Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 14h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Jeudi 22 octobre 2020

La séance est ouverte à quatorze heures quinze.

Présidence de Mme Sandrine Mörch, présidente

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Nous poursuivons cet après-midi nos auditions sur les effets de la crise sanitaire sur l'enseignement supérieur en entendant les premiers concernés, les étudiants. En effet, il serait difficile de conduire des travaux sur les conséquences de la pandémie sur la jeunesse sans les écouter directement.

Nous souhaitons obtenir de votre part un éclairage brut et sans langue de bois. Comment allez-vous physiquement et mentalement ? Comment votre cursus se déroule-t-il ? Comment vos cours sont-ils organisés ? Quelles sont les conditions de passage des examens ? Comment envisagez-vous votre futur proche ? Comment vos projets d'échanges internationaux, de stages et d'alternance ont-ils évolué ?

Nous souhaitons également vous entendre plus largement sur les effets de la crise sur la vie et la sociabilité étudiantes et sur les moyens qui sont à votre disposition pour maintenir des liens et vivre le plus normalement possible. Nous savons qu'il s'agit d'un des principaux problèmes que vous rencontrez aujourd'hui dans cette période particulièrement structurante pour les jeunes, celle des études supérieures.

Il nous semble en outre que durant la crise, le regard des médias sur la jeunesse est bien souvent injuste et univoque, voire paternaliste. Nous souhaitons connaître votre sentiment sur ce point.

Enfin, quels sont les points positifs ou inattendus que vous tirez de la crise ? Quels sont les ressorts auxquels vous avez accès, et quelles préconisations souhaitez-vous porter dans le rapport qui vous sera dédié, afin de gérer plus efficacement cette situation particulièrement instable que nous serons amenés à vivre encore pendant de longs mois ?

Je donnerai la parole à chacun d'entre vous pour une intervention liminaire de quelques minutes, avant que nous ne posions nos questions. Je rappelle que nous avons décidé de rendre publiques nos auditions. Elles sont donc diffusées en direct et en différé sur le site internet de l'Assemblée nationale.

En outre, l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Adrien Di Rollo prête serment.)

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Adrien Di Rollo, étudiant en Master 2 Droits de l'Homme et Union européenne à l'université de Paris-Sorbonne

Bonjour. Je vous remercie pour votre invitation à cette audition.

Tout d'abord, je peux vous dire que je vais bien à la fois physiquement et moralement, parce que j'ai la chance de suivre une formation encore en présentiel. Dans un contexte de couvre-feu qui s'applique dans les grandes métropoles françaises comme Paris, Lyon, etc., suivre une formation en présentiel constitue une réelle chance. Le master 2 que je suis favorise les oraux, car la prise de parole permet de gagner en confiance. Ces oraux sont essentiels, et j'imaginerai mal leur organisation à distance. J'ai également la chance que ma directrice de master soit très active dans le contexte de la crise et favorise l'enseignement en présentiel.

Les étudiants de mon master recherchent un stage pour avril 2021. Il est vrai que la recherche de stage est difficile en cette période de crise sanitaire, car les offres de stages ne sont pas aussi nombreuses qu'en situation normale. Cela défavorise directement les étudiants, et nous craignons que les offres soient en nombre insuffisant pour faire face aux demandes.

Je suis rentré en France le 20 juillet 2020, après avoir suivi mon master 1 en Colombie. Dans ce pays, j'ai connu un dispositif que mes camarades de classe restés en France n'ont pas expérimenté dans le cadre des examens, à savoir le contrôle à distance. Dans le cadre de la visioconférence, les professeurs réalisaient une capture d'écran pour chaque étudiant pour vérifier s'ils s'aidaient de cours ou trichaient. De tels contrôles se sont développés en Amérique du Nord et du Sud, mais cela n'a pas été le cas en France. Or, pour assurer l'égalité des chances entre les étudiants dans le cadre des examens à distance, ce système serait utile.

Il est à noter que certains de mes camarades ont rencontré des difficultés à être acceptés en master 1 et 2 en raison d'un nombre important de candidatures en droit, et supérieur aux places disponibles. Beaucoup d'étudiants ont validé le dernier semestre de licence alors que leur niveau ne le leur permettait sans doute pas, et le nombre d'inscription en master 1 a alors été trop important.

La crise sanitaire a également eu des conséquences sur les échanges internationaux et sur les étudiants qui souhaitaient partir à l'étranger au cours de l'année scolaire 2020-2021. J'ai eu de la chance d'arriver en Colombie en septembre 2019. Mon séjour a été écourté, mais je n'ai pas été directement concerné par les mesures qui ont empêché certains étudiants de quitter la France.

J'ai également eu la chance de ne pas subir de confinement à mon retour en France. L'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle a organisé des tests PCR. Je n'ai pas eu à payer mon test, l'État m'ayant permis d'en bénéficier gratuitement, ce qui constitue un point important quand l'on sait que les étudiants se trouvent souvent en situation précaire.

Toutefois, l'État devrait, dans la mesure du possible, continuer à permettre aux étudiants de suivre des cours en présentiel. Nous savons que cela est impossible dans certaines écoles et certaines classes, notamment lorsqu'elles comptent plus de 30 élèves. Nous avons la chance en master 2 Droits de l'Homme et Union européenne que les classes comptent environ 25 élèves. Dans un tel cas, il est préférable de continuer les cours en présentiel, sachant qu'en master 2, la prise de parole à l'oral est très importante.

Néanmoins, il est également essentiel de continuer à respecter les gestes barrières. Pour ne rien vous cacher, le nombre de personnes en classe est normalement limité à 20, mais dans les faits, nous sommes plutôt 26 ou 27. Les mesures ne sont donc pas tout à fait respectées, mais notre directrice souhaite continuer les cours en présentiel. Je comprends cette décision, et je l'apprécie, car je souhaite aller en cours, mais malheureusement, les mesures sanitaires ne sont pas totalement appliquées.

En outre, les étudiants ont besoin de sortir et de voir leurs camarades, bien que notre génération soit également très active sur les réseaux sociaux.

Les étudiants sont directement touchés par l'épidémie de Covid-19, mais nous devons rester solidaires jusqu'à ce que la situation se tempère – d'ici juin 2021 selon les statistiques disponibles aujourd'hui. Dans l'attente, nous devons nous serrer les coudes, consentir des efforts, et continuer à nous efforcer d'organiser les cours en présentiel. Je ne rentrerai pas personnellement dans le monde actif dans un futur proche, mais d'autres étudiants ont été concernés en 2019 et 2020, et il a été très difficile pour eux de se projeter dans le futur. Je suis le premier à le comprendre, moi qui entrerai prochainement dans la vie active.

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Yasmine Mebrouk, élue étudiante au conseil d'administration du CROUS de Montpellier-Occitanie

Pour ma part, je vais également très bien.

L'organisation des enseignements et des examens a été particulièrement chaotique lors de l'année scolaire 2019-2020. La mise en place des cours à distance a été difficile. La rentrée 2020-2021 n'a pas été particulièrement bien engagée non plus, en raison principalement d'un manque d'anticipation, mais in fine, les cours se déroulent correctement.

A l'université de Montpellier, nous avons la chance d'étudier dans le cadre de petites promotions et de pouvoir facilement respecter les règles sanitaires. Par exemple, nous sommes 30 par promotion en dernière année d'études de sage-femme. Nous alternons une semaine à distance et une semaine en présentiel. Nous ne sommes donc pas plus de 15 personnes par salle. Nous avons reçu deux masques en tissu réutilisables de la part de l'Unité de formation et de recherche (UFR). Des marquages ont également été prévus à la bibliothèque universitaire afin de ne pas encombrer les tables et de respecter les distances.

Au cours de l'année 2019-2020, deux promotions n'ont pas pu bénéficier de stages. En quatrième et cinquième année, ces stages ont été organisés sur la base du volontariat, et seul un tiers de la promotion a pu en suivre un. L'organisation des stages a depuis été rétablie, et tous les étudiants en bénéficieront cette année, sachant qu'un stage de longue durée est prévu de janvier à juin pour les étudiants en dernière année.

La question de l'international ne se pose pas pour nous, car nous ne pouvons partir à l'étranger. En revanche, des étudiants sages-femmes peuvent se rendre dans les départements d'outre-mer ; ils le pourront si les conditions sanitaires le permettent en janvier 2021, et ne le sauront qu'au dernier moment.

S'agissant des conditions de vie, beaucoup d'étudiants, dont je fais partie, n'ont pas pu travailler durant le confinement. Un quart des étudiants sages-femmes travaillent, une proportion inférieure à celle constatée dans la population étudiante générale. Toutefois, la moitié de ces étudiants travaillent par nécessité. La crise a donc un effet direct sur leurs capacités financières.

Par ailleurs, le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) a attribué aux étudiants un plus grand nombre d'aides spécifiques en début d'année scolaire 2020-2021 que l'année précédente.

L'université et le CROUS proposent également des aides et invitent les associations étudiantes à proposer des projets contre l'isolement social. Par exemple, l'université a organisé à distance certaines activités, en vidéo, par le biais de son service universitaire des activités physiques et sportives (SUAPS). Les rendez-vous avec les assistants sociaux, les psychologues ou la médecine préventive ont été réalisés par visioconférence.

Les promotions de l'UFR qui comptent un trop grand nombre d'étudiants testés positifs au Covid-19 ne suivent plus de cours en présentiel, comme dans les autres établissements de Montpellier. Pour autant, les règles sanitaires sont globalement bien respectées. En outre, nous mettons en place des groupes de parole entre étudiants, dans le cadre desquels ces règles sont appliquées.

La vision des jeunes que présentent les médias, souvent paternaliste, n'est pas toujours de très bon goût. Nous avons une conscience professionnelle, car nous nous occupons de patients, et cette conscience professionnelle entre également en ligne de compte dans nos relations sociales.

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Lorsque vous parlez de groupes de parole, est-ce un dispositif que vous avez mis en place au regard de la première vague de la crise, et que vous poursuivez aujourd'hui ? Pourriez-vous nous indiquer comment vous percevez la crise à venir et comment vous l'anticipez ?

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Florentin Guerret, étudiant à l'université de Nanterre

Merci, Mme la présidente, de m'avoir permis de m'exprimer en représentant l'université de Paris-Nanterre, où je suis étudiant en première année en techniques de commercialisation.

Je suis venu auprès de vous pour témoigner avant tout des mesures mises en place pendant le confinement pour les bacheliers. La crise a été très mal vécue par ces derniers. L'apprentissage à distance n'a fait que renforcer les difficultés que nombre d'entre eux rencontraient auparavant. Je prendrai l'exemple d'un cours de mathématiques. Pour certains élèves, les mathématiques restent une matière très complexe à appréhender. En temps normal, leurs difficultés sont surmontables grâce à l'accompagnement des professeurs, qui sont plus à même de les identifier en présentiel qu'à distance. En visioconférence, les interactions avec les professeurs se réduisent.

Si les cours à distance étaient plus complexes, beaucoup d'élèves se déclaraient également inquiets au regard du baccalauréat, non seulement vis-à-vis de l'obtention de leur diplôme, mais aussi par rapport aux résultats de Parcoursup, qui sont essentiels pour les élèves sortant du lycée.

Le ressenti de la promotion vis-à-vis du baccalauréat 2020 est unanime. Beaucoup d'entre eux estiment que leur diplôme est « gratuit », soit un terme particulièrement fort, ou qu'il n'a pas ou très peu de valeur. De manière générale, les bacheliers sont inquiets vis-à-vis de leur future insertion professionnelle. Ils supposent que dans le cadre d'un recrutement, à dossier identique, un candidat ayant eu son baccalauréat en 2020 sera discriminé par rapport à un candidat ayant reçu son diplôme une autre année. Certains renvoient même au brevet, car la plupart de ceux qui ont passé le baccalauréat en 2020 ont vécu la réforme du brevet, et ils avaient alors déjà considéré que ce diplôme leur avait été donné, car ils avaient été les élèves qui en avaient testé les nouvelles modalités. Aux yeux de certains élèves, les deux premiers diplômes qu'ils ont obtenus dans leur scolarité n'ont aucune valeur.

Dans le cadre des études supérieures, beaucoup d'étudiants rencontrent des difficultés à suivre des cours à distance. Pour eux, ces derniers accentuent les inégalités d'apprentissage, faute d'environnement propice au travail. Suivre un cours depuis son ordinateur à son domicile n'est pas comparable à un cours en présentiel. L'exemple le plus cité par les étudiants est celui des familles nombreuses, qui ne disposent pas toujours du matériel nécessaire pour que tous leurs enfants suivent leurs cours.

En outre, s'il est souvent noté que notre génération ne devrait avoir aucun problème avec l'utilisation de l'informatique et des nouveaux moyens de communication, nous ne disposons pas tous des mêmes moyens pour suivre des cours à distance dans de bonnes conditions, et certains étudiants rencontrent d'importantes difficultés.

Les études supérieures sont souvent perçues comme une période de rupture entre le lycée et le monde professionnel. Il est alors important pour certains étudiants que l'entrée dans les études supérieures se déroule dans les meilleures conditions possibles, d'autant que les cours en visioconférence empêchent les échanges entre les étudiants, échanges pourtant nécessaires à la réussite scolaire. Les professeurs s'accordent à dire que les étudiants qui travaillent ensemble réussissent mieux que ceux qui étudient seuls, car la situation de groupe permet une réelle dynamique de travail. Ma formation en est un exemple concret. Le travail d'équipe y est particulièrement mis en avant, et constitue une priorité pour la plupart des étudiants.

Je manque de temps pour apporter un témoignage sur d'autres sujets, mais je souhaiterais en dernier lieu aborder un thème crucial, la représentation de la parole de la jeunesse au sein des politiques publiques. Tous les élèves que j'ai pu interroger s'accordent à dire que les jeunes sont mal ou insuffisamment représentés dans les politiques publiques.

J'ai relevé quelques idées proposées par des étudiants pour améliorer la considération des jeunes dans ces politiques : certains parlent d'un référendum adressé aux jeunes portant sur les décisions qui sont prises à leur sujet, d'autres favorisent des campagnes d'enquête, d'autres enfin vont jusqu'à parler d'un nécessaire rajeunissement de nos élus, car cela permettrait de lutter contre le désintérêt des jeunes en matière de politique. Il ne faut pas négliger le fait qu'ils constituent l'avenir de la République. La nécessité de donner la parole aux jeunes, mais également la possibilité d'accéder à une meilleure représentation semble faire l'unanimité chez eux. Je vous remercie donc de nous écouter aujourd'hui.

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Nous vous remercions également. Tout ne pourra être dit dans le cadre de cette table ronde, faute de temps, mais vous pourrez nous communiquer ultérieurement des exemples et des préconisations écrits.

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Wasiim Gulabkhan, vice-président étudiants du conseil d'administration du CROUS de Lille

Je vous remercie pour votre invitation. En ce qui me concerne, je vais très bien aussi bien physiquement que mentalement, et je n'ai pas d'appréhension particulièrement vis-à-vis du futur proche.

Toutefois, je rejoins les propos de mes camarades étudiantes et étudiants : pendant longtemps, nous avons été dans le flou, et avons manqué d'assurances. Je prendrai mon cas personnel. Je fais des études à Lille pour devenir kinésithérapeute. Les concours ont été reportés, sans date précise, ce qui a participé à rendre le contexte anxiogène. Nous ne savions pas si nos examens pourraient être organisés ou non, et quand ils le seraient. Un examen que nous devions passer en avril ou mai a été annulé en raison du confinement, sans que nous sachions s'il pourrait être organisé pendant l'été. Les étudiants ne savaient pas non plus s'ils pouvaient retourner chez leurs parents ou s'ils devaient rester à Lille. Ces incertitudes ont suscité de nombreuses interrogations et de l'anxiété.

Heureusement, nous avons pu passer les concours dans les conditions prévues par l'université, en respectant les gestes barrières et les préconisations sanitaires du Gouvernement. Pour autant, le contexte a été anxiogène, alors que les concours le sont déjà par nature. En outre, l'égalité entre les participants n'a pas toujours pu être respectée.

Dans le cadre de la rentrée universitaire, nous avons accueilli beaucoup plus de bacheliers qu'à l'accoutumée. Le nombre de dossiers que le CROUS de Lille a dû traiter a donc augmenté, ce qui a provoqué un certain retard, ce qui est tout à fait compréhensible.

Je fais également partie d'un syndicat étudiant, la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE). Nous avons tiré un bilan de la rentrée, portant notamment sur les frais que les étudiants doivent engager au regard de celle-ci, en prenant en compte les dépenses relatives aux masques et au gel hydroalcoolique. Celles-ci provoquent une augmentation de leurs budgets, sachant que si les institutions mettent bien à disposition du gel, les masques doivent être achetés par les élèves.

En outre, le CROUS intervient sur les questions de logement et de restauration des étudiants, mais également celles relatives à leur santé ou à la situation des étudiants internationaux, qui ne savaient souvent pas, au moment du confinement, s'ils devaient rentrer dans leur pays ou rester en France. La crise sanitaire et économique est mondiale, et certains parents, qui ont dû cesser leur activité professionnelle, n'ont plus les moyens de subvenir aux besoins de leurs enfants qui étudient en France. Cette situation a également pu être très anxiogène.

Au sein des associations étudiantes, en lien avec les institutions, nous avons tâché de pallier les difficultés rencontrées. Une cellule de crise a été mise en place, mais tardivement. Si le pays est amené à être confiné à nouveau, ou si des mesures plus strictes étaient appliquées, nous devrions l'installer plus rapidement, et les institutions devraient rassurer plus vite les étudiants par rapport à leur avenir.

De plus, au début de la crise, les restaurants universitaires sont restés ouverts pour permettre de continuer à proposer des repas à tarification sociale. Malheureusement, ils ont rapidement dû fermer, y compris pour la restauration à emporter, ce qui a mis de nombreux étudiants en difficulté. Les épiceries sociales et solidaires n'ont pas pu fonctionner, alors que des étudiants étaient volontaires. Ainsi, les restrictions sanitaires empêchaient de venir en aide aux étudiants même lorsque les moyens étaient disponibles.

L'État devrait également apporter son aide aux étudiants ultramarins, ainsi qu'à ceux qui n'ont pas bénéficié des stages prévus. Nous avons la chance de pouvoir recevoir des repas à 1 euro, mais la queue aux restaurants universitaires est interminable, empêchant de respecter les règles de distanciation sociale. Pour autant, la demande est bien là, et la précarité perdure.

Si nous étions amenés à connaître un nouveau confinement, il devrait être anticipé en matière de restauration et de logement, mais également de ressources pédagogiques. Florentin Guerret a évoqué les familles nombreuses, mais la fracture numérique doit également être soulignée. Certains étudiants n'avaient pas, au moment du confinement, d'ordinateur à leur domicile, et ne pouvaient envoyer de devoir ou passer leurs examens à distance. Identifier les étudiants en situation de précarité constitue déjà une difficulté pour les académies et les CROUS en situation normale, difficulté qui est accentuée avec la crise.

Toutefois, ils ont mis en place des moyens supplémentaires, notamment au travers des services sociaux – qui ont été saturés –, et du suivi psychologique et de la médecine universitaire et préventive. Pour autant, il semble nécessaire d'identifier des médiateurs et renforcer la collaboration avec les centres hospitaliers régionaux (CHR). Des étudiants ont prêté main-forte au SAMU en période de crise, et pourraient accompagner les services de santé pour venir en aide aux étudiants et être à leur écoute durant toute la durée de la crise.

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Vincent Llorens, étudiant en deuxième année de licence économie-gestion à l'université Paris-Dauphine

Je vous remercie de me recevoir.

Je souhaite revenir sur la question de l'enseignement dans le cadre du confinement. La transition entre l'enseignement en présentiel, qui se déroulait jusqu'aux annonces du président de la République, et l'enseignement à distance, a été brutale, et tant bien que mal gérée par l'université Paris-Dauphine.

Néanmoins, celle-ci est parvenue à assurer la continuité pédagogique, bien que l'enseignement à distance ait posé plusieurs problèmes. Les plus récurrents ont été ceux liés à la fracture numérique. Beaucoup d'étudiants sont rentrés chez leurs parents pendant le confinement, parfois dans des zones rurales, voire blanches. Ils ont rencontré beaucoup de difficultés pour suivre les cours à distance, en raison principalement de mauvaises connexions internet. Un certain nombre de professeurs se trouvaient dans le même cas, et ne disposaient pas d'une bonne connexion ou des outils adéquats.

Malgré tout, la continuité pédagogique a pu être assurée, et nos directeurs de département ont réalisé un bon suivi. Les examens ont été organisés à distance en fin de confinement, car ils étaient prévus début mai. Il est indéniable que nous avons rencontré des difficultés, notamment parce que les sites internet étaient surchargés par le nombre d'étudiants qui s'y connectaient en même temps, et des problèmes de triche, avec des dossiers circulaient pendant les examens, car l'université française n'a pas adopté les méthodes de contrôle des universités anglo-saxonnes, qui impliquent de contrôler ce que fait chaque élève devant son ordinateur au cours des examens.

Aujourd'hui, la situation de l'université Paris-Dauphine est, il me semble, singulière. Beaucoup d'universités et de grandes écoles ont décidé d'accueillir leurs étudiants sur site au moins une semaine sur deux. A l'inverse, l'université Paris-Dauphine a choisi de n'accueillir sur le campus que les élèves de première année de licence et de deuxième année de master, et ce une semaine sur deux.

Les effectifs sont donc divisés en deux groupes qui se présentent à l'université de manière alternée, et les étudiants relevant des autres années d'étude (deuxième et troisième années de licence et première année de master) suivent les cours à distance. Or ces derniers restent problématiques, en raison des inégalités constatées durant le confinement et qui perdurent en dépit d'aides nouvelles, notamment pour acquérir du matériel informatique. Certains élèves ne sont alors pas en mesure de suivre les cours dans d'aussi bonnes conditions que d'autres.

En outre, l'enseignement à distance ne permet pas un apprentissage de la même qualité que l'enseignement en présentiel. L'université Paris-Dauphine se vante d'être un cas particulier dans le monde universitaire dans la mesure où elle ne propose que peu de cours en amphithéâtre. La plupart des cours sont réalisés en travaux dirigés (TD), en groupes de moins de 30 personnes, qui favorisent le lien entre le professeur et les étudiants. Le professeur peut plus facilement identifier les difficultés de compréhension des élèves dans ce cadre qu'à distance. Lors des TD organisés à distance, les professeurs s'efforcent de comprendre les difficultés des étudiants, mais cela reste délicat.

Par ailleurs, l'avantage de la vie étudiante en présentiel est qu'elle dépasse le cadre des cours. L'université Paris-Dauphine met en avant le fort engagement associatif de ses étudiants. Or, en raison des cours à distance, les élèves ne peuvent plus vivre l'université de la même manière que les années précédentes, et l'expérience étudiante est réduite aux seuls cours.

Beaucoup de jeunes perçoivent la vie étudiante, associative ou non, comme un moyen de se décharger de la pression qui pèse sur eux, mais n'y ont plus complètement accès aujourd'hui. Malgré tout, la vie associative et la vie étudiante s'organisent d'une nouvelle manière, et nous tâchons de contourner les difficultés que nous rencontrons.

Les événements au sein de l'université sont soumis à une jauge de présence de 50 %. Du gel hydroalcoolique est disponible, mais il n'est pas prévu de distribuer des masques. L'université Paris-Dauphine a mis à disposition des salles, notamment pour les étudiants qui rencontrent des problèmes de connexion internet, car le campus reste ouvert (tout comme la bibliothèque).

Les étudiants partagent un certain nombre de frustrations, mais ils comprennent l'importance des mesures sanitaires. Nous nous sentons malgré tout obligés d'alerter sur ces frustrations, car nous ne souhaiterions pas que le modèle d'enseignement à distance s'installe dans le temps, bien que certains pourraient y être favorables, en raison notamment des réductions de coûts qu'il permet. Nous devons insister sur le fait qu'il ne permet pas aux étudiants de bénéficier du même apprentissage qu'en présentiel. Je pense (et cette opinion est partagée par la plupart de mes camarades), que l'enseignement à distance ne doit pas s'inscrire dans la durée une fois la crise terminée.

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J'ai omis de vous faire jurer. Pouvez-vous le faire dès à présent ?

(M. Vincent Llorens, M. Wasiim Gulabkhan, M. Florentin Guerret et Mme Yasmine Mebrouk prêtent serment.)

(M. Lilian Rousset prête serment.)

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Lilian Rousset, étudiant en Master 2 Relations Internationales-Sécurité et Défense à l'université de Lyon 3

Merci, Mme la présidente, de votre invitation . Physiquement et moralement, comme mes camarades, je me sens bien. Je n'ai pas d'appréhension particulière au regard de l'avenir, même si les difficultés qui pourraient apparaître vis-à-vis du stage de fin d'études, dans le cadre de mon master 2, constituent évidemment une source de préoccupation.

De très nombreux points ont été abordés par les intervenants précédents. J'axerai donc ma prise de parole sur l'université que je connais, l'université Jean Moulin-Lyon 3. Au regard de la taille de celle-ci, je n'aurai pas la prétention de rendre compte de l'ensemble des suivis pédagogiques appliqués au sein des différentes composantes de l'université.

Je peux toutefois vous dire que très rapidement, des liens pédagogiques ont été mis en place au moment du confinement. Le département d'études slaves auquel j'étais rattaché a réalisé un important travail pour assurer la poursuite de la continuité pédagogique, en proposant de nombreux exercices, vidéos et films en russe, qui nous permettaient de continuer à pratiquer la langue.

Dans le cadre de mon diplôme principal au sein de la faculté de droit, un certain nombre de cours ont été achevés par l'envoi de fichiers au format PDF sur la plateforme pédagogique de l'université. D'autres enseignements n'ont jamais été terminés, ce qui est forcément regrettable. D'autres, enfin, ont résolument changé de forme.

In fine, nous n'avons reçu que trois notes pour le second semestre, dont deux sur la base d'exposés prévus à l'oral qui ont été transformés en exposés écrits, et une à l'issue d'un exercice de simulation de crise, traditionnel à l'université Lyon 3, et qui avait été réalisé en janvier.

Ainsi, la continuité pédagogique a été mise en place, mais en demi-teinte, avec à la clé des notes, pour ce master 1 Relations internationales, globalement très supérieures à celles des promotions précédentes, et une moyenne qui n'était pas représentative du niveau des étudiants, la notation finale n'ayant porté que sur un tiers des enseignements attendus.

Aujourd'hui, le fonctionnement mis en place à Lyon 3 me semble à mi-chemin entre celui de Paris-Dauphine et celui de la Sorbonne. Il prévoit 50 % de temps en présentiel et 50 % en distanciel, de la première année au master 2. Toutes les promotions sont divisées en deux groupes, le premier étant sur site une semaine, et le second la semaine suivante. Le groupe absent reçoit un fichier PDF en guise de cours. Certains professeurs enregistrent également leurs cours et les envoient à leurs étudiants. D'autres diffusent leurs cours en direct, ce qui pose la question de la fracture numérique déjà été évoquée par Vincent Llorens. J'ai l'exemple d'un camarade qui habite, selon ses termes, « au fin fond de l'Ain », et qui rencontre d'importantes difficultés. Pour suivre les cours à distance, il doit se rendre chez un camarade ou à la bibliothèque, voire participer aux cours en présentiel alors qu'il n'en a normalement pas le droit.

Je souhaite évidemment qu'un maximum de cours restent assurés en présentiel. Je suis en ce sens proche de la position d'Adrien Di Rollo. Toutefois, mon université (et c'est sans doute le cas d'autres établissements d'enseignement supérieur) n'a pas suffisamment pris en compte la diversité des parcours de ses étudiants. Je comprends qu'en première année, une promotion de 500 élèves soit divisée en deux afin d'assurer la distanciation sociale, mais dans le cadre du master, nous nous trouvons dans des salles pouvant accueillir 30 ou 40 personnes, voire plus, et notre promotion de 25 élèves est malgré tout divisée en deux. Nous sommes alors parfois à 10 ou 12 dans de grandes salles, pénalisant les étudiants qui souhaiteraient accéder à l'intégralité des cours, ce qui ne saurait leur être reproché lorsqu'ils ne reçoivent qu'une restitution papier de ceux-ci.

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Nous reviendrons sur les différents points que vous avez soulevés. Je donne maintenant la parole à Mme Marie-George Buffet, qui est la rapporteure de la commission d'enquête, et qui a initié l'enquête donnant la parole aux étudiants vis-à-vis de la crise du Covid-19.

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Je vous remercie pour vos témoignages.

En premier lieu, je voudrais réaffirmer le fait qu'il n'y a pas de « sous- baccalauréat » ou de « sous-examen ». C'est l'ensemble des années qui se cumulent qui font la réussite d'un parcours d'études. Le discours qui voudrait que les élèves qui arrivent à l'université sans avoir passé le baccalauréat dans les conditions traditionnelles ne seraient pas capables de réussir dans les études supérieures doit être abandonné. Vous continuerez vos études, et j'espère que vous irez toutes et tous jusqu'à leur terme.

Ce point est important à souligner, car la démocratisation de l'université continue. Le fait qu'elle accueille de plus en plus d'étudiants n'a rien de dramatique, mais constitue au contraire une richesse pour notre pays, car nous avons besoin de vos compétences pour développer la France et le bien-être de ses habitants, mais également l'ensemble de notre planète.

En second lieu, nous avons entendu des étudiantes et des étudiants qui s'expriment en leur nom propre (à l'exception de l'un d'entre eux, qui est intervenu au nom de la FAGE), mais nous avons également écouté il y a quelques semaines les représentants des syndicats et associations de jeunesse représentatives. Par conséquent, nous avons pu aborder les effets de la crise sanitaire sur les étudiants au travers des organisations syndicales qui les représentent, mais également au travers de la parole immédiate de jeunes qui ont évoqué leur propre expérience.

L'un d'entre eux vous a indiqué que la transition vers l'enseignement à distance avait été très brutale. Pourriez-vous nous dire comment votre perception de la pandémie a évolué au fil du temps ? Quelles informations les autorités de vos universités vous ont-elles communiquées durant la période ? N'avez-vous été informés qu'au moment du confinement, ou bien l'étiez-vous déjà quelques semaines plus tôt ?

En outre, comment le dialogue social s'est-il organisé au sein de vos universités, et comment pourrait-il être amélioré au quotidien, mais également en cas de nouvelle crise ? Certains ont parlé de cellule d'urgence. Ne faudrait-il pas que des cellules d'urgence, intégrant des organisations syndicales représentatives et la direction des universités, soient en permanence prêtes à suivre l'évolution des crises susceptibles de survenir ?

Vous avez également souligné la fracture numérique. Nous avons auditionné le ministre de l'Éducation nationale ce matin. Il a indiqué qu'une formation au numérique était proposée au collège et au lycée, et qu'un CAPES voire une agrégation du numérique serait prochainement mis en place. Dans l'urgence, ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire de proposer des formations pour faire en sorte que les étudiants qui n'ont pas l'habitude de pratiquer le numérique puissent acquérir rapidement les savoir-faire associés ?

Vous avez été plusieurs à insister sur le fait que rien ne pouvait remplacer les cours en présentiel, en raison du contact direct avec les professeurs qu'ils permettent. Selon vous, faudrait-il faire en sorte que le présentiel soit la norme, quitte à utiliser des locaux particuliers comme des bibliothèques ou des salles communes ?

Par ailleurs, vous avez évoqué le problème des masques. Je partage l'idée qu'ils constituent un coût pour les étudiantes et les étudiants. Leur gratuité doit être revendiquée.

Enfin, je m'interroge sur votre rapport avec les services de santé. Vous avez tous indiqué que vous alliez bien, mais il a été indiqué à la commission d'enquête que des élèves rencontraient des problèmes d'ordre psychique (angoisse, anxiété, etc.). Quel est le rapport des étudiants à leur santé et aux centres de santé dans vos universités ? Qu'attendez-vous des professionnels de santé dans le contexte actuel ?

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Wasiim Gulabkhan, vice-président étudiants du conseil d'administration du CROUS de Lille

S'agissant de l'information des étudiants, l'université de Lille a déployé des moyens importants en la matière. L'arrivée potentielle de la pandémie a été annoncée avant mars. Les premières communications concernaient la mobilité internationale, et plus particulièrement les étudiants en Erasmus ou ceux qui devaient partir en stage à l'étranger, tout d'abord à proximité de Wuhan ou en Chine, puis dans le nord de l'Italie et dans les pays frontaliers de la France. Les mobilités vers ces pays ont été proscrites pour éviter que les étudiants se mettent en danger et reviennent à la fin de leur stage mettre en danger d'autres personnes.

Par la suite, nous avons été informés chaque semaine sur l'évolution de la crise et, par exemple, les gestes barrières, le télétravail, la conduite à tenir en cas de symptômes ou lors du retour de voyage d'un pays où l'épidémie est généralisée, l'organisation de la quarantaine, ou encore les consignes relatives aux clusters qui sont apparus au sein des institutions ou dans les résidences universitaires.

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Adrien Di Rollo, étudiant en Master 2 Droits de l'Homme et Union européenne à l'université de Paris-Sorbonne

La France a été l'un des rares pays à ne pas avoir obligé les étudiants qui étaient en échange international en mars 2020 à rentrer. Il m'a été recommandé de rentrer en France, mais cela n'était pas obligatoire. Des camarades allemands, hollandais ou belges ont été obligés par leur université à rentrer dans leur pays. Ce n'était sans doute pas la mesure la plus simple à prendre pour le Gouvernement, dans la situation d'incertitude du début de l'épidémie. Les vols étaient très peu nombreux – un vol toutes les deux semaines –, et les étudiants ne savaient pas quand ils pourraient revenir en France. Pour les étudiants français, ces retours n'ont pas toujours été très bien gérés, même si cela ne m'a pas posé de difficulté à titre personnel. Le fait de ne pas savoir quand ils pourraient rentrer était pour eux source d'angoisse.

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Florentin Guerret, étudiant à l'université de Nanterre

En tant que lycéen entré récemment dans les études supérieures, je ne peux parler de l'université, mais l'information sur l'épidémie était quasiment nulle dans le lycée où j'étudiais l'année dernière. Nous nous sommes rendu compte que la crise prenait de l'ampleur lorsque le président a annoncé la fermeture des établissements scolaires. À aucun moment notre lycée n'a pris les devants et nous a informés sur la crise à venir. Nous avons été informés par les médias tout en continuant à suivre les cours normalement. Nous étions privés de beaucoup d'informations, ce qui a participé à donner un sentiment d'invincibilité aux lycéens, à leur impression qu'ils ne risquaient guère d'être concernés par la crise.

L'annonce de la fermeture des lycées a alors été d'autant plus brutale, car les lycéens ne prenaient pas la mesure de la gravité de l'épidémie. Je ne peux que reprocher ce manque d'information.

A l'université, cette année, les informations sont beaucoup plus régulières. L'importance de la crise et le fait que nous ne devons pas nous croire invincibles, car nous sommes jeunes, nous sont régulièrement rappelés.

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Vincent Llorens, étudiant en deuxième année de licence économie-gestion à l'université Paris-Dauphine

Je souhaite également aborder la question de l'information. Jusqu'à la première intervention du président de la République dans le cadre de la crise, la plupart des étudiants de l'université se trouvaient dans une sorte de bulle. Nous n'avions pas conscience que nous vivions une crise sanitaire. Nous ne nous sommes rendu compte que la crise prenait des proportions incontrôlables qu'au cours des jours qui ont précédé la fermeture des universités.

L'information a été centrée, à partir de fin février, sur les mobilités. A Paris-Dauphine, un parcours spécial de trois années (le parcours Shanghai) consiste en la délocalisation d'une classe en Chine. Cette classe a été rapidement rapatriée. En revanche, le rapatriement des autres étudiants en Erasmus a été tardif, et n'a eu lieu que durant la deuxième semaine de mars.

Une fois le confinement installé, la communication a été beaucoup plus régulière. L'université nous incite à porter le masque, à respecter la distanciation sociale et à ne pas nous rendre sur le campus. Ainsi, d'importants progrès ont été réalisés en matière de communication depuis la période précédant le confinement.

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Quel serait le lieu de concertation adapté pour gérer une crise au sein de l'université ? Les instances existantes sont-elles suffisantes, ou pensez-vous qu'il est nécessaire de créer une nouvelle instance, capable de prendre des décisions plus rapidement, et qui se consacre à la gestion des crises ? Ces questions sont importantes pour que nous puissions émettre des recommandations pertinentes.

Je souhaite également en savoir plus sur les clusters au sein des résidences universitaires. Merci.

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Yasmine Mebrouk, élue étudiante au conseil d'administration du CROUS de Montpellier-Occitanie

Selon moi, en période de crise, il doit exister un lien direct entre la gestion des structures et la gestion des plannings. Ce lien doit être maintenu dans le cadre du comité de formation et de vie universitaire (CFVU), ou bien en conseil d'université (CU), comme cela se fait à l'heure actuelle. Cela permet d'éviter les intermédiaires et de diffuser des messages cohérents, car il est plus facile de réfléchir ensemble et de proposer une vision globale lorsque toutes les personnes concernées sont réunies au sein d'une seule et même commission.

S'agissant des clusters dans les résidences universitaires, nous n'avons enregistré que peu de cas dans le cadre du CROUS Montpellier-Occitanie. Les étudiants malades ont été confinés dans les résidences, et des plaques électriques et du matériel électroménager leur ont été prêtés.

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Nous avons entendu les responsables des universités et des grandes écoles, et leurs administrations considèrent qu'ils sont conscients des problèmes que les étudiants rencontrent, alors ceux-ci expriment souvent le fait qu'ils se sentent seuls et désarmés. Ces administrations incitent les élèves à leur écrire et à les remettre en question, et à ne pas souffrir en silence, ou à voir souffrir à leurs côtés sans réagir.

Elles ont du mal à identifier les étudiants qui connaissent des problèmes, par exemple au regard du fait que la période d'intégration n'a pu être mise en place comme à l'accoutumée, ce qui crée de la solitude chez beaucoup d'étudiants, ou des difficultés à suivre les cours à distance que vous avez déjà évoquées. Il ne faut donc pas hésiter à porter la parole des étudiants auprès des administrations. La crise est le moment pour les étudiants de prendre cette parole, et de la conserver. Ils peuvent s'appuyer sur les administrations, mais pour ce faire, ils doivent les saisir.

Par ailleurs, un très fort sentiment de solitude peut être constaté chez les étudiants relevant d'Erasmus, que cela soit des étudiants français partis à l'étranger ou les étudiants étrangers présents en France. Ce sentiment de solitude était parfois présent avant la crise. Beaucoup d'étudiants étrangers se sentent seuls sur notre territoire de manière générale. Cette crise participe-t-elle à renforcer la solidarité entre les étudiants, ou a-t-elle encore creusé les solitudes individuelles, dans un contexte où le confinement impose une solitude factuelle ?

En outre, nous constatons une forte demande pour que les professeurs se montrent plus attractifs, et arrêtent de proposer des cours en ligne dénués d'interaction et qui prennent la forme de monologues d'une ou deux heures. Il est vrai que d'autres modèles d'enseignement à distance existent. Êtes-vous d'accord sur cette demande ?

Qu'en est-il des addictions ? Quelles formes d'addictions ou de conduites à risques avez-vous vu se développer dans votre entourage ? De nouvelles « modes » sont-elles apparues ?

Comment avez-vous vécu votre éventuelle addiction aux réseaux sociaux, et quel rôle ceux-ci ont-ils joué dans le cadre de la crise sanitaire ?

Avez-vous constaté des décrochages chez les étudiants, soit par découragement, soit par paresse – sachant qu'en l'absence de stimuli immédiats, les étudiants peuvent se retrancher derrière leur écran) ? La paresse est-elle venue polluer vos études ?

Enfin, inventez-vous de nouvelles pratiques pour vivre votre jeunesse, la fête, la joie et les relations amoureuses, dont vous pourriez être privés dans le cadre de la crise ?

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Florentin Guerret, étudiant à l'université de Nanterre

Le fait d'être chez soi pour suivre un cours en ligne devant un ordinateur favorise très certainement la paresse. La tentation est souvent forte de faire autre chose que d'écouter le cours. Les cours à distance amplifient la possibilité de se distraire, d'autant que les étudiants utilisent pour leur majorité un ordinateur personnel, et peuvent recevoir des notifications qui gênent la concentration.

S'agissant de la vie sociale, je résidais durant le confinement à Besançon, tandis que ma petite amie habitait à Paris. Même lorsqu'il nous a été permis de nous déplacer jusqu'à 100 kilomètres de notre domicile, il nous était impossible de nous voir. Nous avons donc vécu trois mois loin l'un de l'autre. Nous avons alors mis en place des stratagèmes. Nous nous sommes appelés régulièrement sur FaceTime, qui constituait un moyen facile de rester en contact, et nous avons par exemple joué à des jeux ensemble sur nos téléphones, ce qui nous permettait de maintenir un lien, même à distance. Toutefois, le confinement a été difficile à vivre sur le plan des relations.

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Vincent Llorens, étudiant en deuxième année de licence économie-gestion à l'université Paris-Dauphine

Vous avez posé plusieurs questions sur la manière dont les professeurs faisaient cours. Elles rejoignent le thème du décrochage. Celui-ci est beaucoup plus difficile lors d'un cours en présentiel, même face à un professeur qui monologue, dans la mesure où nous sommes en permanence sous son regard. A distance, les professeurs ne nous demandent pas d'allumer en permanence nos caméras, et le garde-fou du regard n'existe pas.

De plus, les professeurs n'adaptent pas toujours leurs cours à ces nouvelles modalités d'enseignement, ce que nous pouvons comprendre. Ils sont toujours dans l'optique de réciter une leçon. De très nombreux étudiants, en tout cas dans mon entourage à l'université Paris-Dauphine, décrochent, ne parviennent pas à suivre les cours, et sont obligés de les retravailler avec les ressources numériques qui leur sont fournies. Ainsi, ils retravaillent le cours une fois celui-ci terminé, parce que le professeur ne parvient pas à capter l'attention de tous les élèves.

Les sollicitations et les stimuli extérieurs sont également plus importants lors d'un cours à distance, que cela soit sur l'ordinateur ou sur le téléphone qui reste souvent à proximité. Beaucoup de mes amis m'indiquent qu'ils regardent très régulièrement leur téléphone durant les cours, ce qu'ils ne peuvent faire lors d'un cours en présentiel. Ce point rejoint la question des addictions au numérique.

En outre, beaucoup d'étudiants souffrent de migraines ophtalmiques, car ils passent leurs journées devant des écrans – sachant que certaines journées de cours durent de 10 heures à 18 heures 45.

Les moments de fête et de joie sont rares. Nous parvenons à trouver des moyens de contourner les privations ou des alternatives compatibles avec le contexte sanitaire, mais lorsque nous parvenons à organiser des moments de convivialité, nous nous sentons irresponsables ou pointés du doigt.

À l'université Paris-Dauphine, la vie associative est parvenue à se réorganiser. Toutefois, la plupart des associations ne peuvent pas prévoir leurs événements habituels, et les moments de convivialité sont moins nombreux, ce qui participe à renforcer le risque de décrochage, car ces moments permettent aux étudiants de réduire la pression.

Par ailleurs, certaines disciplines se prêtent plus que d'autres à l'enseignement à distance. Un cours de sociologie ou de sciences politiques peut être réalisé à distance, dans la mesure où il s'agit de matières « littéraires ». En revanche, les enseignements mathématiques que nous suivons à Paris-Dauphine (micro et macro-économie, statistiques, etc.) sont très difficiles à dispenser à distance, même si quelques professeurs utilisent des applications qui leur permettent d'écrire sur des tablettes graphiques. Travailler sur des calculs à distance est délicat, et pour une filière centrée sur l'économie comme la nôtre, il s'agit d'une réelle difficulté.

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Lilian Rousset, étudiant en Master 2 Relations Internationales-Sécurité et Défense à l'université de Lyon 3

Je suis d'accord avec vous, Mme la présidente, s'agissant de l'attractivité des cours. Il apparaît nécessaire d'assurer un lien direct et continu entre étudiants et professeurs, y compris lorsque les enseignements se déroulent à distance.

Toutefois, si ce lien peut être maintenu dans le cadre de promotions de petite taille, dans les faits, il semble très difficile à mettre en place dans les classes de première année, comprenant 300 à 500 étudiants, et parfois plus dans certaines universités parisiennes. A l'université Lyon 3, les plus grandes promotions comptent 500 élèves. Dans une telle classe, l'interactivité risquerait de se transformer en cacophonie.

De plus, certains professeurs sont très attachés à leurs méthodes d'enseignement habituelles. Ils indiquent eux-mêmes qu'ils ne souhaitent pas en changer, et reconnaissent que, quand bien même ils le voudraient, ils rencontreraient des difficultés. Certains professeurs proches de la retraite n'ont pas envie de se servir de l'outil informatique. Je les comprends. Pour eux, le cours en lui-même, le fond de la matière, est important dans l'enseignement, mais l'échange entre l'étudiant et l'enseignant reste le plus important. Certains professeurs estiment alors se renier lorsqu'ils font cours à distance. Ils sont obligés de le faire aujourd'hui, mais cela leur est très difficile.

Enfin, en ce qui concerne la mise en place d'une cellule de crise permanente, celle-ci pourrait être intégrée à la CFVU, et certains professeurs pourraient s'y joindre. En effet, lorsque j'étais en licence de droit et de science politique à l'université Jean Moulin-Lyon 3, j'ai suivi un cours de gestion des crises internationales, dispensé par un professeur qui pourrait jouer un rôle important dans une telle cellule de crise. Cela permettrait d'anticiper les crises, même si certaines sont par principe difficiles à anticiper, et de déterminer des scenarii au moment où elles commencent à émerger.

La majorité des universités ne proposent pas encore des cours de ce type, mais ils ont vocation à se généraliser, ce qui n'aura que des effets positifs.

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Quelle est votre relation à vos parents et vos grands-parents ? Les admirez-vous, ou les subissez-vous ? Pour eux, tout a également changé. Vous endurez peut-être leurs inquiétudes, leur appauvrissement ou leur nervosité, mais également leur créativité.

Par ailleurs, j'ai bien compris que les mathématiques étaient plus compliquées à enseigner à distance que d'autres matières. Vous devez nous faire des préconisations sur des points de cet ordre, et continuer à réfléchir d'ici à la mi-novembre afin de nous envoyer des propositions par mail. Les cas particuliers présentés par les étudiants et les professeurs sont toujours intéressants.

Enfin, de manière plus générale, comment voyez-vous l'avenir ?

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Adrien Di Rollo, étudiant en Master 2 Droits de l'Homme et Union européenne à l'université de Paris-Sorbonne

Mes propres parents se montrent compréhensifs, et je pense que cela est le cas de beaucoup d'autres parents d'étudiants. Ils admettent le ressenti de leurs enfants face à la crise du Covid-19, car ils sont eux-mêmes confrontés à des difficultés dans leur entreprise. Un nombre important de personnes ont été licenciées. Ils conçoivent que nous puissions présenter des craintes vis-à-vis du futur, par exemple pour trouver un stage. Ils ont adapté leurs comportements et ont compris que la situation actuelle était néfaste pour les étudiants.

Il est difficile de prévoir le futur. Les offres de stages sont limitées. Il est compliqué aussi bien pour eux que pour nous de se projeter dans l'avenir. Ils ont le sentiment qu'ils peuvent être licenciés du jour au lendemain. Les grandes entreprises ont perdu beaucoup de chiffre d'affaires. Ils se mettent à notre place, car ils savent que les entreprises pour lesquels ils travaillent pourraient être nos futurs employeurs.

Je pense qu'ils seront plus solidaires avec nous que les années précédentes, par exemple dans le cadre de notre recherche de stage. Ils nous aiguilleront vers les secteurs moins touchés par la crise du Covid-19. Ils sont dans la vie active, et savent où il est possible de trouver du travail aujourd'hui. Ils sont donc en mesure de nous guider dans nos choix de stage, et leur avis nous est essentiel dans le contexte actuel.

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Florentin Guerret, étudiant à l'université de Nanterre

Mon père est inspecteur académique. Il a donc un fils étudiant, mais travaille également avec les professeurs sur la réaction du corps enseignant. Il se montre dans l'ensemble très compréhensif, et m'a accompagné dans la crise, en tâchant de comprendre à la fois les étudiants et les professeurs, car ceux-ci, comme nous, doivent s'adapter à de nouvelles méthodes de travail. Ma mère travaille quant à elle pour une entreprise privée, et s'est montrée beaucoup plus inquiète.

Étant au début de mes études supérieures, il m'est difficile de me projeter dans un métier futur. En revanche, s'agissant des cours, si je ne suis pas nécessairement pessimiste, je crains la tournure que pourraient prendre les événements. Nous pourrions continuer à suivre les cours à distance pendant très longtemps, ce qui serait pour moi regrettable, car l'enseignement passe par l'accompagnement des élèves en présentiel.

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Vincent Llorens, étudiant en deuxième année de licence économie-gestion à l'université Paris-Dauphine

Pour ma part, ma mère a quitté son emploi en raison du Covid-19. Elle était hôtesse de l'air pour Air France, et proche de la retraite. Elle a pu bénéficier d'une rupture conventionnelle. Elle comprend les enjeux de la crise, qui sont tout aussi importants pour elle que pour moi, mais d'une manière différente. Mon père est à la retraite, et son cas est différent.

D'une manière générale, nos parents comprennent les enjeux auxquels nous sommes confrontés, et nous aident. Cependant, beaucoup d'étudiants comme moi vivent seuls à Paris. Par conséquent, nous ne sommes pas en permanence en leur présence et ne ressentons pas leur anxiété.

En ce qui concerne l'avenir immédiat, un grand flou demeure aussi bien sur la situation sanitaire générale que sur la situation de l'université. Nous manquons de visibilité. Pour prendre un exemple concret, je dois en théorie passer une épreuve de statistiques dans le cadre du contrôle commun le samedi 24 octobre, mais elle n'a pas encore été confirmée. Nous ne savons pas non plus ce qu'il en sera des examens du premier semestre, le contrôle continu ayant lieu en novembre et les examens de fin de semestre début janvier.

Si je devais émettre des prédictions, je dirais que cette année scolaire sera celle des difficultés et de l'enseignement à distance, mais j'espère que nous apprendrons de cette expérience, et que la rentrée 2021-2022 se fondera sur notre vécu afin de réinventer les manières d'enseigner à l'université, en renforçant le dialogue et l'écoute des étudiants, et en améliorant la prise en compte par les administrations des problèmes auxquels ils sont confrontés.

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Je vous propose de terminer sur ces propos constructifs. Lorsque Mme Marie-George Buffet évoquait la valeur des diplômes, il faut en croire son expérience et la mienne. La période actuelle oblige à plus de souplesse, mais également à plus de créativité, d'inventivité et de réactivité. Elle pourrait être, je l'espère, l'occasion d'un beau rapprochement intergénérationnel que nous ne pouvions imaginer avant la crise du Covid-19.

Nous vous remercions d'avoir participé à cette table ronde, et tiendrons compte de vos remarques. Nous attendons vos éventuelles contributions complémentaires, mais elles devront nous parvenir au plus tard le 19 novembre.

La table ronde s'achève à quinze heures quarante-cinq.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 14 heures 15

Présents. – Mme Marie-George Buffet, Mme Sandrine Mörch, Mme Maud Petit, M. Frédéric Reiss

Excusés. ‑ Mme Sandra Boëlle, M. Bertrand Sorre