Mission d'information sur la résilience nationale

Réunion du vendredi 29 octobre 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

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  • cercueil
  • corps
  • décès
  • funéraire

La réunion

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MISSION D'INFORMATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS SUR LA RÉSILIENCE NATIONALE

Vendredi 29 octobre 2021

La séance est ouverte à neuf heures trente

(Présidence de M. Sereine Mauborgne, vice-présidente de la mission d'information)

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Nous accueillons Mme Florence Fresse, déléguée générale de la Fédération française des pompes funèbres (FFPF), M. Guillaume Fontaine, co-président de la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie (CPFM) et M. Olivier Vérité, secrétaire général de la CPFM.

Notre mission d'information s'intéresse à la résilience de notre pays face à des crises de grande ampleur, des chocs brutaux dont certains pourraient se traduire par une mortalité très importante. La crise du covid-19 et les situations dramatiques qu'elle a provoquées nous ont montré combien il est important que les dépouilles de victimes fassent l'objet d'un traitement décent, conforme aux volontés des défunts et à celles de leur entourage. Il n'y va pas seulement du respect dû aux morts et aux personnes endeuillées, il y va aussi du moral de la nation tout entière.

L'altération du rapport à la mort dans nos sociétés modernes rend cet enjeu plus crucial encore, quand la mort de dizaines de milliers de personnes s'invite sur le devant de la scène. C'est pourquoi nous attendons un éclairage sur les grandes difficultés que les professions du funéraire ont rencontrées pendant la crise, ainsi que des pistes sur la façon de préserver la dignité humaine face à la mort lors de grandes catastrophes.

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Florence Fresse, déléguée générale de la Fédération française des pompes funèbres

Je vous remercie de nous avoir épaulés pendant cette pandémie, madame la présidente. Votre soutien aux opérateurs funéraires a été précieux.

Durant la première vague, les opérateurs funéraires se sont trouvés extrêmement désemparés et parfois sous-équipés, ce qui a perduré au long de la pandémie. Leur désarroi s'est ressenti face aux familles en deuil. Les personnels funéraires, assez peu nombreux –environ 20 000 personnes –, ont été directement touchés ou ont été effrayés par cette maladie mal connue. Les cérémonies ont été perturbées par l'insuffisance de personnels et par le manque de moyens de prévention et d'équipements de protection individuelle (EPI), particulièrement au début de la crise. Ce ressenti général a été plus marqué encore dans les zones de cluster telles que l'Alsace, la Somme et l'Île-de-France.

L'organisation s'est progressivement améliorée, y compris concernant la coordination avec le culte. Certains membres de celui-ci, âgés de plus de 70 ans, étant tenus de s'isoler, les cérémonies religieuses ont été impactées. Toutefois, nous avons peu à peu remis de l'ordre dans la situation que nous vivions, malgré des conditions psychologiquement difficiles.

Contrairement à d'autres professions comme le corps médical, nous n'avons pas de cellule d'écoute. Certains d'entre eux ont été confrontés à des situations difficiles, notamment lorsqu'au début de la crise des familles ne pouvaient avoir accès à leurs défunts. Les professionnels ayant choisi de rejoindre notre secteur d'activité pour l'accompagnement des familles et les cérémonies d'obsèques étaient dans l'incapacité d'exercer leur métier.

Voici ce qui s'est produit au début de la crise. Puis nous sommes parvenus à nous adapter. Des moyens nous ont été attribués pour nous y aider. Cependant, le secteur doit rester sous observation, dans la mesure où, d'une part, nous n'avons pas de cellule psychologique, et, d'autre part, nous n'avons à aucun moment été considérés comme prioritaires dans la gestion de la crise. Or, si l'intégralité de notre population de 20 000 professionnels était tombée malade, nous sommes en droit de nous demander ce qu'il serait advenu des familles et des défunts.

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Dans les interventions que j'ai pu effectuer auprès des professionnels du funéraire, j'ai effectivement pu constater que n'étant pas des maillons de la chaîne du soin, ces employés ont été exclus des systèmes tels que l'inclusion à l'école, l'attribution prioritaire des EPI, l'accueil en hôtel lors des renforts organisés sur le territoire. L'ensemble des décisions prises pour les soignants et le maintien de l'activité de soin ne s'appliquait pas à eux.

Sans anticiper sur nos conclusions, il est évident que ce secteur, prioritaire pour la santé publique – les corps morts pouvant générer des pathologies –, a été grandement désorganisé. Les réglementations liées aux soins corporels post mortem ont notamment subi beaucoup de modifications lors des premières semaines de la crise.

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Olivier Vérité, secrétaire général de la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie

Je vous remercie également, au nom de la CPFM, pour les messages que vous avez pu nous adresser pendant cette période.

La « machine funéraire » a tenu. Grâce à la mobilisation et à l'engagement de toutes les équipes et de tous les opérateurs funéraires, nous n'avons pas rencontré de problème grave. Nous pouvons remercier les 25 000 collaborateurs qui ont tout mis en œuvre, malgré des conditions au début difficiles. Nous ignorions ce qu'allait être cette crise, pourtant les opérateurs et les collaborateurs ont fait face sans poser de questions. Ils ont résisté de la première à la quatrième vague, bien que la situation n'ait pas été simple pour eux, notamment à cause du manque d'information des premiers temps et des incohérences réglementaires.

Dans les questions qui nous ont été adressées se trouvait la notion de « grands oubliés » du funéraire. Effectivement, malgré les difficultés que je viens de mentionner, aucun message ni aucun article n'a adressé de remerciements ou de félicitations aux opérateurs funéraires pour le travail qu'ils ont effectué. Or, les collaborateurs qui ont œuvré nuit et jour, week-ends et jours fériés, dans des conditions sanitaires que nous connaissons et sans EPI au début, ont droit à des félicitations. Tel est mon message d'introduction : bravo aux collaborateurs et aux équipes des pompes funèbres.

Les fédérations, FFPF, CPFM ou Union du pôle funéraire public (UPFP) – car je n'oublie pas le pôle public, acteur majeur du secteur –, ont écrit à plusieurs reprises au Premier ministre. L'un de ces courriers, datant du mois de juillet 2020, établissait déjà un bilan de la première vague et de ses conséquences. Il pourrait servir de base de travail sur le sujet qui nous occupe.

La prise en compte de nos difficultés par les pouvoirs publics s'est révélée trop faible, en particulier en début de crise. Cela s'est illustré par le manque d'EPI, par l'inclusion tardive dans les priorités vaccinales et dans les dispositifs de garde d'enfants. Nous avons eu le sentiment que tant que la personne était vivante, les professionnels de son entourage devaient être protégés – et c'est normal –, mais que ce n'était plus le cas lorsqu'elle était décédée.

Les fédérations du funéraire ont pourtant travaillé conjointement afin d'alerter régulièrement sur notre importance dans la chaîne, en dépit de notre faible nombre d'employés. Nous avons eu le sentiment de ne pas être intégrés, sauf très tardivement, sur des sujets comme la priorisation de la vaccination. Et nous avons été pris en compte au dernier moment et uniquement pour une population très réduite. Cette situation s'est avérée difficile à comprendre et à expliquer aux collaborateurs. Cela ne les a toutefois pas empêchés de poursuivre leur travail.

L'intégration des opérateurs funéraires à la chaîne sanitaire et aux métiers essentiels me paraît indispensable pour éviter de revivre ce genre de situation. Je rappelle qu'en comparaison avec d'autres pays d'Europe et du monde où la situation s'est avérée plus dramatique, les difficultés ont pu être gérées. Les opérateurs funéraires et leurs équipes ont joué un rôle dans ce résultat.

Nous avons également rencontré des difficultés avec les pouvoirs publics en ce qui concerne la définition du rôle de chacun. Lorsque des décisions sont prises au niveau national, leur application au niveau des préfectures et des mairies n'est pas toujours évidente. Des disparités locales ou régionales peuvent se présenter, générant des situations incompréhensibles pour les opérateurs funéraires. Il est nécessaire que les décisions soient plus claires et plus simples afin d'être applicables par tous. Et il est impossible que nous ayons à gérer des disparités régionales ou municipales.

Des simplifications réglementaires devraient être apportées. La France est l'un des pays d'Europe dans lesquels la réglementation funéraire est la plus complète. Cela constitue un atout. Nous demandons à ce qu'elle soit appliquée, notamment à ceux qui n'effectuent pas leur travail correctement. Cependant, il convient d'éviter les ajouts à cette réglementation, et lorsque c'est le cas, il faudrait veiller à nous « simplifier la vie » et celle des familles, afin de gagner en efficacité. En termes de résilience, la simplification réglementaire constitue un sujet important.

Nous avons proposé des amendements dans le cadre du projet de loi 3DS. Il faut profiter de la période que nous venons de vivre pour améliorer notre travail dans l'intérêt des familles et des proches des défunts.

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Guillaume Fontaine, co-président de la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie

L'humain est vraiment au cœur de notre métier, tant pour nos collaborateurs que pour les familles. Nous avons donc ressenti la double frustration de ne pas pouvoir satisfaire les familles endeuillées et de ne pas pouvoir pratiquer notre métier comme nous en avons l'habitude.

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Notre mission a pour but d'évaluer la capacité de notre pays, au sein de chaque maillon de la chaîne, à s'adapter à une crise majeure. Par principe, personne n'exerce son métier tel qu'habituellement dans une crise majeure. Nous souhaitons donc envisager avec vous les moyens dont nous disposons pour modifier nos comportements et anticiper les crises majeures. Le rapporteur vous posera des questions concrètes sur les gammes, les types d'offre, et les actions que vous avez mises en place afin de répondre à un nombre maximum de demandes en un délai minimum et dans des conditions d'approvisionnement restreintes.

En ce qui concerne la loi 3DS, je continuerai de soutenir le secteur funéraire. Ce n'est cependant pas le cadre de notre présente audition.

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Je vous remercie pour votre engagement durant la période de crise. L'audition de ce jour a également pour but de mettre en valeur votre action, notamment par comparaison avec ce qui s'est déroulé dans d'autres pays.

Nous avons aujourd'hui un avis relativement positif sur notre capacité à faire face en temps de crise. Toutefois, deux éléments nous incitent à nous mobiliser davantage. D'une part, la crise sanitaire a démontré que des améliorations étaient nécessaires. D'autre part, il est évident que nous serons confrontés à des crises d'ampleur supérieure. Nous devons donc faire preuve d'humilité en nous interrogeant sur notre capacité publique à faire face à ces situations et à être le plus résilients possible avant le retour à une situation normale.

Il serait intéressant que l'un d'entre vous nous fournisse en quelques minutes un aperçu global de votre secteur. Quelles sont les grandes lignes de la réglementation ? Comment s'articulent le pôle public et le pôle privé de votre activité ? Le pôle privé se compose-t-il de très grandes entreprises ou d'indépendants ? Existe-t-il une formation spécifique pour travailler dans le secteur funéraire ? Combien de morts traitez-vous par jour et comment sont-ils pris en charge ?

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Guillaume Fontaine, co-président de la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie

Compte tenu des anciennes législations, les Pompes funèbres générales représentent l'opérateur historique, autour duquel s'est développée une multitude de petits opérateurs. La profession se compose à 80 % d'entreprises de moins de 10 salariés. Le pôle public se trouve essentiellement dans les grandes villes, sous forme de régies ou de sociétés d'économie mixte (SEM). Il existe également des réseaux d'indépendants. À ce maillage territorial important s'ajoutent les chambres funéraires et les crématoriums, qui manquent de capacité dans certaines régions.

Nous allons devoir nous coordonner pour être en capacité de faire tourner les crématoriums sept jours sur sept, et d'atteindre une capacité adaptée dans les funérariums et en termes d'équipements. Nos fédérations professionnelles sont prêtes à participer à la présente mission pour que nous puissions répondre au mieux dans l'avenir.

Nos fournisseurs se sont très vite adaptés en étoffant leurs gammes de produits. L'intégralité de la filière a fait des efforts d'adaptation. Il nous a cependant manqué la possibilité de participer aux débats dans les préfectures.

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Olivier Vérité, secrétaire général de la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie

En France, 5 000 opérateurs et 10 000 établissements maillent le territoire. Le nombre de décès par an se monte à environ 600 000. Aujourd'hui, deux groupes dominent le secteur. Une multitude de petites entreprises et quelques réseaux gravitent autour d'eux. Le pôle public représente 5 % du marché et se concentre dans les grandes villes.

Un professionnel doit obligatoirement avoir suivi une formation réglementaire pour recevoir une famille endeuillée. Les entreprises du secteur sont soumises à des habilitations, délivrées par la préfecture. Les formations, axées sur la réglementation funéraire et la psychologie, font partie des critères d'habilitation.

Cela représente une contrainte en cas de crise, car nous ne pouvons pas recruter du personnel non compétent, au risque de contrevenir à la réglementation, même si nous sommes privés d'un nombre important de collaborateurs. Certaines activités telles que la manipulation des cercueils toléreraient pourtant du personnel non formé, ce qui ne nous est pas permis.

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Florence Fresse, déléguée générale de la Fédération française des pompes funèbres

Durant la crise sanitaire, le nombre de décès a atteint un pic de 1 800 par jour en incluant les départements et territoires d'outre-mer.

Nous nous sentons dépréciés car aujourd'hui certaines personnes profitent de la situation pour travailler dans nos métiers sans la formation ni la réglementation nécessaire. Or ces métiers sont spécifiques, ils impliquent de toucher aux défunts, d'avoir des contacts avec les membres d'une famille qui nous fait confiance à la fois pour manipuler les défunts et pour organiser les obsèques. Ce sont des métiers d'accompagnement et il est important que nous préservions ces valeurs au sein de notre savoir-faire.

Concernant la répartition au sein du secteur, parmi les 20 000 ou 25 000 salariés, 8 000 sont employés par deux entités. Les autres sont employés par des petites et moyennes entreprises du secteur. Conformément à la loi de 1993, nous sommes en concurrence, pourtant nous sommes avant tout des confrères. Nous travaillons avec les installations des uns et des autres, en fonction des capacités et des disponibilités. Les acteurs du marché se respectent mutuellement.

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600 000 décès par an équivalent à un peu plus de 1 600 décès par jour, sans tenir compte d'une éventuelle saisonnalité. D'après vous, les pics en temps de crise ont atteint 1 800 décès par jour. L'augmentation journalière ne paraît pas très importante – je ne néglige évidemment pas la douleur qui accompagne ces décès. Or, cette augmentation vous a placés en difficulté. Je suppose que cela tient au double effet de l'augmentation des décès et de la diminution de personnel, touché par la crise…

Par rapport à votre capacité nominale de traitement de 1 600 décès par jour, quelle capacité maximale êtes-vous susceptibles d'atteindre en situation exceptionnelle ? Quels sont vos facteurs limitants ? Sont-ils d'ordre matériel, humain, temporel ? Quelles organisations pouvez-vous envisager pour passer outre ces limites ?

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Florence Fresse, déléguée générale de la Fédération française des pompes funèbres

Au cours des différentes vagues, une partie de la complexité a été causée par la lourdeur administrative. Elle n'a été allégée que tardivement.

Le second point d'achoppement est venu de l'absence d'accès aux gardes d'enfants, qui a causé une diminution du personnel dans nos entreprises. Notre secteur d'activité est composé de 30 % de femmes. Ces chiffres doivent être relativisés par le fait qu'il faut compter quatre porteurs pour un conseiller funéraire qui peut être une femme. Beaucoup de femmes de nos agences n'ont pas pu exercer leur métier au motif que nous n'étions pas prioritaires en termes de garde d'enfants.

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Pouvez-vous nous rappeler ce dont vous avez besoin pour fermer un cercueil en temps normal et en temps de crise ? Quelle est l'autorité qui vous y autorise ?

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Guillaume Fontaine, co-président de la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie

Dans un premier temps, le médecin établit d'abord le certificat de décès, puis les actes de décès basés sur le certificat sont établis en mairie. Ensuite, une famille doit nous consulter et établir un bon de commande pour que nous procédions aux obsèques. En situation de crise, les familles ne peuvent pas effectuer cette démarche. Le maire pourrait nous réquisitionner et nous mandater pour pallier cette étape du processus. Durant la crise du covid-19, les familles étaient autorisées à venir vers nous, mais elles avaient souvent peur.

Lorsque le décès était déclaré « cas covid », il fallait procéder à une mise en bière immédiate, ce qui implique d'avoir obtenu au préalable l'autorisation de fermer le cercueil. Or cette autorisation nécessite la démarche de la famille.

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Le facteur limitant se situait donc au niveau des communes ?

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Guillaume Fontaine, co-président de la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie

En effet. Nous ne pouvons rien entreprendre si la famille ne nous mandate pas. Lorsqu'elle le fait, nous pouvons nous tourner vers la mairie pour demander que l'autorisation de fermeture de cercueil soit délivrée.

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Si la famille n'est pas en mesure de vous mandater, quelle autre solution existe-t-il ?

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Guillaume Fontaine, co-président de la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie

Le maire est en mesure de délivrer l'autorisation. Il ne faut pas oublier que toutes les régions n'ont pas été touchées avec la même intensité. En moyenne, l'augmentation de la mortalité a atteint 10 %. Cependant, l'Alsace, la région parisienne et d'autres territoires ont été confrontés à des chiffres supérieurs. La façade atlantique n'a pas été touchée durant la première vague, mais plus tard. S'y ajoute une saisonnalité : plus de décès adviennent l'hiver que l'été, excepté en cas de canicule.

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Contrairement au SAMU, il me semble que les opérateurs funéraires sont attachés à un territoire. Il peut être difficile de mandater une entreprise funéraire en renfort dans une région voisine. Votre attachement géographique à une zone nécessite d'avoir une approche très locale.

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Guillaume Fontaine, co-président de la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie

C'est vrai, mais nous sommes cependant prêts à réfléchir au sein de nos fédérations professionnelles. Les deux grandes entreprises du secteur, présentes sur tout le territoire, ont appelé des renforts, notamment vers la région parisienne. Avant même l'appel de la direction générale, les collaborateurs se sont d'ailleurs proposés spontanément. Pour les petites entreprises privées dont la présence est uniquement locale, la démarche s'avère plus compliquée. Il est toutefois possible de l'imaginer, car la profession s'est sentie très concernée et s'est mobilisée.

Plus nous serons intégrés, plus nous pourrons mobiliser nos collaborateurs en région.

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Outre vos suggestions en termes de garde d'enfants et de mobilité nationale, quelle organisation conjointe entre les opérateurs funéraires et l'État permettrait de faire face à une augmentation plus brusque encore que celle que vous avez connue ? Auriez-vous des facteurs techniques limitants, tels que le nombre de cercueils ? Comment le secteur funéraire pourrait-il supporter une forte tension durant un temps donné ?

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Florence Fresse, déléguée générale de la Fédération française des pompes funèbres

Des scénarios catastrophe ont été évoqués au ministère de l'intérieur avec les différentes fédérations le 12 mars 2020.

La plupart des cercueils utilisés par la filière funéraire sont fabriqués en France. En restreignant la gamme de modèles de façon importante, nous parvenions à absorber les conséquences de ces scénarios, à l'exception d'un cataclysme qui provoquerait des situations proches de celles observées en Inde ou en Italie. Nous devrions alors envisager des moyens utilisés au Moyen Âge.

La loi oblige en théorie les cimetières à disposer de cinq fois plus de places que le nombre de décès annuel. Or ce n'est pas vrai dans tous les cimetières, notamment dans les petites communes où les maires ne disposent pas systématiquement des moyens nécessaires à la gestion cadastrale du cimetière. La place dans les cimetières est donc un facteur à prendre en compte, ainsi que la présence de personnel pour creuser et transporter les corps jusque dans les fosses. Dans le pire des scénarios, il faudrait envisager de revenir aux fosses communes.

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Pierre Larribe, conseiller juridique de la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie

En cas de décès massifs, il faudrait pouvoir « court-circuiter » la famille. À l'heure actuelle, si l'entreprise n'est pas mandatée par la famille, elle ne peut aller plus loin dans le processus. La famille opte pour une sépulture individuelle ou une sépulture de famille. Ce dernier cas retarde la gestion, en particulier si cela implique un changement de mairie.

L'obligation de mise en bière immédiate a généré de nombreux blocages lors de la crise du covid-19. En effet, les maisons de retraite ou les hôpitaux exigeaient une mise en bière immédiate que nous ne pouvions effectuer en l'absence de commande de cercueil par la famille et d'autorisation du maire. Contrairement au médecin lorsqu'un patient arrive à l'hôpital, nous ne sommes pas décisionnaires mais exécutants.

L'autorité municipale pourrait réquisitionner les opérateurs funéraires dans un intérêt de santé publique. Les défunts seraient placés dans des cercueils et dans des fosses pour gérer l'urgence. Si nous avions eu affaire à un virus type Ebola, nous aurions été bloqués par l'absence de marge de manœuvre de l'opérateur funéraire, qui n'est qu'exécutant.

Cette particularité n'est pas clairement identifiée ni comprise. Je pense qu'il s'agit d'un sujet problématique lors d'une crise entrainant des décès massifs.

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Est-il techniquement possible de placer les corps dans des dispositifs adaptés qui permettraient de gérer les obsèques conformément aux vœux de la famille de manière décalée dans le temps ? Ce type de scénario a-t-il été envisagé ?

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Florence Fresse, déléguée générale de la Fédération française des pompes funèbres

Le législateur a prévu dès le début de la crise que le préfet serait compétent pour réquisitionner des lieux qualifiés de dépositoires, notamment des locaux réfrigérés destinés au stockage de l'alimentation hors temps de crise. Dans certains départements, les préfets ont pris contact avec des gestionnaires d'entrepôts ou de patinoires afin de pouvoir entreposer les corps de personnes défuntes. Cependant, la crise ne s'est pas avérée intense au point d'avoir recours à ces lieux.

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Il me semble rassurant que, suite à la crise, les opérateurs et l'État se posent les questions de la phase suivante. Cela montre que chacun se mobilise et que nous sommes en mesure de trouver des solutions. L'une des conclusions de la commission sera probablement que parallèlement à une planification précise, l'intelligence de situation et la coordination sont fondamentales.

Il me reste deux interrogations. Avez-vous trouvé que les familles faisaient preuve de souplesse face à l'obligation d'adapter les rites funéraires à la situation ou est-ce plutôt un point bloquant ?

Par quels moyens vous protégez-vous d'un corps potentiellement porteur d'agents pathogènes en temps normal ? Possédez-vous les moyens et équipements pour protéger les opérateurs dans le cas d'un virus de type Ebola ?

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Guillaume Fontaine, co-président de la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie

Les familles ont éprouvé énormément de frustration à ne pouvoir dire au revoir à la personne défunte. Pour le cérémonial, elles ont fait preuve de plus de résilience. Il a été possible d'organiser des cérémonies cultuelles ou civiles différées.

Je trouve satisfaisant que nous ayons été invités au débat. Le secteur du funéraire est prêt à s'intégrer à la chaîne qui devra être mise en place en cas de crise. Le maillon que nous représentons ne doit pas être oublié, même si nous nous situons en bout de chaîne. Au niveau local, les médecins s'étonnent parfois que nous ne soyons pas intégrés aux débats sur les scénarios de crise.

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Olivier Vérité, secrétaire général de la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie

Il est très important de savoir réagir collectivement car c'est ensemble que nous trouverons des solutions. Il faudrait envisager d'inviter les fabricants de cercueils aux débats.

Les équipements diffèrent selon le type d'épidémie. Lors de la première vague de la pandémie du covid-19, nous avons dû demander à nos équipes de travailler malgré l'absence d'équipement adéquat, tout en ignorant à quels risques nous les exposions. Aujourd'hui, il est difficile d'affirmer que les entreprises funéraires possèdent un stock d'équipements, d'autant que ceux-ci devraient correspondre aux caractéristiques de l'épidémie.

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En temps normal, comment vous équipez-vous face à un corps potentiellement pathogène ?

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Pierre Larribe, conseiller juridique de la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie

Nous utilisons des gants pour éviter de toucher le corps à mains nues, quelle que soit la cause du décès. Dans le cas de pathologies plus importantes, des protections respiratoires sont utilisées. Si nous avions affaire à une pathologie de type Ebola, des combinaisons beaucoup plus lourdes à mettre en place seraient nécessaires. Les entreprises n'en sont pas dotées. Elles n'ont pas l'usage spécifique de ce matériel ni d'un matériel adapté au décès par exposition radioactive. Dans ces cas très exceptionnels, l'équipement pourrait représenter un facteur limitant.

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Je garde en tête le cas de l'accident nucléaire. Il n'existe donc pas en France, en temps normal, de virus suffisamment pathogène pour justifier une protection forte face à un corps.

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Florence Fresse, déléguée générale de la Fédération française des pompes funèbres

Nous avons manqué d'EPI au début de la crise. Au-delà de ce constat, il est important de savoir que malgré les cours sur l'hygiène contenus dans nos formations, nous ne sommes pas forcément en mesure de nous équiper de la même manière que le personnel hospitalier, en suivant des protocoles d'habillage, de déshabillage et d'évacuation. Il faudrait renforcer la formation concernant la connaissance des équipements pour pouvoir les utiliser en adéquation avec les risques pathogènes.

Ma confiance dans le professionnalisme des entreprises du funéraire que je représente est confortée chaque jour. Elles n'ont pas démérité. En outre, nous avons participé à chacune des réunions auxquelles nous avons été conviés durant toutes les vagues, que ce soit les cellules interministérielles de crise, les réunions en préfecture, celles du ministère de l'intérieur ou des agences régionales de santé. Cependant, jamais les décisions n'ont été prises en fonction de nos conseils et nous le regrettons, en espérant que ce ne sera plus le cas.

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Cette période s'est effectivement avérée très difficile pour les familles. J'ai été sensible à la prise en compte de ces problématiques par de nombreux agents et personnels des pompes funèbres avec qui j'ai pu discuter. Je les remercie donc par votre intermédiaire.

Concernant le matériel, je conçois qu'il soit compliqué de prévoir à l'avance quels types d'équipements seront nécessaires. Cependant, certains d'entre eux doivent pouvoir être identifiés comme importants pour la protection des personnels et des familles.

La réunion se termine à dix heures trente.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur la résilience nationale

Présents. – Mme Marine Brenier, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Thomas Gassilloud, Mme Sereine Mauborgne

Excusé. – M. Alexandre Freschi