Groupe de travail sur les conditions de travail à l'assemblée nationale et le statut des collaborateurs parlementaires

Réunion du mardi 20 mars 2018 à 8h50

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • FNATH
  • UNAPEI
  • accessibilité
  • accident
  • handicapée
  • handicapées mentales
  • personnes handicapées
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La réunion

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GROUPE DE TRAVAIL N° 2 – LES CONDITIONS DE TRAVAIL À L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET LE STATUT DES COLLABORATEURS PARLEMENTAIRES

Mardi 20 mars 2018

Présidence de M. Michel Larive, président du groupe de travail

– Audition de M. Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH).

La réunion commence à huit heures quarante-cinq.

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Comme chaque mardi matin au cours des dernières semaines, nous poursuivons aujourd'hui notre cycle de travaux consacré à la prise en compte du handicap dans le fonctionnement de l'Assemblée nationale, en recevant des représentants d'associations défendant les intérêts de personnes en situation de handicap.

Nous commençons par l'audition de M. Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH), pour une durée d'une heure.

La FNATH est une association créée en 1921, reconnue d'utilité publique depuis 2005, et qui regroupe plus de 1 500 sections, réparties dans 70 structures départementales ou interdépartementales. Elle concentre son action principalement sur les personnes handicapées, malades et accidentées du travail et travaille spécialement sur le stress, le harcèlement et la sécurité routière.

Nous avons conscience de l'importance de ces enjeux et considérons que votre expérience, monsieur le secrétaire général, est tout particulièrement utile pour éclairer l'Assemblée nationale. D'une façon générale, comme je l'ai rappelé lors de nos précédentes réunions, toutes les propositions que vous pourrez formuler pour permettre à notre assemblée de progresser dans sa prise en compte du handicap sont les bienvenues.

Je vous remercie donc de votre participation à nos travaux et vous propose de nous présenter brièvement la FNATH. Nous vous poserons ensuite nos premières questions.

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Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH)

La FNATH est une association qui a été créée en 1921 et qui, à l'époque, s'appelait « Les mutilés du travail », en réaction à l'importance du nombre de mutilés anciens combattants de la Première Guerre mondiale. L'idée était déjà d'aider les personnes atteintes – à l'époque, on parlait de « mutilation » – par un accident du travail dans leurs démarches d'accès au droit, de maintien dans l'emploi et de maintien du lien avec la société et la citoyenneté. Ce qui passe par le travail, certes, mais aussi par des indemnisations adéquates. Au fil des années, notre nom a évolué : ainsi sommes-nous aujourd'hui la FNATH, association des accidentés de la vie, et regroupons-nous à ce titre toutes les personnes victimes de maladies ou d'accidents survenus en cours de vie, principalement liés au travail. Nous comptons donc peu de personnes handicapées de naissance parmi nos adhérents ; c'est le fruit de notre histoire, et aussi notre spécificité.

La FNATH est une fédération qui compte à peu près 1 000 à 1 500 associations locales, départementales et interdépartementales sur l'ensemble du territoire, présentant comme tout réseau des réalités différentes selon les départements. Mais cela garantit une proximité avec toutes les personnes qui pourraient avoir besoin de notre association, et la possibilité d'accompagner toutes ces personnes ; notre activité porte en effet beaucoup sur l'accompagnement juridique et administratif.

Les intéressés viennent souvent à nous parce qu'ils rencontrent des difficultés dans le domaine de l'accès au droit et de la compréhension de ce à quoi ils peuvent prétendre à ce titre. Nous sommes donc aussi là pour les accompagner dans le champ classique de l'aide administrative, dans les courriers, les dossiers, notamment la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), mais nous allons aussi jusqu'à la phase contentieuse, puisque nous pouvons représenter et assister nos adhérents devant certains tribunaux.

L'association regroupe à peu près 100 000 adhérents sur l'ensemble du territoire ; elle ne gère pas d'établissement pour personnes handicapées, et représente tous les types de handicaps. Je précise ce dernier point, car il nous distingue d'autres associations avec lesquelles nous travaillons évidemment très bien, afin de situer la FNATH dans le paysage associatif.

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Quelles relations entretenez-vous avec les pouvoirs publics et, tout particulièrement, avec les représentants du pouvoir législatif, Assemblée nationale et Sénat ? Vous estimez-vous bien associé à leurs réflexions ?

Quels sont les obstacles les plus fréquents rencontrés par les accidentés du travail sur le lieu de travail ? Les administrations publiques protègent-elles plus leurs agents des accidents du travail invalidants ? La prévention des risques professionnels est-elle suffisante, et comment l'améliorer concrètement ?

Quel est, en France, le pourcentage de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé résultant d'accidents survenus sur le lieu de travail ?

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Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH)

Merci madame : ces trois questions constituent une multitude, avec des questions comportant de multiples sous-questions !

(Sourires.)

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Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH)

Avec les pouvoirs publics, nous entretenons des relations plus ou moins régulières et étroites selon les sujets. Avec les ministères, nous avons des contacts réguliers, la question la plus importante étant de savoir si nous considérons être convenablement associés à leur réflexion. La chose est assez variable selon les thématiques, les ministères et les sujets – mais, d'une façon générale, nous considérons ne pas y être suffisamment associés.

En ce qui concerne ce que beaucoup de ministères appellent désormais la co‑construction, nous sommes souvent assez déçus du résultat et du peu d'importance que l'on accorde à notre avis et à notre expertise. Nous avons en effet, au fil du temps – nous sommes une fédération quasi centenaire – acquis de l'expérience, et nous disposons d'un maillage territorial de proximité. À ce titre, nous avons une parole et une vision qui pourraient être davantage prises en compte sur un certain nombre de sujets.

Avec les représentants du pouvoir législatif, nous avons des contacts réguliers, notamment du fait de l'importance de notre maillage, ce qui fait que beaucoup de députés, en nombre variable toutefois selon les départements et la vivacité de nos associations au plan local, connaissent la FNATH qu'ils rencontrent sur le terrain. Cela nous permet d'accompagner des personnes que les députés reçoivent dans leurs permanences et orientent vers nous. Sur le plan national, nous rencontrons aussi régulièrement les parlementaires, souvent dans le cadre d'auditions, ce qui est l'occasion de faire entendre notre point de vue sur un certain nombre de sujets, notamment sur des projets de loi.

Mais, de façon globale, il serait utile que nous puissions être entendus plus en amont des diverses prises de décision.

S'agissant des obstacles les plus fréquents rencontrés sur le lieu de travail, je ne pense pas qu'il faille distinguer les accidentés du travail en tant que tels, car ces obstacles sont rencontrés par les handicapés en général.

En revanche, les taux d'incapacité résultant d'accidents du travail ne sont pas très élevés : de 9 % pour les troubles musculo-squelettiques (TMS), par exemple, ce qui n'est pas perçu comme très lourd et peut conduire à penser que l'intéressé peut continuer de travailler sans dommage. Or, il faut avoir présent à l'esprit qu'un taux de handicap, même faible, peut avoir des impacts extrêmement importants.

Ainsi, par exemple, la caissière atteinte d'un trouble musculosquelettique évalué à 9 % d'incapacité, qui ne peut plus bouger son poignet, va rencontrer des difficultés accrues en termes de maintien dans l'emploi par rapport à quelqu'un connaissant un taux de handicap plus lourd, mais qui sera susceptible de bénéficier d'aménagements de poste.

Par ailleurs, les difficultés que peuvent rencontrer les travailleurs handicapés et les personnes handicapées dans le monde de l'entreprise sont liées à la sensibilisation des employeurs et des collègues et à l'image du handicap. La perception de celui-ci peut être négative quant à l'aptitude des intéressés à contribuer à la vie du collectif de travail. Cela risque de rendre laborieux les aménagements de poste ou les efforts d'amélioration de l'accessibilité des lieux de travail – ainsi qu'il m'a semblé pouvoir l'observer à l'Assemblée nationale, bien que j'aie constaté que des efforts avaient été faits.

Les obstacles sont notamment liés à l'accessibilité globale, qui ne se résume pas à la simple accessibilité pratique du bâtiment : je pense notamment aux personnes aveugles, mais aussi à l'accessibilité des logiciels internes que toute structure de travail est susceptible de développer, ainsi qu'à la difficulté, pour bon nombre de travailleurs handicapés, accidentés du travail ou non, d'accéder à la formation tout au long de la vie.

Voilà ce que j'avais à dire au sujet des accidentés du travail, bien que je ne sois pas certain que les obstacles qu'ils rencontrent se distinguent particulièrement de ceux rencontrés par les handicapés en général.

Vous m'avez demandé si les administrations publiques protègent mieux leurs agents handicapés. J'aurais tendance à penser que non, ce qui est d'ailleurs dommage, puisque l'on attend toujours des institutions publiques qu'elles soient exemplaires dans leur comportement. Notre vision est probablement quelque peu biaisée, car on ne parle jamais des trains qui partent à l'heure ; mais de plus en plus de fonctionnaires gagnent nos rangs, ce qui me laisse à penser que la situation n'est pas aussi bonne qu'elle pourrait l'être.

Vous m'avez encore demandé si la prévention des risques professionnels était suffisante et comment elle pouvait être améliorée.

Le nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles demeure trop important, même s'il tend à diminuer dans certains secteurs et pour certains types d'accidents. Je reconnais toutefois qu'un effort global est fourni pour diminuer l'occurrence des accidents du travail et des maladies professionnelles.

L'impulsion politique existe bien, mais sa traduction dans les faits reste compliquée. Il serait d'ailleurs souhaitable qu'un lien plus consistant puisse être tissé entre les pouvoirs publics et les employeurs publics et privés. Il faudrait surtout intervenir le plus en amont possible, et cibler le plus grand nombre possible de situations à risque.

C'est le cas du risque routier, qui concerne tous les employeurs, Assemblée nationale comprise. Le risque d'accident de trajet est souvent sous-estimé dans bien des entreprises, qui toutes ne s'occupent pas de transport, alors que le sujet concerne tout le monde. Des actions restent donc à mener pour ce type de risques, comme pour les troubles musculosquelettiques, notamment dans les secteurs médico-social et sanitaire, seul secteur connaissant une augmentation des accidents du travail et maladies professionnelles. Les personnels employés dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) se plaignent d'ailleurs souvent de leur situation ; mais nous abordons là un sujet d'actualité…

Si elle demeure insuffisante, la prévention n'en consiste pas moins un axe majeur qui est en progression ; mais nous rappelons que ces progrès ne doivent pas être accomplis au détriment de l'indemnisation, car il faut agir sur les deux volets du diptyque.

Par ailleurs, je n'ai guère d'information sur le pourcentage de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), car les statistiques font défaut, et j'ignore si un tel chiffre existe. En revanche, il est acquis que toutes les personnes titulaires d'un taux d'invalidité de 10 % lié à un accident du travail bénéficient automatiquement de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés. Cela peut persuader les employeurs de conserver leurs employés victimes d'une incapacité contractée sur leur lieu de travail, afin de remplir leurs obligations légales d'emploi de travailleurs handicapés.

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Vous disposez peut-être d'éléments chiffrés que vous pourriez nous communiquer ultérieurement, car nos travaux vont durer jusqu'au mois de mai.

Afin d'optimiser le cadre de travail des travailleurs handicapés, le télétravail vous paraît-il constituer une solution satisfaisante ? Quels sont selon vous les avantages et inconvénients de cette organisation du travail pour les travailleurs handicapés ?

La FNATH pourrait-elle mettre à la disposition des employeurs des outils spécifiques dans le but d'améliorer l'accessibilité et l'employabilité au quotidien des travailleurs handicapés ?

Si un ou plusieurs postes de référent handicap étaient créés à l'Assemblée nationale, la FNATH pourrait-elle sensibiliser et former le ou les référents à l'accompagnement professionnel des travailleurs handicapés ?

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Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH)

Le télétravail peut constituer une réponse à la situation de travailleurs handicapés présentant une fatigabilité particulière, susceptibles de recevoir des soins quotidiens, ce qui emporte des contraintes d'organisation. Aussi, dans un certain nombre de cas, le télétravail présente un intérêt manifeste, facilitant l'accès et le maintien dans l'emploi.

En revanche, pour tous les employés, et singulièrement pour les travailleurs handicapés, le télétravail présente des inconvénients en termes d'intégration dans le monde du travail. En premier lieu, tout le monde n'est pas apte à travailler chez soi. En second lieu, et même si, par destination, la FNATH reçoit plus de plaintes que de marques de satisfaction, le télétravail peut constituer pour l'employeur le moyen d'éloigner le travailleur handicapé du collectif de travail afin de s'en « débarrasser ». Le risque est de mettre les intéressés dans un placard doré, en les confinant chez eux et en ne leur confiant que peu de travail.

De telles situations ne sont pas satisfaisantes : elles permettent aux employeurs de conserver des travailleurs handicapés, mais ne garantissent pas aux intéressés un maintien dans l'emploi effectif. De fait, le télétravail ne signifie pas nécessairement être chez soi en permanence : un ou deux jours de travail hebdomadaire ne dédouanent pas l'entreprise de ses obligations. Il faut prévoir que le travailleur handicapé vienne dans l'entreprise et participe à sa vie. Le télétravail ne supprime pas l'intérêt de travailler ensemble, ni celui de la sensibilisation des collègues, ni la nécessité d'améliorer l'accessibilité des locaux et d'adapter les supports de travail.

Il me semble donc que le télétravail, s'il est voulu et choisi par le travailleur handicapé plus qu'imposé par l'employeur, et s'il est effectué sous un certain nombre de conditions, peut effectivement constituer quelque chose de positif et permettre le maintien dans l'emploi.

Nous avons rédigé une note faisant le départ entre les avantages et les inconvénients du télétravail pour les travailleurs handicapés, que je ne manquerai pas de vous communiquer.

Par ailleurs, la FNATH ne conduit pas directement auprès des employeurs d'actions portant sur l'accessibilité ; nous intervenons sur le thème de l'accessibilité en général, sans pour autant nous rendre sur les lieux de travail, dans les entreprises ou les administrations. En revanche, et particulièrement dans le secteur privé, nous sommes à la disposition des employeurs pour sensibiliser au sujet de la prévention des risques professionnels.

Nous agissons toujours plus par le biais d'actions de sensibilisation et de témoignages d'adhérents ayant été victimes de maladies ou d'accident professionnels. Nous pensons, en effet, que la parole de quelqu'un ayant rencontré ce problème et pouvant en raconter les conséquences, sociales, personnelles et professionnelles, produit sur le collectif de travail un effet plus important — ou à tout le moins très différent — qu'une action de sensibilisation réalisée par un cabinet expert en formation au risque professionnel.

C'est bien la parole d'une personne ayant vécu l'accident de travail et faisant part de ce qu'elle a vécu, qui fera prendre conscience au collectif qu'un tel événement peut faire basculer beaucoup de choses en peu de temps.

Nous multiplions ce type d'interventions, car les employeurs sont de plus en plus nombreux à nous solliciter sur ces questions. En outre, l'accompagnement que nous délivrons auprès des employeurs porte principalement sur les questions d'information et de formation. Dans la mesure où la FNATH ne représente pas un genre de handicap particulier, nous n'avons pas de « spécialité » dans un domaine précis ; à la différence d'autres associations, nous ne travaillons pas à l'accessibilité devant répondre à une situation bien définie. Par ailleurs, dans le cadre d'actions de prévention et de sensibilisation, nous éditons des guides.

Nous agissons encore dans le domaine de l'accès au droit, notamment auprès des employeurs afin qu'ils puissent faciliter cet accès à leurs salariés. Cela recouvre divers sujets, tels que les dossiers MDPH, susceptibles d'éviter les ruptures de parcours à l'occasion d'un passage au télétravail, de l'aménagement du temps de travail, comme le mi-temps ou le temps partiel thérapeutique. Nous pouvons donc être force de conseil en vue de solutions en matière d'emploi, non pas tant auprès des employeurs importants, qui disposent des moyens nécessaires, qu'auprès des travailleurs handicapés eux-mêmes.

Enfin, la création de référents handicaps est une excellente idée. L'intervention de la FNATH à leurs côtés dépendrait de leurs besoins et de la nature de leur champ d'action ; encore une fois, nous pouvons être utiles dans les domaines de la sensibilisation au risque professionnel et de la formation. À l'Assemblée nationale, nous pourrions conduire le processus que j'ai évoqué au sujet des entreprises privées, car des risques professionnels peuvent aussi être identifiés dans l'institution.

Il serait ainsi possible que nous intervenions auprès des référents et des employés au sujet de l'accès et du maintien dans l'emploi des personnes handicapées. Si ces postes de référent étaient créés, une relation naturelle pourrait s'établir, qui porterait sur toutes les questions d'accès au droit des travailleurs handicapés.

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Qui sont les partenaires de la FNATH ? Quel peut être l'intérêt pour une institution de devenir partenaire de votre association ? En quoi cela consiste-t-il ?

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Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH)

Nos partenaires sont multiples, nous travaillons beaucoup avec le monde associatif, l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI) par exemple, association avec laquelle nous conduisons régulièrement des travaux sur la question du handicap, car au plan régional comme national nous avons constitué un comité d'entente regroupant une cinquantaine d'associations nationales de personnes handicapées. Nous nous préoccupons ainsi de tous les sujets, qu'ils portent sur les enfants, les travailleurs, mais aussi sur le vieillissement des personnes handicapées.

Nous sommes aussi membres de France Assos Santé, structure associative regroupant toutes les associations du monde de la santé. À ce sujet doivent être évoquées les maladies chroniques, car tous ceux qui en souffrent ne sont pas reconnus comme travailleurs handicapés. Mais ces maladies n'en posent pas moins la question du maintien dans l'emploi et de l'accompagnement particulier des personnes qui en sont atteintes ou sont porteuses de cancers, même en rémission, car il faut préparer le retour et le maintien dans l'emploi des intéressés.

Nous connaissons aussi des partenariats avec des acteurs institutionnels, dont les pouvoirs publics. Nous avons aussi un bloc de partenaires privés, dont des mécènes, mais surtout des entreprises auprès desquelles nous intervenons au titre de la prévention des accidents du travail et la sensibilisation aux situations de handicap notamment.

Le travail avec les associations permet de dégager des positions communes et de mieux se connaître, car beaucoup d'entre elles travaillent sur des thématiques particulières. La richesse de la France et du monde associatif fait que bien des associations de personnes handicapées existent depuis des décennies. Certaines ont été créées après la Première Guerre mondiale, d'autres après la Seconde Guerre mondiale, et d'autres sont plus jeunes. Chacune d'entre elles a une histoire différente, mais nous convergeons tous vers le même but ; et l'intérêt du partenariat est l'échange, avec les pouvoirs publics et les entreprises privées. Ce que nous mettons en avant, singulièrement auprès des entreprises du secteur privé, c'est notre expertise et le savoir que nos adhérents détiennent de par leur expérience et leur quotidien, afin de progresser sur un certain nombre de sujets.

Nous sommes au contact des personnes comme peuvent l'être les députés dans leurs permanences, et nous voyons les mêmes publics, qui connaissent souvent de réelles difficultés à la suite d'un accident ou d'une maladie, avec des drames, dont des conséquences financières. Le partenariat concourt donc à trouver des solutions aux nombreuses personnes se trouvant en rupture de droit, qui ne connaissent pas leurs droits, et pour lesquelles le partenariat avec des instances comme l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (AGEFIPH), ou la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) permet de donner aux intéressés une vision globale de leur situation.

Nous avons, en effet, l'avantage de connaître la législation se rapportant à l'assurance maladie, à la santé au travail et au handicap. Ce qui nous rend capables d'appréhender la situation d'une personne dans sa globalité, de faciliter par là le travail de nos partenaires, comme les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) et les caisses de retraite, et de préparer les dossiers individuels.

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Que pensez-vous de l'évolution possible de la législation en matière de handicap ? Tous les handicaps seront-ils pris en compte ?

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Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH)

Je n'ai pas connaissance de bouleversements globaux à venir dans ce domaine.

Une réflexion en cours porte sur l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés. Il s'agit d'un chantier nécessaire, car le taux de chômage est élevé de façon scandaleuse au sein de cette population dans les deux secteurs public et privé. Au demeurant, ainsi que je l'ai relevé, dans ce domaine la concertation, ou co-construction, est insuffisante.

Ce qui manque le plus, c'est une démarche intégrant la question du handicap dans chaque projet de loi, car la situation actuelle à cet égard est très insuffisante. Il y a peu, la ministre du travail annonçait un big bang de la formation professionnelle, sans traiter à part la question de la formation professionnelle des personnes et travailleurs handicapés, qui ont besoin de droits supplémentaires dans ce domaine.

Ainsi, pour un tel projet, la réflexion aurait dû être conduite le plus en amont possible ; ce qui repose la question de la consultation d'interlocuteurs tels que nous par les pouvoirs publics à l'occasion de la préparation des textes législatifs. C'est très en amont de la conception des politiques publiques que devrait être intégrée la question du handicap.

De préférence à un grand texte réformant la politique du handicap, il serait plus utile d'intégrer à chaque projet de loi un volet portant sur le handicap, et à tout le moins de se demander si, au-delà du droit commun, des mesures particulières ne devraient pas être envisagées.

Par ailleurs, beaucoup de rapports de qualité ont été publiés récemment sur l'emploi des travailleurs handicapés ; nous disposons donc de la matière nécessaire pour avancer rapidement dans un certain nombre de domaines.

Un autre sujet majeur de préoccupation réside dans la prise des textes réglementaires d'application des lois, singulièrement de l'arrêté relatif à l'accessibilité des lieux de travail, attendu depuis la promulgation de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. En effet, si la législation applicable aux lieux de travail neufs n'a pas évolué depuis 2005, cela pose la question de la volonté politique ainsi que celle de l'effectivité de la législation.

On peut toutefois espérer que les lieux de travail neufs sont construits sur la base d'autres dispositifs et sont relativement accessibles. En revanche, la question des lieux de travail existants se pose, et l'Assemblée nationale en donne un bon exemple, même si des dérogations se justifient au regard du patrimoine historique que représentent ses bâtiments. En tout état de cause, ces lieux de travail existants sont les plus nombreux, et aucun texte ne leur est applicable qui permettrait de leur conférer un cadre d'évolution et d'accessibilité.

De son côté, le futur projet de loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) ne traite pas directement la question de l'emploi des travailleurs handicapés ; toutefois, des logements accessibles sont nécessaires au télétravail.

Des sujets importants restent donc à traiter. La loi du 11 février 2005 a été à l'origine de certains changements auxquels beaucoup de personnes ont cru ; treize ans après, des difficultés portent encore sur les MDPH, l'application de textes relatifs à l'accessibilité, l'éducation et l'emploi, même si des progrès sont constatés.

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Merci pour ces informations qui seront utiles à la rédaction de notre rapport.

La première audition s'achève à neuf heures trente-cinq.

- Audition de Mme Danielle Dépaux, présidente de l'Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI) Île-de-France, accompagnée de Mme Clémence Vaugelade, chargée de plaidoyer France à l'UNAPEI

La seconde audition commence à dix heures.

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Madame la rapporteure, mes chers collègues, nous poursuivons ce matin, avec cette seconde audition, nos échanges consacrés aux associations qui représentent les personnes en situation de handicap. Nous avons d'ailleurs l'intention de poursuivre ces auditions d'associations la semaine prochaine.

Nous avons, dans ce cadre, le plaisir d'entendre Mme Danielle Dépaux, administratrice Île-de-France de l'Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI).

Nous avons compris que l'UNAPEI est un mouvement de proximité, reconnu d'utilité publique, qui rassemble 550 associations, dont 300 sont gestionnaires d'établissements et services médico-sociaux. Ces associations sont animées par des bénévoles, parents ou amis de personnes handicapées mentales. D'après les informations dont nous disposons, elles regroupent 55 000 familles, emploient 94 000 professionnels et gèrent 3 117 établissements et services médico-sociaux qui accompagnent 200 000 personnes handicapées.

Nous avons notamment lu que l'UNAPEI, qui défend les revendications des personnes handicapées mentales, réclame un développement de leur insertion professionnelle en milieu ordinaire de travail, cette question faisant bien sûr partie de celles qui nous intéressent fortement.

Mesdames, je vais vous céder brièvement la parole pour vous permettre de vous présenter, avant que Mme la rapporteure ne vous pose de premières questions sur la prise en compte du handicap à l'Assemblée nationale.

Je vous rappelle que cette audition est organisée pour une durée maximale d'une heure et qu'elle devra se terminer aux alentours de dix heures cinquante.

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Danielle Dépaux, présidente de l'Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI) Île-de-France

Je suis administratrice de l'UNAPEI, présidente de la commission vie sociale, c'est-à-dire accès à la culture, aux loisirs, au tourisme, à la vie affective et sexuelle, à la parentalité et éventuellement à la spiritualité – mais nous n'en avons pas encore parlé.

Je suis par ailleurs présidente de l'UNAPEI Île-de-France. Dans les années cinquante, des associations de base se sont fédérées pour fonder l'UNAPEI en 1960. Vous avez indiqué qu'il s'agissait d'un mouvement parental ; je suis moi-même parent d'une jeune femme handicapée mentale. Pour l'Île-de-France, je fédère moi-même des associations départementales, lesquelles fédèrent à leur tour des associations locales. Nous avons donc une organisation pyramidale. Chaque association est bien sûr autonome à l'intérieur du mouvement, mais nos idées et valeurs sont communes sur l'ensemble du territoire.

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Clémence Vaugelade, chargée de plaidoyer France à l'UNAPEI

Je suis chargée de plaidoyer à l'UNAPEI et donc salariée de l'UNAPEI.

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Quelles relations entretenez-vous avec les pouvoirs publics, et tout particulièrement avec les représentants du pouvoir législatif – Assemblée nationale et Sénat ? Vous sentez-vous bien associés à leurs réflexions ?

Conduisez-vous parfois des campagnes de sensibilisation des députés ou sénateurs au handicap mental, y compris en période électorale, et quels résultats obtenez-vous ?

Comment les personnes en situation de handicap mental parviennent-elles à entrer en relation avec les décideurs politiques, et se sentent-elles suffisamment considérées ?

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Clémence Vaugelade, chargée de plaidoyer France à l'UNAPEI

L'UNAPEI est une fédération assez bien identifiée par les parlementaires, qu'ils soient députés ou sénateurs, lorsque des travaux concernent le handicap. Par exemple, nous avons été auditionnés récemment à l'Assemblée nationale dans le cadre de la mission d'évaluation de la prise en charge de l'autisme et par la mission flash sur les relations entre les parents et l'école. Étant donné que nous militons pour une société inclusive et solidaire, notre rôle est de nous rapprocher des élus lorsque la problématique du handicap n'est pas directement abordée dans le cadre d'un travail. C'est ce que nous avons fait dernièrement avec la mission flash relative aux établissements d'hébergement des personnes dépendantes (EHPAD), car les problématiques liées au vieillissement concernent aussi les personnes handicapées.

Des campagnes de sensibilisation grand public sont rarement faites directement sur le handicap intellectuel, elles sont plutôt faites en faveur d'une société inclusive et solidaire. C'est ce qui s'est passé l'année dernière avec l'opération « Mélanie peut le faire », cette jeune femme en situation de handicap qui a présenté la météo sur France 2. Cette campagne de l'UNAPEI visait à sensibiliser, pendant la campagne électorale, les citoyens sur les problématiques liées à l'accompagnement des personnes en situation de handicap pour réaliser leur projet de vie.

Nous réalisons des livres blancs plus spécifiques sur le travail des personnes en situation de handicap, notamment sur la question du polyhandicap, et nous travaillons régulièrement avec les élus qui s'intéressent à ce sujet – surtout les députés de la commission des affaires sociales.

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Danielle Dépaux, présidente de l'Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI) Île-de-France

Pour ma part, je suis très francilienne. J'ai été reçue au mois de janvier dernier, en tant qu'animatrice du comité d'entente de la région Île-de-France, par le député de la 18e circonscription de Paris, M. Pierre-Yves Bournazel, sur la question de l'accessibilité aux transports en commun en Île-de-France. Ces comités d'entente ont été créés il y a une vingtaine d'années, à l'initiative de l'UNAPEI. Bien évidemment, nous ne sommes pas les seuls à militer en faveur du handicap : il existe d'autres mouvements en faveur du handicap mental et psychique, et il y a aussi d'autres formes de handicap, sensoriel ou moteur. Au sein de ces comités d'entente, tant au niveau national, que régional ou départemental, ce sont toujours nos associations qui défendent ce discours. M. Bournazel nous a reçus en raison d'un problème de lenteur lié à la mise en accessibilité des transports en commun parisiens, ce qui a donné lieu à une question ouverte et, par son intermédiaire, à une intervention au sein du Conseil de Paris.

J'ai par ailleurs été auditionnée il y a un an au Sénat par la commission chargée des droits des femmes sur la question de savoir si les femmes handicapées n'avaient pas un cumul de handicap, étant femmes et handicapées. J'ai été auditionné à deux reprises, en tant que membre de l'UNAPEI et membre du comité d'entente régional et national sur cette question où j'ai fait ressortir que le handicap occultait la dimension sexuelle puisque l'on est d'abord une personne handicapée puis éventuellement plus tard on se rend compte que l'on est une femme. Mais ce n'est pas une double faute.

Il est extrêmement difficile pour les personnes en situation de handicap d'entrer en relation avec un conseiller départemental ou un député. Par contre, au niveau local elles peuvent entrer plus facilement en relation avec le maire de la commune dans laquelle elles sont domiciliées ou avec l'élu municipal chargé du handicap. Il faut noter que les dernières élections législatives ont constitué un tremplin tout à fait favorable puisque, dans certains départements, des hommes politiques ont été interpellés par nos associations de base. Certains se sont même déplacés pour rencontrer des personnes handicapées mentales dans les établissements et d'autres ont pris la peine de faire transcrire leurs messages en langage « Facile à lire et à comprendre », pour que toute personne handicapée mentale, qu'elle ait ou non le droit de vote, soit informée de ce qui se passe. Toutes ces personnes voient la télévision, entendent des conversations et ont le droit de savoir qui sont ces personnes dont on fait autant de cas.

Les principales personnes handicapées concernées par cette démarche sont bien sûr celles qui sont les plus autonomes. Ce sont aussi les plus « performantes » qui ont accès à la lecture et en particulier, qui ont le droit de vote. Celles-ci peuvent adhérer à l'association « Nous aussi », que l'UNAPEI a soutenue lors de sa création et qu'elle soutient encore, et dont nous pourrons vous parler plus amplement si vous le souhaitez.

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Pourriez-vous nous rappeler quel est le taux d'activité des personnes en situation de handicap mental ? Quelles sont les difficultés particulières à prendre en compte pour leur donner, si possible, accès à l'emploi ?

Le Président de la République a annoncé qu'il souhaitait faire du handicap l'une des priorités de son quinquennat. Quelles actions devraient, selon vous, être menées en priorité pour améliorer l'intégration sociale des personnes en situation de handicap ?

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Clémence Vaugelade, chargée de plaidoyer France à l'UNAPEI

Il n'existe pas de statistiques par type de handicap, mais des statistiques nationales via l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) qui favorise l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Je ne peux donc pas vous donner de chiffre exact sur l'emploi des personnes handicapées mentales.

Bien évidemment, elles ont des difficultés d'accès à l'emploi dans le monde ordinaire, c'est-à-dire avec un contrat de travail classique, et le mouvement UNAPEI accompagne beaucoup les personnes en situation de handicap mental au travail au travers du travail protégé et adapté. Les associations de l'UNAPEI pilotent environ 600 établissements et services d'aide par le travail (ESAT) en France – anciennement appelés centres d'aide par le travail (CAT). Ce sont plus de 120 000 personnes qui sont accompagnées dans le réseau UNAPEI. Au niveau national, on compte environ 1 200 ESAT et 760 entreprises adaptées (EA) qui emploient environ 32 000 salariés. J'ajoute que les personnes accueillies dans ces structures sont généralement en situation de handicap mental ou psychique.

L'accès au monde ordinaire est compliqué parce que les dispositifs d'accompagnement de ces personnes au travail sont très réduits. Il faut donc bousculer les codes de la société pour permettre l'accès au travail. L'UNAPEI milite pour que des dispositifs de type « emploi accompagné » se multiplient, qu'ils soient bien à destination des personnes en situation de handicap intellectuel, et qu'on leur permette des accompagnements en entreprise.

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Danielle Dépaux, présidente de l'Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI) Île-de-France

Je suis aussi vice-présidente de l'association qui gère le Cap Emploi des Yvelines depuis onze ans. L'AGEFIPH collecte les contributions que les entreprises doivent verser, et cela permet de financer en particulier l'accompagnement vers l'emploi. Or pour nos enfants, cela ne suffit pas parce qu'une personne handicapée, mentale ou psychique, doit être accompagnée tout au long de sa vie, quand le handicap psychique est invalidant, et pas seulement lorsqu'il y a des changements. Je dois saluer une initiative de l'État qui a lancé, en 2017, une mission que les Cap Emploi devaient mener : il s'agissait de trouver un partenaire dans le département pour que l'association se fasse entre les deux, Cap Emploi conservant toujours l'accompagnement vers l'emploi, l'ESAT prenant ensuite le relais dans l'emploi. Il n'y a donc pas de rupture lorsque la personne quitte l'ESAT pour travailler en milieu ordinaire de travail, mais une suite. Dans les Yvelines par exemple, cela ne concerne que dix personnes handicapées. Mais c'est très bien parce qu'il faut commencer par mener une expérience, puis l'évaluer. J'espère que l'évaluation sera à ce point positive que l'expérience sera poursuivie et amplifiée.

Je le répète, je suis une femme de terrain. Aussi, je préfère laisser à Mme Vaugelade la part du discours général de l'UNAPEI que je connais fort bien mais que j'ai beaucoup plus de mal à manipuler.

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J'ai reçu dans ma permanence des mères d'enfant polyhandicapé, physique et mental. J'ai trouvé que les mères étaient en grande détresse et qu'il y avait peu d'accompagnement par rapport à leurs demandes. J'essaie de travailler avec ces mères qui sont aussi à la recherche d'expériences, et notamment à l'étranger. Elles se rendent souvent en Pologne pour voir quelles sont les avancées par rapport au lourd handicap de ces enfants. Avez-vous travaillé sur le sujet ?

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Danielle Dépaux, présidente de l'Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI) Île-de-France

L'UNAPEI mène une action de veille en matière d'innovation et de recherche dans le domaine du handicap. Notre conseil d'administration aimerait mettre en place une commission composée de chercheurs. Il faut savoir qu'en France, l'accent est surtout mis sur l'aspect clinique et thérapeutique alors qu'en Suisse, par exemple, les études menées par les universitaires prennent davantage en compte la dimension sociétale du handicap, notamment la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap. Nous sommes également en relation avec les chercheurs québécois. Par ailleurs, un administrateur nous représente au sein de la Commission européenne et au sein de l'association « Inclusion Europe ».

Nous sommes aussi force de proposition. Dès l'origine, l'UNAPEI a été animée par le souci de prendre en compte les progrès dans la prise en charge de nos enfants.

La difficulté du polyhandicap tient précisément à son caractère polymorphe. À cela s'ajoutent le degré de handicap dans les différentes pathologies et l'âge de la personne.

Les mères dont vous parlez vont sans doute en Pologne pour trouver des formes de prises en charge thérapeutiques qui ne sont encore que timidement développées en France. En matière de handicap mental, le problème est la pérennité des expérimentations. Il existe des initiatives exceptionnelles mais, très souvent, comme elles ne sont portées que par une ou deux personnes, généreuses et créatives, elles ne durent pas au-delà de leur départ à la retraite ou de leur déménagement.

En matière de polyhandicap, l'UNAPEI milite en faveur de prises en charge très souples et larges permettant une adaptation au cas de chacun. À cet égard, l'évolution des établissements et services médico-sociaux (ESMS) vers le développement de plateformes de services où chacun peut trouver ce qui lui convient dans une large gamme d'offres est une bonne chose. Prenons l'exemple d'un enfant polyhandicapé qui serait aphasique. Dans un établissement où il n'y aurait pas d'enfants sourds avec lui, on ne lui enseignerait pas la langue des signes alors que, sur une plateforme, lui et son entourage pourraient trouver des cours spécifiques.

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Savez-vous quel est le pourcentage d'administrations publiques françaises ayant déjà eu recours à des retranscriptions de documents en version dite « adaptée », c'est-à-dire à destination des personnes en situation de handicap mental ?

Par ailleurs, si l'Assemblée nationale s'engageait dans l'édition de publications institutionnelles en version « adaptée », l'UNAPEI pourrait-elle proposer un cycle de formation à ces techniques de retranscription aux agents concernés ?

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Clémence Vaugelade, chargée de plaidoyer France à l'UNAPEI

De manière générale, dans le domaine du handicap, il y a peu de statistiques. Il n'y a pas eu d'évaluation de ce type de dispositif. Je ne peux donc pas vous dire dans quelles proportions les administrations ont recouru à ces retranscriptions.

Nous avons développé plusieurs partenariats, notamment avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), avec les caisses d'allocations familiales et avec l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), pour des campagnes de prévention à destination des personnes handicapées ou maîtrisant peu le français, car le « Facile à lire et à comprendre » est aussi utile pour ce genre de public.

Certains membres du Gouvernement ont transcrit des discours et des documents en « Facile à lire et à comprendre ». Cela a été le cas pour le discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault. L'actuelle secrétaire d'État chargée des personnes handicapées a également adopté cette démarche.

À cela s'ajoutent des initiatives individuelles. Pendant la campagne des législatives, plusieurs candidats ont fait l'effort de transcrire leur programme en « Facile à lire et à comprendre ». Des députés ont travaillé en ce sens en partenariat avec des associations, surtout des délégations de l'association « Nous aussi », association d'auto-représentation des personnes handicapées intellectuelles.

Bien évidemment, l'UNAPEI a développé des formations au « Facile à lire et à comprendre » à destination des administrations et des entreprises intéressées. Le principe de base est que toute transcription doit être vérifiée par une personne en situation de handicap. Des guides d'utilisation, libres de droits, sont téléchargeables sur notre site.

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Danielle Dépaux, présidente de l'Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI) Île-de-France

Pour la transcription en « Facile à lire et à comprendre », il y a deux procédures possibles : soit les personnes déficientes intellectuelles font elles-mêmes le travail avec un éducateur spécialisé dans le cadre des ESAT – c'est l'une de leurs fonctions commerciales – et soumettent le texte aux auteurs ; soit des personnes formées à la rédaction élaborent le texte et le font relire par une personne handicapée, ce qui est le plus efficace.

J'aimerais vous faire part de mon expérience. La région Ile-de-France nous a contactés il y a quelques années pour transcrire en « Facile à lire et à comprendre » l'intégralité du magazine de la région. Sa mise en ligne a suscité un grand enthousiasme dans les établissements et les associations car, enfin, les personnes handicapées pouvaient avoir accès à l'actualité. Après les élections régionales, Valérie Pécresse a souhaité ne conserver que la version numérique, la version papier représentant une source de gaspillage. Le passage de relais a eu un peu de mal à se faire mais les choses semblent désormais sur la bonne voie. Trois ou quatre articles choisis par la région seront mis en ligne à chaque nouvelle édition du magazine. Fait important : au sein même du service de communication de la région, certaines personnes ont été formées à la transcription ou à l'écriture en « Facile à lire et à comprendre », en particulier le rédacteur en chef du magazine.

Au début, nous avions quelques craintes au sujet de la transcription des tribunes libres rédigées par les représentants des partis minoritaires au conseil régional. La « langue de bois » n'est en effet pas comprise par nos enfants, qui ont besoin de choses claires, précises et concrètes. Toutefois, les auteurs de ces tribunes ont été satisfaits de notre travail, ce qui est bien la preuve qu'il est possible de tout retranscrire en « Facile à lire et à comprendre ».

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Notre chantier a débuté il y a quelques semaines et nous rendrons nos conclusions d'ici à deux mois. Si vous réussissez à obtenir des statistiques, nous serions heureux d'en disposer.

J'en viens aux deux dernières questions.

Les administrations publiques éprouvent-elles plus de difficultés que les entreprises à proposer des emplois adaptés aux personnes en situation de handicap mental ? Si oui, pour quelles raisons selon vous ?

Pour que l'Assemblée nationale améliore l'accessibilité de ses visites aux personnes en situation de handicap mental, l'UNAPEI pourrait-elle, le cas échéant, proposer des formations aux agents responsables des visites ?

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Danielle Dépaux, présidente de l'Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI) Île-de-France

En tant que vice-présidente de l'association qui gère le Cap Emploi des Yvelines, je suis bien placée pour savoir que la fonction publique n'est pas très active en matière de recrutement de personnes en situation de handicap. Les embauches se font le plus souvent par le biais de relations. Les personnes qui, au sein de la fonction publique, prennent en compte le handicap, sont le plus souvent elles-mêmes concernées personnellement par le handicap, qu'elles aient un membre de leur famille, un ami ou un voisin en situation de handicap. Tant qu'il en sera ainsi, la situation ne pourra évoluer rapidement.

Le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) a lancé pendant trois ans la mission « Quota zéro » afin que la fonction publique rattrape son retard dans l'emploi des personnes en situation de handicap. Celle-ci n'a en effet pas les mêmes obligations que les entreprises, qui sont soumises à une obligation d'emploi de travailleurs handicapés fixée à 6 % de l'effectif total. Dans les Yvelines, le travail mené a été relativement efficace, même si les objectifs n'ont pas pu être atteints. Il est entré dans les esprits que les personnes handicapées pouvaient être engagées, qu'il s'agissait de personnes formées, éduquées, tous types de handicap confondus. Il reste à bien faire comprendre que ce n'est pas à l'environnement professionnel d'attendre que la personne handicapée s'adapte à lui mais à lui de s'adapter à la personne handicapée.

Il n'y a pas seulement à améliorer l'accessibilité pour les personnes en fauteuil roulant. Il y a tout un travail à mener pour modifier la signalétique – en associant les images aux textes, en recourant aux couleurs – au bénéfice non seulement des personnes handicapées mais aussi aux personnes ayant un faible accès à la lecture et aux personnes malvoyantes.

Pour répondre à votre question sur les visites, je suis bien placée. Ancien professeur, je suis guide conférencière spécialisée dans l'accueil des personnes handicapées mentales, mais aussi des personnes souffrant de handicaps visuels. L'UNAPEI délivre des formations à l'accessibilité « S3A », le symbole d'accessibilité, d'accueil et d'accompagnement formé par deux visages superposés joints par un même sourire. Pour ma part, j'ai participé à la formation « S3A » de tout le personnel du centre commercial Parly 2, des cadres jusqu'aux agents de sécurité. Nous intervenons également à la RATP, à la SNCF, auprès des services chargés des contrôles, à la gendarmerie nationale et dans les musées. Le handicap mental est un handicap invisible et le fait qu'il ne soit pas bien pris en compte peut être très mal vécu par la personne handicapée, surtout dans des situations de stress qui peuvent la rendre agressive ou la paralyser.

Pour la formation des personnes qui font les visites à l'Assemblée, vous avez donc en face de vous une personne compétente. J'ai formé des guides conférenciers au Conservatoire national des arts et métiers et suis intervenue au Louvre.

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Clémence Vaugelade, chargée de plaidoyer France à l'UNAPEI

J'ajoute que l'UNAPEI offre une formation à la médiation culturelle destinée à faciliter la mise en place de visites adaptées pour les personnes handicapées intellectuelles.

Plus largement, il s'agit de se poser la question de la citoyenneté des personnes handicapées. Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, a évoqué la possibilité d'abroger l'article 5 du code électoral. Et l'association « Nous aussi » mène une action de fond dans une double direction : pour sensibiliser les élus au handicap intellectuel ; pour mieux informer les personnes en situation de handicap de leurs droits. Or peu de contenus sont accessibles en « Facile à lire et à comprendre ». Je ne dis pas qu'il faudrait retranscrire tout le site de l'Assemblée nationale mais il me semblerait intéressant de publier un bulletin d'information mensuel ou trimestriel utilisant ce langage adapté.

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Danielle Dépaux, présidente de l'Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI) Île-de-France

Je terminerai par une suggestion. Les personnes handicapées peuvent être amenées à faire des visites avec d'autres personnes handicapées, mais aussi avec leur famille ou leurs amis. Dans ce cas, il serait bon de leur fournir un livret adapté afin de leur permettre d'avoir leur propre approche.

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Je vous remercie, mesdames, pour ces réflexions et informations qui nous seront bien utiles pour la rédaction de notre rapport.

La réunion s'achève à dix heures cinquante.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Michel Larive, Mme Jacqueline Maquet

Excusés. - M. Régis Juanico, M. Gilles Lurton, M. Jean-Paul Mattei, Mme Claire Pitollat, Mme Nicole Trisse