La réunion débute à 10 heures 05.
Présidence de M. Jean-René Cazeneuve, président.
La délégation auditionne M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des comptes publics.
Lors d'un premier cycle d'auditions, pendant environ trois mois, nous avons reçu des élus. Pour la première fois, nous avons le plaisir de recevoir un membre du Gouvernement, en la personne de M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, que je salue.
Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, la délégation a été créée à la fin de 2017 pour doter l'Assemblée d'un organe de dialogue transversal avec les collectivités locales sur les sujets qui les préoccupent, et il en est de nombreux dans l'actualité. La délégation se saisira ainsi d'un certain nombre d'articles du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN).
Pour ses premiers travaux, la délégation a choisi de se concentrer sur deux thèmes, la fiscalité locale et la réforme constitutionnelle. Nous avons lancé deux missions « flash », dont les résultats devraient être communiqués le 18 avril : la première, conduite par Arnaud Viala et moi-même, sur l'expérimentation et différenciation territoriale – vous aurez sans doute des choses à nous dire à ce sujet –, l'autre consacrée à l'autonomie financière des collectivités territoriales, menée par Charles de Courson et Christophe Jerretie.
Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et retransmise sur le site internet de l'Assemblée, et je vous donne la parole.
Je vous remercie de votre invitation et j'espère contribuer aux travaux de la délégation en vous apportant des éléments sur l'autonomie financière et la réforme de la fiscalité locale. Si vous le souhaitez, nous pourrons, dans un second temps, aborder les principes de différenciation qui seront intégrés dans la révision constitutionnelle.
C'est d'ailleurs une autre révision constitutionnelle, en 2003, qui a modifié l'article 72-2 de la Constitution pour reconnaître l'autonomie financière des collectivités. Puis la loi organique du 29 juillet 2004 a défini ce qu'étaient leurs ressources propres. Depuis leur mise en application, ces deux textes ont suscité beaucoup d'attentes, puis de la déception. Subsiste en effet le sentiment que l'autonomie financière est battue en brèche par la jurisprudence du Conseil constitutionnel ou par des décisions du législateur. Dès 2004, d'ailleurs, lors de la discussion de la loi organique, des parlementaires, dont certains sont aujourd'hui membres de votre délégation, s'interrogeaient et alertaient sur le risque de voir la notion d'autonomie financière se vider de sa substance si, dans les ressources, des quotes-parts d'impôts nationaux se substituaient à des impôts locaux. Le débat concerne aussi le dégrèvement et la réforme de la taxe d'habitation. De ce fait, ce que le législateur a qualifié d'autonomie financière ne consacre en rien une autonomie fiscale. Il faut avoir en tête cette dissociation lorsque l'on aborde la réforme de la fiscalité.
Cela étant, la jurisprudence du Conseil constitutionnel n'a jamais remis en cause le principe arrêté à l'article 72-2 de la Constitution ni les principes posés par la loi organique du 29 juillet 2004. Lorsqu'il a été saisi, le Conseil a considéré que le fait que le législateur ait pour objectif de remplacer une recette fondée sur la fiscalité locale par une forme de compensation fixe dans le temps, en particulier un dégrèvement, ne remettait pas en cause le principe d'autonomie financière : les compensations financières par dégrèvement sont considérées comme des ressources propres des collectivités locales. Au vu de la jurisprudence, j'aurais presque envie de dire que, plus une collectivité compte de dégrèvements dans ses recettes, plus son autonomie financière serait renforcée !
Je pense donc que les travaux de votre délégation ont pour principal enjeu la définition que vous jugerez souhaitable de l'autonomie financière des collectivités pour maintenir leur libre administration.
Cette question de l'autonomie financière conduit à celles de l'autonomie fiscale et du pouvoir fiscal. Celui-ci se fonde sur deux principes : un principe de légalité dans la mesure où l'article 34 de la Constitution réserve au seul législateur le pouvoir de fixer librement les règles relatives à « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures », et consacre le fait qu'il est le seul détenteur du pouvoir fiscal ; le principe, plus indirect, du libre consentement à l'impôt par les citoyens ou leurs représentants.
Le fait de donner au seul législateur le pouvoir fiscal connaît des adaptations et des atténuations : ainsi, l'article 72-2 dispose que le législateur peut autoriser les collectivités territoriales à lever l'impôt ; il le peut, mais n'en a à aucun moment l'obligation. D'autre part le principe d'égalité vient souvent percuter des scénarios imaginés pour refondre la fiscalité locale. Contrairement à ce que beaucoup croient, il n'y a pas d'autonomie fiscale, mais simplement une autonomie financière et le droit constitutionnel protège les prérogatives de l'Etat et du législateur pour ce qui est de la fiscalité, bien que nous ayons tous en tête des cas où des collectivités territoriales définissent des taux et sont demandeuses d'une véritable autonomie fiscale.
Pour terminer cette introduction, je souligne que le ratio d'autonomie financière peut donner lieu des interprétations diverses. Dans un contexte de gel des dotations depuis 2010 et de baisse depuis 2014, les ratios d'autonomie financière au sens de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 et de la loi organique de 2004 se sont améliorés depuis 2003. Cela peut paraître paradoxal, car la diminution des dotations de l'État a été ressentie comme une contrainte pour les collectivités et comme un frein à l'exercice du principe de libre administration. En réalité, au terme des critères que j'ai rappelés, il y a eu amélioration des ratios, dans la mesure où la diminution de la part des recettes des collectivités constituées de dotations a mécaniquement entraîné une augmentation de la part des recettes considérées comme des ressources propres au sens de la loi organique de 2004. Ainsi, de 2003 à 2015, pour le bloc communal, ce ratio est passé de 60,8 % à 68,6 %, en progression de deux points entre 2014 et 2015, soit la première année de baisse des dotations. Les baisses de dotations de 2016 et de 2017 ont très probablement renforcé cette tendance. Sur la même période, pour les départements, le ratio d'autonomie est passé de 58,6 % à 70,9 %, progressant de deux points entre 2014 et 2015 ; pour les régions, il est passé de 41,7 % à 62,5 %, progressant de quatre points entre 2014 et 2015. Cela s'explique notamment par la hausse des impositions de toutes natures, qui ont renforcé la part des ressources propres des collectivités.
En abordant le chantier de la refonte de la fiscalité locale, la première question est donc de savoir si les travaux que vous menez et ceux qui le sont dans le cadre de la réforme constitutionnelle ont pour objet de renforcer l'autonomie financière des collectivités telle qu'arrêtée par la révision constitutionnelle de 2003, ou d'aller vers l'autonomie fiscale et de revoir la définition et le périmètre des ressources propres.
Quels sont les enjeux prioritaires pour les collectivités aujourd'hui, en matière d'autonomie ? Disposer de l'impôt avec une assiette territorialisée et un pouvoir d'agir sur l'assiette ou sur le taux, sur le modèle de la taxe foncière ? Disposer d'un impôt dont la base fiscale est territoriale mais dont le taux est fixé au niveau national, sur le modèle de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ? Ou disposer d'une quote-part d'un impôt national comme la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), dont les recettes reposent sur une base dynamique ? Ainsi, grâce à la dynamique de la TVA, les régions connaissent une assez forte progression de leurs recettes. La loi de programmation prévoyait que la fraction de recettes de TVA qui leur est affectée serait de 97 millions d'euros pour l'exercice qui s'ouvre ; elle est en réalité de 152 millions. Personne ne remet en cause l'autonomie financière ni le bénéfice de cette recette ; elle a pourtant été cause d'une perte d'autonomie fiscale puisque c'est une part d'un impôt national qui est transférée.
Par ailleurs, les attentes sont diverses selon la catégorie de collectivités, selon la spécificité du territoire. Certains élus demandent des ressources dynamiques, sans nécessairement qu'elles soient territorialisées et que les exécutifs locaux disposent d'un levier fiscal, d'autres défendent plutôt l'autonomie fiscale, d'autres encore se soucient plus de mécanismes de péréquation. Satisfaire ces trois attentes est un défi difficile, voire impossible à relever. Alain Richard et Dominique Bur, chargés d'une mission sur la refonte de la fiscalité locale, remettront prochainement leur rapport. Il faudra également prendre en compte les travaux du Comité des finances locales (CFL), de votre délégation et de son homologue du Sénat. Le contexte est particulier, puisqu'il s'agit de refondre la fiscalité locale en cohérence avec la suppression de la taxe d'habitation. Je rappelle que le dégrèvement de cet impôt devait bénéficier d'ici 2020 à 80 % des contribuables mais que, après avis du Conseil constitutionnel, il bénéficiera à tous. Il y a là un enjeu colossal pour les finances publiques, puisqu'il s'agit d'assurer le financement du bloc communal à hauteur de 25,8 milliards d'euros en valeur 2020. Il faut reconstituer ces recettes pour les communes et les EPCI, avec une garantie individuelle de ressources pour chacune des collectivités. Pour l'État, boucler la réforme avec une suppression totale de la taxe signifie trouver entre 10,3 et 10,6 milliards d'euros en valeur 2020 qui, en l'état, ne sont pas intégrés dans la trajectoire des finances publiques par la loi de programmation.
Réformer la fiscalité locale signifie donc l'optimiser en évitant autant que possible les transferts de charges entre contribuables. De toutes les hypothèses avancées par les associations nationales d'élus, par le CFL, dans des travaux parlementaires, trois scénarios se sont imposés plus fortement que les autres dans le débat public. Je les présente brièvement, sachant qu'à ce stade aucun arbitrage n'a été rendu en faveur de l'un d'eux.
Le premier scénario prévoit le transfert de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) au bloc communal et l'attribution d'une fraction du produit d'impôts nationaux aux départements. Le montant de cette part départementale est de 13,8 milliards d'euros, alors qu'il faut compenser la perte de 21,9 milliards du produit de la taxe d'habitation en valeur 2016. Avec ce mécanisme, certaines communes ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pourraient recevoir une compensation plus importante que nécessaire, ou au contraire insuffisante. Il faudrait ventiler la répartition du produit pour parvenir à un bon équilibre, et il resterait 9,7 milliards d'euros à compenser au bloc communal, ce qui pourrait consister en une compensation intégrale par des dotations, un mix entre dotations et attributions d'une part d'un impôt national – TVA, taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ou droits de mutation – ou, comme le suggèrent certaines associations d'élus, le transfert au bloc communal de la part de la CVAE des départements, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Je ne suis pas certain que les départements soient très enthousiastes à l'idée de tels transferts !
Et s'ils les acceptaient, il faudrait prévoir une compensation à partir des mêmes impôts nationaux que j'ai évoqués.
Le deuxième scénario est l'attribution directe d'une fraction des impôts nationaux aux communes et aux EPCI, qui deviendraient des ressources propres à droit constant. On pourrait envisager la localisation d'une fraction de produit national ou l'attribution d'une fraction de produit national correspondant à la recette de taxe d'habitation l'année « n-1 », ou l'attribution de cette fraction selon des critères objectifs, mais qui nécessiteraient un mécanisme de garantie et un mécanisme national de ventilation, avec deux risques : d'abord, il serait difficile sur le plan technique de répartir entre les 36 000 communes et les 1 200 EPCI une fraction d'un impôt national. Cela exigerait d'élaborer un système qui serait assez rapidement qualifié de prélèvement sur recettes. Attribuer aux collectivités locales une part d'un impôt national avec un mécanisme de redistribution et une part de péréquation entre collectivités ressemblerait au mécanisme actuel de la dotation globale de fonctionnement (DGF).
Le troisième scénario est la création d'une contribution locale. Plusieurs associations d'élus ont exprimé le souhait que les 20 % de taxe d'habitation, soit la différence entre la prévision initiale d'une suppression de 80 % et la suppression totale, soient procurés par un impôt résidentiel, qui serait soit forfaitaire, soit proportionnel aux revenus. L'objectif est de maintenir une participation des résidents, propriétaires ou locataires, au financement des services publics. En effet, supprimer en totalité la taxe d'habitation par dégrèvement maintiendrait comme imposition locale un impôt supporté essentiellement par les propriétaires.
Aucun arbitrage n'a été rendu et on peut choisir entre ces trois scénarios ou les combiner. Il y aura des adaptations techniques à apporter dans le cadre de la refonte de la fiscalité, notamment sur les liaisons de différents taux en fiscalité directe locale, le calcul de certaines taxes comme la taxe finançant la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI), l'établissement du rôle de la taxe audiovisuelle, le devenir de la taxe sur les résidences secondaires et de la taxe sur les logements vacants. En effet, ces impôts et taxes perdront la base sur laquelle ils étaient appuyés jusqu'alors.
Il faudra aussi déterminer si l'on engage la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation, celle des locaux professionnels étant effective depuis l'automne dernier. Or les deux sont étroitement liées par un coefficient de neutralisation.
Il faudra enfin examiner ensemble comment nous souhaitons articuler le principe d'autonomie financière et la péréquation. Les ratios d'autonomie financière s'apprécient au niveau « macro », celui d'une catégorie de collectivité, et non au niveau « micro » pour chaque collectivité, sous forme de garanties individuelles. Dès lors, au point de vue juridique, ni la péréquation horizontale qui se fait par un prélèvement de ressources sur certaines collectivités pour les reverser aux autres, ni la péréquation verticale, qui se traduit par le versement de concours financiers, même si sa progression est financée par l'écrêtement de la dotation forfaitaire, n'entravent l'autonomie financière. En pratique, ces mécanismes entraînent des liens de dépendance plus ou moins forts pour les collectivités bénéficiaires et réduisent les marges de manoeuvre pour les collectivités contributrices. Plus les ressources propres seront composées d'impôts locaux territorialisés, plus les mécanismes de péréquation apparaîtront indispensables, eu égard aux inégalités dans la géographie fiscale. Donc, gardons à l'esprit que l'autonomie fiscale pourrait entraîner des mécanismes importants de péréquation, ce qui est contradictoire avec la volonté initiale d'atténuer les flux financiers entre l'État et les collectivités territoriales. Sans vouloir vous désespérer, je tenais à souligner la complexité des choix que nous aurons à faire.
Je n'ai pas abordé les questions relatives à la loi de financement des collectivités. Mais nous pourrons y revenir, comme sur la question des normes, dans nos échanges.
Merci. Je donne la parole, pour une première question, à un représentant de chacun des quatre groupes dont des membres sont présents.
Je vous remercie, Monsieur le secrétaire d'État, de prendre le temps d'aborder ces questions sensibles pour les collectivités, les élus locaux mais aussi les citoyens, puisqu'il s'agit aussi de fiscalité directe. Votre propos était très expert, et sans doute serait-il utile que la délégation dispose d'une note explicative sur les trois scénarios que je viens de découvrir, afin que nous puissions y réfléchir avec plus de recul.
J'ai d'abord une question très pratique, en pensant aux citoyens. Au-delà de l'inégalité entre villes, une inégalité des taxes entre quartiers engendre aussi un sentiment d'injustice dans une même collectivité. Comment voyez-vous cette disparité ? Dans le cadre du comité de suivi Action publique 2022 et du groupe de travail sur la fonction publique, je m'intéresse aussi à la façon dont on veut réduire le coût des services publics pour atteindre un équilibre budgétaire. On doit maintenir un niveau de recettes assurant l'autonomie des collectivités. Mais on peut aussi s'interroger sur la façon d'équilibrer les recettes et les dépenses. Dès lors, quels leviers pouvez-vous identifier pour agir sur les efforts budgétaires, et notamment, mais pas seulement, la contractualisation : elle ne concerne que les grandes collectivités et ne s'applique pas à la grande masse que forment les collectivités de taille moyenne. Or les petits ruisseaux font les grandes rivières.
Merci, monsieur le secrétaire d'État, pour cet exposé complet et concis. Il dit bien toutes les difficultés nées de la décision de supprimer la taxe d'habitation. A voir leur ampleur, on peut se demander si le Gouvernement n'a pas mis la charrue avant les boeufs. Actuellement, il ne me semble pas que vous l'ayez mentionné, le lien entre les habitants et les élus passe par la taxe d'habitation. Supprimer celle-ci, c'est supprimer ce lien, avec des effets possibles à terme sur la vie des collectivités. Il faut l'avoir à l'esprit en examinant les différents scénarios proposés.
Ma première question concerne le transfert éventuel des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui en priverait les départements. Cela ne les réjouirait pas ! Ils ont déjà des problèmes d'équilibre budgétaire, en particulier à cause des allocations individuelles de solidarité (AIS). On ne doit pas l'ignorer. Envisagez-vous des mesures à ce sujet ?
Ensuite, je me réjouis qu'on introduise bien la notion d'autonomie fiscale, plus que celle d'autonomie financière. Envisagez-vous un nouveau ratio de référence pour déterminer cette autonomie fiscale ?
Je vous remercie de votre exposé. Il est vrai que le dégrèvement total de la taxe d'habitation a modifié un peu notre réflexion. Dans la première version, les communes pouvaient jouer sur les taux pour faire payer un peu ceux qui auraient bénéficié d'un dégrèvement total. Finalement, le Conseil constitutionnel a imposé une suppression totale.
Il me semble que nous tournons en rond depuis quelques années sans faire preuve de beaucoup d'imagination. Dans les scénarios que vous évoquez, il s'agit de transférer des taxes entre collectivités. Peut-être faudrait-il chercher plutôt à taxer les flux, la richesse qui se crée sur le territoire, plutôt que d'en rester à une vision statique. Il y a la piste des réseaux. Des taxes existent déjà pour l'eau, l'électricité, le gaz, le numérique. Mais ne peut-on y réfléchir, de même qu'à des taxes liées au fait que des particuliers réalisent des profits grâce aux investissements consentis par la collectivité ? Ce pourrait être par la localisation de l'impôt sur les sociétés par exemple. Nos schémas restent trop classiques, il faudrait une vraie révolution fiscale.
Quant à la révision des valeurs locatives, celle que l'on a faite pour les locaux commerciaux et bureaux a manqué de clarté. Il faudra mener une réflexion pour avoir plus de visibilité et d'efficacité pour proposer une réforme dans ce domaine.
J'avais d'autres questions, sur la réforme constitutionnelle. Nous verrons si on l'aborde plus tard.
Merci de cette présentation complète et concise de l'état de la réflexion. A ce stade, lequel des trois scenarios que vous avez présentés a votre préférence – si vous en avez une ?
Mme Louwagie a évoqué l'impôt citoyen, qui crée un lien avec le territoire. J'y suis très favorable. J'ai moi-même, au cours de nos précédents travaux, parlé d'une contribution minimale au service public local, ce qui est aussi, me semble-t-il, l'état d'esprit de la mission Bur-Richard. Ces services publics locaux ont un coût. S'en rendre compte et y contribuer, c'est aussi une façon d'être citoyen. Ce n'est peut-être pas facile à réaliser, mais c'est essentiel.
S'agissant de la révision des valeurs locatives, je plaide, comme d'autres, pour qu'elle aille au bout pour les locaux d'habitation. Elles sont obsolètes et c'est une des raisons, outre le fait de rendre du pouvoir d'achat, qui a conduit le Président de la République à supprimer la taxe d'habitation. Ces bases sont utilisées pour le calcul de la TFPB, de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), de façon injuste dans les deux cas. Comme le disait Mme Chalas, dans une même commune, il existe des distorsions incompréhensibles. Il faut plus de transparence, mais les citoyens ne comprennent plus pourquoi le montant de leurs taxes d'habitation ou sur le foncier bâti peuvent différer autant.
Vous avez évoqué la compensation aux collectivités du produit de la taxe d'habitation. Sait-on quelle sera, en 2020, l'année de référence pour cette compensation ?
La contractualisation pour les collectivités concernées se fait sur la base du volontariat. Combien d'entre elles se sont manifestées ?
Enfin, à votre avis, est-il normal que la dotation d'équipement aux territoires ruraux soit versée à des communes faisant partie d'une métropole ?
Madame Pires Beaune, votre plaidoyer pour une cotisation minimale au service public local rejoint celui d'une partie des associations d'élus. Comme Mme Louwagie l'a dit également, il y a un lien entre cette contribution et les droits attachés à la citoyenneté locale. Simplement, ayons à l'esprit que déjà, 40 % des ménages sont exonérés de la taxe d'habitation et ne contribuent pas au financement du service public local. Ceux qui avancent cette idée veulent ne pas faire supporter l'intégralité du coût du dégrèvement par les 20 % de ménages qui ont les revenus les plus élevés et, initialement, ne devaient pas être exonérés.
Je partage votre sentiment qu'il faut aller au bout de la révision des valeurs locatives. Cela évitera ce sentiment d'inégalité d'un quartier, parfois d'une rue à l'autre. Cela permettra aussi de corriger une inégalité dans les recettes entre collectivités, due à la sédimentation des valeurs locatives depuis 1970. Mais le lissage, comme pour les locaux professionnels, monsieur Mattei, se fera sur une période extrêmement longue afin d'éviter un choc fiscal pour les contribuables. Gérald Darmanin et moi en sommes d'accord.
Quelle est ma préférence personnelle parmi les trois scénarios qui se dessinent ? La réponse est que cela ne compte pas. Cela dit, j'ai longtemps été élu municipal et je suis très attaché à l'autonomie du bloc local…Cela doit vous donner une idée. Mais l'essentiel sera de trouver le scénario – peut-être pas un des trois que j'ai exposés – qui permettra de répondre aux objectifs rappelés par le Président de la République devant le congrès des maires : des recettes pérennes, justes, lisibles, pour que les collectivités aient les moyens de mettre en oeuvre les politiques publiques qu'elles doivent mener. Je précise que ces trois scénarios ne sont pas ceux du Gouvernement, mais ceux qui se sont imposés dans le débat public. La contribution du Gouvernement au débat passera essentiellement par l'exploitation du rapport Richard-Bur, dont les conclusions seront rendues dans les semaines à venir. Encore une fois, il n'y a pas d'arbitrage à ce stade.
S'agissant de l'octroi de la dotation d'équipement des territoires ruraux, on peut l'envisager en tenant compte de la taille des communes, mais de toute façon pas dans les métropoles. Nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir lors des prochains textes financiers.
Enfin, l'année de référence de la compensation pour la taxe d'habitation est 2017, en tenant compte de l'évolution des valeurs locatives pour ne pas léser les collectivités. Même dans le cas d'un gel autoritaire des taux, elles progresseront soit de manière forfaitaire soit naturellement.
Monsieur Mattei, vous nous invitez à faire preuve d'imagination. Mais nous sommes preneurs ! Nous poursuivons deux objectifs. Vous dites que la refonte de la fiscalité s'apparente plus à une redistribution de produit fiscal entre différents niveaux de collectivités qu'à une véritable nouveauté. Nous pensons qu'affecter de façon plus spécialisée – mais pas complètement –, le produit d'un impôt à un niveau de collectivité serait plus lisible. Et nous avons aussi comme objectif de ne pas alourdir la pression fiscale, quels que soient les contribuables. La redistribution est une manière de l'éviter.
Sur la révision des valeurs locatives, je le répète, nous avons pour objectif de réaliser un lissage sur une durée aussi longue que nécessaire pour éviter tout choc fiscal.
Madame Chalas, comme je viens de le dire, la réponse à l'inégalité entre quartiers est dans la révision des valeurs locatives. Pour réduire ou au moins maîtriser les coûts, nous disposons de différents outils, comme la contractualisation qui est possible avec les 322 collectivités, régions, départements, communes et EPCI dont les dépenses réelles de fonctionnement au budget principal dépassent 60 millions d'euros. Nous travaillons, avec Jacqueline Gourault, à mettre en place ces contrats dans les meilleures conditions. Nous animons, elle et moi, un comité de suivi avec les représentants des principales associations concernées : l'Association des maires de France (AMF), l'Association des régions de France (ARF), l'Assemblée des départements de France (ADF), ainsi que France urbaine et l'Assemblée des communautés de France (ACdF), les deux associations qui regroupent la quasi-totalité des signataires potentiels de contrats pour le bloc local. Dans la circulaire qui accompagne les contrats, nous avons apporté les ajustements attendus. Ainsi nous sommes convenus que dans l'examen du contrat, chaque année, les dépenses liées à des participations des collectivités à la péréquation horizontale ne seraient pas prises en compte. Le terme de régulation pouvant effrayer par son caractère contraignant, nous avons aussi précisé qu'il s'agissait de coordination régionale ; nous avons renvoyé l'examen d'un certain nombre de questions sur l'évolution du périmètre des compétences exercées à la période d'évaluation au dialogue contradictoire entre le préfet et les représentants des collectivités concernées. L'objectif des contrats pour ces 322 collectivités est de limiter l'évolution des dépenses à 1,2 % par an. Mais la loi de programmation dit bien, sans caractère prescriptif, que c'est l'ensemble des collectivités qui doivent respecter une évolution des dépenses de fonctionnement de 1,2 %. On est dans une démarche de confiance puisque pour la quasi-totalité de ces collectivités, il n'y a pas de contractualisation contraignante. La contrepartie est le maintien des dotations. Le Premier ministre et d'autres membres du Gouvernement dont moi l'avons dit à plusieurs reprises : s'il y avait un dérapage prononcé des dépenses de fonctionnement des collectivités non soumises à contractualisation, cela remettrait en cause le maintien des dotations selon une trajectoire pluriannuelle. Il faut bien voir que les 322 collectivités avec lesquelles nous voulons contractualiser représentent 70 % à 75 % du total des dépenses réelles de fonctionnement. Les autres représentent 27 % à 28 % de ces dépenses, et un dérapage de cette deuxième part pourrait avoir des conséquences sur l'appréciation globale.
Les mutualisations sont également accompagnées, ce qui a amené à ce que les dotations à la création de communes nouvelles soient maintenues : c'est là une incitation au volontariat, comme le sait bien Mme Pires Beaune qui a participé à la rédaction de la loi.
Madame Louwagie, vous soulevez le problème des DMTO. Rien n'est arbitré, mais se pose en effet la question des compensations aux départements dans un contexte budgétaire difficile. Le Gouvernement y est attentif. Nous savons que les départements souhaitent, comme les collectivités du bloc local, conserver une autonomie financière mais travailler aussi à l'autonomie fiscale. Or leur attribuer une quote-part de la contribution sociale généralisée (CSG) ne contribuerait pas à l'autonomie fiscale, mais seulement à l'autonomie financière.
Nous travaillons aussi avec les départements sur les AIS. Pour les mineurs non accompagnés (MNA), le Gouvernement a proposé de reprendre à sa charge en totalité les coûts de prise en charge des personnes se déclarant mineurs non accompagnés entre le début de cette prise en charge et le moment où la personne est déclarée mineure ou majeure. Si elle est déclarée majeure, il s'agit de la réorienter vers des circuits classiques, de prise en charge de la présence irrégulière sur le territoire ou de la demande d'asile. Si elle est mineure, elle relève de la protection de l'enfance et de l'aide sociale à l'enfance (ASE), qui sont de la compétence des départements. Nous proposons de doubler le forfait accordé aux départements pour l'accueil d'une personne se déclarant mineure, d'ajouter au forfait une participation quotidienne qui serait revalorisée pour les quatorze premiers jours contre huit ou neuf aujourd'hui, et de maintenir une participation quotidienne entre le quatorzième et le vingt-cinquième jour. Cela implique de travailler, avec les départements, à harmoniser les modalités de constatation de majorité ou de minorité, même si l'on sait qu'il y aura toujours un doute. Cela permettra aussi d'harmoniser les délais de constat de minorité, qui varient du simple au quintuple d'un département à l'autre, du fait de méthodes et de moyens différents.
Nous souhaitons aussi mettre en place un fichier de majeurs, de sorte qu'une personne qui s'est présentée comme mineure dans un département et a été considérée comme majeure par une équipe pluridisciplinaire soit inscrite dans un fichier biométrique des majeurs constatés, sous l'autorité de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). En effet, en 2017, plus de 56 000 personnes se sont présentées comme mineures, mais un certain nombre dans plusieurs départements successivement. Le fichier permettrait d'empêcher ces essais réitérés. Sur ces 56 000 personnes, moins de 15 000 ont été déclarées mineures. Les choses avancent bien. Les départements arguent que l'accompagnement de l'État pour les personnes d'origine étrangère se déclarant mineures devrait aller au-delà de la période de constatation. Selon eux, quand il existe un flux important de mineurs non accompagnés reconnus comme mineurs et qui dépendent alors de l'ASE, ils entrent dans des foyers ou des familles d'accueil financés par le département et, s'ils y arrivent très jeunes, leur maintien dans ces structures peut être long, ce qui augmente considérablement les dépenses liées à l'ASE. La demande n'est pas totalement légitime, dans la mesure où l'ASE est une compétence propre des départements depuis toujours, mais on pourrait discuter du nombre de mineurs à partir duquel une aide supplémentaire pourrait être accordée. Bernard Cazeneuve avait pris l'engagement, tenu dans le budget 2018, de majorer les crédits de l'ASE de 30 % si le nombre de mineurs non accompagnés reconnus comme tels dépassait les 13 000. Cela a été le cas en 2017.
Sur les AIS, nous partageons le constat sur les restes à charge. Selon une première méthode de calcul, AIS par AIS, on aboutit à un milliard d'euros ; selon une autre qui prend en compte, département par département, la compensation pour l'ensemble des AIS, c'est 600 millions de reste à charge non compensés. Nous travaillons avec l'ADF sur la base de cette deuxième hypothèse, soit 600 millions d'euros. Le Gouvernement propose d'apporter une contribution supplémentaire pour en finir avec les fonds d'urgence votés depuis huit ans. En moyenne ces fonds d'urgence versés par l'État aux départements ont été de 140 millions d'euros ; nous proposons que la contribution soit d'au moins 200 millions d'euros, ce qui est un effort supplémentaire et garantirait une stabilité et une lisibilité des crédits perçus par chaque département. Au-delà de la contribution de l'État, qui passerait par une dotation ou par le maintien du Fonds d'appui aux politiques d'insertion (FAPI), qui devait s'arrêter en 2019, nous souhaitons que les départements contribuent, par une augmentation de leur fonds de péréquation horizontale, à financer la part restante pour atteindre les 600 millions. En effet, les DMTO évoluent de façon extrêmement dynamique – plus 16 % l'an dernier – mais sont extrêmement mal répartis sur le territoire. Je précise que le reste à charge des départements non compensé est calculé sans tenir compte de la possibilité de majoration des DMTO qui leur était offerte.
Pour terminer, je ne crois pas que les difficultés que présentent les différents scenarios que j'ai évoqués soient liées à la décision du Président de la République de supprimer la taxe d'habitation. Elles sont plutôt dues à la sédimentation des injustices liées à la fiscalité locale depuis des années et au fait que notre système de financement par dotations est à bout de souffle dans la mesure où les variables d'ajustement sont devenues plus importantes que les dotations forfaitaires. En dehors de la décision de supprimer la taxe d'habitation, qui est un impôt injuste, nous aurions dû de toute façon réexaminer le système.
J'ai beaucoup de questions, mais j'insisterai en premier lieu sur l'injustice, l'iniquité qui existe dans les dotations et dans les valeurs locatives. Ainsi la DGF par habitant peut, sans fondement réel, n'être que de 75 euros dans de petites communes et de plusieurs centaines d'euros dans d'autres plus importantes. La réforme prévue comprendra-t-elle celle de la DGF, qui avait été repoussée ? Les attentes sont fortes à ce sujet. De même, allez-vous réviser les valeurs locatives des locaux d'habitation, contestables comme on l'a dit, et ne pas reporter cette révision de nouveau ?
Je voudrais aussi soulever la question des études d'impact. Votre réflexion porte essentiellement sur ceux qui reçoivent, pas ceux qui payent. Par exemple, celui qui payait hier la taxe d'habitation ne payait pas forcément les impôts nationaux. On a parlé d'impôt citoyen. Mais le lien ainsi créé avec le territoire sera-t-il réservé aux très riches ? Que devient la responsabilité de l'habitant « consommateur » des services publics ? Cela pourrait même influer sur des politiques publiques locales : on aurait tendance à apporter certains services dans certains quartiers. Cette question touche à l'éthique. Vingt pour cent des gens, plus sans doute dans certaines communes, ce n'est pas négligeable.
D'autre part, vous avez présenté des chiffres en valeur 2020 et indiqué que les dotations devaient être pérennes. Est-ce que la réforme se fera avec une simulation et dans une vision dynamique des ressources et de l'autonomie ? On sait bien que les dégrèvements présentent toujours des biais. Finalement, vous nous avez dressé un tableau très complexe : dès lors, ne devrions-nous pas remplacer la taxe d'habitation de l'ancien monde par une taxe d'habitation du nouveau monde ? Tout en serait plus simple.
Mes questions sur les valeurs locatives et l'autonomie des départements ont trouvé réponse. Ce qui nous intéresse tous, c'est le calendrier des arbitrages. On a évoqué la contribution à venir du gouvernement, celles des commissions, de notre délégation, le rapport Richard-Bur. Est-ce que le vote, en fin d'année, après la loi de finances et la loi de financement de la Sécurité sociale, d'une grande loi de financement des collectivités locales ne serait pas le bon moment pour que le Gouvernement présente ses arbitrages aux parlementaires ?
Je reviens sur la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Le Maine-et-Loire a mené une politique de réforme territoriale ambitieuse. Nous sommes passés de 360 à 280 communes environ, et le mouvement va se poursuivre ; nous comptons désormais seulement neuf intercommunalités, dont trois agglomérations urbaines et la seule intercommunalité rurale de France, celle des Mauges, avec 120 000 habitants. La DETR n'a pas été conçue pour fonctionner dans ce cadre territorial renouvelé. Nous avons constaté avec surprise que l'enveloppe de la DETR pour le Maine-et-Loire était réduite de 5 % en 2018. En en cherchant les raisons, nous avons découvert que l'un des critères pour calculer cette enveloppe était le nombre d'habitants des EPCI éligibles. Compte tenu des restructurations et de l'intégration d'un certain nombre de communes rurales dans des EPCI plus vastes, l'enveloppe attribuée au département du Maine-et-Loire diminue fortement alors que le nombre de communes rurales éligibles reste le même. Ce phénomène sera encore plus marqué l'année prochaine. Il me semble donc que, si l'on veut inciter à la poursuite des regroupements, il faut être attentif aux dispositifs de soutien aux territoires ruraux et à l'ensemble des territoires.
Une dernière question : on parle beaucoup de différenciation et les élus sont très favorables à ce qu'on adapte les lois aux réalités du terrain. Seriez-vous favorable, monsieur le secrétaire d'État, à ce que dans chaque loi qui peut avoir des conséquences pour les collectivités territoriales, soit inséré un article prévoyant qu'elle sera adaptée au niveau local ?
Je commencerai par répondre à M. Bazin. S'agissant des valeurs locatives des locaux d'habitation, je l'ai dit, nous avons la volonté de mener la révision aussi attentivement que cela a été le cas pour les locaux professionnels. Il faut prendre le temps de faire les constats, de trouver les convergences et le mécanisme de lissage qui permette d'aller vers un système plus juste de détermination des valeurs locatives et de niveau de prélèvement sans causer de choc fiscal pour ceux qui subiraient des variations importantes.
Le chantier de réforme de la fiscalité étant déjà très vaste, nous n'avons pas en tête aujourd'hui de réviser le mode de répartition de la DGF, qui repose sur un certain nombre de critères et se répartit en diverses composantes. Un travail préparatoire avait montré la difficulté de mener des simulations partagées – et même que, lorsqu'elles l'étaient, elles conduisaient à des résultats contre-intuitifs par rapport à ce à quoi on s'attendait. Parfois, des principes qui faisaient l'unanimité aboutissaient à des résultats contraires à tout ce qu'imaginaient ceux qui les avaient posés. Néanmoins, chaque fois que nous le pourrons, nous ferons en sorte de réduire les flux, notamment de la péréquation, car nous sommes convaincus que la péréquation verticale est plus efficace et en tout cas plus lisible que la péréquation horizontale.
Sur l'étude d'impact et le caractère dynamique des recettes, c'est un travail en cours que nous ferons jusqu'en 2022, avec la volonté, sur les dégrèvements, de tenir compte de l'évolution des valeurs locatives mais aussi des hypothèses d'inflation et de croissance, ce pour quoi nous travaillons en valeur 2020. Nous éviterons ainsi le phénomène de « perte en ligne » qu'on constate souvent avec les dégrèvements et les compensations. Dans leurs travaux, la Cour des comptes et le Comité des finances locales montrent que plus de 40 % de ce que les collectivités devraient percevoir à ce titre n'est pas perçu en raison de l'absence d'indexation sur l'inflation et de l'intégration de certaines compensations dans les variables d'ajustement. Nous voulons éviter cet écueil dans le budget.
La contribution minimale au service public, pour reprendre le terme de Christine Pires Beaune – d'autres parlent de contribution résidentielle ou même de ticket modérateur –, n'a pas donné lieu à arbitrage. On pourrait asseoir cette contribution sur les valeurs locatives ou sur le niveau de revenus, sachant que les 20 % de ménages qui auront finalement le dégrèvement alors que ce n'était pas prévu initialement ont des revenus supérieurs. L'étude n'a pas encore été faite avec le degré de précision que vous attendez.
S'agissant du calendrier, MM. Richard et Bur vont rendre leur rapport dans les semaines qui viennent. Il serait présomptueux, dangereux et finalement inefficace de prendre l'engagement de faire la réforme de la fiscalité locale dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2019. Nous nous inscrivons dans un horizon à trois ans, le dégrèvement de la taxe d'habitation se poursuivant jusqu'en 2020. Le calendrier fixé par le Président de la République vise à aboutir à la réforme de la fiscalité locale au terme de cette période de dégrèvement progressif. Son souhait est que cette réforme ne soit pas votée dans le PLF de fin d'année avec application au 1er janvier suivant, mais plutôt dans une loi de finances précédente ou dans un véhicule législatif spécifique pour laisser aux services fiscaux et aux collectivités, entre l'adoption de la réforme et sa mise en oeuvre, le temps de s'y préparer afin d'éviter les difficultés techniques ou même politiques.
Une loi de financement des collectivités territoriales me paraît, à première vue, un outil intéressant pour plus de lisibilité. Actuellement, les flux financiers entre l'État et les collectivités sont retracés dans différents documents budgétaires, dans la première partie de la loi de finances pour le prélèvement sur recettes afin d'alimenter la DGF, et dans de nombreux articles de la deuxième partie, au titre des dotations ou des modalités de répartition du prélèvement sur recettes de la première partie ou de différents concours. Cependant la Cour des comptes avait souligné une difficulté, dans l'intitulé « loi de financement des collectivités territoriales » qui induit une analogie avec la loi de financement de la sécurité sociale. Or cette dernière comprend un volet recettes et un volet dépenses, avec un opérateur unique, même s'il est multiforme. En revanche, une loi de financement des collectivités ne pourrait pas reprendre l'intégralité de leurs recettes car, sur le plan technique, ces collectivités sont très nombreuses, et aussi parce que nous ne pouvons anticiper le niveau de ces recettes qui dépend du pouvoir fiscal des collectivités. Certains réfléchissent donc à la création d'un état budgétaire qui donnerait la lisibilité souhaitée, sans aller jusqu'à une loi de financement. Mais le débat est ouvert.
Mme Dupont a soulevé le problème de la diminution de la dotation d'équipement aux territoires ruraux du fait d'un moindre nombre d'EPCI éligibles. Mme Pires Beaune, pour sa part, considérait au contraire qu'il n'était pas logique que des communes faisant désormais partie d'une métropole soient bénéficiaires de la DETR.
Oui, mais la taille des intercommunalités a été augmentée en 2016 puis en 2017. Auparavant, les intercommunalités éligibles à la DETR étaient rurales. Désormais, de plus en plus de communes rurales appartiennent à des intercommunalités à statut urbain. Cela crée soit les difficultés que vous évoquez, soit des effets d'optimisation. Il faudra revoir l'attribution de la DETR. Ce qui augmente la difficulté, c'est que les élus ont plaidé et obtenu de pouvoir cumuler la DETR et la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), ouverte à l'ensemble des territoires. Cela ne rend pas le système plus lisible.
Permettez-moi quand même de préciser que si le Maine-et-Loire a connu une diminution de 5 % de la DETR, c'est aussi l'un des départements, peut-être même le département, où il y a eu le plus de communes nouvelles et de restructurations intercommunales, ce qui signifie, par exemple pour le pays des Mauges, une stabilité voire une bonification de la DGF alors que celle-ci diminuait globalement et aussi un renforcement des dotations d'intercommunalité. Ce sont là des crédits de fonctionnement alors que vous évoquiez des crédits d'investissement, mais il y a quand même eu une forme de compensation globale.
Je termine par la question du président Cazeneuve sur la différenciation. C'est effectivement envisagé dans la révision constitutionnelle. Il s'agit de faire en sorte que chaque loi comprenne un article qui prévoit – comme c'est déjà possible aujourd'hui dans certains cas – une adaptation par les territoires et des possibilités d'adaptations réglementaires. Vous pouvez vous reporter au décret du 31 décembre 2017 qui instaure une expérimentation en matière d'adaptation réglementaire par des préfets de département ou de région et des directeurs des agences régionales de santé (ARS). Ce qui est fait dans ce cas au bénéfice des services déconcentrés, nous voulons le faire dans le cadre de la révision constitutionnelle au bénéfice des collectivités.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, pour ces réponses précises et très complètes.
La réunion s'achève à 11 heures 10.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Thibault Bazin, M. Jean-René Cazeneuve, Mme Émilie Chalas, Mme Christine Cloarec, Mme Stella Dupont, M. Didier Le Gac, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-Paul Mattei, Mme Christine Pires Beaune, M. Éric Poulliat.
Excusés. – M. Paul Christophe, M. Paul Gaillard.