COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mardi 20 octobre 2020
Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission
La séance est ouverte à 18 heures 39.
Monsieur le Ministre, merci beaucoup d'être à nouveau parmi nous pour nous faire part des conclusions du Conseil européen des 15 et 16 octobre 2020. Il est important que nous organisions de plus en plus souvent des débats avant le Conseil, afin que tous les groupes politiques puissent vous faire part de leur position et que le débat européen soit plus démocratique au niveau national.
Cinq sujets étaient à l'ordre du jour du Conseil : les négociations avec le Royaume-Uni, ses relations futures avec l'Union, le changement climatique, la coordination des mesures nationales contre la Covid-19, les relations avec l'Afrique et la question turque.
Ma première question est la suivante : quelle est la portée de l'effort de coordination générale dans la lutte contre le coronavirus à l'échelle de l'Union, compte tenu de la diversité des mesures prises par les États (quarantaine, stratégie de dépistage, restriction des déplacements) ?
Concernant les négociations avec le Royaume-Uni, nous avons clairement l'impression d'être dans une situation de blocage. Le gouvernement britannique refuse toute concession sur la question des zones de pêche et la fixation des règles de concurrence loyale demandée par les vingt-sept États membres en échange de l'accès des entreprises britanniques au marché unique. Faut-il d'ores et déjà se résigner à un « no deal » ? Je pense que nous devons au moins véritablement nous y préparer. Quelles sont les pistes actuelles pour sortir de ce blocage ? Selon moi, l'Union européenne doit rester ferme sur ses positions, mais en même temps, une certaine souplesse est toujours nécessaire dans les négociations. Avons-nous les moyens de cette souplesse ?
Sur la question climatique, nous avons noté que les vingt-sept ne sont pas parvenus à s'accorder sur l'objectif de réduction d'émission de gaz à effets de serre pour 2030 d'au moins 55 %. Est-ce un échec ou une étape nécessaire avant la consécration de cet objectif lors du Conseil européen de décembre ? En d'autres termes, les discussions du Conseil ont-elles permis de jeter les bases d'un accord futur ?
Merci beaucoup, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Députés et Mesdames et Messieurs les Députés européens, dont certains sont connectés. Je salue de nouveau cette initiative, qui permet d'articuler les travaux entre votre Assemblée et le Parlement européen sur ces sujets communs. Vous avez rappelé le menu du Conseil européen des 15 et 16 octobre 2020, qui était effectivement assez copieux. Je tenterai de l'exposer de manière la plus concrète et néanmoins la plus synthétique possible, puis nous approfondirons d'autres sujets que vous voudriez aborder.
S'agissant de la lutte contre la Covid, étant donné que le Conseil européen s'est tenu juste après les annonces du Président de la République concernant la France et que toute l'Europe connaît une résurgence très vive de l'épidémie à des degrés différenciés, la préoccupation générale était perceptible de l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement, même ceux dont les pays sont aujourd'hui moins touchés. Certains pays, qui ont connu une situation moins favorable lors de la première phase de l'épidémie au printemps, je pense notamment à la République Tchèque, sont fortement touchés, ce qui démontre que ce sujet est commun et que personne ne peut s'estimer épargné durablement.
Les mesures plus restrictives que prennent les différents pays européens n'étaient pas inscrites à l'ordre du jour du Conseil européen, mais elles ont fait l'objet d'un long échange entre les chefs d'État et de gouvernement. Elles sont bien sûr adaptées aux territoires et aux pays, souvent régionalisées, comme en France, mais elles se durcissent partout et suivent quasiment le même chemin. La France était, la semaine dernière, l'un des premiers pays, sinon le premier, à décider d'un couvre-feu après 21 heures dans certaines métropoles. Aujourd'hui, d'autres pays européens l'ont adopté, parfois selon des modalités différentes, parfois plus durement sur certains aspects. Les Pays-Bas ont décidé de la fermeture générale des bars et restaurants. L'Italie suit maintenant cette voie. Pour la première fois, un pays, l'Irlande, a dû prendre hier une mesure de reconfinement. Nous ne souhaitons pas suivre cet exemple, mais il démontre la gravité de la situation en Europe.
Face à ces difficultés communes, bien que différentes selon les territoires, il est impératif de renforcer la coordination. Certains estiment que la mobilité n'est pas la préoccupation principale des citoyens, quand certains d'entre eux ne peuvent même pas sortir de chez eux à certaines heures. Néanmoins, certains déplacements non touristiques sont essentiels, comme ceux des travailleurs transfrontaliers. Je rappelle qu'ils réalisent 350 000 déplacements quotidiens en France, sans compter les emplois indirects et les familles concernées. Nous avons le devoir d'en assurer la continuité. D'autres déplacements professionnels ou familiaux sont essentiels. La coordination est également une question d'image pour l'Union européenne, afin de ne pas ajouter de la confusion par des mesures dispersées et non coopératives.
Un accord a donc été conclu la semaine dernière sur un certain nombre de critères communs, de classement des zones, de seuils et une première étape vers les mesures communes en découlant. Nous n'en sommes pas tout à fait là, mais nous devons tout de même saluer cette étape, qui n'était pas évidente à passer.
Les zones ont été harmonisées et nous avons progressé sur les mesures, mais nous devons aller plus loin, en évitant autant que possible le développement des quarantaines pour privilégier des tests reconnus mutuellement, ce qui n'est pas encore le cas d'un aéroport ou d'un pays à l'autre.
Tous les pays ont partagé la recommandation d'autoriser les déplacements essentiels. L'Allemagne a certes classé la région Grand Est en rouge pour des raisons sanitaires, en application des critères européens, mais elle n'a pas fermé sa frontière aux travailleurs transfrontaliers sous couvert d'une dérogation. Nous pouvons saluer l'action d'un certain nombre de députés par différents canaux tels que le Comité de coopération transfrontalière. Nous avons donc tiré les enseignements de la situation du printemps dans nos relations bilatérales et notre travail de coordination européen.
Nous travaillons, par ailleurs, auprès de la Commission européenne à une reconnaissance mutuelle des tests. Si dans les prochaines semaines, comme l'a annoncé le ministre des Transports, nous parvenons à déployer, après quelques pays européens et avant beaucoup d'autres, les tests antigéniques, plus rapides, nous avons intérêt à ce qu'ils soient reconnus par les autres pays sous peine de nous retrouver dans la situation absurde que leurs résultats soient contestés à l'aéroport d'arrivée.
Les chefs d'État et de gouvernement ont également décidé de suivre chaque semaine les mesures de coordination sanitaire. Nous avons donc franchi une étape sérieuse en matière de coordination sanitaire.
Sur la question des vaccins, l'action européenne est importante, car elle est inédite à cette échelle et à cette vitesse face à une crise sanitaire. Nous espérons obtenir le plus rapidement possible la coordination et le financement commun des contrats avec les laboratoires de recherche sur le vaccin. La Commission européenne a préparé un contrat avec six laboratoires différents pour des quantités de vaccins compris entre deux cents et quatre cents millions de doses, afin de couvrir simultanément une large part de la population européenne. Trois de ces contrats sont d'ores et déjà signés et les trois autres sont en cours de finalisation. Le ministre de la Santé y travaille également. Cette coordination est primordiale, car nous ne souhaitons pas que les Français soient vaccinés avant les autres ressortissants de l'Union européenne et vice versa. Ce ne serait pas une réponse européenne acceptable à cette crise sanitaire. Voilà pour l'état des lieux intermédiaire des échanges entre les ministres des Affaires européennes, puis du Conseil européen de la semaine dernière.
L'autre sujet qui a occupé ce Conseil est l'éternel feuilleton du Brexit. Vous connaissez les épisodes précédents, qu'il serait trop long de rappeler en une heure et demie. À ce jour, nous sommes dans une incertitude persistante et préoccupante, puisque nous sommes proches de l'échéance du 31 décembre et que nous avons besoin de visibilité pour finaliser la préparation finale.
Michel Barnier a présenté l'avancement des trois ans et demi de négociation lors de ce Conseil européen et a publiquement réaffirmé les priorités communes des vingt-sept et leur soutien au négociateur. Certaines priorités communes sont particulièrement importantes pour la France. Les huit États concernés par la question de la pêche ont montré de la solidarité, mais d'autres pays, d'Europe centrale par exemple, ont soutenu cette priorité, estimant qu'il est très important de se serrer les coudes pour tenir notre mandat commun et que le visage du Brexit sera, le premier janvier prochain, celui de nos pêcheurs. Ils représenteront l'impact du Brexit, ce qui doit faire réfléchir ceux qui ont soutenu ce choix souverain des Britanniques. En effet, la coopération européenne en matière de pêche est un des acquis fondamentaux et le retrait d'un des pays peut engendrer des impacts douloureux. Il n'y a pas de raison pour que nous en payions les conséquences, d'où notre fermeté au sujet de la pêche. Il était très important que le Président de la République rappelle très clairement ce principe, dès l'entame de ce Conseil européen, et la solidarité européenne n'a absolument pas failli.
L'autre élément très structurant est la question du « level playing field » ou des conditions de concurrence équitable, qui paraît à tort technique, puisque la question est simplement de savoir si le Royaume-Uni peut faire du « dumping » à nos portes. Je ne pense pas que le Royaume-Uni deviendra soudainement un pays de « dumping » social réglementaire généralisé. En revanche, l'accord en cours de construction devant durer des années, voire des décennies, il est hors de question de faire confiance à notre partenaire pour respecter les exigences environnementales, sanitaires, réglementaires…. Nous avons besoin de garanties sérieuses pour lui donner accès au marché intérieur. Nous nous assurons donc, auprès de la « task force » de Michel Barnier, du maintien de la fermeté européenne sur ce sujet.
Que va-t-il se passer maintenant ? Face à ce message de fermeté, le Premier ministre Johnson a déclaré que l'Union européenne ne faisait pas de mouvement sérieux et suffisant et qu'elle devait adopter une nouvelle approche. Nous nous y refusons, car nous avons défini, dans une déclaration conjointe avec les Britanniques il y a plus d'un an, les paramètres de la négociation, le mandat public de Michel Barnier. Plus de neuf cycles de négociation se sont déroulés à ce jour.
Michel Barnier débat aujourd'hui même avec le négociateur britannique, M. Frost. Je ne connais pas l'issue de ces négociations, mais nous ne devons pas céder à une tactique d'intimidation. Il est évident que le « no deal » est plus douloureux pour les Britanniques que pour les Européens. Nous devons porter cette conviction, car les Européens se laissent souvent impressionner par leur partenaire ou adversaire dans leurs relations internationales. Le marché de l'Union européenne est huit fois plus important que celui du Royaume-Uni. Le besoin est donc assez asymétrique. Nous pouvons discuter, mais nos priorités sont claires et nous n'avons pas de raison d'en changer. Elles ont été communiquées en toute transparence et en toute bonne foi à nos partenaires de négociation. Notre approche ne sera donc pas nouvelle avec les Britanniques. À eux de nous dire s'ils souhaitent continuer à négocier. Nous y sommes prêts.
Je souhaite mentionner un dernier élément sur l'état de notre préparation, comme vous m'y avez invité, Madame la Présidente. Quoi qu'il arrive, nous connaîtrons des changements le premier janvier prochain. Au-delà de la pêche, nos relations avec le Royaume‑Uni évolueront. Le Brexit n'est globalement pas une bonne nouvelle. Même en cas d'accord, des contrôles douaniers, sanitaires et phytosanitaires des marchandises seront opérés à la frontière. En l'absence d'accord, ce sera plus difficile, mais nous avons aussi préparé un certain nombre de mesures pour nous assurer que nous disposons des effectifs nécessaires aux contrôles et aux mesures de continuité dans des domaines essentiels comme le tunnel sous la Manche. Nous devrons poursuivre notre préparation jusqu'à la fin de l'année, pour vérifier que notre accord est robuste ou mettre en œuvre des contrôles adaptés en l'absence d'accord. Plus de 700 douaniers ont été recrutés et sont déployés ou peuvent l'être, ainsi que plus de 200 agents vétérinaires pour les contrôles sanitaires et phytosanitaires. Olivier Dussopt était récemment à Boulogne pour vérifier le dispositif douanier et le Premier Ministre a réuni le 12 octobre 2020, avant le sommet européen, un comité interministériel pour faire l'inventaire des préparatifs dans tous les domaines (transport, pêche, douane, etc.) en cas de « deal » ou de « no deal ».
Le climat était également à l'ordre du jour du Conseil européen. Vous avez rappelé, Madame la Présidente, qu'aucun accord n'a été conclu sur la future cible de réduction de nos émissions d'ici 2030, mais c'était prévu. Cette étape était toutefois utile. La France et onze autres pays (dix avant le Conseil) se sont prononcés pour une révision à la hausse de notre cible de réduction des émissions pour 2030. L'an dernier, la France avait porté la neutralité carbone pour 2050. Pour 2030, nous défendons la proposition de la Commission européenne d'atteindre au moins 55 % de réduction de nos émissions. Cet objectif est très ambitieux, mais il est indispensable. Il nous reste à convaincre l'ensemble des pays d'Europe de s'y rallier lors du Conseil européen de décembre 2020, préparé par les ministres de l'Environnement.
La COP 26 a été décalée à l'année prochaine en raison de la Covid, cinq ans après les accords de Paris dont nous fêterons l'anniversaire au mois de décembre. Nous avions alors pris l'engagement collectif de rehausser notre ambition pour 2030, ce qui est d'ailleurs indispensable pour atteindre la neutralité carbone en 2050. L'Europe doit se montrer exemplaire. Comme le Président de la République l'a rappelé, il est très clair que nous ne sommes ni isolés ni naïfs. Que l'Europe, qui représente 9 % des émissions mondiales, soit seule à rehausser sa cible serait insoutenable, inefficace et injuste. Les conclusions du sommet européen l'ont d'ailleurs mentionné. Notre disponibilité à augmenter notre cible pour 2030 doit donc être accompagnée de mesures européennes équitables pour lutter contre le changement climatique. Je pense notamment à la révision à la hausse de nos mécanismes de prix du carbone et de la taxe carbone aux frontières de l'Europe (dit également « mécanisme d'inclusion carbone » ), qui vise à faire payer les exportateurs vers l'Union européenne, qui ne sont pas soumis aux mêmes exigences environnementales. La France se bat pour cette mesure et le Parlement européen exerce une saine pression sur la Commission européenne, qui devrait proposer un texte législatif dans les premiers mois de 2021. Cette mesure est très difficile à appliquer juridiquement et techniquement, mais nous pourrions commencer par les secteurs où la compétition internationale est la plus féroce et pour lesquels nous savons mesurer le prix du carbone. Je pense à l'acier et au ciment. En tout cas, nous ne pouvons pas consentir un effort climatique sans les outils d'équité environnementale et climatique avec nos partenaires et concurrents internationaux.
Je termine par les questions internationales, que vous avez mentionnées, Madame la Présidente. Un débat s'est ouvert sur la relation entre l'Union européenne et l'Union africaine, dont les dirigeants se réuniront en sommet restreint le 9 décembre 2020, afin d'accélérer les sujets de coopération, notamment les accords commerciaux dits post-Cotonou.
Dans le contexte de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques, le Président de la République a rappelé qu'il était très important de porter deux points dans ce sommet. Le premier est le renforcement d'une initiative, que la France a initiée en avril dernier avec quelques partenaires et l'OMS, visant à garantir qu'un vaccin sera fourni à un prix abordable partout dans le monde et qu'en attendant, les systèmes de santé seront renforcés en Afrique grâce aux financements de l'OMS et d'autres organisations publiques et privées internationales. Le deuxième concerne la question de la dette. La France, sous l'impulsion du Président de la République, a été motrice, dans le cadre du G20 et du Club de Paris, pour prolonger de six mois le moratoire sur les paiements de la dette d'un certain nombre de pays en sérieuse difficulté, pas seulement africains. La France organisera d'ailleurs en mai 2021 un sommet sur le financement de l'économie africaine.
Voilà pour l'essentiel des sujets, qui ont fait l'objet d'un débat intermédiaire, quinze jours après un autre Conseil européen sur les tensions en Méditerranée orientale et le comportement de la Turquie. Les vingt-sept pays de l'Union européenne lui ont laissé une forme de choix stratégique : soit elle poursuit la voie de l'apaisement en Méditerranée orientale et nous sommes prêts à conduire le dialogue, soit ce n'est pas le cas et nous réactiverons toutes les mesures restrictives et de sanctions nécessaires. La situation évolue rapidement, mais malheureusement, tous les signaux envoyés par la Turquie depuis le premier sommet début octobre prennent une direction opposée au dialogue.
Un autre sommet européen, consacré aux questions climatiques et vraisemblablement au Brexit, se tiendra en décembre 2020. Nous l'évoquerons le moment venu.
Il semblerait que les chefs d'État aient débattu du plan de relance et du cadre financier pluriannuel, suite au message de David Sassoli les invitant à trouver un accord. Même si ce sujet n'était pas officiel, pouvez-vous nous donner quelques indications ?
Absolument. Le Conseil a effectivement commencé par une intervention du président du Parlement européen, David Sassoli, sur l'accord budgétaire recherché. Je pense que nous pouvons aboutir à un tel accord dans les deux ou trois semaines à venir. David Sassoli a rappelé les exigences du Parlement : un dispositif robuste en matière d'état de droit, des garanties sur l'introduction rapide de nouvelles ressources propres et une augmentation pour quelques montants du cadre financier pluriannuel, c'est-à-dire du budget hors plan de relance, de l'Union européenne pour les sept prochaines années. Les demandes du Parlement s'élèvent à environ 40 milliards d'euros. Je ne pense pas qu'ils soient accessibles, mais comme l'a rappelé le Président de la République, nous devons nous montrer à la fois responsables et conscients de l'urgence, sans faire la leçon au Parlement européen, dont nous partageons les ambitions. Le Conseil devra certainement consentir quelques efforts sur les montants budgétaires, au-delà des questions de l'état de droit et des ressources propres. Pour aboutir, la Commission devra accélérer le calendrier de propositions législatives. La question de l'état de droit est extrêmement sensible pour le Parlement européen comme pour le Conseil.
Merci pour votre intervention concrète et concise, Monsieur le Ministre. Elle nous offre une vision globale des discussions tenues lors du dernier Conseil, dont l'ordre du jour était particulièrement chargé. Le Brexit était de nouveau au cœur de ce Conseil. Il semblerait que nous tendions vers un « no deal », même si le Royaume-Uni en serait bien plus affecté que l'Union européenne. Sans accord, la perspective de voir le Royaume-Uni participer à la politique de défense et de sécurité s'éloigne. Même si le Brexit ne peut avoir d'effet positif sur la coopération franco-britannique dans le domaine de la défense, il ne signera pas la fin du traité de Lancaster House, qui fêtera bientôt ses dix ans. La coopération franco-britannique n'est pas liée au fonctionnement des institutions européennes. Pour autant, la coopération militaire entre la France et le Royaume-Uni ne pourra plus être qualifiée d'européenne. Nous perdrons un symbole fort pour notre pays, qui cherche depuis toujours à promouvoir l'émergence d'une Union européenne de la défense sur la scène internationale avec une autonomie stratégique industrielle forte.
Le Brexit conduit à un recentrage de la politique de coopération de la France en matière de défense vers d'autres pays de l'Union, qui n'ont pas été d'aussi efficaces alliés. Quelles sont les perspectives d'une coopération bilatérale ? La France doit-elle penser à une politique de coopération ad hoc avec le Royaume-Uni sous couvert d'une garantie sérieuse des Britanniques ?
L'Union européenne affiche un objectif de lutte contre le réchauffement climatique, en particulier sur la neutralité carbone en 2050. L'Europe s'est montrée allante depuis de nombreuses années, avec les plans Climat de 2004, 2008, 2014 et 2018. En 2020, les objectifs de la Commission et du Parlement européen sont de trois ordres : la baisse des émissions de gaz à effet de serre, du CO2, de 55 % pour la Commission, de 60 % pour la Commission Environnement du PEE et en plénière, l'amélioration de l'efficacité énergétique de 32,5 % et l'introduction des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen à hauteur de 32 %. La situation est compliquée, dans la mesure où l'Union européenne pèse pour 9 % des émissions de CO2.
Nous avions prévu, dans l'accord de Paris de 2015, de revisiter au bout de cinq ans les feuilles de route que sont les INDC en langage onusien. Or nous avons perdu un an et nous tenterons, à la COP 26 de novembre prochain, de rehausser les ambitions de tous les pays, ce qui revient à augmenter les contributions des cent pays ayant déjà signé.
L'Agence européenne de l'Environnement a indiqué, dans son dernier rapport fin 2019, que notre trajectoire n'était pas bonne, y compris pour 2030. Elle cite notre objectif de réduire de 55 à 60 % les émissions de gaz à effet de serre, alors que nous nous situerions entre 36 et 40 %. Seuls trois pays de l'Union européenne sont en ligne avec cet objectif : la Suède, le Portugal et la Grèce. Sept, dont la France, doivent revoir leurs ambitions et les dix-huit autres ne se prononcent pas. Le Haut-Conseil du Climat en France dresse le même constat sur la situation française, ce qui nuit à nos négociations internationales.
Avec ma collègue, Nicole Le Peih, nous avons soumis à la Commission, il y a quinze jours, une proposition de résolution européenne, en reprenant les objectifs de la Commission, du Parlement européen et de la France. Les priorités sont un point de passage en 2040, l'absence d'actes délégués à la Commission, au Parlement européen et aux États et l'engagement état par état de régler les problèmes de climat, au-delà du projet collectif des vingt-sept. À ce jour, nous en sommes très loin. Les rapports du GIEC évoquent 3 à 3,5 %. La route est donc encore longue.
S'agissant de la pandémie, nous avons constaté, lors du premier confinement, que des contrôles aux frontières ont été décidés unilatéralement par chaque État membre, souvent en fonction de critères nationaux peu rationnels. Envisagez-vous un outil de coordination multilatéral de la gestion des frontières ? J'ai cru comprendre que les collègues du Président de la République étaient à la fois inquiets et désorientés par la deuxième vague de Covid.
Concernant le Brexit, vous affirmez qu'il y aura des contrôles dans tous les cas, ce que je comprends. Pourriez-vous nous préciser la différence concrète, en termes d'échanges et de contrôles sanitaires et tarifaires, selon qu'un accord est ou n'est pas conclu ?
Sur la question du réchauffement climatique, je m'associe aux questions très justes de Bernard Deflesselles. Vous avez indiqué que la taxe carbone et le mécanisme d'ajustement sont strictement identiques, mais je pense qu'ils sont juridiquement différents, car la taxe est beaucoup plus difficile à appliquer que des décisions d'ajustement.
Vous avez évoqué, à juste titre, la difficulté à établir la taxe carbone, ne sachant pas, dans la chaîne des valeurs des importations, ce qui est imputable à chaque pays. L'idée est donc de se concentrer sur des produits importants comme l'acier et le ciment. Quelle serait la part de l'impact carbone des importations que nous pourrions assujettir à cette taxe à courte échéance ? Serait-elle de 10 %, de 20 % ou de 80 % ?
Enfin, compte tenu des difficultés de négociation avec la Pologne, les Pays-Bas et le Parlement sur les différents sujets, la date du premier janvier vous semble-t-elle plausible pour mettre en œuvre le plan de relance ou sous quel délai estimez-vous qu'il pourra être consenti sans porter un grave préjudice à l'ensemble de ce plan ?
Monsieur le ministre, dans un entretien au Monde du 15 octobre 2020, vous affirmiez au sujet de la Turquie : « comme la Russie le fait dans le domaine énergétique par exemple, la Turquie tente de créer une situation de dépendance de l'Europe ». Vous faisiez allusion à la question migratoire, sur laquelle nous avons organisé nous-mêmes notre dépendance. Vous ajoutiez « la seule réponse crédible que l'Union peut apporter, c'est de réduire progressivement ses dépendances. Tant qu'on est dépendant, on est à la merci de voisins parfois brutaux ». Ce constat est valable pour d'autres pays plus lointains comme la Chine.
Lors du forum de l'Union européenne sur les investissements 2020, Taïwan proposait une alternative à cette ultra dépendance en négociant un accord sur les investissements, en particulier dans les domaines des technologies de l'information et de la communication, des biotechniques, de la santé et de la mobilité. La commissaire européenne Mariya Gabriel, auditionnée il y a quelques semaines dans le cadre de mission d'information sur la souveraineté numérique, s'est montrée ouverte à une association avec Taïwan en matière de recherche. Les conclusions du Conseil européen des 15 et 16 octobre 2020 ne relatent pas la volonté de s'associer plus étroitement avec Taïwan, qui est pourtant un symbole de démocratie, en pointe sur tous les sujets d'avenir et dont le PIB augmente malgré la crise sanitaire. La France sera-t-elle officiellement favorable à cette association ?
Sur la question de la défense post- Brexit, il reste des incertitudes non seulement sur l'issue d'un éventuel « deal » et son contenu, mais plus encore sur le monde d'après. Nous aurons clairement intérêt à entretenir un lien étroit, européen et bilatéral avec le Royaume-Uni. Nous n'éviterons toutefois pas, en cas de non-accord, une période d'interrogations. Notre objectif n'est pas de la prolonger.
Même si nous faisons preuve de la plus grande fermeté, le Royaume-Uni restera un voisin, un allié et l'un de nos meilleurs partenaires de sécurité face aux grandes crises et au multilatéralisme international. Nous fêterons, début novembre, les dix ans de Lancaster House. Un sommet bilatéral avec le Royaume-Uni semble s'imposer début 2021, afin d'approfondir les coopérations bilatérales en matière de défense. L'axe bilatéral ne doit pas être le seul canal. Un cadre européen est également nécessaire.
L'Initiative européenne d'intervention (IEI) faisait partie des projets phares du discours de la Sorbonne du Président de la République. Elle réussit à planifier les activités stratégiques. Nous partageons assez spontanément cette culture avec le Royaume-Uni, qui est membre de l'IEI. Nous avons été très fermes, le Royaume-Uni étant un pays tiers, tout en créant des forum de discussion, pas uniquement bilatéraux.
D'autres formats que l'IEI pourraient être imaginés. Le Président avait proposé, en mars 2019, un Conseil de sécurité européen, qui serait un lieu, non de décision, mais de concertation intégrant le Royaume-Uni. À ce jour, le Royaume-Uni n'a pas souhaité aborder les questions de sécurité et de défense dans la négociation de l'accord.
Par ailleurs, pour tenir compte du Brexit et du nouvel environnement stratégique, le Président de la République a fait le choix, avec la chancelière allemande Madame Merkel en 2017, de lancer des coopérations industrielles de défense avec l'Allemagne pour fabriquer les chars et les avions du futur. Nous savions que cette coopération serait très compliquée à mettre en œuvre, car elle renvoie à des cultures stratégiques et des habitudes industrielles différentes, mais nous surmontons les blocages qui se présentent grâce au travail quasi quotidien de Madame Parly et nous réussirons.
Les points d'interrogation restent quand et comment arrimer le Royaume-Uni à la défense et à la sécurité européennes. Le Royaume-Uni devra clarifier ses ambitions stratégiques. Jusqu'à présent, il s'est plutôt montré européen sur ces questions.
En matière climatique, nous devons effectivement combiner une sorte d'exemplarité européenne et disposer d'outils nous permettant de respecter les objectifs. Je partage vos préoccupations. Néanmoins, je pense que les 55 % sont importants. La Commission a réalisé une étude d'impact qui montre qu'ils sont atteignables. Cet objectif général devra être décliné par secteur pour développer les législations et les transitions nécessaires pour l'atteindre.
Je partage votre souhait pragmatique de points de passage. Dans le cadre de la loi Climat, le Parlement européen travaille sur un objectif intermédiaire en 2040, voire des points de passage supplémentaires, afin de ne pas délaisser cette trajectoire pendant vingt ans.
Je signale, par ailleurs, pour répondre à une question sous-jacente de Jean‑Louis Bourlanges, que l'Union européenne est engagée sur le Climat sans être isolée ou naïve. En effet, lorsque l'accord de Paris a été remis en cause, le départ américain annoncé en 2017 n'a pas été suivi par celui de la Chine, et d'autres, grâce à l'action du Président de la République et de la Commission européenne. Cette victoire européenne n'est pas suffisamment saluée. Je rappelle que la Chine s'est engagée sur la neutralité carbone, non pour 2050, mais pour 2060, ce qui est un premier pas significatif. Là aussi, des étapes intermédiaires sont nécessaires pour contrôler l'atteinte des objectifs.
S'agissant de la coordination sur l'ouverture des frontières, nous tentons effectivement de mettre en œuvre un cadre multilatéral au niveau européen. Je doute qu'une forme de Schengen, d'un format plus restreint pour quelques pays, soit pertinente sur ce sujet. Rendre une coordination obligatoire, par exemple par la définition de critères communs, n'est juridiquement pas possible, compte tenu des compétences européennes.
La pression politique peut agir. L'accord que nous avons obtenu au Conseil des affaires générales, juste avant le Conseil européen la semaine dernière, a été soutenu par tous les États. Seul le Luxembourg a émis une critique en indiquant que nous n'allions pas assez loin. Tous les États sauf la Hongrie ont suivi la recommandation européenne. Nous ne pouvons pas développer les contraintes juridiques, mais nous pouvons développer des coopérations ad hoc bilatérales, comme entre la France et l'Allemagne pour assurer l'ouverture permanente de notre frontière ou entre les quelques aéroports internationaux d'Europe, sans attendre un accord des vingt-sept pays. En bref, poursuivons ce cadre européen commun sur la base de l'accord conclu la semaine dernière.
La question sur la différence concrète entre un Brexit avec ou sans accord est très juste. Ne connaissant pas le contenu d'un éventuel accord, je ne peux toutefois pas y répondre sur la partie non tarifaire. En revanche, la partie tarifaire est assez claire. En cas d'accord, nous travaillons sur un scénario sans quota ni tarif. Dans tous les cas, il y aura des contrôles sanitaires et phytosanitaires pour vérifier le respect de nos normes, un certain nombre de formalités et enregistrer les produits, mais sans tarification, ce qui fluidifiera les relations économiques.
Dans le domaine de la pêche, si un accord nous octroie un accès maximal aux eaux britanniques et s'il permet aux Britanniques de transformer leurs produits en France, la filière pêche sera largement préservée. En l'absence d'accord, les tarifs de l'OMC s'appliqueront, dans l'attente éventuelle de signer un accord commercial comme avec d'autres partenaires. L'impact serait douloureux pour un certain nombre de secteurs, comme l'aéronautique ou la transformation halieutique. Les échanges s'en trouveraient réduits, avec un impact sur le PIB français estimé à 0,1 point.
La dénomination de la taxe carbone est effectivement une simplification excessive de ma part, car il ne s'agit aucunement de créer une taxe. Plusieurs options techniques sont à l'étude par la Commission et la France. Une sorte de miroir du mécanisme ETS pourrait être activé, pour obliger les exportateurs vers l'Europe à payer le prix du carbone et les placer ainsi au même niveau d'exigence que les producteurs français.
Selon les experts, le prix du carbone est facilement mesurable pour l'acier et le ciment, qui sont fabriqués à différents endroits du monde selon des processus relativement standardisés. Je ne connais pas précisément le chiffre pour l'acier, mais les métaux représentent 5 % de nos importations. Nous pourrions ainsi couvrir assez rapidement 10 à 15 % de nos importations par ce système, qui pourra être étendu s'il fonctionne correctement.
Concernant la question de notre dépendance à la Turquie, notre obligation européenne est effectivement de traiter les crises de court terme. Nous sommes en difficulté vis-à-vis de la Russie ou de la Turquie précisément en raison de nos dépendances, qui ne peuvent se régler en un Conseil européen. Le débat est ouvert sur la 5G vis-à-vis de la Chine, dans des secteurs technologiques, stratégiques, comme nous l'avons constaté pendant la crise pour la production de médicaments, ou énergétiques comme sur Nord Stream avec la Russie.
Nos choix industriels, migratoires et commerciaux doivent être opérés à l'aune de la réduction de nos dépendances. Le pacte migratoire, tant décrié, que propose la Commission a notamment pour objectif de réduire notre dépendance dans le temps, car nous aurons moins besoin de la Turquie pour contrôler nos frontières si nous accélérons nos procédures d'asile et que nous reconduisons plus vite à la frontière ceux qui n'y sont pas éligibles.
Le sujet de Taïwan dépasse mon champ de compétences. Nous avons gardé un cadre de relation avec ce pays dans les domaines de l'innovation et de la recherche, tout en respectant les principes que vous connaissez vis-à-vis de la Chine. Le Quai d'Orsay vous répondrait plus précisément.
En tant que députée finistérienne, ma question porte sur la pêche, qui est une préoccupation de plus en plus forte dans ma circonscription. Les pêcheurs bretons, mais également normands et des Hauts-de-France, sont extrêmement inquiets. Le négociateur Michel Barnier a récemment déclaré que l'Union européenne était prête à consentir un effort raisonnable pour préserver les activités de pêche, en concédant un accès aux eaux réciproque et stable, ainsi qu'une répartition juste des quotas. Quel est cet effort raisonnable ?
Au-delà de la pêche, la France a-t-elle posé une autre ligne rouge à un accord en matière de concurrence et de règlement des différends ? Il semblerait que les États européens ne soient pas d'accord sur la question.
Je profite de votre présence, Monsieur le ministre, pour m'inquiéter de la non-tenue des sessions du Parlement européen à Strasbourg depuis le début de la pandémie de Covid-19, puisque son retour attendu cette semaine n'a pas eu lieu. Vous sachant très engagé dans la défense de Strasbourg comme siège du Parlement européen, pourriez-vous nous présenter les actions en cours ?
Je confirme, par ailleurs, vos propos relatifs au maintien des déplacements transfrontaliers entre l'Allemagne et la France, qui ont clairement progressé par rapport à la fermeture de la frontière en mars dernier. Les frontaliers vous remercient pour votre action, car il est très important, y compris sur le plan symbolique, de ne pas refermer les frontières.
Nous pouvons saluer l'ambition du Conseil européen de porter la réduction des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon de 2030. La mise en place d'une taxe contributive au carbone aux frontières a longtemps été défendue par la France. Ce dispositif envoie un signal fort, en démontrant l'ambition de l'Union européenne de taxer efficacement les émissions de CO2 sur les importations en provenance de pays producteurs ne s'inscrivant pas dans la lutte contre le dérèglement climatique, tout en lui rapportant de nouvelles recettes. Ses contours et son mécanisme juridique sont toutefois encore flous. Jugez-vous réalisable sa mise en application au plus tard le premier janvier 2023 ? Quelles sont les démarches prévues pour nous en assurer ?
La problématique de la Covid est certes complexe, mais ne pourriez-vous pas prendre l'initiative, avec vos collègues, de mettre de l'ordre, car les citoyens européens n'ont pas un sentiment de coordination de mesures communes ? Nous avons besoin d'une meilleure coordination et d'une information mutuelle sur les mesures communes, car il en va de l'image de l'Europe sur un sujet essentiel de santé et de protection des citoyens. Il n'est pas normal que chaque pays décide de mesures de son côté, à moins d'assumer que la situation sanitaire est particulière à chaque pays. Cette question concerne les frontaliers, mais aussi les éventuels déplacements.
Nous devons également nous projeter dans l'avenir, lorsque la réduction de la circulation de la Covid autorisera de nouveau des déplacements en Europe. Alors que nous coopérons avec l'Allemagne, nul ne sait si nous pouvons nous rendre à Berlin et dans quelles conditions, sachant que les mesures changent tous les jours.
Ma deuxième question porte sur la « taxe carbone » aux frontières. Existe-t-il un accord des vingt-sept et quel pourrait en être le calendrier ? Ce sujet est évoqué depuis longtemps, sans aboutir à des actions. Or il y a urgence.
Le ministre de l'Agriculture est aujourd'hui à Bruxelles pour les négociations en phase de finalisation au Parlement européen. Je sais que vous êtes également très impliqué. La Commission européenne avait présenté une stratégie de transition vers un système alimentaire de l'Union européenne plus sain et plus vert. Cette stratégie entraîne de véritables transformations pour les agriculteurs, puisqu'elle prévoit de réduire de 50 % l'utilisation et les risques des produits phytosanitaires les plus dangereux d'ici 2030. Cette trajectoire est ambitieuse, mais elle présente des contradictions notoires, notamment lorsque la Commission européenne ambitionne de signer des accords de libre-échange avec les pays ne respectant pas ces normes. Comment des règles communes pourraient-elles concrètement être imposées à l'ensemble des pays, notamment par une certification commune des produits phytosanitaires ? Quelle est la position de nos partenaires européens sur cette question ?
Je reviens sur les propos de Liliana Tanguy sur la position française, soutenue par tous les ministres et le Président de la République, de ne pas conclure d'accord commercial en l'absence d'accord sur la pêche. Où le curseur sera-t-il placé ? Il existe une unité entre les huit pays européens concernés par la pêche, bien que des industriels allemands aient récemment remarqué que la pêche ne représente que 1,5 % du PIB de l'Union européenne.
Les Britanniques reprochent à l'Union européenne l'échec, à ce jour, des négociations. En cas d'accord, il s'agira de savoir si les conditions de pêche dans les zones britanniques répondent au strict maintien de l'ensemble des règles actuelles. En cas de Brexit dur, quelles seront les nouvelles règles européennes proposées aux pêcheurs et à leur bâtiment, sachant que tous les bateaux européens ne peuvent pas concentrer leur activité le long du seul littoral français ? Ces questions vous seront posées lors de votre venue à Boulogne-sur-Mer.
Pour l'agriculture dans les RUP, la Commission européenne a proposé une baisse de 3,9 % du budget du POSEI, malgré les assurances qui nous ont été apportées depuis 2018 par le plus haut niveau de l'État. Vous avez vous-même cosigné, le 6 octobre dernier, un courrier destiné au commissaire à l'Agriculture pour lui indiquer la demande forte de la France de préserver l'enveloppe du POSEI entre 2021 et 2027. Pouvez-vous nous confirmer que des solutions seront identifiées ? Peut-être avez-vous connaissance des résultats de la réunion des ministres européens de l'Agriculture pour maintenir ce budget ? À quelle échéance obtiendrons-nous des garanties pour le POSEI ?
Par ailleurs, disposez-vous d'information sur l'augmentation de l'enveloppe du plafond du régime spécifique d'approvisionnement de 5 millions d'euros supplémentaires dans le cadre du programme du POSEI ?
Je souhaite rebondir sur votre article « L'Europe par-delà la Covid-19 ». Vous y évoquez l'histoire récente de l'Union européenne et vous y développez votre regard sur le monde actuel. Vous réaffirmez le caractère décisif de la puissance et de l'identité de notre continent. Vous indiquez « Aujourd'hui, on s'attend à ce que l'Europe agisse. On la critique lorsqu'elle ne fait pas ou peu ou tard ». Or il me semble que le défi du changement climatique est le point de basculement de notre histoire commune. Nous l'avons défini comme notre priorité, mais si le constat est ancien, nous avons récemment pris conscience de l'urgence et de l'action à mettre en œuvre.
Avez-vous ressenti, au dernier Conseil, une résolution suffisante pour instaurer un marché carbone efficace, un véritable mécanisme d'ajustement aux frontières et des politiques publiques d'investissement déterminantes ? Sur ce sujet climatique, incarnerons-nous une « puissance ferme, rapide et audible » ?
Premièrement, nous constatons que le mécanisme de conditionnalité des fonds, décidé en juillet dernier, peine à émerger face au respect de l'état de droit. La Commission a présenté, le 30 septembre dernier, un premier rapport, qui montre l'urgence des sujets relatifs à l'état de droit. Qu'en est-il des deux pays, qui menacent de bloquer le plan de relance et le cadre financier pluriannuel, notamment les ressources propres ?
Deuxièmement, le Président Erdogan souffle le chaud et le froid et envoie des signaux extrêmement inquiétants en reprenant ses activités d'exploration en Méditerranée orientale et en ne renonçant pas à ses ambitions territoriales et impériales. Nous le constatons par la place que prend la Turquie dans le confit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, au Haut-Karabagh, en Libye, en Syrie et en Chypre. Quelle est la stratégie européenne face à cette provocation turque persistante ? Les menaces de sanction européennes se concrétiseront-elles prochainement ? Quelle est la position que la France défend à ce sujet ?
. Les 15 et 16 octobre 2020, les dirigeants de l'Union européenne se sont réunis à Bruxelles pour évoquer, notamment, ses relations avec l'Afrique. 2021 sera une année charnière entre ces deux territoires continentaux, caractérisés par le lancement d'une nouvelle stratégie dans le contexte particulier de la Covid-19. Les conséquences de cette pandémie sont désastreuses pour nos économies, mais l'Union européenne a su répondre à la hauteur de l'enjeu par un plan de relance historique. Les systèmes économiques et de santé de nos partenaires connaîtront toutefois des difficultés, qui auront des conséquences à long terme, si nous ne les soutenons pas, sur les membres de l'Union européenne.
En effet, l'Afrique devrait connaître une croissance nulle et pourrait même traverser une récession. Le continent africain n'a pas connu ce mouvement depuis des décennies. L'Afrique et l'Europe ont des défis économiques, sécuritaires, sanitaires, mais aussi de stabilité, de paix et de solidarité, communs. Plus que jamais, l'Union européenne doit rester le premier partenaire économique de l'Afrique. Néanmoins, les possibilités d'investissement et de développement dans les secteurs de l'économie numérique et de la connaissance, des énergies renouvelables, des transports, de la santé, des systèmes agroalimentaires de l'Union européenne en Afrique supposent des infrastructures solides et en adéquation avec les attentes des citoyens. L'aide au développement a démontré ses limites et suscite des critiques de part et d'autre.
Quel est votre regard, Monsieur le ministre, sur les relations de l'Union européenne et de l'Union africaine dans le cadre de la nouvelle stratégie ? Quels sont les axes particuliers défendus par la France lors des négociations ?
Je ferai un lien entre les questions de Madame Tanguy et de Monsieur Pont, car elles expriment les mêmes préoccupations. Vous avez rappelé que nos priorités sont un accès réciproque et stable. Un accord soumis au bon vouloir britannique selon des critères annuels, sans visibilité ni garantie, n'est pas acceptable. Vous comprendrez que je ne précise pas publiquement ce que serait un « effort raisonnable ». Notre négociateur est très prudent sur cette expression, car nous ne souhaitons pas donner le sentiment que les Britanniques auraient une forme de droit moral à préserver les intérêts de leurs pêcheurs, alors que nos pêcheurs seraient les sacrifiés d'un choix souverain unilatéral des Britanniques.
Ces derniers nous demandent souvent pourquoi nous tenons tant à la pêche. Nous souhaitons, comme eux, préserver nos secteurs d'activité, d'autant que nos pêcheurs n'ont pas choisi de quitter l'Union européenne. Si celle-ci concède un effort, il est hors de question que les Britanniques n'appliquent pas le principe de la réciprocité.
Par ailleurs, le traitement séparé de la pêche, au motif qu'elle représente l'intérêt offensif des Britanniques, serait aberrant. Nous négocions un accord d'ensemble. Sur l'essentiel des secteurs, les Britanniques sont demandeurs d'un accès à notre marché et nous sommes prêts, sous certaines conditions, strictes et connues, à le leur donner. La pêche n'est donc pas un cadeau qu'ils nous offriraient. Je n'avancerais pas de chiffres. Vous connaissez la zone stratégique pour la France qu'est la bande des 6-12 milles, qui est tout aussi importante pour les Britanniques. Nous avons, avec Annick Girardin, échangé avec les pêcheurs de Port-en-Bessin la semaine sur ces priorités. Le Brexit aura un impact sur la pêche française, mais il serait immoral et inacceptable pour que nous acceptions la logique des Britanniques de payer pour leurs choix.
En l'absence d'accord, ne serait-il pas utile de suspendre temporairement les principes de la politique commune des pêches et que chacun pêche dans ses eaux ? Nous avons étudié toutes les options avec Annick Girardin. Il est effectivement important, en cette période, de ne pas être dogmatique, car il en va de la survie de nos pêcheurs. Quelle que soit la région, cette solution les pénaliserait.
En effet, la politique commune de la pêche a énormément apporté à la pêche française (notamment la visibilité pluriannuelle et le principe d'accès réciproque aux eaux). Les droits historiques lui sont favorables. Le démantèlement de notre propre politique commune constituerait un terrible héritage du Brexit et une sorte de victoire odieuse pour sa logique nationaliste.
Nous devons toutefois être vigilants face aux tactiques de négociation bilatérale et de rachat de pavillons de certains pays. Nous ne financerons pas le rachat de pavillons par des entreprises britanniques, qui bénéficieraient à des pêcheurs d'une autre nationalité, qui n'ont pas un modèle de pêche artisanale aussi développé que le nôtre. Ce modèle est à la fois notre force et parfois la source de nos difficultés, mais que nous tenons à le préserver. D'autres solutions doivent être envisagées, car ce nationalisme maritime serait extrêmement défavorable à l'ensemble de la pêche européenne.
Par rapport à Strasbourg, je ne vous rappelle pas notre engagement commun, qui dépasse les sensibilités politiques. Le Parlement européen s'était préparé à revenir à Strasbourg, mais les difficultés sanitaires l'en ont empêché. Nous maintenons la pression sur le président Sassoli. La session de cette semaine se tient à distance, y compris depuis Strasbourg, ce qui est nouveau par rapport à la session de septembre et la première session d'octobre. J'espère pouvoir rencontrer les députés sur place rapidement. J'avais pris l'engagement que nous nous retrouverions, du moins virtuellement, tous les mois avec les tous les élus concernés, toutes sensibilités politiques confondues pour préparer le contrat triennal et continuer à porter notre message de mobilisation. Je viendrai à Strasbourg, quoi qu'il arrive, pour préparer ce contrat triennal, qui sera conclu par le Président de la République et le Premier ministre dans les prochaines semaines.
La taxe carbone est revenue dans plusieurs interventions. Le combat n'est pas encore gagné, mais sur les ressources propres, nous sommes confrontés à de nombreuses fausses nouvelles. L'accord du 21 juillet constitue une avancée majeure, en complément de la pression qu'exerce le Parlement européen sur ce sujet dans l'accord budgétaire final pour créer de nouvelles ressources propres, comme en ont convenu les vingt-sept chefs d'État et de gouvernement. L'avant-dernière page de l'accord du 21 juillet présente même une liste des possibles nouvelles ressources propres (numériques, de transactions financières, carbone).
Le Parlement européen, sous la pression de la députée Valérie Hayer, insiste pour que la Commission européenne prenne l'engagement de faire des propositions, dès 2021, sur la taxe numérique et le mécanisme d'ajustement carbone. Il pousse même le Conseil, qui sera codécideur, à s'engager sur un calendrier de négociation de ces taxes. Il me semble crédible qu'au moins l'une de ces deux taxes, qui procèdent de la même logique de comblement des trous dans le financement de notre budget et de notre marché intérieur, soit appliquée en 2022.
La présidence française de l'Union européenne au premier semestre 2022 doit d'ailleurs être l'accélérateur final de cette négociation. Le combat n'est certes pas encore gagné, mais nous sommes parvenus à réaliser ce que nous pensions impossible il y a encore quelques mois. Le plan de relance et l'endettement commun auraient paru farfelus il y a six mois. Il y a deux ans, seuls deux à trois pays défendaient la taxe numérique. La Commission l'a proposée au printemps 2018. Nous avons réuni, sous l'impulsion de Bruno Le Maire, vingt-cinq pays prêts à la lancer au niveau européen et avons ouvert une négociation internationale, dont nous connaissons la difficulté en raison du blocage américain.
La taxe OCDE vise à combler les impôts et l'insuffisance de taxation des grandes entreprises numériques. Si nous concluons un accord avec l'OCDE, nous le mettrons en œuvre au niveau européen. Sinon, nous reprendrons la négociation européenne. La Présidente de la Commission et le commissaire à l'Économie, M. Gentiloni, ont prévu de remettre la taxe européenne sur le numérique sur la table début 2021 en l'absence d'accord.
La taxe carbone aux frontières était totalement impensable il y a quelques mois. Elle figure maintenant dans l'accord du 21 juillet 2020. De plus en plus de pays, comme les Pays-Bas et la Suède, sont maintenant prêts à soutenir un mécanisme carbone. Ce combat est un peu moins mûr que celui sur le numérique, mais nous pouvons également le gagner.
Les ressources propres vont dans le sens de l'histoire, non seulement parce que des politiques échappent à l'équité fiscale, mais aussi parce que, dans le cadre du prochain budget européen, le choix devrait être clair entre une hausse significative des contributions des pays frugaux et un panel de ressources propres issu d'entreprises qui ne paient pas aujourd'hui alors qu'elles profitent de l'Europe.
Je partage le souci de coordination, mais il convient de différencier certains éléments. Le patchwork européen représente la réalité de la situation épidémique en Europe. En Allemagne, certains länders imposent des restrictions de circulation et des quarantaines à d'autres länders. Pour autant, l'Allemagne présente des résultats satisfaisants, à ce jour, dans la gestion de cette épidémie.
Les quarantaines sont le véritable point bloquant en Europe, car nous disposons déjà de critères communs. À l'exception de la Hongrie, les pays suivent le seuil de 50 pour 100 000 habitants en termes d'incidence pour définir les zones rouges. En revanche, les mesures qui en découlent diffèrent, notamment l'application de la quarantaine, qui complique la circulation pour des raisons professionnelles au sein de l'Europe.
L'évolution rapide des mesures dans chaque État est le deuxième élément qui crée de la confusion. Les États s'adaptent à la situation sanitaire. Les reproches adressés parfois à l'Europe ne le seraient pas à l'échelon national ou régional. En Allemagne, peu de citoyens reprochent à la chancelière les restrictions de circulation entre länders. En Europe, la confusion est suscitée par l'absence de compétence, les quarantaines et l'évolution rapide des décisions. Nous tentons de réduire les quarantaines autant que possible en multipliant les tests et leur reconnaissance mutuelle. L'information préalable, dans un délai de quarante-huit heures, entre les pays européens est désormais inscrite dans l'accord que nous avons obtenu à Luxembourg la semaine dernière. La France n'a pas choisi de restreindre la circulation à l'intérieur du pays. En tout état de cause, ces deux points sont les combats à mener.
J'en profite pour évoquer la question de l'influence des médias sur l'image de l'Europe. J'avais pris l'engagement, ici même, de réfléchir à une mission, éventuellement parlementaire. Vous avez pris l'initiative d'en lancer une. Nous réunirons prochainement, autour du Premier ministre et de la ministre chargée de la communication, Mme Bachelot, les acteurs des médias publics et privés en vue de la présidence française, mais aussi pour étudier, évidemment sans imposer, comment améliorer l'information. Parler d'Europe revêt, en effet, un enjeu démocratique et de pluralisme. Le Premier ministre prendra ce sujet sous son autorité, ce qui démontre l'importance de cet enjeu pour le gouvernement.
Concernant la PAC, il serait assez long de lister toutes les actions à mener pour harmoniser le plus possible. Je ne citerai que les deux points soulevés. Sur la certification, je vous renvoie aux discussions en cours à Luxembourg, où Julien Denormandie se trouve encore à l'heure actuelle pour lutter contre une forme de dumping ou du moins de concurrence inéquitable à l'intérieur de l'Europe, du fait de normes différentes. Nous l'avons constaté pour les betteraves et les abeilles. Le problème est que l'harmonisation n'est pas effective. Les « eco schemes », c'est-à-dire les obligations environnementales dans le premier pilier de la PAC, que nous souhaitons rendre obligatoires, constituent le point crucial pour réussir la transition environnementale sans créer d'iniquité.
Le modèle des accords commerciaux, tel qu'il s'est incarné dans l'accord Mercosur, est dépassé. Il n'est plus acceptable par nos sociétés s'il ne relève pas le niveau d'exigences environnementales, climatiques et sanitaires. Je crois à l'ouverture du commerce lorsqu'elle est équitable, mais il y a parfois un doute, infondé ou réel, de concurrence inéquitable sur le plan environnemental, climatique et sanitaire entre les grands blocs commerciaux mondiaux. La déforestation au Brésil et les processus de production dans ces pays en sont un exemple. Ces mêmes raisons nous avaient conduits, en France, à ne pas ouvrir de négociations commerciales, même limitées avec les États-Unis l'an dernier.
Nous devons défendre notre modèle et ne pas accepter d'accords commerciaux à tout prix. Vous connaissez notre position de fermeté à l'égard de l'accord Mercosur. Un nouveau modèle, intégrant la vérification des processus de production et des critères environnementaux et climatiques plus exigeants, mérite d'être réinventé par l'Union européenne, sous peine d'être freinée sur le plan commercial.
Avec Sébastien Lecornu et Julien Denormandie, nous sommes très engagés sur la question du POSEI. Le combat n'est pas encore gagné, mais notre souhait est bien d'assurer la stabilisation des montants du POSEI pour les régions ultrapériphériques françaises et européennes dans la programmation 2021-2027. Nous avons obtenu la stabilisation de la politique agricole globale sur cette période. Il n'y a donc pas de raison pour que le POSEI soit amputé. Cet enjeu budgétaire et économique est majeur pour les agricultures des Outremers, alors que les sommes sont mineures à l'échelle du budget européen.
Le Premier ministre sera à Bruxelles le 23 octobre prochain pour échanger notamment avec la Présidente de la Commission européenne sur le POSEI. Je vous informerai du résultat de nos démarches de mobilisation.
Concernant le climat, j'ai déjà répondu à la question de la taxe carbone. Il convient d'être suffisamment courageux pour être à la fois exemplaire, défendre nos priorités et les imposer aux autres, ou au moins les faire respecter. Nous n'avons pas encore atteint ce niveau de puissance.
Je rappelle les efforts politiques réalisés pour sauvegarder l'accord de Paris. Nous faisons clairement partie du bloc continental leader en matière de transition énergétique. Sans ces efforts de l'Union européenne, et de la France en particulier, la Chine ne se serait pas engagée sur cette trajectoire de neutralité carbone à échéance de 2060.
L'équité fiscale est la prochaine étape. Elle sera difficile à imposer à nos partenaires commerciaux, mais elle est nécessaire. La France a tenté à plusieurs reprises de porter le mécanisme d'inclusion carbone et plusieurs pays, qui y étaient réfractaires, l'ont maintenant rejointe. Je suis convaincu que ce sera une victoire européenne, j'espère d'ici 2022, car il est incompréhensible que nos efforts climatiques ne soient pas respectés. L'Europe est parfois lente à admettre le bon sens de la puissance, mais elle y vient et la France y a largement contribué.
S'agissant de la question de l'état de droit, le blocage actuel n'est pas insurmontable. Deux pays interprètent l'accord du 21 juillet 2020 comme assez souple et d'autres pays, dont les Pays-Bas, la Finlande, la Suède et le Danemark, considèrent que le Parlement ne pourrait pas ratifier le paquet budgétaire. La France, qui a cette ambition, a toutefois souhaité soutenir la Présidente allemande pour trouver un compromis, par souci de coopération et d'atterrissage sur le paquet budgétaire. Je suis persuadé que nous aboutirons, pour la première fois, à un mécanisme liant le budget et le respect de l'état de droit.
Ce dispositif budgétaire complétera les actions de la Cour de Justice, dont nous avons constaté la puissance lorsqu'elle a condamné la Hongrie et qu'elle a ordonné la fermeture de l'université d'Europe centrale, et les procédures politiques de l'article 7. Nous avons ouvert la porte à ce mécanisme de conditionnalité. J'espère pouvoir vous présenter d'ici la fin de l'année le résultat de cette négociation, qui prendra certainement la forme d'un compromis.
Sur la question de la Turquie, une réponse ferme est certes nécessaire. La France a fait changer le consensus européen, car le langage de fermeté vis-à-vis de la Turquie était encore assez étranger à l'Union européenne il y a quelques mois. Sa prise de conscience a commencé lors des pressions exercées sur la frontière grecque en février dernier. Elle a réagi de manière unie et ferme en vingt-quatre heures. Ses dirigeants se sont rendus à la frontière grecque pour soutenir le maintien des frontières, car la dépendance de la Grèce était inacceptable.
La politique étrangère ne se résume pas à des sanctions. Elles font partie de la boîte à outils, car elles sont utiles et symboliques. Nous en avons d'ailleurs déjà exercé sur la Turquie, en novembre 2019, à l'occasion de forages dans les eaux chypriotes. Nous sommes prêts à les renouveler si la situation se dégrade. Ainsi, le Président de la République a décidé avec quelques partenaires européens, en août 2020 lors des vives tensions en Méditerranée orientale, de déployer nos forces navales. Nous devons opposer cette fermeté crédible face à la Turquie, qui adopte une stratégie d'ensemble de tests et de pressions sur l'Union européenne.
Il me semble avoir répondu à la question de la Covid.
S'agissant de la relation entre l'Union européenne et l'Union africaine, je pense que nous avons changé de paradigme, en considérant que ces relations ne se résument pas à des préférences commerciales à sens unique, voire limitées aux problématiques de migration ou de sécurité. L'investissement privé et les coopérations en matière d'innovation technologique, que le Président de la République a mis en évidence lors de ses déplacements en Afrique, sont essentiels dans le partenariat entre l'Union européenne et l'Union africaine. Tel est d'ailleurs le sens de la négociation post-Cotonou, dont l'idée est de définir un cadre commercial entre l'Union européenne et l'Union africaine, mais surtout de favoriser l'émergence d'une zone de libre-échange en Afrique, qui servirait davantage notre relation économique que les coopérations actuelles. Notre action sur l'économie et l'investissement, notamment privé, dans les deux sens, vise le respect et l'équilibre, dans la nouvelle relation que porte le Président de la République. Le sommet du 9 décembre 2020 sera aussi l'occasion de poser un premier jalon.
L'Union européenne étudie actuellement la candidature d'une Nigériane à l'Organisation mondiale du Commerce. La France ne verrait que des avantages à son succès symbolique et concret pour l'Afrique.
À défaut d'observations formulées par ses membres, il est proposé à la Commission de prendre acte des textes suivants :
Commerce extérieur
- Proposition de décision du conseil relative à la position à prendre, au nom de l'Union européenne, au sein du comité mixte institué par l'accord entre la Communauté économique européenne et la république d'Islande, en ce qui concerne la modification du protocole n° 3 dudit accord relatif à la définition de la notion de "produits originaires" et aux méthodes de coopération administrative ( COM (2020) 397 final - E 15085).
- Proposition de décision du Conseil relative à la position à prendre, au nom de l'Union européenne, au sein du conseil de stabilisation et d'association institué par l'accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique, d'une part, et le Kosovo, d'autre part, en ce qui concerne la modification du protocole III dudit accord portant sur la définition de la notion de "produits originaires" et sur les méthodes de coopération administrative ( COM (2020) 398 final – E 15086).
- Proposition de décision du conseil relative à la position à prendre, au nom de l'Union européenne, au sein du comité mixte institué par l'accord entre la Communauté économique européenne et le royaume de Norvège, en ce qui concerne la modification du protocole nº 3 dudit accord relatif à la définition de la notion de « produits originaires » et aux méthodes de coopération administrative ( COM (2020) 412 final - E 15087).
- Proposition de décision du conseil relative à la position à prendre, au nom de l'Union européenne, au sein du conseil de stabilisation et d'association institué par l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République du Monténégro, d'autre part, en ce qui concerne la modification du protocole n° 3 dudit accord portant sur la définition de la notion de "produits originaires" et sur les méthodes de coopération administrative ( COM (2020) 413 final - E 15088).
- Proposition de décision du Conseil relative à la position à prendre, au nom de l'Union européenne, au sein du conseil de stabilisation et d'association institué par l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et l'ancienne République yougoslave de Macédoine, d'autre part, en ce qui concerne la modification du protocole nº 4 dudit accord relatif à la définition de la notion de « produits originaires » et aux méthodes de coopération administrative ( COM (2020) 418 final- E 15090).
- Proposition de décision du conseil relative à la position à prendre, au nom de l'Union européenne, au sein du Conseil d'association institué par l'accord euro-méditerranéen instituant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République libanaise, d'autre part, en ce qui concerne la modification du protocole nº 4 dudit accord relatif à la définition de la notion de « produits originaires » et aux méthodes de coopération administrative ( COM (2020) 425 final LIMITE- E 15111).
- Proposition de règlement du Parlement européen et du conseil relatif à l'élimination des droits de douane sur certains produits ( COM (2020) 496 final- E 15121).
- Proposition de Décision du Conseil relative à la position à prendre, au nom de l'UE, au sein du conseil conjoint institué par l'accord de partenariat économique entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et les États de l'APE CDAA, d'autre part, en ce qui concerne l'adaptation de certaines quantités de référence figurant à l'annexe IV de l'APE ( COM (2020) 633 final- E 15197).
Politique économique, budgétaire et monétaire
- Proposition de décision d'exécution du Conseil modifiant la décision d'exécution (UE) 2018/279 autorisant Malte à appliquer une mesure particulière dérogatoire à l'article 287 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ( COM (2020) 617 final- E 15196).
- Proposition de décision d'exécution du conseil octroyant à la Hongrie un soutien temporaire au titre du règlement (UE) 2020/672 pour l'atténuation des risques de chômage en situation d'urgence engendrée par la propagation de la COVID-19 ( COM (2020) 651 final – E 15210).
Politique étrangère et de sécurité commune (PESC)
- Proposition de décision du conseil concernant l'engagement des fonds provenant des remboursements au titre de la facilité d'investissement ACP sur des opérations effectuées dans le cadre des 9e, 10e et 11e fonds européens de développement, des reliquats du 10e FED ou des FED antérieurs, et des fonds désengagés de projets au titre du 10e FED ou des FED antérieurs ( COM (2020) 484 final- E 15067).
- Proposition de décision du conseil relative à la position à prendre, au nom de l'Union européenne, au sein du comité mixte institué par l'accord d'association euro-méditerranéen intérimaire relatif aux échanges et à la coopération entre la Communauté européenne, d'une part, et l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), agissant pour le compte de l'Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, d'autre part, en ce qui concerne la modification du protocole nº 3 dudit accord relatif à la définition de la notion de "produits originaires" et aux méthodes de coopération administrative ( COM (2020) 414 final LIMITE- E 15089).
- Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'union européenne, et à l'application provisoire de l'accord modifiant l'accord de partenariat intérimaire entre la communauté européenne, d'une part, et les états du pacifique, d'autre part, en ce qui concerne l'adhésion de l'état indépendant du Samoa et des îles Salomon, ainsi que l'adhésion future d'autres états insulaires du pacifique ( COM (2020) 576 final- E 15154).
- Proposition de Décision du Conseil relative à la position à prendre au nom de l'union européenne, au sein du comité de partenariat institué par l'accord de partenariat global et renforcé entre l'union européenne et la communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et la République d'Arménie, d'autre part, en ce qui concerne la modification de la liste des personnes devant exercer les fonctions d'arbitre dans les procédures de règlement des différends ( COM (2020) 584 final - E 15191).
Il est proposé à la Commission de prendre acte tacitement les documents suivants :
Budget de l'union européenne
- Proposition de décision du Conseil relative aux contributions financières à verser par les États membres pour financer le fonds européen de développement, notamment la troisième tranche pour 2020 ( COM (2020) 640 final - E 15209).
Politique économique, budgétaire et monétaire
- Proposition de virement de crédits n° DEC 17/2020 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2020 ( DEC 17/2020- E 15199).
Services financiers
- Proposition de décision du Conseil relative aux contributions financières à verser par les États membres pour financer le Fonds européen de développement, notamment le plafond pour l'exercice 2022, le montant annuel pour l'exercice 2021, la première tranche pour l'exercice 2021 et des prévisions indicatives et non contraignantes concernant le montant annuel des contributions escompté pour les exercices 2023 et 2024 ( COM (2020) 639 final – E 15208).
Il est enfin proposé à la Commission de prendre acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :
Institutions
- Décision du Conseil prise d'un commun accord avec le président de la Commission portant nomination d'un membre de la Commission européenne ( 11178/20 – E 15200).
Politique étrangère et de sécurité commune (PESC)
- Décision du Conseil relative à la promotion d'un contrôle efficace des exportations d'armes ( 10719/20 LIMITE - E 15171).
- Décision du Conseil relative à la promotion d'un contrôle efficace des exportations d'armes ( 10723/20 LIMITE - E 15172).
- Décision du Conseil sur une action de l'Union européenne à l'appui du mécanisme de vérification et d'inspection des Nations unies au Yémen ( 10770/20 LIMITE- E 15173).
- Décision du Conseil sur une action de l'Union européenne à l'appui du mécanisme de vérification et d'inspection des Nations unies au Yémen (UNVIM) ( 10847/20 LIMITE - E 15174).
- Décision du Conseil modifiant la décision (PESC) 2018/1544 concernant des mesures restrictives de lutte contre la prolifération et l'utilisation d'armes chimiques ( 10924/20 LIMITE - E 15175).
- Règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre le règlement (UE) 2018/1542 concernant des mesures restrictives de lutte contre la prolifération et l'utilisation d'armes chimiques ( 10926/20 LIMITE - E 15176).
- Décision du Conseil modifiant la décision (PESC) 2019/1720 concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Nicaragua ( 10932/20 LIMITE- E 15177).
- Décision et règlement d'exécution du Conseil concernant des mesures restrictives de lutte contre la prolifération et l'utilisation des armes chimiques ( 11002/20 LIMITE - E 15178).
- Décision du Conseil modifiant la décision concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Nicaragua - réexamen ( 11027/1/20 REV1 LIMITE- E 15179).
- Décision du Conseil modifiant la décision (PESC) 2018/1544 concernant des mesures restrictives de lutte contre la prolifération et l'utilisation d'armes chimiques ( 11737/20 LIMITE- E 15211).
- Règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre le règlement (UE) 2018/1542 concernant des mesures restrictives de lutte contre la prolifération et l'utilisation d'armes chimiques ( 11739/20 LIMITE- E 15212).
- Décision d'exécution du Conseil mettant en œuvre la décision (PESC) 2015/1333 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye ( 11741/20 LIMITE- E 15213).
- Règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre l'article 21, paragraphe 2, du règlement (UE) 2016/44 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye ( 11743/20 LIMITE- E 15214).
- Décision d'exécution du Conseil mettant en œuvre la décision 2010/788/PESC concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de la République démocratique du Congo ( 10913/20 LIMITE - E 15215).
- Décision d'exécution du Conseil mettant en œuvre la décision 2010/788/PESC concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de la République démocratique du Congo - Annexe ( 10913/20 ADD 1 LIMITE- E 15216).
- Règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre l'article 9 du règlement (CE) n° 1183/2005 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre des personnes agissant en violation de l'embargo sur les armes imposées à la République démocratique du Congo ( 10915/20 LIMITE- E 15217).
- Règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre l'article 9 du règlement (CE) n° 1183/2005 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre des personnes agissant en violation de l'embargo sur les armes imposé à la République démocratique du Congo - Annexe ( 10915/20 ADD 1 LIMITE - E 15218).
- Décision d'exécution du Conseil mettant en œuvre la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Syrie ( 11585/20 LIMITE - E 15219).
- Règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre le règlement (UE) n° 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie ( 11587/20 LIMITE - E 15220).
- Décision et règlement d'exécution du Conseil concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Syrie ( 11722/20 LIMITE - E 15221).
Il est proposé à la Commission de déclarer conformes au principe de subsidiarité les textes suivants transmis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-6 de la Constitution :
Environnement dont santé environnementale
Proposition de règlement du Parlement européen et du conseil modifiant le règlement (CE) nº 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006 concernant l'application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement ( COM (2020) 642 final).
La séance est levée à 20 heures 30.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Patrice Anato, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Vincent Bru, M. Bernard Deflesselles, Mme Coralie Dubost, Mme Frédérique Dumas, M. Pierre-Henri Dumont, M. Michel Herbillon, Mme Nicole Le Peih, M. David Lorion, M. Thierry Michels, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Damien Pichereau, M. Jean-Pierre Pont, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye
Excusé. - M. Christophe Jerretie
Assistait également à la réunion. - Mme Sylvie Brunet, membre du Parlement européen