La commission entend M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l'avis du Haut Conseil relatif aux projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022
Nous recevons, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques, M. Pierre Moscovici, pour qu'il nous présente l'avis du Haut Conseil sur les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Je rappelle en effet qu'en application de l'article 14 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, il revient au Haut Conseil d'émettre un avis sur les prévisions macroéconomiques qui fondent le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ainsi que sur la cohérence entre l'article liminaire du PLF et du PLFSS et les orientations pluriannuelles de solde structurel fixées dans la loi de programmation. La proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, qui a été adoptée par notre assemblée et doit être examinée prochainement par le Sénat, tend à étendre le champ de compétence du Haut Conseil, mais c'est une autre histoire.
Je vous remercie de m'avoir invité pour que je vous présente les principales conclusions de l'avis du Haut Conseil des finances publiques relatif aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2022. Cette année sera celle, nous l'espérons tous, de la sortie de crise ; elle sera sans doute également la dernière année au cours de laquelle la clause dérogatoire du pacte de stabilité et de croissance sera en vigueur en raison des circonstances exceptionnelles.
Après le rebond de l'activité en 2021, l'année 2022 devrait marquer, en particulier sur le plan sanitaire, un retour à la normale, tant dans la marche du pays que dans la vie quotidienne de chacun ; nous pouvons tous nous en réjouir. En matière de finances publiques, il n'en ira pas de même. Rien, en effet, ne sera plus comme avant. Les finances publiques ont absorbé le choc de la crise ; le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 dessinent une situation relativement stabilisée à la sortie du « quoi qu'il en coûte ». Selon le scénario du Gouvernement, la dette atteindra un niveau record, en s'établissant à environ 114 points de PIB en 2022. Le poids de la dépense publique sera plus élevé qu'il ne l'a jamais été, à l'exception des deux années que nous venons de traverser. La particularité du contexte invite l'ensemble des institutions et organismes qui traitent de prévision économique à faire preuve d'humilité. Cette remarque vaut, bien entendu, pour le Haut Conseil, que je préside. La prévision est un exercice difficile ; elle le restera dans les prochains mois, voire les prochaines années.
Surtout, le contexte nous invite à l'action. Le cadre des finances publiques – ce n'est pas une autre histoire, cher président – doit évoluer à la sortie de cette crise majeure, comme ce fut le cas lors de la crise de la zone euro. Ainsi, le Sénat examinera prochainement en séance publique la proposition de loi organique relative à la gouvernance et la modernisation des finances publiques que vous avez défendue avec le rapporteur général. Par ailleurs, des réflexions sont engagées au niveau européen pour aménager le pacte de stabilité. Nos finances publiques ont traversé une crise inédite ; il nous faut en tirer, avec sérieux et sens des responsabilités, toutes les conséquences.
C'est dans ce contexte que le Haut Conseil a été saisi du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Rappelons brièvement la situation économique internationale. Dans la continuité du projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2021, le projet de loi de finances pour 2022 repose sur l'hypothèse de la poursuite d'une reprise économique mondiale vigoureuse, bien que moins forte qu'en 2021 – mais elle partait alors d'une base exceptionnellement dégradée. Cette reprise, d'ailleurs, reste conditionnée à l'évolution de la situation sanitaire. Mais, selon les prévisions disponibles, le PIB mondial devrait rebondir d'environ 6 % en 2021 puis de 4 % en 2022. En effet, la croissance économique mondiale fut très forte au premier semestre 2021. Selon la plupart des prévisionnistes, elle devrait l'être un peu moins au second semestre avant de continuer à décélérer, à un rythme convenable, en 2022.
La reprise est différenciée selon les pays, à l'instar de la chute de l'activité qui a varié selon l'intensité de l'épidémie, la composition sectorielle des économies et les mesures de santé publique. Ainsi, le PIB s'est contracté, sous l'effet de la crise sanitaire, d'environ 3 % aux États-Unis, de 7 % en zone euro et de 10 % au Royaume-Uni. Le rebond est également hétérogène : la croissance revient plus rapidement à son niveau d'avant la crise aux États-Unis qu'en zone euro.
La reprise est donc plus forte que prévu en 2021, mais un tassement est déjà perceptible au second semestre : l'activité ralentit en Chine et au Japon, notamment du fait des mesures de restriction prises pour lutter contre le variant delta et des difficultés d'approvisionnement. Cependant, elle n'est pas exempte de tensions concernant certains biens intermédiaires, en particulier les composants électroniques, ce qui pénalise la production automobile. Elle est également marquée par des difficultés de recrutement susceptibles de la freiner : la situation, différente selon les pays, peut être très tendue par endroits.
En définitive, l'activité dans la zone euro dépasserait son niveau de 2019 en 2022, mais le PIB demeurerait inférieur à ce qui était prévu avant la crise sanitaire. Nous retrouvons le niveau mais pas encore la trajectoire. Dans ce contexte, le retour de l'inflation est jugé temporaire par la majorité des institutions de prévision. En août, elle était supérieure à 5 % aux États-Unis et à 3 % dans la zone euro. Ce retour de l'inflation résulte de la reprise de l'activité, de la répercussion par les entreprises du coût des mesures sanitaires sur leurs prix mais aussi d'un effet de diffusion de la hausse des prix des matières premières et des biens intermédiaires.
Le principal facteur d'incertitude sur la croissance de l'activité reste l'aléa sanitaire, du fait du risque d'une résurgence de la pandémie ou d'une perte d'efficacité des vaccins face à de nouveaux variants ou au fil du temps. Des aléas positifs existent également, liés notamment au déblocage partiel de la surépargne accumulée pendant la crise ou aux plans de relance supplémentaires envisagés aux États-Unis et au Japon.
L'avis du Haut Conseil sur les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 comporte trois grands messages.
Tout d'abord, concernant le scénario macroéconomique du Gouvernement, le Haut Conseil considère que le taux de croissance du PIB envisagé pour 2021 est prudent, c'est-à-dire peut-être un peu conservateur. Quant à celui qui a été retenu pour 2022, il paraît plausible. En revanche, pour ces deux années, les prévisions en matière d'emploi et de masse salariale sont trop basses, ce qui emporte des conséquences pour les finances publiques.
S'agissant, ensuite, des prévisions de finances publiques, le Haut Conseil estime que le déficit prévu pour 2021 pourrait être moins dégradé qu'annoncé. Pour 2022, il a été saisi sur une base incomplète s'agissant des dépenses, puisque celles-ci ne comprennent pas certaines mesures importantes que le Gouvernement souhaite voir adoptées par amendement. Faute d'information sur leur chiffrage, le Haut Conseil ne peut, à ce stade, se prononcer sur le caractère plausible du solde public prévu pour 2022.
Enfin, la sortie de crise, meilleure que prévu, et le caractère particulier de l'année 2022 ne doivent pas masquer le fait que nos finances publiques sortent de la crise marquées par un niveau d'endettement inédit depuis la fin de la seconde guerre mondiale ainsi que par des dynamiques différentes en recettes et en dépenses qui invitent à la plus grande vigilance. La soutenabilité des finances publiques doit donc être activement défendue, y compris par une rénovation, une modernisation de leur système de gouvernance.
Permettez-moi d'entrer dans le détail de ces trois messages.
Le scénario macroéconomique sous-jacent du Gouvernement est soumis à l'appréciation du Haut Conseil en vertu de l'article 14 de la loi organique de 2012. Selon ce scénario, la croissance du PIB s'établirait à 6 % en 2021 et à 4 % en 2022. Cette prévision repose sur l'hypothèse d'une poursuite de l'amélioration de la situation sanitaire en France et dans la zone euro, qui reste néanmoins marquée par un certain degré d'incertitude. L'ensemble des instituts de prévision retient la même hypothèse, et le Haut Conseil y souscrit.
Pour 2021, cette hypothèse traduit une révision à la hausse des prévisions du Gouvernement par rapport au projet de loi de finances rectificative de juin dernier : le Gouvernement attendait alors 5 % de croissance, au lieu de 6 % aujourd'hui. Cette révision est fondée : elle s'inscrit dans le contexte d'indicateurs conjoncturels meilleurs qu'attendu enregistrés au cours de l'été. Bien que proche des autres prévisions, celle d'une croissance de l'activité de 6 % peut être considérée comme prudente – c'est le qualificatif retenu par le Haut Conseil pour 2021, au sens de légèrement conservatrice –, comme l'indiquent les analyses rendues publiques en septembre. L'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) prévoit en effet une croissance de 6,25 % tandis que la Banque de France, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) ou Rexecode tablent sur 6,3 %. Le consensus s'établit donc plutôt autour de 6,3 % que de 6 %. Dans l'ensemble de ces scénarios, le PIB français retrouverait son niveau de 2019 à la fin de l'année 2021 ou au début de l'année 2022, soit plus rapidement que ce qui était initialement prévu. Tant mieux !
Pour 2022, la prévision de croissance retenue par le Gouvernement s'élève à 4 %, ce qui est proche de celle des instituts de prévision. Le Haut Conseil la considère comme plausible. Des aléas à la hausse et à la baisse existent. Si les économies avancées sont devenues moins sensibles à l'évolution de l'épidémie, notamment du fait de la généralisation de la vaccination, la situation sanitaire demeure le principal aléa. Le Haut Conseil a identifié d'autres aléas à la baisse. L'effet du plan de relance, supposé d'un point de PIB en 2022, pourrait ne pas stimuler l'activité autant que prévu. De même, l'investissement des entreprises est prévu par le Gouvernement à un niveau historiquement élevé en 2022, ce qui pourrait ne pas se réaliser compte tenu des investissements importants consentis par ces dernières en 2020 et 2021 afin de mettre à niveau leurs outils numériques. Je le répète : nous parlons d'aléas, non de prévisions.
Des aléas à la hausse existent également. Le Gouvernement a retenu l'hypothèse que les ménages ramèneraient leur taux d'épargne à son niveau de 2019 ; or ceux-ci pourraient débloquer davantage l'épargne accumulée durant la crise, réduisant d'autant leur taux d'épargne. De même, l'activité pourrait être stimulée si des plans de relance complémentaires étaient mis en œuvre, notamment aux États-Unis ou au Japon.
Quant aux prévisions d'inflation du Gouvernement, elles s'établissent à 1,5 % pour 2021 et 2022, ce qui traduit un relèvement de sa prévision d'inflation sous-jacente. Ces prévisions sont affectées de nombreux aléas, à la hausse comme à la baisse, qui finissent par s'équilibrer. Par conséquent, le Haut Conseil juge les prévisions du Gouvernement réalistes – j'insiste sur les adjectifs, car ils ont leur sens dans notre taxonomie.
En revanche, il estime que celles concernant la masse salariale et l'emploi, pour 2021 et 2022, sont trop basses. En effet, elles ne tiennent pas compte des révisions importantes réalisées par l'INSEE le 8 septembre dernier, quelques jours avant la saisine du Haut Conseil. Ainsi, le Gouvernement anticipe une hausse de 327 000 emplois en fin d'année 2021 par rapport à la fin 2020 alors que les données de l'INSEE attestent d'une augmentation de 380 000 emplois dès le milieu de l'année 2021. De plus, les enquêtes de conjoncture montrent que la tendance favorable en matière de création d'emplois devrait se maintenir au troisième trimestre 2021. Pour 2022, du fait d'une base trop faible, la prévision d'emploi est également trop basse.
Récapitulons : s'agissant de la croissance, les prévisions du Gouvernement nous semblent un peu conservatrices pour 2021, plausibles pour 2022 ; en matière d'inflation, elles sont réalistes ; en matière d'emploi et de masse salariale, elles sont trop faibles pour 2021 et, par ricochet, pour 2022.
Sur le fondement de ces hypothèses macroéconomiques, le Gouvernement a prévu un déficit de 8,4 % en 2021, soit une amélioration d'un point depuis sa dernière prévision, réalisée à l'occasion du PLFR de juin dernier. Cette amélioration s'explique largement par des rentrées fiscales meilleures que prévu en lien avec l'amélioration de l'activité au cours de l'année.
Pour 2021, les prévisions de dépense apparaissent réalistes. Elles s'élèveraient à près de 60 % du PIB, en repli de près d'un point par rapport à 2020, mais encore six points au-dessus de leur niveau de 2019. Les dépenses de soutien et de relance représenteraient 91 milliards d'euros en 2021 – elles s'élevaient à 69 milliards d'euros en 2020. En revanche, la prévision de recettes publiques paraît trop basse. Le Haut Conseil considère en effet que, la prévision de masse salariale étant sous-estimée, celles des recettes publiques qui sont assises sur cette dernière – en particulier les cotisations sociales, la contribution sociale généralisée (CSG), la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), l'impôt sur le revenu – devraient être supérieures à ce qui est prévu. Compte tenu de recettes dont la prévision paraît trop basse et de dépenses qui paraissent réalistes, le Haut Conseil estime que le déficit pour 2021 pourrait être moins dégradé que prévu par le Gouvernement.
En 2022, la prévision de recettes est également affectée par la sous-estimation de la masse salariale pour 2021. Partant d'une base moins élevée, la masse salariale pour 2022 et les recettes publiques qui en dépendent devraient donc être plus élevées que prévu, à scénario de croissance inchangé. Par ailleurs, selon le scénario transmis au Haut Conseil, les dépenses des administrations publiques diminueraient de 2 %, sous l'effet de la baisse des dépenses de soutien et de relance, cette baisse étant en partie compensée par une hausse des dépenses ordinaires, en particulier dans le secteur de l'État et des administrations de sécurité sociale. Ainsi, l'objectif de dépenses totales de l'État contenu dans le PLF pour 2022 diminuerait de près de 40 milliards par rapport à la prévision d'exécution pour 2021. En revanche, les moyens de l'État seraient largement augmentés s'agissant des dépenses ordinaires, les missions des ministères augmentant de près de 12 milliards d'euros, dont environ un tiers correspond à des dépenses inscrites dans des lois de programmation : défense, recherche, aide publique au développement, justice.
Quant aux dépenses des administrations de sécurité sociale, elles stagneraient en valeur en 2022, la baisse des dépenses de crise compensant un certain dynamisme de la dépense ordinaire. La hausse des prestations de retraite et les dépenses liées au Ségur de la santé, qui sont durables, sont compensées en 2022 par la baisse des dépenses de santé liées à la crise, la quasi-extinction de l'activité partielle et, dans une moindre mesure, par les économies réalisées grâce à la réforme de l'assurance chômage. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) serait plus dynamique qu'il ne l'était avant la crise dans son périmètre dit ordinaire. En effet, il augmenterait de 3,8 % hors dépenses exceptionnelles, de 2,6 % hors Ségur et dépenses exceptionnelles, alors que son taux de croissance était compris entre 2,2 % et 2,5 % de 2017 à 2019.
Enfin, les dépenses des administrations publiques locales augmenteraient, selon le Gouvernement, d'un peu moins de 3 % en 2022, contre près de 5 % en 2021, le Gouvernement s'attendant à un ralentissement de l'investissement local après le rebond qu'il a connu en 2021, du fait d'un rattrapage des investissements non réalisés en 2020 et du cycle électoral.
Dans l'ensemble, la prévision de dépenses pour 2022 est raisonnable, au vu des éléments transmis au Haut Conseil. Mais ceux-ci sont incomplets, car ils ne prennent pas en compte des dépenses annoncées par le Gouvernement, comme le plan d'investissement ou le revenu d'engagement. Le Haut Conseil a demandé à ce dernier qu'il lui donne une estimation de ces deux postes de dépenses, mais les informations ne lui ont pas été communiquées, les arbitrages n'ayant pas été rendus.
Ces conditions de saisine ne permettent pas au Haut Conseil d'établir un diagnostic complet sur les projets de loi concernés. Les recettes pour 2022 sont probablement sous-estimées, de même que les dépenses ; elles peuvent donc s'équilibrer, mais nous ne pouvons pas dire dans quelle mesure. Ainsi, le Haut Conseil ne peut pas porter une appréciation sur la plausibilité du déficit public attendu par le Gouvernement à moins 4,8 points de PIB. Dans ces conditions, il rappelle que si, comme c'est vraisemblable, le scénario macroéconomique et de finances publiques était modifié pour prendre en compte ces mesures supplémentaires, une nouvelle saisine du Haut Conseil par le Gouvernement serait nécessaire pour qu'il puisse remplir son mandat et éclairer pleinement la représentation nationale et le citoyen.
Rappelons qu'aux termes de la loi organique, le Haut Conseil doit également se prononcer sur la cohérence de la trajectoire de solde structurel retenue dans le PLF 2022 avec celle de la loi de programmation des finances publiques. Il lui faut vérifier s'il existe un écart important – supérieur à 0,5 point de PIB – avec la trajectoire prévue. À cet égard, je l'ai dit à moult reprises, il est nécessaire d'adopter une nouvelle loi de programmation des finances publiques, celle-ci étant caduque, qu'il s'agisse du scénario macroéconomique – en particulier du niveau de PIB potentiel, devenu obsolète à la suite de la crise sanitaire – ou des finances publiques.
Toutefois, je me dois de vous donner les éléments à retenir de la situation du solde structurel par rapport à la programmation pluriannuelle. Le solde structurel calculé dans le PLF pour 2022 sur la base de l'hypothèse de PIB potentiel initialement prévue dans la loi de programmation s'établirait à moins 3,7 points de PIB, soit un écart de trois points avec la trajectoire prévue. Il s'agit d'un écart important au sens de la loi organique, mais le déclenchement de la clause de circonstances exceptionnelles permet à la France de s'écarter temporairement de cette trajectoire.
Le Gouvernement a actualisé, dans le cadre du PLF pour 2022, la révision qu'il avait apportée au niveau du PIB potentiel dans le cadre du PLF pour 2021, pour tenir compte des conséquences de la crise sur le potentiel productif de l'économie. Mesuré avec cette hypothèse révisée de PIB potentiel, le solde structurel s'établirait, non pas à moins 3,7 points de PIB, mais à moins 4,7 points de PIB, avant même l'intégration des dépenses manquantes, en particulier le plan d'investissement et le revenu d'engagement. Ce solde structurel se situe loin de l'objectif à moyen terme des finances publiques que s'est fixé la France dans la loi de programmation des finances publiques, qui est de moins 0,4 point de PIB. Je le dis pour la forme, car, encore une fois, la loi de programmation est obsolète, caduque. Il est tout à fait compréhensible que vous n'en ayez pas adopté une autre dans le contexte de la crise, mais, une fois la situation stabilisée, sans doute en 2022, nous ne pourrons en faire l'économie.
J'en viens à mon dernier message. La situation actuelle des finances publiques est exceptionnelle, inédite depuis 1945. La reprise, plus forte qu'attendu, et le maintien de taux à long terme proches de zéro – sous l'effet, notamment, de la politique monétaire – ne doivent pas masquer la réalité budgétaire sous-jacente. La situation des finances publiques s'est profondément modifiée. Le poids de la dépense publique, à l'issue du « quoi qu'il en coûte », est supérieur de près de deux points à ce qu'il était en 2019. De fait, on observe une sorte d'effet de cliquet. La mer se retire, mais pas complètement : à chaque sortie de crise, les dépenses publiques augmentent un peu – en l'espèce, de deux points de PIB !
La dette a augmenté de dix-sept points depuis 2019. Le PIB potentiel de l'économie française a probablement diminué et les importants allégements de prélèvements obligatoires décidés, tant pour les entreprises que pour les ménages, au cours des dernières années pèseront durablement sur les recettes publiques. Dès lors, il sera sans doute plus difficile que par le passé de réduire le poids de la dette dans le PIB. Il faudra donc adopter, comme la Cour l'a recommandé dans l'audit qu'elle a rendu au mois de juin, une double stratégie de croissance et de désendettement.
L'enjeu, pour la France, est d'enclencher durablement une décrue de l'endettement après plusieurs décennies de croissance quasi continue. Les dépenses de crise étaient nécessaires pour faire face à l'épidémie et éviter que l'économie ne s'affaisse, mais j'appelle, au nom du Haut Conseil, à la plus grande vigilance quant à la hausse rapide des dépenses ordinaires. Celles-ci ont crû d'une manière importante, et plus rapidement que le PIB, entre 2019 et 2022. Il semble ainsi essentiel que d'éventuels surplus de recettes soient, non pas immédiatement recyclés dans des dépenses nouvelles, mais affectés en priorité au désendettement.
Dans ce contexte, le Haut Conseil des finances publiques doit jouer son rôle. Rappelons qu'il a été créé par le législateur organique pour être la vigie des finances publiques et un tiers de confiance pour le Parlement lors de l'examen des projets de loi financière. Jamais, peut-être, il n'a été aussi nécessaire pour le Parlement de bénéficier d'une expertise indépendante sur le cadre macroéconomique et la situation des finances publiques. Plusieurs analyses indépendantes ont démontré que le Haut Conseil avait, depuis 2012, contribué à améliorer le réalisme des prévisions macroéconomiques, qui est au cœur de son mandat actuel.
Une réforme de ce mandat est prévue dans la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Je salue votre volonté d'œuvrer en faveur d'une rénovation moderne et utile de notre cadre de finances publiques. Les aménagements prévus dans cette proposition de loi organique, s'ils ne placent pas encore le Haut Conseil sur un pied d'égalité avec certains de ses homologues européens, assoient son mandat, qui est, pour l'heure, l'un des plus limités au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il s'agit d'abord d'étendre ce mandat à l'examen du réalisme des prévisions de recettes et de dépenses inscrites dans les projets de loi de finances initiale et rectificative. C'est un élément essentiel pour permettre au Haut Conseil d'exercer pleinement son rôle.
Le texte, tel qu'il a été adopté par la commission des finances du Sénat, prévoit de limiter cet examen à la cohérence avec le scénario macroéconomique, ce qui me paraît trop réducteur. Prenons l'exemple du présent avis : les hypothèses de dépenses sont cohérentes avec le scénario macroéconomique, mais elles ne sont pas toutes réalistes. Il en est de même pour les prévisions de recettes. La discussion du texte n'est pas terminée, mais il me semblait important de souligner ce point devant votre commission : le réalisme n'est pas la cohérence, il est plus puissant que cette dernière. Pour porter une appréciation complète sur les prévisions de finances publiques, le Haut Conseil doit pouvoir examiner le réalisme de l'évaluation des mesures nouvelles les plus significatives. Tant pour les recettes que pour les dépenses, le réalisme des prévisions dépend de la qualité du chiffrage des nouveaux dispositifs. Il ne s'agit nullement de se substituer au Parlement dans son rôle de contrôle de l'exécutif, mais au contraire de vous apporter des analyses indépendantes et complémentaires de celles que vous pouvez mobiliser. À cet égard, il faut aller au-delà de ce qui est prévu.
Enfin, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, vous souhaitiez confier au Haut Conseil l'élaboration d'un rapport sur la soutenabilité de la dette, complémentaire de celui du Gouvernement sur le même sujet. Cette disposition a été supprimée par un amendement gouvernemental dont les motifs ne m'ont pas totalement convaincu. Je regrette vivement cette suppression, alors que le ratio d'endettement de la France a augmenté de près de 17 points de PIB depuis le déclenchement de la crise sanitaire et que plusieurs de nos homologues européens disposent de cette capacité.
La dette doit faire l'objet d'un débat démocratique qui s'appuie sur des analyses indépendantes. C'est un sujet hautement politique. Ce qui peut inquiéter les marchés – j'en parlais avec plusieurs économistes membres du Haut Conseil –, ce n'est pas l'existence d'un tel débat, mais plutôt son absence. En outre, il ne faut rien cacher aux citoyens, mais au contraire éclairer les décisions et l'avenir. Il serait très regrettable qu'on ne saisisse pas l'opportunité qu'offre la proposition de loi organique pour poursuivre le mouvement de renforcement de la transparence des finances publiques.
Je vous remercie pour cet avis énergique, présenté sans langue de bois ; il comporte beaucoup de messages.
Il faut évidemment apprécier l'état de nos finances publiques à la lumière de la crise que nous avons traversée. Je partage votre analyse : rien ne sera plus comme avant. Encore faut-il ne pas conserver les mêmes réflexes. Nous devons donc tirer toutes les conséquences, toutes les leçons de la crise, non seulement en matière d'investissement et de préparation de l'avenir, mais aussi en matière de contrainte financière – contrainte qui est aussi vieille que le monde.
Avant d'en venir au fond, je reviendrai sur la forme. Hier, la presse, toujours bien informée, s'est fait l'écho de négociations et de débats avec le Gouvernement qui vous auraient conduit à édulcorer l'avis. Y a-t-il eu discussion – l'indépendance ne l'excluant pas – et le rapport a-t-il été modifié ?
Comme le Gouvernement, vous indiquez que, fin 2021 ou début 2022, nous retrouverons le niveau de PIB de 2019. Tant mieux ! Mais n'oublions pas la perte de richesse provoquée par cette crise, c'est-à-dire la part de PIB qui a définitivement disparu, à moins que la hausse du potentiel de croissance ne permette de la compenser. Elle est estimée à environ 280 milliards d'euros. Il faut l'avoir en tête afin d'évaluer correctement l'état des finances publiques, et plus largement celui de l'économie.
S'agissant de la croissance, vous estimez que les prévisions sont prudentes. Dont acte. Du reste, le Gouvernement a été globalement prudent dans ses prévisions, et il l'a indiqué. C'est une bonne chose. Si la croissance est plus importante, les résultats seront meilleurs que ceux prévus aujourd'hui.
Quant à l'inflation, est-elle si conjoncturelle que le disent les économistes ? Elle est aussi le fruit de tensions – je pense au niveau de la masse monétaire, aux tensions géopolitiques, aux tensions entre l'offre et la demande, aux tensions d'approvisionnement… –, pour certaines structurelles. Il est donc probable qu'elle reprenne de la vigueur, et peut-être un peu plus que ne le prévoit le Gouvernement. Certes, elle reste bien inférieure à l'objectif de 2 %, mais le fait qu'elle ait un caractère temporaire ou, au contraire, durable n'est pas sans conséquences.
Sur l'emploi, la masse salariale et les recettes, les prévisions sont également très prudentes : probablement enregistrerons-nous de meilleurs résultats.
Vous avez indiqué par ailleurs que le Haut Conseil a été saisi sur une base incomplète. Le sujet est important. Le Gouvernement a en effet décidé d'attendre avant de faire connaître toutes les dépenses qu'il souhaite engager. Le fera-t-il ou ne le fera-t-il pas ? Nous l'ignorons. Quoi qu'il en soit, vous vous abstenez – et c'est une grande nouveauté – de donner un avis sur le solde, estimant que vous n'en avez pas les moyens. Le Gouvernement présente une augmentation des dépenses courantes de l'État de l'ordre de 11 milliards d'euros. Elle est importante, tout en étant du même ordre de grandeur que les autres années, mais elle est probablement très sous-estimée. Le Gouvernement n'a pas l'obligation de saisir le Haut Conseil des amendements qu'il pourrait présenter, mais uniquement s'il entend réviser les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposait initialement son projet. Souhaitez-vous néanmoins qu'il vous saisisse s'il dépose des amendements modifiant substantiellement l'équilibre ? En avez-vous discuté avec lui ?
Après avoir expliqué ne pas pouvoir vous prononcer, vous avez ajouté qu'il y aurait sans doute plus de dépenses mais également plus de recettes, de sorte que les secondes pourraient compenser les premières. Cette approche reste très généraliste. En tout état de cause, on ne peut gager l'augmentation des dépenses ordinaires par la baisse de dépenses exceptionnelles – cet effet cliquet serait terrible. Il ne faut pas mettre le doigt dans un tel engrenage : la crise ne peut avoir pour conséquence une augmentation du niveau des dépenses ordinaires au-delà de la norme. La France n'en a pas les moyens.
Enfin, en juillet, l'Assemblée nationale a amendé puis adopté la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques que j'avais déposée avec le rapporteur général, Laurent Saint-Martin. Nous verrons, après son examen par le Sénat, comment se passera la CMP. Peut-être pourra-t-on aboutir à des compromis positifs. En tout cas, il est utile que vous vous exprimiez sur ce sujet.
Tout d'abord, je tiens à souligner – puisque, depuis hier, les commentaires se focalisent sur le fait que le Haut Conseil n'aurait pas été pleinement éclairé – que le projet de loi de finances pour 2022 traduit des choix politiques assumés et sincères, qui reflètent notre capacité de bonne gestion, laquelle a été démontrée depuis le début de la législature, ainsi que notre capacité à protéger le pays – le « quoi qu'il en coûte » – et à relancer son économie grâce à différents types d'investissements, tout en augmentant les dépenses affectées à des politiques publiques prioritaires, notamment celles des ministères régaliens, pour lesquels un rattrapage politique était nécessaire – nous y reviendrons.
Cela dit, vous avez raison, des inconnues subsistent concernant le montant des crédits consacrés au revenu d'engagement et au plan d'investissement, qui feront l'objet d'amendements au projet de loi de finances pour 2022 et donneront lieu à une nouvelle analyse du cadrage macroéconomique par le Haut Conseil. J'observe, du reste, que, lors de l'examen du PLFR 3 pour 2020, vous aviez émis des réserves similaires au motif que les plans sectoriels n'étaient pas intégralement pris en compte dans le texte qui vous était soumis. Le fait est que nous ne sommes pas encore sortis de la zone de turbulence sanitaire qui perturbe nos travaux depuis dix-huit mois. Dans ce contexte, mes chers collègues, il est plus important de se pencher sur l'efficacité politique des mesures prises par le Gouvernement que de se préoccuper des incidences de la situation sur nos travaux.
En tout état de cause, il importe que le Haut Conseil puisse émettre un avis sur l'ensemble du projet de loi de finances. C'est pourquoi j'ai plaidé pour qu'il soit à nouveau saisi après le dépôt des amendements.
J'en viens au fond. Compte tenu des éléments les plus récents disponibles sur l'emploi et la masse salariale, le Haut Conseil considère que les prévisions de recettes pour 2021 et 2022 pourraient être sous-évaluées. Êtes-vous en mesure d'estimer les potentielles plus-values de recouvrement ?
Par ailleurs, en 2022, la part des dépenses publiques dans le PIB serait, avez-vous indiqué, supérieure de 2 points – 1,8 point en réalité, mais peut-être anticipez-vous sur les dépenses liées aux amendements à venir – à celle de 2019. Toutefois, si les dépenses d'urgence devraient être quasi nulles, celles consacrées à la relance se poursuivront. Aussi, pourriez-vous affiner votre constat, partagé par Éric Woerth : qu'en est-il si l'on laisse de côté les dépenses non pérennes, notamment celles du plan de relance ? Si nous ne prenons pas cet élément en compte, le débat est un peu biaisé.
Si je partage la préoccupation du Haut Conseil concernant le niveau de l'endettement public, j'observe néanmoins, pour 2021 et 2022 – et c'est ce qui me paraît intéressant – une nette baisse de la prévision du ratio de dette publique par rapport à celle du programme de stabilité et à celle qui a été mentionnée lors du débat d'orientation des finances publiques du mois de juillet. Cette tendance vous semble-t-elle de bon augure pour les années à venir ?
Le rebond actuel de l'inflation risque-t-il, selon vous, d'avoir des conséquences durables sur l'économie ? Nous connaissons tous les sujets de préoccupation de nos concitoyens, notamment en ce qui concerne les prix de l'énergie.
Vous formulez, en matière de politique budgétaire, une proposition nouvelle, qui consiste à consacrer au désendettement tout excédent de recettes par rapport à la prévision. Sur le fond, je suis d'accord avec vous, même si j'ai été étonné par la forme. Nous aurons l'occasion de discuter avec le Gouvernement de cette question, qui fera probablement aussi l'objet de débats dans le cadre des prochaines échéances électorales. Au demeurant, le projet de loi de finances pour 2022 ne reprend-il, d'une certaine façon, pas votre préconisation en affectant une part des fruits de la croissance au remboursement de la « dette covid » au sein d'un programme spécifique ?
En conclusion, grâce la proposition de loi organique que je défends avec Éric Woerth, nous avons, enfin, programmé l'instauration, de façon claire et officielle, d'un débat sur l'endettement public et les conditions de financement de la dette, et nous nous en réjouissons.
Je suis particulièrement attaché à la bonne information de la presse mais je suis fort marri, voire fâché, que des fuites, qui plus est impressionnistes, se soient produites. Car ce qui a été publié, ce n'est pas l'avis du Haut Conseil, ce sont des notations, d'ailleurs totalement erronées, sur le climat des discussions et sur certaines étapes d'élaboration de cet avis. J'ai donc rappelé, avec fermeté et douceur, leur devoir de discrétion aux membres du Haut Conseil. En tant que président de cette institution, je dois veiller à son indépendance, maîtriser ses débats et vous en présenter les résultats, et garantir sa crédibilité. Je n'ai donc pas apprécié ces fuites, qui, de surcroît, n'ont aucune forme de vraisemblance.
Comment procédons-nous ? Le Haut Conseil auditionne les administrations, qui viennent lui présenter le PLF et le PLFSS, après avoir entendu des prévisionnistes. Ensuite, nous avons, à partir d'un projet de rapport élaboré par le secrétariat général, un débat interne au cours duquel sont rédigées plusieurs versions successives du rapport ; cette année, il y en a eu trois. L'avis est donc le fruit d'une délibération collégiale progressivement éclairée ; le pluralisme de ces visions fait tout l'intérêt du Haut Conseil.
Je tiens à le dire de la façon la plus nette : il n'y a aucun contact, aucune négociation avec le Gouvernement durant la rédaction de l'avis. À aucun moment je ne me suis entretenu avec le ministre de l'économie ou avec le ministre chargé des comptes publics. Pour être tout à fait transparent, je leur ai parlé hier, pour leur dire que je regrettais ces fuites, qui ne confortent pas la crédibilité du Haut Conseil. Plus celui-ci sera discret, plus son mandat sera étendu, plus il travaillera sérieusement, plus il sera indépendant et plus sa crédibilité sera forte. J'ajoute qu'une extension de son mandat limiterait, en outre, le risque de fuites, car celles-ci traduisent toujours une certaine frustration. Encore une fois, nos travaux sont totalement indépendants et collégiaux : cet avis est le fruit des échanges des membres du Haut Conseil, et d'eux seuls. Il n'y a aucune forme d'influence extérieure : les négociations n'existent pas.
Vous m'interrogez, monsieur le président, sur la perte de richesse provoquée par la crise sanitaire. Si l'on compare la trajectoire du PIB en volume du PLF 2022 et celle du rapport économique, social et financier de l'automne 2019, cette perte atteint, en réalité, plus de 300 milliards d'euros. Il s'agit d'une perte définitive, qui correspond, pour partie, à la non-consommation – laquelle n'a pas d'incidence sur l'avenir –, pour partie, à la baisse de l'investissement et, pour partie, de manière plus limitée, à l'endettement du secteur public et du secteur privé, ce qui nous ramène encore à la question de la soutenabilité de la dette publique, sujet crucial.
S'agissant de l'inflation, le Haut Conseil estimait, dès le mois d'avril, qu'elle serait probablement, en 2021, plus élevée que prévu par le Gouvernement. De fait, elle s'est déjà redressée. La prévision du Gouvernement pour 2021 nous semble plausible, compte tenu de ce que nous connaissons des huit derniers mois, tout comme la prévision pour 2022. Il est vrai, monsieur le président, que des facteurs de hausse de l'inflation perdurent : l'augmentation passée des prix des matières premières commence à peine à produire ses effets ; le retour à la normale de la demande de services des ménages n'est pas achevé ; une pression sur les salaires n'est pas exclue en 2022. Mais, je le répète, les économistes n'attendent pas de hausse entretenue ou auto-entretenue de l'inflation, certains des facteurs de hausse étant transitoires.
Le Haut Conseil sera-t-il à nouveau saisi ? En tout cas, dans notre avis, nous passons le message au Gouvernement, et j'ai bien entendu le souhait de Laurent Saint-Martin, qui va dans le même sens. Si j'ai fait une mise au point un peu ferme concernant nos méthodes de travail, c'est parce que nous ne jouons pas et ne voulons pas jouer de rôle politique. Nous sommes là pour certifier ou garantir des chiffres. Quand le projet de loi est incomplet, la seule chose que je puisse dire, c'est qu'il y aura peut-être plus de recettes et de dépenses. Vous avez raison, monsieur le président, c'est une appréciation très généraliste, mais nous ne pourrons nous prononcer sur la plausibilité de la prévision de déficit de 4,8 % que lorsque nous aurons connaissance de tous les amendements et des chiffrages associés.
Lorsque ceux-ci seront connus, il serait pertinent, pour que le Haut Conseil joue pleinement son rôle, que nous en soyons saisis afin de vous indiquer si le chiffre définitif du déficit, tel qu'il résultera des modifications éventuelles du scénario macroéconomique, est plausible. C'est important non seulement pour vous, mais aussi – je le sais en raison de mes précédentes fonctions – vis-à-vis de Bruxelles, où l'on examine l'avis du Haut Conseil, institution indépendante, pour déterminer si le déficit est plausible ou non. Si je souhaite que nous soyons saisis des amendements, ce n'est pas pour ennuyer qui que ce soit ou pour porter un jugement politique, c'est pour certifier le chiffre, ce que nous ne pouvons faire en l'état.
Monsieur le rapporteur général, est-il possible d'affiner le constat du HCFP afin de connaître l'évolution des dépenses publiques 2022 nette des dépenses non pérennes, notamment celles liées au plan de relance ? Le ratio de dépense publique hors crédits d'impôts rapporté au PIB s'établit à 55,6 % en 2022. Si l'on retranche les dépenses non pérennes, qui représentent, toujours en 2022, 28,9 milliards, soit 1,1 % de PIB, on aboutit à un ratio de 54,5 %, soit une augmentation de 0,4 point par rapport à 2019. Mais j'appelle votre attention sur le fait qu'il s'agit d'une sous-estimation de la hausse pérenne du ratio de dépenses. En effet, toutes les dépenses annoncées ne sont pas prises en compte et celles liées aux vaccins, intégrées aux dépenses d'urgence, risquent d'être durablement plus élevées.
La baisse du ratio de dette publique en 2022 est-elle de bon augure pour les années à venir ? Le programme de stabilité prévoyait déjà une baisse du ratio de dette de 1,4 point de PIB en 2022, proche de celle prévue dans le PLF 2022. Cette baisse s'expliquait par un déficit inférieur au déficit stabilisant le ratio de dette, du fait notamment du rebond de la croissance nominale. Le programme de stabilité prévoyait une nouvelle remontée du ratio de dette de 0,8 point de PIB en 2023 et en 2024, puis de 0,3 point de PIB en 2025. En résumé, c'est moins mauvais que certaines prévisions antérieures, mais cela ne nous dispense absolument pas de débattre, probablement dès l'automne 2022, d'une nouvelle loi de programmation des finances publiques qui soit dotée d'un caractère contraignant et programme de façon claire une trajectoire de dette s'infléchissant entre 2023 et 2027. C'est le souhait exprimé par la Cour des comptes dans le rapport qu'elle a remis au Président de la République et au Premier ministre. Les débats auront sans doute bientôt lieu devant les Français, puis ici, sous la prochaine législature.
Quant au cantonnement de la « dette covid », à ce stade, on ne connaît pas le détail du dispositif retenu. S'il s'agit simplement d'isoler un certain montant de dette dans un programme spécifique, cela n'aura pas de conséquences sur le montant de la dette à rembourser. S'il s'agit d'affecter tout surcroît de recettes, lié par exemple à une meilleure croissance, à ce programme spécifique, cela n'aura pas non plus d'effet particulier. Ce n'est que si le cantonnement s'accompagne d'une recette nouvelle que le ratio de dette s'améliorera, mais je n'ai rien entendu de tel et je n'ai rien à suggérer en la matière.
Je suis d'accord avec vous, monsieur le président du Haut Conseil : il est essentiel que seules les conclusions de son travail collégial comptent dans le débat public. C'est la garantie de sa crédibilité et de son indépendance.
Ce qui me frappe, dans l'avis que vous nous présentez et le projet de loi de finances pour 2022, c'est la cohérence des choix qui ont été faits avec la politique menée depuis 2017 : côté recettes, une baisse d'impôts sans précédent, contrairement à ce que certains ont pu prétendre ; un soutien de l'investissement, direct ou dans le capital humain, dans des domaines essentiels comme la sécurité ou la justice ; la volonté de protéger les Français.
Le président de la commission l'a dit, il est essentiel d'analyser nos finances publiques à la lumière de la crise que nous traversons. À la lecture de l'avis, ce qui me marque, c'est l'efficacité de la gestion de la crise, des mesures d'urgence et de la relance. De fait, vous indiquez que les indices du climat des affaires demeurent proches des points hauts atteints durant la décennie précédant la crise sanitaire, vous estimez qu'en moyenne, en 2022, le PIB se situerait 1,4 point au-dessus de son niveau de 2019 et vous observez une nette amélioration du marché du travail depuis le début de l'année.
Vous formulez deux remarques principales. La première concerne l'absence de deux dispositions dans le texte initial. Nous ne pouvons que vous rejoindre sur ce point, même si l'on peut comprendre qu'un plan d'investissement à l'horizon 2030 soit assez complexe à mettre en œuvre – nous aurons l'occasion d'y revenir dans les prochaines semaines.
La seconde concerne la prudence dont le Gouvernement fait preuve, tant en termes de prévisions de croissance que de recettes – depuis le début du quinquennat, du reste. Or il me semble que nous devons nous féliciter de conserver ainsi des marges de manœuvre pour les mois à venir.
À ce propos, vous insistez beaucoup, dans votre avis, sur le risque sanitaire. Mais qu'en est-il des autres risques, plus traditionnels ? Je pense notamment aux conséquences que pourrait avoir l'inflation si elle ne baissait pas rapidement.
Par ailleurs, pourriez-vous nous exposer la teneur de vos échanges avec vos homologues européens sur la gestion de la « dette covid », la problématique étant probablement similaire ailleurs en Europe ? Comment envisagent-ils d'éponger cette dette accumulée au cours des dix-huit derniers mois ?
Je vous remercie pour cet avis, qui a le mérite de nous éclairer dans un environnement trouble. Lorsqu'on connaît le langage mesuré du Haut Conseil des finances publiques, on mesure l'enjeu et le caractère dramatique de la situation.
Comme vous le soulignez, le projet de budget comprend des trous dans les dépenses mais également dans les recettes, puisque celles issues de l'évolution des salaires sont sous-estimées.
À ceux de mes collègues de la majorité qui ont évoqué le sérieux budgétaire, je répondrai en soulignant l'écart qui existe entre la France et l'Allemagne, écart qu'illustrent deux chiffres. En 2021, la dette publique de la France va atteindre 115 % du PIB alors que celle de l'Allemagne n'est que de 70 % du PIB ; la balance commerciale de l'Allemagne présente un excédent de plus de 180 milliards d'euros, alors que notre déficit dans ce domaine atteint 82 milliards d'euros, soit une différence de plus de 260 milliards. Comment peut-on, dès lors, parler de sérieux budgétaire ?
Par ailleurs, le Gouvernement prévoit une baisse du taux d'épargne. Toutefois, celui-ci ne pourrait-il pas augmenter en l'absence d'une réforme des retraites ? On sait en effet que la situation des retraites est un souci majeur pour nos concitoyens et qu'elle les conduit à épargner.
Ma deuxième question porte sur la soutenabilité de la dette publique. On évoque le fait qu'une augmentation d'un point des taux d'intérêt conduirait à un surcoût de 30 milliards d'euros sur dix ans. Pouvez-vous le confirmer ?
Enfin, selon mes calculs, les dépenses ordinaires ont augmenté de 99 milliards d'euros en trois ans. Validez-vous ce chiffre ?
Merci pour cet avis, qui ne manquera pas d'alimenter nos discussions au cours des prochains mois. Il prouve que nous avons raison de vouloir accroître le rôle du Haut Conseil dans le cadre de la proposition de loi organique présentée par le président Éric Woerth et le rapporteur général Laurent Saint-Martin.
Vous soulignez que les hypothèses de croissance sur lesquelles est fondé le projet de loi de finances pour 2022 sont prudentes – c'était déjà le cas en 2020. Nous ne pouvons que souscrire à ces hypothèses, compte tenu de la période d'incertitude dans laquelle nous nous trouvons. Du reste, l'essentiel du moindre déficit permet d'accroître davantage encore l'effort en faveur de la relance et du rétablissement de l'économie française. Grâce à tous les efforts consentis au cours des deux dernières années, le rapport entre la dette publique et le PIB commence à baisser, pour la première fois depuis dix ans.
S'agissant de l'inflation, l'hypothèse figurant dans le PLF est de 1,5 % pour 2021 et pour 2022, après 0,5 % en 2020. On observe en effet ces derniers mois une accélération de l'inflation, qui s'explique par la reprise et par le déséquilibre entre une offre mondiale qui demeure restreinte et une demande qui explose. Le consensus des économistes considère ce phénomène comme transitoire. Mais ne craignez-vous pas des effets de second rang, qui seraient dus, par exemple, à une hausse des salaires pouvant conduire à un dérapage de l'inflation à court terme ? Quels ont été les débats sur ce point au sein du Haut Conseil ? Y a-t-il un risque de surchauffe de l'économie française à moyen terme ?
Le PLF pour 2022 est incomplet, daté et tardif : ce sont les termes que vous avez employés lors de l'audition du ministère de l'économie et des finances par le Haut Conseil.
Vous envoyez d'ailleurs un signal en refusant, pour la première fois, de vous prononcer sur le niveau de déficit prévu pour l'an prochain. De fait, les prévisions de dépenses sont floues, puisque ne figurent pas dans le texte celles que le Gouvernement compte ajouter au cours de l'examen parlementaire. Vous ne le dites pas aussi clairement qu'en 2016, peut-être pour préserver les apparences, mais la réalité est tout aussi certaine : ce budget s'annonce insincère et l'objectif de déficit est improbable.
Cette situation nous remémore le début de la législature, quand fleurissaient les leçons de morale budgétaire du Gouvernement et de la majorité. Les qualificatifs employés aujourd'hui sont beaucoup moins forts qu'alors ; le Gouvernement peut vous remercier de votre bienveillance.
Le déficit est affiché à 4,8 %, niveau que vous ne validez pas. En effet, le Président de la République a annoncé 5 milliards d'euros de nouvelles dépenses. Pour les financer, le Gouvernement s'abrite derrière une prévision prudente de croissance et de recettes. Le jeu d'écriture n'a pas échappé à la presse. Dire que les dépenses rentreront dans l'ordre en 2022 n'engage que ceux qui veulent bien y croire. La hausse des dépenses courantes de 3,1 % en volume en 2021 me conduit à être tout à fait sceptique. Pensez-vous que le Gouvernement sera capable de compenser ces dépenses nouvelles ?
Il faut en finir avec la pratique consistant à ajouter par voie d'amendement gouvernemental des dispositifs qui coûtent monstrueusement cher : c'est contraire à l'esprit de la Constitution et de la loi organique relative aux lois de finances. Tout amendement du Gouvernement doit être soumis à la même procédure que l'ensemble du PLF. On annonce 30 milliards d'euros pour le plan d'investissement et d'un à 3 milliards d'euros au titre du revenu d'engagement pour les jeunes. Si l'on prend en compte ces montants, quel déficit atteint-on ?
Enfin, quel est votre avis sur la ligne stratégique retenue ? La relance américaine est centrée sur la demande et permet plus qu'un rattrapage, puisque les États-Unis dépasseront les niveaux atteints avant la crise. Le choix du Gouvernement d'une relance par l'offre est-il le bon ?
L'avis du Haut Conseil a le mérite d'être clair et de mettre en garde le Gouvernement sur des points essentiels.
Certes, nous aurions, nous aussi, préféré que l'intégralité des mesures budgétaires figurent dans le projet de loi initial. Mais il nous faut prendre en considération les circonstances exceptionnelles qui conduisent le Gouvernement à procéder ainsi.
S'agissant de la maîtrise de la dépense publique, je rappelle qu'à la fin de l'année 2019, la dette était stabilisée, le déficit public avait été ramené sous la barre des 3 % du PIB et la France ne faisait plus l'objet d'une procédure de déficit excessif. Dans le même temps, les impôts ont baissé dans des proportions inédites, tant pour les ménages que pour les entreprises.
Pour répondre à la crise, la doctrine du « quoi qu'il en coûte » a fait ses preuves, protégeant tout à la fois les ménages, les entreprises et les collectivités locales. Mais elle a bien entendu eu pour conséquence de dégrader les comptes publics. Le PLF 2022 marque donc la sortie du « quoi qu'il en coûte » ; il accompagne la relance et soutient l'investissement.
Cependant, nous aurons besoin d'une vision claire de la stratégie du Gouvernement pour retourner sous les 3 % de déficit public en 2027. Le rétablissement et la maîtrise des comptes publics sont une absolue nécessité, mais ils doivent se faire de manière intelligente pour ne pas casser la reprise. C'est aussi un besoin impérieux pour garantir la soutenabilité de la dette publique.
À ce propos, quelle est votre évaluation du risque que ferait peser une remontée des taux d'intérêt sur cette soutenabilité, alors que nous sommes dans un contexte de reprise de l'inflation – même si les prévisions en la matière laissent à penser que cette remontée serait temporaire ?
Le Haut Conseil des finances publiques n'a pu se prononcer que sur une version tronquée du PLF 2022. Une partie des annonces successives du Président de la République n'y figure pas et sera ajoutée ultérieurement par amendement – c'est le fait du prince. C'est particulièrement inacceptable dans le contexte actuel : avec ce texte à trous, nous avons l'impression que l'exécutif ajoute de l'incertitude à une situation budgétaire déjà obscure.
Vous indiquez être incapable de valider le réalisme de la prévision de déficit à 4,8 % du PIB en 2022, faute de disposer de tous les éléments. Ce niveau de déficit est donc amené à évoluer au cours des discussions parlementaires. Compte tenu du coût estimé des mesures annoncées, soit 30 milliards d'euros pour le nouveau plan de relance et 2 milliards d'euros pour le revenu d'engagement pour les jeunes, êtes-vous déjà en mesure de nous indiquer de combien de points de PIB le déficit risque de s'aggraver ? Notre groupe espère que le Haut Conseil sera saisi des amendements du Gouvernement pour formuler un nouvel avis.
Ayant été professeur de lettres, j'affectionne particulièrement les champs lexicaux. Celui que vous avez utilisé est intéressant : vous jugez le surcroît de recettes « probable », le taux de croissance en 2022 « plausible »… S'agit-il seulement d'effets de style, d'un langage diplomatique, ou bien ces qualificatifs traduisent-ils réellement un niveau de sincérité budgétaire plus ou moins élevé ? J'apprécie l'impressionnisme en peinture, beaucoup moins en matière de finances publiques.
Enfin, lorsqu'à l'alinéa 68 de l'avis, vous jugez raisonnables les prévisions de dépenses pour 2022 sans pour autant vous prononcer sur leur réalisme, faut-il comprendre que nous sommes face à un trompe-l'œil du Gouvernement ? Nous ne pouvons nous en satisfaire.
L'exigence de sincérité budgétaire figure à l'article 32 de la LOLF, qui dispose que « les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'État. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ».
Or, comme vous l'avez vous-même relevé, s'agissant des charges, une série de mesures annoncées par le président Macron n'apparaissent pas dans le PLF. On ne sait pas en quoi elles consistent ni comment elles pourront être financées. Quant aux recettes, elles sont sous-estimées au regard des prévisions de croissance, qui font pourtant l'objet d'un consensus. Une hypothèse pessimiste est également retenue concernant l'emploi.
J'entends la majorité parler de prudence. Le Haut Conseil indique quant à lui que le PLF est incomplet. Je préfère dire qu'il s'agit d'une tambouille, voire d'une magouille de communication, dans le prolongement de celle, d'ailleurs pointée par la Cour des comptes, de la sous-exécution du budget en 2020, à hauteur de 30 milliards d'euros.
Ne peut-on se mettre d'accord sur des définitions précises ? Ce projet de budget est insincère au regard des prescriptions de la LOLF, le Gouvernement ne tenant pas compte des prévisions raisonnables – en l'occurrence celles de la croissance et de l'emploi.
Je vous remercie pour votre présentation de l'avis du Haut Conseil des finances publiques, qui est donc incomplet puisqu'il reste suspendu aux décisions verticales du Président de la République concernant certaines dépenses. Le Haut Conseil subit désormais le même traitement que celui qui est réservé aux députés depuis plusieurs années : le mépris permanent.
Au vu du caractère incomplet du projet de loi, je concentrerai mon intervention sur son aspect macroéconomique. Le Haut Conseil juge les prévisions de croissance, de 6 % pour 2021 et de 4 % pour 2022, plausibles. Est-on capable de mesurer la part de la croissance qui est imputable au plan de relance ?
On parle beaucoup des emplois non pourvus et du retour de l'inflation, qui laisseraient penser que l'activité est proche de son maximum. Pourtant, ces éléments restent très marginaux, alors même que l'économie n'a toujours pas retrouvé son niveau de 2019. Ne pensez-vous pas que des marges de croissance existent et qu'il faut encore amplifier la relance, comme aux États-Unis, en donnant la priorité à la demande et aux ménages, qui ont été largement oubliés lors du plan de relance ?
Enfin, le niveau d'épargne se situe à un niveau record, les restrictions liées à la pandémie ayant conduit les ménages les plus riches à épargner fortement. Comment analysez-vous cette épargne ? N'est-il pas nécessaire d'appliquer, au moins de manière temporaire, des mécanismes fiscaux pour la mobiliser, par exemple en imposant le patrimoine ?
Dans la dernière phrase de l'avis, le Haut Conseil propose d'affecter tout surcroît de recettes au désendettement. Dans un contexte où les besoins économiques et sociaux sont immenses, et alors que la crise n'est pas encore derrière nous, une telle proposition, dénuée de fondement économique, s'avère dangereuse et irresponsable.
Nous sommes rassurés de savoir que le Haut Conseil ne fait pas de politique. On a beaucoup critiqué le Gouvernement lorsqu'il nous est arrivé de découvrir certaines choses dans la presse, mais notre commission a été également un peu perturbée de lire hier, dans un journal économique, quelques-uns des éléments de l'avis qui nous est présenté ce matin.
À entendre mes collègues, j'ai le sentiment qu'ils oublient que nous ne sommes toujours pas sortis de la crise. Si ni le revenu d'engagement pour les jeunes ni le plan d'investissement ne figurent dans le PLF, c'est parce que les consultations se poursuivent pour adapter au mieux ces mesures aux besoins de l'économie, notamment au vu des difficultés de recrutement. Il est exact que cela complique le travail du Haut Conseil, et nous espérons tous que le Gouvernement le saisira de ses amendements. Mais il est vertueux de prendre le temps de consulter et d'ajuster les mesures – on nous a suffisamment reproché d'agir dans la précipitation.
Philippe Martin, dont un journal économique publie une interview ce matin, n'est pas en phase avec vos propos sur la soutenabilité de la dette publique. Il affirme en effet que, lorsque les taux d'intérêt sont aussi bas, on peut avoir un déficit et dégrader le ratio dette/PIB car il n'y a pas de risque pour cette soutenabilité. On aborde le débat sur ce point de manière trop figée. En matière climatique, par exemple, les catastrophes de cet été, notamment les inondations en Allemagne, montrent quel est le prix de l'inaction. Investir pour l'avenir, c'est éviter des dépenses accrues demain. Cela vaut également pour la santé, comme on a pu le constater à l'occasion de la crise sanitaire. Nous devons conserver cette perspective à l'esprit lors de nos prochains débats.
Vous avez indiqué que les éléments dont vous disposiez étaient, hélas ! incomplets, car le Gouvernement ne vous a pas fourni toutes les informations. Dès lors, considérez-vous que le budget peut être considéré comme sincère ou est-il insincère ?
La dette publique atteignant un niveau inédit de 3 000 milliards d'euros, estimez-vous que le budget présenté par le Gouvernement reste encore soutenable ?
Enfin, l'économiste Philippe Martin déclare ce matin dans Les Échos que « les nouvelles dépenses qui s'additionnent légitiment la réforme des retraites ». Partagez-vous cet avis ?
Je remercie le Haut Conseil pour cet avis équilibré et prudent.
Nous sommes à l'évidence confrontés à une situation très tendue et incertaine, puisqu'on ignore non seulement l'évolution de la pandémie mais aussi celle des taux d'intérêt, du commerce mondial et de la croissance mondiale. Se pose la question de savoir comment stabiliser les choses alors qu'il est difficile d'envisager l'augmentation des impôts et que tout le monde est d'accord pour baisser les dépenses publiques, sauf celles qui concernent la santé, le social, l'enseignement, la sécurité… bref : toutes !
Serait-il possible de mieux orienter l'épargne liquide domestique, qui est importante et croissante, vers les obligations d'État ? Le remboursement des dettes à l'étranger exerce un effet dépressif, alors que, opéré en circuit intérieur, ce même remboursement est neutre en matière de croissance. Dès lors, comment rendre l'endettement public plus attractif pour l'épargne intérieure ?
Je souhaite aborder quelques questions concrètes, importantes pour décrypter le budget de la nation et l'évolution de la dette publique, alors que le ventilateur à milliards tourne à plein régime et que les effets de la crise sanitaire sont encore prégnants.
Depuis le début de janvier 2021, nous assistons à une remontée progressive du taux d'intérêt des obligations françaises à dix ans. Quelles sont les conséquences sur notre endettement à moyen terme ?
Quels sont les facteurs qui expliquent la remontée de l'inflation ? Est-ce un mouvement durable ? Surtout, quels peuvent en être les effets sur les taux intérêt et sur la charge de la dette ?
On sait que les surcoûts liés aux dépenses d'énergie seront importants dans les mois à venir. Au vu de la manière dont ils ont été intégrés dans le projet de budget, notamment pour l'accompagnement de la transition énergétique, pensez-vous que cela puisse conduire le Gouvernement à revoir sa copie en cours de route ?
On peut penser aussi, à cet égard, aux collectivités locales, dont les dépenses d'énergie sont très importantes.
Vous m'avez posé de nombreuses questions, dont plusieurs portent sur le champ lexical de l'avis – j'ai apprécié la leçon, madame De Temmerman.
Le Haut Conseil, je le répète, ne fait pas de politique. Ses discussions internes ne sont pas de nature politique, au sens partisan du terme, et je souhaite qu'il ne soit pas impliqué dans le débat politique : il a pour rôle d'éclairer le débat public, ce qui est différent.
Cet avis n'est ni doux ni dur, ni indulgent ni sévère. Il est collégial et objectif, et il est borné par un mandat. Ce qui compte, c'est la présentation que je fais devant vous, au nom du collège, de l'avis qui a été rendu public au moment même de l'ouverture des débats de votre commission, et non des articles de presse qui reprennent des versions antérieures de l'avis, et même des versions qui n'ont pas existé, ce qui est encore plus fantaisiste !
Mon rôle est de garantir la crédibilité du Haut Conseil, auquel je crois fondamentalement. J'y crois, car nous avons besoin d'un tel organe, collégial et indépendant : j'ai pu mesurer, dans des fonctions antérieures, combien il peut être, dans les pays européens où il est doté d'un rôle plus important, très positif pour le débat public.
J'y crois, car l'existence du Haut Conseil a contribué, cela a été démontré, à améliorer, en toute hypothèse, le réalisme des prévisions faites par le Gouvernement.
J'y crois, car la plupart des rapports consacrés à l'avenir des règles européennes soulignent la nécessité d'accroître le rôle des institutions budgétaires indépendantes. Mais pour être indépendant, il faut précisément respecter certaines règles, dont la discrétion fait partie, et s'en tenir à son périmètre de compétence et au mandat confié.
Vous m'avez interrogé sur la sincérité budgétaire, mais nous n'avons pas débattu de cette question au sein du Haut Conseil – la sincérité peut être appréciée ex post, par rapport à une loi qui a été votée. La Cour des comptes l'a fait une fois, et je crois – j'interviens un instant en tant que Premier président de la Cour – qu'elle ne doit le faire qu'avec une très grande prudence, car ce sont des sujets extrêmement radioactifs et une telle intervention ne se justifie que dans des cas tout à fait massifs. Tel n'est pas le cas, en l'espèce. L'avis du Haut Conseil porte sur la cohérence, le réalisme, notamment sur le plan macroéconomique. C'est pourquoi le champ lexical utilisé est extrêmement précis : quand nous disons que c'est plausible ou que c'est raisonnable, ça l'est.
Cet avis me semble pesé au trébuchet et rédigé de manière objective. Ne posons pas les questions en termes de sincérité. Lorsque nous indiquons que les éléments sont incomplets, nous constatons simplement que nous ne pouvons pas attester d'un chiffre ou le qualifier de plausible puisqu'il va être influencé par des facteurs qui, à l'heure où nous parlons, ne sont pas inclus dans les documents dont nous disposons. C'est la raison pour laquelle nous devons, me semble-t-il, être saisis des amendements annoncés, ne serait-ce que pour revenir quelques minutes devant vous et vous fournir une nouvelle évaluation du niveau de déficit que nous estimerons plausible. Ce sera excellent pour le Parlement, pour l'opinion publique, pour le débat public, pour le citoyen, et aussi pour ceux qui nous regardent en Europe.
J'en viens à un certain nombre de questions plus précises.
Une inflation plus élevée est sans doute favorable à court terme aux finances publiques, comme le montre une analyse publiée par le Haut Conseil. En revanche, un dérapage inflationniste durable aurait davantage de conséquences, en raison de ses effets sur le fonctionnement de l'économie. La situation la plus risquée serait celle où l'inflation reviendrait à des niveaux que nous avons connus dans le passé ; ce n'est pas le cas actuellement.
Nos partenaires n'opèrent pas de cantonnement de la « dette covid » – à ma connaissance, le mécanisme français de la Caisse d'amortissement de la dette sociale est unique –, ce qui ne les empêche pas de prévoir une diminution de leur ratio de dette assez rapide, et en tout cas plus rapide qu'en France. Vous avez évoqué l'Allemagne – vous auriez aussi pu citer les Pays-Bas –, mais la situation est en réalité la même dans la plupart des pays européens, y compris en Italie et en Espagne, comme l'a bien montré la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin dernier. Nous ne pourrons pas faire l'économie de ce débat après 2022.
Je vous confirme, madame Louwagie, que les dépenses ordinaires ont augmenté de 99 milliards d'euros sur la période, et qu'il faut y ajouter 30 milliards de dépenses supplémentaires liées à la relance et à l'urgence.
La prudence est une vertu, à condition bien sûr qu'elle soit réaliste et qu'elle ne serve pas à anticiper des bonnes nouvelles à venir. Nous devons donc être, si j'ose dire, « réalistement prudents ».
Vous m'avez demandé quel serait l'impact du plan d'investissement sur le déficit. Pour le savoir, nous devons attendre que le Gouvernement dépose les amendements correspondants. On parle de 30 milliards d'euros investis à l'horizon 2030, mais nous ignorons quel effet aura ce plan sur le scénario macroéconomique et l'état des finances publiques en 2022 – tout dépendra de son phasage et du rythme auquel il montera en puissance. Si j'en crois ce qui a été annoncé, le plan d'investissement devrait comprendre des mesures visant à accompagner la transition énergétique : ce sont ces éléments qui me permettront de répondre à la dernière question de M. Aubert. Je le répète, je ne peux pas savoir à quel montant s'élèveront les dépenses intégrées à ce titre dans le PLF pour 2022.
Le Gouvernement considère que le plan de relance devrait soutenir la croissance à hauteur de 1 point de PIB en 2022. Le Haut Conseil des finances publiques est un tantinet plus prudent : il estime que cet impact devrait être un peu plus faible puisque des investissements très importants ont déjà été réalisés en 2021.
Les taux d'intérêt sont déjà remontés au cours des derniers mois. Si cette tendance se poursuivait, elle pourrait avoir des conséquences notables sur la prévision d'évolution de la charge d'intérêts. Le risque de remontée des taux est l'un des principaux aléas auxquels pense le Haut Conseil quand il appelle le Gouvernement à la plus grande vigilance en matière de soutenabilité de la trajectoire des finances publiques. Si la charge de la dette s'est réduite du fait de la baisse des taux, la forte croissance de la dette publique la rend plus sensible à une hausse éventuelle. L'Agence France Trésor estime ainsi qu'une hausse d'un point des taux d'intérêt renchérirait la charge d'intérêts de la dette de l'État de 2,5 milliards d'euros la première année et de 28,9 milliards sur dix ans – l'impact de ce choc serait nettement plus élevé qu'estimé avant la crise sanitaire.
Enfin, le Gouvernement suppose que le taux d'épargne reviendra en 2022 à son niveau antérieur à la crise. Ce point a été débattu au sein du Haut Conseil : certains estiment que la surépargne accumulée pourrait être débloquée un peu plus rapidement, tandis que d'autres pensent que les ménages seront plus prudents. Dans la situation inédite où nous nous trouvons, nous n'avons pas tranché en faveur de l'un ou de l'autre de ces scénarios. L'hypothèse du Gouvernement est crédible, mais il est également possible que les ménages se comportent autrement.
Mesdames et messieurs les députés, il me paraîtrait logique et sain que je puisse revenir devant nous, une fois connus les amendements que le Gouvernement déposera, afin de vous présenter l'avis du Haut Conseil des finances publiques quant à la plausibilité du niveau de déficit en toute connaissance de cause, comme cela a toujours été le cas jusqu'à présent.
Merci, monsieur le président. Nous vous auditionnerions évidemment à ce moment-là.
Puis la commission entend une communication de Mme Christine Pires Beaune sur la mise en œuvre des conclusions de la mission d'information sur les aviseurs fiscaux.
Mes chers collègues, Mme Christine Pires Beaune nous avait présenté au mois de juin 2019 les conclusions d'une mission d'information sur les aviseurs fiscaux, qui avait permis d'évaluer un dispositif mis en œuvre à titre expérimental à compter de la loi de finances pour 2017 puis pérennisé par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude. Depuis les travaux conduits par cette mission d'information, une évolution législative importante est intervenue avec la loi de finances pour 2020 qui a étendu le dispositif, à la fois quant aux impôts concernés et, à titre expérimental, quant aux montants de fraude pouvant conduire à la mise en jeu du dispositif à compter de 100 000 euros. Le fait, pour la rapporteure de la mission d'information, de conduire un travail de suivi, présente donc le double intérêt de permettre, à la fois, un bilan des mesures prises à la suite des préconisations qui avaient pu être formulées à l'occasion de la présentation du rapport d'information et une analyse des nouvelles évolutions du dispositif.
Madame la présidente, mes chers collègues, il y a un peu plus de deux ans, je présentais effectivement devant vous les conclusions de la mission sur les aviseurs fiscaux, composée de mes collègues Charles de Courson, Marie-Christine Dalloz, Vincent Ledoux, Xavier Roseren, Fabien Roussel et Sabine Rubin – je les salue et tiens à les remercier à nouveau –, ainsi que de Sarah El Haïry, devenue, depuis lors, membre du Gouvernement, et de moi-même.
Le but de nos travaux était de contrôler l'application et de dresser un premier bilan de ce nouveau dispositif de lutte contre la grande fraude fiscale qui avait été introduit au cours de la précédente législature par la loi de finances pour 2017, à titre expérimental, avant d'être pérennisé par la loi de 2018 sur la lutte contre la fraude. Je rappelle qu'il permet d'indemniser toute personne fournissant un renseignement à l'administration amenant à la découverte d'un manquement à la législation fiscale.
Au moment où la mission a rendu ses conclusions, c'était surtout l'évasion fiscale qui était visée. En effet, les informations susceptibles d'être transmises par un aviseur concernaient des infractions aux règles fixées en matière de domiciliation fiscale, de prix de transfert, de territorialité de l'impôt sur les sociétés ou d'obligations déclaratives concernant les comptes et contrats détenus à l'étranger, pour ne citer que quelques exemples. Souvenons-nous que la création de ce dispositif faisait suite à plusieurs scandales comme celui de HSBC en 2015 ou les Panama Papers en 2016, qui avaient mis en lumière le fait que l'administration française manquait cruellement d'informations pour repérer les évadés fiscaux parmi ses contribuables, alors que d'autres pays démocratiques bénéficient d'un système permettant la rémunération d'informateurs.
Nos travaux nous avaient permis de nous assurer que le dispositif des aviseurs fiscaux répondait à un besoin réel d'accéder au renseignement fiscal et qu'il contribuait à sécuriser juridiquement son exploitation. Quant au bilan, il présentait d'excellents résultats puisqu'au bout de deux ans 90 millions d'euros avaient été recouvrés grâce à deux aviseurs. C'est pourquoi nous recommandions de maintenir le dispositif des aviseurs car nous le jugions utile et efficace. Six propositions avaient été formulées concernant tant son périmètre que son fonctionnement.
Sur le périmètre tout d'abord, nous recommandions d'inscrire le dispositif directement dans le livre des procédures fiscales plutôt que dans la loi de finances. Surtout, nous appelions à étendre le champ des manquements visés à la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui coûte une quinzaine de milliards d'euros par an à l'État et contre laquelle il est plus difficile de lutter en raison de sa complexité.
Concernant l'indemnisation des aviseurs, nous réclamions l'abandon de la pratique du plafonnement à un million d'euros qui était en vigueur de fait. Je dis « de fait » car ni la loi ni les textes d'application ne prévoyaient un tel plafond qui résultait d'instructions internes au sein du ministère des finances.
Pour ce qui est du traitement des informations reçues, nous proposions d'améliorer sensiblement la confidentialité des sources et la protection des agents traitants, susceptibles d'être victimes de tentatives d'intimidations.
Enfin, à la suite de nos constatations, nous nous interrogions sur l'opportunité de mettre en place un véritable service de renseignement au sein de l'administration fiscale, qui permette le travail en commun de l'ensemble des services, aux niveaux central et déconcentrés. C'est pourquoi nous suggérions de favoriser la coopération entre le service des investigations élargies (SIE), chargé des aviseurs, et le tout nouveau service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF), qui venait d'être créé lors des travaux de la mission.
Bientôt cinq ans se seront écoulés depuis la mise en place du dispositif des aviseurs et deux ans ont passé depuis que la mission d'information a fait part de ses conclusions.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, plusieurs avancées ont eu lieu en matière d'aviseurs, sur lesquelles je reviendrai dans un instant. C'est pourquoi j'ai voulu vous présenter un rapport sur la mise en œuvre des conclusions de cette mission d'information, comme le prévoit l'article 145-8 de notre règlement.
Avant d'aborder la mise en application de chacune des propositions, au nombre de six, je voudrais tout d'abord faire un rapide bilan chiffré du dispositif.
Depuis le 1er janvier 2017, six aviseurs fiscaux ont été indemnisés. Ils ont permis le recouvrement d'un peu plus de 110 millions d'euros alors que le montant total de leur récompense n'a été que de 1,8 million d'euros, soit l'équivalent de 1,5 % des droits et pénalités recouvrés. Il va de soi que le rendement budgétaire pour les finances publiques de ce dispositif est largement démontré.
Les informations transmises ont concerné quatre affaires de série et deux affaires individuelles. Par « affaire de série », je parle de la mise en contrôle fiscal d'un grand nombre de dossiers individuels de particuliers ou d'entreprise. Il faut par exemple savoir que trois affaires de série représentent en réalité plus de 450 dossiers, mobilisant une dizaine de directions interrégionales de contrôle (DIRCOFI) sur tout le territoire.
Je note également une plus grande notoriété du dispositif d'année en année puisque le nombre de prises de contact avec de potentiels aviseurs est passé d'une trentaine au début à plus de soixante-dix l'année dernière.
Venons-en maintenant au suivi de la mise en œuvre des recommandations de la mission d'information. Sur les six propositions formulées, trois sont complètement mises en œuvre, trois autres sont en cours de mise en œuvre. Ce bilan tient en partie à la nature même de ces préconisations.
En effet, tout ce qui relevait du cadre même du dispositif a pu être mis en application, principalement grâce à l'action du législateur.
L'indemnisation des aviseurs fiscaux a été codifiée dans le livre des procédures fiscales. Le Gouvernement a fait de même pour les textes d'application qui relevaient de son pouvoir réglementaire.
En ce qui concerne le champ du dispositif, le législateur est même allé au-delà des préconisations. Non seulement les manquements visés ont été étendus à la TVA mais une expérimentation a été lancée pour retenir un périmètre fondé sur la gravité des manquements à la législation fiscale lorsque l'enjeu est supérieur à 100 000 euros. Cette expérimentation prendra fin le 31 décembre prochain. Compte tenu du temps que prend l'ensemble de la procédure – de la toute première prise de contact du service des impôts des entreprises avec un aviseur potentiel à la mise en recouvrement des droits, en passant par la longue phase d'analyse et de mise en contrôle – il est encore trop tôt pour en dresser un bilan, d'autant que la crise sanitaire est venue évidemment ralentir l'activité des nombreux services chargés du contrôle fiscal sur tout le territoire. J'estime que cette expérimentation mérite d'être poursuivie, c'est pourquoi je déposerai un amendement en ce sens dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2022.
Les délais que j'évoquais à l'instant expliquent également que l'ensemble du bilan chiffré que je vous ai présenté n'a pu concerner que la version initiale du dispositif, tournée vers l'évasion fiscale, puisque cinq des six aviseurs ont transmis leur information en 2017 et 2018, c'est-à-dire avant son extension.
Quant à l'indemnité susceptible d'être perçue par un aviseur pour les renseignements transmis, elle faisait l'objet d'une recommandation visant à abandonner la pratique du plafond d'un million d'euros – contraire à l'intention du législateur. Là encore, c'est lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020 que le Gouvernement s'était engagé à revenir sur celui-ci, ce qui fut chose faite par le biais d'une note interne de juin 2020, qui préconise de retenir un plafonnement à 15 % des droits recouvrés en cas d'affaire importante. Aucune indemnité supérieure à un million d'euros n'a pour l'instant été versée.
Voilà donc pour ce qui est des propositions ayant trait au cadre du dispositif, qui ont toutes été mises en œuvre.
Comme je le disais il y a un instant, la mise en œuvre des recommandations relatives au fonctionnement concret du dispositif a commencé et se poursuit. Elles méritent toutes d'être approfondies.
D'abord, la protection des agents traitants a été renforcée grâce, encore une fois, à l'action du législateur puisque la loi de finances pour 2020 autorise le recours à l'anonymat et punit d'emprisonnement le fait de révéler l'identité d'un agent qui en bénéficie. En pratique, cette possibilité reste à utiliser car l'administration fiscale ne souhaite y avoir recours qu'en cas d'affaire particulièrement sensible ou d'interlocuteur dangereux.
Deuxièmement, la confidentialité des sources est en train d'être renforcée grâce au classement, au niveau « secret défense » au moins, de l'identité des aviseurs. Cela évitera sa divulgation en cas de procédure judiciaire.
Enfin, la mission d'information proposait de favoriser la coopération entre le service chargé des aviseurs, la direction nationale d'enquêtes fiscales (DNEF), et le tout nouveau service d'enquêtes judiciaires des finances, le SEJF, rendu possible par la loi de 2018 de lutte contre la fraude et créé au mois de juillet 2019, juste après que la mission a rendu ses conclusions. Nous nous interrogions également sur le développement du renseignement fiscal. J'ai pu constater que la DNEF et le SEJF sont bien amenés à coopérer dans leurs champs de compétence respectifs.
Ce constat m'amène maintenant à élargir le sujet au-delà des aviseurs car j'ai appris, à cette occasion, que la DNEF était intégrée dans une task force comprenant aussi TRACFIN et la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, service de renseignement des douanes. Cependant, j'estime que la création, au sein de la DNEF, d'une division du renseignement fiscal à partir du service chargé des aviseurs serait bien plus simple et cohérente ; ce service a d'ailleurs développé une réflexion approfondie sur la montée en puissance du renseignement fiscal. Dans la mesure où la lutte contre la fraude fiscale est particulièrement technique, de plus en plus complexe, il me paraît légitime que la direction générale des finances publiques (DGFiP) développe cette activité de renseignement directement en son sein.
Voilà, mes chers collègues les conclusions de mon deuxième rapport. Je remercie les services de la DGFiP, puisque nous avons fait un déplacement « au cœur » du SIE, ce qui nous a permis d'échanger avec les six personnes composant ce service.
Je vous remercie, madame la rapporteure. Ce travail de suivi est important pour nous.
La dernière expérimentation que nous avons votée arrive à échéance à la fin de l'année 2021. Nous devrons donc prendre une décision pour 2022. Pourquoi, à cet égard, préférer une nouvelle expérimentation à la pérennisation du dispositif actuel ? J'entends que nous n'avons pas tous les résultats mais les premiers seraient plutôt encourageants.
Par ailleurs, les indemnités versées aux aviseurs fiscaux sont-elles soumises aux contributions sociales et à l'impôt sur le revenu ?
Je vous remercie pour vos travaux, madame la rapporteure. Quelle est l'utilité de prolonger au-delà du 31 décembre 2021 l'expérimentation ?
Par ailleurs, instituer une indemnité spécifique ad hoc pour les agents du SIE me paraît un moyen simple et efficace pour récompenser les efforts des agents ; je souscris totalement à cette idée. Cette mesure devrait d'ailleurs être plus largement prévue dans la politique de ressources humaines de la DGFiP, voire pour l'ensemble des agents publics. Avez-vous d'ailleurs constaté, madame la rapporteure, au cours de vos travaux, des problèmes de recrutement ?
Enfin, la rémunération des aviseurs doit être entourée de toutes les garanties de confidentialité, et vous nous avez confirmé qu'elles étaient effectives. On peut en revanche s'interroger sur le traitement fiscal des indemnités versées. Sont-elles déclarées dans les revenus imposables ou sont-elles affranchies de tout impôt ?
Je voudrais également remercier la rapporteure Christine Pires Beaune pour la qualité de ce travail. C'est un sujet de niche peu connu, et je souhaite par conséquent rappeler l'utilité de ces aviseurs fiscaux : ces informateurs en matière de fiscalité internationale peuvent être indemnisés par l'administration fiscale lorsqu'ils fournissent des informations relatives à un manquement aux règles fiscales. La lutte contre la fraude fiscale reste un enjeu majeur de souveraineté et de redressement des comptes publics, et vise à faire respecter le principe d'égalité devant l'impôt. D'après votre rapport, ce dispositif est désormais mature. Il gagne en notoriété, le nombre de prises de contact étant passé de 27 à plus de 71 en 2020. Je me réjouis que l'ensemble des propositions émises par la mission d'information aient été mises en place. Cela montre qu'il est important d'assurer un suivi des lois votées et de leur bonne exécution.
En ce qui concerne l'extension de l'expérimentation, qui va dans le bon sens, je considère qu'au vu de la crise sanitaire et de la lenteur normale des enquêtes, il sera nécessaire d'étendre l'expérimentation sur une période plus longue, voire de pérenniser le dispositif.
Je m'associe aux remerciements adressés à la rapporteure. Nous avons ainsi un bel exemple de la qualité des travaux conduits à l'Assemblée nationale, notamment ceux de suivi des conclusions des rapports.
La confidentialité des sources participe à la réussite de la mise en œuvre d'un tel dispositif. Vous avez indiqué, chère collègue, tantôt qu'elle se rapprochait du secret de la défense nationale, tantôt qu'elle était comme le secret de la défense nationale. Pourriez-vous nous indiquer s'il s'agit là de deux dispositifs véritablement équivalents ?
Par ailleurs, vous évoquez une inquiétude à l'égard des procédures judiciaires. Pourriez-vous nous donner des éléments supplémentaires ?
Je tiens également à remercier la rapporteure. Les aviseurs ont montré leur efficacité, mais comment expliquer les retards de l'instruction de certains dossiers ? Deux dossiers de 2017 et sept dossiers de 2018 sont toujours en cours de traitement. Ce sont sans doute des dossiers très lourds mais avons-nous des services suffisamment dotés pour les traiter ?
Par ailleurs, puisque les aviseurs sont rémunérés en fonction de l'importance de la fraude, sont-ils indemnisés sur des enquêtes toujours en cours ?
Je remercie à mon tour notre collègue pour la qualité de son travail sur les aviseurs fiscaux qui permet d'évaluer ce qui a été fait en la matière depuis le début de la législature. La loi de finances pour 2017 a créé ce dispositif permettant d'indemniser toute personne fournissant un renseignement à l'administration fiscale. À la suite d'un rapport de notre commission qui en a constaté le succès, ce dispositif a été pérennisé et son champ étendu aux fraudes à la TVA et, à titre expérimental, aux manquements à la législation fiscale d'un enjeu supérieur à 100 000 euros. Je voudrais aussi rappeler que nous avons renforcé dans la loi la protection des aviseurs fiscaux, ce dont nous pouvons collectivement nous réjouir.
Vos travaux, chère collègue, rappellent ces efforts et offrent quelques perspectives en vue d'un nouveau renforcement de ce dispositif. Vous rappelez la création du service d'enquête judiciaire des finances, embryon d'un véritable service de renseignement de la DGFiP, et la coopération renforcée entre ce service et la DNEF. Comment pourrions-nous plus encore, par la loi ou par voie réglementaire, développer ce service et sa coopération avec la DNEF ou d'autres services comme TRACFIN ?
Comme tout le monde, je m'associe aux félicitations adressées à Christine Pires Beaune pour la qualité de son travail. Au groupe communiste et républicain, nous sommes toujours sensibles à toutes les initiatives qui visent à lutter contre l'évasion et la fraude fiscales, qui gangrènent nos finances publiques. J'ai noté que le dispositif, qui gagne en notoriété et prend de l'ampleur, avait un rendement budgétaire positif.
Sur les six recommandations de la mission, trois sont déjà appliquées et la mise en œuvre de trois autres est en cours de mise en œuvre. Nous voterons l'amendement que vous déposerez, chère collègue Christine Pires Beaune, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2022, à propos de l'expérimentation relative à la fraude supérieure à 100 000 euros. S'il est trop tôt pour en tirer le bilan, elle doit être poursuivie.
Qu'en est-il cependant des moyens affectés à ces dispositifs ? Des personnels très qualifiés sont requis, à l'heure où la fraude, nous l'avons vu, prend des formes nouvelles avec la dématérialisation : est-ce que les moyens alloués aujourd'hui à cette expérimentation sont suffisants ? Ne faudrait-il pas les renforcer en vue de développer une activité de renseignement ?
Je m'associe aux félicitations qui vous sont adressées, chère collègue, pour ce travail très sérieux et précis. Cependant, vous indiquez, à la page 25 de votre rapport, que les officiers fiscaux judiciaires rattachés au SEJF du ministère de l'économie, des finances et de la relance, ont remplacé les officiers fiscaux judiciaires (OFJ) du ministère de l'intérieur. La loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude aurait, selon votre rapport, supprimé leur rattachement au ministère de l'intérieur. Il me semble que ce n'est pas le cas : les OFJ devaient être rattachés au ministère en charge des finances sans supprimer cependant ceux rattachés à la brigade nationale de répression de la fraude fiscale (BNRDF) mais en les complétant. La BNRDF est composée normalement d'officiers judiciaires de police et d'OFJ. C'est un service d'enquête de la direction centrale de la police judiciaire du ministère de l'intérieur, rattaché à la direction nationale des investigations financières et fiscales. Si la création des OFJ du SEJF a entraîné la suppression des OFJ de la BNRDF, c'est un problème important ; ce serait un détournement de la loi relative à la lutte contre la fraude, et nous aurions affaibli les moyens de lutte contre la fraude, ce qui serait catastrophique.
Par ailleurs vous indiquez qu'il faut enrichir la coopération entre le SIE et le SJEF. Pourriez-vous préciser de quelle manière ?
Je m'associe à mes collègues pour féliciter ma collègue pour la qualité de ses travaux. Je reviens sur ce que disait Jean-Paul Dufrègne : d'un côté, vous proposez la mise en place à terme d'un service de renseignement au sein de la DGFiP ; de l'autre, certains dossiers ne sont toujours pas clos. Ne risquons-nous pas de nous heurter à un problème de moyens humains ? Y a-t-il des problèmes de recrutement, étant donné la spécificité de ces métiers ? Comment analysez-vous cet éventuel manque de moyens au regard de la réforme de la DGFiP ?
Je constate et je m'en félicite qu'aucune voix discordante ne remet en cause le dispositif, il fait donc l'unanimité. Ce n'est pas rien, d'autant qu'un dispositif similaire supprimé en 2004 ne donnait absolument pas satisfaction. Le bon dispositif a été trouvé, qui cerne la fraude fiscale de grande ampleur.
Faut-il plutôt, madame la présidente, monsieur le rapporteur général, prolonger l'expérimentation ou pérenniser le dispositif ? Un tiers des dossiers sont des dossiers de plus de 100 000 euros, comme l'élargissement du périmètre le permet, mais nous ne sommes qu'au stade des enquêtes initiales. Ils doivent être finalisés, ce qui va demander beaucoup de temps. Si je demande cette extension, c'est pour pouvoir l'évaluer avant de demander sa pérennisation. Je préfère donc une extension de l'expérimentation et je propose que tous les membres de la commission des finances qui souhaitent cosigner l'amendement que je déposerai le fassent. Cela dit, si le Gouvernement souhaite pérenniser d'emblée le dispositif, je ne m'y opposerai pas.
Par ailleurs, l'indemnité n'est soumise ni aux cotisations ni aux impôts. Cela participe du secret qui protège l'aviseur, et je ne souhaite pas changer les règles.
Quant à d'éventuelles difficultés de recrutement, le SIE a procédé à un recrutement, et ses membres m'ont indiqué être assez nombreux pour traiter les dossiers. Il n'y a donc pas de difficultés de recrutement au SIE.
En revanche, y a-t-il un problème d'effectifs au sein du contrôle fiscal au sens large ? Je pense personnellement que oui, mais je n'ai pas les éléments pour appuyer mon propos. Cela ferait l'objet d'une belle mission de notre commission que de regarder comment le contrôle fiscal a évolué. J'ai des éléments m'indiquant que les contrôles fiscaux sur place sont de moins en moins nombreux, ce qui est regrettable. Quand on demande quelle en est la raison, ce sont effectivement les effectifs qui sont évoqués. Cette question n'entre cependant pas dans le champ qui était celui de la mission d'information.
Chère collègue Louwagie, dans le cadre d'une procédure judiciaire, même si le risque est faible, le juge aurait la possibilité de demander la levée du secret fiscal. Le secret fiscal n'est donc pas suffisant, d'où la nécessité d'un classement au niveau du « secret défense » – non du « confidentiel défense », qui n'existe plus depuis le 1er juillet dernier.
Effectivement, chère collègue Claudia Rouaux, des dossiers apportés aux services fiscaux en 2017 ne sont toujours pas clos ; je le regrette. De surcroît, lorsqu'il s'agit de dossiers de série, on peut penser que les premiers dossiers ont été concluants et l'ensemble des dossiers de la série pourraient rapporter de l'argent à l'État. On ne peut donc que regretter que les DIRCOFI ne puissent pas aller plus vite. Je ne suis pas en mesure de vous indiquer si cela est dû à un manque d'agents. Certes, les effectifs de la DGFiP diminuent tous les ans, mais s'agit-il d'agents redéployés sur d'autres missions, du non-remplacement d'agents partis à la retraite qui n'ont pas été remplacés ? Faudrait-il recruter davantage en raison du nombre de dossiers ? Il m'est impossible de répondre à ces questions. En tout état de cause, mon sentiment est qu'il n'y a pas assez d'agents pour effectuer l'intégralité des contrôles fiscaux nécessaires. Le dernier rapport de la Cour des comptes mettait en outre en évidence des fraudes et des effets d'aubaine concernant les dispositifs d'urgence liés à la crise sanitaire ; il s'agit d'un point à ne pas oublier.
Est-ce que certains aviseurs ont été rémunérés sur des enquêtes en cours ? On peut rémunérer un aviseur en plusieurs fois. En principe, l'aviseur est rémunéré lorsqu'il est possible d'estimer les droits dus. On peut alors lui verser un acompte et, à la fin de l'instruction de tous les dossiers, lui verser le solde de l'indemnité. Comme je l'ai dit précédemment, les règles ont changé ; jusqu'en 2020, il existait un plafond d'un million d'euros, en application d'une instruction interne, qui, depuis lors, a été supprimé. Je pense qu'il faut reprendre contact avec le premier aviseur, celui qui a rapporté 90 millions d'euros dans les caisses de l'État dans le cadre de l'affaire « Goldman », qui, visiblement, avait connaissance d'autres éléments mais qui, compte tenu de sa rémunération, n'a pas tout transmis à l'administration fiscale.
Concernant la question d'Émilie Cariou relative à la page 25 du rapport de suivi, la loi de 2018 a rendu possible l'affectation d'officiers fiscaux judiciaires (OFJ) au ministère des finances, en supprimant le monopole de leur tutelle par le ministère de l'intérieur, mais celui-ci n'a pas perdu d'OFJ.
Cher collègue Jean-Paul Dufrègne, j'ai déjà répondu à vos interrogations sur le manque de moyens. Améliorer la collaboration entre les services de fraude et la task force ne serait pas inutile. Toutefois, je tiens à insister une nouvelle fois sur le fait que c'est au niveau de la DNEF que nous pourrions mettre en place un vrai service du renseignement fiscal.
J'invite, chers collègues, ceux qui souhaiteraient cosigner l'amendement que je déposerai au projet de loi de finances pour 2022 afin de prolonger l'expérimentation à me le faire savoir.
Enfin, s'agissant de la question du rapporteur général relative à la rémunération ad hoc des agents du SIE, il ne me semble pas illégitime de prévoir un traitement particulier au regard, d'une part, de la taille du service – il s'agit d'un tout petit service, composé de cinq agents et d'un chef de service – et, d'autre part, de la haute technicité de ce travail.
La commission autorise la publication du rapport présenté en application de l'article 145-8 du règlement de l'Assemblée nationale sur le suivi des conclusions de la mission d'information sur les aviseurs fiscaux.
Informations relatives à la commission
La commission a désigné M. Brahim Hammouche, rapporteur spécial pour les crédits de la Sécurité civile sur la loi de finances pour 2022.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 22 septembre 2021 à 9 heures 30
Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Patrice Anato, M. Julien Aubert, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bricout, M. Fabrice Brun, M. Alain Bruneel, Mme Émilie Cariou, M. Michel Castellani, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, Mme Cécile Delpirou, Mme Jennifer De Temmerman, M. Benjamin Dirx, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, Mme Valéria Faure-Muntian, M. Brahim Hammouche, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. Mohamed Laqhila, Mme Frédérique Lardet, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, Mme Patricia Lemoine, M. Patrick Loiseau, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, M. Robin Reda, M. Xavier Roseren, Mme Claudia Rouaux, Mme Sabine Rubin, M. Laurent Saint-Martin, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Damien Abad, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva
Assistaient également à la réunion. - M. Dino Cinieri, M. Pierre Cordier