La séance est ouverte à 15 heures 30.
Présidence de M. Éric Ciotti, président de la commission
Mes chers collègues, nous recevons à présent Mme Carine Vialatte, cheffe du service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS), accompagnée par M. Pascal Lang, secrétaire général de ce même service.
Madame Vialatte, avant de vous laisser nous exposer le cadre et la nature de vos missions, je rappelle que le service que vous dirigez, créé en avril 2017, a pour rôle de réaliser « des enquêtes administratives destinées à vérifier, au regard de l'objectif de prévention du terrorisme et des atteintes à la sécurité et à l'ordre public et à la sûreté de l'État, que le comportement de personnes physiques ou morales n'est pas incompatible avec l'autorisation d'accès à des sites sensibles ou l'exercice de missions ou fonctions sensibles dont elles sont titulaires ou auxquelles elles prétendent ». Seule la sécurité nucléaire échappe à votre champ de compétence. Votre service joue donc un rôle important.
Afin de vous permettre de vous exprimer le plus librement possible, nous avons décidé que votre audition se déroulerait à huis clos.
Avant de vous donner la parole, je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(Mme Carine Vialatte et M. Pascal Lang prêtent successivement serment.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d'abord à informer votre commission que les réponses au questionnaire qui nous a été adressé dimanche 12 janvier lui seront transmises avant la fin de cette semaine.
Avant de répondre à vos questions, je me propose de vous présenter brièvement le service que je dirige et de préciser en quoi consiste concrètement une enquête administrative. La création du SNEAS trouve son origine dans une recommandation formulée dans un rapport inter-inspection de décembre 2015 pour le contrôle d'accès aux points d'importance vitale. C'est en effet sur le fondement de cette recommandation, reprise dans des travaux du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), que le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a décidé, à l'automne 2016, de créer ce service à compétence nationale et de le rattacher au directeur général de la police nationale (DGPN). L'acte de naissance formelle du SNEAS date du 27 avril 2017.
Sa création a permis d'appliquer deux nouveaux cadres d'enquête administrative destinés à répondre à l'état de la menace terroriste : le premier, créé par la loi du 22 mars 2016, concerne le secteur du transport public de personnes et de marchandises dangereuses, le second, créé par la loi du 3 juin 2016, le domaine des grands événements. Mais le SNEAS participe, plus largement, à la mission de prévention des atteintes à la sécurité et à l'ordre public. Il constitue le moyen opérationnel le plus adapté au traitement homogénéisé d'un volume important d'enquêtes administratives ; les procédures d'enquête applicables jusqu'alors n'étaient, en effet, plus appropriées aux enjeux actuels. Le 22 juin 2018, une réunion interministérielle a donc désigné le SNEAS comme le service interministériel chargé des enquêtes administratives des articles L. 114-1, L. 114-2 et L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure (CSI).
Conformément à son décret de création, le service réalise des enquêtes administratives, élabore la doctrine correspondante et assure le traitement des recours administratifs formés à l'encontre de ses avis. Il intervient dans un cadre législatif bien défini, que je viens de rappeler. Les enquêtes administratives qu'il réalise relèvent de cinq grandes catégories. Elles concernent : les emplois participant à l'exercice de missions de souveraineté de l'État ou relevant du domaine de la sécurité ou de la défense – cette catégorie regroupe actuellement les fonctionnaires et les agents de la police nationale, les militaires de la gendarmerie nationale, les militaires des armées et les personnels de l'administration pénitentiaire ; l'utilisation de produits et de matériels dangereux, qui correspond actuellement à l'acquisition et à la détention d'armes par des particuliers ; le transport public de personnes ou de marchandises dangereuses ; l'accès aux zones sensibles et protégées, soit les établissements ou installations désignés au titre d'un grand événement ; enfin, depuis le début de cette année, les étrangers, au titre de l'octroi et de la fin de la protection internationale, les enquêtes étant réalisées, dans ce cadre, à la demande de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
L'objet des enquêtes administratives menées par mon service est d'apprécier le risque d'atteinte aux personnes, aux biens et aux institutions. À ce propos, permettez-moi d'apporter un éclairage sémantique sur les notions de criblage et d'enquête administrative. « Criblage » est un terme opérationnel qui désigne la consultation d'un ou de plusieurs fichiers afin de vérifier si une identité y est enregistrée ; juridiquement, cette opération est qualifiée d'enquête administrative. Cependant, l'enquête administrative de sécurité ne se réduit pas à la simple consultation de ces fichiers ; elle conduit, chaque fois que nécessaire, à la saisine des services émetteurs et enquêteurs ou d'autorités ou d'institutions administratives ou judiciaires aux fins d'investigations plus poussées. C'est à l'issue de cette phase de vérification complémentaire et d'une phase d'analyse que l'analyste-enquêteur rédige et propose un avis.
L'enquête administrative peut ainsi consister en un simple criblage, notamment lorsque l'identité est totalement inconnue de l'ensemble des fichiers consultés – dans ce cas, l'enquête s'arrête là – ou en un criblage suivi d'investigations complémentaires, le tout aboutissant, après analyse, à l'émission d'un avis.
Pour conclure, je soulignerai la montée en puissance du service, du fait de la reprise continue, depuis sa création, de domaines d'enquête nouveaux. Cette évolution le conduit à renforcer ses effectifs. Il est actuellement composé de trente-sept agents et de cinq réservistes, mais son effectif cible, qu'il est envisagé d'atteindre d'ici à la fin de l'année 2020, est de soixante-sept agents.
Merci, madame Vialatte. Nous nous sommes déjà rencontrés, dans le cadre de la mission d'information sur les services publics face à la radicalisation. En ce qui concerne vos effectifs, je n'ai pas le sentiment que des recrutements soient intervenus depuis huit à dix mois. Le confirmez-vous ?
Par ailleurs, pourriez-vous indiquer à notre commission à quelle date ont débuté le criblage des militaires, d'une part, et celui des surveillants pénitentiaires, qui est assez récent, d'autre part ?
Enfin, la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) permet d'effectuer un rétro-criblage, notamment des policiers, mais, jusqu'à une date récente, le décret d'application interministériel n'avait pas paru. Toutefois, je sais que la préfecture de police a demandé, suite à l'affaire qui fait l'objet de notre commission, plusieurs rétro-criblages. Je souhaiterais donc savoir si vous avez déjà commencé à y procéder.
Tout d'abord, le service a bénéficié, en septembre 2019, d'un premier renfort de douze agents, qui a été rendu possible par notre installation dans de nouveaux locaux, plus vastes.
En ce qui concerne les enquêtes menées à la demande de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) du ministère des Armées, nous avons dû attendre, pour les réaliser, la révision du décret ACCRED (Automatisation de la consultation centralisée de renseignements de données) – du nom de l'application métier utilisée par le SNEAS pour procéder aux consultations de fichiers –, qui est intervenue le 21 octobre 2019. Nous avons reçu les premières demandes dans le courant du mois de décembre, mais nous sommes actuellement en phase d'ajustement, puisqu'il a été décidé, dans le cadre d'une convention de services conclue entre le SNEAS et la DRSD, de mener une expérimentation d'un ou deux mois à l'issue de laquelle un bilan sera dressé.
Par ailleurs, le SNEAS a commencé à réaliser des enquêtes à la demande de l'administration pénitentiaire au mois de mars 2019, à l'occasion du premier concours de surveillants pénitentiaires de l'année. Un peu plus de 6 000 enquêtes ont été réalisées dans ce cadre. En sus de ces enquêtes menées au titre du recrutement, l'administration pénitentiaire a saisi le SNEAS à la fin de l'année dernière pour qu'il réalise des enquêtes sur 59 de ses agents en poste. Ces enquêtes sont pour la plupart terminées – certaines sont encore en cours.
Le service a également été saisi par l'Inspection générale de la police nationale, au titre des dispositions du II et du IV de l'article L. 114-1 du CSI, qui permettent de mener des enquêtes en cours d'exercice sur des fonctionnaires ou des agents de droit public exerçant des missions liées à la souveraineté de l'État ou relevant de la sécurité ou de la défense, de trois enquêtes, qui sont en cours, concernant des policiers. J'ajoute qu'un guide interministériel relatif à la mise en œuvre de ces dispositions aux fins de lutter contre la radicalisation a été diffusé le 24 octobre 2019 par les services du Premier ministre ; elles peuvent donc désormais être mises en application.
Je précise à l'intention de mes collègues qu'avant la création du SNEAS, le criblage des militaires était effectué essentiellement par la DRSD.
En effet. Le SNEAS peut mener des enquêtes dans leur intégralité ou procéder à un complément d'enquête au bénéfice d'autres services enquêteurs ou autorités administratives. C'est notamment le cas des enquêtes que nous réalisons à la demande de la DRSD, pour la partie correspondant à la consultation des fichiers relevant du ministère de l'Intérieur.
Pouvez-vous nous préciser le nombre d'enquêtes que vous avez réalisées depuis la création du SNEAS et leur répartition entre les cinq catégories que vous avez mentionnées ?
S'agissant des outils dont vous disposez, pouvez-vous nous indiquer les fichiers auxquels vous avez accès pour procéder à vos enquêtes ? Quels sont, au-delà du criblage, donc de la consultation des fichiers, les moyens et éventuellement les techniques d'investigation que vous utilisez ?
Je peux vous communiquer les statistiques de notre activité pour l'année 2018 et l'année 2019. En 2018, le service a réalisé 318 464 enquêtes – sachant que l'immense majorité d'entre elles se limite à un criblage – et il a émis 485 avis d'incompatibilité, dont je peux préciser la répartition par catégorie si vous le souhaitez. En 2019, le SNEAS a réalisé 409 018 enquêtes et a émis 508 avis d'incompatibilité.
Sur l'ensemble des enquêtes réalisées en 2019, 9 902 d'entre elles portaient sur le secteur du transport public de personnes et de marchandises dangereuses. Je précise que le décret d'application de l'article L. 114-2 du CSI dresse la liste des fonctions sensibles dans ce secteur – dont la plus évidente est celle de conducteur de bus ou de train – qui, seules, peuvent faire l'objet d'une enquête administrative.
Quant aux autorisations d'acquisition et de détention d'armes, elles ont donné lieu à 234 936 enquêtes et à 217 avis d'incompatibilité. En l'espèce, nous intervenons à la demande des préfectures dans le cadre d'un complément d'enquête, puisque les services territoriaux sont également saisis.
Dans le cadre du recrutement des fonctionnaires et des agents de la police nationale, nous avons mené 17 511 enquêtes et émis 19 avis d'incompatibilité.
Pour le recrutement des militaires de la gendarmerie nationale, nous avons procédé à 25 146 enquêtes et émis 9 avis d'incompatibilité.
Dans le cadre des recrutements de l'administration pénitentiaire, nous avons réalisé 6 322 enquêtes et émis 107 avis d'incompatibilité.
Pour le recrutement des militaires, nous n'avons pas encore émis d'avis puisque nous n'avons été saisis que dans le courant du mois de décembre, mais nous devons tout de même réaliser 3 840 enquêtes.
Dans le cadre des grands événements, qui ont représenté une charge importante en 2019, nous avons réalisé 111 361 et émis 73 avis d'incompatibilité. Pour vous donner un ordre d'idée, la coupe du monde féminine de football représente, à elle seule, 43 000 enquêtes.
Dans le cadre des grands événements, sur quel type de personnels vos enquêtes portent-elles ? Les personnels de sécurité ?
Aux termes du décret d'application de l'article L. 211-11-1 du CSI, elles portent sur toutes les fonctions d'organisation, de logistique, de surveillance. Les agents de sécurité privée, quant à eux, font l'objet d'un agrément du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) auquel s'ajoute, s'ils souhaitent travailler dans le cadre d'un grand événement, un criblage du SNEAS.
S'agissant des outils, le service utilise l'application ACCRED, qui permet la consultation automatique des fichiers ou leur mise en relation. Il a ainsi accès directement aux fichiers Traitement des antécédents judiciaires (TAJ), Enquêtes administratives liées à la sécurité publique (EASP) et Prévention des atteintes à la sécurité publique (PASP), dont le gestionnaire est le service central du renseignement territorial (SCRT), au fichier Gestion de l'information et prévention des atteintes à la sécurité publique (GIPASP), qui est l'équivalent du PASP pour la gendarmerie nationale, au Fichier des personnes recherchées (FPR), au Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), au Fichier des objets véhicules signalés (FOVES) et, depuis le décret du 21 octobre 2019 modifiant le décret du 3 août 2017, à la partie nationale du système d'information Schengen. Ces fichiers peuvent être consultés directement par le SNEAS : nous savons, en utilisant notre application, si la personne est enregistrée dans l'un de ces fichiers ou pas.
Cette application permet, par ailleurs, ce que l'on appelle juridiquement une mise en relation, c'est-à-dire une consultation indirecte de certains fichiers. Concrètement, cela signifie que nous sollicitons le service de renseignement gestionnaire, lequel va consulter son fichier et nous donner les informations qu'il estime pertinentes au regard de notre enquête. Dans ce cadre-là, nous pouvons être destinataires des informations du fichier Centralisation du renseignement intérieur pour la sécurité du territoire et des intérêts nationaux (CRISTINA) de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), du fichier Gestion du terrorisme et des extrémismes à potentialité violente (GESTEREX) de la direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP) et, depuis le décret du 21 octobre 2019, des informations du fichier SIREX de la DRSD et de celui de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). S'agissant de ces deux derniers fichiers, concrètement, le raccordement n'a pas encore été effectué.
Je ne peux pas vous l'indiquer, pour l'instant ; cela dépend des deux services gestionnaires et des ressources des directions techniques du ministère de l'Intérieur et de celui des Armées. Pour l'instant, nous menons une expérimentation avec la DRSD, mais je n'ai pas de calendrier.
Pouvez-vous nous rappeler les critères d'inscription dans ces différents fichiers, notamment ceux de la DGSE, de la DRSD ou de la DGSI ?
Je ne peux pas vous indiquer quels sont ces critères pour le SIREX et le fichier de la DGSE, aux informations desquels nous n'avons, de toute façon, pas encore pu accéder. Pour ce qui est de CRISTINA, je crois que la DGSI sera mieux à même de vous répondre.
Vous pouvez donc émettre un avis en ignorant pour quelle raison une personne est inscrite dans un fichier ?
Pardon, j'avais mal compris votre question, monsieur le président. Une fois que nous avons soumis une identité à l'application ACCRED, nous obtenons, pour les fichiers que nous pouvons consulter directement, une réponse sous la forme : oui ou non. Si la réponse est positive, il revient à l'analyste-enquêteur du service, qui a un accès direct aux fichiers concernés, de consulter les informations qu'ils contiennent. Pour ce qui est des fichiers auxquels ACCRED n'a pas directement accès – celui de la DGSI, par exemple, qui est classifié –, le service gestionnaire – la DGSI, en l'espèce – reçoit une demande, qu'elle traite de son côté. Elle consulte alors son fichier en fonction des informations transmises par l'application, à savoir l'identité du demandeur et la finalité de l'enquête, et nous communique par des moyens sécurisés, en l'occurrence la messagerie classifiée ISIS (Intranet sécurisé interministériel pour la synergie gouvernementale), les informations qu'elle estime pertinentes.
Pour l'ensemble des fichiers de renseignement, c'est en effet le service gestionnaire qui nous transmet les éléments qu'il estime pertinents. Nous sommes destinataires des informations, filtrées par le service de renseignement gestionnaire.
Non, mais quand il le sera, le mode opératoire sera le même que pour les fichiers de la DGSI ou de la DRPP.
Si une personne est inscrite dans le fichier CRISTINA, par exemple, la DGSI émet un avis qui pourrait, le cas échéant, motiver votre avis d'incompatibilité ?
En fait, la DGSI n'émet pas d'avis ; elle sélectionne, dans son fichier, les éléments qu'elle estime pertinents au regard de notre enquête. La DGSI est chargée non seulement de la prévention du terrorisme, mais aussi d'autres missions liées à la protection des institutions et au contre-espionnage. Prenons l'exemple d'une personne qui est en relation avec des services de renseignement étrangers. Si l'enquête est menée en vue du recrutement d'un policier ou d'un gendarme, il peut être intéressant que la DGSI nous le signale. En revanche, cet élément n'aura pas forcément d'intérêt si l'enquête est menée dans le cadre de l'accès à un grand événement. Toutefois, toutes les informations concernant la radicalisation violente nous sont communiquées par la DGSI, quel que soit le cadre de l'enquête.
À partir de ces éléments et, le cas échéant, d'autres éléments. Une personne peut en effet figurer dans le fichier d'un des services de renseignement et être inscrite au TAJ. Dans un tel cas, si nous estimons que le fait est pertinent au regard de la finalité de l'enquête, nous sollicitons le service enquêteur afin d'obtenir des éléments de procédure, notamment l'audition de la personne ou le procès-verbal de synthèse, qui nous permettent de contextualiser, de matérialiser l'inscription au TAJ. Une fois qu'il a recueilli l'ensemble de ces éléments, l'analyste-enquêteur procède à leur analyse en se référant à la doctrine juridique du service – il en existe une par domaine d'enquête – et propose un avis.
Nous savons, Éric Diard et moi, pour avoir vu fonctionner ACCRED, que cet outil est très efficace et performant.
Ma première question porte sur les rétro-criblages. Ceux-ci sont-ils déjà mis en œuvre et, si tel n'est pas le cas, doivent-ils l'être prochainement ? Leur nombre tend-il à augmenter ? A-t-il été procédé à des rétro-criblages à la préfecture de police, par exemple ? Deuxièmement, comment envisagez-vous l'évolution de l'activité de votre service, en lien par exemple, avec l'organisation des grands événements, notamment les Jeux olympiques ? Par ailleurs êtes-vous favorable à une extension de votre champ de compétence à d'autres professions publiques, notamment dans le cadre des habilitations ? On a vu, en effet, qu'à la préfecture de police, l'habilitation était reconduite quasi automatiquement. Une enquête administrative ne serait-elle pas bienvenue dans ce domaine, de manière à mieux se prémunir ?
Ce que vous appelez le rétro-criblage désigne, en fait, une enquête en cours d'exercice destinée à s'assurer que le comportement de la personne n'est pas devenu incompatible depuis son recrutement. Le guide interministériel consacré à cette question a été diffusé récemment, mais nous avons été saisis, dans ce cadre, de trois cas par l'Inspection générale de la police nationale, dont deux concernent des personnels qui travaillent à la préfecture de police, et de 57 cas par l'administration pénitentiaire. Ce dispositif en est à ses débuts ; il doit maintenant être testé dans la pratique, car il va impliquer de nombreux échanges entre les services. Le SNEAS, quant à lui, interviendra pour les personnels civils des ministères assumant des missions régaliennes, sauf pour ceux de la police nationale – dans ce cas, c'est l'IGPN qui pilote le dispositif et qui sollicitera, le cas échéant, le SNEAS – et pour les militaires de la gendarmerie nationale et des armées, qui relèvent des services enquêteurs de leurs ministères respectifs, lesquels ont également la possibilité de solliciter le SNEAS. Dans le champ de compétence qui nous est dévolu en propre par le guide interministériel, nous avons été saisis par l'administration pénitentiaire en fin d'année dernière.
En ce qui concerne les prévisions d'activité, j'ai indiqué qu'en 2019, nous avions réalisé un peu plus de 409 000 enquêtes. Il est probable que nous en réalisions le double au cours de l'année 2020. En 2021 et 2022, il est prévu d'appliquer, notamment dans le secteur aéroportuaire et dans le domaine de la détention d'armes par des particuliers, un dispositif de criblage régulier, selon une périodicité semestrielle dans le premier cas, annuelle dans le second, qui représentera une charge relativement importante. Il est encore un peu tôt pour en parler, mais il est certain que ces nouveaux dispositifs feront très largement augmenter le volume des enquêtes.
Quant à l'organisation des Jeux olympiques de 2024, nous nous y préparons déjà. Nous avons ainsi participé aux premières réunions préparatoires avec le comité d'organisation et d'autres services, notamment l'instance de coordination nationale pour la sécurité des Jeux, en vue de réfléchir à l'application d'un criblage dans le cadre des accréditations. Il est en effet nécessaire d'anticiper sur l'organisation d'une telle manifestation car, actuellement, le dispositif de l'article L. 211-11-1 du CIS ne permet de cribler ni les participants ni les spectateurs. Pour ces derniers, la question n'a jamais été soulevée mais, pour ce qui est des participants, un tel criblage peut être pertinent ; depuis les Jeux olympiques de Munich, le Comité international olympique souhaite que l'ensemble des athlètes fassent l'objet d'une enquête administrative en vue de leur accréditation. Or, le cadre juridique actuel ne nous le permet pas. Nous devons donc réfléchir à ces questions dès cette année, notamment pour déterminer si ce cadre juridique doit être modifié.
Selon une évaluation grossière, on estime que 350 000 à 500 000 accréditations seront demandées, qui feront l'objet d'autant d'enquêtes. Pour assumer cette charge, le service devra donc recruter, au cours de l'année précédente ou des deux années précédentes, un pool d'agents, réservistes ou contractuels, spécifiquement affectés à cette tâche.
Enfin, en ce qui concerne l'évolution du périmètre des domaines d'enquête, je vous avoue que, pour les prochaines années, le cahier des charges du service est déjà lourd – vous pourrez le constater en lisant mes réponses écrites à votre questionnaire. De fait, ces domaines d'enquête sont déjà nombreux et devraient inclure prochainement l'acquisition de la nationalité française dans le cadre de la dématérialisation des procédures. Néanmoins, je sais que la mission d'information dont vous avez été rapporteur a proposé que les enquêtes soient étendues à un certain nombre de professions sensibles et que ces propositions font l'objet de travaux interministériels, mais le SNEAS n'y est pas directement associé, si ce n'est, ponctuellement, sur des questions techniques.
Madame, vous nous confirmez que, pour l'instant, s'agissant des personnels des aéroports et de leurs prestataires, notamment dans le domaine de la sécurité, rien ne passe par votre service. Qu'en est-il des autres transports publics, qui peuvent être un sujet d'inquiétude ? Je pense en particulier aux personnels de la SNCF et de la RATP. Par ailleurs, votre mission couvre-t-elle les prestataires intervenant dans les différents domaines sensibles ou a-t-il été envisagé qu'elle soit étendue à ces prestataires ?
Je vous confirme que, pour l'instant, le SNEAS n'intervient pas dans le secteur aéroportuaire, ce qui ne veut pas dire que des enquêtes administratives ne sont pas réalisées. Elles sont effectuées par la direction centrale de la police aux frontières ou, pour les rares aéroports qui ne sont pas couverts par la DCPAF, par la gendarmerie nationale ou la sécurité publique. Nous interviendrons dans ce secteur à compter de 2021, dans le cadre non seulement du criblage semestriel qui sera mis en œuvre l'an prochain, mais aussi des enquêtes initiales.
En ce qui concerne les transports de façon générale, nous avons réalisé, en 2019, au titre de l'article L. 114-2 du CSI, un peu plus de 9 900 enquêtes dans ce secteur, dont la quasi-totalité concerne en fait le transport de personnes. La RATP et la SNCF sont ainsi à l'origine d'un nombre important de demandes. Cependant, dans le domaine du transport de marchandises dangereuses, le dispositif en est encore à ses tout débuts. Le service mène donc une action de sensibilisation auprès des différents transporteurs, qu'il s'agisse des transporteurs de personnes, à travers leurs fédérations professionnelles – mais ils nous connaissent bien, à présent, et font déjà appel à nous – ou des transporteurs de marchandises dangereuses.
Vous évoquez à très juste titre les enquêtes sur les prestataires ou les intérimaires. Il est vrai que c'est un « angle mort » – pour reprendre les termes employés par la commission interministérielle de sûreté des transports terrestres, qui relève des services du Premier ministre –, mais il a été identifié. De fait, une personne qui occupe un emploi identifié comme sensible mais qui n'est pas un salarié direct du transporteur ne peut, aux termes du texte actuel, faire l'objet d'une enquête administrative. Il est donc prévu de faire évoluer prochainement le droit. Il a ainsi été demandé, dans le cadre des travaux interministériels, au ministère de la Transition écologique et solidaire d'exprimer concrètement les besoins en la matière et à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l'Intérieur, de travailler à l'évolution du texte encadrant ces enquêtes.
Un rapport assassin a montré que certains profils particulièrement contestables s'étaient vu délivrer la carte professionnelle d'agent de sécurité par le conseil national des activités privées de sécurité. Est-il envisagé de procéder à un criblage régulier des personnes agréées par le CNAPS ?
Le CNAPS s'est rapproché du SNEAS afin qu'il effectue des enquêtes administratives pour son compte. Nous examinons la faisabilité de cette mesure. Je crois savoir que le directeur du CNAPS a pour intention de pratiquer un criblage régulier des agents de sécurité en renouvelant l'enquête tous les trois ans.
Une question en marge, mais elle est d'actualité et me tient très à cœur : le suivi des centaines de djihadistes de retour sur le territoire et des personnes incarcérées pour faits de terrorisme et prochainement libérables va-t-il alourdir votre tâche ? Par ailleurs, quels liens le SNEAS entretient-il avec les services de renseignement étrangers ?
Le SNEAS n'est ni un service de renseignement ni un service d'enquête judiciaire. Nous ne sollicitons que les services de renseignement français, lesquels échangent des informations pertinentes avec leurs homologues. Nous ne sommes donc pas en contact avec les services étrangers.
J'ignore si les retours et les libérations augmenteront la charge de travail du SNEAS mais j'imagine que l'intérêt des enquêtes administratives sera d'autant plus grand qu'elles permettront de détecter ces profils dans le cadre de l'accès à des professions ou à des lieux sensibles.
Les conditions de la détention administrative sont renforcées dans d'autres pays. Certains dossiers vous inspirent-ils le souhait de voir la loi française modifiée sur ce point ? En d'autres termes, pensez-vous que faciliter les arrestations administratives serait une bonne chose dans certains cas ? C'est une question délicate, mais en tant que législateur, j'estime que lorsqu'il est question de terrorisme, la détention administrative peut s'avérer indispensable.
Cette question dépasse le périmètre de compétence du service ; elle relève des choix de la représentation nationale et de la politique du Gouvernement. Il est délicat pour moi d'y répondre.
Mes interrogations portent principalement sur les aéroports et les sociétés de sécurité privée. On le sait, il y a des trous dans la raquette et parfois même, plus de filet du tout ! Une anecdote : après l'attentat contre Charlie Hebdo, les policiers du commissariat de Sarcelles ont interpellé les personnes fichées S habitant la commune et découvert que les deux profils les plus sensibles travaillaient à l'aéroport ; l'un d'entre eux était en stage pour apprendre à conduire les camions-citernes… Ce sont souvent des sociétés d'intérim et des sous-traitants qui recrutent : comment sont-ils contrôlés ?
Pour leurs événements, les collectivités locales font appel à des sociétés de sécurité privées. J'ai été maire de Sarcelles et je m'interroge lorsque je vois qui contrôle les entrées des équipements municipaux ! Ces boîtes recrutent au dernier moment, sans toujours examiner les papiers des personnes embauchées. Lors d'un match de foot au Stade de France, j'ai reconnu des agents de sécurité qui habitaient Sarcelles. Compte tenu de leur profil, j'ai refusé qu'ils me fouillent ; la situation les a fait beaucoup rire ! (Sourires) On peut s'en amuser, mais sachez que si ces personnes avaient fait l'objet d'une enquête, elles n'auraient pu en aucun cas se trouver à ce poste ! Il y a donc la théorie d'un côté, la pratique de l'autre : comment faire évoluer la pratique pour gagner en efficacité ?
Pour ce qui est des aéroports, l'autorisation d'accès aux zones de sûreté est soumise à une enquête initiale, assurée par d'autres services de police que le SNEAS, sous la houlette du préfet territorialement compétent. L'autorisation est renouvelée tous les trois ans.
Comment est-il possible qu'une personne fichée S travaille sur une plateforme aéroportuaire ?
Ce que je peux vous dire, c'est qu'il arrive que le service de renseignement qui a émis la fiche S nous communique très peu d'informations sur l'individu sur lequel nous enquêtons, précisant seulement de quelle mouvance extrémiste il est proche. Cela ne nous permet pas de rendre un avis d'incompatibilité étayé, sachant que cet avis est susceptible de recours contentieux.
Tout dépend du cadre de l'enquête. Dans le domaine des transports de personnes et de marchandises dangereuses, il peut arriver qu'en l'absence d'éléments pouvant étayer son avis, le SNEAS soit amené à rendre un avis sans objection.
Comme le directeur général de la sécurité intérieure l'a sans doute indiqué lors de son audition, la fiche S est un moyen pour les services de renseignement de recueillir des informations. Ils peuvent donc émettre une fiche S simplement parce que la personne apparaît dans l'entourage d'une cible, sans avoir plus d'éléments contre elle.
Combien de recours ont été formés contre vos avis d'incompatibilité ? Le sont-ils devant le tribunal administratif ou le Conseil d'État ? J'imagine que ces recours sont basés sur la motivation des avis : comment et jusqu'où motivez-vous ces avis ? Le moindre doute, une seule inscription dans un fichier vous amènent-ils à émettre un avis d'incompatibilité ou faites-vous au contraire preuve de largesse et de tolérance par rapport aux exigences juridiques ?
Comment expliquez-vous que le taux d'avis d'incompatibilité pour le recrutement des agents de l'administration pénitentiaire – 2 % d'après mes calculs – soit beaucoup plus élevé que la moyenne – 0,1 % ?
Dans le domaine des transports, par exemple, nous devons disposer d'un faisceau d'indices significatifs et concordants. Aux termes de l'article L.114-2 du CSI, l'enquête doit préciser si le comportement de la personne donne des raisons sérieuses de penser qu'elle est susceptible, à l'occasion de ses fonctions, de commettre un acte portant gravement atteinte à la sécurité ou à l'ordre publics. Pour motiver un avis d'incompatibilité, il nous faut donc des informations suffisamment précises et étayées, de nature judiciaire ou provenant des services de renseignement.
Il arrive que les services de renseignement ne nous communiquent pas d'informations, soit parce qu'ils n'en ont pas, soit parce qu'ils ne peuvent les transmettre, la cible faisant l'objet d'un suivi très actif. Dans ces très rares cas, la personne est de toute façon prise en compte et une judiciarisation interviendra sous peu.
Le même article prévoit que, dans le cadre d'un recrutement, le SNEAS avise l'employeur du résultat de l'enquête – l'avis n'est, dans ce cas, pas motivé. Si l'enquête a porté sur un salarié en poste, le SNEAS doit remettre un avis motivé à la personne concernée. Celle-ci peut exercer un recours gracieux auprès du service ou contester l'avis devant le tribunal administratif de son domicile.
Nous nous astreignons, en interne, à motiver tous les avis d'incompatibilité. Mais les éléments de motivation ne sont transmis qu'aux autorités administratives ou aux autres services enquêteurs. Les textes encadrant les enquêtes administratives nous défendent de les communiquer aux demandeurs – transporteur, organisateur d'événement –, à qui nous ne donnons que le sens de l'avis.
Dans le domaine des transports, trois recours contentieux ont été formés par des salariés de la RATP, à la suite d'une mauvaise application du texte par leur employeur. En effet, l'article L.114-2 du CSI prévoit deux régimes juridiques, selon que l'enquête est préalable au recrutement ou au changement d'affectation en interne, ou qu'elle porte sur un salarié déjà en poste. La RATP nous ayant sollicités sur des candidats au recrutement, nous avons avisé l'employeur du résultat de l'enquête, sans le notifier aux personnes concernées. Or, entre-temps, la RATP avait recruté ces personnes et elle les a licenciées sur la base de cet avis. Les ex-salariés ont donc sollicité du ministère de l'Intérieur l'avis motivé, qui n'existe pas dans ce cadre d'enquête. Le Conseil d'État est saisi pour avis.
Le texte prévoit que l'enquête peut être conduite dans un délai de deux mois lorsqu'elle est préalable à un recrutement, d'un mois lorsqu'elle porte sur un salarié en poste. Il faut le reconnaître, le cadre juridique ne correspond pas à la réalité du marché de l'emploi, très tendu, dans les transports. Les embauches, notamment de conducteurs de bus ou de train, peuvent s'effectuer en quelques jours seulement et il arrive que des employeurs nous sollicitent le vendredi pour un recrutement le lundi. Comme il nous est impossible de conduire l'enquête dans des délais aussi brefs, nous procédons à l'arrêt de l'enquête menée dans le cadre du recrutement ; si les éléments qui ont été portés à notre connaissance sont de nature à motiver un avis d'incompatibilité, nous nous autosaisissons et menons, à notre initiative, une enquête portant sur le salarié en poste.
Quel est le délai des enquêtes prévues dans le cadre de l'organisation d'un grand événement ? Lorsque les sociétés sont obligées de recruter deux heures avant la manifestation parce qu'il manque du personnel, aucun contrôle ne peut être effectué !
Tous les événements organisés en France ne sont pas considérés comme de grands événements au sens de l'article L. 211-11-1 du CSI. C'est un décret qui les désigne comme tels. Les enquêtes administratives peuvent être conduites dans le délai courant entre la publication du décret de désignation et la date de l'événement. Ce délai est généralement de quinze jours, il sera certainement d'un mois pour les Jeux olympiques. L'idée est d'émettre le décret ni trop tôt ni trop tard afin que nous ayons le temps de mener nos investigations. Plus on se rapproche de la date de l'événement, plus on se trouve confronté à l'urgence. Nous pouvons ainsi, en l'absence de retour des services de renseignement, être dans l'incapacité de rendre nos avis à temps, sauf si nous disposons déjà d'éléments de nature à conclure à l'incompatibilité.
Mais l'organisateur n'est pas tenu par notre avis et il a toujours la possibilité de refuser l'accès à son site : c'est ce que font généralement les organisateurs d'événements sensibles, tant qu'ils n'ont pas recueilli notre avis. De notre côté, en situation d'urgence, nous faisons tout pour raccourcir nos délais de traitement et nous le signalons aux services partenaires.
En effet, il arrive qu'un employeur doive changer ses équipes à la dernière minute et nous sollicite en urgence. Mais pour éviter cet écueil, certains organisateurs prévoient des équipes de remplacement et nous communiquent les identités de tous les salariés potentiels. D'où l'importance du travail d'anticipation et de coordination entre le SNEAS et l'organisateur.
Vous avez dit que l'employeur n'était pas tenu de respecter votre avis. Est-ce le cas lorsqu'il s'agit d'un avis d'incompatibilité ?
Oui, de la même manière qu'aux termes de l'article L.114-2 du CSI, l'avis préalable au recrutement d'un employé ne lie pas le transporteur. Le dispositif a été créé ainsi : il ne s'agit pas d'un agrément, mais d'un avis destiné à éclairer l'employeur. Celui-ci, d'ailleurs, n'est pas obligé de nous saisir.
Toutefois, si un avis d'incompatibilité concernant un salarié en poste est rendu, l'employeur est tenu de proposer un reclassement, et en cas d'impossibilité ou de refus du salarié, de le licencier. Le SNEAS a rendu quatre avis d'incompatibilité sur des salariés en poste dans le domaine des transports en 2019.
Comment expliquez-vous le taux élevé des avis d'incompatibilité émis pour le recrutement d'agents de l'administration pénitentiaire ?
Peut-être cela s'explique-t-il par le fait que la police et la gendarmerie ne recrutent pas dans les mêmes bassins de population. Outre le bassin de population, il convient également de noter que le traitement des antécédents judiciaires (TAJ) est consulté par le SNEAS dans le cadre de ces enquêtes, ce qui n'est pas le cas pour le recrutement de la police et de la gendarmerie nationales (TAJ consulté par d'autres services enquêteurs). Cette différence peut fournir une explication pour le taux plus élevé d'avis d'incompatibilité. Ces avis d'incompatibilité ont été émis essentiellement pour des raisons de délinquance de droit commun. Sur 107 avis d'incompatibilité, 90 ont été motivés par des faits de droit commun, 5 pour une appartenance à des mouvances contestataires violentes et 12 pour une appartenance à une mouvance islamiste radicale.
Je comprends la gêne de Mme Vialatte et me permets de compléter sa réponse. Il y a deux ans, le niveau de recrutement des surveillants pénitentiaires se situait à 3 sur 20... Une anecdote m'a été relatée par des syndicalistes : un surveillant a été recruté sans que l'administration s'aperçoive qu'il portait un bracelet électronique…
Je rappelle que, depuis la loi du 22 mars 2016, les personnes occupant des fonctions sensibles dans le domaine des transports sont soumises à des criblages. Dans notre rapport d'information, Éric Poulliat et moi proposons d'intégrer les fonctions sensibles des métiers de la maintenance dans le champ de compétence du SNEAS – je ne ferai pas de dessin, cela coule de source. Nous proposons aussi de permettre aux entreprises de transports de solliciter une enquête pour toute personne, salariée d'une entreprise sous-traitante ou intérimaire, amenée à intervenir sur les fonctions sensibles. Je rappelle que la RATP compte une soixantaine de filiales et qu'elle ne peut pas demander d'enquêtes sur les employés de ses filiales !
Je souhaite revenir sur le CNAPS et plus généralement sur la sécurité privée. L'anecdote racontée par M. Pupponi nous a tous frappés. Pour moi, un match de foot doit être considéré comme un grand événement car il rassemble des milliers de spectateurs et une bombe ou un gaz toxique pourraient causer plusieurs centaines de morts.
Je suis d'autant plus sensible à la question de la sécurité privée que j'ai entendu dans le débat parlementaire qu'elle avait vocation à monter en puissance – la ministre a même usé assez maladroitement de l'expression « police privée ». Serait-il selon vous faisable – tout est question de personnel – d'effectuer un criblage systématique et obligatoire de l'intégralité des salariés des entreprises de sécurité privée ayant vocation à intervenir dans des lieux accueillant du public, comme les grands magasins ou les manifestations sportives ? De fait, si une action hostile est envisagée, il est certain que le personnel d'une entreprise de sécurité privée aura plus de facilité que quiconque à mal agir, et de manière létale.
L'article L. 211-11-1 du CSI définit les grands événements comme ceux qui sont exposés par leur ampleur ou leurs circonstances particulières à un risque exceptionnel de menace terroriste. Tous les matchs de football, pour reprendre votre exemple, madame la députée, ne font pas l'objet d'un décret les désignant comme « grand événement ».
J'aurais pu prendre l'exemple des meetings politiques, qui peuvent rassembler des milliers de personnes…
Un meeting du parti Les Républicains a même rassemblé 50 000 personnes, mais cela appartient au passé .
(sourires)
On sait que des terroristes ont été arrêtés alors qu'ils projetaient d'attaquer un meeting – on ignore toujours de quel parti ! Ce sont des cibles potentielles pour ceux qui souhaiteraient faire le plus de victimes possible.
Je comprends ; je voulais préciser mes propos et rappeler la définition d'un « grand événement ».
Concernant les agents de sécurité privée, le SNEAS sera amené, dans le courant de l'année, à conduire des enquêtes administratives préalables à l'autorisation d'acquisition et de détention d'armes. Le rôle du CNAPS demeure inchangé : il délivre aux agents la carte professionnelle initiale et donne aux entreprises leur agrément.
Il serait possible de cribler l'intégralité des agents de sécurité privée en fonction, mais cela nécessiterait du temps et des moyens. C'est dans cette perspective que le CNAPS s'est rapproché du SNEAS : la sollicitation a été transmise pour étude au cabinet du directeur général de la police nationale et au cabinet du ministre de l'Intérieur.
Le CNAPS envisage de déléguer ses enquêtes au SNEAS. Au lieu de s'adresser aux services territoriaux de police pour la vérification des fichiers, il confierait au SNEAS les enquêtes préalables à la délivrance de la carte professionnelle. La faisabilité de cette mesure est à l'étude.
Est-il selon vous nécessaire d'étendre votre périmètre de compétence ? Si oui, dans quelle direction et avec quels moyens ?
S'agissant de la préfecture de police, quels sont les contrôles que vous avez pu effectuer dans le cadre du recrutement et du criblage ? Avez-vous émis des avis d'incompatibilité ?
Je ne dispose pas d'éléments sur la préfecture de police en particulier. Au titre des enquêtes préalables au recrutement, le SNEAS n'est pas saisi par le service d'affectation mais par celui du recrutement – la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale (DCRFPN) ou la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) pour les adjoints de sécurité. Ce sont les services des ressources humaines (RH) qui nous sollicitent : nous ignorons dans quel service la personne sera affectée.
À la demande de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), nous conduisons trois enquêtes sur des policiers en poste, dont deux concernent des agents qui exercent au sein de la préfecture de police.
En aucune façon. Le dispositif est le suivant : sous le pilotage de l'IGPN, un groupe d'évaluation, équivalent central des groupes d'évaluation départementaux (GED), rassemble les services de renseignement et les services RH. C'est vers lui que remontent les signalements ; il les attribue pour traitement aux services de renseignement. En cas de radicalisation avérée et d'incompatibilité, la commission ad hoc est saisie.
Comme je l'ai indiqué, le plan de charge du SNEAS est déjà bien rempli et, excepté les pistes à l'étude, je ne vois pas à quels secteurs d'enquête supplémentaires le service pourrait s'ouvrir.
Des travaux interministériels sont en cours et une mission d'inspection intérieur-justice sera conduite pour permettre aux services d'enquête administrative, le SNEAS et le COSSEN – Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire –, d'exploiter pleinement les informations qui figurent au TAJ et d'accéder légalement à des éléments de procédure. En effet, nous nous adressons aux services enquêteurs pour obtenir des éléments de procédure judiciaire comme le procès-verbal d'audition, mais il y a un débat sur la base juridique. Pour notre part, nous considérons que nous disposons d'une libre utilisation des archives de la police nationale, mais la gendarmerie nationale ou la justice peuvent avoir une autre interprétation. La mission d'inspection et les travaux interministériels pourront conclure à une évolution du droit dans ce domaine.
La séance est levée à 16 heures 40.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Florent Boudié, M. Éric Ciotti, M. Éric Diard, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, Mme Marie Guévenoux, M. David Habib, M. Meyer Habib, Mme Marine Le Pen, M. Jean-Michel Mis, Mme George Pau-Langevin, M. Éric Poulliat, M. François Pupponi, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet