Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du mercredi 21 novembre 2018 à 9h40

Résumé de la réunion

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La réunion

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Mercredi 21 novembre 2018

La séance est ouverte à neuf heures quarante.

Présidence de M. Bruno Studer, président de la Commission

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La commission des Affaires Culturelles et de l'Éducation procède à l'audition de M. Gilles Bloch, dont la nomination à la présidence de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) est envisagée par le Président de la République.

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Mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour émettre un avis sur la nomination de M. Gilles Bloch à la présidence de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Cette nomination fait partie de celles sur lesquelles notre commission, en raison de ses compétences en matière de recherche, doit se prononcer au préalable, en application de l'article 13 de la Constitution.

Je rappelle qu'aux termes de cette procédure, si l'addition des suffrages négatifs émis dans les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat atteint les trois cinquièmes du total des suffrages exprimés, le Président de la République ne peut pas procéder à la nomination.

Avant d'émettre notre avis, nous allons entendre M. Bloch, qui se rendra demain à neuf heures devant nos collègues de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat pour le même exercice. En conséquence, le dépouillement des bulletins de vote des deux commissions aura lieu de manière concomitante, demain en fin de matinée.

Monsieur Bloch, je vous souhaite la bienvenue devant notre commission. Ancien élève de l'école Polytechnique, docteur en médecine et en biophysique moléculaire, vous avez commencé votre carrière en 1990 comme chercheur au Commissariat à l'énergie atomique (CEA) puis vous avez rejoint le service hospitalier Frédéric-Joliot à Orsay en tant que chef de laboratoire avant de revenir au CEA, en 2001, comme directeur adjoint des sciences du vivant. Après un parcours en cabinet ministériel, vous avez assuré la présidence de la toute nouvelle Agence nationale de la recherche (ANR) en 2005 avant de devenir directeur général de la recherche et de l'innovation. Nommé directeur des sciences du vivant au sein du CEA en 2009, vous avez ensuite été élu à la présidence de l'université Paris-Saclay en 2015.

Cette audition va vous permettre de vous présenter et de nous exposer votre projet pour l'INSERM, qu'il s'agisse de la gestion de l'institution elle-même ou de son positionnement national et international. Nous serons attentifs aux priorités que vous retiendrez ainsi qu'aux évolutions que vous envisagez.

Pour ma part, je souhaiterais connaître les enseignements que vous retirez de votre expérience à la tête de l'université de Paris-Saclay, composée d'un grand nombre d'établissements d'enseignement et de recherche, et qui vous semblent utiles pour le poste de président de l'INSERM.

Quelle appréciation portez-vous sur les enjeux de la valorisation de la recherche en matière biomédicale ? Comment envisagez-vous le développement de la filiale INSERM Transfert et son articulation, le cas échéant, avec les sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) ?

Enfin, nous avons voté mardi dernier, lors de l'examen en séance du budget de la recherche, une enveloppe supplémentaire de 5 millions d'euros destinée à la recherche sur les cancers de l'enfant. Pouvez-vous faire le point sur les moyens dévolus à ces recherches spécifiques et sur le rôle de l'INSERM en la matière ?

Cher monsieur, je vous propose de prendre la parole pour une intervention liminaire d'une quinzaine de minutes, après laquelle un dialogue pourra s'instaurer avec les membres de la commission.

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Gilles Bloch

Mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d'abord à vous remercier de votre présence. C'est pour moi un grand honneur de me présenter devant vous en tant que candidat à la présidence de l'INSERM. J'aimerais vous faire partager ma conviction que je pourrai exercer ce mandat avec succès et vous exposer les actions que j'envisage pour cette institution.

M. le président ayant évoqué mon parcours, je vais me concentrer sur les années les plus récentes. En 2009, après avoir occupé différents postes sur la montagne Sainte-Geneviève, je suis revenu au CEA pour prendre la direction des sciences du vivant, qui couvre un champ disciplinaire un peu plus large que celui de l'INSERM puisqu'il inclut le végétal. Cette expérience a été particulièrement enrichissante et m'a permis de vivre en osmose avec des unités de l'INSERM hébergées en son sein. Du fait de la large implantation de cette direction à Saclay, je me suis intéressé à l'émergence de l'université de Paris-Saclay dont j'ai été élu président en 2015. Au cours des trois ans et demi où j'ai exercé ces fonctions, j'ai appris beaucoup de choses, qui pourront se révéler utiles dans mon potentiel futur mandat. Après de multiples turbulences, la construction de l'université est en bonne voie. Je laisse derrière moi un chantier bien avancé et c'est donc sereinement que je peux me présenter devant vous. L'expérience diversifiée que j'ai acquise, du travail de recherche à la définition de politiques scientifiques et d'orientations stratégiques, me paraît de nature à me qualifier pour exercer ces nouvelles fonctions.

Avant de vous présenter les priorités que j'ai définies, je cernerai les grands défis auxquels l'INSERM est confronté, au niveau national et international.

Le premier est la compétition très forte pour les talents dans laquelle la France est engagée, du fait notamment de l'émergence de nouveaux pôles d'attraction en Asie.

Le deuxième est la nécessité d'adosser la biologie et la médecine à des équipes multidisciplinaires qu'il faut savoir constituer ainsi qu'à des infrastructures technologiques qui sont déterminantes dans la course à la science. Il importe d'inscrire l'INSERM dans des réseaux internationaux, seul horizon possible pour certaines grandes études.

Pour le troisième défi, mon expérience récente sera particulièrement précieuse. L'INSERM devra s'insérer résolument dans la politique de sites affirmée depuis une décennie par les gouvernements successifs afin de répondre à la compétition internationale entre grandes universités.

Le dernier défi à relever a trait à la forte contrainte qui s'exerce sur les subventions de l'État dans notre pays, alors que certains de nos compétiteurs reçoivent des financements publics plus généreux.

Pour faire face à ces défis, j'envisage quatre grandes priorités d'action qui se situent dans la continuité du travail de mes prédécesseurs, André Syrota et Yves Lévy, et dans le cadre du contrat d'objectifs et de performance (COP) avec l'État.

Premièrement, l'INSERM, en tant qu'organisme spécialisé en matière de santé, doit jouer un rôle pivot au service de la société. L'Institut ne sera crédible que s'il continue de s'appuyer sur une large base d'excellence scientifique. Il faut donc poursuivre le sillon de la recherche fondamentale en laissant une large part à l'initiative des équipes des laboratoires et travailler sur le front des connaissances comme des applications médicales. C'est cela qui fait la renommée de l'Institut au niveau international.

Les domaines d'excellence de la France sont multiples. Je n'en citerai que quelques-uns : la cancérologie, l'infectiologie, l'immunologie, les neurosciences, le cardiométabolisme. Nous devons consolider nos positions grâce aux recrutements et à la structuration des équipes. Le système français des unités mixtes de recherche (UMR) fonctionne bien. D'autres structures ont émergé, comme les instituts hospitalo-universitaires (IHU), dont il faut faire usage avec parcimonie.

Pour jouer ce rôle pivot, l'INSERM doit déployer ses actions à deux échelles différentes : d'une part, à l'échelle nationale, voire européenne et internationale, en articulation avec les autres grands organismes nationaux, afin de lancer de grands programmes, organiser des infrastructures trop lourdes pour être portées par un seul site et faire évoluer les cadres réglementaires ; d'autre part, à l'échelle locale, en accompagnement des politiques des grands sites universitaires.

L'INSERM doit donc – deuxième priorité – assumer à l'échelle nationale sa position privilégiée de seul grand organisme spécialisé dans la recherche en santé. Cette position lui procure une vision thématique unique et lui permet d'impulser des programmes d'envergure, qu'il s'agisse de grands plans nationaux ou de programmes transversaux. Il appartient à l'INSERM de porter, au service du collectif, les grands plans tels que le plan cancer, le plan « Médecine France génomique 2025 » ou le futur plan de lutte contre l'antibiorésistance. Elle doit également redonner de l'élan à ceux qui ont besoin d'être relancés – je pense au plan dédié aux maladies neurodégénératives. D'autres plans font l'objet d'une réflexion avancée : il lui faudra les déployer avec les moyens nécessaires. Citons le plan national santé environnement (PNSE), avec un accent particulier à mettre sur l'exposition de la population aux polluants et autres facteurs à l'origine de maladies multifactorielles.

Il appartiendra aussi à l'INSERM d'approfondir les actions menées autour des services et systèmes de santé, qui font partie du contrat d'objectifs et de performance 2016-2020. Elles pourront peut-être se déployer dans le cadre plus large d'un plan national consacré à la santé publique. C'est un domaine où la France n'est pas très avancée et dans lequel le retour sur investissement serait considérable car les sommes dégagées par les économies en matière de dépenses de santé seraient bien supérieures aux sommes investies.

En outre, l'INSERM doit se mobiliser pour développer des infrastructures nationales. Yves Lévy a lancé les accélérateurs de recherche technologique qui ont vocation à diffuser des technologies auprès des équipes de l'INSERM mais je crois que nous pouvons aller plus loin. Avec des grands partenaires comme le CEA ou le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l'INSERM aura à s'investir dans les recherches technologiques. Nous voyons émerger avec le plan sur l'intelligence artificielle de nouveaux outils. Il y a des ressources à explorer, en faisant du data mining, pour les mettre à disposition non seulement des chercheurs mais aussi de la communauté médicale, en particulier pour fournir de nouveaux instruments de diagnostic.

Enfin, à l'heure de l'open science, la biologie et la recherche médicale doivent se construire sur des réservoirs de données massives. Le Gouvernement a récemment lancé le Health Data Hub, qui inclura de grandes bases de données de santé, fournies notamment par l'assurance maladie. Il importera de réfléchir à un élargissement aux données de recherche clinique et pré-clinique afin de favoriser pour les équipes de recherche un changement d'échelle dans la façon de concevoir les problématiques.

J'en viens à la troisième priorité d'action : à l'échelle locale, l'INSERM doit résolument s'investir dans la construction de politiques de site avec des grandes universités ou des centres hospitaliers universitaires (CHU). La concentration de 80 % de ses forces sur douze sites l'aidera à nouer de tels partenariats. C'est une dimension que j'ai une tendance naturelle à vouloir développer après mes trois ans et demi d'expérience à Paris-Saclay. C'est au niveau des sites, avec des laboratoires couvrant toutes les compétences, qu'on construit des dynamiques multidisciplinaires, facteur d'évolution rapide de la recherche biomédicale. C'est grâce à des écosystèmes locaux plus fertiles que nous aboutirons à des ruptures scientifiques.

Le levier majeur dont disposent nos établissements est la possibilité de recruter les bonnes personnes au bon endroit. Il importe que l'INSERM renforce, au niveau local, l'articulation de son dispositif national de recrutement avec les autres acteurs nationaux comme le CNRS, mais aussi et surtout avec les acteurs locaux que sont les écoles et les universités : politiques de vivier commun, complémentarité entre les différentes filières de recrutement, voire co-recrutements de profils spécifiques. C'est également au niveau local que l'on pourra mieux mobiliser l'INSERM et ses personnels autour des enjeux de la formation. De très belles actions ont déjà été menées. Je pense en particulier à l'école de l'INSERM Liliane-Bettencourt. Nous pouvons aller plus loin en profitant de la formidable opportunité que nous offre la réforme des études de santé pour mieux former des profils médicaux à la recherche.

Ma quatrième priorité d'action porte sur le sujet-clef de la valorisation et du transfert. C'est au niveau local que beaucoup d'enjeux doivent être traités. J'estime qu'INSERM Transfert doit mieux articuler son action avec les structures de chaque site. Il existe des tensions – j'en ai fait l'expérience avec la SATT de Paris-Saclay – et il faut veiller à ce que le service rendu à la communauté l'emporte sur les querelles de territoires. Nous devrions trouver des solutions site par site pour progresser.

Au-delà de ces ajustements locaux, il y a de grandes initiatives à lancer en ce domaine. Dans le prolongement des préconisations du récent rapport sur la médecine du futur, nous pourrions imaginer de grandes plateformes collaboratives avec des industriels implantés au sein de certains hôpitaux. L'Institut de la vision, labellisé IHU, est un exemple récent de partenariat entre grand groupe et structure hospitalière.

L'INSERM est en bonne position pour porter de grands partenariats nationaux avec certains industriels. Depuis plusieurs mois, des discussions sont engagées sur la construction d'une filière de bioproduction, comme il en existe déjà à l'étranger.

Pour soutenir toutes ces actions, il faut des femmes et des hommes bien choisis ainsi que des moyens financiers.

S'agissant des ressources humaines, je soulignerai à nouveau l'importance d'une meilleure articulation des politiques de recrutement au niveau local pour ce qui est des chercheurs. Il me semble également important de travailler sur les autres catégories de personnel : ingénieurs, techniciens, personnels administratifs. Le système actuel est complexe et globalement peu satisfaisant. Il mériterait d'être revu, en prenant en compte les possibilités de mobilités croisées entre établissements d'un même site dans une perspective d'enrichissement professionnel.

Un autre chantier attend l'INSERM : reconsidérer le régime indemnitaire, qui n'est pas très favorable. Pour garantir une bonne articulation dans la politique de recrutement au niveau local, il faut gagner en cohérence.

L'INSERM héberge dans ses laboratoires 2 700 contractuels et en emploie directement plus de 700. Il faudra porter une attention particulière à leur formation et à leur avenir professionnel. Ils sont indispensables au fonctionnement de nos laboratoires et nous nous devons leur apporter une vraie plus-value dans leur expérience professionnelle.

J'en viens à mon dernier point : les finances. L'INSERM est habitué à aller chercher des ressources à l'extérieur. Elle le fait même très bien puisqu'un tiers de son budget est constitué de ressources propres. De nouvelles pistes s'offrent à cette institution. Vous savez sans doute qu'il est envisagé d'utiliser des ressources provenant de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour mieux financer les grands plans nationaux. Il importe également de travailler inlassablement à la construction de partenariats de haut niveau avec de grands industriels internationaux. Reste une piste qui n'a pas été suffisamment exploitée : le partenariat avec de grandes mutuelles et compagnies d'assurances autour de la prévention et la santé publique, qui appelle un travail spécifique. Il faut en outre améliorer les financements européens. Un nouveau programme-cadre va s'ouvrir et il convient d'agir de manière continue pour renforcer l'organisation qui permet aux chercheurs de défendre leurs projets.

Enfin, il m'apparaîtrait intéressant d'étudier l'opportunité de créer une fondation afin que l'INSERM puisse collecter des dons. Il ne s'agit pas, bien sûr, de venir concurrencer les grands acteurs du secteur caritatif déjà bien établis mais de trouver un positionnement national spécifique, notamment autour des grands enjeux de prévention et de santé publique, qui permettrait de motiver de nouveaux donateurs.

Toutes ces pistes devront bien sûr être approfondies avec les personnels de l'INSERM et avec ses partenaires. Et je souhaite, mesdames, messieurs les députés, pouvoir m'atteler à ce chantier dès que possible.

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Je vous remercie. Je donne maintenant la parole à ceux de mes collègues qui souhaitent vous interroger, en commençant par les représentants des groupes, avec M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis sur le budget de la recherche.

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Je tiens à vous remercier pour la présentation de votre plan d'action.

Je souhaiterais aborder un sujet que vous n'avez pas pu mentionner dans le temps qui vous était imparti : la diffusion de la culture scientifique par les chercheurs, les ingénieurs et les techniciens de l'INSERM. Ce sont eux, entre autres, à qui il revient de propager la culture scientifique dans les débats de société qui font l'objet de fortes attentes de la part du grand public. En cette période de montée du relativisme et de défiance à l'égard de la science, leur rôle apparaît d'autant plus important. Les polémiques sur les nouveaux vaccins l'année dernière et les fausses informations qui ont abondamment circulé à leur sujet sur les réseaux sociaux nous le démontrent. Quelles perspectives souhaitez-vous ouvrir pour renforcer ce rôle de l'INSERM ?

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L'INSERM est aujourd'hui un organisme incontournable pour la santé des Français. Ses chercheurs font progresser les connaissances sur la santé humaine et les maladies par la recherche de nouveaux traitements et par des innovations.

Après le feuilleton du conflit d'intérêts entre la ministre de la santé et le président sortant, nous sommes amenés à nous prononcer aujourd'hui sur la nomination de M. Bloch à la tête de ce prestigieux institut. C'est un sujet sensible, qui vient d'être tranché au plus haut niveau de l'État après une période plutôt embarrassante pour la majorité actuelle. Le journal britannique The Lancet a même considéré que l'opacité de la procédure de nomination ternissait l'image de la France et a demandé la publication des noms des candidats et membres du comité ainsi que du contenu des délibérations. Depuis le 12 juin, date d'expiration du mandat de M. Lévy, l'institution a connu des périodes d'intérim qui n'ont pas été source de sérénité pour elle. Sans doute de nombreuses candidatures ont-elles été découragées du fait du renoncement tardif du mari de la ministre de la santé qui a annoncé sa décision le 30 juillet seulement. De manière assez incompréhensible, le Gouvernement a repris depuis le début le processus de recrutement, processus dont les règles ont pour but d'attirer les meilleurs postulants. Le moins que l'on puisse dire est que cette période d'incertitude n'a sans doute pas facilité les choses.

Monsieur Bloch, vous n'y êtes pour rien. Votre expérience, notamment au CEA, sera précieuse pour ce que vous avez qualifié de « potentiel futur mandat ».

J'aurai une question qui porte sur les coopérations internationales : quelle plus-value apporteraient selon vous les coopérations européennes, notamment des partenariats franco-allemands avec de grands centres comme Heidelberg ou Fribourg ?

Je conclurai en disant que les membres du groupe Les Républicains souhaitent que l'INSERM reste l'un des fleurons de la recherche française.

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L'INSERM est l'un des membres fondateurs de l'université Paris-Saclay, dont vous êtes le président depuis 2015 et qui est souvent décrite comme une « Silicon Valley » à la française. Le site de Paris-Saclay, où universités, grandes écoles, centres de recherche et développement affluent, est en train d'émerger comme pôle d'innovation de rang mondial, et réunit déjà 15 % de la recherche privée et publique française. Cependant, le Gouvernement a repoussé l'ouverture de la ligne 18 du métro qui doit desservir le site, initialement prévue à 2024, à 2027 pour le tronçon vers Orly et à 2030 pour le tronçon en direction de Versailles C'est une mauvaise nouvelle, évidemment, pour Paris-Saclay et pour les 50 000 personnes qui gagneront le plateau tous les jours en 2020, et qui seront 70 000 à terme. Que pensez-vous de l'avenir de Paris-Saclay et du Grand Paris Express ?

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Le groupe Socialistes et apparentés considère évidemment que M. Bloch a toutes les qualités requises pour occuper un poste de cette importance, et nous lui souhaitons de pouvoir développer encore l'INSERM. Comment, cependant, mieux articuler recherche fondamentale et recherche appliquée pour donner à cet organisme une place plus importante dans notre société ?

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Je passe la parole à M. Philippe Berta, rapporteur pour avis sur le budget de l'enseignement supérieur.

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Je veux d'abord, monsieur le président Bloch, vous féliciter pour votre oeuvre antérieure, en particulier le travail accompli à Saclay – j'avais eu la chance de vous auditionner à ce propos l'an dernier. L'INSERM sera une autre aventure.

Je reprendrai, tout d'abord, la question du président Studer portant sur la valorisation. J'appelle votre attention sur l'importance du mandataire unique en la matière. Vous connaissez comme moi les difficultés que nous rencontrons en région avec les différents acteurs.

Par ailleurs, est-ce délibérément que vous n'avez pas évoqué l'Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN) ? En assumerez-vous la présidence ? Développerez-vous cette alliance pour permettre une meilleure utilisation des plateformes technologiques ? Je pense particulièrement à certaines pratiques qui n'ont plus cours entre la direction des sciences du vivant du CEA et l'INSERM.

Enfin, votre énumération de nombreux plans nationaux m'a frustré parce que manquait le plan national « maladies rares », sur lequel nous travaillons – le troisième, lancé par votre prédécesseur et une collègue de Nantes au mois de juillet dernier. Comment vous y impliquerez-vous, en cohésion avec le plan « Médecine France génomique 2025 » ?

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Merci, monsieur, pour votre excellent exposé, notamment pour votre insistance sur la recherche fondamentale. Celle-ci, nous le savons, a parfois été bousculée par les appels à projets. Laisser aux chercheurs la liberté de chercher est pourtant essentiel si nous voulons une recherche de très haut niveau. Merci également pour votre souci des ressources humaines, notamment de tous ces personnels contractuels sur la situation desquels nous devons nous pencher.

J'ai eu récemment l'occasion de travailler sur la protection de l'intégrité physique et psychique des sportives et sportifs. Cette étude a mis en exergue la nécessité de développer la collecte des données médicales à des fins épidémiologiques, notamment en ce qui concerne la spécialisation précoce des athlètes, les charges d'entraînement, l'évolution des pathologies et des traumatismes. Or l'Institut de recherche biomédicale et d'épidémiologie du sport (IRMES), qui travaille sur ces questions, est dans l'incapacité d'assurer la remontée de ces données. Quel rôle pourrait donc jouer l'INSERM ?

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Gilles Bloch

Mon attachement à la recherche fondamentale n'est pas une posture. Certes, la distinction entre recherche fondamentale et recherche appliquée existe. Mais, quand on travaille sur la fonction des acides ribonucléiques (ARN) non codants, qui représentent 97 % du génome humain, on sait que, dans dix ans, de nouvelles thérapeutiques seront sans doute issues de ces travaux et qu'ils auront, à coup sûr, des retombées médicales. Je crois essentiel de pouvoir, dans un laboratoire, se poser des questions de fond, indépendamment des applications à court terme. À l'INSERM, il faut aussi des sujets relevant plus de la recherche appliquée, mais ce sont, pour moi, les deux jambes qui permettent à la recherche de marcher, de faire de la « bonne science ».

Cela étant, je n'opposerai pas forcément la recherche fondamentale au fonctionnement par appels à projets. Vous savez, compte tenu de mon passé, que j'ai quelque affection pour l'ANR, que j'ai mise en place. Bien gérés, les appels à projets peuvent aussi être un stimulant pour la recherche fondamentale, car ils obligent les chercheurs à se poser des questions en amont, peut-être aussi à mieux s'organiser.

Bien sûr, l'INSERM a un rôle en matière de collecte des données médicales, qu'il assume dans le cadre du système national des données de santé (SNDS). Je ne suis pas encore bien au fait de la question des athlètes de haut niveau et de l'IRMES, mais l'INSERM aura la responsabilité de l'agrégation des données médicales dans tous les domaines de la recherche pour les mettre à la disposition des communautés.

Dès le milieu des années 2000 nous faisions déjà, à la direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI), des rapports sur le mandataire unique et la délégation globale de gestion. C'est frappé au coin du bon sens, mais la mise en oeuvre se heurte à des réticences, du fait de querelles locales de territoires et de freins psychologiques chez un certain nombre de directeurs d'unité. Sur le terrain, nous constatons cependant des progrès au niveau de l'INSERM, avec les partenaires universitaires et les autres organismes. Il faut travailler sur le long terme. Dans cinq ou dix ans, selon moi, ce sera devenu une évidence : il faut simplifier cette gestion qui nous ralentit en matière de valorisation et qui rend le paysage illisible en ce qui concerne la gestion à plusieurs partenaires. Une certaine pression du Gouvernement s'exerce pour que l'on aille vers ce système d'information de laboratoire – les détails de la mise en oeuvre ne sont pas encore totalement définis mais il y a déjà, je crois, les fondamentaux.

J'ai évoqué l'AVIESAN dans ma présentation puisque j'ai parlé de la réflexion sur la bioproduction. Il faut absolument continuer à utiliser cet outil, qui a été très utile pour porter un certain nombre de sujets au niveau européen, par exemple dans le domaine des maladies infectieuses. Il doit par exemple être utilisé pour le lobbying en direction de l'Union européenne. La raison d'être de l'ancêtre de l'AVIESAN, qu'on appelait la réunion inter-organismes, il y a quinze ans, était de gérer en commun les personnels sur un certain nombre de plateformes. Je crois qu'il faut absolument le faire vivre. Quant à la présidence de l'AVIESAN, à titre personnel, j'aurais tendance à rappeler que certaines choses sont écrites dans le décret de l'INSERM et que des raisons historiques et de leadership justifient que l'INSERM en assume la présidence, mais nous pourrons en reparler au cours des prochains mois.

Pardonnez-moi, monsieur Berta, si je n'ai pas cité tous les plans, mais le plan « maladies rares » est important et sera poursuivi. J'ai vu que des moyens en gestion seraient alloués pour le renforcer. Il y a aussi cet énorme plan « Médecine France génomique 2025 », dont le déploiement commence tout juste. Bien évidemment, il faut que l'INSERM y mette toute son énergie. Je n'ai pas beaucoup parlé de ce sujet, mais, bien évidemment, pour un certain nombre de pathologies, l'accès au génome de chaque patient permettra des ruptures considérables ; il faut mener ce plan à terme.

J'ai déjà un peu parlé de l'articulation entre recherche fondamentale et recherche appliquée. Pour moi, ce sont vraiment les deux faces d'une même pièce : il n'y a pas, d'un côté, des chercheurs fondamentaux et, de l'autre, des chercheurs appliqués, il y a de très bons chercheurs qui, de temps en temps, appliquent leurs découvertes fondamentales. L'INSERM a su, au fil des décennies, garder un positionnement équilibré entre ces deux versants.

Je pourrais longuement évoquer l'université Paris-Saclay, mais je serai bref. Les enjeux de transport nous ont beaucoup mobilisés depuis un an, et c'est un sujet que je continuerai à défendre, même sous ma casquette INSERM, dans la construction de cette université. J'ai l'impression que l'idée de stopper le projet de ligne 18 est totalement abandonnée. Le Gouvernement a réaffirmé le calendrier et nous avons encore eu, la semaine dernière, une réunion très détaillée avec le préfet de région et avec les élus du territoire. Cela montre vraiment que les choses se mettent en place avec un calendrier technique pour le premier tronçon qui permettrait une arrivée dès 2026. Les personnes qui, à la Société du Grand Paris (SGP), travaillent sur la question sont vraiment dans le concret. Nous attendons donc – nous l'avons redit au préfet – un geste politique sur le terrain, montrant qu'un tunnelier ou une gare sont mis en chantier, mais, pour ma part, je réaffirme quasi quotidiennement qu'il est essentiel que les transports capacitaires arrivent sur le plateau. Cela étant, en ce qui concerne l'engagement de l'État, et par rapport à la situation d'il y a un an, je suis relativement rassuré.

Je ne commenterai pas les rebondissements autour du processus de nomination du président de l'INSERM, car je suis trop concerné personnellement. Peut-être avez-vous constaté que je n'avais pas été candidat au premier tour. Quand quelqu'un est en place, il y a toujours des choses que l'on considère comme acquises. Je m'arrêterai là sur ce point.

J'ai relativement peu parlé de la coopération internationale car il va de soi, pour moi, que l'INSERM s'inscrit dans un paysage international. J'ai simplement mentionné le fait que beaucoup de grandes avancées scientifiques se font maintenant dans le cadre de consortiums internationaux, auxquels participent bien sûr nos amis allemands – par exemple, en matière de recherche sur le cancer, nous travaillons énormément avec eux. Il faudra poursuivre et consolider cela au cours des prochaines années.

On m'a interrogé sur la culture scientifique et technique, et il est vrai que je n'en ai pas parlé. L'INSERM est déjà bien engagé, par des publications destinées au grand public et son investissement dans différents événements. Je n'en ai pas fait un chapitre de ma lettre de candidature mais je suis vraiment prêt à y travailler au cours des prochains mois. Je suis persuadé que c'est le plus tôt possible qu'il faut s'attaquer au sujet et jouer un rôle de médiateur, non pas au niveau du baccalauréat ou des études supérieures, mais auparavant au niveau primaire et secondaire. Dans les musées et les expositions, l'INSERM doit être un partenaire qui apporte des contenus et des bases scientifiques. Sans alourdir outre mesure la charge de travail de nos collègues, déjà sollicités sur de nombreux fronts – j'ai évoqué le sujet de la formation, qui me tient à coeur –, il faut s'interroger sur les modalités de notre contribution au contact des plus jeunes. C'est vraiment à ce niveau, lorsque les esprits se forment, que l'on peut préparer l'avenir et faire disparaître un certain nombre de représentations erronées, qu'il s'agisse des vaccins ou d'autres sujets.

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Merci, monsieur Bloch, pour cette présentation de votre projet pour l'INSERM, que vous connaissez bien en raison de vos fonctions à la prestigieuse université Paris-Saclay. À deux reprises, vous avez mentionné l'indispensable développement de la prévention et le grand chantier de la santé publique. Nous savons aujourd'hui que notre pays est en retard en matière de prévention, ce qui a des conséquences importantes sur la santé des Français. Comment comptez-vous permettre à l'INSERM d'être plus actif afin de réussir là où nous avons échoué ou, du moins, été des élèves médiocres ?

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Merci, monsieur, pour votre propos introductif, et pour la motivation dont vous faites montre en vue de cette future mission très importante. L'INSERM a été l'acteur d'avancées médicales majeures, telles la fécondation in vitro et l'identification du virus de l'immunodéficience humaine (VIH). Comment vous y prendrez-vous pour attirer ou garder en France les jeunes talents, français et étrangers, pour que l'INSERM reste le fleuron de la recherche française ?

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Ma première question concerne la politique de sites avec vos partenaires, les grands organismes comme le CNRS ou l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), les universités et grandes écoles : quelle procédure pour définir cette politique de sites ?

Et puisque vous avez évoqué l'intelligence artificielle, les grandes masses de données disponibles dans les laboratoires et celles issues de la recherche clinique, ainsi que l'open science, quelle part pensez-vous accorder à ces recherches ? Avec quelles ressources humaines, quelle mutualisation avec les partenaires ?

Enfin, comment l'INSERM pourrait-il contribuer à régler le problème des déserts médicaux et à diffuser les résultats de la recherche dans les territoires ?

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Vous avez assumé d'importantes responsabilités dans le secteur de la recherche médicale, dans l'exercice desquelles vous avez pu envisager un certain nombre de questions éthiques. Or, si vous êtes nommé président de l'INSERM, votre nomination coïncidera avec l'ouverture de l'examen des lois de bioéthique. Comment concevez-vous le rôle institutionnel de l'INSERM et de son président dans la préparation de la révision des lois de bioéthique ? Quelles sont les modalités de cette participation ? Vous semblent-elles satisfaisantes ou perfectibles ?

Par ailleurs, vous avez manifesté dans le passé, au moment de l'adoption de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, un vif intérêt pour les aspects éthiques de la recherche sur l'embryon. Or, dans son dernier avis, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) préconise de réfléchir à l'autorisation de la constitution de chimères par l'introduction de matériel génétique humain dans un embryon animal. Qu'en pensez-vous ?

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Monsieur Bloch, vous avez été le premier directeur de l'Agence nationale de la recherche, puis directeur général de la recherche et de l'innovation au sein du ministère de la recherche. Depuis 2009, vous êtes directeur des sciences du vivant au CEA et présidez l'Université Paris-Saclay, lieu ô combien important pour la formation de nos futurs chercheurs pour la science en France. Votre parcours et les différentes responsabilités que vous avez exercées à la tête des plus grandes institutions oeuvrant pour le développement de la science, laissent penser que votre très certaine nomination à la présidence de l'INSERM est amplement justifiée. Polytechnicien, médecin, biophysicien : vos compétences nous rassurent quant au devenir de la recherche.

La loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, dite « loi Huriet-Sérusclat », a encadré pour la première fois les essais biomédicaux sur l'être humain, avec la création de comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale, devenus ensuite comités de protection des personnes. Elle a été suivie de plusieurs lois de bioéthique : en 1994, en 2004, en 2011, la loi de 2011 ayant été modifiée en 2013. Nous nous apprêtons à aborder de nouveau ce sujet. La richesse de votre parcours et de vos savoirs est pour nous, parlementaires, gage du respect de certains principes fondamentaux au sein de la recherche. Ce domaine, qui connaît de profondes mutations liées aux révolutions du numérique et de l'intelligence artificielle, est porteur de grands progrès, mais il est aussi au coeur de sérieuses préoccupations. Les enjeux éthiques et ceux de la protection des données personnelles sont eux-mêmes au coeur de nos sociétés. Quelle politique mènerez-vous donc à l'INSERM pour placer la réflexion sur la bioéthique au centre de la recherche ? Pensez-vous que les principes éthiques soient trop contraignants en France au regard du droit interne de certains pays comme les États-Unis ?

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Des patients font partie de comités scientifiques et peuvent participer à des ateliers pour mieux définir des pistes de recherche. Quelle est votre position sur cette pratique ?

Par ailleurs, démissionnerez-vous de la présidence de l'université de Paris-Saclay, communauté de dix-neuf universités et établissements supérieurs de recherche, si vous êtes demain nommé à la tête de l'INSERM ?

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L'INSERM mène actuellement des études sur les perturbateurs endocriniens et leurs impacts sur la santé. Ils affectent potentiellement différentes fonctions de l'organisme – métabolisme, fonctions reproductrices ou système nerveux, par exemple. Toutefois, les sources d'exposition sont nombreuses et difficiles à maîtriser. Les conséquences biologiques de ces expositions sont encore mal appréhendées et complexes à étudier. Où en est donc la recherche ?

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Merci, monsieur, pour votre présentation. Aujourd'hui, l'évaluation des chercheurs passe par des formulaires d'activité qui, après que le directeur d'unité a donné son avis, sont centralisés à Paris. Ma question est assez simple : en quoi des évaluations plus régulières, et davantage menées au niveau local, pourraient-elles être plus efficaces et permettre de mieux accompagner le chercheur dans son travail ? Le but n'est bien sûr pas de le contrôler. L'évaluation est, pour nous, moteur de progrès et d'amélioration.

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Gilles Bloch

Le sujet de l'évaluation m'a toujours tenu à coeur au cours des années. Lorsque je suis arrivé à la DGRI en 2006, la loi de programme sur la recherche, qui venait d'être adoptée, était en cours de mise en oeuvre et j'ai fait partie de l'équipe qui a défendu ce qu'on appelait l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), qui est devenue le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES). Ces organismes, parfois critiqués aujourd'hui pour certains aspects un peu bureaucratiques – mais cela se corrige –, ont fait franchir un cap à notre pays. Je pense qu'auparavant les pratiques étaient un peu trop artisanales. Le sujet me tient donc à coeur.

Quant à l'évaluation des chercheurs, je suis très prudent. Il s'agit de processus internes à l'INSERM, extrêmement bien rodés, auxquels les personnels sont très attachés ; il ne faut pas trop bousculer ces dispositifs. Cela dit, venant du CEA et n'ayant pas oeuvré à l'intérieur de l'INSERM – je l'ai seulement côtoyé –, j'ai vu fonctionner d'autres modes d'évaluation des personnels. Au CEA, le mode d'évaluation est dit « managérial » et repose sur la proximité. Tout ne remonte pas au siège ni n'est décidé par des commissions. Je pense donc possible une dose un peu plus forte de management de proximité. C'est un travers assez français que d'imaginer, dans l'évaluation des personnels, qu'un grand système national où tout est centralisé est très efficace – on peut penser à l'éducation nationale et à d'autres grandes organisations qui gagneraient à pratiquer une évaluation de proximité. Je n'irai pas plus loin sur ce sujet.

Je n'ai pas le temps de vous faire un grand exposé sur les perturbateurs endocriniens – j'en serais d'ailleurs bien incapable sans l'avoir préparé. Cependant, cela rejoint ce que je disais sur le besoin de structurer la science des données à l'INSERM ainsi que les outils d'intelligence artificielle qui permettront des ruptures. Il s'agit d'expositions multifactorielles : outre les perturbateurs endocriniens, que nous commençons à connaître, doivent être pris en compte d'autres polluants chimiques, les agressions physiques, les facteurs de stress, le manque de sommeil, les rythmes circadiens qui ne sont pas respectés. Tout cela a un impact sur les maladies multifactorielles, à commencer par le cancer et certaines maladies métaboliques.

Aujourd'hui, le paradigme de découverte dans lequel on identifie un facteur, une étiologie, et on trouve ensuite un médicament ne fonctionne plus. Nous sommes face à des problèmes éminemment complexes. Si nous ne disposons pas des outils de découverte qui permettent d'appréhender la grande complexité de l'exposition multifactorielle, nous ne ferons pas de progrès. Cela rejoint ce que j'ai très rapidement évoqué : un travail interne à l'INSERM a été mené sur l'exposome humain. Comment l'humain est-il « baigné » dans des facteurs qui l'agressent ? Comment cela peut-il induire certaines pathologies ? Cela me paraît mériter une action de recherche structurée, voire un plan national dans les prochaines années.

L'INSERM travaille très bien avec les associations de patients. Des relations quotidiennes sont entretenues, et cela me paraît essentiel. La recherche clinique n'est effectivement pas possible sans adhésion des patients et des associations qui les représentent. J'irai même plus loin : nous constatons de plus en plus l'apport de certains patients experts dans la définition et la mise en oeuvre de certains programmes, et dans la formation des patients, parce qu'un patient peut mieux participer à certains programmes de recherche s'il est mieux informé. Nous devons construire une organisation avec nos partenaires associatifs. Les patients ne sont pas des numéros dans des essais cliniques, ce sont des personnes qui doivent s'impliquer dans la recherche.

Deux interventions un peu complémentaires ont porté sur les questions d'éthique. Très honnêtement, je n'ai pas pu faire un état des lieux complets des missions de l'INSERM, c'est encore devant moi, et je ne connais pas exactement l'implication de l'Institut dans la préparation de la loi de bioéthique. Ce que je peux dire, c'est que le rôle d'un organisme de recherche est d'apporter des faits scientifiques et d'exprimer des besoins de la communauté de recherche, non d'édicter des normes éthiques qui relèvent de la responsabilité du Parlement et du Gouvernement. Je serai donc très prudent quant à l'expression de mes convictions personnelles. Vous avez évoqué le travail mené autour de la loi de 2004. J'étais alors en cabinet ministériel et je participais à l'élaboration de la ligne politique de la ministre de l'époque. Un vrai débat s'était engagé sur l'opportunité d'autoriser ou d'interdire la recherche sur l'embryon. Pour ma part, je considère que le rôle de l'INSERM est d'apporter des faits et de construire des options qui illustrent les besoins de la communauté scientifique en la matière, et qu'ensuite, c'est au législateur de décider en toute souveraineté. Il est essentiel de disposer de ces cadres éthiques pour travailler dans nos laboratoires et dans la recherche clinique.

Une question concernait l'éventualité de ma démission de Paris-Saclay. C'est une évidence, on ne peut à la fois présider un ensemble aussi complexe que Paris-Saclay et assurer la présidence de l'INSERM, qui nécessite un travail probablement tout aussi prenant. Voilà pourquoi, si je suis nommé, je démissionnerai instantanément de la présidence de l'université Paris-Saclay. Toutefois, je n'exclus pas d'en rester administrateur, puisque l'INSERM est l'un des dix-neuf établissements de la communauté d'universités et d'établissements, et l'un des quatorze établissements qui continuent à soutenir le projet d'université que l'IDEX Paris-Saclay essaie de construire. Je consacrerai donc quelques heures de temps en temps pour y travailler avec mes collègues, mais je ne pourrai pas rester président de l'université Paris-Saclay.

Madame Hérin, vous vous êtes demandé quelle procédure engager pour définir les politiques de sites. Pour moi, il convient de considérer des facteurs organisationnels. L'INSERM est un organisme de couverture nationale, mais on peut sans doux améliorer sa représentation politique au niveau territorial. Aujourd'hui, des administrations régionales déléguées font fonctionner les laboratoires au quotidien, selon une logique de proximité. Mais elles ne sont pas forcément à même de défendre des options politiques en cas de débat sur une politique de sites avec des présidents d'universités ou des responsables d'organismes. À mon sens, il faudra effectuer un choix de niveau de représentation ; nous devrons en discuter avec les équipes. Un grand organisme comme le CNRS a mis en place une représentation politique territoriale, avec des directeurs scientifiques référents dans les grandes régions. Ce pourrait être une option à mettre en place si l'on veut à la fois construire des stratégies communes et participer à leur mise en oeuvre au quotidien avec suffisamment de poids.

J'en viens à l'intelligence artificielle. Bien évidemment, ce n'est pas l'INSERM, avec son profil de compétences actuel, qui va construire les algorithmes de deep learning qui seront utilisés pour l'exploration des données massives. Mais il a un rôle majeur à jouer en matière de construction des bases de données : c'est l'impulsion qui a été donnée par le récent plan Health Data Hub, dans lequel l'INSERM doit absolument s'investir.

Je l'ai dit, ces bases de données doivent être construites au-delà des données cliniques et des données de santé. Je pense qu'il y a vraiment des choses à faire dans le domaine de la recherche préclinique. C'est tout l'objet de l'open science, sur laquelle l'INSERM doit investir. Bien évidemment, cela doit se faire main dans la main avec les grands acteurs nationaux, au premier rang desquels le CNRS et le CEA. Ce ne peut pas être une politique isolée. Dans le domaine de la santé, l'INSERM doit exercer une force d'entraînement, qui ne peut intervenir qu'en synergie avec ces grands partenaires nationaux.

Sur la désertification médicale, j'ai presque envie de dire « joker » ! L'INSERM doit attirer des talents médicaux en participant mieux à la formation médicale. Pour pallier cette désertification, je pense qu'il faut mettre en place des mécanismes d'attachement des jeunes médecins à leur territoire, avec des financements locaux pour s'assurer un engagement de leur part dans la durée. C'est toutefois assez loin des sujets de l'INSERM. Je ne vais donc pas passer plus de temps à contourner la question…

Comment faire pour attirer et conserver les talents ? Je voudrais d'abord insister sur le fait que le concours de recrutement de l'INSERM est toujours très attractif, et qu'il y a beaucoup de pression à l'entrée pour les jeunes chercheurs – y compris les jeunes chercheurs étrangers, qui représentent une bonne part des personnes recrutées. Le risque est que celui-ci s'érode tout doucement, au profit de certains pays étrangers, notamment européens. Comme je l'ai dit, il importe de travailler sur des solutions très basiques, comme la politique indemnitaire, ce qui suppose des moyens. Mais il faut aussi se donner des marges de manoeuvres pour attirer sur une problématique particulière – typiquement l'intelligence artificielle ou les technologies de pointe en imagerie – des quadragénaires ou des quinquagénaires de haut niveau. Clairement, les grilles indemnitaires actuelles ne le permettent pas. Dans certains cas très précis, nous devrions pouvoir faire du co-recrutement, voire des contrats à durée indéterminée assez dérogatoires, de manière ciblée et parcimonieuse.

Enfin, comment faire mieux en matière de prévention et de santé publique ? Là encore, il faut considérer les exemples étrangers. Certains de nos voisins européens, comme le Royaume-Uni et la Suède, s'y prennent très bien, et disposent de grandes écoles de santé publique. Il faut sans doute se donner les moyens d'importer quelques talents et de structurer de nouvelles équipes. Si j'occupe la position de président dans quelques semaines, je défendrai probablement une action ciblée sur la santé publique, qui donnera à l'INSERM et à ses partenaires les moyens de construire une recherche de meilleur niveau. On peut identifier des niches d'excellence, ainsi que des personnes remarquables, mais il faudrait faire beaucoup mieux. Clairement, nous avons besoin d'un plan d'action dédié.

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Monsieur Bloch, merci pour la qualité et la clarté de votre exposé. Subsiste toutefois un sujet sur lequel je ne vous ai pas entendu, à savoir l'expérimentation animale. Le bien-être animal figure parmi les principes fondamentaux de l'Union européenne, et la société civile est de plus en plus active et sensible à la protection et à la souffrance des animaux. L'INSERM réalise aujourd'hui à peu près 70 % de ses travaux à partir de méthodes alternatives qui visent à remplacer les animaux. Le remplacement total est un objectif vers lequel la recherche médicale et biomédicale doit tendre. En tant que candidat à la présidence de l'INSERM, comment envisagez-vous de répondre aux préoccupations des citoyens devant l'utilisation des animaux à des fins d'expérimentation ?

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Monsieur Bloch, je tiens tout d'abord à vous remercier pour la qualité de votre présentation. En lisant les données de l'Institut, il est évident que l'INSERM a une longue tradition de coopération européenne et internationale. Chaque année, ses équipes de recherche déclarent plus de 6 000 coopérations avec des partenaires étrangers, dont plus de la moitié avec les pays de l'Union européenne et de son voisinage. Un tel partenariat bénéficie d'ailleurs d'un budget conséquent. Ce dynamisme est le fruit d'une approche engagée par les équipes de recherche qui initient et entretiennent des collaborations scientifiques avec leurs partenaires, et par la direction générale de l'INSERM, à travers la signature d'accords de partenariats. C'est aussi le résultat de la mise en place de dispositifs de coopération spécifique, par exemple dans des laboratoires ou dans des groupements de recherches, qu'ils soient européens ou internationaux. Si vous êtes nommé président, j'aimerais savoir quelle stratégie de coopération vous souhaitez insuffler et sur quels programmes européens vous souhaitez mettre la priorité.

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Merci, monsieur Bloch, pour votre exposé. Le diagnostic précoce des handicaps chez l'enfant est essentiel, avec une prise en charge rapide et adaptée à chaque difficulté de l'enfant. Je pense, entre autres, aux troubles du spectre autistique, dont la détection est souvent tardive, ce qui est bien entendu préjudiciable pour l'enfant. Les comités interministériels du handicap et les plans « Autisme » sont venus rappeler cette nécessité à plusieurs reprises ces dernières années. Comment l'INSERM peut-il se mobiliser plus fortement, afin d'améliorer le taux de diagnostic précoce pour permettre une prise en charge rapide, dans le meilleur intérêt de l'enfant ?

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Monsieur Bloch, merci pour vos développements. Je voulais aborder la question de l'intelligence artificielle. L'INSERM a publié en juillet dernier un article intitulé « Intelligence artificielle et santé » : il signale l'importance de l'intelligence artificielle aujourd'hui dans la détection de certaines maladies, ainsi que la nécessité d'expliquer au grand public ce qu'est l'intelligence artificielle. Plusieurs études ont démontré que l'intelligence artificielle permettait de limiter significativement les erreurs et d'améliorer la qualité des soins. Je participais il y a une dizaine de jours à une conférence, où l'on pointait qu'en alliant l'intelligence artificielle et le médecin, on réduisait significativement la marge d'erreur dans la détection des maladies. Ainsi, une étude montrait qu'une marge d'erreur dans le diagnostic, quand il était pratiqué par l'intelligence artificielle, était de 7,5 %, qu'elle était de 3,5 % quand on comptait sur le médecin, et que l'alliance des deux permettait d'arriver au taux, minime, de 1 %. Cela ouvre de formidables espoirs d'amélioration de la prise en charge des patients. Mais encore faut-il assurer une bonne collaboration entre l'homme et la machine, entre les humains et les algorithmes.

Comment la recherche menée à l'INSERM contribuera-t-elle à l'identification de ces modes de collaboration et des compétences clés des futurs professionnels de santé, qui viendront en complément de l'intelligence artificielle ? Quels sont les travaux de l'INSERM qui porteront sur ce domaine, afin d'accroître notre intelligence collective ? Sous votre présidence, comment l'INSERM pourra-t-il travailler en bonne intelligence avec ses partenaires ? Quels liens nouera-t-il avec les autres organismes, qu'ils soient français, européens ou internationaux, sur cette question ?

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Monsieur Bloch, je souhaiterais recueillir votre vision des instituts hospitalo-universitaires (IHU) créés à la suite des programmes d'investissement d'avenir (PIA) en 2009. Ces instituts sont associés à des universités et à des centres hospitaliers universitaires (CHU), ainsi qu'à des laboratoires privés et publics. Pôles d'excellence de la recherche médicale française, leur mission est de former des spécialistes dans leur domaine de compétence, d'attirer les chercheurs renommés et de valoriser leurs travaux.

Des retombées économiques importantes étaient attendues, avec le développement de produits innovants et un renforcement important de l'attractivité de la France dans le domaine de la santé. Une première évaluation a été réalisée en 2015, soit à mi-parcours, par un jury international, qui montrait que les résultats avaient dépassé les projections initiales. Aussi, quelle analyse tirez-vous de ce travail, et quels pourraient être les axes d'amélioration ? Je pense plus particulièrement à leur financement, et à l'effet ciseau qu'il y a entre le financement de ces IHU et le recrutement des personnels qui y sont attachés.

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La connaissance scientifique et l'expertise sont plus que jamais au coeur des débats de société et des prises de décision, et face à ces choix fondamentaux, le citoyen a besoin de pouvoir se référer à une expertise reconnue, afin d'éviter les manipulations à l'heure de la « post-vérité ». L'engagement des personnels de recherche constitue un levier essentiel dans la diffusion de cette culture scientifique. La diffusion des savoirs est d'ailleurs une des missions dévolues à l'INSERM, et un certain nombre d'actions sont mises en place afin de promouvoir les travaux et les résultats des chercheurs. Pour que cette diffusion soit la plus efficace possible et, pourquoi pas, pour qu'elle fasse naître des vocations, elle doit intervenir le plus tôt possible à destination des publics jeunes. Quels projets souhaiteriez-vous impulser afin de répondre à ce besoin, que ce soit au niveau de l'enseignement primaire, secondaire ou supérieur ?

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Monsieur, alors que votre nomination à la présidence de l'INSERM est envisagée par le Président de la République dans le cadre de l'article 13 de la Constitution, il était important de vous permettre de présenter devant notre commission vos objectifs en matière de gestion, dans le cadre du pilotage de cet établissement qui assure la coordination stratégique et scientifique de la recherche biomédicale en France.

Face à la multiplication des projets pour lesquels l'État demande son expertise, les subventions budgétaires restent stables, ou en légère augmentation, au titre des mesures salariales, comme l'attestent les données budgétaires du projet de loi de finances pour 2019. Les crédits attribués à l'INSERM sont généralement pris sur les crédits existant au niveau de la mission, notamment sur la réserve de précaution, et ne sont souvent pas des crédits nouveaux. Nous pouvons constater que les charges de personnel sont en progression continue, alors que le nombre d'équivalents temps plein (ETP) a légèrement diminué l'année dernière et que le plafond d'emplois sera stable en 2019. Or la hausse des dépenses de personnel est estimée à plus de 11,5 millions d'euros l'année prochaine, et la subvention pour charges de service public, comme le note le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, notre collègue Richard Lioger, augmenterait, à supposer qu'elle ne faisait l'objet d'aucune mise en réserve, de 3,67 millions d'euros seulement.

Pouvez-vous nous indiquer la stratégie que vous comptez mettre en oeuvre, afin de développer les ressources propres de l'INSERM et d'éviter un effet de ciseaux qui serait préjudiciable aux objectifs qui vous sont assignés ? Qu'en est-il de l'accès aux crédits alloués aux établissements de santé au titre de la recherche clinique ?

Enfin, plus généralement, alors que plus de 13 000 personnes aux statuts divers travaillent au sein de structures dépendantes ou associées à l'INSERM, pouvez-vous nous préciser votre stratégie en matière de gestion des quelque 8 365 emplois que comptera l'INSERM à partir de l'année prochaine ?

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Gilles Bloch

S'agissant de l'expérimentation animale et des méthodes alternatives, je crois que la tendance longue est à une diminution progressive de l'utilisation des modèles animaux, ne serait-ce que parce que l'on en a de moins en moins besoin. Les animaux sont des « objets » dotés de sensibilité et, pour certains, de capacités cognitives. Je baigne dans la science et j'ai assisté, encore récemment, à des recherches sur le poisson zèbre, un petit poisson auquel on peut apprendre des choses, ce qui est assez étonnant. Je comprends l'empathie qu'on peut ressentir, y compris – même si ce n'est pas un mammifère – pour ce genre d'espèce. Mais je pense qu'un arbitrage doit être effectué entre la demande sociétale de solutions médicales et de nouveaux traitements, et l'attachement au respect envers les animaux. Et c'est à chaque État et au législateur de le faire.

Pour moi, fondamentalement, la science biomédicale a encore besoin de modèles animaux extrêmement évolués. J'ai travaillé personnellement dans le domaine des neurosciences avec des primates non humains, et je sais toute la difficulté éthique que cela représente. Mais quand on travaille sur la maladie de Parkinson ou sur la maladie de Huntington, ces modèles sont totalement incontournables pour tester certaines options thérapeutiques avant le passage à l'homme.

En tendance longue, on peut imaginer réduire le recours à des modèles animaux. L'une des voies du progrès passe justement par l'utilisation de ces outils de simulation, de ces outils d'intelligence artificielle qui permettront de faire de la biologie in silico et de mieux en mieux prévoir, à partir de l'expérimentation animale, ce que pourrait donner le passage à l'homme, et donc de limiter de plus en plus le recours aux modèles animaux. Nous devons faire cet effort en continu. Mais je n'imagine pas, en tout cas pas de mon vivant, la disparition complète des modèles animaux et le passage direct de l'expérimentation biochimique ou in silico à l'expérimentation chez l'homme, parce que l'on doit aussi prendre en considération l'éthique de l'expérimentation chez l'homme. Nous devons assurer un équilibre entre le sacrifice de nos cousins animaux et ce à quoi l'on expose nos concitoyens dans les tests cliniques. Je reconnais que c'est un sujet éminemment sensible, et je suis conscient qu'il faut continuer à y travailler.

S'agissant de la stratégie de coopération et des programmes européens, je crois que l'INSERM est déjà très bien placé et extrêmement bien inséré dans les réseaux internationaux. À l'automne, Yves Lévy a fait des propositions visant au renforcement du réseau international avec la centaine de structures aujourd'hui implantées, qui devraient pouvoir davantage mobiliser des projets collectifs mieux articulés autour des initiatives locales. Des marges de progression existent, mais je pense que l'INSERM est déjà extrêmement efficace dans ce domaine, et qu'il n'est pas nécessaire de bouleverser l'existant.

S'agissant de l'Europe, les opportunités sont nombreuses. Je manque de temps pour développer cette question, mais je vous parlerai d'une piste de travail. On a mesuré l'importance, pour l'INSERM, de s'impliquer dans les recherches en santé publique, notamment sur l'exposition des populations. Il est indispensable d'accompagner les programmes européens qui se structurent autour de ces questions très complexes d'exposition multifactorielle, en s'appuyant sur des échantillons de grande taille, des cohortes de volontaires et des études en populations, qui peuvent se faire dans des conditions différentes d'un pays à l'autre. Je crois qu'il y a là matière à mieux travailler au niveau européen.

Vous m'avez par ailleurs interrogé sur les troubles du spectre autistique. Je souhaite élargir le sujet à l'ensemble des maladies psychiatriques. Comme je l'ai écrit dans ma lettre d'intention, je souhaite que ce sujet soit remis à l'ordre du jour à l'occasion des discussions qui auront lieu ces prochains mois. Il existe un réel décalage entre le poids humain des maladies psychiatriques en termes de mortalité et de réduction de la vie en bonne santé, et l'effort de recherche déployé dans notre pays dans ce domaine. Il faudrait réfléchir avec les tutelles, ainsi qu'avec les financeurs potentiels, au renforcement des recherches sur les maladies psychiatriques. C'est en ayant des équipes de recherche de haut niveau que l'on s'approprie les pratiques thérapeutiques les plus en pointe, et en la matière, je pense que la France est en retard. Un effort s'impose, qu'il faudra porter au niveau politique. On entend parfois des choses assez consternantes sur les maladies psychiatriques et un travail de fond doit être conduit.

J'en viens au lien entre l'intelligence artificielle et la santé. Comme j'en ai parlé dans mon propos liminaire, je ne serai pas très long. Clairement, c'est un enjeu majeur. Parmi les outils de diagnostic ou de recherche, l'intelligence artificielle apparaît comme un véritable levier de transformation. Il est nécessaire d'acquérir quelques compétences clé en la matière, et peut-être monter quelques laboratoires d'interface à l'INSERM. Mais là encore, l'INSERM n'est pas tout seul. L'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), dont un quart de l'activité concerne le domaine de la santé, dispose d'experts extraordinaires ; mieux vaut travailler avec eux. Le CNRS et le CEA ont aussi d'excellentes équipes. Il importe de travailler site par site, tout en s'appuyant sur le plan « intelligence artificielle » qui constitue un encouragement au niveau national, et dont le domaine de la santé doit être le grand bénéficiaire. Certes, il faut construire des propositions d'action qui convainquent les financeurs, mais il y a une grande opportunité à saisir.

En matière d'IHU, je suis un agnostique. Ces instituts ne sont ni bien ni mal ; ils constituent des outils. Je remarque toutefois qu'il faudrait faire preuve de parcimonie en la matière car on a l'art, dans notre pays, de créer sans jamais supprimer ce qui existe déjà. Les IHU sont des outils intéressants. Dans certains endroits, ils fonctionnent très bien. L'INSERM travaille déjà avec les IHU de la Pitié-Salpêtrière ou ceux de Necker sur les neurosciences et les maladies génétiques. Dans d'autres endroits, ils fonctionnent moins bien, pour des raisons objectives. L'INSERM n'est pas toujours impliqué. Je n'en fais pas une question de principe. C'est une question locale à traiter au cas par cas, et l'INSERM n'a pas vocation à intervenir partout. Concernant les financements, certains organismes nationaux et certains sites se construisent avec des regroupements. Il convient d'être prudent dans l'autonomisation totale de nouvelles structures de recherche. Les organismes nationaux, les partenaires des IHU, doivent garder largement la main sur le financement des IHU.

Vous m'avez également interrogé sur l'expertise et la diffusion de la connaissance scientifique, ce qui rejoint une autre question qui m'avait été posée tout à l'heure. Je crois que l'on partage la même sensibilité. Il faut toucher le plus tôt possible les gens, pour qu'ils comprennent ce que la science biomédicale peut apporter à nos sociétés, que ce soit à travers la prévention ou à travers les thérapies. Aujourd'hui, sincèrement, je n'ai pas de plan d'action tout prêt pour investir les écoles avec les personnels de l'INSERM, mais nous devons travailler à cette diffusion. Des actions pourraient être menées en partenariat avec l'éducation nationale, car il est nécessaire de faire connaître aux plus jeunes les enjeux de la recherche en santé.

Je terminerai sur les questions liées à la gestion et au pilotage de l'INSERM. Je n'ai pas regardé dans le détail les comptes et les indicateurs de performance de l'institut, mais celui-ci donne l'impression d'être bien géré, relativement « maigre » en moyens de fonctionnement. Les marges de manoeuvre consistent essentiellement dans la recherche de moyens supplémentaires auprès de l'État, par exemple pour remettre à niveau le régime indemnitaire, ou de ressources ciblées provenant de l'assurance maladie, pour financer les plans santé. On pourrait également recourir à de grands partenariats industriels et mobiliser les grands donateurs, comme je l'ai indiqué dans mon exposé liminaire.

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Vous avez évoqué l'apparition de nouveaux outils biomédicaux ; à cet égard je pense particulièrement aux risques que les nouvelles technologies font peser sur nos sociétés à travers les radiations, les perturbateurs endocriniens, les pesticides et les nanoparticules de carbone. Face à ce risque stochastique, comment l'INSERM envisage-t-il de développer un outil de lutte toxicologique contre ces nouvelles menaces ?

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Gilles Bloch

Votre préoccupation rejoint la priorité donnée à des programmes nationaux que j'ai mentionnés. Nous sommes confrontés à des expositions multifactorielles ; j'ai travaillé plusieurs années au CEA sur l'exposition aux faibles doses de radiations et autres risques stochastiques. Il y a quinze ou vingt ans, nous étions quelque peu désarmés devant ces impacts multiples dus aux polluants chimiques et ayant pour conséquence des stress physiques et parfois psychiques. Aujourd'hui, un programme européen portant sur ce domaine est financé ; nous construisons des outils d'observation de cohortes de volontaires afin de caractériser l'exposition multifactorielle des populations. Les données doivent être colligées à grande échelle afin de pouvoir les exploiter de façon suffisamment puissante.

Par ailleurs, l'évolution de l'intelligence artificielle met à notre disposition des outils comme le deep learning ainsi que d'autres méthodes en cours de développement au sein des laboratoires informatiques et de mathématiques appliquées. Nous commençons à disposer d'outils susceptibles d'isoler, au sein de ces données extrêmement riches et parfois parcellaires, des relations de causalité et des hypothèses mécanistiques qu'un cerveau humain n'est pas capable de discerner.

De par la constitution de bases de données ciblées sur l'exposition individuelle, grâce au développement d'outils spécifiques, nous sommes à l'aube d'avancées majeures dans le domaine complexe de la toxicologie.

La séance est levée à onze heures quinze.

______

En application de l'article 5, alinéa 2 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, la Commission procède au dépouillement du scrutin jeudi 22 novembre 2018, à 11 heures 30, simultanément avec la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat.

Les résultats du scrutin sont les suivants :

Nombre de votants : 35

Bulletins blancs ou nuls : 0

Abstentions : 6

Suffrages exprimés : 29

POUR : 29

CONTRE : 0

En conséquence, la Commission émet un avis favorable à la nomination de M. Gilles Bloch à la présidence de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm

Informations relatives à la commission

La commission des Affaires Culturelles et de l'Éducation a désigné :

– Mme Brigitte Kuster et M. Bertrand Bouyx, rapporteurs de la mission flash sur « Les nouvelles charges en matière de sécurité pour les salles de spectacle et les festivals » ;

– Mmes Frédérique Meunier et Marie-Pierre Rixain, rapporteures de la mission flash « Précocité et troubles associés : quelle prise en charge à l'école ? » ;

– Mme Sophie Mette et M. Michel Larive, rapporteurs de la mission flash « Première évaluation du loto du patrimoine » ;

– Mmes Danièle Hérin et Josette Manin, rapporteures de la mission d'évaluation de la loi n° 2015-737 du 25 juin 2015 portant transformation de l'université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles, ratifiant diverses ordonnances relatives à l'enseignement supérieur et à la recherche et portant diverses dispositions relatives à l'enseignement supérieur ;

– M. Bertrand Sorre, rapporteur de la mission d'évaluation de la loi n° 2015-1541 visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale, en remplacement de M. Grégory Galbadon.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 21 novembre 2018 à 9 heures 40

Présents. – Mme Aude Amadou, Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Géraldine Bannier, Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Bruno Bilde, M. Pascal Bois, M. Pierre-Yves Bournazel, M. Bertrand Bouyx, Mme Anne Brugnera, Mme Marie-George Buffet, Mme Céline Calvez, Mme Danièle Cazarian, Mme Sylvie Charrière, Mme Fannette Charvier, Mme Fabienne Colboc, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Jacqueline Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Nadia Essayan, M. Laurent Garcia, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Annie Genevard, Mme Florence Granjus, M. Pierre Henriet, Mme Danièle Hérin, M. Régis Juanico, M. Yannick Kerlogot, Mme Brigitte Kuster, Mme Anne-Christine Lang, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Brigitte Liso, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, Mme Sandrine Mörch, Mme Cécile Muschotti, Mme George Pau-Langevin, M. Guillaume Peltier, Mme Florence Provendier, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Pierre-Alain Raphan, M. Frédéric Reiss, Mme Muriel Ressiguier, Mme Cécile Rilhac, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Cédric Roussel, M. Bertrand Sorre, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Agnès Thill, M. Patrick Vignal, M. Michel Zumkeller

Excusés. – Mme Ramlati Ali, M. Stéphane Claireaux, Mme Béatrice Descamps, M. Raphaël Gérard, Mme Josette Manin, Mme Michèle Victory

Assistaient également à la réunion. – M. Sébastien Leclerc