La réunion

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La réunion débute à quinze heures

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Nous nous retrouvons pour une série d'auditions consacrées à l'accès aux soins des migrants. Nous entendrons d'abord les administrations centrales en charge de cette politique, puis des universitaires et enfin des associations. Ces auditions seront complétées par un déplacement à la permanence d'accès aux soins de santé de l'hôpital Saint-Antoine et au centre d'accueil, d'orientation et d'accompagnement de Médecins du monde à Paris.

Nous nous sommes rendus la semaine dernière à Nice et à Menton. Ce déplacement a confirmé l'immense hiatus existant entre la réalité décrite par l'administration et celle vécue par les migrants et les associations qui les aident. Nous avons d'ailleurs prévu un échange informel avec ces associations le 13 juillet.

S'agissant du déplacement en Italie et Tunisie, la Tunisie a tout récemment fermé ses frontières, nous conduisant à annuler ce volet du déplacement. L'ambassade de France en Italie nous a par ailleurs fortement incités à restreindre au maximum la délégation parlementaire, le sujet étant très sensible en Italie. Au final, seuls la rapporteure et moi-même nous rendrons en Italie.

En septembre, nous procéderons à trois déplacements. Le premier aura pour destinations l'Irak et l'Égypte ; la délégation sera de nouveau restreinte, pour des raisons de sécurité cette fois. Le second déplacement aura lieu à Genève et à Briançon et nous lancerons prochainement un appel à candidatures. Nous nous rendrons enfin à Bruxelles à la fin du mois de septembre. Un planning détaillé du mois de septembre est en cours d'arbitrage et vous sera envoyé rapidement.

Nous procédons maintenant à l'audition de madame Cécile Lambert, cheffe de service, adjointe à la directrice générale de l'offre de soins. Elle est accompagnée de madame Wuthina Chin, chargée de mission parcours de soins des personnes vulnérables au sein du bureau prise en charge post aiguës, pathologies chroniques et santé mentale, et de monsieur Laurent Gallet, chef de service adjoint au directeur de la sécurité sociale.

Avant de débuter l'audition, je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. Je vous rappelle également que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

Mmes Cécile Lambert, Wuthina Chin et M. Laurent Gallet prêtent serment.

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La loi est très claire en matière d'accès aux soins. Il nous intéresse aujourd'hui d'en savoir plus sur l'accès à la santé publique spécifique, les permanences d'accès aux soins de santé, les équipes mobiles psychiatrie et précarité, les aides médicales de l'État, la complémentaire santé solidaire et la protection universelle maladie. Nous vous avons transmis une très longue liste de questions à ce sujet.

Nous aimerions savoir quel écart existe aujourd'hui entre ce que nous votons et l'effectivité réelle du droit. Nous ne cherchons pas des coupables. Nous ne cherchons qu'à améliorer les choses, pour vous et pour les migrants qui bénéficient de ces différents services.

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À travers cette commission d'enquête, nous essayons de poser les bases d'une évaluation de la loi asile et immigration de 2018. Nous aimerions également savoir quelle influence la pandémie a pu avoir sur l'organisation de vos services.

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Cécile Lambert, cheffe de service, adjointe à la directrice générale de la direction générale de l'offre de soins (DGOS)

Je rappelle en premier lieu que les établissements de santé publics accueillent de façon inconditionnelle les personnes qui ont un besoin de soin, quel que soit le statut administratif de ces personnes. C'est une réalité : les établissements de soins ne vérifient pas que la personne est assurée sociale ou bénéficie d'une assurance personnelle ; les établissements n'examinent pas non plus à son entrée la situation administrative de la personne, notamment au regard de la régularité de son séjour.

Pour autant, nous savons que les publics migrants ont des besoins spécifiques. C'est pourquoi la direction générale de l'offre de soins soutient des dispositifs d'interface entre le système de soin et ces personnes qui peuvent avoir une moindre facilité d'accès aux soins du fait de leurs parcours, que les problèmes qu'ils rencontrent soient financiers, linguistiques ou de l'ordre de la compréhension générale du système. Ainsi, des équipes mobiles en psychiatrie vont à la rencontre de ces personnes qui ne sont pas toujours capables de se rendre spontanément dans les structures qui leur sont ouvertes. L'action de la direction générale de l'offre de soins se concentre aujourd'hui sur ces dispositifs.

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Laurent Gallet, chef de service adjoint au directeur de la direction de la sécurité sociale (DSS)

Pour évoquer l'accès aux soins des migrants, il convient tout d'abord de définir les migrants. Ils sont par définition des personnes étrangères ayant pénétré le territoire national. Il existe plusieurs catégories de migrants : des étrangers en situation régulière venant en France pour travailler, d'autres en situation irrégulière, d'autres en situation régulière mais dont la situation bascule par exemple parce que leur titre de séjour arrive à expiration, des mineurs. Toutes ces catégories de populations sont prises en charge par un dispositif ou par un autre en fonction de leur situation. Ces différents dispositifs s'articulent en général assez bien entre eux.

Le dispositif de droit commun est la protection universelle maladie (Puma). Elle suppose d'être en France de manière stable et régulière. Les étrangers se rendant en France de manière régulière sont pris en charge au titre de la Puma, moyennant en général un délai de carence de trois mois. Ce délai de carence est actuellement suspendu pendant la période de Covid.

Les personnes en situation irrégulière peuvent bénéficier de l'aide médicale de l'État (AME). Ce dispositif est pris en charge par le budget de l'État, après un délai de carence de trois mois en situation irrégulière.

Pendant la période durant laquelle la personne ne bénéficie ni de la Puma ni de l'AME, des dispositifs de rattrapage existent. La personne peut être soignée au titre du dispositif des soins urgents, dont l'objectif est de prendre en charge une personne dont la vie serait en danger. S'agissant des personnes venues en France de façon régulière mais sans assurance, comme des touristes par exemple, le dispositif de l'AME humanitaire peut prendre en charge des soins de façon discrétionnaire. Il est entendu que les personnes se rendant en France avec des visas de court séjour, comme les touristes, sont censées avoir contracté une assurance.

S'agissant des mesures prises pendant la période de Covid, un certain nombre d'assouplissements ont été mis en place, notamment pour les personnes relevant de l'AME. Les modalités de dépôt des primo-demandes d'AME ont été aménagées tout d'abord, car les accueils étaient fermés. Or il faut être physiquement présent pour déposer une demande d'AME. Cette exigence a été suspendue ; les personnes ont pu transmettre leur demande sans se déplacer. Ensuite, pour éviter les ruptures de droit des personnes dont les droits arrivaient à échéance, les droits ont été prolongés. Enfin, nous n'avons évidemment pas été regardants sur la situation des personnes pour l'accès aux vaccins ou aux tests : nous avons souhaité couvrir le plus largement possible les personnes pour éviter la diffusion du virus.

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Wuthina Chin, chargée de mission parcours de soins des personnes vulnérables au sein du bureau prise en charge post aiguës, pathologies chroniques et santé mentale, direction générale de l'offre de soins (DGOS)

Au sein de la DGOS, mon bureau prend en charge plusieurs dispositifs en lien avec les différents plans de santé publique et les parcours de soins de différentes populations dites spécifiques.

Dans le cadre de la pandémie, nous avons travaillé à l'accompagnement des équipes, notamment au sein des établissements de santé, sur l'ensemble des recommandations de prise en charge pendant la pandémie. S'agissant des établissements psychiatriques par exemple, nous avons apporté des recommandations sur les conditions d'ouverture des services au public et sur le maintien d'une offre de services, notamment pour les publics les plus vulnérables et précaires. Nous avons insisté sur la nécessité de rappeler les personnes suivies jusqu'à présent et de maintenir des visites à domicile ou au plus proche des lieux de vie. Cela a été le cas pour les équipes mobiles psychiatrie et précarité, qui sont des équipes spécialisées pour le repérage et la prise en charge des souffrances psychiques parmi les publics précaires. Ces équipes ont ainsi maintenu leur activité et leurs déplacements dans le respect des gestes barrières.

Nous avons également participé à l'ensemble des travaux sur l'organisation de la prise en charge des personnes précaires. Ces travaux ont notamment concerné la création de centres d'hébergement pour personnes précaires ou sans domicile fixe atteintes du Covid. Nous avons également participé à l'édiction de recommandations pour préparer les séances de dépistage puis les séances de vaccination dans différents centres spécialisés, dans les foyers de travailleurs migrants ainsi que dans les lieux de vie des gens du voyage et dans les bidonvilles. Notre travail a donc consisté à accompagner les équipes pour qu'elles aillent vers ces personnes et qu'elles puissent leur proposer des modalités de prise en charge, de dépistage et de vaccination.

Nous avons également participé à l'édiction de recommandations sur la vaccination dans le cadre du droit commun. Cela a concerné des encouragements à nouer des partenariats avec des équipes spécialisées, comme les équipes mobiles ou les volets mobiles des permanences d'accès aux soins de santé (PASS), ainsi que l'organisation de plages spécifiques de vaccination pour les publics précaires.

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Vous produisez donc un certain nombre de recommandations. Ces recommandations prennent-elles la forme d'une fiche technique transmise à des personnes sur le terrain ?

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Wuthina Chin, chargée de mission parcours de soins des personnes vulnérables au sein du bureau prise en charge post aiguës, pathologies chroniques et santé mentale, direction générale de l'offre de soins (DGOS)

Ce sont des fiches produites par l'ensemble du ministère des solidarités et de la santé. Elles s'adressent aux professionnels de santé et aux professionnels des établissements sociaux et médico-sociaux. Ces fiches sont régulièrement transmises par le ministère des solidarités et de la santé aux établissements et aux équipes concernées.

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Disposez-vous d'un système d'évaluation de la mise en application de ces recommandations ?

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Wuthina Chin, chargée de mission parcours de soins des personnes vulnérables au sein du bureau prise en charge post aiguës, pathologies chroniques et santé mentale, direction générale de l'offre de soins (DGOS)

Nous tenons des points d'étapes réguliers avec les agences régionales de santé (ARS) sur la mise en œuvre de ces recommandations, afin qu'elles nous fassent part des éventuelles difficultés rencontrées. Nous organisons également des retours d'expérience plus formels avec les équipes des établissements et avec les agences régionales de santé.

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Nous vous avons adressé une liste d'une cinquantaine de questions. La plupart visaient à comprendre le fonctionnement propre des dispositifs, comme celui d'une PASS ou de la Puma.

Je m'intéresse aux parcours de soins et aux interruptions intervenant parfois dans ces parcours. À quels moments les parcours de soins sont-ils susceptibles de connaître des interruptions, des difficultés, et pourraient-ils être améliorés ? Je sais que la réponse à cette question est délicate, mais nous souhaitons connaître les écarts entre ce que nous votons et la réalité. Nous avons remarqué lors de notre déplacement à la frontière italienne la semaine dernière que nous refoulons des enfants de douze ans. Selon vous, quels éléments pourraient être améliorés ? Quels dispositifs pouvons-nous pousser encore davantage ?

Je m'intéresse également aux spécificités des gens que vous recevez. À quelles maladies, quelle détresse, quelles demandes précises faites-vous face ?

Nous sommes évidemment également prêts à vous entendre sur les points qui fonctionnent bien.

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Cécile Lambert, cheffe de service, adjointe à la directrice générale de la direction générale de l'offre de soins (DGOS)

Les spécificités des besoins de santé des personnes migrantes sont assez bien documentées. Nous sommes face à un apparent paradoxe : les migrants, du fait de leur âge peut-être, sont plutôt en meilleure santé que la moyenne des personnes dans leur pays d'origine et dans leur pays d'accueil. Mais leur état de santé se dégrade au cours de leur parcours migratoire.

Il existe des prévalences spécifiques liées au parcours migratoire et aux conditions d'accueil dans les pays d'arrivée. Les prévalences spécifiques concernent les infections sexuellement transmissibles ; l'exposition aux violences sexuelles, notamment pour les femmes migrantes ; la tuberculose ; le paludisme ; les problèmes dentaires spécifiques ; l'augmentation des conduites addictives et des pathologies cardiovasculaires au cours du parcours migratoire, compte tenu des difficultés rencontrées par ces personnes et de leurs conditions de vie.

Nous insistons également sur la spécificité de ce public au regard des troubles mentaux. Ces personnes sont plus fortement exposées à des facteurs de stress post-traumatique, à la fois dans leur pays d'origine, dans les pays traversés et dans les pays d'accueil. Ces facteurs touchent notamment à la précarité, aux violences subies sur le chemin et à l'incertitude liée au parcours migratoire. Il existe donc une spécificité de besoins de soins psychiatriques pour les personnes migrantes. Cette spécificité est déjà prise en compte grâce aux PASS spécialisés en psychiatrie et aux équipes mobiles psychiatrie et précarité. Ainsi, le soin primordial à apporter est souvent la stabilisation de la personne du point de vue de la santé mentale.

Il pourrait être utile d'auditionner, si vous ne l'avez pas déjà fait, la direction générale de la cohésion sociale, qui dispose d'une bonne vision de ces publics, ainsi que le ministère du logement sur la stabilisation de ces personnes par le logement.

Vous mentionniez les problématiques d'interruption des parcours de soins. La difficulté est que ces personnes ne sont elles-mêmes pas stabilisées dans une résidence principale, un domicile fixe et personnel. S'agissant des conduites addictives notamment, la stabilisation dans un lieu de vie est souvent un préalable fondamental à la mise en place des soins autour de la personne. Cela renvoie par exemple à des dispositifs comme les appartements de coordination thérapeutique qui permettent, en stabilisant la personne dans un logement personnel et individuel, d'organiser la prise en charge des soins et l'accompagnement social nécessaire – car des problématiques d'accès au droit existent évidemment en parallèle des problématiques d'accès aux soins.

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Je m'intéresse à toutes les difficultés que les migrants rencontrent, y compris les difficultés liées à l'accès aux informations. Selon vous, les migrants que vous rencontrez ont-ils une connaissance suffisante des dispositifs qui leur sont ouverts ?

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Cécile Lambert, cheffe de service, adjointe à la directrice générale de la direction générale de l'offre de soins (DGOS)

Il y a évidemment un sujet d'accès à l'information. Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, il est difficile pour ces personnes d'avoir accès à un service public ou à un service d'action sociale qui est le vecteur de ces informations. Ces personnes ont souvent besoin d'entrer dans le soin de façon accompagnée ou intermédiée.

Nous avons évidemment identifié la problématique de la langue dans l'accès à l'information : beaucoup de personnes en parcours migratoire sont allophones. Nous avons apporté une première réponse à cette problématique en traduisant de plus en plus les documents d'information sur l'accès aux droits. Ces initiatives sont portées notamment par la direction générale de la santé et le ministère de l'intérieur. Santé publique France a ainsi construit des livrets de santé bilingues. Nous avons également mis au point des brochures rectos versos sur l'accès aux soins et aux droits ; elles existent aujourd'hui dans une dizaine de langues. Ces brochures sont conçues en lien avec le ministère de l'intérieur et doivent être mises à disposition des personnes au cours de leurs parcours d'accueil.

Nous avons identifié comme levier d'amélioration la présence de traducteurs et d'interprètes : ils permettent de faciliter la compréhension du dispositif par les personnes et de les aider au moment du soin, notamment en leur permettant de participer pleinement aux décisions relatives à leur propre santé.

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Merci. Je vous pose la question car nous avons effectivement déjà identifié cette problématique sur le terrain. Je m'interrogeais sur l'articulation entre votre ministère et le ministère de l'intérieur sur cette question. Je ne manquerai pas d'interroger le ministère de l'intérieur à ce sujet.

En ce qui concerne les traducteurs, j'ai sur mon smartphone une application simple de traduction lorsque je voyage. Il me semble que nous avons donc les moyens de trouver facilement des traducteurs pour des langues lointaines.

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Wuthina Chin, chargée de mission parcours de soins des personnes vulnérables au sein du bureau prise en charge post aiguës, pathologies chroniques et santé mentale, direction générale de l'offre de soins (DGOS)

Sur les besoins de traduction et les services d'interprétariat, certains services utilisent en effet l'interprétariat. Environ 30 % de la file active des PASS est allophone. Nous avons recours à un service d'interprétariat professionnel pour ces publics, souvent par voie de téléphone. Il est vrai que les équipes peuvent parfois se débrouiller – l'on se repose ainsi souvent sur les compétences linguistiques des personnels soignants des équipes. Malgré tout, il est vraiment recommandé d'avoir recours à un interprétariat professionnel pour certaines situations, comme par exemple des annonces de diagnostic ou de prise en charge de suivi au long cours en santé mentale. Dans ces cas, nous préconisons et nous aimerions développer des modèles d'utilisation d'interprétariat professionnel spécialisé en santé. Ces situations spécifiques nécessitent d'une part une connaissance des termes techniques et d'autre part une approche humaine de ces questions. Ce sujet nous semble devoir être développé ces prochaines années.

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Ma première question concerne le délai de carence instauré par la loi sur l'AME. Avez-vous observé des changements depuis l'entrée en vigueur de cette loi ?

Je m'intéresse ensuite aux initiatives des associations en matière de santé. Je suis au courant de certaines initiatives et je suppose qu'il en existe beaucoup d'autres dont je n'ai pas connaissance. Êtes-vous informés de ces différentes initiatives ? Êtes-vous associés à l'évaluation de la pertinence de ces projets dans le cadre d'appels à projets, par exemple ?

Ma dernière question porte sur les lieux d'hébergement. Quels soins peuvent être apportés dans les différentes structures, les centres d'hébergement pour demandeurs d'asile (CADA) et les hébergements d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) ?

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Je partirai de mon expérience de terrain. J'habite dans un milieu rural. Sur la question de l'offre de soins, je voudrais savoir si vous estimez que l'on arrive à répondre correctement aux besoins. Je sais que différentes structures existent et que l'articulation entre elles est prévue. Je constate en réalité un grand manque de personnels, et donc une incapacité à pouvoir répondre aux demandes en temps utiles. Pouvez-vous estimer les personnels qui seraient nécessaires pour répondre correctement aux besoins ?

La question du délai de carence par rapport à l'AME me semble très importante, surtout en milieu rural. Les PASS peuvent être très éloignés du lieu où résident les personnes en situation régulière ou les demandeurs d'asile. Les personnes qui se trouvent sans couverture santé ont beaucoup de mal à trouver des soignants.

Je constate un manque cruel de soignants en santé mentale, qui est encore plus vif quand il s'agit d'intervenir auprès de personnes qui arrivent souvent polytraumatisées au terme d'un parcours très difficile. Quels besoins vous fait-on remonter à ce sujet ? Par ailleurs, commence-t-on à réfléchir à des spécificités d'intervention en santé mentale pour répondre aux besoins d'un public vivant avec d'autres normes culturelles que les nôtres ?

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S'agissant de l'accès aux soins dans des structures publiques, vous avez mentionné l'accueil inconditionnel garanti aux personnes migrantes dans les établissements. Cela m'interroge. Quand une personne lambda se rend dans un établissement public, il lui faudra fournir des documents et on lui posera un certain nombre de questions. Je me demande comment est-il possible à ces personnes, dans le cas où elles se rendraient d'elles-mêmes dans un établissement public, d'accéder directement à des soins sans avoir à produire leurs papiers. Cela ne me semble pas correspondre à la réalité, mais je peux me tromper.

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Cécile Lambert, cheffe de service, adjointe à la directrice générale de la direction générale de l'offre de soins (DGOS)

S'agissant de la connaissance des initiatives associatives, nous savons que les associations portent une action tout à fait déterminante en France pour ces publics en matière d'aide, d'accompagnement social et d'accès aux soins. Le secteur social est essentiellement porté par des acteurs associatifs mais largement financé par les moyens de l'État ou de l'assurance maladie. Nous avons à la fois le souci de nous reposer sur ces acteurs qui connaissent très bien les publics et le souci de la coordination. Des dispositifs de coordination existent donc, dans lesquels nous invitons les ARS à mettre en place les moyens d'une coopération et d'une complémentarité les plus efficaces possible dans les territoires.

La question sur la présence du soin dans les lieux d'hébergement que vous avez cités, CADA et HUDA, devrait être adressée au ministère de l'intérieur. De notre point de vue, il n'y a pas de soin en tant que tel dans ces lieux. Des soins sont en revanche prévus dans les centres de détention.

S'agissant de la question sur la juste réponse aux besoins, personne aujourd'hui ne peut affirmer que des réponses optimales existent en tout point du territoire et en toute situation. Pour les personnes en parcours migratoire ou pour les personnes résidant en France de façon continue, nous savons que l'accès aux soins est un enjeu majeur. Votre assemblée a déjà identifié un certain nombre de problématiques que vous avez citées ; la démographie des professionnels de santé dans certains territoires en fait notamment partie. Le redressement de la courbe démographique des professionnels de santé aura lieu à l'horizon 2030. Cette problématique commune peut être plus sensible dans des secteurs d'intervention comme la psychiatrie. Le Ségur de la santé est un effort historique de revalorisation des professionnels de santé et vise à redonner de l'attractivité aux métiers du soin.

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Wuthina Chin, chargée de mission parcours de soins des personnes vulnérables au sein du bureau prise en charge post aiguës, pathologies chroniques et santé mentale, direction générale de l'offre de soins (DGOS)

Vous évoquiez une réflexion sur la spécificité des soins en santé mentale. Nous sommes pleinement inscrits dans cette réflexion. Nous avons mis en place à la demande du président de la République des dispositifs de prise en charge globale du psychotraumatisme, les centres régionaux de psychotraumatisme. Ces dispositifs accueillent tout type de public ayant subi tout type de violences. Ils ont donc vocation à accueillir les publics migrants et les publics souffrant de troubles de stress post-traumatique dus notamment à leur parcours de migration. Ces publics sont souvent allophones et issus de cultures étrangères, les soins qui leur sont prodigués sont donc à la fois spécialisés sur les questions de prise en charge du psychotraumatisme et prennent en compte les spécificités culturelles et les points d'interface entre la psychiatrie et les cultures étrangères.

Dix dispositifs ont été créés au début de l'année 2019. Depuis, la DGOS a financé cinq autres dispositifs supplémentaires sur le territoire. Nous disposons donc actuellement de quinze centres régionaux de psychotraumatisme. Leur création est très récente et ces établissements sont donc encore en train de se structurer. Tous ne proposent pas encore actuellement une telle offre spécialisée mais notre objectif est de les accompagner à le faire au cours des prochaines années.

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Cécile Lambert, cheffe de service, adjointe à la directrice générale de la direction générale de l'offre de soins (DGOS)

S'agissant de l'effort en faveur de la prise en charge de ces personnes, j'ai oublié de citer la mesure 27 du Ségur de la santé qui porte sur la lutte contre les inégalités de santé. Cette mesure a donné une impulsion nouvelle aux dispositifs déjà évoqués, notamment sur le point de développer les logiques « d'aller vers », c'est-à-dire d'aller au-devant des publics qui ne se rendent pas spontanément dans les établissements de santé. Cela concerne le renforcement des PASS et des équipes mobiles psychiatrie précarité (EMPP), le soutien aux PASS mobiles, ainsi que le renforcement de dispositifs médico-sociaux comme les appartements de coordination thérapeutique et les lits halte soins santé. Ces dispositifs ne sont pas seulement réservés aux personnes migrantes mais accueillent des personnes de ce profil. Nous cherchons également à renforcer le rôle des ARS et leur implication dans la réduction des inégalités de santé, en coordination avec les hauts commissaires à la lutte contre la pauvreté nommés en région.

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Wuthina Chin, chargée de mission parcours de soins des personnes vulnérables au sein du bureau prise en charge post aiguës, pathologies chroniques et santé mentale, direction générale de l'offre de soins (DGOS)

S'agissant des dispositifs sanitaires de l'offre de soins, l'effort budgétaire s'est élevé à 10 millions d'euros pour les EMPP et à 6 millions d'euros pour les PASS, dont ont surtout bénéficié les PASS mobiles.

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La psychiatrie est en général le parent pauvre de l'offre de soins dans notre pays. Certains hôpitaux sont obligés de fermer l'accueil de jour, faute de personnel. Pensez-vous que l'offre de soins sur ce sujet en direction des migrants est suffisante et adaptée ? Nous comprenons bien que des mesures viennent d'être prises dans le cadre du Ségur de la santé. Mais quels sont vos ressentis sur le terrain ?

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Cécile Lambert, cheffe de service, adjointe à la directrice générale de la direction générale de l'offre de soins (DGOS)

Je pense que les dispositifs sont adaptés dans leur conception. Le cahier des charges et l'organisation des PASS sont largement concertés avec les professionnels du soin et les acteurs associatifs. Dans leur conception, la DGOS pense donc que ces dispositifs sont adaptés et ont vocation à soutenir les meilleures pratiques possible vis-à-vis de ces personnes. Nous avons certainement toujours un travail d'actualisation à conduire, notamment concernant le cahier des charges des équipes mobiles. Nous nous situons dans une dynamique d'amélioration continue.

Je ne suis pas en capacité de répondre sur le point de savoir si cela est suffisant au regard de la file active, des besoins de santé, des délais pour obtenir des rendez-vous, des résultats en matière de santé chez ces personnes. Je n'ai pas connaissance d'une évaluation complète réalisée sur ce sujet à ce jour qui nous permettrait d'indiquer si ce dispositif est pleinement satisfaisant.

Nous avons un renforcement continu des moyens dédiés à cette politique. Ce renforcement est logique, car nous avons traversé une crise migratoire ayant conduit à la forte augmentation du nombre de personnes entrant sur le territoire à partir de 2015. Les budgets des PASS s'élevaient à 37 millions d'euros consommés en 2010 ; ils ont atteint 69 millions d'euros consommés en 2019. Il n'y a donc pas désaffection de ces dispositifs par le financeur public. Au contraire, nous constatons un investissement continu dans le développement de ces structures. Les prévisions pour 2020 s'élèvent à 84 millions d'euros consacrés à la mission d'intérêt général pour les PASS, dont 5 millions d'euros sont fléchés pour la Seine-Saint-Denis.

Il est vrai qu'il existe de fortes tensions sur les ressources humaines. Nous avons des sujets de recrutement dans les établissements conventionnés en centre-ville. Nous ne pouvons pas nier les difficultés démographiques existant aujourd'hui quant aux professionnels de santé. Évidemment, cela a des répercussions sur certains domaines d'intervention ou secteurs qui sont, pour diverses raisons, moins attractifs que d'autres.

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Vous disposez donc finalement de très peu de données pour travailler.

Monsieur Laurent Gallet, je vous laisse répondre aux précédentes questions qui vous concernaient.

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Laurent Gallet, chef de service adjoint au directeur de la direction de la sécurité sociale (DSS)

Je répondrai à la question sur le délai de carence relatif à l'accès à l'AME. Ce dispositif est entré en vigueur au travers de la loi de finances initiale pour 2020. Nous n'en avons toutefois pas vu les effets de manière pleine et entière car nous sommes entrés dans un confinement strict moins de trois mois après son entrée en vigueur. Les arrivées de personnes en situation irrégulière sur le territoire ont alors été drastiquement réduites. Nous ne disposons donc pas de retour d'expérience sur la mise en place de cette mesure.

Ce dispositif est cohérent avec le délai de carence de trois mois pour l'accès à la Puma pour les personnes en situation régulière. Il vise également à prévenir les abus potentiels de personnes arrivant sur le territoire avec des visas de court séjour et se maintenant sur le territoire après l'expiration de leur visa dans le but de basculer immédiatement dans l'AME et de bénéficier de soins.

Je rappelle que pendant cette période de carence de trois mois, les personnes peuvent recourir au dispositif des soins urgents si la situation l'exige, c'est-à-dire si l'absence de soin met en jeu leur pronostic vital ou peut conduire à altérer leur situation de santé de manière durable.

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Nous recevrons tout à l'heure des représentants de Médecins du monde et de la Croix-Rouge française. Vous faisiez état un peu plus tôt d'un manque de remontées de données. J'aimerais savoir comment vous travaillez avec ces associations.

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Wuthina Chin, chargée de mission parcours de soins des personnes vulnérables au sein du bureau prise en charge post aiguës, pathologies chroniques et santé mentale, direction générale de l'offre de soins (DGOS)

Médecins du monde porte des centres de santé, et notamment un centre faisant l'objet d'une expérimentation dans le cadre de l'article 51 sur l'innovation de l'organisation des soins. Cette expérimentation est suivie au niveau national. Ce format est très intéressant car il propose en ville des modalités de prise en charge qui s'apparentent à celles proposées en PASS. Cela permet donc d'offrir des soins de ville à des personnes qui, sans autre solution, iraient en PASS, c'est-à-dire à l'hôpital, alors que leur état de santé ne le nécessite pas forcément.

Ces associations, comme d'autres associations, sont des partenaires locaux au quotidien de nos équipes et des équipes des établissements sanitaires. Les PASS et les EMPP travaillent beaucoup avec le secteur associatif et les professionnels médicaux et médico-sociaux dans leurs territoires. La nécessité de travailler en réseau est inscrite dans leur cahier des charges.

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Merci de votre présence. Je le sais, l'exercice est difficile. Je souhaiterais obtenir une réponse écrite aux 57 questions que nous vous avons adressées. Cela nous permettra d'avancer beaucoup plus rapidement dans la compréhension globale des sujets et la rédaction de notre rapport. Cela est très important.

J'aimerais enfin avoir votre retour sur la circulaire de 2018 qui vous encourage à mettre en place des réponses différenciées en fonction des caractéristiques des personnes, et notamment d'établir un diagnostic social et un diagnostic global initial. J'ai besoin d'obtenir une réponse sur ce point. Il s'agit de la circulaire du 25 janvier 2018 visant à donner une nouvelle impulsion à la résorption des campements illicites et des bidonvilles. Il est très important pour nous d'obtenir une réponse quant à l'articulation des activités du ministère de l'intérieur et de votre ministère à ce sujet.

La réunion se termine à seize heures.