînés ». Vous êtes des élus. J'ai aussi été élu local et nous savons la fierté que nous ressentons lorsque nous obtenons nos quatre petites fleurs du label « Villes et villages fleuris » et, surtout, notre tristesse lorsque nous en perdons une. Il faut que, de même, les maires soient fiers demain d'avoir à l'entrée de leur ville le panneau du label « Villes Amies des Aînés ».

Ma principale découverte lors du travail sur ce rapport est peut-être la nécessité de connecter la question du vieillissement avec les grands programmes contractuels que l'État a lancés ces dernières années. Je pense d'abord aux programmes Action cœur de ville, qui concerne les 222 villes de plus de 30 000 habitants, et Petites villes de demain, qui concerne 1 600 villes de moins de 20 000 habitants, dont la moitié sont des villes de moins de 3 500 habitants. Dans vos territoires, ce sont les villes qui assument, même si elles sont petites, un rôle de centralité. Dans certains territoires, une ville de 3 500 habitants est déjà une ville comportant un certain nombre de services publics, celle dans laquelle vous vous rendez pour avoir accès à ces services publics.

Lorsque ces deux programmes ont été lancés, voici deux ou trois ans pour le premier et un an pour le second, le mot vieillissement n'existait pas dans ces programmes. Il n'existait pas non plus dans la circulaire du Premier ministre du 20 novembre dernier sur les contrats de relance et de transition écologique alors que toutes les informations qui remontent des élus acteurs d'Action cœur de ville ou de Petites villes de demain montrent que la question du vieillissement est prégnante. Il n'est plus possible de parler de la revitalisation d'un centre-ville sans inclure la transition démographique. Il n'est plus possible de parler de l'avenir d'une ville ou d'un territoire sans aborder sa composante démographique.

Les uns et les autres l'ont compris au fur et à mesure. L'ANCT a bien vu remonter de la part des élus les sujets sur le vieillissement et cette question fait son chemin. Jacqueline Gourault a annoncé que le programme Petites villes de demain comporte désormais un programme d'habitat inclusif. Les 1 600 maires concernés recevront des informations et disposeront d'un forum et d'une newsletter sur l'habitat inclusif. Cette brique « habitat inclusif » deviendra une brique « vieillissement ».

De même, le programme Action cœur de ville doit être renouvelé par le Président de la République au mois de septembre pour quatre ans supplémentaires. Il est prévu avec M. Mouchel Blaisot, le préfet qui coordonne ces travaux, que la question du vieillissement fasse partie des priorités parmi les trois ou quatre grands objectifs de la « saison 2 » d'Action cœur de ville. Ce n'était pas le cas dans la « saison 1 » mais cette « saison 1 » a justement montré que les élus en avaient envie et besoin.

Nous parlons là de milliards d'euros puisque les crédits du programme Action cœur de ville s'élèvent à 5 milliards d'euros, provenant de financements de la Caisse des dépôts, d'Action Logement ou de l'ANAH. Inclure le sujet du vieillissement dans ces grands outils contractuels est évidemment une façon de modifier la ville, de modifier les territoires, d'adapter notre environnement au plus près des citoyens et de le faire par le biais de l'État et des élus locaux. Ceux-ci disposeront au travers de ces outils de financements pour adapter la ville.

Enfin, les mobilités constituent un sujet majeur puisqu'il ne suffit pas d'habiter dans un logement bienveillant et adapté. Pour rester autonome, il faut pouvoir se déplacer. La voiture devient rapidement difficile à utiliser même si je note quelques éléments qui permettraient de conduire le plus longtemps possible en toute sécurité, par exemple les autocollants spécifiques utilisés au Japon. Je propose que nous testions ces procédés en France, peut-être dans certains endroits ruraux où la voiture est indispensable ou en milieu périurbain.

Il convient de distinguer deux types de territoires. Les territoires périurbains construits dans les années 1970-1980 pour les jeunes couples sont désormais des zones habitées par des personnes de 80 ans, où la boulangerie se trouve à 5 kilomètres. Le logement péri-urbain situé en lisière des villes offre un jardin mais posera un problème d'accessibilité aux commerces et aux services publics.

Le second territoire sur lequel je fais un zoom particulier est la Martinique et la Guadeloupe. La situation y est potentiellement catastrophique en termes démographiques. La Martinique est aujourd'hui le soixante-douzième département le plus âgé de France, donc l'un des plus jeunes, tandis que la Creuse est le premier département le plus âgé. Dans trente ans, la Creuse sera deuxième mais la Martinique première. La situation de ce territoire est tout à fait particulière ; je ne parle pas des outre‑mer en général, uniquement de la Martinique et de la Guadeloupe.

Pour en revenir aux mobilités, la personne âgée un peu fragile est d'abord piéton. Or, un piéton sur deux qui décède, en France, a plus de 65 ans. D'une certaine manière, la personne âgée a délaissé les transports publics. Vous voyez peu de personnes âgées dans le métro, non parce que peu de personnes âgées habitent à Paris mais parce qu'elles ne prennent pas le métro et pour cause : il est très peu accessible. Lorsque vous prenez le bus, vous voyez peu de personnes fragiles et pour cause : voyez la conduite d'un certain nombre de chauffeurs de bus. Je ne parle pas de la multiplication dans certaines villes des transports alternatifs – trottinettes, vélos – qui est tout à fait positive mais être piéton dans un tel environnement pose un vrai problème pour une personne âgée un peu anxieuse. Je n'ai pas de solution ; je pose ce sujet de la mobilité des personnes âgées, qui est un impensé des politiques publiques.

Je termine avec la question de la gouvernance. Si nous voulons avoir une approche transversale, expliquer que la question du vieillissement ne se limite pas à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et à la médicalisation des EHPAD mais s'étend à l'adaptation des logements, des villes, des territoires et des mobilités, il faut instituer un lieu qui permette cette co-construction interministérielle. Je me suis tourné du côté du handicap et j'ai vu à quel point la conférence interministérielle du handicap est chaque année un événement pour le monde du handicap, pour vous également ainsi que pour les ministres. Même le ministre du numérique est convoqué à la conférence interministérielle du handicap. Or il n'existe pas de conférence interministérielle de la transition démographique, du grand âge, du vieillissement. Il s'agirait donc de dupliquer cette institution sur le grand âge.

Beaucoup de ministres sont concernés, au-delà du ministre de la santé, du ministre du logement et du ministre des territoires. J'ai cité le ministre du numérique, le ministre des transports, le ministre de l'économie. Si, une fois par an pendant deux heures, le Premier ministre et le Président de la République réunissaient les ministres concernés au sens large par le vieillissement, vous voyez bien quelle impulsion et quel message politique cela donnerait, y compris aux administrations, qui seraient d'une certaine manière « sommées » de travailler un peu plus ensemble.

Enfin, je pense que les départements ont un rôle à jouer. Vous débattez beaucoup – et c'est utile – de la gouvernance État-ARS-département sur la partie médico‑sociale. Qui tarifie la dépendance ? Qui autorise un SAAD ? Ces questions sont absolument essentielles mais nous voyons bien que nous pouvons aussi donner aux départements une responsabilité stratégique. Il s'agit de dire que nous arrêtons avec ces schémas gérontologiques qui ne servent à rien puisque, même si un département peut faire tous les schémas du monde, ce n'est pas lui qui crée les EHPAD. En revanche, nous pouvons imaginer faire un schéma départemental de la transition démographique dans lequel le président du département coordonne les EPCI, les élus locaux et les territoires pour mettre en place des stratégies différentes sur un territoire donné.

J'ai pris dans le rapport l'exemple de la Loire-Atlantique mais cela pourrait être décliné dans n'importe quel département. Entre La Baule, Nantes Métropole et Châteaubriant, il existe trois situations radicalement différentes en termes de dynamiques démographiques. Où faudra-t-il construire le plus d'EHPAD demain ? Évidemment dans le territoire le plus jeune, Nantes Métropole car, même si Nantes Métropole restera le territoire le plus jeune comme Lille, Toulouse ou Montpellier, c'est là que, quantitativement, se trouveront le plus grand nombre de personnes âgées. La situation sera différente à La Baule : les prix de l'immobilier étant ce qu'ils sont à La Baule et le vieillissement de la population étant ce qu'il est, les salariés qui s'occupent des personnes âgées ne peuvent pas habiter à La Baule mais habitent à 20 ou 30 kilomètres, à Saint-Nazaire ou ailleurs.

La question démographique au sens large modèle donc les territoires. C'est un véritable et beau défi pour un président de département que de gérer cette stratégie. Je serais conseiller départemental, cela m'amuserait davantage de penser la stratégie territoriale dans le département que de tarifer l'APA ou le tarif dépendance de l'EHPAD des Glaïeuls, ce que l'ARS pourrait parfaitement faire. En donnant une capacité plus stratégique au département, nous réglerions peut-être plus facilement des questions plus techniques de tarification, qui pourraient être relever de l'ARS sans que cela pose de problème majeur.

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Nous sommes devant un mur démographique et vous appelez à une transition démographique. Aujourd'hui encore, j'ai lu dans un quotidien du soir : « Le grand âge est notre avenir, prenons-en soin dès maintenant. » Quarante personnalités s'expriment dans cette tribune pour souligner l'urgence à prendre en compte ce défi.

Ce qui m'a personnellement le plus marqué à la lecture de votre rapport est cette approche globale, transversale et holistique. Nous la retrouvons évidemment dans la déclinaison des différents chapitres, y compris jusqu'à la gouvernance où, avec pertinence, vous avez convoqué absolument tout le monde autour de la table, c'est-à-dire les villes, les bailleurs sociaux, les propriétaires de leur logement, les départements dont nous attendons un effort particulier pour l'aide à domicile. Le sujet est tout à fait d'actualité avec la question des tarifs socles et de la grande inégalité territoriale qui règne dans notre pays.

Vous n'avez pas oublié les régions. Spécialiste de la silver économie, vous leur faites un clin d'œil car le sujet comporte aussi tout un aspect économique avec le développement associé à l'adaptation des logements et au vieillissement en général de technologies telles que la domotique. Vous n'avez oublié ni l'État, puisque vous parlez de conférence interministérielle, ni les financeurs institutionnels.

Lorsque nous avons interrogé le Premier ministre, nous avons bien compris qu'un arbitrage était nécessaire pour progresser vers une grande réforme. Sa réponse a été plutôt encourageante puisqu'il nous a dit que le dossier était actuellement prêt, après de nombreux rapports dont le vôtre. Il est aujourd'hui en cours d'arbitrage à Matignon.

Votre rapport comporte des points marquants et innovants comme « Ma Prime Adapt », qui est un sujet original. La place de la femme âgée et même très âgée dans la société est une réflexion un peu philosophique et également sociétale car c'est une réalité très concrète. Je pourrais prendre de nombreux autres exemples dans votre rapport, que j'ai trouvé assez complet, global, holistique. Je pense qu'il doit servir de base à des propositions très rapides.

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Nous vieillirons ensemble : quel beau titre pour présenter ce véritable enjeu qui nous concerne tous. Je retiens deux chiffres : 85 % des Français souhaitent vieillir à domicile mais, chaque année, 2 millions de personnes âgées chutent tandis que 40 % des victimes ne reviennent pas vivre à leur domicile. À travers ces éléments, vous posez toute la problématique.

Je partage bien sûr tous vos constats. Je souligne la qualité de votre rapport, des quatre‑vingts propositions qui pourraient d'ailleurs tous nous réunir pour changer ces situations car il faut effectivement des moyens car ceux existants sont insuffisants.

Comment traduire aujourd'hui en la volonté politique et en mesures concrètes toutes ces propositions ? Comment les mettre en œuvre ? Quelles réponses avez-vous déjà du Gouvernement suite à votre mission interministérielle ? Que contiendra le volet habitat du projet de loi autonomie, rebaptisé projet de loi pour les générations solidaires ? Quelles mesures pourraient être comprises dans le prochain PLFSS, le dernier du quinquennat ?

Plus concrètement, êtes-vous favorable à la mise en place de diagnostics logement et autonomie à domicile à partir de 75 ans afin de repérer les besoins éventuels d'adaptation du logement ? Il s'agirait de faire un état des lieux du logement, des besoins des occupants en termes d'ergonomie, de qualité de vie et de sécurité et un bilan des adaptations nécessaires comme cela se pratique dans les pays du nord de l'Europe. La prévention de la perte d'autonomie est un parent pauvre de notre politique, monsieur le rapporteur. Il est indispensable de la renforcer.

Afin de garantir le libre choix de la personne âgée, qui ne doit pas être assignée à résidence, comment valoriser les solutions alternatives à l'entrée en EHPAD ? Quelle place réserver aux initiatives comme l'EHPAD hors les murs ou l'accueil familial ? Comment promouvoir la palette de solutions offertes aux personnes âgées ? Comment sortir de cette bipolarisation, avec d'un côté le domicile et, de l'autre, l'établissement médicalisé ?

Le choix de la proximité et la lisibilité sont essentiels dans ce domaine. Quelle place accorder au département ou à la commune dans l'adaptation des logements, des villes, des mobilités, des territoires à cette transition démographique ? Dans votre rapport, vous évoquez notamment un maire qui a une vision et une politique à 360°. Nous connaissons l'engagement et l'investissement de nos élus locaux dans ce domaine.

Votre rapport se termine par des propositions en matière de gouvernance et avec ce besoin de transversalité des politiques du vieillissement. La création d'un comité interministériel de la transition démographique est-elle suffisante pour, sans ajouter de lourdeur à cette politique, associer réellement autour du Premier ministre tous les ministres, évoquer tous les sujets tant ils sont nombreux et, surtout, déboucher sur de vraies solutions ? Monsieur le rapporteur, comment être sûr que les schémas départementaux de la transition démographique pourront dépasser les écueils des actuels schémas gérontologiques ?

Votre rapport est intéressant ; il fait suite à un certain nombre de rapports que nous connaissons déjà mais notre principal souhait est que tout ceci devienne concret.

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Votre rapport permet d'éclairer les décisions que notre Assemblée aura, nous l'espérons tous, à prendre très bientôt lors de l'examen de la future loi permettant de mieux vieillir.

Vous avez parlé de financement, de gouvernance. Je voudrais aborder la question de l'anticipation et de la prise de conscience de la part des retraités, notamment en ce qui concerne leur logement et son adaptation. En particulier, votre proposition 32 est l'envoi d'un questionnaire de sensibilisation sur le logement à tous les retraités à l'occasion de leur soixante‑dixième anniversaire. Vous en préconisez l'envoi systématique par la CNAV à tous les assurés sociaux. Cette sensibilisation et le repérage de potentielles fragilités, réalisés le plus tôt possible, est une idée que nous portons depuis longtemps. Plus la prévention est précoce, plus elle est efficace.

Les rendez-vous de départ à la retraite réalisés par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail sont aussi un moyen à un moment d'atteindre la très grande majorité des personnes au moment charnière où ils partent à la retraite. Si votre idée de questionnaire adressé à 70 ans est très intéressante, j'aimerais donc vous demander si nous ne pourrions pas profiter de ces rendez-vous lors du départ à la retraite pour que les jeunes retraités puissent anticiper la problématique, faire une sorte de bilan logement en tenant compte de la présence ou non d'une famille à proximité, comme nous faisons lors de ces rendez-vous un bilan patrimonial ou un bilan de santé.

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Ces quatre‑vingts propositions viennent s'ajouter à de très nombreuses propositions contenues dans tous les rapports nombreux et variés réalisés depuis quelques années mais vos propositions sont plus poussées en ce qui concerne le domaine du logement.

Vous avez déjà présenté un rapport sur le logement en 2013. Comment avez‑vous abordé celui-ci ? L'avez-vous abordé de façon différente, peut-être de façon plus interministérielle que celui de 2013 ? Avez-vous essayé de regarder quelles étaient les évolutions entre ce que vous préconisiez en 2013 et maintenant ?

Vous avez parlé des résidences autonomie. Il me semble que, dans la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement (« ASV ») de 2015, le secteur des résidences autonomie était concerné. Elles s'appelaient alors foyers logements et elles devaient se transformer en cinq ans en résidence autonomie. Avez-vous fait un bilan de cette loi puisque nous sommes maintenant cinq ans plus tard ? Les conférences des financeurs qui étaient chargées de cet objectif ont‑elles avancé sur le sujet ?

Quelle place souhaitez‑vous par ailleurs donner aux conférences des financeurs dans la prévention de la perte d'autonomie, notamment dans l'adaptation des logements en ce qui concerne les GIR 5 et 6 ? C'est très clairement un des rôles dévolus à cette conférence des financeurs lors de la loi « ASV ».

À l'occasion de l'évaluation de la loi « ASV » en septembre 2017, ma collègue Charlotte Parmentier‑Lecocq et moi-même avions proposé l'interministérialité de la gouvernance. Comment la concevez-vous ? Quel ministre de rattachement proposez-vous, puisqu'il faut malgré tout un ministre de rattachement ?

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Votre rapport prend vraiment en compte les conséquences des évolutions démographiques que connaîtra notre pays dans les prochaines décennies. Comment rendre possible le souhait de 85 % des Français qui voudraient vieillir à domicile ? Cela nécessite des aménagements adaptés à ce que vous appelez dans votre rapport le virage domiciliaire. Nous devons également renforcer les services d'aide à domicile afin de leur apporter plus de garanties sur l'exercice même de leurs missions et assouplir les conditions d'utilisation de ces services.

Aujourd'hui, il existe plusieurs façons de rester chez soi. Il est possible de rester chez soi en adaptant son logement à la perte d'autonomie ou de vivre dans une résidence services seniors ou dans une résidence autonomie. Nous devons donc développer ces types de résidences mais en assurant toujours l'équité territoriale.

Il est primordial d'améliorer la lisibilité du parcours résidentiel des personnes âgées en perte d'autonomie et de permettre de mieux prendre en charge le temps de coordination avec les services prodiguant des soins à domicile, qu'il s'agisse de soins infirmiers ou d'hospitalisation à domicile.

Dans un souci de simplification, vous préconisez l'harmonisation des conditions d'accès aux aides. J'y suis vraiment très favorable, ainsi qu'à « Ma Prime Adapt », un dossier unique de demande d'aide pour l'adaptation de son logement. Vous souhaitez financer ces aides avec le concours de la cinquième branche de la sécurité sociale.

Enfin, vous proposez de confier au département l'animation des filières. Je pense personnellement que la filière régionale de la silver économie est la strate la plus pertinente car c'est elle qui coordonne le mieux la silver économie et l'aménagement du territoire. Il me semble que cette coordination doit être réalisée à l'échelle régionale, à l'échelle de la compétence de l'aménagement d'un territoire.

Le groupe UDI & Indépendants attend avec beaucoup d'intérêt le projet de loi Grand âge et autonomie et vous remercie pour ce rapport très concret, qui nous permet d'avancer dans cette trajectoire pour les années à venir.

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Ce rapport et ses quatre‑vingts propositions sont remarquables. Vous aviez déjà rendu en 2013 un rapport dans lequel nous disiez : « Monsieur le Premier ministre, madame la ministre, pour conclure, laissez-moi vous avouer que ce rapport est presque un plagiat. » Vous vouliez ainsi dire que tant de rapports s'étaient succédé que vous aviez fait en 2013 une synthèse. Vous proposiez dix objectifs. Le premier était déjà l'adaptation du logement, le deuxième était l'EHPAD plateforme de services, le dixième était le guichet unique. Vous terminiez par : « Le vieillissement, c'est comme le sucre dans le café. Il doit être partout sans qu'on le voie, c'est-à-dire intégré dans toutes les politiques publiques. »

Huit ans plus tard, comment la situation a‑t‑elle évolué ? Quels sont les points de blocage ? Pourquoi n'arrivons-nous pas à avancer plus vite ? Pourquoi cela reste-t-il dans le domaine de spécialistes et de professionnels sans ruisseler auprès de la société civile ? C'est un problème sociétal et chacun doit s'en emparer alors que la question reste au niveau d'initiés.

Par ailleurs, 50 % des locataires du parc social ont plus de 50 ans. Une convention a été conclue entre l'État et l'Union sociale de l'habitat (USH) en février 2017. Je voudrais savoir ce qui a avancé car adapter ce parc social au vieillissement est un véritable enjeu pour les bailleurs sociaux. C'est difficile pour eux du fait des contraintes financières. Avez-vous pu travailler avec eux sur ce sujet ?

Enfin, je souhaite vous féliciter pour la première partie qui traite de la transition démographique qui est un sujet peu abordé. Nous vivons au jour le jour, dans l'immédiateté. La force de votre rapport est d'avoir pointé dès le début cet enjeu essentiel.

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J'ai lu toutes vos propositions mais je me suis particulièrement intéressé à la première. Nous parlions dès 2004, 2007 et 2013 de réduire le nombre de chutes des personnes âgées. Il s'agit de la troisième cause d'admission en médecine aiguë, de la première cause d'accident mortel. Les chutes représentent 80 % des accidents de la vie chez les personnes de plus 65 ans. Elles causent 12 000 décès et 40 % de pertes d'autonomie. Elles coûtent 2 milliards d'euros aux collectivités. C'est donc vraiment un problème de santé publique.

J'ai trouvé sur Internet le « trottoir belge ». Aux Pays-Bas, la société n'a pas attendu les pouvoirs publics pour commencer la prévention active contre les chutes des personnes âgées. Je ne sais pas si les trottoirs belges sont aussi délétères à Bruxelles mais, en tout cas, les Pays-Bas ont considérablement diminué le nombre de fractures du col du fémur et ont également rendu leur dignité à ces personnes âgées.

La loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (« Élan ») permettra en 2021 les premières constructions de logements neufs évolutifs équipés de douches à l'italienne. C'est du concret, nous n'avons pas attendu. Les aides à domicile seront revalorisées au 1er octobre. Quelles solutions vraiment concrètes, proposez-vous donc pour réduire les chutes de 30 % ?

Les aides à domicile peuvent assurer des formations. J'ai été médecin généraliste par le passé et amené à réaliser des visites à domicile. J'ai pu constater que les chambres étaient un endroit extrêmement dangereux, comme les salles de bains. Nous avions donc des solutions très proactives. Par ailleurs, il conviendrait de revoir la grille car il est trop tard pour engager des mesures de prévention quand une personne est en GIR 1 ou 2.

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Le vieillissement est effectivement un sujet transversal et la signature par trois ministres de votre lettre de mission le montre bien. Nous devons aborder le sujet sous cet angle, pas uniquement par la grille de lecture, certes utile, du médico‑social.

La transversalité des politiques publiques doit aussi être traduite sur le plan de la gouvernance, à la fois pour la gouvernance nationale et pour la gouvernance locale. Sur le plan national, je salue votre proposition de créer un comité interministériel de la transition démographique mais je voudrais vous interroger sur vos propositions en matière de gouvernance locale. Vous évoquez la nécessité d'un New Deal entre départements et État, avec un schéma départemental de la transition démographique. Vous proposez également de confier la stratégie aux conseils départementaux et la tarification aux ARS tandis que l'autorisation et la planification seraient gérées conjointement par les conseils départementaux et les ARS.

Qu'en est-il du financement ? Vous abordez rapidement la possibilité – qui semble une mauvaise idée – de dissocier établissements et services en fonction du financeur. Comment envisager le dialogue avec les acteurs locaux ?

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Votre rapport permettra aux différents acteurs d'aider nos aînés à vieillir dignement chez eux et j'ai particulièrement apprécié votre idée d'une nouvelle définition du chez‑soi.

Sur la question de la gouvernance, je retiens votre suggestion du département stratège. J'aimerais mieux comprendre comment vous voyez l'articulation du rôle du département avec les autres collectivités territoriales, avec les communes, les régions et l'État. Comment résoudre ce problème complexe de disposer de solutions adaptées aux différents territoires ? Le vieillissement ne se vit pas de la même façon à la ville et à la campagne. Il faut en même temps nous assurer que nous disposions bien d'une politique de soutien à l'autonomie qui soit homogène et cohérente dans notre pays pour en finir avec les inégalités territoriales, sur l'offre mais aussi sur l'épineuse question du reste à charge.

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Les propositions que vous faites sont intéressantes. Vous parlez du défi démographique, plébiscitez l'approche domiciliaire et je suis très heureux de voir revenir la loi Grand âge – qu'un mensuel enterrait – au travers de la loi Générations solidaires. Vous évoquez la labellisation, l'interministérialité, le vieillissement dans les quartiers prioritaires de la ville, le développement des ergothérapeutes, la création d'une conférence nationale de la transition démographique, la mobilité, les résidences autonomie, en bref toutes les politiques publiques qui interviennent dans le vieillissement.

Nous avons évoqué ce vendredi aux journées régionales du vieillissement de la région Centre-Val de Loire le point de vue du citoyen : il choisit sa place au cimetière et son EHPAD mais il ne prépare finalement pas sa perte d'autonomie. Selon vous, quelles mesures pourrions-nous proposer pour inciter davantage nos concitoyens à mieux préparer leur perte d'autonomie ?

En ce qui concerne la gouvernance, vous placez le conseil départemental à un niveau tout à fait intéressant. Cette question relève bien sûr de sa compétence mais, en termes d'équité territoriale, quelles doivent être les places respectives de l'État, de l'ARS, de la CNSA, des régions, des EPCI ? Une gouvernance un peu plus large n'est-elle pas nécessaire ?

Enfin, si nous ne devions retenir que trois propositions, quelles seraient-elles ?

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Vous écrivez dans l'introduction de votre rapport : « Vieillir chez soi suppose un logement adapté. Vivre chez soi suppose de bénéficier d'un quartier sécurisant. Vieillir chez soi suppose enfin de prendre en compte la géographie du vieillissement. » Je souscris pleinement à ce constat et à ces ambitions pour le bien-être et le bien-vivre de nos aînés.

Une des questions majeures qui nous préoccupe ici est celle du manque d'offre de résidences seniors alternatives aux EHPAD. Je souhaite attirer plus particulièrement votre attention sur votre proposition 5 : mixer le prêt locatif aidé d'intégration (PLAI), le prêt locatif à usage social (PLUS) et le prêt locatif social pour avoir des résidences services seniors à vocation sociale.

Comme vous l'énoncez dans votre rapport, l'article 20 de la loi « AVS » de décembre 2015 a introduit la possibilité de prioriser sous certaines conditions l'attribution de logement en faveur des personnes en situation de perte d'autonomie liée à l'âge ou au handicap. Dans les faits, nous constatons que cet article n'est pas assez appliqué. Comment développer davantage et rapidement ces mesures pour arriver à l'objectif d'une vraie mixité sociale ?

Une autre question sous-jacente et primordiale doit également être évoquée, celle de la modernisation des résidences autonomie et de l'offre de service nécessaire aux résidents. Comment financer une telle politique ? Est-ce, à l'aune des moyens qu'il faudrait y attribuer, une alternative à la prise en charge de nos aînés ? Devons-nous nous concentrer sur d'autres structures ?

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Nous partageons bon nombre de vos préoccupations quant au vieillissement mais la fin ne justifie pas toujours les moyens. Je tiens donc vraiment à vous féliciter pour l'art de reformuler ; de nombreux rapports depuis 2013 ont déjà été rendus, ce qui explique probablement ce que nous avons noté sur l'exhaustivité de vos sources dans ce rapport.

Je crois que le vrai sujet est l'âgisme, les discriminations liées à l'âge. De nombreuses personnes chutent tout simplement parce que l'acte de prévention – la nécessité de prendre soin de soi et d'accepter son vieillissement – a fait défaut depuis la quarantaine. De nombreuses personnes chutent à cause d'un défaut de prévention des troubles cardiovasculaires. La transition démographique n'a pas été prise en compte dans nos politiques publiques depuis très longtemps, depuis le rapport Laroque en 1962, à cause de l'âgisme dans nos organisations. C'est pour cela que la transition démographique n'est pas une priorité. Je vous invite donc à relire le rapport sur l'âgisme pour essayer peut-être de trouver de nouvelles pistes dans les années futures.

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Luc Broussy

Monsieur Perrut a demandé quelles mesures le Gouvernement retiendra de mon rapport. Je l'ignore, mais je ferai tout pour qu'il en retienne le maximum. Chaque rapporteur a son profil. Il peut être parlementaire et donc avoir une forme de droit de suite. Il peut être haut fonctionnaire et avoir, une fois la plume déposée, peu de droit de réserve. Il peut aussi être un zébulon.

Je publierai chaque mois à partir de la rentrée l'état d'avancement des propositions que j'ai faites. J'ai ma liberté et je n'ai pas travaillé pendant cinq mois sur un rapport de 175 pages pour la beauté du geste. Je suis un militant de ces questions. Je suis chef d'entreprise. J'ai passé des nuits entières à rédiger ce rapport, pendant des mois. Je me battrai, pas forcément pour toutes les mesures, car je n'ai pas envie que ce rapport reste lettre morte. Ma responsabilité personnelle, qui n'engage que moi, est d'assurer un service après-vente extrêmement vigilant de ce rapport. Je le ferai avec qui veut bien le faire.

Je reviens sur un point essentiel : si une loi est présentée, un certain nombre d'éléments pourront y être inclus, mais, en l'absence de loi, que faire ? En réalité, nous ne savons pas si une loi sera votée. La question n'est pas de savoir si nous avons envie d'une loi ; tout le monde en a envie sur cette question, mais il est possible qu'elle n'existe pas. J'attire donc votre attention sur notre responsabilité collective à faire avancer tous ces sujets même en l'absence de loi. J'attire aussi votre attention sur l'importance d'indiquer à ceux qui peuvent décider que ce serait vraiment dommage de ne pas avoir de loi alors que nous pouvons tant mettre dedans. Nous nous adapterons donc à la situation.

Comme parlementaires, notamment de la majorité, et puisque vous semblez avoir approuvé nombre de ces propositions, j'ai envie que nous nous battions ensemble pour qu'elles fassent partie d'un projet de loi et que ce projet de loi soit présenté le plus rapidement possible.

Toutefois, même si ce n'est pas le cas, un certain nombre de propositions peuvent avancer. Je ne sais pas comment chacun se représente ses propres responsabilités, notamment de parlementaire, mais nous savons bien que la responsabilité d'une responsabilité est certes de voter la loi, mais aussi d'agir au-delà.

Une question m'a été posée à propos de la convention entre l'État et l'USH signée en 2017. Il s'agit de cinq ou six pages sans grand intérêt et je le dis d'autant plus facilement que la ministre qui a signé cette convention était Emmanuelle Cosse qui, cinq ans plus tard, est devenue la présidente de l'USH. Elle sait donc de quoi elle parle. Je lui ai demandé, lorsque je l'ai rencontrée si, maintenant qu'elle n'était plus ministre, mais présidente de l'USH, elle serait d'accord pour signer avec l'État une charte bien meilleure que celle signée lorsqu'elle était ministre.

La principale différence entre 2013 et 2021 est peut-être la conscientisation des acteurs. En 2013, lorsque je dialoguais avec mes interlocuteurs sur le sujet, j'avais l'impression de parler un peu javanais à certains. J'ai été frappé de voir à quel point les acteurs sont beaucoup plus conscients des enjeux qu'ils ne l'étaient en 2013.

Jeanine Dubié, vous dites que cela ne ruisselle pas dans la société. J'ai le sentiment exactement inverse. Cela ruisselle dans la société, mais cela ne ruisselle pas – sauf ici – dans le champ politique. Cela ruisselle auprès des élus locaux qui ne cessent d'innover. Cela ruisselle chez les bailleurs sociaux qui ont enfin compris l'enjeu de la modernisation du parc social. Cela ruisselle à l'ANAH, à la CNAV, dans les régions. Par exemple, je n'avais pas dialogué voici sept ans avec l'ANRU. Cette fois-ci, j'avais à peine commencé la mission que j'ai reçu un appel du directeur général de l'ANRU, Nicolas Grivel, pour me parler de la question du vieillissement, des opérations que je mentionne en Seine-Saint-Denis ou chez François Bayrou dans le quartier Saragosse à Pau. L'ANRU est donc proactive, avec les bailleurs sociaux et les élus locaux. Mon constat est donc complètement différent : la société avance, les sujets ont avancé, tous ceux à qui j'ai parlé comprenaient ce que je leur disais contrairement à la situation en 2013.

Je pense que l'interministérialité est cruciale. J'ai vu le président Lescure et Cédric O justement pour sortir du seul champ social. Sans dévoiler des discussions privées, un député présent dans cette salle, venant de Tours, m'évoquait l'idée d'avoir une commission spéciale pour ce projet de loi, qui ne soit pas la commission des affaires sociales, mais comporte des spécialistes du logement, du numérique, de l'économie... Vous donneriez ainsi un signe de cette vision transversale.

Ce qui ne marche pas aujourd'hui, c'est que nous ne parvenons pas travailler en dépassant le tuyau d'orgue. Cela ne marchait pas non plus hier puisque le rapport de 2013 n'a pas été complètement traduit dans la loi « ASV », ce dont je suis le premier conscient et déçu. Par qui le projet de loi actuel est‑il préparé ? Vous ne l'avez pas encore vu, mais il existe, sinon son inscription en Conseil des ministres ne serait pas demandée. Il est préparé par la direction générale de la cohésion sociale. Je ne dis pas que le ministère du logement ne prépare pas des articles, mais je veux dire que, dans toute notre logique, une administration centrale est responsable d'un projet de loi et tout part de là. Tant que vous aurez un projet de loi préparé par la direction générale de la cohésion sociale puis soumis à la commission des affaires sociales, vous aurez un projet social, mais pas un projet transversal.

Je pense qu'il est fondamental qu'il existe un lieu d'interministérialité pour que nous puissions avoir une vision transversale. Sinon, nous serons bloqués non par la volonté de personnes, mais par le poids des institutions.

Encore une fois, je m'étais préparé à rédiger quarante ou cinquante pages car le ministère m'avait, lors de la commande, demandé de réactualiser mon rapport de 2013. Assez rapidement, je me suis pris au jeu et je n'ai finalement pas réactualisé car il existait beaucoup de nouveautés. Les programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain n'existaient pas en 2013. Parler avec les bailleurs sociaux était plus difficile car ils n'étaient pas autant conscients du vieillissement de leurs propres locataires alors que c'est aujourd'hui un enjeu majeur pour eux. Ils en parlent donc et nous pouvons avancer, mais encore faut-il avoir un interlocuteur en face.

Qui, à part vous, interrogera demain le ministère du logement sur la convention État-USH ? Tout le monde est d'accord avec cette convention, mais qui la met en œuvre ? Là est la difficulté. C'est à ce titre que le droit de suivi, avec ou sans loi, vous appartient. Nombre de points, comme la convention État-USH, ne passeront pas par la loi, mais par un outil contractuel que vous pouvez promouvoir en interrogeant les intéressés.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué la question de la gouvernance. Sans originalité, j'ai essayé de dire que l'État fixe une orientation et que les régions sont plus particulièrement compétentes pour la silver économie. Je suis président de la filière de la silver économie et nous avons commencé juste avant les élections un tour de France des régions pour que, dans chaque région, une forme d'organisation permette avec l'institution régionale d'animer cet écosystème. Je pense que le département est le bon niveau lorsqu'il s'agit d'une dimension de stratégie territoriale. La marqueterie est suffisamment diverse dans un département pour ne pas aller plus loin.

J'aurais pu faire plus, mais je me suis incrusté dans le débat sur la gouvernance alors que je n'étais pas mandaté pour. Je n'ai pas voulu en faire trop puisque ce n'est pas le sujet sur lequel j'avais été missionné. Je ne crois pas qu'une véritable négociation ait commencé entre l'État et les départements – cette semaine n'est pas le bon moment d'ailleurs –, mais il faut effectivement tout mettre sur la table pour que chacun se sente respecté.

J'ai été conseiller départemental pendant huit ans. Établir la tarification dépendance de l'EHPAD des Myosotis ne m'intéresse pas. Je pense qu'un bon tarificateur de l'ARS pourra très bien le faire puisque ce sont des équations nationales. Il suffit d'une calculette et il n'est pas nécessaire de penser. Je crois que, lorsque nous sommes élus, c'est pour faire de la politique et non des équations. Demander aux départements d'établir une stratégie départementale plutôt que de calculer les tarifs me semble être un bon compromis pour une nouvelle négociation entre l'État et les départements. Inversement, prendre aux départements en donnant un tout petit peu en échange provoque à un déséquilibre qui conduit à l'échec.

Puisque nous reconnaissons qu'il faut moins de porosité entre le domicile et l'établissement, nous ne pouvons pas avoir une loi qui lie les établissements à l'ARS et le domicile au département. C'est une aberration. Il faut donc que vous tordiez très rapidement le cou à ce sujet, avant qu'il prenne forme. Cela ressemble à un petit arbitrage entre l'État et les départements, que les départements n'accepteront pas j'espère, mais c'est un non‑sens stratégique. Vous ne pouvez pas parler des plateformes, de ces frontières entre domicile et établissement qui se complexifieront et créer une séparation.

Il existe un autre document sur l'EHPAD du futur comme je le rappelle dans le rapport. Il faut transformer les modalités d'autorisation des EHPAD et, même sans projet de loi, je me demande si le PLFSS ne peut pas accueillir un tel article. Voulez-vous oui ou non des EHPAD plateformes, notamment vous, les parlementaires de la majorité ? Si oui, un article L. 312‑1‑1 nouvellement rédigé par quelques personnes est à votre disposition pour l'intégrer dans le code de l'action sociale et créer des EHPAD plateformes. Tout le monde est d'accord. Cela ne signifie pas que tous les EHPAD seront des EHPAD plateformes, mais ceux qui le veulent pourront le devenir.

Il existe 7 500 EHPAD en France et 70 % des Français habitent à moins de 5 kilomètres d'un EHPAD. Pour lutter contre les déserts médicaux et contre l'isolement, nous pouvons donner aux EHPAD la responsabilité de s'occuper de ce que le directeur général de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés solidaires a lui‑même qualifié de « file active ». Au-delà d'héberger quatre‑vingts résidents dans ses quatre murs, l'EHPAD serait responsable des cent ou cent cinquante personnes qui habitent autour. L'EHPAD les fait venir pour déjeuner ou pour des animations ou pour les consultations mémoire. L'EHPAD peut aussi se rendre à leur domicile, pour leur porter les repas ou faire de la téléassistance. Il peut les faire venir pour une consultation de télémédecine avec le centre hospitalier universitaire qui se trouve à 40 kilomètres.

Soit l'EHPAD se cornérise et redevient un nouveau long séjour des années 2020, soit il s'ouvre. Aujourd'hui je n'ai pas l'impression qu'un projet de loi renverse la table sur ces questions. Un article existe, je peux vous le transmettre et je crois vraiment que c'est le moment ou jamais. Cela ne signifie pas que tous les EHPAD de France se transformeront demain matin, mais il faut leur en donner la possibilité pour qu'ils s'ouvrent, qu'ils fassent à la fois du domicile et de l'établissement de façon beaucoup plus fluide, le tout étant gouverné par l'État et le gouvernement.

Cyrille Isaac-Sibille, je me suis beaucoup posé la question de l'âge : à quel moment faut-il commencer à faire prendre conscience aux personnes qu'il serait bon de réfléchir à leur avenir et à leur vieillesse ? C'est une question qui se pose à nous tous. Je viens d'avoir 55 ans ; je suis encore très jeune, mais certains ici me disent que, dans cinq ou six ans, je pourrai commencer à réfléchir à l'adaptation de mon logement. Mais celui qui m'invite à le faire aura de mes nouvelles. Vous voyez ce que je veux dire : prendre le sujet trop tôt est totalement contre-productif.

L'entretien retraite aura lieu à 63 ou 64 ans. À 64 ans, certains ne savent pas encore où ils passeront leur retraite, s'ils vont déménager, rester chez eux ou aller dans leur maison de campagne. J'ai proposé 70 ans parce que je pense que c'est le moment où les personnes se stabilisent à peu près et savent où et comment elles envisagent de vivre leur retraite.

Je pense qu'il est contre-productif de le faire trop tôt, plus encore avec les générations qui arrivent et qui vous renverront votre dossier à la figure. Mais trop tard, c'est trop tard. Il faut donc trouver un juste milieu. Cela n'empêche pas, dans le nouvel entretien retraite, de commencer à sensibiliser les personnes, mais pas trop tôt pour ne pas passer à côté.

Agnès Firmin Le Bodo a raison de dire que le sujet des résidences autonomie a été traité dans la loi « ASV » de 2015, mais cela n'a absolument rien résolu. La loi de 2015 dit qu'un foyer logement qui nettoie le linge, fait le ménage et apporte quelques services de restauration peut s'appeler résidence autonomie. La réalité est que tous s'appellent maintenant résidence autonomie et qu'ils assuraient déjà tous ces services. La question immobilière n'a jamais été résolue par la loi « ASV ».

Plus de 70 % des résidences autonomie sont gérées par des centres communaux d'action sociale et près de 80 % sont la propriété de bailleurs sociaux. Deux questions se posent, celle de l'immobilier et celle de l'animation sociale. Trop de résidences autonomie, faute de personnel, ne sont qu'un logement, mais sans beaucoup d'animations. Il convient de repenser tout ce que la loi de 2015 n'a pas fait. Elle a changé le nom, mais n'a pas changé les murs. Il ne me semblerait pas honteux que vous demandiez que 10 % ou 15 % au moins des 1,5 milliard d'euros du PAI soient fléchés vers les résidences autonomie. Cela représenterait déjà 200 millions d'euros et permettrait d'agir.

J'attire votre attention sur la création et le développement de foncières autour d'Action Logement ou de la Caisse des dépôts qui ont des centaines de milliers d'euros d'investissement potentiel. Le PAI de l'État et les foncières qui se développent permettent de travailler, en mettant tous ces acteurs autour de la même table pour élaborer un plan stratégique sur quatre ou cinq ans. L'argent existe, il faut l'organiser.

M. Delatte, j'avoue que je ne connais pas les trottoirs belges. Peut-être pourrions demander un rapport parlementaire sur une comparaison des trottoirs européens. Fixons‑nous un cap sur les chutes car, lorsque les choses sont dites, elles sont au moins dans les esprits. Le non-dit total m'a frappé sur cette question des chutes. Personne ne connaît les chiffres et les journalistes étaient très choqués lorsque je citais ce chiffre qu'ils estimaient énorme. Répétons donc ce chiffre et disons bien qu'il s'agit d'un risque majeur.

En ce qui concerne les conférences des financeurs, bien malin qui peut dire aujourd'hui à quoi servent les 140 ou 150 millions d'euros déconcentrés vers les conférences des financeurs. Vous savez, chacun dans vos départements, à quoi ils servent, mais ce financement est extrêmement disséminé.

Je propose dans ce rapport que nous nous fixions quelques programmes nationaux. Nous pouvons décider que chaque département décide de l'usage du budget déconcentré et nous fixer tous ensemble un programme, par exemple que 20 % des financements délégués aux conférences des financeurs servent en 2022 à la domotique ou à un autre sujet. Je suggère donc que, au-delà du financement d'actions éparses, nous ayons 10, 20 ou 30 % de ces 150 millions d'euros qui soient fléchés dans tous les départements de France sur une action. Cela permettrait d'harmoniser les pratiques.

L'émiettement des financements empêche de connaître les résultats tangibles, mais personne ne prendra aujourd'hui la responsabilité de souhaiter supprimer les conférences des financeurs car beaucoup fonctionnent bien. Nous sommes donc dans un entre‑deux qui mériterait d'être revu. Au bout de quatre ou cinq ans, il n'est pas illégitime de se demander ce qui est bien ou non dans les conférences des financeurs.

Monsieur Ramadier, le sujet des prêts est effectivement très technique et je ne comprends moi-même pas la moitié de ce que j'ai écrit. J'ai voulu être le réceptacle de ceux qui connaissent. Lorsque je parlais de plagiat, je ne parlais pas de plagier les autres rapports, mais j'écoute les gens et j'essaie ensuite de prendre les pièces du puzzle pour en faire un tout cohérent. Les différents prêts sont très complexes. Je ne suis pas un spécialiste ; j'ai regardé, j'ai écouté les uns et les autres et j'ai compris que certains prêts ne sont pas possibles pour certaines résidences, que certains prêts ne vont pas ensemble. Vous qui êtes élus locaux, vous savez mieux que moi qu'il est impossible de mettre un PLUS avec des PLAI... Nous nous empêchons ainsi de faire de la mixité sociale dans les résidences.

Jean-Marc Borello en particulier s'en est plaint ; nous en avons parlé et il souhaite qu'il n'existe pas que des résidences services seniors commerciales, mais qu'il puisse également en exister à but non lucratif, ayant une vocation plus sociale. Comment faire du social sans les prêts associés ? J'ai essayé de mettre en avant et de synthétiser des revendications déjà connues.

Didier Martin a pointé un sujet qui m'a passionné, mais difficile, celui de la question des femmes. Les revendications autour du féminisme sont de plus en plus visibles dans notre société, pas encore suffisamment, mais il reste un trou dans la raquette qui est la question des femmes seules, âgées, pauvres parfois. J'aurais aussi pu parler des travailleurs migrants, que j'évoque dans ce rapport, et, plus généralement, de toutes ces populations qui ne sont pas vraiment dans le viseur des politiques publiques. Ce sont des populations parfois un peu oubliées.

La question du genre traverse évidemment la question du vieillissement. 80 % des résidents d'EHPAD sont des femmes. 92 % des aides-soignantes sont des femmes. 75 % des personnes dans les résidences services seniors sont des femmes. Je ne vois pas quel article de loi pourrait traiter la question de la femme seule chez elle, dans le parc social par exemple. Ce ne sont pas des questions de nature législative, mais il faut s'en emparer et ne pas oublier ces sujets.

Aborder la place des personnes âgées dans notre société par la porte de l'âgisme, même s'il existe un âgisme dans notre société, n'est à mon avis pas le bon choix. Chacun fait ce qu'il veut, mais ce n'est pas mon choix. Je veux donner à la question du vieillissement une vision plus positive, pas une position victimaire.

Aujourd'hui, au sortir de cette crise, les personnes âgées ne sont pas forcément la catégorie de population la plus discriminée. Vous le savez et vous le voyez sur le terrain tous les jours : des jeunes ont souffert durant cette crise. Je pense que la société française a montré sa bienveillance à l'égard des personnes âgées. Je n'ai pas observé d'âgisme pendant cette crise sanitaire. Au contraire, la société a fait tous les efforts nécessaires pour protéger les plus faibles qui étaient en l'occurrence les plus âgés. Personne n'a réclamé d'être vacciné avant les personnes âgées.

Pourquoi mettre de la méfiance et un côté négatif là où, au contraire, il faut être positif ? J'ai trouvé le titre 48 heures avant de signer ce rapport et j'ai été moi-même surpris de son succès auprès de la presse. Ce titre a plu. Il m'est venu à l'esprit pour montrer cet aspect intergénérationnel qui prend de l'importance, mais aussi pour dire que nous sommes tous ensemble. Ce n'est pas un rapport des vieux pour les vieux. Nous sommes tous le vieux de quelqu'un. Nous serons tous vieux ou nous espérons tous être vieux puisque vieillir est le meilleur moyen que nous avons trouvé pour mourir moins vite.

Il ne suffit pas de changer un titre de loi sans en changer le contenu. L'appeler « Générations solidaires » ne le rendra pas plus générationnel. Essayons de faire de ce sujet un sujet positif. Nous avons envie de vivre plus longtemps et, cela tombe bien, nous vivons de plus en plus longtemps. Nous avons envie que la société nous accompagne le plus longtemps possible et elle essaie de le faire. Nous avons envie que le vieillissement soit une source de croissance, d'emploi, d'investissement et nous le faisons dans les territoires.

Évidemment, des formes d'âgisme existent, mais cela ne me semble pas du tout devoir être la porte d'entrée. Ce n'est pas ainsi que les Français appréhendent ce sujet. Les Français aiment leurs grands-mères ; les grands-mères aiment leurs petits-enfants.

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Je vous remercie, monsieur Broussy, pour votre rapport et toutes ces réponses intéressantes sur un sujet qui nous interpelle tous, un sujet de société. Nous vieillirons tous ensemble. Le but est de bien vieillir ensemble et je crois que c'est ce qui nous réunit toutes et tous.

La séance s'achève à dix-huit heures trente-cinq.