COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 16 juin 2021
La séance est ouverte à neuf heures trente.
La commission auditionne le Pr Patrice Diot, président de la Conférence des doyens des facultés de médecine.
Monsieur le président, il m'a paru utile que nous vous entendions sur la réforme des études de santé et l'évolution du numerus clausus. Nombre d'entre nous reçoivent des informations inquiétantes, parfois contradictoires, sur la manière dont cette réforme est perçue, mise en œuvre et financée. Or c'est une question essentielle que celle qui est ici posée : comment mettre en place aujourd'hui les conditions qui permettront à notre pays de disposer, dans dix ans, de suffisamment de médecins tout en maintenant la qualité de leur formation ?
Ce sujet doit être abordé de façon très globale, en prenant le temps d'examiner d'où nous venons. Je commencerai donc mon propos par un point sur l'historique de la formation médicale dans notre pays.
Les mots « étudiant en médecine », « externe », « interne » que vous connaissez et que nous utilisons encore remontent à 1802, à l'époque du Consulat. À cette époque, après avoir constaté que l'offre médicale en France n'était pas bonne, il a été décidé de créer une élite médicale au travers de concours très difficiles : le concours de l'externat, très sélectif avec un lauréat pour huit candidats et réservé aux hommes jusqu'à la fin du XIXe siècle, puis le concours de l'internat, lui aussi longtemps réservé aux hommes avec un reçu sur six parmi les externes. Il s'agissait donc de sélectionner une élite.
En 1968, le mouvement étudiant a légitimement revendiqué une sortie de ce modèle de production d'une élite médicale, qui aboutissait à ce qu'un grand nombre de médecins ne dispose d'aucune formation pratique. Ce mouvement a donc réclamé que tous suivent la même formation et bénéficient d'une formation « au lit du malade » selon l'expression consacrée. Le concours de l'externat a ainsi été supprimé en 1968 et les étudiants en médecine ont alors pu intégrer les hôpitaux, seul lieu où s'effectuait la formation en stage à l'époque. Les législateurs ont toutefois constaté que tous les étudiants ne pouvaient y trouver leur place. D'où la création du numerus clausus en 1972, non pour réguler la démographie médicale mais pour mettre en adéquation les capacités de formation avec le nombre de candidats aux études de médecine.
Le numerus clausus n'a donc pas été conçu comme un outil de régulation de la démographie médicale mais a malheureusement été utilisé ensuite dans ce but pendant très longtemps. Le resserrement progressif du numerus clausus en 2000 a conduit entre 1990 et 2000 à des chiffres largement insuffisants pour faire face aux besoins de soins de nos compatriotes. Il a chuté jusqu'à 3 400 candidats en 2000 avant de commencer à remonter en 2004.
Jouer sur le numerus clausus en pensant avoir un effet sur la démographie médicale constitue une erreur. Étant donné la constante de temps, une décision sur le numerus clausus produit en réalité ses effets dix à quinze ans plus tard.
Je pense que nous – moi y compris – avons mal présenté la réforme du premier cycle des études médicales. En effet, nous l'avons d'abord présentée comme la sortie du numerus clausus, comme si elle représentait la solution à tous les problèmes et nos interlocuteurs n'ont dès lors retenu que ce point. Dans l'imaginaire collectif, la suppression du numerus clausus signifie un accès très facilité aux études médicales alors qu'il était inimaginable qu'elles ne restent pas sélectives. Nous avons inventé le « numerus apertus », une notion que peu de personnes comprennent, et nous avons oublié le plus important, c'est-à-dire la réforme pédagogique.
Il a fallu conduire cette réforme pédagogique dans des conditions extrêmement difficiles. J'en assume ma part de responsabilité même si je ne suis pas le seul responsable. Nous n'avons pas fait suffisamment comprendre aux universités qu'il ne s'agissait pas d'une réforme de l'entrée dans les études de santé ou du premier cycle des études médicales mais vraiment d'une réforme de l'entrée dans l'université. Il existe désormais deux voies d'accès : le parcours accès santé spécifique (PASS) et les licences avec option accès santé (LAS), qui sont construites avec les autres composantes de l'université.
Les doyens des facultés de médecine se sont emparés du sujet et l'ont tellement porté que nous n'avons pas réussi à convaincre nos interlocuteurs que nous avions besoin d'être aidés dans les universités. Qui plus est, au moment où nous aurions dû les convaincre, est intervenue l'épidémie de covid. Or, cette situation n'a pas permis qu'aient lieu toutes les interactions qui auraient été nécessaires au printemps 2020. Nous avons ainsi abouti, à la rentrée 2020, à la mise en place d'une réforme qui n'était pas complètement cadrée, en particulier faute d'interactions suffisantes avec nos collègues des autres composantes de l'université.
En outre, cette réforme est excessivement complexe. Il sera donc impératif de la simplifier. J'estime également que, lors de son lancement, celle-ci n'a pas été suffisamment accompagnée sur le plan financier. De ce fait, nos facultés sont littéralement en train de sombrer. Je ne fais pas ici référence aux enseignants mais aux scolarités. Je suis par exemple extrêmement mal à l'aise lorsque je constate que la responsable administrative de ma faculté – une personne admirable, investie, jeune et dynamique – est à bout alors que nous avons enchaîné les difficultés tout au long de l'année.
Ces difficultés tiennent au fait que cette réforme n'avait pas été parfaitement cadrée. Comme vous le savez, les universités ne manquent pas de revendiquer leur autonomie. Malheureusement, c'est au nom de cette autonomie qu'aucun cadrage n'a été proposé. Pourtant, à mon sens, un tel cadrage est indispensable sur ce sujet. Il s'agit donc de trouver le bon compromis pour, à la prochaine rentrée, parvenir à un accord sur un certain nombre de fondamentaux : en particulier, les notions de note éliminatoire et de compensation entre unités d'enseignement...
Nous devons également nous engager à offrir une véritable seconde chance aux étudiants et nous l'avons d'ailleurs fait. Il s'agit néanmoins d'un point sur lequel je n'arrive pas à me faire comprendre. Cette réforme a été conçue pour éviter le gâchis que constituait auparavant la première année commune aux études de santé (PACES). Or, aujourd'hui, nous avons aujourd'hui l'impression que nous avons ainsi abandonné un système « merveilleux ». En réalité, les parents d'étudiants me parlaient de la PACES, créée en 2010, comme d'une véritable « boucherie » car tant un grand nombre de jeunes bacheliers pourtant brillants redoublaient cette année. 70 % d'entre eux se retrouvaient à la case départ.
La réforme permet d'offrir aux étudiants une véritable seconde chance au terme d'une deuxième année. Elle ne prévoit pas un redoublement en première année mais une seconde chance en deuxième année ou à la fin de la troisième année, ce qui s'avère très intéressant pour les étudiants. Si, comme nous nous y sommes engagés, nous maintenons l'augmentation de 14 % du nombre de places annoncée cette année, nous aurons offert une vraie seconde chance à ces jeunes grâce à ce nombre de places très significativement plus élevé que d'habitude.
Cependant, dans les faits, on s'intéresse moins au nombre de chances données et davantage au pourcentage de réussite constaté dans le cadre d'un cursus. Or, de notre côté, nous ne contrôlons pas le dénominateur sur la base duquel est calculé ce taux, c'est-à-dire le nombre d'inscrits. À cet égard, nous avons été submergés par le flot des bacheliers qui, à la fin de l'année scolaire 2019-2020, ont voulu pour diverses raisons s'essayer à des études de médecine.
La crise sanitaire et l'importance accordée au corps médical que les Français applaudissaient chaque soir ont donné une représentation très positive de ce métier et nous avons dès lors enregistré un nombre considérable d'inscriptions. Toutefois, lorsque ce dénominateur augmente, les chances de réussite peuvent, elles, ne pas augmenter. Nous sommes, certes, passés de 8 400 places proposées à 10 000, ce qui est considérable. Nous atteignons néanmoins la limite des capacités de formation de notre pays.
J'estime – et j'ai des arguments très solides pour le dire – que ce serait une erreur d'aller plus loin. Nous nous retrouverions d'ici quinze ou vingt ans dans une situation comparable à celle que j'ai connue lorsque j'étais jeune interne en 1980 : les médecins étaient alors incités à partir à la retraite par le mécanisme d'incitation à la cessation d'activité parce que nous comptions trop de médecins en France. L'horizon 2030-2035 ne constitue, certes, pas notre problème immédiat mais nous devons aussi penser à la prochaine génération.
Notre but est de dresser un bilan d'étape de la réforme des études de santé mise en place à la rentrée 2020 dans toutes les universités. Dans le cadre de la loi « Ma santé 2022 », nous avons fait le choix en 2019 de revoir de fond en comble les études de médecine, notamment l'accès au concours de médecine, maïeutique, odontologie et pharmacie. Le PASS et les LAS ont remplacé la PACES.
Je rappelle que cette réforme des études de santé poursuivait un triple objectif : diversifier le profil des étudiants en santé ; éviter la perte sèche de deux années d'études pour des jeunes ayant obtenu de bonnes notes tout en échouant deux fois au concours ; augmenter le nombre de praticiens de santé en supprimant le numerus clausus.
Il est vrai que la mise en place de cette réforme a été quelque peu chaotique, notamment du fait de la crise sanitaire. Si vous êtes présent ici aujourd'hui, monsieur le président, vous le devez aussi aux nombreux témoignages poignants des étudiants et de leurs parents qui se sont adressés aux députés que nous sommes.
Face à cette année particulièrement chaotique, le Gouvernement a octroyé 1 750 places supplémentaires, réparties nationalement dans toutes les universités. Les universités étant autonomes, il leur revient de mettre en place cette réforme des études de santé selon les modalités qu'elles souhaitent. Or il semble que toutes les universités n'aient pas envie d'ouvrir leurs portes et d'appliquer cette réforme. Par exemple, dans mon département de la Moselle, qui se trouve en sous-densité médicale, l'université de Lorraine n'a ouvert aucune place en numerus clausus tandis que le numerus apertus n'a même pas été atteint : le nombre d'étudiants en 2020 est exactement le même qu'en 2015. De plus, sur les quarante places supplémentaires finalement « arrachées » et octroyées à l'université de Lorraine, seules trois étaient destinées aux étudiants de médecine.
Comment peut-on expliquer aux étudiants et à leurs parents que cette faculté ne prévoie en 2021 que trois places supplémentaires pour les étudiants lorrains dans le cadre de réforme des études de santé alors qu'à l'échelle nationale, ce sont 1 750 places qui sont créées ? Comment peut-on expliquer une telle attitude aux collectivités locales, à la ruralité et aux départements en sous-densité médicale qui attendent les stagiaires et les professionnels de santé dont ils ont besoin ?
Je suis d'accord pour que les universités soient autonomes. Cependant, il ne s'agit plus d'autonomie dans ce cas mais d'une forme de rébellion, de mépris ou d'indifférence. Cette attitude témoigne surtout de la non-application d'une réforme qui était pourtant attendue par tous.
Vous avez évoqué dans un journal national voici quelques jours la nécessité de sortir d'une spirale de l'échec. En effet, comme vous l'avez rappelé, huit étudiants sur dix échouaient, soit une proportion énorme. Dans ces conditions, le terme de « boucherie » que vous avez employé était approprié.
Toutefois, un rapport sénatorial très sévère sur la nouvelle réforme mise en œuvre en 2020 décrit « une réforme complexe, peu comprise et dont l'ampleur est sous‑estimée ». En particulier, elle est sous‑calibrée en termes de moyens et de suivi, ce qui provoque les difficultés constatées aujourd'hui. Il faut absolument remédier à ces difficultés.
La différence entre PASS et LAS est tout de même complexe à comprendre, pour les étudiants comme pour leurs parents, voire pour d'anciens professionnels de santé. Est-il pertinent que ces deux formations existent dans la même faculté ou doivent-elles se trouver dans des facultés distinctes ? De plus, le redoublement est impossible en PASS, ce qui conduit à un échec immédiat au bout d'un an.
J'ai vu dans les journaux locaux que vous avez subi voici quelque temps un procès intenté par des étudiants et un collectif de parents qui estimaient que le nombre de candidats était insuffisant. Cet argument est, certes, stupide mais il montre l'état d'esprit des étudiants et de leurs parents.
Comment expliquer l'embouteillage auquel aboutit le cumul des redoublants de l'ex‑PACES et des nouveaux étudiants qui intègrent la PASS ? Cette grande difficulté n'a pas été anticipée et se traduit par un nombre de candidatures sans doute inférieur à ce que nous souhaitions.
Par ailleurs, se pose le problème de la répartition des internes à leur sortie de la faculté. Par exemple, dans le cas de la faculté de Tours, certaines zones sont sous-dotées, comme le Grand Gâtinais dans le Loiret. Nous y manquons d'internes alors même que nous avons la possibilité de les recevoir soit en centre hospitalier, soit en médecine générale. Je vous demande, puisque nous sommes de la même région, de retenir cette demande.
Je vous remercie de ce premier retour d'expérience. Alors que la réforme a été mise en place au mois de septembre, des améliorations sont aujourd'hui nécessaires. Je suis quelque peu rassurée de constater que les bonnes questions sont posées. Je pense que 2021 constitue une année de test, voire de crash test, et que nous devons vraiment changer la donne.
Sur le fond, nous avons entendu parler de nombreux écueils en PASS et LAS qui seraient liés au poids de la mineure choisie. Certaines mineures demanderaient beaucoup plus de travail que d'autres. Cette situation pourrait remettre en cause le bénéfice attendu de cette réforme, le bouche-à-oreille conduisant les étudiants à fuir certaines mineures.
Vous avez indiqué votre souhait de voir le nombre de places de formation proposées ne pas dépasser les 10 000. Pour ma part, je ne partage pas ce point de vue. Comme nous le constatons dans nos territoires, les jeunes médecins n'ont pas la même pratique que leurs prédécesseurs : alors qu'autrefois, un médecin travaillait 18 ou 20 heures par jour et était joignable à toute heure et tous les jours, ces jeunes professionnels – et nous pouvons le comprendre – aspirent à une vie de famille et cherchent à travailler plutôt 35 heures par semaine, voire moins.
En outre, de nombreux médecins en sortie d'études, principalement des femmes, n'exerceront pas et ne s'installeront pas en tant que médecins généralistes parce qu'il existe d'autres débouchés, comme la médecine du travail ou les laboratoires.
Dans ces conditions, il me semble nécessaire d'aller au-delà des 10 000 places.
Vous avez évoqué des problèmes de disponibilité de formation ; Comme l'ont dit mes collègues, un tel propos ne peut être entendu. Dans nos territoires, certains médecins qui pourraient exercer le rôle de tuteurs ne se voient affecter dans les faits aucun étudiant car il s'agit de territoires ruraux, éloignés de la métropole où sont formés les jeunes médecins. De surcroît, leurs professeurs, parce qu'ils souhaitent les garder dans les centres universitaires, leur déconseillent de venir dans ces territoires. Un changement de paradigme est donc nécessaire sur la vision de nos territoires et sur la richesse que nous pouvons apporter à ces jeunes médecins. Que faire, monsieur le président, pour changer cet état de fait, pour que nous puissions former plus de médecins, pour que ces médecins viennent exercer dans nos territoires tout en ayant une pratique qui leur convient ?
La question des interrégions se pose également. Les médecins en formation se voient en effet empêchés d'aller d'une région à une autre. Sachant que 60 % des médecins s'installent dans la dernière ville où ils ont effectué leur formation, il est plus qu'urgent de réorganiser ce système.
Il est difficile pour nous d'entendre qu'il est impossible de former plus de médecins faute de places. Ces places existent bel et bien dans nos territoires. Alors venez dans nos territoires !
J'insisterai comme mes collègues sur l'accès aux études de santé et sur les grandes incertitudes créées par cette réforme dans les parcours de formation. Une telle situation témoigne d'une violence psychologique très importante faite aux étudiants.
Par exemple, à la faculté de Montpellier, huit jours après l'annonce des résultats de cette année, les étudiants ne savaient toujours pas quel serait leur classement alors qu'ils disposaient de leurs notes. Même des personnes qui avaient obtenu 17,5 de moyenne ignoraient toujours si elles obtiendraient une place. Ce climat est réellement délétère et cette violence psychologique imposée dès le début à des étudiants qui se lancent dans des études extrêmement difficiles sape les fondations mêmes de ces études.
Mes collègues Benoit Potterie et Valérie Bazin-Malgras ont mené une mission « flash » sur la réforme des études de santé. S'agissant en particulier de la fin de la PASS sans possibilité de redoublement, ils ont proposé de garantir aux étudiants une seconde chance effective. Ils ont également suggéré, pour une meilleure compréhension du système, de mettre fin à la PASS et de ne conserver la première année que sous forme de LAS de façon à donner en deuxième année d'études de santé un accès à une deuxième année de licence. Cette option est-elle envisagée dans un objectif de simplification ?
À cet égard, nous avons quelques difficultés à comprendre la création d'un système aussi complexe, même avec les meilleures intentions du monde. La lisibilité et la bonne compréhension de ce système par les étudiants constituent pourtant un point phare pour leur orientation professionnelle et tout au long de leurs études.
Comme l'a indiqué ma collègue Perrine Goulet, la désertification médicale constatée dans certaines zones est aussi le résultat du manque d'accès des étudiants à nos territoires. Plusieurs solutions sont régulièrement proposées, comme le développement des maîtres de stage. Malheureusement, nous ne voyons guère d'avancées en la matière. Cette solution n'est peut-être pas suffisamment encouragée dans les universités et au niveau de l'Ordre des médecins. Qu'en pensez-vous ?
Il convient également de recourir à des conventions entre les universités et les collectivités – mairies, communautés de communes... – pour proposer des logements aux jeunes médecins. Les communes sont très volontaires pour aider à leur installation et à leur logement.
La réforme des études en santé était nécessaire car le cursus emprunté par les étudiants comportait certaines injustices. Alors que nous nous situons en plein milieu d'une année de transition, nombre d'étudiants restent inquiets. Je tiens cependant à vous remercier pour vos propos sincères et votre engagement auprès des étudiants pour tenter constamment d'améliorer le système.
Le premier sujet que je souhaite évoquer a trait à la fixation du numerus clausus pour les redoublants, c'est-à-dire la dernière génération du PACES. L'arrêté du 25 janvier 2021 a été suspendu par le Conseil d'État dans son ordonnance du 28 avril et ce n'est que le 5 mai dernier qu'un nouvel arrêté a été publié. Tout cela conduit à s'interroger sur l'intelligibilité et l'accessibilité de ces études pour les étudiants concernés. Qu'en pensez-vous ?
Le second sujet porte sur le poids de la discipline mineure dans les résultats totaux aux examens. L'introduction de cette discipline mineure visait initialement à diversifier le profil des étudiants mais il s'avère que, dans certaines universités, une note inférieure à 10 dans ce domaine est éliminatoire, y compris lorsque l'étudiant obtient des notes excellentes dans les autres disciplines. Quel est votre avis sur ce sujet ?
Nous avons tous été saisis par des étudiants et leurs familles de situations dramatiques : ces jeunes qui y « croyaient » et avaient envie de réussir se retrouvent dans une impasse. Nous n'avons pas pu rester insensibles à ces situations. Une réforme était, certes, nécessaire mais elle n'a probablement pas été bien accompagnée et, surtout, elle n'a pas été bien comprise.
Nous devons aujourd'hui répondre à ces situations de désarroi.
Pouvez-vous nous préciser comment les étudiants ont été accompagnés tout au long de l'année, et ce d'autant plus dans ce contexte sanitaire qui a eu de lourdes conséquences pour la santé mentale des jeunes ? Face aux témoignages de tous ces étudiants, nous avons en tant que parlementaires adressé à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation un courrier à propos des conséquences néfastes de cette réforme. Nous lui avons proposé des pistes d'amélioration, notamment une augmentation significative en 2021 des capacités d'accueil au sein des filières médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie et kinésithérapie.
Quelle est votre position sur l'autorisation ou non de redoubler la première année ? Pour ma part, ce point me semble important.
Enfin, dans un communiqué du 2 juin, le Premier ministre a annoncé une série de mesures complémentaires concernant la réforme de l'accès aux études de santé. Avez-vous entendu le collectif d'étudiants ? Quand le décret annoncé sera‑t‑il publié ? Avez-vous contribué à ces annonces du 2 juin ?
Monsieur le président, je vous remercie pour la lucidité dont vous avez fait preuve dans vos propos introductifs.
De mon côté, je pense que nous faisons face à deux problèmes. Le premier est un problème de moyens, qui perdure, y compris parce que les annonces effectuées ne sont pas toujours suivies d'effet. En particulier, alors que le nombre de 2 000 places supplémentaires avait pendant un temps été évoqué, nous sommes finalement restés en deçà. Je crois que notre situation sanitaire n'est pas seulement liée à la crise du covid mais que celle-ci a démontré le déficit massif en professionnels de santé dont souffre notre pays. Nous devons relever ce défi et changer de paradigme. La suppression du numerus clausus ne suffit pas ; il faut également mobiliser les moyens nécessaires, notamment pour les étudiants de deuxième année.
Le second problème est celui de la transition. Cette difficulté est clairement visible et il faut peut-être prendre des mesures complémentaires, comme l'évoquait Jeanine Dubié sur la question du redoublement. Ces jeunes ont le sentiment d'avoir activé leur droit au concours mais de s'être enferrés dans un piège, d'avoir gâché leurs chances dans un moment où, statistiquement, la situation s'avère plus compliquée pour eux.
Des mesures d'ajustement seraient peut-être utiles, avec les difficultés que vous connaissez. Nous comprenons que des places aient été réservées pour les PACES mais cette transition soulève un problème qu'il aurait peut‑être fallu assumer sur une plus longue durée. Quelles propositions pouvez-vous nous faire pour que nous ne restions pas dans cette situation ?
Vous avez indiqué que nous avions mal présenté cette réforme. Pourtant, certaines universités ont fait le choix de n'avoir que des LAS. Or nous constatons, dans ces universités, une meilleure application de la réforme, à la satisfaction des étudiants et de leurs familles. Comment pourrait‑on faire évoluer toutes les universités dans le même sens et les amener à proposer uniquement des LAS ? Il s'agissait d'ailleurs de l'objectif initial de la réforme.
Vous avez également indiqué qu'il est impossible d'augmenter encore le nombre d'étudiants car « vous avez déjà poussé les murs ». Quelles sont alors les solutions envisageables pour augmenter le nombre de médecins formés ? Dans notre région par exemple, nous comptons deux fois moins d'internes que la plus petite des autres régions. Quelle est la responsabilité des universités dans l'amélioration de la démographie médicale ? À cet égard, je ne partage pas tout à fait votre avis sur le fait que nous aurons formé trop de médecins en 2030. Au contraire, à l'heure où, dans le monde entier, la démographie médicale est trop basse, nous pourrions aussi envisager de former un grand nombre de médecins afin de les « exporter » ailleurs plutôt que d'être contraints de les « importer » d'autres pays.
J'ai été, comme un grand nombre de mes collègues, interpellé par des collectifs d'étudiants et leurs parents sur la mise en application de cette réforme. Elle crée un certain déséquilibre entre les promotions de LAS 2020-2021 et les redoublants de PACES. La cohabitation des deux systèmes lèse les primo‑entrants : ceux‑ci ne bénéficieront pas des mêmes possibilités et des mêmes chances d'accès aux études de santé, puisqu'ils ne peuvent pas redoubler. L'inquiétude porte également sur la seconde chance donnée aux étudiants en LAS 2 de la promotion 2020-2021 car ils ne pourront plus avoir les mêmes probabilités de succès que les redoublants de PACES du fait de l'arrivée des LAS en première année et après une année de coupure dans leur formation.
Monsieur le président, je voudrais aussi vous interpeller sur le contenu des formations. Des étudiantes et étudiants en cours de formation nous expliquent qu'ils ne reçoivent aucun accompagnement à la gestion d'entreprise. Pourtant, un certain nombre d'entre eux souhaitent s'installer en libéral et se heurtent à des problématiques concrètes en matière de gestion, de comptabilité, de management, de ressources humaines – autant de sujets sur lesquels ils n'ont suivi que très peu de formations, voire aucune. L'attente est donc forte sur ce point.
Enfin, nous sommes nombreux à être issus de territoires ruraux. Par exemple, dans mon département des Deux-Sèvres, la démographie médicale est complètement atone. Si les pratiques des étudiantes et étudiants évoluent en matière de médecine de ville depuis quelques années, pourrions-nous envisager selon vous de réviser la liberté de s'installer et introduire un mécanisme d'installation territorialisée pour mailler l'ensemble du territoire national et faire face aux déserts médicaux ?
Nous avons tous été contactés par des étudiants et des parents extrêmement inquiets. Je partage également le constat sur les territoires ruraux mais il faut savoir que nous rencontrons également des difficultés à trouver des médecins dans les grandes villes, notamment au niveau hospitalier.
Ma question portera sur l'internat. Vous avez rappelé que le nombre de places a été augmenté pour atteindre les 10 000 dès la première année. La difficulté réside maintenant au niveau de l'internat. Je suis députée de la ville de Nice et nous constatons dans ce domaine un écart significatif avec la ville de Marseille. L'autonomie des universités y est certainement pour beaucoup mais nous avons l'impression que certains territoires sont lésés, notamment au niveau de l'internat puisque le nombre de places n'a malheureusement pas été augmenté dans certaines formations. Quelles réponses pourriez-vous nous apporter ?
Au regard de la crise que nos étudiants viennent de subir – comme nous évidemment – et des souffrances qu'ils vivent, quelle attention particulière devons‑nous leur prêter et quel message positif pourrions-nous leur envoyer, de manière à ce que cette génération 2020 ne soit pas une génération perdue ? Comment mieux accompagner et expliquer cette réforme ?
Un certain nombre de médecins ne s'installent pas dans la région où ils ont été formés. Tel est notamment le cas en Centre-Val de Loire pour la médecine de spécialité. Il y est ainsi extrêmement difficile de trouver un cardiologue ou un dermatologue par exemple. Quelle solution collective pourrions-nous imaginer, sans que celle-ci soit nécessairement coercitive ? Je pense qu'il s'agit là d'un élément très important de lutte contre la désertification médicale. Quel modèle d'attractivité pourrions-nous proposer pour que les médecins formés dans une région puissent s'y installer ?
Les difficultés que nous vivons avec cette réforme nous montrent peut-être qu'il ne suffit pas d'être autonome pour être réactif. Cette réforme courageuse était absolument nécessaire. Nous nous attendions à rencontrer un certain nombre de résistances et, de ce point de vue, j'avoue que nous n'avons pas été déçus. Les difficultés des universités pour appliquer cette réforme ont peut-être été sous-estimées. Il n'en demeure pas moins que celle-ci était absolument nécessaire face à la sélection qui sévissait précédemment et qui visait à limiter le nombre de médecins. Force est de constater que nous y sommes parfaitement parvenus !
Un problème de moyens est souvent évoqué face à une forme de résistance qui ne peut pas s'expliquer. Ne pensez-vous pas, monsieur le professeur, qu'une réforme de l'université devrait être engagée à la lumière des difficultés que nous vivons pour réaliser cette réforme pourtant indispensable ?
Avant de répondre aux questions que vous m'avez posées, je souhaite préciser que j'ai rencontré les collectifs des parents, virtuellement, certes, puisqu'il n'était alors pas possible que de nombreuses personnes se regroupent dans une même salle. Je ne suis pas du tout insensible, bien loin de là, à ce que j'ai entendu et aux difficultés des familles et des étudiants. Ne vous imaginez pas que nous sommes dans notre tour d'ivoire, que nous ne voyons pas ce qu'il se passe et que nous serions insensibles aux difficultés de ces jeunes. Or je vois ce qui est écrit à mon sujet sur les réseaux sociaux. Il ne faut pas exagérer : nous avons aussi un cœur et notre engagement professionnel se veut au service des autres. Je tenais donc à le rappeler au passage.
Par ailleurs, je vous présenterai quelques éléments importants issus de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS). J'ai présidé cet observatoire pendant trois ans avant de devenir président de la Conférence des doyens de médecine.
Vous proposiez de réformer l'université. En réalité, nous la réformons profondément en ce moment. Au-delà de la réforme du premier cycle, vos questions sur l'internat m'amèneront à évoquer également de la réforme du troisième cycle. Nous menons en effet une réforme de l'ensemble des études médicales. La difficulté que nous rencontrons tient au fait que ces réformes interviennent simultanément. Pour autant, il convenait de les mener de front même si le travail s'en trouve complexifié.
En prenant l'année dernière mes fonctions de président de la Conférence des doyens de médecine, j'ai dû toutefois convaincre mes interlocuteurs que nous ne pourrions pas mettre en œuvre en même temps les réformes du premier cycle et du deuxième cycle, même si je suis intimement convaincu que celle du deuxième cycle doit être menée rapidement. Nous nous préparons donc à mettre en place cette dernière réforme à la prochaine rentrée. Je ne le regrette pas compte tenu des difficultés que nous rencontrons dans le déploiement de la seule réforme du premier cycle. Dès lors, si nous avions dû conduire la réforme du deuxième cycle, où en serions-nous aujourd'hui ?
S'agissant de l'arrêté sur le numerus clausus dont le Conseil d'État a demandé le retrait, le problème semble tenir à une question d'écriture. L'arrêté a donc finalement été présenté différemment lorsqu'il a été à nouveau déposé mais il reprend exactement les mêmes chiffres. En ce qui concerne le numerus clausus des étudiants qui redoublent pour la dernière fois leur PACES, l'arrêté a été retiré car le Conseil d'État a considéré que le nombre de places à ouvrir en deuxième année avait d'abord été déterminé pour les étudiants redoublant la PACES et que nous avions laissé les autres places pour les étudiants inscrits en PASS et LAS.
Je vous assure que nous n'avons pas procédé ainsi. Nous avons vraiment examiné en conscience combien de places nous pouvions ouvrir. Nous étudions dans ce sens le nombre de places que nous pourrons offrir en stage et je reviendrai à cet égard sur le rôle des territoires dans l'offre de stages. Nous avons pensé que les étudiants redoublant leur PACES ne devaient pas être sacrifiés. Même si d'aucuns affirment que la génération PASS et LAS 2020-2021 sera la génération sacrifiée, je ne pense pas que tel sera le cas. Être les premiers étudiants à connaître un nouveau système est effectivement angoissant parce que le changement fait toujours peur. Cependant, les derniers étudiants à relever d'un système qui disparaît ne sont pas rassurés non plus.
J'ai donc proposé que le nombre de places offertes via le numerus clausus aux redoublants de la PACES soit équivalent à celui des trois années précédentes, ce qui a été fait. Il me semble qu'une telle approche était juste et équitable. Ensuite, nous avons mené une réflexion pour tenter de « pousser les murs » comme l'a évoqué Mme Rist, de façon à disposer de plus de places pour accueillir les étudiants de PASS et LAS.
Le numerus clausus – dont nous ne parlerons bientôt plus – a heureusement augmenté ces dernières années. Il le fallait. L'ONDPS assure le secrétariat de la conférence nationale qui proposera désormais sous la forme d'une projection quinquennale le nombre de places à ouvrir dans les facultés de médecine. Sans vouloir me montrer provocateur car je sais que le sujet est complexe et mérite d'être discuté, je soulignerai ce passage qui figure à la page 78 du rapport de l'ONDPS : « De plus, il ne faut pas exclure le risque qu'un nombre trop important de médecins à échéance d'une vingtaine d'années aboutisse à des difficultés d'insertion professionnelle et/ou à des pratiques inappropriées. Il faut éviter l'effet accordéon déjà observé dans les années 80. »
Cet effet accordéon traduit une utilisation du numerus clausus à mauvais escient. Les jeunes aspirent effectivement à un mode de vie différent de celui que ma génération a connu et ils ont bien raison. Néanmoins, la médecine de demain n'aura plus la même vocation que celle d'aujourd'hui. Ce rapport de l'ONDPS le décrit d'ailleurs très bien.
Je ne peux pas répondre à la question qui concerne l'université de Nancy car je ne connais pas le détail des chiffres. En tant que président de la Conférence des doyens, je peux vous dire que tous les doyens ont participé à des échanges avec le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et avec le ministère des solidarités et de la santé. Je suis surpris par les propos de Mme la députée parce que toutes les facultés de médecine ont dû aller au-delà de ce qu'elles avaient prévu. Pour autant, je n'entends pas contester les chiffres évoqués ; je ne les connais pas.
Dans certains cas, des biais peuvent toutefois se produire. Ainsi, dans mon cas, la faculté de médecine dont je suis le doyen a vu en 2018 son numerus clausus passer de 234 places à 255. À l'époque, j'ai dû me battre pour obtenir cette révision à la hausse car on m'opposait que le numerus clausus ne devait pas augmenter. Je me suis tout de même battu car nous manquons de médecins dans notre région et j'ai donc estimé qu'un plus grand nombre d'étudiants devait rejoindre des études de médecine. En 2020, de même, le numerus clausus de ma faculté a été porté de 255 à 275 places. Cette année, j'ai souhaité qu'il atteigne les 300 places. Ce passage de 275 à 300 places représente une augmentation de 14 %, ce qui se situe dans la moyenne des facultés de médecine. Cependant, si l'on effectue ce calcul par rapport à 2018, cette augmentation dépasse 20 %.
Encore une fois, je ne sais pas ce qu'il en est pour Nancy. Si j'avais pu anticiper la question, j'aurais fourni des chiffres précis. Il s'agit peut-être d'un phénomène analogue à celui que je viens d'évoquer.
J'ai été auditionné par Mme de La Provôté ainsi que par Mme Bazin-Malgras et M. Potterie. Je suis partagé sur la proposition de Mme de La Provôté de ne conserver que le seul cursus LAS en lieu et place des PASS et LAS. Il s'agirait effectivement d'une simplification. Cependant, le lycéen que j'ai été n'aurait guère apprécié de se voir inviter à s'inscrire en droit pour se préparer à faire médecine. Il me semble, en outre, problématique de ne pas prévoir qu'un étudiant ait, dès le baccalauréat, la possibilité de se lancer dans une formation orientée vers la santé, quitte à envisager une seconde chance ensuite. Ce sujet mérite toutefois réflexion. Nous devons être très attentifs à tout ce que nous réalisons car nous faisons des paris sur la qualité de formation. Nous nous battrons bien sûr pour que la qualité de la formation ne soit pas dégradée.
S'agissant du redoublement, nous avons pris connaissance du communiqué de presse de Matignon du 2 juin et nous en avons parlé avant-hier avec la directrice générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle et avec la conseillère de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. À travers cette prise de position politique, Matignon nous demande de mettre en place des commissions ayant quatre objets : autoriser les redoublements aux étudiants de PASS ; permettre le passage d'un étudiant de PASS en LAS 1, ce qui n'était théoriquement pas permis ; permettre d'invalider une année dans le cas d'un étudiant ayant connu des problèmes de santé, ce point étant, dans l'esprit du communiqué de Matignon, étroitement lié au contexte de la crise covid. Cependant, nous avons déjà mis en pratique ce type de dispositions dans d'autres situations. Par exemple, au sein de ma faculté, nous avons eu récemment connaissance du cas d'une jeune étudiante de PASS atteinte d'une thrombophlébite cérébrale, un accident de santé très grave. Elle s'est heureusement bien remise mais elle n'a pas pu mener à bien son année d'étude, que nous invalidons comme nous savons le faire depuis longtemps ; enfin, revenir sur le cas d'étudiants qui présentent de très bonnes notes sauf dans leur mineure, ceci en réunissant à nouveau le jury et en procédant à des ajustements, même si ceux-ci n'étaient pas prévus a priori dans les modalités de contrôle des connaissances, de façon à permettre à de tels étudiants d'intégrer tout de même la deuxième année. Pour ma part, j'ai par exemple été confronté au cas d'un étudiant qui affichait une moyenne de 17 sur 20 mais avait obtenu la note de 9,85 dans sa mineure.
Nous ferons ce travail. De mon point de vue, il ne s'agit cependant pas d'autoriser le redoublement d'un grand nombre d'étudiants en PASS, ce qui serait complètement contraire à l'esprit de la réforme. J'insiste sur ce point : ne pas redoubler ne signifie pas qu'un étudiant ne peut pas bénéficier de sa seconde chance dès l'année prochaine. Il n'est simplement plus en première année d'études de santé, mais en LAS 2, de droit par exemple. Si, à la fin de sa deuxième année, cet étudiant estime que ce sont bel et bien les études de santé qui l'intéressent, il peut retenter sa seconde chance. Sans redoubler, il peut le faire en fin de deuxième année, c'est-à-dire dès la fin de l'année prochaine. Néanmoins, il peut également attendre la fin de la troisième année.
L'esprit de la réforme consiste en effet à imaginer que certains jeunes gens, à 18 ans, peuvent manquer de maturité. Or certains d'entre eux mûrissent au cours de leurs études et joueraient donc peut-être mieux leur chance en troisième année qu'en deuxième. Il ne s'agit donc pas d'un redoublement « sec », ce qui est tout de même intéressant pour l'étudiant.
L'ajustement du nombre de places a maintenant été décidé. Les facultés de médecine ont reçu des courriers indiquant qu'elles devaient se préparer à publier les numerus apertus et que ceux-ci ne devront, en aucun cas, être inférieurs à ceux de cette année. J'en suis satisfait car c'est ce que je souhaitais. L'année prochaine, le même nombre de places sera donc ouvert que cette année. Je militerai pour qu'un nombre analogue soit encore ouvert l'année suivante dans la mesure où, la seconde chance pouvant être prise en fin de deuxième ou de troisième année, je souhaiterais que les étudiants qui se trouvent en PASS-LAS en cette année si particulière en raison du contexte que vous connaissez bénéficient d'un nombre de places très fortement augmenté, soit près de 10 000 places.
Nous ne pouvons donc pas dire que cette génération soit sacrifiée. Elle a, en revanche, vécu une année épouvantable. Dans mon rôle de médecin, j'ai en effet l'impression qu'au cours de cette crise sanitaire, l'isolement social a été plus difficile pour les jeunes ainsi que pour les personnes âgées. De leur côté, les personnes des générations intermédiaires ont tout de même pu avoir une vie sociale de par leur vie professionnelle et ont vécu cette crise un peu moins difficilement.
Nous avons accompagné les étudiants le mieux possible cette année. Au-delà du contexte de la réforme du premier cycle, les études de santé sont extrêmement pourvoyeuses de mal-être pour les étudiants, jusqu'à conduire certains d'entre eux jusqu'au suicide. Malheureusement, cinq étudiants se sont donné la mort depuis le début de l'année. Le dernier de ces suicides est intervenu au mois de février, ce qui montre combien les deux premiers mois de l'année ont été affreux de ce point de vue.
J'ai contacté en février l'ensemble des associations étudiantes des formations médicales : médecine, pharmacie, maïeutique, odontologie. Une conférence de concertation a eu lieu le 29 mars avec les représentants étudiants de l'ensemble des conférences des doyens de ces formations médicales – conférence des présidents d'université, conférence des directeurs généraux des centres hospitaliers universitaires (CHU) et des centres hospitaliers, conférence des présidents de commissions médicales d'établissement de CHU et de centres hospitaliers – ainsi qu'avec les médiateurs et le centre national d'appui. À la suite de cette conférence de concertation, j'ai proposé un texte qui a été retravaillé pour aboutir à un document consensuel sur la prévention des risques psychosociaux des étudiants.
Nous déclinons actuellement ce texte sur le terrain puisque les dernières signatures ont été obtenues avant-hier. Nous agissons du mieux possible. Cette démarche est toutefois difficile puisque nous ne voyons pas les étudiants de PASS-LAS, ces enseignements s'effectuant désormais en très grande partie en distanciel. De plus, en tant qu'enseignants de médecine, nous ne connaissons pas les étudiants de LAS, inscrits dans des universités qui ne sont pas les nôtres. Là encore, nous ne les voyons pas et nous ne sommes pas présents sur place et il est donc extrêmement difficile d'agir auprès d'eux.
En raison de la crise sanitaire et de cette disparition des enseignements en présentiel, la situation s'avère donc plus compliquée encore. Ainsi, cette année, comme je l'ai dit dans la presse, constitue une annus horribilis. Elle a été absolument épouvantable, en particulier pour les jeunes.
L'un des intervenants a évoqué la présentation du classement des étudiants de la faculté de Montpellier. Je sais l'inquiétude qu'elle a engendrée et je reconnais que ce type de difficultés fait partie des imperfections relevées. De la même façon, alors que ma faculté devait annoncer les résultats de la PACES hier soir, nous nous sommes aperçus à la dernière minute que nous devions vérifier un point et nous n'avons donc pas publié immédiatement ces résultats. Nous ne les publierons que ce matin. Dans l'intervalle, nous avons subi toute la nuit des salves d'injures parce que nous ne l'avions pas fait dès hier soir.
Nous n'avons pas publié ces résultats hier soir parce que nous avons considéré que, dans l'intérêt des étudiants, il convenait de procéder aux vérifications nécessaires. Néanmoins, je comprends que cette situation soit très difficile pour les familles. J'ai déjà connu ce type de cas dans le passé. Cependant, alors que ma faculté compte 2 000 étudiants, dont 450 redoublants de PACES et un peu plus de 1 500 étudiants répartis entre PASS et LAS, nous ne pouvons pas nous permettre de prendre le moindre risque.
L'annonce des résultats s'est trouvée largement compliquée par la réforme car nous interagissons avec nos collègues des autres composantes. Ces collègues souhaitent être certains que les étudiants que nous leur envoyons, même si nous affirmons qu'ils sont très bons, souhaitent bel et bien poursuivre ces études et ont acquis les compétences nécessaires. Cette situation crée des difficultés dans l'apprentissage pour les jeunes et dans l'affectation des coefficients pour le calcul de leurs résultats. L'ensemble devient extrêmement complexe.
Je pense que, dans un but de simplification, nous devons effectivement cadrer le système et nous mettre d'accord sur les grandes lignes quant aux notes éliminatoires – j'y suis personnellement opposé – et au volume des enseignements. Vous avez raison : j'ai pu constater que l'investissement demandé d'une mineure à l'autre était extrêmement hétérogène. Cet état de fait n'est pas acceptable et doit être corrigé. Toutefois, vous rendez‑vous compte combien il est difficile pour moi, en tant que doyen d'une faculté de médecine, d'expliquer à un doyen de faculté des sciences qu'il demande beaucoup trop à ses étudiants et que des disciplines comme les arts et les sciences humaines sont beaucoup plus faciles ? Il est excessivement complexe de tenir un tel discours mais nous le faisons.
En ce qui concerne les tuteurs et maîtres de stage universitaire, la Conférence des doyens de médecine est complètement engagée pour ouvrir la formation dans les territoires. Dans ma région par exemple, avec la doyenne de Reims, le doyen d'Angers et le doyen de Caen, j'ai porté un plan « Territoires universitaires de santé », que nous avons décliné de façon différente dans nos quatre régions et qui servira également de modèle à d'autres.
Grâce à l'engagement de la région et de l'agence régionale de santé (ARS), nous avons pu créer à cette échelle vingt postes de chefs de clinique assistants territoriaux. Nous en comptions quatre‑vingts précédemment. Ces nouveaux postes sont affectés aux établissements supports des groupements hospitaliers de territoire de la région, ce qui permet de consolider à la fois l'offre de formation et l'offre de soins dans ces hôpitaux des villes de préfecture. Cela ne répond pas, je le sais monsieur Door, aux problèmes qui se posent dans des villes plus petites mais il faut être pragmatique et commencer par consolider les établissements hospitaliers des villes de préfecture. Ensuite, cette première approche pourra faire « tache d'huile ».
Avec l'Agence nationale du développement professionnel continu, nous multiplions actuellement les formations à la maîtrise de stage universitaire qui, pour l'instant, n'existaient que pour la médecine générale. L'idée est de la généraliser aux quarante‑quatre spécialités médicales répertoriées en France. Nous détenons à cet égard le record du monde du nombre de spécialités médicales, ce dont nous pourrions d'ailleurs également parler car une telle situation n'est pas raisonnable. Nous cherchons donc à démultiplier la maîtrise de stage universitaire. Ainsi, en région Centre‑Val de Loire, le privé propose des offres de formation dans quatorze spécialités, preuve que cette formation n'a pas uniquement lieu dans les hôpitaux de sous‑préfectures mais aussi en libéral.
Comme je l'ai indiqué à l'Académie de médecine qui m'interrogeait sur ma vision de l'enseignement de la chirurgie, ce n'est pas dans un CHU que l'on peut apprendre à effectuer des opérations de l'appendicite car ce type d'interventions y est relativement rare. En réalité, ces opérations sont plutôt réalisées dans des cliniques par des chirurgiens tout à fait compétents, qui seront ravis d'enseigner cette pratique, comme ils le font déjà.
Vous avez par ailleurs raison de souligner que, dans le cursus de médecine, les enseignements en gestion, comptabilité ou management restent insuffisants La réforme du deuxième cycle mise en place à la rentrée 2021 conduit à effectuer désormais six années en cinq tandis que la sixième année de médecine deviendra une année préprofessionnalisante, sans enseignement se prêtant à un contrôle des connaissances mais avec des parcours de formation définis en fonction du projet professionnel de chacun. En particulier, nous avons pris conscience de la nécessité de préparer nos futurs médecins à mieux gérer concrètement leur espace d'exercice professionnel. Cela va même au-delà car les métiers de la santé peuvent ouvrir à de multiples débouchés. Nous nous améliorerons en la matière.
S'agissant de la liberté d'installation, il faut reconnaître qu'il existe effectivement des déserts médicaux, qui sont généralement aussi des déserts culturels et scolaires... Le problème est donc global. Pour ma part, je suis opposé à une approche coercitive parce que je pense qu'un bon médecin doit être intellectuellement capable de prendre des décisions en situation d'incertitude. Si nous lui imposons une décision, nous allons donc à l'encontre de sa principale compétence, celle consistant à être capable d'agir vite pour résoudre un problème en situation d'incertitude. Tendre vers une coercition me paraît, par conséquent, contre nature par rapport à cette compétence du médecin.
En revanche, il me semblerait pertinent d'évoluer vers un système incitatif, par exemple en prévoyant des contrats d'exercice à un endroit précis durant deux ou trois ans, sans nécessairement obliger la personne à y rester définitivement. Aujourd'hui, les jeunes médecins repoussent de plus en plus leur installation. Je pense que leurs représentants, avec lesquels j'ai discuté, ne sont pas hostiles à cette idée de servir, au sens noble du terme, pendant un certain temps. Nous pouvons même imaginer que certains d'entre eux se trouveront très bien là où ils seront et y resteront.
Je suis ouvert à une telle réflexion mais, encore une fois, je ne souhaite pas de coercition.
Je ne nie pas la complexité de la réforme pour vous, doyens, et pour les universités. Vous affirmez votre volonté d'assurer à tous la même formation. Cependant, de notre côté, nous souhaiterions d'abord que tous les étudiants bénéficient des mêmes chances dans toutes les régions. Par ailleurs, je souhaiterais savoir pourquoi cette réforme fonctionne dans certaines universités et non dans d'autres.
Je reviens sur le cas de l'université de Nancy. Je suis très en colère parce que j'ai vu tous les chiffres en question. Le chiffre communiqué au ministère était une donnée globale qui portait sur quarante places supplémentaires. S'y ajoutait un autre chiffre mais, dans la mesure où celui-ci concerne les étudiants luxembourgeois, il convient de le mettre de côté. Ces quarante places se répartissaient comme suit : une trentaine d'entre elles était destinée aux étudiants de Dijon en études dentaires qui arrivent en deuxième année, contre sept places pour la maïeutique et seulement trois pour la médecine.
Le ministère n'a donc eu connaissance que de ces quarante places. Celles‑ci constituent en réalité le « minimum syndical » que doit satisfaire cette faculté au regard des 591 étudiants qu'elle doit former. Elle ne pourrait se situer en deçà de ce chiffre au risque, sinon, de se mettre hors la loi.
Une telle situation témoigne de la part de cette université d'une mauvaise volonté qui me sidère. Notre territoire se trouve en effet en sous‑densité médicale et le risque de surdensité médicale qui a parfois été évoqué ne s'y vérifierait pas avant plusieurs générations. Dans les faits, les jeunes qui ne peuvent pas effectuer leurs études dans notre région vont ailleurs et, en dix ou douze ans, ils ont le temps de s'y construire une vie personnelle et une carrière professionnelle. Ainsi, ce maillage territorial que nous souhaitons s'éloigne de plus en plus alors que nous recherchons des internes et des stagiaires.
Vous avez indiqué que vous ne souhaitiez pas d'approche coercitive en matière d'installation. En réalité, le problème ne se pose pas en ces termes. Par exemple, dans ma région, chaque médecin, qu'il soit spécialiste ou généraliste, se trouve « happé » par l'hôpital, par la ville ou par la ruralité. Dans tous les cas, nous manquons de médecins. Il ne s'agit donc pas de savoir où ces médecins doivent s'installer : les besoins sont partout.
Je vous demande d'expliquer à vos collègues doyens d'université que leur horizon ne doit pas se limiter aux villes de CHU comme Nancy mais s'étendre également à tous les territoires alentour. Malheureusement, nos souffrances semblent les laisser complètement indifférents.
Pourtant, je persiste à dire que cette réforme est bonne pour tout le monde, pour les citoyens comme pour les étudiants, mais, de grâce, mettez-la en œuvre, faites-la comme il le faut, comme d'autres régions et d'autres universités le font !
Je proteste avec d'autant plus de force que j'ai envoyé à la conférence que vous présidez un courrier qui n'a jamais eu de réponse. Les collectifs et les parlementaires que nous sommes et qui interviennent à leurs côtés pour les aider ont ainsi le sentiment extrêmement désagréable d'un mépris total et d'une indifférence totale.
Je crois que vous n'avez pas répondu à ma question sur le décret attendu après la déclaration du 2 juin du Premier ministre. Un décret est-il en préparation ? Avez-vous été consulté ? Quand sera-t-il publié ?
Existe-t-il au niveau de chaque faculté ou de chaque CHU un « guichet d'information » qui permettrait aux étudiants de savoir où il est possible de s'installer ? Alors que tous les journaux médicaux sont actuellement remplis d'annonces de ce type, ne serait-il pas préférable de prévoir plutôt cette information au cœur même du système, dans les facultés et les CHU ?
J'espère avoir mal compris vos propos. Vous avez indiqué que, si nous augmentions le nombre de places, nous assisterions à une baisse de la qualité de la formation alors même qu'il convient de la préserver. Pourtant, il me paraît préférable d'accroître ce nombre de places, quitte à ce que la qualité de la formation s'érode légèrement. Nous pourrions ainsi disposer des médecins français dont nous avons besoin plutôt que de devoir faire appel dans nos territoires à des médecins étrangers, dont les formations ne se situent pas du tout au niveau du cursus français, comme nous le constatons tous les jours dans les hôpitaux de nos petits départements ruraux.
Il n'est peut-être pas correct de le dire : parfois, nous ne comprenons même pas ce que disent ces médecins et ce sont souvent les infirmières qui pallient leur manque de connaissances. Je préférerais donc que nos jeunes ne soient plus contraints de partir à l'étranger faute de pouvoir se former en France. Par le jeu des équivalences, ces jeunes reviennent, certes, exercer ensuite dans notre pays, mais ils auront suivi dans l'intervalle une formation de moindre qualité.
Je pense, monsieur le président, sans remettre en cause le rapport que vous avez sous les yeux, qu'il serait peut-être intéressant de former plus de médecins français, quitte à ce qu'ils exercent ultérieurement à l'étranger plutôt que de faire appel à des professionnels étrangers qui pratiquent une « sous-médecine » dans certains de nos territoires.
L'intérêt des médecins est lié à celui des malades et réciproquement. Nous ne nous en apercevons pas réellement aujourd'hui, en raison de l'état dans lequel se trouve la médecine et de la présence de déserts médicaux. Ces déserts médicaux existent bel et bien ; nous ne les inventons pas mais nous vivons aujourd'hui de telles situations, y compris dans ma circonscription, qui se trouve pourtant à proximité d'une métropole. C'est là une réalité dont nous ne pouvons pas nous satisfaire.
Vous préconisez des mesures incitatives mais je crois qu'il n'en manque pas, y compris sur un plan financier. Or ces mesures s'avèrent insuffisantes. J'en ai des exemples dans ma circonscription : cet état de fait devient insupportable et va à l'encontre de l'intérêt même de la médecine et des médecins. Il est donc indispensable de régler ce problème, d'une manière ou d'une autre.
Cette réforme est effectivement complexe. Elle a fait l'objet d'un travail avec l'ensemble des partenaires concernés, notamment les doyens, avant d'être inscrite dans la loi. Force est de constater que sa première année de mise en œuvre est difficile. La crise sanitaire n'a probablement pas facilité sa mise en place.
Une véritable communication de chacun des membres est nécessaire, en accord avec ce qui avait été dit lors de la préparation de la réforme. Même si nous avons toujours porté le message de la suppression du numerus clausus, nous n'avons jamais affirmé que toute sélection serait supprimée. De même que tous les étudiants qui débutent des études de droit ne deviendront pas juges ou avocats, tous ceux qui s'engagent dans des études de médecine ne pourront pas obtenir la qualité de docteur en médecine.
Cela dit, j'insisterai sur un sujet qui me semble majeur. J'ai pris bonne note des perspectives dressées par l'observatoire. Il convient à cet égard de garder à l'esprit qu'il est nécessaire de former 1,8 jeune médecin pour remplacer chaque médecin qui part à la retraite. Nous voyons également que le nombre de médecins diminuera dans les prochaines années et que nous ne retrouverons pas avant 2030 la démographie actuelle. Nous avons donc devant nous dix années très difficiles.
Je ne crois pas à la coercition mais je crois à un principe essentiel : lorsque, par exemple, cent étudiants en médecine sont acceptés à Tours et à Montpellier, il serait important que l'on retrouve les mêmes effectifs en première année d'internat. Or j'ai plutôt la certitude qu'aujourd'hui, nous comptons au mieux quatre‑vingts internes à Tours et cent vingt à Montpellier. Ainsi, des étudiants issus de régions en grande difficulté sur le plan de la démographie médicale rejoignent les régions mieux dotées. Nous disposons là d'un levier d'action relativement rapide pour favoriser l'installation dans les zones moins bien dotées.
Lorsque j'ai évoqué le problème des notes, je souhaitais surtout insister sur une question de bienveillance. Nous comprenons que la production de ces résultats soit complexe. Pour autant, donner d'abord des notes puis maintenir un suspense absolument insoutenable sur le classement est une pratique réellement délétère et quasi inhumaine pour les étudiants concernés. Ces difficultés n'ont rien à voir avec une quelconque vérification. En réalité, tous ces éléments doivent être fournis en même temps. Plus largement, il faut savoir traiter avec bienveillance les étudiants. Malheureusement, nous voyons bien que cette notion est très éloignée de tout ce qui a été mis en place au cours de cette « annus horribilis », pour reprendre vos termes.
Je suis désolé, madame Trisse, que vous ayez été victime d'une forme d'indifférence de notre part. J'éprouve le plus grand respect pour la représentation nationale et pour le rôle que vous jouez. Je vous présente donc mes excuses au nom de la conférence que je préside. J'en parlerai à mon collègue. Je suis surpris car je le connais bien et ai de l'estime pour lui.
Monsieur Mesnier, nous n'avons effectivement jamais affirmé que la suppression du numerus clausus revenait à prévoir un accès totalement ouvert aux études de médecine. Cependant, même si personne ne l'a dit, beaucoup l'ont compris ainsi. Ce sont toutefois des sujets complexes et chacun entend ce qu'il a envie d'entendre. Personne n'y est pour rien.
Nous serons associés à la rédaction du futur arrêté ou au moins à sa relecture avant validation. Je ne connais pas le calendrier prévu en la matière mais il nous a été précisé par écrit que nous serons associés à ce texte.
Un nombre non négligeable de bacheliers dans des subdivisions où n'existaient que des LAS se sont inscrits en parallèle en PASS. Nous devons considérer dans notre réflexion que certains jeunes sont très motivés pour devenir médecin. Il me semblerait donc un peu dommage de prévoir qu'ils doivent suivre d'abord un autre cursus avant de commencer à apprendre la médecine.
Lorsque j'étais président de l'ONDPS, j'ai enfin réussi à faire en sorte que nous alignions, quasiment à l'unité près, le nombre d'internes sur le numerus clausus appliqué cinq ans auparavant. Par exemple, au sein de ma faculté, on compte aujourd'hui 255 places d'internes à la suite de l'augmentation du numerus clausus.
L'actuel président de l'ONDPS est sur cette même ligne ainsi que nos deux ministères de tutelle. En particulier, le ministère des solidarités et de la santé dont dépendent ces arbitrages en est parfaitement convaincu. Nous avons adopté ce changement de paradigme. Dès lors, le problème que vous décriviez, monsieur Mesnier, est moins prégnant aujourd'hui. Si la situation n'est pas encore parfaite, elle s'est très nettement améliorée et continuera de le faire. Je me battrai pour obtenir rapidement trois cents internes pour ma faculté et je sais que les députés de ma région ont adressé un courrier au ministère dans ce sens. Nous menons ce combat en commun et je compte sur vous.
Monsieur Door, le guichet unique que vous évoquez existe sur les sites internet des ARS, en particulier en région Centre-Val de Loire avec la plateforme « Instal toi doc ». En revanche, je ne crois pas que le CHU puisse constituer un tel guichet dans la mesure où il ne saurait être le lieu unique de formation des médecins. De son côté, l'ARS me semble à l'inverse plus neutre. Ce guichet se trouve sur le site internet de chaque ARS, sous la forme d'un onglet.
Le lien avec les collectivités territoriales s'est considérablement amélioré ces dernières années. Des collectivités investissent maintenant dans des internats ruraux qui permettent aux jeunes de toutes les formations de santé d'habiter sous un même toit. Les jeunes apprécient d'être ainsi ensemble, surtout en ce moment. Accueillir dans un même lieu des étudiants en kinésithérapie, en soins infirmiers ou en médecine est utile et leur permet de découvrir les autres métiers de la santé. Nous décloisonnons, de la même façon, les enseignements pour les amener à se connaître, ce qui est positif.
Je vous remercie, monsieur le président, pour ces nombreuses réponses. Comme vous l'avez compris, la représentation nationale a été extrêmement sollicitée par des parents et par des étudiants inquiets quant à leur devenir au sujet de cette réforme complexe à mettre en œuvre. Il me semble essentiel de répondre à la demande des étudiants et à celle des territoires puisque, in fine, se pose la question de l'accès aux soins.
Il s'agit là d'un sujet sensible. Il était donc important que vous veniez devant la représentation nationale pour répondre à nos interrogations.
La séance s'achève à dix heures cinquante.