La réunion débute à 14 heures 05.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, Présidente.
La Commission poursuit l'examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites (n° 346) (Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure).
Mes chers collègues, nous reprenons l'examen de la proposition de loi relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites. Nous avons terminé ce matin la discussion générale. Nous en venons à l'examen des articles.
CHAPITRE IER
Clarifier le rôle de l'état, des collectivités territoriales et de leurs groupements
Article 1er (art. 1er et 2 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, art. L. 3641-1, L. 5214-16, L. 5215-20, L. 5215-20-1, L. 5217-2, L. 5219-1, L. 5216-5, L. 5214-23-1, L. 5214-23-1 du code général des collectivités territoriales et art. L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation) : Obligations et compétences des communes et des EPCI en matière d'accueil des gens du voyage
La Commission est saisie de l'amendement CL24 de Mme Danièle Obono.
Nous proposons qu'en complément des terrains familiaux « locatifs », d'ores et déjà prévus par les schémas départementaux d'accueil des gens du voyage, soient prévus des terrains familiaux non locatifs.
L'idée des terrains locatifs était de permettre une implantation territoriale de plus long terme à des familles qui vivaient jusque-là de façon nomade. Notre amendement poursuit cette ambition de permettre à ceux qui le souhaitent de passer à une vie sédentaire. Pragmatique, il viendra étoffer les moyens offerts aux personnes souhaitant se fixer durablement, en leur assurant une solution simplifiée et moins coûteuse.
Cet amendement vise à ajouter aux trois catégories d'installation et d'accueil actuellement prévues – aires d'accueil, terrains familiaux locatifs et aires de grand passage – celle des terrains familiaux à accès gratuit.
S'il est nécessaire de mieux prendre en compte la sédentarisation progressive d'une partie des gens du voyage, les terrains locatifs familiaux mis à disposition par les collectivités territoriales, qui s'ajoutent aux terrains privés, le sont toujours dans une démarche d'accueil et d'accompagnement. Les loyers sont très réduits et, la plupart du temps, ce sont des associations qui ont la charge de les gérer. On ne peut pas parler d'une logique marchande, comme vous le mentionnez dans l'exposé des motifs de votre amendement : le loyer est faible et non dissuasif, et constitue bien au contraire un engagement de la part des personnes qui souhaitent bénéficier de l'aide à la sédentarisation qui leur est proposée.
Voilà pourquoi j'émettrai un avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL27 de M. Didier Paris.
Madame la présidente, lors de la discussion générale, certains ont ressorti l'argument habituel de laxisme ou de tolérance excessive. Mieux vaut se replacer dans la réalité.
Cet amendement propose de supprimer les dispositions de l'article 1er visant à exclure du schéma départemental les communautés de communes ne comportant pas de communes de plus de 5 000 habitants, et à conditionner la réalisation d'une nouvelle aire sur le territoire d'un EPCI à un seuil d'occupation minimale des aires déjà existantes.
D'abord, l'objectif des deux lois Besson – de 2000 et 2007 – était d'améliorer le nombre d'aires d'accueil des gens du voyage. Mais nous l'avons rappelé ce matin, le territoire est très inégalement pourvu, et dans des conditions qui sont encore loin d'être satisfaisantes : 70 % seulement des places prévues en aires d'accueil ont été ouvertes ; un pourcentage beaucoup trop faible de schémas départementaux sont conformes aux obligations légales ; le pourcentage est sans doute encore plus faible pour les aires de grand passage.
Si nous conservions les dispositions des alinéas 3 à 6, nous permettrions aux collectivités qui sont dans des EPCI ne comportant pas de communes de plus de 5 000 habitants de se désengager de cette obligation collective. Comme les communautés de communes concernées représentent 45% de ce type d'intercommunalités, nous renoncerions en fait à poursuivre l'effort engagé en faveur des aires d'accueil.
C'est vrai que l'on rencontre un problème dans certains zones, y compris en Haute-Savoie. Mais on ne peut pas dire que l'on a un problème majeur à régler et en même temps considérer que l'on n'a pas à poursuivre notre effort, au moins pour assurer une couverture complète du territoire en aires d'accueil.
Ensuite, l'institution d'un seuil d'occupation minimale, dans ces mêmes alinéas, est une fausse bonne idée. Ainsi, on ne serait pas obligé de créer de nouvelles aires d'accueil dès lors que certains taux d'occupation sur les aires déjà construites ne seraient pas atteints. Cela signifierait que les gens du voyage se sédentarisent et restent sur la même aire d'accueil, ce qui est tout à fait contraire à l'objectif global de la loi. En outre, le taux d'occupation n'est pas un indicateur fiable. Il suffit, par exemple, que l'aire d'accueil ne soit pas de bonne qualité ou n'offre pas les services élémentaires auxquels les gens du voyage ont droit, pour que finalement, elle soit peu utilisée. Pour le groupe La République en Marche, ce serait encore une source de désengagement, en contradiction avec les objectifs fixés par la loi.
Monsieur le député, ces alinéas procèdent d'une position de compromis, proposée par le Sénat, visant à conditionner l'installation d'aires ou de terrains d'accueil dans les petites communautés de communes à leur accord.
Je suis donc défavorable à votre amendement qui ne prend pas en compte les difficultés rencontrées sur le terrain, ni les nouvelles obligations faites aux élus, alors qu'ils ont déjà réalisé des aires d'accueil sur leur territoire.
Je rappelle, à ce titre, que 70 % des places prévues ont été réalisées, que les plus grands manquements ne viennent pas des petites communes, mais plutôt des grands centres urbains comme en Île-de-France et que, parmi les places ainsi créées, seules 55 à 60 % sont réellement occupées.
J'ajoute que la Cour des comptes, dans son rapport de 2017, souligne que : « l'augmentation du nombre de places situées dans les terrains d'accueil ou de passage n'est donc pas la seule solution à envisager ».
Cela signifie qu'aujourd'hui, notre démarche est trop quantitative, et qu'il faut aller vers davantage de souplesse. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à votre amendement.
Mes chers collègues, ce texte ne demande en rien d'assouplir ou de revenir sur les deux précédentes lois relatives aux gens du voyage, qui précisaient que seules les communes de plus de 5 000 habitants devaient, dans le cadre du schéma départemental, avoir des aires d'accueil. C'est au fil des années et des interprétations locales, souvent à l'occasion de l'élaboration des schémas départementaux, que certaines préfectures ont abaissé le seuil. En d'autres termes, nous ne faisons que réaffirmer et repréciser que seules les communes de plus de 5 000 habitants sont concernées.
Maintenant, quelle est la réalité de ceux qui gèrent au quotidien l'occupation des aires d'accueil ? Lorsqu'elles arrivent dans un département, certaines communautés de gens du voyage choisissent l'aire où elles veulent s'installer et refusent les autres – parfois parce qu'elles ne veulent pas s'y retrouver avec d'autres communautés. D'où ce paradoxe un peu fou : des aires vides, certaines à moitié remplies et des communautés qui exigent de nouveaux emplacements. Voilà pourquoi il est apparu utile de prendre en compte le taux d'occupation des aires d'accueil.
Nous soutiendrons cet amendement, car nous approuvons les arguments qui ont été développés par M. Paris.
Je m'inscris en faux contre les arguments avancés par M. Paris. Dans les territoires où le système fonctionne correctement, ou le taux d'occupation des aires est assez important, comme c'est le cas dans le Haut-Rhin, l'offre est très diversifiée. On a même accepté, avec le préfet du Haut-Rhin, d'intégrer dans le schéma départemental d'accueil des gens du voyage (SDAGV) des aires d'accueil qui ne satisfont pas aux standards attendus, mais qui répondent à la demande de certaines communautés de gens du voyage.
Arrêtons de dire qu'il faut des places construites de la même façon partout, et que l'on peut mettre n'importe qui avec n'importe qui. Comme le disait notre collègue, certaines communautés de gens du voyage refusent d'aller sur des aires d'accueil parce qu'une autre communauté y est présente, parce que le type de services proposé est trop onéreux ou ne correspond pas à leurs attentes. Il faut se garder de porter un regard général et quantitatif sur l'organisation des aires d'accueil.
J'entends assez mal l'argument qui consiste à opposer les communautés entre elles. Il peut y avoir certaines incompatibilités, mais c'est loin d'être un phénomène général.
Je maintiens que cette disposition vise à exonérer, dans une très large partie du territoire, les EPCI qui ne contiendraient pas de communes de plus de 5 000 habitants. Elle portera un coup d'arrêt assez net à l'objectif commun que nous devons poursuivre, qui est d'offrir aux gens du voyage des capacités d'accueil territorialement diverses.
Il ne s'agit pas du tout d'exonérer les communes de leurs obligations, mais d'apporter des clarifications. Et, pour rebondir sur les exemples apportés par notre collègue Martial Saddier, je vous propose de vous reporter au bilan qui a été établi par les préfectures en 2016. Celles-ci ont en effet constaté que la communauté des gens du voyage pouvait avoir des exigences excessives et qu'il était difficile d'y répondre.
La Commission adopte l'amendement CL27.
En conséquence, les amendements CL14, CL1 et CL3 tombent.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL42 de la rapporteure.
Elle examine les amendements identiques CL15 de Mme Danièle Obono et CL28 de M. Didier Paris.
Nous proposons de supprimer les alinéas 21 et 22 qui prévoient que soient considérés comme logements sociaux les emplacements des aires d'accueil des gens du voyage.
L'idée même de ces dispositions témoigne d'une méconnaissance de la condition des gens du voyage, qui seraient considérés ici comme des administrés visant à obtenir des logements peu onéreux, alors que ce mode de vie relève d'une tradition historique et non pas d'une opportunité pécuniaire. Il s'agit en fait de faciliter par ce biais l'atteinte du seuil fixé par la loi SRU de 25 % de logements sociaux par commune.
Cela contribuerait à fausser à la fois le suivi de la construction d'aires d'accueil pour les gens du voyage, mais également celui de la construction de logements sociaux. Rappelons que, selon le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mal logement en France, plus de la moitié des municipalités n'ont pas respecté les objectifs de 2018 en termes de construction de logements sociaux. Cela n'aboutirait qu'à entraver encore un peu plus la réalisation de ces objectifs d'intérêt général.
Notre amendement procède du même objectif. Vouloir, par le biais de ce texte, modifier les conditions de la loi SRU serait une grave erreur, pour des motifs liés au développement du logement social sur le territoire mais aussi aux conditions d'accès à cet habitat. En effet, les aires d'accueil ne peuvent en aucune façon être assimilées à des logements pérennes destinés à des ménages modestes et dont la construction résulterait des obligations de la loi SRU. Par ailleurs, dans la pratique, ces terrains d'accueil ne donnent pas lieu à l'élaboration de baux. Cela constitue un obstacle majeur à l'occupation effective des aires à des fins sociales par des personnes sans plafond de ressources.
Voilà pourquoi le groupe La République en Marche est résolument contre ce texte et contre les alinéas 21 et 22.
Je suis défavorable à ces amendements. Nous souhaitons maintenir la possibilité d'intégrer les places destinées aux gens du voyage dans les quotas de logements sociaux.
Je vous rappelle qu'une place de caravane a pour une collectivité un coût qui est estimé par la Cour des comptes entre 15 000 et 50 000 euros. Il s'agit donc bien d'un effort financier pour les communes et leurs intercommunalités, qui assurent également les coûts relatifs à la gestion de ces installations, dans un contexte de désengagement progressif de l'État.
La seconde réalité est que ces places d'accueil sont déjà assimilées à des logements sociaux par de nombreux dispositifs, par exemple pour la déduction des pénalités SRU, pour la décote sur les biens de l'État en cas de création de logements sociaux ou pour les terrains locatifs familiaux.
Monsieur Paris, l'absence de bail ou de critères de revenus me semble, par conséquent, une difficulté surmontable, surtout lorsque l'on sait que ces populations se caractérisent par une forte précarité.
Je considère donc que les arguments avancés ne tiennent pas compte de la réalité du terrain.
Enfin, Madame Obono, vous remettez en question le fait que les gens du voyage peuvent être des « administrés visant à obtenir des logements peu onéreux ». Or, il n'y a rien de dégradant à cela et nous assumons pleinement que ces personnes puissent avoir accès à des emplacements d'accueil peu onéreux, ainsi qu'à des solutions d'habitat adapté.
Comme la rapporteure, je suis surpris par l'argumentation qui a été développée. En effet, si ces aires d'accueil ne peuvent pas être considérées comme des logements sociaux, du moins comme des supports de logements auxquels l'aide publique permet d'accéder à un coût raisonnable, qui n'est pas le coût réel, pourquoi les collectivités devraient-elles consacrer autant d'argent pour les aménager ?
À partir du moment où la collectivité dépense autant d'argent public pour aménager des espaces, y installer des logements, et permettre à certains d'y vivre, ce sont des logements publics, des supports de logements publics, de surcroît aidés, qui peuvent entrer dans le calcul des obligations faites aux collectivités territoriales.
Quand une collectivité territoriale dépense 15 000 à 50 000 euros pour une place de caravane, on peut considérer qu'elle répond à ses obligations de construction de logements sociaux.
Il faut prendre en compte la complexité des situations. Qui dit gens du voyage ne dit pas forcément précarité. Il y a des précaires chez les gens du voyage, mais il y a aussi des gens qui ne le sont pas. Ils forment une communauté, avec toute sa diversité.
Par ailleurs, madame la rapporteure, on entend à longueur de journée qu'il faut sauver les écoles. Mais je connais des communes où la présence des gens du voyage aide à sauver l'école, je peux vous en citer.
Je suis très surpris. On dirait que, parfois, vous utilisez des arguments pro domo.
Nous n'avons rien à redire au fait que des personnes issues de la communauté des gens du voyage souhaitent inscrire leurs enfants dans une école, bien au contraire.
La Commission adopte les amendements identiques.
Elle examine l'amendement CL25 de Mme Danièle Obono.
Cet amendement vise à doubler le montant des amendes dont doivent s'acquitter les communes qui ne respectent pas les objectifs de réalisation de logements sociaux.
La loi SRU du 14 décembre 2000 fixait la proportion de logements sociaux à 20 % du parc des communes les plus importantes. La loi Duflot I du 18 janvier 2013 a porté ce taux à 25 %. Or, la commission de suivi de cette loi, dirigée par l'ex-ministre Thierry Repentin, a recommandé en novembre dernier au Gouvernement de sanctionner plus fermement les 233 mauvais élèves qu'elle a repérés et, surtout, d'utiliser les pouvoirs de mise en carence de ces communes par le préfet, pour plus d'une cinquantaine de villes.
Par cet amendement, nous proposons de donner à l'État les moyens de faire respecter la loi. Et nous proposons également d'abaisser le seuil en dessous duquel le montant dû n'est pas prélevé, qui passerait de 4 000 à 1 000 euros. C'est une manière de répondre aux préoccupations que nous pouvons avoir en matière de logements sociaux.
Vous demandez l'alourdissement des pénalités à l'encontre des élus qui ne respecteraient pas leurs obligations en matière de construction de logements sociaux. Mais je vous répondrai uniquement sur la forme : cet amendement n'est pas du tout en lien avec le texte présenté aujourd'hui, c'est un cavalier législatif. Je vous invite à le retirer et à le redéposer dans le cadre de la future loi relative à l'évolution du logement et l'aménagement numérique.
Le groupe La République en Marche considère que cet amendement pourrait en effet être déposé dans d'autres conditions, mais pas sur ce texte.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL22 de Mme Danièle Obono.
Par cet amendement, nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport permettant d'apprécier la capacité des collectivités territoriales à assurer le financement des schémas départementaux d'accueil des gens du voyage, eu égard à la baisse continue des dotations de l'État et à l'austérité budgétaire qui leur est imposée. Ce rapport aurait également comme objectif d'évaluer le coût supplémentaire que cette mesure représenterait pour les collectivités.
Ce rapport est une nécessité dans la mesure où plus du tiers du total des prescriptions en termes de places d'accueil des SDAGV n'a pas été réalisé au début 2018 – soit plus de 11 370 places manquantes en France.
Il nous semble que ce rapport est essentiel pour mettre en exergue, justement, la réalité de la situation. Nous reconnaissons les difficultés que connaissent un certain nombre de communes, alors qu'il y a de grandes disparités territoriales et que le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) principale dotation de fonctionnement de l'État aux collectivités territoriales, a été raboté.
Votre amendement vise à demander au Gouvernement un rapport sur la capacité des collectivités à assurer le financement des schémas départementaux au regard de la baisse continue des dotations de l'État. Je m'associe à votre préoccupation, qui est également celle des élus locaux et à laquelle, précisément, cette proposition de loi tente de répondre en encadrant mieux les obligations qui leur sont faites. J'émettrai donc un avis de sagesse.
Depuis le début de cette discussion, aucun d'entre nous ne peut nier les difficultés que pose la présence des gens du voyage sur notre territoire, qu'il s'agisse du nombre d'aires à installer, ou des charges financières à assumer – non plus par les communes mais par les EPCI qui ont des capacités financières supérieures.
Pour autant, le groupe La République en Marche est opposé à cet amendement. En effet, celui-ci part du principe que les collectivités n'ont plus aucun moyen et voient leurs dotations singulièrement baisser, ce qui est, dans l'état actuel des choses, inexact. Pour la première fois depuis six ans, les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales ne baissent pas. Ils représenteront 48,3 milliards d'euros en 2018, soit une hausse de 200 millions d'euros par rapport à l'année précédente. Par ailleurs, le montant de la DGF est en hausse, et atteindra 31,1 milliards d'euros en 2018.
À propos de la demande spécifique d'un diagnostic, je rappellerai que le ministère du logement établit chaque année un bilan suivi de la réalisation des schémas sur l'ensemble du territoire. Cela me semble donc une proposition tout à fait superfétatoire et inadaptée à la réalité économique de nos territoires aujourd'hui.
J'ai été rapporteur pour avis, pour la commission des Lois, de la mission budgétaire relative aux relations avec les collectivités locales. Je confirme donc que le budget de toutes les collectivités locales a été, d'une certaine façon, « sanctuarisé ». En effet, il n'y a pas eu de baisse de la DGF, contrairement aux cinq dernières années. Et les dotations d'équipement sont restées à un niveau très élevé, celui de 2016. Le problème n'est donc pas là.
Cela étant, je veux bien que l'on demande des rapports au Gouvernement. Mais enfin, il me semble que nous représentons le pouvoir législatif et que nous devrions être capables de produire nos rapports nous-mêmes. Le Gouvernement a peut-être son idée sur la question, mais nous n'aurons peut-être pas la même. Vous savez que celui qui tient la plume est aussi celui qui tient la conclusion…
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 1er modifié.
Article 2 (art. 3 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage) : Suppression de la procédure de consignation de fonds à l'encontre des communes et EPCI défaillants
La Commission examine les amendements de suppression CL10 de M. Hervé Saulignac et CL29 de M. Didier Paris.
L'article 2 vise à supprimer la procédure de consignation introduite par la loi Égalité et citoyenneté de 2017. La création des aires d'accueil et des terrains de grand passage risque ainsi de ne jamais aller à son terme. C'est une contradiction avec l'objet de la proposition de loi, car plus il y aura de terrains, moins il y aura d'occupations illicites…
Contrairement à l'argument utilisé pour justifier cet article, je rappelle que le Conseil constitutionnel a considéré qu'avec la procédure de consignation, le législateur n'avait pas porté « une atteinte disproportionnée à la libre administration des collectivités territoriales ».
J'ajoute que la procédure de consignation, qui fait suite à un premier niveau de mise en demeure par le préfet, a été instaurée par la loi toute récente du 27 janvier 2017. Il est inapproprié d'envisager sa suppression car nous avons besoin de recul pour apprécier son efficacité.
Le mécanisme de consignation des fonds ne sera pas opérant, les préfets ne souhaitant pas courir le risque de dégrader leurs relations avec les élus. Cette procédure est trop punitive et adresse un signal inutilement négatif aux collectivités. Ce que nous souhaitons, c'est aider financièrement les collectivités locales à construire des aires ou des terrains familiaux lorsqu'ils manquent, plutôt que de les sanctionner ou de les pénaliser. Avis défavorable.
Je remarque que personne n'a dit qu'il n'y avait pas de problème provenant de la communauté des gens du voyage. Je regrette que la majorité se saisisse de ce texte, issu du Sénat et inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale dans le cadre d'une niche parlementaire, pour durcir encore plus les contraintes et les obligations qui pèsent sur les collectivités locales, qui n'en peuvent plus. Avec ce type d'amendements, une ligne de rupture se dessine et vous voyez le groupe LR surpris de l'attitude de la majorité.
Cet amendement relève d'une logique assez maladroite à l'endroit des collectivités territoriales. Nous sommes tous d'accord pour considérer que l'accueil des gens du voyage lors de leurs déplacements pose problème et que les outils dont nous disposons sont imparfaits. En proposant de supprimer l'article, vous faites peser sur les seules collectivités territoriales la charge de régler cette question, alors qu'il existe indéniablement un problème de comportement de certaines populations. La loi s'applique aussi aux gens du voyage. Cet article s'inscrit dans un juste équilibre et un partage des responsabilités. Par ailleurs, pourquoi imposer une relation de défiance entre l'État et les collectivités territoriales ?
À mon tour, je suis assez surpris des arguments qui viennent d'être développés. Nous pouvons nous accorder sur le fait que les gens du voyage constituent une population à part entière, qui mérite un certain nombre de précautions, et dont l'accueil dans nos territoires n'est pas simple – c'est le cas ailleurs en Europe. Ce n'est pas pour autant que nous devons approuver certaines des solutions que vous préconisez. Il ne s'agit en aucune façon de durcir une disposition, mais de la maintenir telle qu'elle a été prévue par une loi élaborée tout récemment, en 2017, qui donne au préfet un pouvoir d'action directe. Évidemment, nous aurons à examiner les conditions dans lesquelles l'équilibre dont a parlé M. Schellenberger s'applique.
L'équilibre est affaire de point de vue. Je m'étonne qu'il y ait deux poids deux mesures. Ce texte vise à pénaliser plus encore les gens du voyage qui ne respecteraient pas leurs obligations – pourquoi pas ? – mais se veut beaucoup plus clément à l'égard des communes et des EPCI.
Si nous proposons de ne pas supprimer la procédure de consignation, c'est bien pour préserver un équilibre. J'ajoute que le montant des sommes consignées n'est pas excessif et ne constitue pas une atteinte grave à la libre administration des communes.
Si cette procédure a été votée en 2017, c'est qu'un certain nombre de communes ne respectaient pas la loi. Par conséquent, les gens du voyage s'installaient un peu partout, ce que le juge ne condamnait pas, considérant que les communes ne respectaient pas la loi. Il s'agit, avec la procédure de consignation, de contraindre les communes à respecter la loi afin de l'imposer en retour aux gens du voyage. Il est important de conserver cet équilibre.
Il serait inéquitable d'adopter le texte en l'état, puisque la suppression des obligations favoriserait les communes qui n'ont pas satisfait à la réglementation. Pourquoi celles qui n'ont pas fait l'effort seraient-elles désengagées de leurs obligations ? Le groupe Modem soutiendra ces amendements de suppression.
On voit mal comment cette procédure de consignation trouvera à s'appliquer alors que la procédure de substitution de l'État aux collectivités défaillantes, plus adaptée dans son principe, ne s'est jamais appliquée. De plus, elle envoie un signal négatif aux élus.
La Commission adopte les amendements identiques. En conséquence, l'article 2 est supprimé et les amendements CL2, CL26 et CL23 tombent.
Article 3 (art. 9-4 [nouveau] de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage) : Organisation des grands rassemblements et des grands passages de gens du voyage
La Commission examine l'amendement CL8 de M. Robin Reda.
Cet article prévoit de créer un mécanisme d'information qui permet aux autorités publiques d'anticiper les rassemblements ou les grands passages et ainsi de mieux les organiser – un sujet de préoccupation majeure.
Avec cet amendement, je propose de considérer comme « groupe important » non pas cent cinquante mais cent véhicules, ce qui représente déjà l'arrivée de deux cents à trois cents personnes. Par ailleurs, il est entendu que toute occupation du domaine public doit faire l'objet d'une information au maire ou au président de l'EPCI compétente.
Votre amendement propose d'abaisser de 150 à 100 véhicules le seuil retenu pour l'application du dispositif d'information obligatoire du préfet de région et du préfet de département, ainsi que des élus locaux concernés, en amont des grands passages et des grands rassemblements.
Ce seuil n'a pas été modifié lors de l'examen de la proposition au Sénat. Il s'agit de s'assurer que l'atteinte ainsi portée à la liberté d'aller et venir est bien justifiée par l'atteinte à l'ordre public causée par l'arrivée d'un nombre important de caravanes dans une commune qui n'en aurait pas été informée.
Je souhaite pour ma part que nous parvenions à un texte aussi proche que possible de celui adopté par le Sénat, afin d'envoyer un message clair aux élus locaux. Aussi mon avis sera-t-il défavorable.
Je durcis volontairement le texte, madame la rapporteure, afin que vous puissiez assurer votre rôle de modératrice et que les autres groupes finissent par s'y rallier…
La communauté, pour autant qu'elle soit bien représentée, doit prévenir les autorités locales des grands rassemblements deux mois à l'avance. Le texte prévoit de porter ce délai à trois mois. C'est le préfet qui est informé, à charge pour lui d'informer les collectivités locales.
Prise immédiatement après la loi de 2017, la circulaire du 10 avril fixe les règles applicables pour les préfets et maintient le seuil à 150 caravanes. Il est préférable de garder ce niveau de contrôle tel qu'il existe et de ne pas changer par la loi une pratique en vigueur.
La Commission rejette l'amendement CL8
Elle examine l'amendement CL4 de Mme Marie-France Lorho.
J'ai déjà dit ce que je pensais du caractère impératif de la loi de 2000. Cet ajout est souhaitable, mais mérite encore d'être précisé. Je pense que M. Reda a raison de poser la question du nombre d'installations mobiles. Nous savons le temps que mettent les services des communes et des EPCI pour lancer les politiques sportives, associatives, culturelles. Comment voulez-vous que la défiance ne s'installe pas lorsqu'ils n'ont que deux mois pour s'organiser et revenir sur des plans parfois pluriannuels ?
Je propose, par cet amendement, d'établir une priorité des habitants sur les gens du voyage en demandant à ces derniers d'anticiper leurs déplacements, afin que les communes puissent anticiper leurs politiques.
Votre amendement prévoit que les représentants des gens du voyage devront prévenir de leur passage au moins un an avant leur arrivée, au lieu de trois mois, et que le préfet devra informer les élus au moins six mois à l'avance, au lieu de deux mois. Ces délais ne sont pas réalistes et conduiront à une information peu fiable pour les élus concernés. Par ailleurs, ils sont trop contraignants pour assurer le respect du principe constitutionnel de liberté d'aller et venir. Avis défavorable.
Une fois n'est pas coutume, je me range à l'avis de la rapporteure. Qui, ici, est capable de prévoir un an à l'avance les conditions précises dans lesquelles il se déplacera ? C'est une mesure déraisonnable et inapplicable. Elle s'apparente, de façon surprenante, à une mise sous contrainte des gens du voyage.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 3.
Article 3 bis (art. 1013 du code général des impôts) : Augmentation de la taxe sur les résidences mobiles terrestres
La Commission examine l'amendement CL30 de M. Didier Paris.
Cet amendement vise à supprimer l'article 3 bis, qui prévoit l'augmentation de la taxe annuelle sur les résidences mobiles terrestres ainsi que l'obligation d'apposer le récépissé de paiement de manière permanente sur le véhicule.
Il n'est pas anormal que la communauté des gens du voyage soit soumise à une forme de taxe d'habitation, mais on peut s'interroger sur les raisons de cette augmentation de 50 euros.
Par ailleurs, ce que l'on pourrait appeler l'amendement « pare-brise » nous interpelle : pourquoi seuls les gens du voyage devraient-ils apposer le récépissé de paiement sur leur pare-brise, alors que cette taxe est acquittée par toutes les personnes qui n'habitent pas une résidence en « dur » ? Le groupe LaREM estime inadmissible que cette disposition concerne une communauté spécifique. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l'article.
Cette disposition s'applique à tous ; les gens du voyage ne seraient pas les seuls à devoir apposer cette vignette sur leur pare-brise.
Par ailleurs, l'article 3 bis vise à mieux couvrir les dépenses engagées par les collectivités territoriales dans le cadre de la création d'aires d'accueil, le produit de la taxe revenant au bloc communal, et à contrôler plus efficacement son recouvrement, assez difficile.
Avis défavorable.
J'ai déposé un amendement visant à augmenter encore le montant de cette taxe. Je suis ravi que l'arrivée de gens du voyage dans certains territoires ait pu sauver des écoles, mais ces écoles, il faut aussi les payer ! Les habitants qui résident dans les communes à l'année participent, par la taxe d'habitation et par la taxe foncière, au financement et à l'entretien de ces équipements.
La taxe sur les résidences mobiles terrestres – 150 euros à l'année – revient à 40 centimes par jour. La taxe foncière – en moyenne 1 140 euros à l'année – revient à 3 euros par jour. Il me semble normal qu'il existe une contribution qui, sans qu'elle soit alignée sur la taxe d'habitation pour tenir compte des disparités de situations, permette aux collectivités locales d'assurer l'accueil de ces personnes.
Il faut être cohérent. Si ces capacités d'accueil ne sont pas des logements sociaux mais sont justifiées par un mode de vie choisi, alors il faut que leurs bénéficiaires contribuent à leur financement. Pourquoi seraient-ils exonérés du paiement d'une taxe ? Bien sûr, on peut s'interdire de l'augmenter, mais ce n'est pas le cas pour les taxes foncières ou les taxes de nettoyage, ce qui est inadmissible.
Vous avez comparé la taxe sur les résidences mobiles à la taxe d'habitation. Beaucoup de nos concitoyens aimeraient ne s'acquitter que de 150 euros ! De même, beaucoup de nos concitoyens aimeraient ne pas voir le taux des impôts locaux augmenter. Et vous savez bien que même lorsque les taux n'augmentent pas, les bases fiscales évoluent, ce qui fait quand même grimper la facture. Le montant de la taxe a été fixé en 2010, il n'est pas scandaleux qu'il soit actualisé.
L'esprit de « l'amendement pare-brise », comme vous l'appelez, était pédagogique. Beaucoup de nos concitoyens pensent que les gens du voyage ne paient rien, ce qui est faux. Cette disposition est une façon de leur expliquer que la communauté des gens du voyage participe au coût de l'aménagement et de l'entretien des aires d'accueil.
La commission adopte l'amendement CL30. En conséquence, l'article 3 bis est supprimé et les amendements identiques CL11 et CL16, ainsi que l'amendement CL9, tombent.
Après l'article 3 bis
La Commission est saisie de deux amendements portant article additionnel après l'article 3 bis. Elle examine d'abord l'amendement CL21 de M. Hugo Bernalicis.
Afin de sécuriser la situation juridique des gens du voyage qui ne peuvent bénéficier d'un accueil adapté en raison de l'inachèvement d'un schéma départemental d'accueil, nous proposons de les faire rentrer dans le schéma de droit commun, à savoir le mécanisme de conciliation et de garantie des droits prévu pour le droit au logement.
Dans les faits, le droit à l'accueil pour les gens du voyage, eu égard à leur mode de vie non sédentaire, constitue nécessairement un corollaire du droit au logement.
En l'état actuel du droit, les gens du voyage lésés par l'absence de réalisation du schéma départemental peuvent, dans les conditions de droit commun, déposer un recours en manquement contre l'État. Nous proposons d'autres dispositions en complément de cette procédure.
Votre amendement a pour objet de rendre opposable l'absence de création d'aires d'accueil. J'y serai défavorable pour deux raisons : il est déjà satisfait par le droit en vigueur, qui prévoit une procédure de mise en demeure du préfet à l'encontre des collectivités défaillantes ; il est paradoxal d'assimiler des places sur des aires d'accueil au parc de logement et de refuser, dans le même temps, leur assimilation aux logements sociaux.
Je rejoins les propos pertinents de la rapporteure. Pourquoi renforcer encore les contraintes à l'égard des collectivités lorsqu'il existe des dispositifs suffisamment contraignants pour atteindre les objectifs fixés par la loi ?
Cet amendement vise à compléter les dispositifs existants. Il n'est pas contradictoire avec nos autres positions, dans la mesure où il concerne le droit au logement, bien plus large que la question de l'accès aux logements sociaux. Le droit au logement participe du respect des modes de vie particuliers, historiques et culturels des gens du voyage.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL20 de M. Hugo Bernalicis.
Cet amendement vise à garantir l'effectivité du schéma départemental d'accueil des gens du voyage. Nous proposons de créer un système de sanctions financières pour les EPCI et les communes qui n'ont pas respecté les objectifs fixés par ce schéma, calqué sur les sanctions actuellement en vigueur pour les lois dites SRU.
La démarche est admissible mais nous aurions besoin d'une réflexion de fond et elle ne peut se faire dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi sénatoriale.
La Commission rejette l'amendement.
CHAPITRE II
Moderniser les procédures d'évacuation des stationnements illicites
Article 4 (art. 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage) : Police spéciale du stationnement des résidences mobiles
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL43 de Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure.
Article 5 (art. 9, 9-1, 9-2 et 9-3 [nouveaux] de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage) : Évacuation des campements illicites
La Commission examine l'amendement CL31 de M. Didier Paris.
Cet amendement vise à supprimer l'ensemble des dispositions qui tendent à élargir les cas de recours à la procédure de mise en demeure et d'évacuation forcée en cas de stationnement illicite.
Cette procédure, destinée à mettre fin à un trouble à l'ordre public, doit rester exceptionnelle dans la mesure où elle est prise sans intervention d'un juge. L'article 5 propose soit d'assouplir le cadre de recours, notamment pour le respect du droit de propriété, de la liberté du commerce et de l'industrie, soit de renforcer les pouvoirs du préfet par une mise en demeure de quitter le territoire de l'EPCI dans des délais d'exécution raccourcis.
Enfin, cette disposition ajoute une présomption d'urgence pour les procédures d'évacuation juridictionnelle. Ces mesures sont disproportionnées : elles sont dérogatoires, si l'on sort du cadre constitutionnellement limité par les pouvoirs de l'autorité administrative liés au respect de l'ordre public, et parfaitement discriminatoires à l'égard de cette communauté.
Votre amendement vise à supprimer l'une des principales dispositions de la proposition de loi et en dénature pour partie la portée. Alors que vous avez refusé toutes les mesures visant à mieux proportionner les obligations des collectivités concernées à leurs moyens, vous les pénalisez en revenant sur les outils de lutte contre les campements illicites.
Je rappelle que ces procédures ne peuvent être mises en oeuvre que par les communes ou les intercommunalités qui respectent la totalité de leurs obligations en matière d'accueil des gens du voyage.
Par ailleurs, les procédures d'évacuation actuelles ne permettent pas d'agir assez rapidement. Lorsqu'elles trouvent à s'appliquer, les personnes sont souvent parties, laissant derrière elles des dégradations qui nourrissent le ressentiment des populations locales et dont pâtissent les gens du voyage qui respectent les règles en matière d'installation.
Enfin, une sorte d'impunité est tolérée, puisqu'un campement, évacué après que les maires ont dû convaincre le préfet de mobiliser la force publique, peut se réinstaller quelques kilomètres plus loin. Tout est alors à recommencer…
Cet article avait pour seul but de répondre à une demande légitime des élus qui respectent leurs obligations en matière d'accueil : pouvoir évacuer les campements illicites dans des délais permettant d'éviter les dégradations lourdes de terrains privés et publics. Je regrette que la majorité souhaite supprimer cet article important. Il vous faudra vous en expliquer devant les élus locaux.
L'article 5 vise précisément à renforcer la procédure d'évacuation afin de protéger un certain nombre de principes, comme la poursuite des activités économiques – je pense aux terrains agricoles qui peuvent être occupés – ou la continuité du service public – je pense au cas d'un terrain de football d'un quartier prioritaire de la politique de la ville, où la cohésion sociale est particulièrement importante, pris d'assaut par des gens du voyage, ce qui a empêché l'accès des enfants aux activités sportives durant plusieurs semaines. Il est très dangereux de balayer cela d'un revers de main.
On a parlé de l'équilibre des responsabilités. D'un côté, les collectivités territoriales sont tenues de créer des aménagements, de l'autre, la communauté des gens du voyage doit respecter la loi, la propriété publique ou privée et s'installer, en fonction de la taille du groupe, sur des aires prévues à cet effet.
Vous proposez de pénaliser une collectivité territoriale qui ne répond pas à ses obligations légales, mais lorsqu'un groupe de gens du voyage s'installe illégalement sur le territoire d'une collectivité qui respecte le droit, on la désarme et elle ne peut plus rien faire.
Il est absurde de penser appliquer un droit général, dans l'esprit du droit français, alors que l'on est face à des habitudes, des usages, une culture qui ne sont pas ceux pour lesquels est construit le droit français. Cela ne peut fonctionner lorsque les procédures sont plus longues que le temps d'occupation illégale des terrains. On organise l'impunité du non-respect de la loi.
Cet article contribue au rééquilibrage des droits et des obligations des collectivités territoriales et de la communauté des gens du voyage. Il est incompréhensible que vous le supprimiez.
Si les gens du voyage ont beaucoup plus de droits que les autres, c'est parce qu'ils les prennent, ces droits, parfois par la violence et l'intimidation, parfois en comptant sur l'inertie des pouvoirs publics. Nous avons donc besoin de renforcer les possibilités d'action des pouvoirs publics : c'est l'objet de cet article. Je vous en conjure, soyez réalistes ! Si vous refusez de tenir compte de ce qui se passe sur le terrain et de doter les autorités de moyens d'action plus efficaces, vous allez alimenter le vote pour les extrêmes que nous combattons tous.
Si je comprends bien, l'article 5 est la disposition fondamentale de cette proposition de loi – cela me laisse tout de même un peu perplexe, car vous disiez déjà la même chose des articles précédents…
Il vise à donner aux préfets la possibilité de mettre des gens du voyage en demeure de quitter le terrain qu'ils occupent illicitement – une mesure que l'on peut comprendre, mais également de les empêcher de se réinstaller, non seulement dans la commune où ils se trouvaient initialement, mais en n'importe quel autre point de l'EPCI, c'est-à-dire de plusieurs communes en dehors des aires d'accueil aménagées. C'est là une disposition qui, au regard du droit constitutionnel d'aller et venir, peut paraître disproportionnée.
Par ailleurs, il a été fait référence, notamment par M. Huyghe, à la notion d'ordre de la loi. Si nous sommes tous soumis à l'ordre de la loi, je veux rappeler que les mesures de police administrative susceptibles d'affecter l'exercice des libertés constitutionnelles doivent se prendre, autant que possible, dans le respect desdites libertés, notamment la liberté d'aller et venir. Sur ce point, le Conseil constitutionnel a considéré à plusieurs reprises qu'il fallait que les interdictions, prises dans les conditions d'urgence dont nous parlons – je précise bien qu'il ne s'agit pas des dispositions donnant lieu à une décision judiciaire préalable – ne pouvaient être décidées par l'autorité administrative que pour sauvegarder l'ordre public et devaient rester proportionnées à leur objectif : nous sommes dans un État de droit, je le rappelle.
Enfin, il me paraît beaucoup plus naturel et sain d'en rester aux dispositions légales actuelles en matière de délais d'exécution de la mise en demeure.
Je souhaite le maintien de l'article 5, qui est extrêmement important. Son objectif n'est pas d'aller à l'encontre de la liberté d'aller et venir des gens du voyage dans un périmètre doté d'une aire d'accueil, mais de donner au préfet les moyens d'intervenir en cas d'installation illégale.
Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a des délais longs à respecter et qu'une fois que les gens du voyage sont installés, il est très compliqué de les déloger…
Si la majorité souhaite supprimer les dispositions de l'article 5, j'attends de sa part, en vue de l'examen du texte en séance publique, des propositions de nature à répondre aux attentes des élus locaux.
La Commission adopte l'amendement. En conséquence, l'article 5 est supprimé et les amendements CL37, CL7, CL38, CL40 et CL39 tombent.
CHAPITRE III
Renforcer les sanctions pénales
Article 6 (art. 322-4-1 du code pénal) : Renforcement des sanctions pénales en cas d'occupation en réunion sans titre d'un terrain
La Commission examine l'amendement CL17 de Mme Danièle Obono.
Nous proposons de supprimer l'article 6 portant doublement des peines encourues pour les délits d'occupation sans titre d'un terrain et ouvrant possibilité de transfert d'autorité des caravanes.
Nous estimons, en effet, que les mesures de répression prévues à l'article 6 n'auront pas l'effet escompté et ne sont pas de nature à résoudre les problèmes – dont nous ne contestons pas l'existence – et les tensions qui en résultent.
Votre amendement vise à supprimer les dispositions qui ont pour objet de rendre plus désincitatives les sanctions qui peuvent être prises en cas de campement illicite. J'insiste sur le fait qu'il s'agit des sanctions applicables lorsque la commune ou l'intercommunalité remplit toutes leurs obligations.
Il me semble que nous devons aujourd'hui sortir de l'angélisme et aggraver les sanctions afin de les rendre plus dissuasives. J'émets donc un avis défavorable à votre amendement de suppression.
Je partage l'avis de la rapporteure, étant précisé qu'il conviendra de maintenir l'amende forfaitaire, qui nous paraît tout à fait adaptée aux circonstances du travail des services de police et de gendarmerie.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL32 de M. Didier Paris.
Cet amendement vise à supprimer le doublement des peines encourues en cas de stationnement illicite. Alors que cette infraction est actuellement punie de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende, faire passer ces peines à un an d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende ne me semble pas pertinent, ne serait-ce que parce que les condamnations prononcées atteignent rarement le maximum prévu par la loi : il me paraît plus intéressant de prévoir des moyens concrets de renforcer ou de maintenir les pouvoirs d'intervention directe du préfet.
Je remercie la majorité d'avoir maintenu la création d'une amende forfaitaire délictuelle, qui constitue un outil très attendu par les forces de l'ordre, car elle permettra une sanction plus rapide.
Pour ce qui est du doublement des peines, je rejoins la rapporteure du Sénat qui indiquait que cette évolution législative représente un signal envoyé tant aux personnes commettant ces infractions qu'aux juridictions.
Je vous invite, mes chers collègues, à discuter avec les agriculteurs et les industriels qui voient leur activité paralysée, parfois bien après le départ des campements. Les dégradations sont souvent importantes et les clients des entreprises commerciales ne reviennent pas tant que la remise en état n'a pas été effectuée. Ce n'est donc pas 7 500 euros que perdent les professionnels concernés, mais bien plus et il faut prendre en compte les dommages que représentent ces installations illicites, qui n'ont pas diminué malgré la création de places d'accueil, parce que certains groupes persistent dans leurs comportements inappropriés en dépit des efforts importants des collectivités pour améliorer leur accueil.
J'avoue avoir un peu de mal à suivre votre raisonnement, monsieur Paris. D'un côté, vous dites qu'il faudrait renforcer les pouvoirs du préfet afin de garantir l'application de la loi, de l'autre, vous refusez les mesures que nous proposons à cette fin.
Garantir le droit fondamental qu'est la liberté de circulation, c'est très bien, mais il est un autre droit fondamental de la République que vous semblez ignorer, à savoir le droit de propriété, que notre système juridique doit aussi garantir. Pour nous, il est important de démontrer, d'affirmer et de voter que le droit de propriété est un droit fondamental et qu'y contrevenir en s'installant illégalement, c'est-à-dire sans droit ni titre, sur un terrain, c'est s'exposer à une contrainte pénale importante.
Nul ne conteste la valeur du droit de propriété, mais il se trouve que nous sommes déjà dotés d'une législation pénale qui garantit le respect de ce droit en prévoyant des sanctions, à savoir six mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende, que le groupe La République en marche n'estime pas opportun de doubler.
Par ailleurs, pour répondre à la rapporteure, je rappelle qu'il s'agit de mesures de droit pénal et non de mesures civiles visant à la réparation de dégâts éventuels : les deux types de peines ne sont pas exclusifs l'un de l'autre.
Je rappelle que ce texte a été élaboré en étroite collaboration avec un certain nombre de personnes, que plusieurs réunions de travail ont été organisées au ministère de la justice et que Mme Jacqueline Gourault a effectué des déplacements dans les départements afin de parler du sujet qui nous occupe. Je veux dire au porte-parole de La République en marche que, si je comprends et respecte la position de son groupe, les questions liées à la communauté des gens du voyage occupent une grande place lors des congrès des maires organisés dans les départements.
Je peux en tout cas vous assurer que c'est le cas en Haute-Savoie où, l'année dernière, une procureure de la République est intervenue à la tribune pour affirmer que, s'il y a des problèmes avec les gens du voyage, la balle est dans le camp du législateur, car la loi n'est pas adaptée et le parquet n'a donc pas les moyens de requérir de manière suffisamment sévère à l'encontre des campements illégaux.
Je répète qu'il ne s'agit pas de stigmatiser la communauté des gens du voyage, mais de trouver une solution au problème que posent les campements illégaux, ce qui est l'objet de cette proposition.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine l'amendement CL33 de M. Didier Paris.
L'amendement, qui vise les alinéas 5 à 7 de l'article 6, a un double objet.
Il s'agit d'abord de supprimer la possibilité introduite par le texte de saisir tous les véhicules ayant servi à l'installation illicite, y compris ceux destinés à l'habitation. En effet, la saisie et la confiscation ne peuvent concerner un véhicule servant de lieu d'habitation. Une telle mesure, qui aurait pour effet de priver de toit l'auteur des faits, contrevient au principe de l'inviolabilité du domicile, qui est protégé constitutionnellement. Au-delà de l'aspect juridique, notre proposition relève du simple bon sens : comment priver des voyageurs de leur capacité de résider, quel que soit l'endroit où ils se trouvent ?
Par ailleurs, notre amendement tend à supprimer une disposition tout aussi choquante, visant à la création d'une peine complémentaire en cas de stationnement illicite, permettant de transférer les véhicules sur une aire ou un terrain d'accueil situé sur le territoire du département – je ne vois d'ailleurs pas bien comment, matériellement, les services d'ordre pourraient intervenir pour effectuer le transfert d'office d'une caravane d'un terrain occupé illégalement à une autre aire.
Vous invoquez les principes constitutionnels pour défendre votre amendement, dont l'objet est de supprimer deux dispositions importantes de cet texte. L'une prévoit la possibilité de saisir les véhicules ayant servi à commettre l'infraction, même s'ils sont destinés à l'habitation, l'autre la faculté pour le préfet de les déplacer sur une aire d'accueil située dans le département.
Ce débat a eu lieu au Sénat, où il a été rappelé que le code pénal et le code de procédure pénale permettent déjà de saisir des domiciles. En effet, tout bien ayant servi à commettre une infraction peut être confisqué, ce qui est le cas, en l'espèce, des résidences mobiles.
Cette confiscation et le déplacement sur une aire située dans le département ne poursuivent pas seulement un objectif de sanction, mais visent également à mettre un terme à l'atteinte à l'ordre public en libérant des terrains privés ou publics occupés illicitement.
Monsieur Paris, vous m'avez presque arraché une larme, sauf que la définition que vous faites de l'habitant mobile – du voyageur domiciliaire, des gens du voyage – contredit celle que nous avons retenue en début de séance. Vous défendiez alors l'idée que c'est avant tout un mode de vie, que ce n'est pas une contrainte liée à une situation sociale ou financière. Vous supposez maintenant que les gens du voyage n'ont pour seul habitat que leur résidence mobile, leur caravane ou autre, ce qui n'est pas forcément vrai et vous l'avez reconnu au début de votre exposé. Beaucoup de gens du voyage ont cette pratique culturelle de façon saisonnière et sont sédentaires le reste de l'année.
On ne prive donc pas ces gens-là de domicile en confisquant le bien avec lequel ils ont commis une infraction. Car il s'agit bien de cela, les gens disposent d'un bien à l'aide duquel ils commettent une infraction et nous nous interdisons de leur confisquer : c'est désarmer l'État de droit.
Puisque l'adoption de cet amendement ferait tomber l'amendement suivant, je souhaite vous le présenter maintenant. J'ai l'impression d'être en automne : tous les amendements que j'ai déposés sont tombés, ce qui démontre bien que cette proposition de loi est complètement vidée de sa substance !
L'article 322-4-1 du code pénal dispose en son deuxième alinéa : « Lorsque l'installation s'est faite au moyen de véhicules automobiles, il peut être procédé à leur saisie (…) ». Cet article très important est malheureusement très peu appliqué sur le terrain, alors que l'on sait que les gens du voyage tiennent à leur véhicule automobile comme à « la prunelle de leurs yeux ».
Si nous voulons lutter contre les envahissements sauvages et contre les dégradations inhérentes, il est indispensable de s'attaquer aux véhicules automobiles. L'objet de mon amendement est de rendre la confiscation systématique, alors qu'elle est actuellement facultative. Je vous promets que si vous confisquez les véhicules, les gens du voyage partiront d'eux-mêmes.
Il n'y a rien de plus détestable, dans le droit français, que les obligations qui pèsent à l'encontre des autorités judiciaires ou administratives. Vous connaissez très bien les gens du voyage, aucune situation ne ressemble à une autre et il serait de bien meilleure administration de laisser à chacun des titulaires de cette autorité la liberté de prendre cette mesure.
S'agissant de la remarque de M. Schellenberger, en lien avec les propos de la rapporteure, je ne comprends pas bien quelle position est défendue. S'agit-il d'une position de principe, permettant la saisie du domicile, ou d'une position alternative qui permet la saisie du domicile lorsqu'il s'agit d'une caravane ou de véhicules mobiles, dès lors qu'une personne a une résidence permanente ? Tout cela ne me paraît pas très cohérent, je pense qu'il faut arrêter de finasser sur cette question : le domicile doit être protégé, quelles qu'en soient les conditions.
Le débat n'est pas le même s'il est question du véhicule ou du véhicule destiné à l'habitation. S'agissant de ce dernier, on touche à des libertés constitutionnelles évoquées ici et la mesure est inapplicable.
Soit il s'agit de dispositions écrites pour faire plaisir à des élus locaux en grande difficulté, et il y a un peu de démagogie derrière tout cela, soit on se dit la vérité. Qu'allez-vous faire d'une habitation occupée dans laquelle il y a des familles, des enfants, des personnes âgées ? Vous allez saisir le véhicule qui sert d'habitation et déposer au service de l'enfance du département les personnes qui y vivent ? Je pense que ce serait un peu compliqué. De mon point de vue, cette mesure est excessive et soulève des interrogations au regard des libertés constitutionnelles. Et en pratique, elle ne pourra jamais être appliquée.
En raison d'autres engagements auxquels elle ne peut se soustraire, la rapporteure doit nous quitter.
M. Raphaël Schellenberger supplée Mme Virginie Duby-Muller en qualité de rapporteur.
Je comprends l'intention consistant à saisir les véhicules, mais pas l'habitation. Notre objectif serait donc de faire en sorte que ces personnes quittent le terrain qu'elles occupent le plus rapidement possible, en leur retirant tout élément de motricité. Ce serait intéressant à voir.
Il faut arrêter avec ce concours Lépine ! Ce texte comprend quelques avancées, c'est très bien, mais le cadre juridique existant permet un certain nombre de mesures, sous le contrôle du juge. Dans les faits contraventionnels, certains maires utilisent la contravention pour régler des situations un peu tendues et le dialogue s'instaure. Je ne prétends pas que ce soit simple : il est toujours compliqué d'avoir affaire à des personnes qui se mettent en marge du droit ou qui ont tendance à en abuser. Ce n'est pas le cas de tous, une grande majorité ne pose pas de problèmes, mais effectivement, un certain nombre pose des difficultés.
J'écoute ce que l'on nous rapporte des services de l'État et encore faut-il que ceux qui ont l'autorité souhaitent véritablement s'en saisir. Dans ma commune, j'ai connu des préfets différents, des sous-préfets différents, des commandants de gendarmerie différents ; dans certains cas, les choses avançaient très bien, dans d'autres c'était beaucoup plus long. Il faut se saisir du cadre législatif de manière efficace et construire les partenariats nécessaires pour mettre en oeuvre des solutions pertinentes permettant de sortir par le haut d'une situation forcément tendue, conflictuelle et compliquée.
Que les choses soient bien claires : les gens du voyage ne sont pas en dehors du droit, leurs véhicules peuvent être saisis. Mais l'article 6 de la proposition de loi tend à supprimer l'exception pour les véhicules destinés à l'habitation. Il deviendrait de droit commun de saisir un véhicule servant d'habitation.
Deux précisions : tout d'abord, un domicile peut être saisi aujourd'hui, quel qu'il soit, sauf les caravanes. Et c'est pour préserver cette exception que le texte prévoit que la caravane pourrait être déplacée dans un autre lieu du département préalablement aménagé pour accueillir ces caravanes. Pour ces raisons, nous pensons que la proposition qui vous est soumise est équilibrée.
La Commission adopte l'amendement. En conséquence, les amendements CL41 et CL12 tombent.
Puis la Commission adopte l'article 6, modifié.
Article 7 (art. 322-3 du code pénal) : Renforcement des sanctions pénales en cas de destruction, dégradation ou détérioration d'un bien d'autrui
La Commission est saisie de l'amendement CL34 de M. Didier Paris, qui vise à supprimer l'article.
Cet article renforce significativement les peines prévues par les articles 322-1 et 322-4-1 du code pénal en cas de de destruction, dégradation ou détérioration d'un bien à l'occasion de l'occupation illégale d'un terrain. Ces peines sont aujourd'hui de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende, elles seraient portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.
Il apparaît au groupe la République en marche que cette aggravation des peines est disproportionnée au vu des circonstances. Une peine de deux ans de prison et 30 000 euros d'amende est déjà extrêmement significative et tout à fait cohérente avec l'infraction qui est pénalisée.
Votre amendement vise à supprimer cet article dont l'objet est de renforcer les peines encourues en cas de destruction, dégradation ou détérioration d'un bien dans le cas de l'installation d'un campement illicite.
L'avis est défavorable car ces dégradations sont souvent importantes, notamment lorsque les terrains abritent des activités économiques ou agricoles, ou en sont proches. Il convient donc de mieux sanctionner ces comportements et de renforcer le caractère dissuasif de la sanction pénale encourue.
Par ailleurs, je souligne qu'en séance, la ministre Mme Gourault s'est dite favorable à l'aggravation des peines en cas de détérioration des terrains, même si elle proposait une solution législative un peu différente. Je suis donc surpris que la majorité propose la suppression pure et simple de cette disposition.
« Les gens du voyage, qui sont nos compatriotes, doivent – parce que ce sont des citoyens – respecter des devoirs. Les gens du voyage se plaignent parfois d'être ostracisés, à eux de faire la preuve qu'ils sont citoyens à part entière et respectent les lois de la République. Occuper des terrains publics ou privés, détériorer des biens publics, c'est inacceptable. » Ces trois phrases ne sont pas de moi, mais de Manuel Valls, qui n'est pas présent en commission cet après-midi.
Je m'étonne que le groupe majoritaire n'accepte pas que les citoyens de la République aient aussi des devoirs.
La Commission adopte l'amendement. En conséquence, l'article 7 est supprimé.
Article 8 (art. 322-4-2 [nouveau] du code pénal) : Création d'un délit d'occupation habituelle d'un terrain sans titre
La Commission est saisie de l'amendement CL35 de M. Didier Paris.
Cet article prévoit uniquement d'appliquer le code pénal, puisqu'il crée un délit sanctionnant la commission de manière habituelle du délit d'installation en réunion, prévu par un article qui vise expressément les amendes délictuelles forfaitaires. Sur le principe, pourquoi pas, mais en droit, il n'est pas prévu de récidive pour les amendes délictuelles forfaitaires, donc cet article est inapplicable.
Nous aurons peut-être à revoir l'ensemble des dispositifs, mais dans des lois pénales spécifiques, pas dans des conditions rapides comme c'est le cas ici.
Votre amendement tend à supprimer un dispositif introduit par le Sénat afin de lutter contre l'occupation illégale répétée d'un terrain appartenant à une collectivité territoriale respectant ses obligations en matière d'accueil des gens du voyage ou à tout autre propriétaire de terrain.
Vous reprenez pour le justifier l'argumentaire du Gouvernement selon lequel ce dispositif serait inopérant au motif que l'amende forfaitaire délictuelle ne pouvant s'appliquer en cas de récidive légale, une même personne ne pourra faire l'objet de plusieurs amendes forfaitaires.
Vous me permettrez de reprendre à mon tour la réponse apportée par nos collègues sénateurs, qui est de considérer que la récidive légale, en l'état actuel du droit et de la jurisprudence de la Cour de cassation, ne se constate qu'après une condamnation devenue définitive. Or une amende forfaitaire délictuelle n'est pas une condamnation et il n'est pas pertinent de parler de récidive légale dans ce cas.
Ce nouveau délit est donc à la fois opérationnel et utile pour répondre aux situations d'occupations illégales répétées auxquelles sont confrontés certains territoires.
Sur la forme, je tiens à préciser que cette proposition de loi a fait l'objet d'un travail approfondi et sérieux, notamment de la part de nos collègues sénateurs. Il est un peu facile de renvoyer à des textes dont la vision d'ensemble serait plus large alors que cette proposition de nouveau délit est bien circonscrite à l'objet de la proposition de loi.
La Commission adopte l'amendement. En conséquence, l'article 8 est supprimé.
Article 9 (art. 322-15 et 322-15-1 [abrogé] du code pénal) : Peines complémentaires applicables au délit d'occupation en réunion sans titre d'un terrain
La Commission examine l'amendement CL36 de M. Didier Paris.
Cet amendement tend à supprimer l'article 9 qui introduit des dispositions nouvelles relatives aux peines complémentaires encourues pour le délit de destruction, dégradation ou détérioration d'un bien d'autrui. Il s'agit de peines d'interdiction de séjour, de confiscation de véhicules destinés à l'habitation et de suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans. Les explications que j'ai déjà données précédemment valent également dans ces circonstances.
Votre amendement vise à supprimer la peine complémentaire d'interdiction de séjour introduite par le Sénat. Or, cette disposition permet de répondre aux difficultés rencontrées par les élus locaux en cas d'occupation illégale récurrente.
Par ailleurs, cette peine complémentaire est déjà applicable à des délits punis d'une courte peine d'emprisonnement, par exemple le délit prévu à l'article 431-22 du code pénal qui réprime d'un an d'emprisonnement le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l'enceinte d'un établissement d'enseignement scolaire sans autorisation.
En conséquence, l'application de cette peine complémentaire à des infractions punies d'un an d'emprisonnement n'est pas disproportionnée et paraît conforme à la jurisprudence constitutionnelle. Avis défavorable.
S'il était adopté, cet amendement ferait tomber le suivant, que j'ai déposé. Je souhaite simplement constater une fois de plus une forme de contradiction : si les véhicules servant à la mobilité des habitations sont confisqués, il sera difficile d'exiger des personnes occupant illicitement un terrain qu'ils le quittent.
La Commission adopte l'amendement CL36. En conséquence, l'amendement CL13 tombe et l'article 9 est supprimé.
Article 10 (art. 711-1 du code pénal) : Application en outre-mer des dispositions modifiant le code pénal
La Commission adopte l'article 10 sans modification.
Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
La réunion s'achève à 15 heures 50.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Laetitia Avia, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, Mme Émilie Chalas, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Isabelle Florennes, M. Dimitri Houbron, M. Sébastien Huyghe, Mme Catherine Kamowski, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, Mme Marie-France Lorho, Mme Alexandra Louis, M. Stéphane Mazars, M. Paul Molac, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Jean-Pierre Pont, M. Rémy Rebeyrotte, M. Robin Reda, M. Pacôme Rupin, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, M. Arnaud Viala, M. Cédric Villani
Excusés. - Mme Huguette Bello, M. Éric Ciotti, M. Philippe Dunoyer, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Paula Forteza, Mme Marie Guévenoux, M. Éric Poulliat, Mme Maina Sage, Mme Alice Thourot, M. Guillaume Vuilletet
Assistait également à la réunion. - M. Martial Saddier