La réunion débute à 13 heures 30.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente
La Commission poursuit l'examen du projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement (nos 4104, 4153) (MM. Raphaël Gauvain et Loïc Kervran, rapporteurs).
Nous reprenons l'examen du projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement. Nous avions réservé l'article 5 et les amendements portant article additionnel après l'article 5, ainsi que l'amendement relatif au titre.
Article 5 (précédemment réservé) (art. 706-25-16, 706-25-17, 706-25-18, 706-25-19, 706-25-20, 706-25-21 et 706-25-22 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Création d'une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion
Amendements identiques CL29 de Mme Marietta Karamanli, CL146 de M. Ugo Bernalicis et CL189 de M. Jean-Félix Acquaviva
Je ne suis pas personnellement signataire de l'amendement CL29, mais, vu les conditions actuelles, je peux le présenter au nom de mon groupe. Il s'agit d'un amendement de suppression, mais je considère qu'il a pour objet d'engager la discussion.
On connaît l'histoire des dispositions de l'article 5. Nous devons donc faire très attention aux exigences du Conseil constitutionnel. Or, de ce point de vue, une obligation suscite l'interrogation : celle consistant à contraindre à l'établissement de sa résidence en un certain lieu.
Avis évidemment défavorable. Je rappelle que l'article 5 est une réponse à la préoccupation que suscitent les sortants de prison terroristes. Il fait suite à la censure par le Conseil constitutionnel, l'an passé, de l'article premier de la loi du 10 août 2020 instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine. Le dispositif nous semble cette fois conforme aux exigences du Conseil, car plus équilibré. Avec l'article 3, nous prolongeons la durée des MICAS ; avec le présent article, nous instaurons des mesures d'accompagnement en sortie de peine. Nos débats nous permettrons de discuter de leur portée compte tenu de l'équilibre constitutionnel.
La Commission rejette les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette successivement l'amendement CL23 de Mme Marie-France Lorho, les amendements en discussion commune CL131 de M. Éric Ciotti et CL171 de M. Éric Diard, l'amendement CL138 de M. Éric Ciotti, les amendements en discussion commune CL132 de M. Éric Ciotti, CL172 de M. Éric Diard, CL22 de Mme Marie-France Lorho, CL85 de Mme Emmanuelle Ménard et CL173 de M. Éric Diard (amendements identiques), CL174 de M. Éric Diard.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL249 des rapporteurs.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL24 de Mme Marie-France Lorho et CL87 de Mme Emmanuelle Ménard.
Amendements identiques CL294 des rapporteurs et CL218 de M. Jean-François Eliaou
Il s'agit de permettre à l'individu faisant l'objet de la mesure de sûreté de bénéficier non seulement d'une prise en charge psychologique mais également, si nécessaire, d'un accompagnement psychiatrique.
La Commission adopte les amendements.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL251 des rapporteurs.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements en discussion commune CL25 de Mme Marie-France Lorho et CL88 de Mme Emmanuelle Ménard et l'amendement CL86 de Mme Emmanuelle Ménard.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL252 des rapporteurs.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL13 et CL14 de Mme Marie-France Lorho.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL253 des rapporteurs.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL89 de Mme Emmanuelle Ménard et CL133 de M. Éric Ciotti, les amendements identiques CL90 de Mme Emmanuelle Ménard et CL134 de M. Éric Ciotti, les amendements CL158 de M. Philippe Dunoyer et CL147 de M. Ugo Bernalicis.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL254 des rapporteurs.
Amendements identiques CL202 de M. Dimitri Houbron et CL219 de M. Jean-François Eliaou
Il s'agit de porter à deux ans la durée initiale de la mesure de sûreté. L'amendement permet néanmoins de prononcer son renouvellement pour une durée maximale d'un an, sans toucher au plafond de cinq ans, voire trois ans, limitant la durée totale de la mesure.
Ce dispositif mérite d'être retravaillé, car il fragiliserait à l'évidence l'équilibre constitutionnel de l'article. Nous discutons avec le Gouvernement pour trouver une solution. Elle pourrait consister à fixer la durée de la mesure initiale à deux ans en matière criminelle, mais de la maintenir à un an en matière délictuelle. Je vous suggère donc de retirer l'amendement afin de le redéposer en vue de la séance.
La question de la durée de la mesure initiale se pose en effet – nous en avions parlé dans le cadre des débats parlementaires sur la loi que vous avez citée, M. le rapporteur, et dont j'étais moi-même la rapporteure l'an passé. Il nous faut donc adopter une position solide à ce sujet ; la distinction qu'évoque le rapporteur peut être une piste de travail.
Les amendements sont retirés.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL255 et CL256 des rapporteurs.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements en discussion commune CL175 de M. Éric Diard et CL91 de Mme Emmanuelle Ménard, les amendements identiques CL92 de Mme Emmanuelle Ménard et CL176 de M. Éric Diard et les amendements CL135 de M. Éric Ciotti et CL93 de Mme Emmanuelle Ménard.
Amendement CL159 de M. Philippe Dunoyer
Toujours pour nous prémunir contre le risque d'inconstitutionnalité, cet amendement vise à préciser que les éléments nouveaux ou complémentaires mentionnés à l'alinéa 10 permettent bien de justifier le renouvellement de la mesure.
Suivant l'avis du rapporteur, la Commission adopte l'amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL257 et CL258 des rapporteurs.
Amendement CL160 de M. Philippe Dunoyer
Le renouvellement de la mesure ne doit pas être prononcé à la dernière minute. Je propose qu'il ne puisse l'être au-delà de deux mois avant la fin de sa durée initiale. Il faut en effet ménager une période de traitement des éléments nouveaux ou complémentaires – dont il serait surprenant qu'ils apparaissent au dernier moment dans un cas de figure où la radicalité a déjà été identifiée à la sortie de prison et où le renouvellement peut être considéré comme nécessaire. Il s'agit d'une précaution supplémentaire.
Demande de retrait : l'amendement est satisfait par le futur article 706-25-17 du code de procédure pénale.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL259 et CL260 des rapporteurs.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CL94 de Mme Emmanuelle Ménard.
Puis elle adopte les amendements identiques de correction rédactionnelle CL261 des rapporteurs et CL220 de M. Jean-François Eliaou.
Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CL262, CL263, CL265 et CL264 des rapporteurs.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CL95 de Mme Emmanuelle Ménard.
Amendements identiques CL292 des rapporteurs, CL210 de M. Dimitri Houbron et CL222 de M. Jean-François Eliaou, amendement CL136 de M. Éric Ciotti (discussion commune).
Les amendements identiques visent à modifier la peine encourue. Le texte prévoit un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Nous vous proposons d'aligner la sanction sur celle qui est prévue en cas de violation d'une MICAS. On passerait ainsi à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.
La Commission adopte les amendements identiques.
En conséquence, l'amendement CL136 tombe.
La Commission adopte l'article 5 modifié.
Après l'article 5 (amendements précédemment réservés)
Suivant l'avis du rapporteur, la Commission rejette successivement l'amendement CL137 de M. Éric Ciotti et l'amendement CL7 de M. Emmanuel Maquet, faisant l'objet d'une discussion commune, ainsi que l'amendement CL6 de M. Emmanuel Maquet et l'amendement CL37 de M. Fabien Di Filippo.
Amendements CL112, CL110 et CL111 de M. Didier Paris.
L'amendement CL110 concerne la surveillance judiciaire imposée après leur sortie de prison aux détenus dont on considère qu'ils présentent un risque de récidive. L'article 723-31 du code de procédure pénale prévoit une expertise médicale pour caractériser le risque avéré de récidive. Le procureur national antiterroriste a pointé une difficulté dans ce dispositif : le risque de récidive s'apprécie sur la base d'autres éléments que ceux résultant d'une expertise médicale. Notre excellent rapporteur a quant à lui souligné, à propos des MICAS, que le renseignement pénitentiaire pouvait être un élément complémentaire d'appréciation du risque de récidive. Fort de ces deux analyses, je propose que l'appréciation de la récidive se fasse « par tous moyens », c'est-à-dire à travers un faisceau d'éléments, y compris le comportement du détenu avant sa sortie.
L'amendement CL111 vise à tenir compte d'une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 6 septembre 2019 dans le cadre de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Cette décision a abrogé, à compter du 1er juillet 2020, les mesures probatoires pour les détenus condamnés pour actes de terrorisme. Le Conseil constitutionnel a considéré que ces dispositions induisaient une inégalité de traitement entre les étrangers qui faisaient l'objet d'une mesure d'expulsion et les autres détenus. Selon mon analyse, l'abrogation de ces dispositions pourrait conduire à un certain nombre de sorties sèches. Mon amendement, dont la rédaction mérite peut-être d'être précisée – M. le rapporteur s'exprimera sur ce point – vise donc à éviter la sortie de ces détenus sans mesure de contrôle a posteriori, ce qui serait dramatique au vu des objectifs politiques qui sont les nôtres. Je souligne par ailleurs que nous avons déjà dépassé la date fixée par le Conseil constitutionnel, à savoir le 1er juillet 2020. Il y a donc urgence à agir.
L'amendement CL112 est, d'une certaine manière, un amendement de coordination : il s'agit d'inscrire à l'article 720 du code de procédure pénale que la libération sous contrainte n'est pas ouverte aux personnes condamnées pour des faits de terrorisme. Certes, de multiples dispositions amènent à ce résultat, mais elles ne figurent pas en tant que telles dans le code de procédure pénale. Sauf erreur, le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, en discussion devant le Parlement, contient lui aussi une disposition de cette nature. J'ai considéré qu'il fallait utiliser le premier véhicule législatif à notre disposition pour procéder à cette coordination.
Je partage ces objectifs mais, du fait des délais contraints, nous n'avons pas eu le temps d'évaluer les conséquences de ces amendements avec la chancellerie. Il faut donc y travailler d'ici à la séance. À ce stade, je vous demande de les retirer.
En ce qui concerne l'amendement CL110, la question que vous soulevez avait déjà été évoquée l'année dernière, lors des auditions que nous avions menées dans le cadre de la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine. Toutefois, nous devons éviter tout risque de nature constitutionnel. Il faut s'assurer également de pas fragiliser l'équilibre trouvé par la loi du 3 juin 2016.
L'amendement CL111 vise à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel que vous avez évoquée. Comme je le disais, il faut y travailler d'ici à la séance.
S'agissant de l'amendement CL112, ma lecture des textes est la même que la vôtre : cette disposition viendrait en coordination de celle qui avait été votée en 2016. Celle-ci avait supprimé toutes les remises et aménagements de peine pour les personnes condamnées pour terrorisme. Toutefois, là encore, il convient de s'assurer que la coordination sera adéquate.
L'amendement CL112 mentionne les articles 421-1 à 421-6 du code pénal, c'est-à-dire les dispositions concernant le terrorisme. Les articles 3 et 5 du projet de loi s'y réfèrent également, mais en excluant les infractions définies aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1, relatives à l'apologie et à la promotion du terrorisme. Votre amendement inclut-il ces infractions ? Selon moi, par souci de cohérence avec le reste du texte, il vaudrait mieux les en exclure.
Par ailleurs, comment cet amendement s'inscrirait-il dans l'économie générale du texte – je pense en particulier aux mesures d'insertion prévues à l'article 5 et aux mesures de suivi, à l'article 3 ?
Il ne faut en effet pas intégrer les dispositions dont vous parlez, pour préserver la cohérence du texte. Ce sont très clairement les faits de terrorisme en eux-mêmes pour lesquels la libération sous contrainte n'est pas acceptable – principe que fixent déjà les lois de 2016. Je ne vois pas l'intérêt d'aller plus loin. Cet amendement ne vise pas non plus à détricoter les textes qui fondent notre réponse concernant les personnes ayant commis des actes de terrorisme et qui sortent de prison. Il s'agit simplement d'opérer une coordination entre le code pénal et le code de procédure pénale, car les dispositions actuelles sont disparates.
Je suis parfaitement d'accord : il s'agit d'une coordination.
Pour répondre à votre première question, monsieur Eliaou, le Conseil constitutionnel a déjà jugé que les délits d'apologie et de provocation au terrorisme ne pouvaient pas être soumis aux mêmes dispositions que les actes de terrorisme.
Il me semble que l'amendement CL112 aurait pu être adopté en l'état, mais je veux bien que l'on opère les vérifications demandées par M. le rapporteur. Mon objectif est non pas de créer des difficultés mais de trouver des solutions. Si nous aboutissons à une rédaction satisfaisante d'ici à la séance, je ne vois aucun inconvénient à retirer mes amendements à ce stade.
Les amendements sont retirés.
Suivant l'avis du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL104 de M. Ugo Bernalicis.
Titre
Suivant l'avis du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL99 de Mme Emmanuelle Ménard.
La Commission adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
Le projet de loi sera examiné dans l'hémicycle à compter du 1er juin.
Mes chers collègues, je vous remercie de votre présence assidue.
La réunion se termine à 14 heures.
Membres présents ou excusés
En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.