Commission d'enquête Chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement
Mercredi 24 novembre 2021
La séance est ouverte à dix-huit heures cinquante
(Présidence de M. Meyer Habib, président)
Nous reprenons nos auditions avec Mme la procureure Johanna Brousse. Vous étiez substitut du procureur de la République et le magistrat de permanence durant cette terrible nuit du 4 avril 2017. À ce titre, vous dirigez l'enquête de flagrance. Nous souhaiterions savoir comment vous êtes arrivés sur place, ce que vous disent les policiers, à qui vous rendez compte…
Conformément aux us et coutumes du fonctionnement de l'Assemblée nationale, je vais vous demander de prêter serment. L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(Mme Johanna Brousse prête serment.)
Une femme a été tuée parce que juive. Pendant une quinzaine, une vingtaine de minutes, une femme a subi des violences d'une gravité exceptionnelle, avec a minima des actes de torture, peut-être même de barbarie. Nous avons vu les photos et je vois à votre hochement de tête et à votre regard que ce jour-là a certainement dû vous marquer pour une vie. Ces photos m'ont marqué pour une vie. Au parquet, vous avez été la première à les voir. Nous avons auditionné longuement la juge d'instruction, pendant près de deux heures et demie, puis une de vos collègues, Mme Julie Pétré, qui dix jours après a continué à instruire cette affaire en tant que substitut du procureur pendant une dizaine de jours. Mais vous-même étiez là en flagrance.
Je vous remercie Mme la procureure et je vous cède la parole.
. Merci de me donner la parole sur ce dossier qui m'a profondément marquée.
Le magistrat de permanence criminelle à Paris travaille du lundi matin au vendredi matin, nuit et jour. Un magistrat le relaie du vendredi matin au lundi matin, nuit et jour.
. Ce sont des conditions de travail très difficiles. Je ne suis plus à la section de permanence criminelle. Nous pourrions parler de justice indigente, mais nous ne sommes pas présents pour ce sujet…
C'est peut-être une forme de dysfonctionnement, car ces conditions de travail nous interpellent.
. Le lundi, je venais de prendre ma permanence criminelle. J'ai reçu un appel de la police pour m'informer qu'une dame est séquestrée chez elle et qu'elle reçoit des coups. Mon interlocuteur pense qu'il s'agit peut-être d'une personne de la communauté chinoise. Or, peu de temps avant, des émeutes avaient eu lieu dans cette communauté prise à partie en raison de son origine. Je demande immédiatement si la brigade de recherche et d'intervention (BRI) est sur place. La réponse est non, sachant qu'elle agit sur ordre du cabinet du préfet.
. Non, mais vous pouvez demander la synthèse de la police pour cette nuit-là. Vous aurez en détail la chronologie de l'événement. Vous ne la possédez sans doute pas puisqu'elle ne fait pas partie des pièces de procédure.
Nos administrateurs vont la demander pour que nous l'ayons rapidement, le minutage étant extrêmement important.
. Avec l'expérience, nous sommes capables de sentir si une situation peut dégénérer et en apprécier la gravité. La BRI n'étant pas sur place, je demande donc que la police rappelle immédiatement le cabinet du préfet pour que cette brigade se déplace. Alors même qu'aucun homicide n'a été commis, je prends la décision de me rendre sur place ; or le magistrat du parquet ne se déplace qu'en cas d'homicide, une séquestration assez grave, un incendie… quand les faits sont d'une gravité certaine.
Lorsque j'arrive sur place, Mme Sarah Halimi est déjà décédée.
Elle est déjà dans la cour.
Je constate que la BRI ne sera pas là et qu'elle ne sera jamais intervenue. Vous le constaterez dans la synthèse de police. J'ai demandé cette intervention, car je pensais qu'il était question d'un ressortissant chinois et qu'il pouvait y avoir un risque. J'apprends, sur place, que la dame est décédée, qu'elle se trouve dans la petite cour intérieure de l'immeuble. Je m'en souviendrai toute ma vie : elle était en boule dans un coin. Le rôle du magistrat est de pouvoir donner les premières directives et de pouvoir apprécier la situation, notamment en allant voir le corps. Ce soir-là, j'ai dû détourner la tête parce que cette dame était tuméfiée. Je n'avais, durant mes deux ans et demi d'expérience à la permanence criminelle du parquet de Paris, jamais vu un corps dans cet état. Pourtant, j'ai été confrontée à des meurtres au couteau, à des personnes poussées sur les rails du métro, etc. Quand je la vois, je ne sais pas si elle est d'origine chinoise ou non.
Je l'ai regardée, mais j'ai dû tourner la tête et me concentrer sur les éléments du dossier pour être opérationnelle.
Concernant mon intervention, je me suis donc déplacée tout de suite et j'ai sollicité la BRI qui n'est pas venue. Vous apprécierez si, effectivement, lorsqu'un magistrat demande l'intervention de cette brigade, elle peut intervenir ou non.
. Je ne l'ai jamais su. Cela aurait-il changé les événements ? Peut-être pas, mais j'étais sur place avec un sentiment de colère froide. J'ai l'impression désagréable que tout ne s'est pas déroulé comme cela aurait dû se passer. Je précise que je vous fais part de ce dont je me souviens pour vous délivrer un témoignage intact et authentique, mais il se peut que je commette des imprécisions. Sur place, je demande pour quelle raison personne n'est intervenu. La brigade anticriminalité (BAC), qui était primo intervenante, me répond qu'elle n'avait pas de matériel, pas de colonne d'intervention si je me souviens bien de ses mots, pour entrer dans l'appartement de Mme Sarah Halimi.
Pas de colonne d'intervention, mais pas de matériel non plus. Ils en ont demandé pour ouvrir la porte. Vous en souvenez-vous ?
. Non. Je me souviens de leur demander pourquoi elle n'était pas intervenue, bien sûr.
Je n'ai pas mémoire de cela. Je saisis un district de police judiciaire (DPJ) de cet homicide particulièrement marquant parce que la dame était tuméfiée. Nous avons rapidement compris qu'elle était de confession juive.
. Le soir même. Quand je vois le corps, je ne le sais pas. Avec l'enquête de voisinage, je l'apprends rapidement. La pratique du parquet de Paris est d'immédiatement informer le magistrat de permanence hiérarchique, ce soir-là, le procureur adjoint de permanence. À l'époque, le procureur était M. François Molins. Il a apporté un soin particulier à ce dossier puisque, malgré la structure hiérarchique, il était directement en lien avec le dossier, très en demande d'informations.
. Quand il avait besoin, il m'appelait.
Le mis en cause est arrêté sur place. Je comprends qu'il a d'abord séquestré une famille de confession musulmane. Il est passé ensuite par le balcon chez Mme Halimi et a commencé à la frapper. Je ne me souviens plus si on le comprend le soir même ou le lendemain en déroulant les auditions, mais je peux vous restituer la chronologie des faits. Il est entré chez cette dame, il l'a frappée et a poussé des cris comme « démon » et « Allah akbar ». Il a poussé le vice à dire qu'elle allait se suicider.
À deux reprises. Il prévient, juste avant de la défenestrer, d'appeler la police parce qu'elle va se suicider. Il l'a défenestrée de la seule partie du balcon où elle pouvait tomber de trois mètres et non sur le terre-plein un mètre vingt plus bas.
. Je me souviens très bien de la configuration des lieux. Certains homicides m'ont particulièrement marquée.
Mme la procureure, votre audition est fondamentale, puisque vous êtes la primo-intervenante judiciaire. On sent toute votre sincérité, combien cette affaire vous a marquée et vous marque encore cinq ans après. Pour nous, commissaires chargés de voir s'il y a eu des dysfonctionnements, cela est fondamental.
Dès le lendemain matin, nous nous mettons au travail d'investigation pour connaître les circonstances de cet homicide. La question de savoir si c'était un crime antisémite s'est tout de suite posée. Pour avoir une réponse à cette question, dans le temps très court que dure l'enquête de flagrance, nous avons interrogé tout le voisinage, la famille, l'environnement ; savoir si des actes antisémites avaient déjà pu être commis par l'auteur des faits. Il ne nous a rien été rapporté hormis, je crois, un incident avec le frère de la victime.
Un membre de la famille. Nous avons fait une enquête d'environnement très approfondie et à ce stade de l'enquête de flagrance, parce que nous y tenons, parce que le procureur François Molins y tenait, mais nous n'avons pas d'élément caractérisé nous permettant de retenir cette circonstance.
Absolument. Quand j'ai rendu ma permanence, nous n'avions pas d'éléments qui nous permettaient de caractériser cette circonstance. Je n'ai pas ouvert le dossier, mais ma collègue que vous venez d'entendre, Julie Pétré.
. En effet, son état psychique ayant été considéré comme incompatible, nous avons dû lever la garde à vue. Le soir du crime, les policiers m'ont fait part de leurs interrogations quant à la santé mentale du prévenu.
Il était dans la voiture de police. Je ne l'ai jamais vu. Les policiers m'ont dit cela. Un médecin effectue un examen pour vérifier la compatibilité avec la garde à vue et l'oriente vers l'I3P, l'infirmerie psychiatrique de Paris.
Dès le début de l'enquête, nous nous interrogeons sur la possibilité d'un homicide antisémite ou non, et nous avons fait des vérifications en ce sens. De façon collégiale, nous pensions que l'instruction devrait approfondir cette question. Il me semble que nous ne voulions pas, avec la séquestration de la famille musulmane et l'absence d'éléments probants à ce stade, ouvrir tout de suite sur cette circonstance, même si la question s'est tout de suite posée.
Vous n'avez pas de propos liminaire préparé. Vous êtes absolument spontanée, sincère. On sent à chaque instant que vous donnez ce que vous avez de plus profond de vous-même. L'usage n'est-il pas de caractériser les faits en leur donnant la qualification la plus grave ? Or la moins grave est choisie.
. On aurait pu. Je n'ai pas ouvert le dossier, mais je pense que lors de l'enquête préliminaire avec la séquestration de la famille musulmane, l'absence d'éléments probants dans l'enquête de voisinage et son hospitalisation, nous nous sommes orientés vers l'acte d'un homme irresponsable.
La famille Diarra n'a pas été séquestrée. La police pensait qu'il y avait eu une séquestration, alors que Kobili Traoré rassure la famille, mais elle s'est réfugiée, car elle sentait qu'il n'était pas dans un état normal. Ils lui ont ouvert la porte. Ils le connaissaient. Ils sont du même village. La maman de Traoré s'appelle Diarra, nom très courant chez les gens d'origine malienne. Ils lui ouvrent à quatre heures du matin. Il est passé la veille : il a amené les enfants. Il les rassure. Avec eux, il est calme, mais il récite les sourates du coran. Il se change. Il fait ses ablutions. Il fait sa prière. Il se lave. Il va traverser le côté très compliqué du balcon. Quatre commissaires ici présents se sont rendus sur place : la porte a été forcée. La porte n'était pas ouverte. Une femme de soixante-cinq ans qui a peur constamment ne dort pas en pleine nuit la fenêtre ouverte, en accès libre. Il sait où il va.
Dans mon souvenir, ce n'est pas une séquestration au sens strict sous la menace d'un couteau. Mais je crois me souvenir que la personne ne voulait pas quitter l'appartement. La famille avait dû se barricader dans sa chambre pour ne pas subir les foudres de Kobili Traoré. Avec le recul et les éléments d'instruction supplémentaires, nous aurions pu, peut-être, faire autrement. Là est le rôle primordial du juge d'instruction, apporter des éléments supplémentaires à l'enquête de flagrance. Dans mon souvenir, nous avions ouvert à la fois sur la séquestration de la famille musulmane et l'homicide de Mme Halimi. Cela a peut-être fait pencher la balance pour ne pas ouvrir à la hausse. On a levé sa garde à vue parce qu'il avait visiblement un trouble du comportement. Il a séquestré une famille de confession musulmane, même s'il ne s'agit pas d'une séquestration stricto sensu.
Ce sont eux qui envoient les clefs.
Vous avez été extrêmement claire. Nous avons tous été sensibles à votre émotion de voir ce visage tuméfié que l'on reconnaît à peine. Vous nous avez dit que dans votre vie de magistrate vous n'aviez aucun souvenir de visages aussi tuméfiés, le corps étant totalement retourné. Pourquoi ne pas avoir retenu les actes de torture qui ont manifestement eu lieu pendant une quinzaine de minutes ? Elle a été battue pendant une quinzaine de minutes avant d'être défenestrée, puis de mourir. La question de la circonstance aggravante d'actes de torture, à défaut de barbarie, s'est-elle posée ?
. En toute transparence, nous ne nous sommes pas posé la question au stade de l'enquête de flagrance. Cela a peut-être fait l'objet d'un débat au cours de l'instruction.
Il existe une frontière très délicate entre les actes de torture ou de barbarie et de violence. Il doit figurer un supplément d'horreur. Était-ce caractérisé ou pas ? Peut-être.
Je voudrais vous citer un témoin dans le procès-verbal d'audition, il compare les coups au « bruit de la viande qui se fait cogner, c'était de la torture ». « Elle n'avait plus la force de continuer ses cris ». Au début, elle hurlait, elle se sauve, elle rentre sans sa chambre, il la tire et il continue. C'était de la torture selon les mots du témoin. Pourquoi vos supérieurs n'ont-ils pas retenu l'acte de torture, voire de barbarie, dans la qualification des faits, d'autant plus qu'il est d'usage de retenir la plus grave ? Cela indépendamment du caractère antisémite dont nous avons compris que vous l'avez envisagé dès le début, sans la retenir pour une raison qui m'échappe de séquestration.
. En toute transparence, je n'ai pas le souvenir que nous nous sommes posé la question des actes de torture et de barbarie. Nous nous sommes concentrés sur plusieurs aspects, dont le caractère antisémite. Aurions-nous dû ouvrir à la hausse ? Peut-être. Pour nous, cela peut se moduler ultérieurement au cours de l'instruction par des réquisitoires supplétifs. Cela est fréquent. Je pense que la décision a été prise d'ouvrir sur des éléments probants, en attendant que l'instruction fournisse des informations plus précises permettant d'élargir la saisine avec un réquisitoire supplétif. Ces deux méthodes d'ouverture d'une information existent : ouvrir à la hausse pour vérifier ou ouvrir au plus juste pour y ajouter un réquisitoire supplétif.
Nous aurions pu, sans doute, nous poser la question de la barbarie plus clairement. Cependant, le plus important était qu'il y ait une prise en charge judiciaire de cette affaire et la famille. J'ai été immédiatement en contact avec les avocats de la famille qui m'ont demandé de faire réaliser l'autopsie au plus vite et de délivrer le permis d'inhumer pour qu'elle soit auprès de sa famille en Israël, ce qui a été rendu possible. Je me suis battue pour cela, qui a pu, peut-être, représenter un petit réconfort, en sachant qu'elle a pu être enterrée dignement et selon ses croyances.
En effet, elle a été enterrée en Israël moins de 48 heures après son décès. Selon la tradition juive, une personne doit être enterrée le plus rapidement possible après son décès.
. Je n'ai fait que mon métier, mais j'ai essayé de le faire avec le plus d'humanité et le plus de dignité possible. Il n'est pas possible de se remettre d'un tel drame, mais en dépit du fait que la machine judiciaire soit très lourde et que nous manquons de moyens, nous avons tenté d'agir avec dignité.
Pourquoi la dimension terroriste a-t-elle été écartée malgré ses Allah Akbar, sa fréquentation de la mosquée, le fait qu'il dort chez un ami au passé plus ou moins islamiste, les sourates du Coran, le fait qu'il se soit changé ? La section antiterroriste n'aurait-elle pas dû être saisie ? Est-ce un dysfonctionnement ?
. Je vais vous expliquer comment se passent les avis à la section antiterroriste, autrefois C1 qui faisait partie du parquet de Paris et, aujourd'hui, le parquet national antiterroriste (PNAT). À l'époque, nous avions le même procureur, François Molins, qui pouvait faire l'arbitrage quand cela était nécessaire.
Si nous avons une suspicion, nous produisons des avis et la section antiterroriste évalue le dossier en comparant avec les services de renseignement, si le terroriste est connu, etc. Je ne sais pas si une demande d'évaluation a été faite pour cet homicide. Je ne sais pas si François Molins a fait directement une évaluation avec la section antiterroriste. Nous réalisions souvent des avis pour des infractions commises au cri d'« Allah Akbar », mais le criblage revenait négatif et la section de droit commun gardait l'affaire.
Abdelkader Rabhi, la personne dont nous avons parlé, chez qui il a dormi, est parti le chercher. Un témoin a entendu à deux heures du matin des Allah Akbar dans la cour. C'est manifestement l'heure à laquelle, après avoir regardé un film chez Abdelkader Rabhi, il est sorti. Abdelkader Rabhi dit avoir couru après lui pour le chercher. On peut imaginer qu'il savait ce qu'il allait faire et qu'il le cherche pour qu'il ne le commette pas.
Saviez-vous que la famille Diarra avait envoyé les clés à la police ?
. Je n'en ai pas le souvenir.
À deux reprises, le rapport de police signale que le vigik a été envoyé et non un trousseau de clés. Or, M. Diarra nous a bien précisé qu'il avait envoyé un vigik et deux clés, dont celle de l'appartement. Les policiers auraient pu entrer immédiatement. La fille Diarra déclare aux policiers côté rue : « il n'est pas armé et il est tout seul ». La police arrive sur place avant qu'il passe le balcon et elle a les clés. Pour quelle raison la police déclare-t-elle dans son rapport que lui a été jeté le vigik au lieu d'un trousseau de clés ? Je crains qu'il y ait un maquillage dans une déclaration. Est-ce normal ?
. Lorsque vous êtes sur place et que vous faites un rapport de police, vous décrivez les faits tels que vous vous en souvenez et ne percevez pas nécessairement l'incidence que cela peut avoir. Là est peut-être la raison. Je ne souhaite pas leur prêter de mauvaises intentions. Nous nous en apercevons à l'audience, mais cela relève plus d'un défaut de formulation que d'une malveillance.
Ils demandent du matériel et on leur dit de casser la porte. Savez-vous pour quelle raison Abdelkader Rabhi n'a pas été mis en garde à vue ? Lorsqu'il est interrogé par la police, on lui demande son numéro de téléphone et il prétend ne pas le connaître.
Je n'ai pas ce souvenir. N'a-t-il pas été entendu dans la procédure ?
Il a été entendu. La téléphonie nous semble un élément fondamental dans un meurtre, et pourtant les téléphones d'Abdelkader Rabhi et Kobili Traoré n'ont pas été examinés. Ce dernier fréquente une mosquée salafiste, et l'investigation ne s'y est jamais rendue pour savoir qui il fréquentait. A-t-il vu un imam ? A-t-il été radicalisé ? Pourquoi l'ami chez lequel il a dormi n'est-il pas mis en garde à vue ? On peut s'interroger sur des dysfonctionnements. Nous auditionnerons les policiers de la police judiciaire qui ont pris les dépositions. On n'a jamais cherché à connaître ces téléphones, à les investiguer, ni même à demander les fadettes des appels.
. Le magistrat est garant de la procédure. Lorsque nous effectuons une demande d'acte aux policiers, ils l'exécutent. Si eux-mêmes n'ont pas fait des demandes d'investigation téléphonique, le magistrat du parquet ou le juge d'instruction sont en mesure de le demander. Il est important de bien distinguer les deux temps, celui de la flagrance durant laquelle vous prenez les mesures urgentes, conservatrices, puis l'instruction où vous approfondissez l'enquête. Vous me dites que la juge d'instruction ne l'a pas fait. Est-ce qu'il avait un téléphone portable ? Je n'en sais rien.
Il avait évidemment un téléphone portable comme tout le monde et Abdelkader Rabhi dit ne pas connaître ce numéro ni le sien. Et cela s'arrête là !
. La téléphonie est un acte classique des enquêtes de police. Par exemple, dans les interpellations dans le cas des manifestations, nous regardons s'il y a des intentions particulières pour la venue à la manifestation.
Ce n'est pas tant la géolocalisation.
Il s'agit simplement d'une fadette. Cela se fait dans des affaires politico-financières où il n'y a pas mort d'homme. Il y a mort d'une femme, parce que juive, dans des conditions atroces.
Avez-vous le souvenir de vêtements retrouvés sur place par la police ?
. Je n'en ai pas le souvenir.
Pour répondre à votre précédente question, au-delà des factures téléphoniques détaillées et de la géolocalisation, ce qui est intéressant dans ce type d'affaires est le contenu des messages du téléphone portable.
Abdelkader Rabhi déclare qu'il est allé le chercher. La famille Diarra appelle la police tout de suite et donne très rapidement les clés. La question de la préméditation se pose. Mon sentiment et ceux de plusieurs commissaires sont qu'il y avait préméditation.
Votre audition fait suite à celle de la juge d'instruction et j'entends les mêmes difficultés dans la charge et les moyens. J'entends, par ailleurs, que ce n'est pas un dossier parmi d'autres. Vous avez trouvé le temps d'échanger avec l'avocat, Me Buchinger. Vous êtes surprise de l'absence de la BRI sur les lieux, mais surtout, vous vous êtes transportée sur place. Le faites-vous de manière systématique ?
. Nous nous déplaçons dès lors qu'un homicide a lieu. Dans ce cas, la dame n'était pas encore morte, mais j'ai senti, du fait de la séquestration, que les événements pouvaient dégénérer et qu'il fallait que la BRI intervienne. Dans le compte rendu téléphonique qui m'a été fait, j'ai tout de suite pris la mesure de la gravité de la situation.
. Je demanderai la synthèse de police au titre de mes pouvoirs de rapporteure. Estimez-vous que des dysfonctionnements ont eu lieu concernant les interventions des services de police ?
. J'ai demandé à la BRI d'intervenir, mais elle n'est jamais venue. Je ne mets personne en cause car, en astreinte de nuit, la personne est souvent seule à prendre des décisions. J'aurais aimé que la BRI se déplace quand je l'ai demandé, bien que son arrivée n'aurait probablement pas changé le déroulement du drame. J'ai le sentiment de ne pas avoir pu tout faire.
Je vous remercie pour votre témoignage, à la fois très prenant, très précis juridiquement et avec beaucoup d'humanité. On vous appelle pour vous dire qu'une femme se fait frapper. Nous pensons que vous avez eu les bonnes réactions et pris les bonnes décisions. Dans ce dossier, ce qui surprend, c'est le fait que des policiers sont dans la cour, entendent les cris de Mme Halimi mais n'interviennent pas. On comprend qu'ils ne puissent pas entrer dans l'appartement de Mme Halimi, mais les voisins crient dans la cour. Il est quatre heures du matin, ils ont été appelés pour une séquestration. Mais ils sont dans la cour, sous la coursive : s'ils sont dans la cour, ils regardent au troisième étage et voient Traoré en train de frapper Mme Halimi, ils peuvent lui crier d'arrêter. Sans porter d'accusation contre tel ou tel, quel a été votre sentiment sur ce premier point ?
J'ai été élu à Sarcelles pendant des années et, souvent, les victimes d'actes antisémites avaient du mal à faire reconnaître tout de suite ce caractère. Des formations ont été mises en place pour les magistrats. Ne faudrait-il pas une réactivité, une sensibilité plus vives : une femme de la communauté juive, massacrée, jetée par le bacon par un individu aux cris d'« Allah Akbar » et « Satan ». On imagine tout de suite que cela puisse être antisémite. On aurait pu retenir tout de suite la circonstance aggravante de l'antisémitisme. À la fin de la procédure, en 2021, la Cour de cassation a relevé que M. Traoré disant qu'il s'est senti oppressé d'avoir vu la Torah et le chandelier et qu'il pensait que le démon était Mme Halimi, et sur la foi de témoignages indiquant l'avoir entendu crier Allah Ouakbar, c'est le shetan, je vais la tuer, puis j'ai tué le satan, le démon « constituent des charges suffisantes de commission de faits à raison de l'appartenance de la victime à la religion juive ». Compte tenu de l'histoire de notre pays, avec tous les actes et drames antisémites que nous connaissons depuis quelques années, ne pensez-vous pas que, dans le doute, systématiquement, il vaille mieux que le doute bénéficie à la victime et non à l'assassin ?
. Sur place, la police m'a signifié que, pour intervenir, elle attendait des renforts, notamment une colonne d'intervention. Les policiers font un travail remarquable, dans des conditions difficiles. Quand nous regardons le dossier avec recul, il est aisé de se dire qu'elle aurait pu faire autrement. Le vrai problème ne tient pas aux hommes de terrain qui n'ont peut-être pas pris la bonne décision, mais ont essayé de le faire, le vrai problème est que, lorsqu'un magistrat du parquet demande une intervention de la BRI, elle ne vient pas.
À la personne qui m'informe des faits. C'est le cadre d'astreinte qui n'a pas activé. J'ai demandé de rappeler pour que la BRI vienne. Au début, on ne savait pas qu'il s'agissait d'une dame de confession juive. Je pensais qu'il était question de personnes de la communauté chinoise, compte tenu d'évènements antérieurs.
Le parquet de Paris est très sensibilisé sur les questions de discrimination. Nous aurions, peut-être, pu ouvrir sur cette circonstance aggravante, mais ce qui a pu nous induire en erreur, à l'époque, est sans doute ce que nous avons pensé être une séquestration de la famille Diarra. Elle était de confession musulmane et nous n'avions pas d'actes antisémites caractérisés. Nous avons donc conclu à l'œuvre d'un déséquilibré.
Ne faudrait-il pas considérer qu'il y a une présomption dans le cas d'une personne de la communauté juive ?
Nous aurions dû qualifier le crime d'antisémite dans ce dossier puisque la Cour de cassation s'est prononcée en ce sens. Cependant, nous n'avions pas tous les éléments. Je ne dis pas cela pour me défausser. Nous avons fait au mieux de nos connaissances. Je le dis avec humilité.
Lorsque l'auteur est interpellé, il est noté qu'il a un comportement bizarre et des yeux hagards. Il ne paraît pas normal et rejoint l'hôpital d'où il est transféré à l'I3P. Une bataille d'experts judiciaires s'installe. La première expertise psychiatrique n'intervient qu'un mois et demi après les actes, et je me demande comment il est possible de percevoir la santé mentale si longtemps après.
Avez-vous déjà eu l'expérience d'une personne transférée en hôpital psychiatrique pour un examen et qui en ressortait déclarée parfaitement consciente ? La personne qui se rend compte de son acte peut tout à fait être hagarde. Le prévenu peut, par ailleurs, jouer la comédie pour être déclaré irresponsable. Faites-vous confiance à l'OPJ sur place ? Demandez-vous confirmation ? Tout le reste de l'affaire n'est qu'une bataille d'expertise qui aboutit en fait à la prise en compte de la bouffée délirante d'une personne qui a commis des actes horribles, dont certains disent qu'il a pu les préméditer, mais dont on dit, dès le départ, qu'il n'est pas responsable. Dans d'autres cas, des personnes qui avaient les yeux hagards ont tout de même été interrogées, les expertises psychiatriques intervenant presque derrière l'audition. Et on sait la situation mentale de la personne au moment des faits.
Nous avons pu entendre qu'il avait un taux élevé de THC, mais étant un consommateur régulier, la dose n'était pas plus élevée qu'à l'accoutumée. Il paraît donc parfaitement conscient et la bouffée délirante relative au THC, à mon sens, n'est pas valable.
L'affaire, dès les premiers moments, n'est-elle pas déjà conclue en dirigeant le prévenu vers des instances médicales spécialisées, à l'Hôtel-Dieu, puis à l'I3P ? À cinq heures du matin, alors que tout le monde est sous pression, on conclut l'affaire.
Pouvez-vous déceler, en tant que procureur, que le policier se trompe ? Quels sont les rapports avec les médecins affirmant qu'il n'est pas dans son état normal ?
. Dès le début du dossier, il est apparu que ce serait une problématique tournant autour de la santé mentale. Je n'ai pas vu le mis en cause, mais le policier m'a rapporté qu'il n'était pas dans son état normal, qu'il avait les eux qui tournaient. Dans ces cas-là, de façon générale, un examen de comportement est fait aux unités médico-judiciaires (UMJ) qui décident s'il est compatible ou non avec la garde à vue. S'il ne l'est pas, sur le plan psychologique, il est envoyé à l'I3P qui le garde pour une période d'évaluation de quelques jours. À sa sortie, il repart en garde à vue ou poursuit dans le processus psychiatrique d'hospitalisation. À de nombreuses reprises, des prévenus sortant de l'I3P sont replacés en garde à vue. Dans ces cas, une expertise psychiatrique est réalisée pendant le temps de la garde à vue, donnant ainsi de premiers éléments. Dans le cas de M. Traoré, il n'est jamais sorti de l'I3P et nous n'avons donc pas pu avoir ces premiers éléments psychiatriques en garde à vue. Dans mon souvenir, ma collègue avait dû ouvrir et demander qu'il soit décerné un mandat d'amener pour mise en examen devant le juge d'instruction.
N'étant pas psychiatre, je ne peux pas vous dire si rencontrer le patient un mois et demi plus tard est dommageable.
En tant que parquetiers, nous n'avons pas particulièrement de contact avec les psychiatres contrairement à l'instruction qui peut demander des expertises et des contre-expertises.
Dès le départ, nous avons pensé qu'il y aurait un problème de santé mentale. Mais je ne suis pas en mesure de vous rapporter si l'appréciation du corps médical sur son état de santé est juste ou non.
Il me semble que la thèse de l'irresponsabilité ne peut pas être mise en défaut. Nous avons auditionné le Dr Joachim Müllner qui a rendu le premier avis d'incompatibilité de l'état avec le maintien en garde à vue. Nous avons ensuite pu suivre tout le processus, tel qu'il ressort des questions posées par notre collègue François Jolivet. Tout d'abord, son séjour à l'I3P l'a conduit à une hospitalisation d'office. Ensuite, dans le cadre des expertises judiciaires diligentées et demandées par la juge d'instruction, sept experts-psychiatres ont conclu dans le même sens, une bouffée délirante. Tromper autant de personnes semble difficile à envisager. Les experts nous ont dit qu'ils prennent en compte de nombreux éléments qui doivent converger : les éléments de l'enquête, les témoignages sur les 24 ou 48 heures qui ont précédé, le comportement, les déclarations, les examens cliniques, etc. Nous sommes ici pour exprimer des impressions par rapport aux auditions et elles ne sont pas toujours convergentes avec celle de mon collègue.
La difficulté vient de ce que les policiers étaient présents, non pour les faits concernant Mme Halimi, mais pour l'hypothèse de la séquestration, Nous disposons du déroulé : l'appel, les trois premiers policiers qui arrivent, qui se postent derrière la porte, puis descendent, les trois autres policiers arrivant, suivis d'autres. En revanche, je suis interpellée par vos premières déclarations. Vous affirmez que les policiers n'avaient pas les moyens de pénétrer dans l'appartement de Mme Halimi, quand nous avons entendu, jusqu'à présent, qu'ils ne pouvaient pas entrer dans celui de la famille Diarra, attendant l'intervention de la BAC 75 qui disposait de ces moyens.
Par ailleurs, des témoins contactent la police, à trois reprises, pour lui signifier qu'elle pouvait utiliser leur appartement pour accéder sur les lieux, dont une femme ne comprend pas que son appel téléphonique soit interrompu alors qu'elle assiste aux faits.
Avez-vous la certitude que ces policiers qui s'adressent à vous à ce moment-là vous signifient qu'ils ne peuvent entrer dans l'appartement de la famille Diarra ou de Mme Halimi ?
. L'urgence était Mme Halimi, j'ai donc peut-être fait le raccourci intellectuel sur ce fait. L'appel que je reçois, ce soir-là, à la permanence criminelle concerne des coups reçus par une personne, qui serait d'ailleurs chinoise, et non la séquestration.
Je ne me souviens pas de l'adresse que j'ai reçue pour me rendre sur les lieux.
Votre audition est particulièrement intéressante, parce qu'elle est directe, absolument sincère, à tout niveau, et un peu moins formelle que celles que nous avons en général.
Selon la police, personne n'entend une femme hurler pendant vingt minutes. Personne n'entend de hurlements. Personne n'est dans la cour. Ce n'est pas possible ! Ce n'est pas possible ! Pour savoir ce que les trois policiers postés derrière la porte entendaient, il faudrait faire hurler quelqu'un dans la cour en pleine nuit. Nous savons que les voisins à vingt, vingt-cinq mètres des lieux et dont les logements sont équipés de fenêtres à double vitrage ont été réveillés. Cela ne dure pas une ou deux minutes, mais entre quinze et vingt minutes. Dans l'une des procédures, un des policiers dit : mes collègues vont vous dire que ce sont des voix d'hommes, mais c'était une voix de femme. L'un des officiers envoie un policier dans la cour, où il n'est pas possible de ne rien entendre. On ne peut pas nous dire que l'on était concentré sur une séquestration qui n'a jamais eu lieu, mais dont vous pouviez imaginer que c'était le cas, sans faire abstraction totale d'une femme en train de se faire massacrer à poings nus, alors que la police est là. Nous nous posons cette question, à laquelle nous n'avons pas de réponse, même si chacun d'entre nous peut avoir la sienne. Bien sûr, les policiers regrettent aujourd'hui, bien sûr ils disent avoir fait le maximum de ce qu'ils pouvaient faire, bien sûr il est facile de refaire les choses après coup, mais la réalité des faits c'est qu'il y a très vite neuf policiers armés de la BAC sur les lieux, alors que le criminel n'est pas armé, qui n'interviennent pas et qui nous laissent entendre qu'ils ne savaient pas que se produisait un massacre, comme s'il s'agissait d'une autre affaire inexistante. Voilà pourquoi nous sommes très interpellés.
. Quand je suis appelée, il est immédiatement question d'un danger imminent, concernant une personne d'origine chinoise. Le danger était donc connu.
Ce que vous nous dites est très intéressant. On vous parle d'une personne d'origine chinoise, en aucun cas il n'est question de la séquestration ? La personne est-elle encore vivante ?
La personne est encore vivante, parce que je le demande. Et c'est également la raison pour laquelle je me déplace.
Ce que vous dites est extrêmement important car nous avons le témoignage d'un policier nous affirmant, sous serment, qu'ils étaient uniquement concentrés sur la séquestration.
. Ce policier sur le terrain que vous avez interrogé a sans doute moins d'informations que la personne qui me contacte qui peut avoir des éléments de police secours et, donc, une remontée des données bien plus étoffée que sur le terrain.
Généralement, nous sommes face à des personnes qui sont courageuses. Le sentiment que j'ai eu ce soir-là était celui de personnels mobilisés, bien contrariés de ne pas avoir le renfort nécessaire, qu'ils attendaient, pour intervenir. A posteriori, il est aisé de se dire qu'ils auraient dû intervenir sans le renfort mais, sur place, c'est compliqué. Vous ne savez pas si la personne est armée…
On leur a dit qu'elle n'était pas armée. Cela a été rappelé à plusieurs reprises : après le Bataclan, nous avions auditionné l'excellent ministre de l'intérieur de l'époque, Bernard Cazeneuve, auquel j'avais demandé s'il ne fallait pas changer la doctrine d'intervention, qu'il a changée, pour que les policiers aillent au contact, en s'inspirant des méthodes notamment israéliennes et d'autres pays. Nous interrogerons le ministre de l'intérieur pour savoir s'il ne faudrait pas, dans des cas précis, la volonté d'aller au contact, y compris au péril de leur vie, à l'image du policier du Bataclan qui est intervenu à l'encontre des directives qu'il avait reçues, mais qui a, sans doute, sauvé des dizaines, voire des centaines, de vies.
Dans le cas qui nous intéresse, le criminel n'était pas armé. Étiez-vous informée sur les vêtements qu'il avait laissés ?
. Je n'ai pas de souvenir à ce sujet. Le sentiment que j'ai est que les policiers présents sur place étaient très concernés, dépassés et circonspects.
Je ne crois pas qu'on puisse être dépassé quand il est question de vingt policiers présents pour un homme non armé.
Est-il possible de savoir qui est la personne que vous aviez au téléphone ? Nous aimerions savoir comment cette personne a recueilli ces informations puisque des appels téléphoniques ont eu lieu, précisant ce qui se passait dans l'appartement, tandis que l'ensemble des policiers entendus et leur hiérarchie nous rapportent qu'ils n'ont pas fait cette constatation. La BAC 75 arrive, malheureusement après la défenestration de Mme Halimi.
Pensez-vous qu'il existe d'autres éléments que nous pourrions obtenir comme des échanges entre le QG, la police, les magistrats… ?
. Vous aurez la synthèse de la police de nuit qui, si le minutage n'est pas très précis, vous fournira un déroulé très fiable des événements.
Quand vous rencontrez les policiers sur les lieux, vous informent-ils de leur regret de ne pas être arrivés avant ou de ne pas être intervenus ? Il est très difficile de croire qu'ils étaient sur place et qu'ils ne sont pas intervenus. Étaient-ils présents depuis longtemps ou ont-ils constaté le décès ?
Sur place, êtes-vous allée dans les deux appartements, celui de Mme Halimi et celui de la famille Diarra, après l'arrestation de M. Traoré ?
. En ce qui concerne l'appartement, je ne peux vous répondre, ma mémoire me fait défaut.
En ce qui concerne l'intervention, je leur demande pour quelles raisons personne n'est intervenu. Leur réponse est qu'ils attendaient la colonne d'intervention. Ils voulaient intervenir, mais ils ne devaient pas avoir les conditions ou il leur a été signifié qu'ils n'avaient pas les conditions suffisantes pour agir. Notre connaissance actuelle du dossier nous indique qu'il n'était pas armé et qu'il aurait été facilement maîtrisable. De savoir cela, ils ne doivent pas se sentir sereins.
On savait très rapidement qu'il n'était pas armé. Dans le dossier, il est précisé qu'une colonne d'intervention était attendue, mais plus de vingt policiers étaient déjà sur place. Si cent policiers sont nécessaires pour interpeller un homme qui n'est pas armé, nous avons sans doute un problème dans notre doctrine d'intervention. Lorsqu'une personne se fait massacrer, on attend de la police qu'elle intervienne, même au péril de sa vie.
. S'ils avaient eu toutes les informations que nous avons, ils seraient intervenus. Je n'en doute pas. À vingt contre un, ils l'auraient fait. C'est leur cœur de métier. Vous vous engagez dans la police nationale pour sauver des vies. Qu'ils aient eu une mauvaise appréciation de la situation, certainement, puisque nous avons le dossier maintenant.
Ils s'en sont expliqués.
Ils s'en sont expliqués. Il s'agit de n'incriminer personne, mais de faire mieux pour la prochaine fois. Merci pour votre témoignage très important pour nous et merci pour votre sincérité.
La réunion se termine à vingt heures cinq. Membres présents ou excusés
Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite Sarah Halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement
Présents. – Mme Aude Bono-Vandorme, Mme Camille Galliard-Minier, M. Meyer Habib, M. François Jolivet, Mme Constance Le Grip, Mme Florence Morlighem, M. François Pupponi