Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 16 février 2022 à 11h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 16 février 2022

La séance est ouverte à onze heures trente

La commission auditionne M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), sur les mutations de notre système de santé.

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Nous poursuivons nos travaux avec l'audition de M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), que je suis très heureuse d'accueillir au sein de cette commission. Après d'importantes réformes de notre système de santé menées au cours de cette mandature, qui ont été bousculées, voire, accélérées par la crise sanitaire, il était important de pouvoir échanger avec vous.

Avant de vous donner la parole, je souhaitais vous remercier et remercier les services de la CNAM pour leur réactivité quant à la prise en charge des victimes de deux centres dentaires dans ma région de Bourgogne Franche-Comté, dont l'un se situe sur ma circonscription. Il était important que les soins puissent reprendre au plus vite dans l'intérêt de ces victimes. Je tenais donc à vous remercier.

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Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM)

Merci, Madame la Présidente. Je transmettrai vos remerciements aux équipes, qui ont été très mobilisées pour répondre à ces situations parfois dramatiques et pour accompagner ces personnes dans leurs bilans dentaires et dans la prise en charge de soins exceptionnels. Merci de me donner l'occasion d'échanger avec vous sur notre système de santé. Je centrerai mon propos sur les principaux chantiers que l'Assurance maladie a engagés et sur lesquels elle est encore engagée autour de la transformation de notre système de santé. Je ne couvrirai sans doute pas l'ensemble des sujets, mais je tâcherai de centrer mon propos sur des thématiques importantes.

Comme vous l'avez dit, la crise sanitaire a à la fois ralenti des projets, les professionnels de santé étant en ville comme à l'hôpital fortement mobilisés par le Covid, mais elle a aussi démontré la vertu ou l'opportunité de plusieurs transformations. Je commencerai par l'exercice coordonné, pour lequel l'Assurance maladie accompagne de son mieux les projets des professionnels de santé de ville. La France était historiquement en retard sur ces sujets, alors même que l'exercice coordonné est attendu à la fois par les professionnels, en termes de conditions de travail, et par les patients, qui y trouvent une façon de recourir aux soins avec une coordination pluridisciplinaire. Cet exercice représente aussi une façon de consolider l'offre de soins dans certains territoires, notamment dans les régions sous-denses. C'est la raison pour laquelle ce point faisait partie des priorités du programme d'action Ma santé 2022 et de plusieurs négociations et actions engagées par l'Assurance maladie depuis plusieurs années. De ce point de vue, une dynamique très significative s'est engagée à deux niveaux.

Tout d'abord, au niveau « micro », l'exercice coordonné prend différentes formes, comme les maisons de santé, les centres de santé ou les études de soins. Sur le territoire, des projets multiples se déploient. Près de 1 470 maisons de santé sont adhérentes à l'accord conventionnel au 31 janvier 2022, ce qui montre une dynamique très forte par rapport à 2017. Le soutien de l'Assurance maladie à ce titre est significatif, avec près de 72 millions d'euros venant soutenir ces maisons de santé, et quasiment 5 000 médecins généralistes et 17 500 professionnels de santé libéraux qui y sont installés. Cette dynamique ne faiblit pas et nous souhaitons encore l'accompagner. Nous finalisons actuellement un avenant à cet accord interprofessionnel. Il prévoit d'augmenter de l'ordre de 25 % le soutien de l'Assurance maladie à ces maisons de santé, en tirant les enseignements de la crise sanitaire, en soutenant leur rôle sur la préparation, l'anticipation et la réaction aux crises sanitaires, en appuyant leur action sur les soins non programmés, et enfin en insistant sur leur action dans la qualité et la prise en charge des parcours de soins. La dynamique est identique pour les centres de santé, qui posent parfois certaines questions, comme vous l'avez indiqué, mais qui représentent une forme d'exercice coordonné que nous devons soutenir. Ils offrent parfois dans certains territoires et pour certaines populations un accès aux soins bien identifié. Nous savons qu'une proportion des bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire et de l'aide médicale d'État se rend plus facilement dans des centres de santé. Nous finalisons également en ce moment un accord avec les représentants des centres de santé, pour amplifier, avec le même ordre de grandeur, notre soutien financier à la structuration de ces prises en charge.

Au niveau « macro », une dynamique se dessine autour des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui bénéficient de soutiens financiers des agences régionales de santé (ARS) et du réseau de l'Assurance maladie, au travers d'un accord interprofessionnel, signé par une très large majorité d'organisations syndicales. L'avenant à l'accord sur les CPTS a été signé il y a quelques semaines. Il nous permettra d'amplifier le soutien financier et l'engager plus tôt, dès le début du projet. Certains porteurs de projets de CPTS nous confient qu'ils aimeraient entamer la démarche, mais qu'elle leur paraît trop compliquée. Nous sommes là pour les accompagner en ingénierie et en financement. La dynamique est là aussi significative puisque nous comptions début février 243 contrats CPTS signés. Pour la seule année 2021, près de 137 contrats ont été signés. La dynamique est donc réellement forte. Aujourd'hui, les CPTS couvrent environ un tiers de la population d'assurés sociaux en France, et 400 à 500 projets devraient être montés dans les prochains mois ou les deux prochaines années. Ce maillage territorial a pris un peu de retard en 2020 notamment, compte tenu de l'ampleur de la crise sanitaire, mais il en sort renforcé. En effet, dans beaucoup de territoires, les CPTS ont été actives, à la fois dans la première partie de la crise concernant les centres Covid de prise en charge des tests et d'accompagnement, puis dans un deuxième temps sur la vaccination. Souvent, les CPTS ont fédéré les professionnels libéraux autour des centres de vaccination. La CPTS s'est imposée dans la crise comme une façon pour les professionnels de santé libéraux de s'organiser entre eux, d'organiser le dialogue avec l'hôpital, le secteur médico-social, les collectivités territoriales, l'Assurance maladie et les services de l'État. Petit à petit, nous soutenons ce déploiement territorial, et je pense que la dynamique va se poursuivre.

Je voulais souligner la dynamique très forte, foisonnante et sans doute insuffisamment visible, mais réelle, autour de cet exercice coordonné et des expérimentations dites « article 51 » - par référence à l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018. Des expérimentations, notamment sur de nouveaux modes de financement, permettent de soutenir ces exercices coordonnés. Il s'agit par exemple de financements supplémentaires pour des groupements de professionnels de santé, ou bien des financements remplaçant pour certains des mécanismes de financement à l'acte, tels que le paiement forfaitaire en équipe de professionnels de santé (PEPS) et l'incitation à une prise en charge partagée (IPEP). Elles sont assez bien connues et participent à une meilleure respiration du système, elles apportent aux acteurs des innovations dans le financement et l'organisation. Nous pourrons dans les mois à venir tirer les enseignements de ces expérimentations et voir dans quelle mesure les généraliser pour proposer aux professionnels de santé qui le souhaitent de s'emparer de ces nouveaux modes de financement. Nous constatons sur le terrain cette dynamique, avec une forte mobilisation de la part de l'Assurance maladie. Nous avons créé des accélérateurs, c'est-à-dire une offre de services pour le professionnel qui souhaite créer sa maison de santé, construire une CPTS, afin d'appuyer sa démarche et lui fournir une aide. Les soignants sont là pour soigner, et non pour écrire un texte juridique ou pour construire des financements. Nous sommes présents pour les accompagner.

Le deuxième axe qui mobilise l'Assurance maladie et participe à la transformation de notre système de santé, est constitué par les dispositifs qui permettent de dégager du temps médical, de changer l'organisation et rendre plus facile l'accès aux soins. Les assistants médicaux sont pour nous un sujet crucial. La dynamique a été un peu freinée par la crise, mais semaine après semaine, des médecins intègrent cette démarche. L'objectif pour fin 2022 s'élève à 4 000 contrats d'assistants médicaux signés. Ils sont aujourd'hui au nombre de 2 700. Chaque semaine environ 50 médecins, le plus souvent généralistes, signent des contrats d'assistants médicaux. Ainsi, 500 000 patients supplémentaires retrouvent l'équivalent d'un médecin traitant, ce qui représente, en file active, un peu plus d'un million de patients supplémentaires susceptibles d'être pris en charge. Ce dispositif répond à une attente et à un certain nombre de problématiques, notamment en zones sous-denses. Nous avons encore besoin d'amplifier nos efforts de pédagogie et d'explication. Ses deux limites sont les suivantes : tout d'abord, les locaux représentent un défi réel. Sur le terrain, nous avons rencontré des professionnels qui avaient accepté ou refusé ce dispositif afin de comprendre les raisons de leur choix. La plupart souligne le problème du logement de l'assistant médical. Nous y réfléchissons avec les collectivités territoriales. Le deuxième frein est la peur de l'embauche. Les médecins libéraux n'ont pas forcément envie de devenir employeurs. Des formules, comme des groupements d'employeurs, sont en train de se déployer pour répondre à cette angoisse de l'embauche. Telles sont les deux principales limites au déploiement plus massif de l'assistant médical, au-delà des efforts de pédagogie, de communication et d'information qui continuent d'être mis en œuvre.

J'en viens à l'évolution des métiers et tâches des différents professionnels de santé. Concernant les infirmiers, la dynamique des infirmiers relevant du dispositif Asalee (Actions de SAnté Libérale En Equipe) permet un accompagnement des médecins, notamment généralistes, autour de l'éducation thérapeutique, de la prise en charge de patients atteints de maladies chroniques, comme le diabète et autres. Ce mode d'exercice connaît une forte dynamique : 1 400 infirmiers libéraux ont été embauchés par le dispositif Asalee, qui est financé à 100 % par l'Assurance maladie. Ils étaient 700 en 2019 et 300 en 2018. La dynamique est donc exponentielle et positive, puisqu'elle montre une appétence des infirmiers pour ce mode d'exercice. Le duo associant médecin et infirmier Asalee fonctionne bien. Le dispositif des infirmiers en pratique avancée (IPA) se déploie aussi. Ce dispositif est beaucoup plus jeune, tandis qu'Asalee a presque une quinzaine d'années. Les chiffres sur les IPA en libéral, à ce stade, demeurent faibles. En effet, 110 infirmiers libéraux exercent l'activité à titre d'IPA en libéral. Nous avons engagé avec les syndicats d'infirmiers libéraux une renégociation des conditions économiques, ce qui doit permettre de mieux accompagner l'émergence de cette nouvelle activité.

Je souhaitais insister sur une autre avancée, pour appuyer les médecins généralistes dans l'exercice de leurs compétences, notamment pour la prise en charge de la santé mentale. La LFSS pour 2022 comporte un dispositif de prise en charge des psychologues dans un parcours de soins organisé autour des médecins généralistes. Nous sommes extrêmement mobilisés avec les équipes du ministère de la Santé, de M. Frank Bellivier et du ministre, pour mettre en œuvre ce dispositif, qui verra le jour dans les prochaines semaines. Ce dispositif est lié aux expérimentations lancées par la CNAM depuis plusieurs années. Nous pensons que cet appui des psychologues auprès des médecins généralistes sera extrêmement utile, y compris au regard des conséquences de la crise sanitaire sur la santé mentale. Nous avons partagé dans le rapport dit « Charges et Produits » nos inquiétudes à cet égard.

Enfin, mentionnons les différentes mesures, soit législatives, liées à l'expérimentation de l'accès direct à certains spécialistes, soit d'évolution des compétences elles-mêmes. Je pense notamment aux pharmaciens. Ces mesures participent de cette transformation. J'ai bon espoir d'achever la négociation de la nouvelle convention avec les pharmaciens libéraux dans les prochains jours. Elle permettra notamment de redonner davantage de compétences aux pharmaciens dans le cadre de la vaccination, non seulement contre le covid, mais également pour les rappels vaccinaux, et du dépistage.

Par ailleurs, nous sommes engagés dans une série d'actions visant à accompagner des parcours de soins de meilleure qualité, plus efficients et au bénéfice des patients. Nous avons négocié l'avenant 9 avec les médecins libéraux pour financer la régulation des soins non programmés. Le dispositif se met en place sous le pilotage de l'ARS, mais nous en avons assuré la valorisation. De même, un volet dans l'accord signé avec les CPTS prévoit qu'elles puissent appuyer la réponse aux soins non programmés.

Le domicile constitue le deuxième sujet important dans les parcours de soins et la prise en charge des patients. Le vieillissement de la population, l'augmentation des pathologies chroniques, ou encore la prise en charge des handicaps courts justifient une prise en charge renforcée à domicile. Je voulais souligner deux évolutions que l'Assurance maladie a mises en œuvre dans le cadre des orientations ministérielles. La première est la visite longue auprès des personnes âgées, mieux valorisée pour les médecins généralistes. Le doublement de la valeur de la visite permet tous les trimestres une visite longue auprès des personnes âgées, et participe d'un maintien à domicile. Le pendant en est le bilan de soins infirmiers. Nous avons consolidé avec les infirmiers libéraux un investissement significatif de l'Assurance maladie, pour que le bilan de soins infirmiers permette une meilleure prise en charge par les infirmiers libéraux à domicile des personnes âgées. Cela représente un investissement de plus de 400 millions d'euros de l'Assurance maladie entre 2021 et 2024, ce qui traduit la priorité forte accordée au maintien à domicile.

Le parcours de soins organisé et la qualité de la prise en charge représentent un troisième sujet. L'Assurance maladie est très impliquée dans l'organisation des parcours de soins, notamment de sortie de l'hôpital, comme le Programme d'accompagnement du retour à domicile (Prado) à la sortie de maternité, mais également des Prado pour d'autres types de pathologie ou de prises en charge. À la suite de notre rapport « Charges et Produits 2022 », nous mettons en œuvre autour de Prado un véritable parcours de prise en charge des personnes victimes d'insuffisance cardiaque, à la fois pour la prévention en amont par la médecine de ville, et pour l'accompagnement des sorties d'hôpital. Des millions de personnes sont concernées. La qualité de leur prise en charge peut être améliorée, y compris en matière d'efficience. L'Assurance maladie est partie prenante du dispositif d'incitation financière à l'amélioration de la qualité (IFAQ).

La question du numérique a largement été abordée lors de l'audition précédente, je n'insisterai pas dessus. Je souhaitais souligner l'irruption de la téléconsultation, dont la part reste toutefois assez modeste en pourcentage. Elle concernerait environ 5 % des consultations de médecine générale, mais ce taux s'élevait à 0,5 % il y a deux ans. La téléconsultation s'est donc installée dans la pratique. L'avenant 9 a mis en place des conditions plus souples de recours à la téléconsultation, laquelle reste cependant intégrée à un parcours de soins, avec des exigences de qualité. Ainsi, le médecin libéral ne peut assurer plus de 20 % de ses consultations en téléconsultation.

La question des données est également importante. L'Assurance maladie est engagée dans l'utilisation de ces données pour mieux faire comprendre ce qui se passe dans le système de santé. Nous avons mis à disposition dans le cadre de la crise du Covid et de la vaccination toutes nos données en open data dans des conditions de sécurité et d'anonymisation totales. Data Vaccin Covid existe depuis plusieurs mois et fournit des informations sur l'âge, le type de vaccin, le département et l'intercommunalité des personnes vaccinées. D'intéressants travaux d'analyse en ont résulté. Cela nous a permis, ainsi qu'aux ARS et aux services de l'État, d'engager une série d'actions autour de l'aller vers. Nous sommes parties prenantes d'une ouverture de nos données, y compris vis-à-vis des communautés de chercheurs et des acteurs de la santé publique, dans le cadre du Health Data Hub et de ces dispositifs.

Madame la Présidente, je conclus ce propos par trois dernières idées. L'une des questions importantes qui se posent concerne l'équilibre entre la structuration de l'équipe de soins, autour du médecin traitant, et la dynamique de délégation de tâches. Comment parvenir à être ambitieux sur ces deux volets, dans une cohérence globale ? Ces sujets suscitent souvent l'inquiétude des professions, et en même temps, des attentes. Les modèles doivent évoluer. Les modèles d'équipes articulées autour du médecin traitant sont assez prometteurs pour améliorer la prise en charge des patients et pour permettre aux médecins traitants de suivre plus de patients. L'organisation de ces deux dynamiques est donc importante.

De plus, nous pensons que le numérique est un outil fondamental pour organiser les parcours de soins, permettre aux usagers d'être acteurs de leur santé et aux professionnels de santé de mieux s'organiser entre eux au sein de la ville et entre la ville et l'hôpital. De ce point de vue, la feuille de route du numérique en santé est extrêmement ambitieuse. Nous sommes en train de la déployer, et nous avons enfin dans notre pays à la fois une stratégie, des moyens et un déploiement. Je pense que le lancement de Mon Espace Santé, piloté par l'Assurance maladie, est la première brique de cette ambition, qui se traduira dans les prochains mois par un grand nombre d'innovations.

Enfin, la mise en œuvre des réformes est un sujet primordial. Comment arrivons-nous à accélérer les transformations de notre système de santé en accompagnant les professionnels de santé pour qu'ils en soient acteurs et qu'ils n'aient pas le sentiment de les subir ? C'est un sujet de préoccupation central pour l'Assurance maladie. Pour cette raison, nous rénovons progressivement notre offre d'accompagnement, y compris à l'aune de la crise. Auparavant, le délégué de l'Assurance maladie se rendait individuellement auprès du médecin avec son profil d'activité papier ; désormais, nous mettons en place une série de webinaires, afin de transformer nos modes de relation en utilisant nos données, pour les mettre à disposition des acteurs sous un format numérique. Nous élevons le niveau de compétences de nos agents, à la fois délégués de l'Assurance maladie et conseillers informatiques, pour garantir un meilleur accompagnement individuel et collectif.

Au niveau territorial, nous devons trouver les bons modes de dialogue et de décision entre les CPTS, les centres hospitaliers ou groupements hospitaliers de territoire (GHT), les ARS, les services de l'État et les caisses d'assurance maladie. Notre ambition est de proposer une organisation territoriale des soins plus efficace. Je n'ai pas de solution clé en main. Toutefois, je pense que cet enjeu sera important dans les prochains mois ou années, si nous voulons consolider les transformations engagées depuis plusieurs années.

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Merci, Monsieur le directeur général, d'être avec nous ce matin pour clore ce cycle d'auditions destiné à faire le point sur les différents textes et avancées législatives de cette mandature, afin d'améliorer notre système de santé. Nous savons tous collectivement qu'il nous reste beaucoup de travail.

Vous avez souligné certaines mesures, sur lesquelles je reviendrai en m'appuyant sur vos propos. Concernant l'avenant à l'accord conventionnel interprofessionnel portant sur les CPTS, vous avez indiqué que l'année 2020 a freiné la dynamique que nous enclenchions. Toutefois, la crise a sans doute joué un rôle également d'incubateur, avec la mise en place des centres de tests et de vaccination. Nous faisons aujourd'hui face à un rebond : les chiffres nous donnent l'espoir d'une couverture progressive et rapide de tout le territoire et de toute la population. Quel impact attendez-vous de cet avenant, notamment dans la gestion des soins non programmés et dans le déploiement du service d'accès aux soins dans les territoires où il est lancé de façon pilote ? Vous savez que ce sujet me tient particulièrement à cœur.

Concernant le partage de tâches, sans parler d'accès direct, nous avons légiféré sur certains protocoles dans le cadre de la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé (OTSS). Ces protocoles ne semblent pas encore intégrés dans le quotidien des Français. Est-il nécessaire d'ajouter par voie législative davantage de souplesse dans le déploiement de ces protocoles, aujourd'hui limités dans des exercices coordonnés très cadrés ? Ou s'agit-il également d'enjeux de financements pour les professionnels de santé ?

Vous avez ensuite abordé la question des assistants médicaux, aujourd'hui au nombre de 2 700, avec pour objectif de le porter à 4 000 à la fin de l'année. Pensez-vous que nous tiendrons cet objectif ? Des mesures particulières restent-elles à prendre pour les médecins spécialistes, hors médecine générale, afin qu'ils se saisissent de ce dispositif ?

Concernant les IPA, vous avez mentionné le bon fonctionnement du dispositif Asalee. J'ai eu connaissance il y a quelques jours d'IPA salariés par Asalee. Pensez-vous que ce modèle puisse se développer ? Je salue la révision des discussions ayant trait aux IPA libéraux. Depuis la mise en œuvre de toutes ces mesures depuis cinq ans, voyez-vous une évolution de la patientèle des médecins généralistes qui utilisent ces dispositifs, ainsi que l'agenda électronique et les avancées numériques évoquées ce matin ?

Nous avons légiféré pour faire entrer la télésurveillance médicale dans le quotidien. Certains dispositifs avaient fait leurs preuves, dans le cadre d'expérimentations, notamment le programme Expérimentations de télémédecine pour l'amélioration des parcours en santé (ETAPES). Comment celui-ci s'intègre-t-il dans la mise en œuvre classique de la télésurveillance ?

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Monsieur le directeur général, afin de moderniser notre système de santé et de replacer le patient au cœur du soin, avec mes collègues de la majorité, et en lien avec le Gouvernement, nous avons porté différents textes. Je pense notamment à la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé de 2019, ou à la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification de 2021. Cependant, plusieurs mesures votées et très attendues ne pourront malheureusement produire leurs effets qu'avec un décalage dans le temps, qui est incompressible, comme la suppression du numerus clausus et la réforme des études de médecine. Or, pour les territoires qui subissent la désertification médicale, ce délai est très difficile à supporter. Dans ma circonscription de Montluçon, par exemple, le manque de personnels de santé est criant et la population souffre de ne pas avoir accès à des soins de proximité suffisants. Lors de son audition, Mme Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins, nous a suggéré de vous interroger sur les négociations conventionnelles en cours. Que pouvez-vous nous dire des incitations financières pour les professionnels libéraux, exerçant dans les hôpitaux de proximité ?

Outre la question de l'attractivité des territoires, je suis convaincue de l'intérêt de moderniser nos outils. À ce titre, la crise sanitaire a été un réel accélérateur. Je suis heureuse de voir ainsi le développement de la télémédecine, qui facilite l'accès aux soins des patients, mais qui assure également aux médecins un gain de temps non négligeable. Dans le même sens, l'espace numérique Mon espace de santé a été officiellement généralisé le 3 février 2022 par le ministre de la santé M. Olivier Véran. D'après l'expérimentation menée depuis août 2021, comment l'Assurance maladie évalue-t-elle le temps gagné par chacun, patient comme médecin ?

Par ailleurs, il est prévu de faciliter l'accès des personnes éloignées du numérique à cet outil. Quelles sont les pistes envisagées ? Je pense en particulier à nos aînés qui ne doivent surtout pas se trouver lésés par cette avancée.

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Madame la Présidente, Monsieur le directeur général, la France connaît une forte accélération du vieillissement de sa population, entraînant une perte d'autonomie ainsi que d'autres conséquences sur lesquelles nous travaillons actuellement. Les séniors désignent une catégorie de population large. Comment notre système de santé peut-il mieux répondre aux besoins des séniors et développer des politiques de prévention ciblées, personnalisées, pour retarder la perte d'autonomie ? Comment repenser le parcours de soins pour l'adapter au vieillissement de la population ? Quand allons-nous enfin assister à une révolution de la prévention, avec la transformation de l'Assurance maladie en Assurance santé, afin de mieux intégrer le rôle de la prévention dans les politiques de santé publique ?

Concernant les difficultés rencontrées par les patients, liées à l'accès aux soins, aux déserts médicaux, ou même à la perte de confiance dans notre système de santé, ne faut-il pas envisager une approche plus spécifique des parcours de soins organisés autour des acteurs locaux de santé ? Comment mettre en œuvre une alliance de tous les professionnels de santé, qui, sur chaque territoire, établiraient un plan d'action pour réduire concrètement les délais d'attente, assurer les permanences de soins et faciliter l'accès aux soins des plus fragiles ? Ne faut-il pas mettre en œuvre une cogouvernance au niveau des ARS avec les départements et les régions, afin que la politique nationale de santé soit décidée et mise en œuvre au plus près du terrain ?

Je voudrais aussi évoquer l'éloignement des patients du système de soins, et rappeler le rôle encore trop restreint dans son organisation des associations existantes, et de la manière d'associer mieux les Françaises et Français. Quels résultats pouvons-nous espérer de l'initiative Mon espace partagé et du nouveau dossier numérique de santé ? En quoi cette expérience sera-t-elle plus probante que le dossier médical partagé (DMP) qui existe depuis 2015 ?

Alors que près de 7 % de Français vivent dans un désert médical, quel bilan pouvons-nous dresser des différentes mesures incitatives, comme les aides à l'installation croissantes proposées ces dernières années ? L'usage croissant du numérique pendant la crise est apparu comme une réponse possible aux déserts médicaux.

L'année dernière, le ministre de la santé a souhaité étudier la possibilité de mettre en place une « Grande Sécu ». Avez-vous été sollicité dans le cadre de la rédaction de son rapport ? Quelle est votre position sur le sujet ? Souhaitez-vous une évolution de la prise en charge et de la répartition des rôles entre complémentaires et Assurance maladie ? Je vous remercie.

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Au cœur de la pandémie, un million de consultations par semaine ont été dénombrées. Heureusement, la télémédecine a permis de répondre à cette demande. Depuis, l'accès à la télémédecine a de nouveau été resserré. Ce n'est pas un bon chemin que nous empruntons, pour une raison simple et que vous connaissez mieux que nous, qui est la désertification médicale. Dans la région Centre-Val de Loire, qui compte 2,5 millions d'habitants, 500 000 patients n'ont pas de médecin. Pourquoi ne pas proposer un rééquilibrage, avec certaines régions expérimentatrices, dans lesquelles l'accès aux téléconsultations est davantage facilité que dans celles où la densité médicale est jusqu'à trois fois supérieure ?

Vous avez évoqué une couverture par les CPTS d'un tiers du territoire. Cela peut bien fonctionner à certains endroits. Toutefois, le problème est que la construction d'une CPTS nécessite du temps et des bras. Dans ma région, l'ARS octroie deux chargés de mission pour un territoire de 400 kilomètres de long et 350 kilomètres de large. Ce n'est pas tenable. La Mutualité sociale agricole (MSA) est venue en renfort, avec une personne au quotidien. Nous bénéficions d'une CPTS exemplaire, à Châteaudun. Elle fonctionne très bien, alors que la désertification médicale est très marquée, avec 68 médecins pour 100 000 habitants.

M. Thomas Mesnier a évoqué les soins non programmés. Vous avez indiqué que des moyens nécessaires seraient mis en place. Comment et lesquels ?

Concernant les IPA et les infirmiers Asalee, pourquoi ne proposez-vous pas un système dans lequel la personne qui s'y inscrit se voit assurer la rémunération dont elle disposait l'année précédente, comme c'est le cas dans certaines branches professionnelles ? Des vocations seront suscitées. Dans les EHPAD et les hôpitaux, les financements manquent. Les régions ne jouent pas non plus ce rôle, et des personnes qui souhaiteraient davantage de formation ne peuvent y accéder. Or, la délégation de tâches, en s'appuyant en particulier sur ces professionnels, est la clé en attendant que le numerus apertus permette une offre médicale plus large sur tout le territoire.

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Monsieur le directeur général, merci pour votre présentation. Le Haut conseil pour l'avenir de l'Assurance maladie (HCAAM) avait dressé quatre scénarios pour mieux articuler l'assurance maladie obligatoire et les assurances santé complémentaires. J'ai compris que ces réflexions avaient été suspendues, en tout cas reportées sine die. Néanmoins, une question demeure sur l'accès aux soins, qui reste inégalitaire. Je voulais connaître vos réflexions sur le sujet.

Le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) préconise de fixer en LFSS des indicateurs stratégiques sur la base desquels décliner un financement. Pour ma part, je suis depuis longtemps critique à l'égard de l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM), dont je considère que nous le votons sans savoir ce qu'il recouvre en réalité. Il ne me semble pas que ce choix ait été retenu dans les propositions de loi organique et ordinaire relatives aux LFSS. Néanmoins, partagez-vous la proposition du Haut conseil ?

Enfin, j'ai posé dans l'audition précédente la question de l'hébergement des données du Health Data Hub. J'ai compris que le conseil de la CNAM avait voté une résolution demandant un appel d'offres et plus de transparence. Quel est votre point de vue ?

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Monsieur le directeur général, merci d'être venu échanger avec nous. La crise du Covid a constitué un choc sans précédent pour l'Assurance maladie, qui s'est retrouvée au cœur de la gestion épidémique. Je pense au pilotage du principe « tester, tracer, isoler », aux tests, à la vaccination, mais aussi à l'ensemble des actions menées pour maintenir l'accès aux soins indépendamment du Covid. La crise a agi comme un révélateur des forces et faiblesses structurelles de notre système de santé en pleine mutation. Cette mutation est d'abord démographique, avec le vieillissement croissant de la population et ses conséquences sur les besoins de santé et de prise en charge de la dépendance. Elle est aussi professionnelle, avec un décloisonnement nécessaire des professionnels de santé pour une meilleure prise en charge des patients, mais aussi avec la montée en puissance des professionnels paramédicaux. Enfin, il s'agit d'une mutation technologique, avec le déploiement des solutions de télémédecine et l'émergence du numérique en santé. Nous pourrions également évoquer les mutations liées à la réingénierie des études en santé. À l'heure du bilan, je veux rappeler que nous avons engagé des réformes d'ampleur sous cette législature pour faire face à de profondes transformations. Je pense à la loi OTSS en 2019, aux différents PLFSS, à la proposition de loi portée par Mme Stéphanie Rist visant à améliorer le système de santé ou encore aux accords du Ségur.

Je voudrais revenir sur les leçons de la crise sanitaire. Je dois saluer l'implication sans faille de vos services et la grande capacité d'adaptation, qui n'est historiquement pas si naturelle, des équipes de la CNAM. Leur mobilisation a permis de faire face et de maintenir la continuité du service public. Quels seront les effets d'hystérèse de la crise sanitaire sur l'Assurance maladie ? Je pense notamment au développement de la téléconsultation et aux stratégies d'« aller vers », qui ont permis de développer la vaccination. Je fais également référence aux liens avec les professionnels de santé et à vos liens, qui se sont renforcés, avec les ARS. Notre groupe Agir ensemble est aussi particulièrement attaché au renforcement de nos politiques de prévention en santé tout au long de la vie. Mieux vaut prévenir que guérir, que ce soit en matière de maladies chroniques, de santé sexuelle, visuelle, mentale, ou de perte d'autonomie. Il est clair que nous avons encore des marges de manœuvre importantes en termes de prévention. Comment la CNAM peut-elle impulser plus avant des actions de prévention pour que notre pays rattrape son retard en la matière ?

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Je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Je souhaite vous interroger sur des innovations qui représentent de véritables révolutions dans la vie de personnes malades. Je veux ici évoquer l'endotest, nouveau test salivaire développé par une société française, qui améliorera considérablement la prise en charge des femmes atteintes d'endométriose. Une femme sur dix serait touchée par l'endométriose en France et 180 millions de femmes malades au niveau mondial auraient été recensées. C'est dire si l'amélioration de la prise en charge de l'endométriose est un sujet de santé publique. Ce nouveau test permettrait de dépister la maladie en dix jours à peine contre 7 à 8 ans d'errance médicale aujourd'hui. En outre, il suffirait de cracher dans un tube et de l'envoyer au laboratoire, qui procèderait à un séquençage ADN, alors qu'aujourd'hui l'association ENDOmind estime qu'il faut sept consultations, quatre IRM, trois échographies et une intervention chirurgicale en moyenne pour poser un diagnostic. Quel rôle compte jouer la CNAM dans la mise à disposition de ce test salivaire au plus grand nombre de femmes une fois mis sur le marché ? Enfin, cette réussite française est le fruit d'un partenariat public-privé. Que pensez-vous de ce type de financements et de développement dans l'émergence d'innovations majeures en santé ?

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Vous parlez du numérique, mais l'usage du numérique en santé doit être encouragé uniquement quand il permet d'améliorer l'accès aux soins rendus et que son accès est possible pour tous. Cependant, à mon sens, l'usage actuel est ailleurs que dans la numérisation. Le virage ambulatoire du Gouvernement consiste à diminuer le nombre de lits d'hospitalisation complète pour favoriser l'ambulatoire, avec pour objectif de faire des économies. Ainsi, en moins de vingt ans, 82 000 lits d'hospitalisation complète ont été supprimés alors que 30 000 places en ambulatoire pour hospitalisation à temps partiel ont été créées. La crise sanitaire a montré que cette politique du chiffre qui vise la rentabilité, quitte à négliger la prise en charge des patients, met le système de santé en situation de vulnérabilité.

La tarification à l'acte a accentué l'optimisation de la gestion du flux plutôt qu'une prise en charge de qualité. Selon la Fédération hospitalière de France (FHF), près d'un acte sur trois en France est non pertinent. Des milliers de personnels hospitaliers dénoncent pourtant la situation catastrophique de l'hôpital public. La crise sanitaire a fait exploser le nombre de postes vacants dans les hôpitaux, sans que le Ségur ne règle quoi que ce soit. Le syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) affirmait chiffrer le manque à 60 000 infirmiers en décembre 2021. En pratique, les difficultés de regroupement sont telles que dans le contexte actuel, la FHF estime qu'il manque 4 à 5 % des infirmiers, sans compter les infirmiers spécialisés, et environ 2,5 % d'aides-soignants, soit environ 25 000 paramédicaux. Pourquoi donc se focaliser sur le numérique alors que notre système de santé est touché dans nos hôpitaux mêmes ? N'y a-t-il donc pas plus urgent ?

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Depuis le début de ce mandat, le Gouvernement et la majorité ont eu à cœur de mettre en avant la prévention en santé, notamment dès les premières heures de la vie. La mise en place de la commission des 1000 premiers jours et le rapport qui en résulte illustrent parfaitement ce besoin d'investissements conséquents pour que la prévention soit la plus précoce possible. En 2018 et 2019, j'ai effectué une mission sur les services de santé de la femme enceinte et de l'enfant (PMI). Dans mon rapport publié en juin 2019, et pour lequel j'avais auditionné votre prédécesseur, M. Nicolas Revel, j'insistais également sur l'impérieuse nécessité de replacer la PMI au cœur de sa mission, la prévention précoce.

À la suite de ce rapport, nous avons notamment permis le remboursement du bilan de santé en école maternelle, même quand celui-ci est réalisé par une infirmière puéricultrice. Ce bilan est un véritable levier de prévention précoce dont le retour sur investissement est prouvé. Néanmoins, l'une des recommandations principales du rapport n'a toujours pas été mise en place. En effet, je recommandais l'inscription à la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) des actes de puériculture. Plus qu'un moyen de pérenniser le budget des services des PMI et de reconnaître à sa juste valeur la profession des infirmières puéricultrices, il s'agit d'un réel investissement en faveur de la prévention à travers notamment les visites à domicile. Il permettrait également une installation en libéral des infirmières puéricultrices et ainsi un meilleur accompagnement des jeunes parents et des enfants. Un récent rapport de la Cour des comptes dont les auteurs ont été auditionnés par notre commission la semaine dernière abonde également en ce sens. La Haute Autorité de santé (HAS) s'était aussi prononcée en faveur d'une cotation de ces actes. C'était également une demande de la profession depuis de nombreuses années. Lors de l'examen de la loi relative à la protection des enfants, j'ai fait adopter un amendement visant à la remise d'un rapport sur la mise en œuvre de négociations conventionnelles, pour inscrire les actes et examens effectués par les infirmières puéricultrices parmi les actes pris en charge par l'Assurance maladie. Cet amendement était un véritable appel à avancer ensemble dans ce processus. Les négociations sont-elles lancées aujourd'hui avec la profession pour inscrire ces actes à la NGAP ?

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Concernant les maisons de santé, envisagez-vous d'assouplir le cahier des charges pour permettre l'installation dans les territoires peu denses de binômes libéraux médecin-infirmier, qui s'installeraient tous deux avec un accompagnement équitable de cet exercice coordonné pluridisciplinaire – même s'il n'y a pas deux médecins ?

Concernant les centres de santé, en plein essor, notamment dans les hypercentres de métropole, là où il n'y a pas forcément de besoins prégnants, des abus sont parfois constatés : professionnels non identifiés, non-pertinence des actes, multiplication injustifiée des actes. Vous aviez indiqué l'été dernier avoir engagé des procédures concernant une centaine de centres, dont une douzaine au pénal. Où en êtes-vous, Monsieur le Directeur général, dans cette lutte contre des pratiques frauduleuses et abusives ? La présidente en est également soucieuse. Ces pratiques mettent en danger la confiance dans notre système de santé.

Enfin, alors que les modes de vie changent, que les acteurs aspirent à un équilibre entre vie professionnelle et vie privée, envisagez-vous de revaloriser les actes en semaine sur la période 18 heures-20 heures, comme si c'était le soir, de même pour le samedi matin, comme si c'était du samedi après-midi ?

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La crise sanitaire, parce qu'elle a bousculé de façon inédite les acteurs du système de santé, a fait sauter de nombreux verrous et a permis d'ouvrir le système de santé à de nouvelles pratiques. Je pense bien évidemment aux téléconsultations et à la téléexpertise. Le recours massif à ces innovations a permis de développer une véritable confiance et une satisfaction des Français envers ces outils. Ainsi, 86 % d'entre eux considèrent que le développement de l' e-santé est une bonne chose, et trois Français sur quatre pensent que l'utilisation de ces outils permettra une amélioration de leur suivi médical. Or tous les Français ne sont pas équipés pour ces pratiques. Si les Français savent désormais en quoi consistent la téléconsultation et la téléexpertise, il est difficile pour certains d'entre eux d'y avoir accès. En effet, les personnes âgées ne disposent pas nécessairement d'un smartphone, d'une tablette ou d'un ordinateur, et doivent faire appel à une tierce personne. De nombreuses expérimentations ont été conduites dans des officines, tant en termes de téléconsultation que de téléexpertise, par exemple en dermatologie, pour le suivi des plaies. Ces expérimentations sont extrêmement probantes, car les patients connaissent leur pharmacien et lui font confiance. De plus, avec les 22 000 officines présentes sur le territoire national, nous bénéficions d'un véritable maillage du territoire. Ce sont donc des acteurs de proximité accessibles, garantissant un accès aux soins facile pour tous. Ces expérimentations permettent de réduire considérablement les délais d'accès notamment à des spécialistes, et diminuent notablement les pertes de chances, mais aussi les transports, et donc les coûts. Le déploiement de la téléconsultation et de la téléexpertise dans les officines permet de réguler l'accès aux soins. Toutefois, il n'y a pas de modèle économique à destination des pharmaciens pour l'accompagnement des patients, que ce soit pour le recueil des données cliniques, pour l'utilisation des outils connectés ou bien encore pour le retour diagnostique au patient et son orientation. Comment remédier à cela et permettre un déploiement de la téléconsultation et téléexpertise dans toutes les officines du territoire national ?

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Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM)

Concernant l'avenant portant sur les CPTS et le lien avec les soins non programmés, nous avons souhaité que l'Assurance maladie finance les CPTS et appuie leur organisation, pour qu'elles puissent soutenir le travail du service d'accès aux soins (SAS). Nous ne dictons pas à la CPTS ce qu'elle doit faire. Elle dispose de financements complémentaires pour jouer son rôle d'acteur des soins non programmés. De même, des financements individuels vis-à-vis de chacun des médecins existent. Ce sont ceux de l'avenant 9, que vous connaissez. Cela doit venir de façon complémentaire. Une organisation de soins non programmés en appui du SAS bénéficierait d'un financement grâce à l'accord conventionnel interprofessionnel des CPTS. Toutefois, nous sommes attentifs à éviter une incohérence ou une désorganisation entre un SAS qui se créerait dans un territoire où une CPTS prendrait également des initiatives. Sous l'égide de l'ARS et avec les financements adéquats, nous avons le sentiment de donner aux acteurs les moyens d'assurer cette cohérence. Dans l'avenant sur les CPTS, 50 millions d'euros supplémentaires sont mis en œuvre, avec des mécanismes de financement assez simples. C'était une demande qui nous était formulée.

Le cadre des protocoles de coopération est sans doute trop contraignant, ce qui rend plus difficile leur déploiement. Nous rencontrons ce problème avec les pharmaciens, par exemple dans la prise en charge des cystites et des bandelettes urinaires. Nous sommes très favorables à l'exercice coordonné. Toutefois, il faut trouver des moyens d'assouplir le cadre des protocoles si nous souhaitons qu'ils se déploient plus facilement. Il faut aussi que les instances scientifiques et les autorités sanitaires nous garantissent que cela peut se faire en maintenant la qualité des prises en charge. Cependant, si nous ne déverrouillons pas un peu ce cadre, il est peu probable que ces protocoles produisent davantage d'effets.

Concernant les assistants médicaux auprès des spécialistes, la question de la connaissance du dispositif est un véritable défi. Je pense notamment aux pédiatres. Alors que pour les pédiatres, un assistant médical constitue un gain facile, le taux de recours est très faible. Le sujet a déjà été mentionné auprès des syndicats de pédiatres, afin que le dispositif soit mieux connu. La nouvelle convention médicale, dont les négociations auront lieu à l'automne 2022, constituera un rendez-vous important. Les paramètres de recours à l'assistant médical, avec des critères liés à la durée et aux zones sous-denses, notamment, seront discutés, ainsi que le sujet des spécialistes.

Les IPA Asalee sont à la fois possibles et souhaitables. J'évoquais les négociations avec les syndicats infirmiers, qui sont aussi en lien avec les travaux du ministère sur les professions intermédiaires. Un travail doit encore être mené pour penser les différentes formes d'exercice du métier d'IPA. Est-ce un IPA assez transversal, auprès du médecin généraliste, un peu sur le modèle Asalee ? Ou s'agit-il d'un IPA plus spécialisé, vers les médecins spécialistes, comme les cardiologues, avec des modèles libéraux et salariés ? Une instruction collective doit être poursuivie. Il n'existe pas un seul modèle, et il faut ouvrir des possibilités d'organisation. Nous ne sommes pas encore parvenus à nous emparer totalement de ce sujet.

Dans le cadre de la LFSS pour 2022, le dispositif ETAPES doit être généralisé, avec une prise en charge de la télésurveillance médicale dans le droit commun. Des tarifs ont été annoncés, tandis qu'une transition est prévue pour le dispositif ETAPES. Il faut désormais que les professionnels s'emparent de ces différents outils, avec un accent sur les soins coordonnés.

Les aides à l'installation et la démographie médicale constituent une question majeure. L'Assurance maladie a nettement développé ses dispositifs d'aides conventionnelles à l'installation ou au maintien de l'exercice dans les territoires sous-denses. 4 600 contrats ont été signés et sont en cours. Ils soutiennent l'exercice et l'installation dans les zones sous-denses, principalement au travers des contrats d'aide à l'installation des médecins (CAIM). Près de 2 000 contrats ont été signés. L'aide peut aller jusqu'à 50 000 euros pour un exercice à temps complet, ce qui est significatif ; il ne s'agit pas d'une aide accessoire. Ces dispositifs sont-ils l'unique réponse pour déclencher une installation dans une zone sous-dense ? Je ne le pense pas. Les éléments que j'ai évoqués en introduction sur l'exercice coordonné, les maisons de santé ou les CPTS forment un cadre qui doit permettre de favoriser l'installation et le maintien dans ces zones. Il évite l'isolement du professionnel, qui évolue dans un environnement où il bénéficie d'un correspondant dans la CPTS et de professionnels de santé dans son équipe. C'est tout ce cadre, et non seulement les aides incitatives, qui permet de répondre au défi des territoires sous-denses.

Concernant le lien entre les professionnels libéraux et les hôpitaux de proximité, parmi ces contrats d'aides à l'installation et l'accompagnement, mentionnons le contrat de stabilisation et de coordination pour les médecins (COSCOM). Il permet notamment de valoriser l'investissement des médecins libéraux dans les hôpitaux de proximité. Une prime de 1 200 euros est proposée. Des médecins se sont saisis de ce dispositif. Par ailleurs, vous avez voté dans la LFSS pour 2020 un dispositif incitatif complémentaire, sur lequel les textes réglementaires sont en cours de parution, et qui pourra permettre d'amplifier encore cette aide.

Vous avez également évoqué l'accompagnement du numérique, notamment pour les personnes âgées. Nous travaillons avec l'équipe de la délégation du numérique en santé, de façon transversale, à l'accompagnement et la lutte contre la fracture numérique. Le réseau de l'Assurance maladie est très engagé pour proposer des ateliers numériques. Ils visent par exemple à expliquer comment ouvrir un compte Ameli ou Mon Espace Santé. Nous avons reformé notre réseau à l'occasion de l'ouverture de Mon Espace Santé. Un accompagnement par des ambassadeurs du numérique est assuré sur le terrain, dans les maisons France Service également, notamment auprès des personnes âgées. Il s'agit d'un pan de l'action de Mon Espace Santé pour les personnes concernées par la fracture numérique.

Monsieur Perrut, vous me demandez s'il faut transformer l'Assurance maladie en Assurance santé. Je répondrai que l'Assurance maladie est une belle marque et qu'il ne faut pas trop la modifier. Je sais que votre question sous-jacente concerne surtout le rôle, également évoqué par Mme Firmin Le Bodo, de l'Assurance maladie en matière de prévention. Nous voulons capitaliser sur ce que nous avons entrepris pendant la crise, et sur tous les programmes d'action visant à aller au plus près de l'assuré sur des actes de prévention. Je pense au dépistage, à la vaccination, mais également à la santé bucco-dentaire. Depuis plusieurs années, l'Assurance maladie a mis en place des plans d'action, notamment vis-à-vis des écoles et des réseaux d'éducation prioritaire, pour accompagner les enfants, par exemple au travers du programme « M'T dents ». Nous pratiquons donc déjà la démarche d'« aller-vers ». Dans la prochaine convention d'objectifs et de gestion, que nous signerons avec l'État d'ici la fin de l'année 2022 et qui nous engagera pour la période 2023 à 2027, nous tâcherons de donner corps à cette logique d'assurance santé et à cet investissement renforcé de l'Assurance maladie en prévention. Je pense que nous bénéficions d'atouts pour le faire, que ce soit par la communication nationale, l'information ciblée, Mon Espace Santé, le compte Ameli, l'accompagnement des professionnels, les incitations financières et cet « aller vers ». Je nous crois capables de le faire.

Je rebondis sur le thème du partenariat avec des associations. Nous l'avons intégré dans nos priorités pour nos missions d'accompagnement santé. Des équipes dans les caisses primaires travaillent sur l'accès aux droits et aux soins, auprès de publics qui n'ont pas de médecin traitant et qui rencontrent des difficultés d'accès à certains soins. Nous avons noué une série de partenariats au niveau national, qui se déclinent d'abord avec nos partenaires institutionnels, comme Pôle Emploi et les CAF, mais également avec la Croix rouge, le Secours populaire ou les Restos du Cœur. Ces acteurs associatifs sont nos relais pour favoriser l'accès aux droits, et ils nous font remonter les difficultés rencontrées par nos assurés. C'est une politique que nous souhaitons continuer à déployer et amplifier.

Vous avez évoqué la « Grande Sécu ». Il s'agit d'une question complexe. Je répondrai d'abord en abordant le « 100 % santé ». Il s'agit d'une réussite incontestable de l'articulation entre l'Assurance maladie, les assurances maladie complémentaires et les professionnels de santé pour améliorer l'accès aux soins des assurés sociaux sur les soins dentaires, l'optique et les prothèses auditives. L'optique montre des résultats un peu moins bons que les soins dentaires et les prothèses auditives. Les chiffres sur les audioprothèses sont spectaculaires : 800 000 personnes supplémentaires ont eu accès à une audioprothèse en 2021, soit 73 % de plus que l'année précédente, et sans reste à charge. 55 % des soins prothétiques réalisés par les dentistes appartiennent au panier 100 % santé. C'est là aussi spectaculaire en matière de diminution du reste à charge et d'accès à nos concitoyens à des soins, qui sont importants. Les chiffres sont moins bons sur l'optique. Nous discutons cependant de ce problème, et le ministre a réuni un comité de suivi. Nous avons engagé un accompagnement. Les délégués de l'Assurance maladie se sont rendus auprès de 9 300 opticiens entre septembre et novembre pour les inciter à présenter de manière plus dynamique les offres « 100 % santé », car nous pensons que ce n'est peut-être pas toujours le cas. Nous avons engagé des contrôles vis-à-vis des opticiens en début d'année. Cette action traduit donc globalement une bonne coordination entre les différents acteurs du financement de l'offre de santé.

Même si ces débats ne relèvent pas de mon champ, il me semble que l'un des sujets pointés par les travaux du HCAAM est le cumul des frais de gestion entre l'Assurance maladie obligatoire et l'assurance maladie complémentaire. Nous ne sommes pas dans la même position. Nous constituons une forme de « monopole », en tout cas un assureur universel, et n'avons donc pas la même structure de dépenses. La dynamique des frais de gestion des organismes complémentaires par rapport à ceux de l'Assurance maladie est très différente. Je rappelle que nous avons massivement limité nos frais de gestion depuis quinze ans, que nous avons massivement diminué nos personnels depuis quinze ans, et nous avons par conséquent restreint indirectement les coûts supportés par nos assurés de ce point de vue. La dynamique n'est pas la même du côté des organismes complémentaires. La discussion autour d'une meilleure maîtrise collective des frais de gestion de notre système de santé devrait se poursuivre.

L'Assurance maladie doit continuer à promouvoir et expliquer l'aide à la complémentaire santé. Nous comptons 7,4 millions de bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire aujourd'hui. L'investissement des caisses primaires se renforce assez fortement. Cette aide à l'acquisition d'une complémentaire santé, notamment pour les personnes âgées, est assez significative et permet de diminuer les restes à charge des assurés.

Monsieur Vigier, vous m'interrogez sur les téléconsultations, notamment en zones sous-denses. Je rappelle que l'avenant que nous avons signé avec les médecins en juillet 2021 a assoupli les conditions du recours à la téléconsultation par rapport à la situation précédente. Nous avons donc tiré les enseignements de la crise en supprimant notamment l'obligation d'avoir vu un patient physiquement avant une téléconsultation. Nous avons aussi assoupli les règles de prise en charge de la téléconsultation, notamment pour les assurés en zone sous-dense. Nous nous situons dans cette dynamique ; l'équilibre doit être trouvé entre l'intégration de la notion de zones sous-denses et les difficultés d'accès physique à des médecins, notamment spécialistes, et le risque de considérer la téléconsultation comme l'unique réponse aux défis que posent ces territoires. L'équilibre reste sensible, toutefois nous avançons. Nous avons assoupli les règles du jeu grâce à l'avenant 9, qui permettra d'ancrer le recours à la téléconsultation sur un certain nombre de territoires.

M. Vigier m'interroge également sur le SAS. Je précise que l'avenant 9 met en œuvre 150 millions d'euros sur le financement de la régulation et de l'effection. Cela devrait permettre d'accompagner les projets de SAS qui se déploient sur le territoire.

J'ai répondu à la question de M. Vallaud sur la « Grande Sécu ». Concernant l'ONDAM médicalisé, je me permets de vous informer que depuis quelques années, dans son rapport « Charges et Produits », l'Assurance maladie propose une cartographie des dépenses de santé par pathologie. Nous allons fournir un effort supplémentaire de valorisation de ces données, mais toute la dynamique de dépenses de santé se retrouve dans cette cartographie des pathologies. Je crois qu'elle donne à voir beaucoup d'éléments qui répondent à cette question légitime : que finance-t-on derrière l'ONDAM ? Cette cartographie fournit réellement beaucoup d'informations à ce sujet.

Je précise que l'Assurance maladie est partie prenante du projet de plateforme de données de santé Health Data Hub. Nous sommes très mobilisés pour répondre aux demandes d'accès aux données de santé formulées par une série d'acteurs, dans le cadre fixé par la loi, qui prévoit notamment un avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et du Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé (CESREES). Nous avons conclu une centaine de conventions avec des acteurs de recherche en 2021. Nous voulons doubler ce chiffre en 2022, pour répondre aux demandes légitimes d'accès à ces données. Une dynamique est à l'œuvre. S'agissant du transfert du système national des données de santé (SNDS), le Health Data Hub a retiré temporairement sa demande d'autorisation pour héberger la base principale du SNDS, dans un contexte où la CNIL a par ailleurs commencé d'instruire l'arrêté qui définit la composition des différentes bases du catalogue du Hub. Cette thématique relève de la responsabilité du Hub et du ministère de la Santé.

Madame Firmin Le Bodo, merci pour vos propos sur la mobilisation des équipes de l'Assurance maladie. Nous essayons de continuer à être réactifs, comme vous l'avez souligné. Le tracing se poursuit sept jours sur sept et mobilise toujours les équipes de l'Assurance maladie. J'ai évoqué un effet d'hystérèse que vous mentionniez, par exemple la démarche d'« aller vers » qui s'inscrit dans la durée. Cette démarche était déjà présente et nous voulons l'étendre à plusieurs dispositifs. Le deuxième effet est le lien avec les ARS. Je me suis beaucoup rendu sur le terrain depuis 18 mois, malgré les différents confinements, et j'ai constaté à quel point la crise avait rapproché les équipes des ARS des caisses d'assurance maladie. Au niveau départemental notamment, j'ai pu voir un véritable travail collectif des délégations territoriales de l'ARS, des caisses primaires, des services de l'État et des préfets. Une stratégie nationale et régionale, doublée d'un déploiement territorial, est visible. J'ai le sentiment que les caisses sont au service de cette stratégie de déploiement des exercices coordonnés. De ce point de vue, je pense que la crise aura eu un effet favorable.

Madame Six, vous évoquiez l'endométriose et l'endotest. Je précise que l'Assurance maladie ne décide pas elle-même ce qu'elle rembourse ou non. Des procédures d'évaluation sont menées par la HAS. Il me semble que le ministre a évoqué ce sujet lors de la présentation du plan de lutte contre l'endométriose, et notamment la possible saisine de la HAS sur ce point. Nous serons amenés à le prendre en charge si l'évaluation du service rendu est favorable.

Monsieur Ratenon, vous avez évoqué le Ségur et le numérique. Nous essayons de ne pas opposer les sujets, et faisons du numérique un des leviers d'amélioration du parcours de soins. Je rappelle à nouveau, comme l'a sans doute fait le ministre à de multiples reprises, l'ampleur des investissements réalisés dans le cadre du Ségur, qu'il s'agisse d'investissements ou de revalorisations salariales.

Madame Peyron, vous avez évoqué les travaux sur les mille premiers jours et la question de la puériculture. Je me permets de rappeler notre mobilisation pour mettre en œuvre les dispositifs liés aux mille premiers jours. Nous avons signé avec les syndicats de sages-femmes un accord pour permettre la prise en charge des entretiens de prévention de la dépression post-partum. Il s'agissait d'une question très importante dans le cadre de ce plan. Nous déployons avec les caisses d'allocations familiales des parcours coordonnés pour les familles, avant ou après la naissance, pour que les sujets liés à la famille, la santé, la précarité, l'accompagnement, le droit, la prévention soient bien pris en charge. Nous travaillons beaucoup avec l'Éducation nationale sur le dépistage des troubles, au travers d'expérimentations sur l'orthophonie ou sur les masseurs kinésithérapeutes. Vous avez demandé un rapport. Nous devons le construire avec le ministre. Si elles ne sont pas infirmières, les puéricultrices ne sont pas nécessairement professionnelles de santé, ce qui pose des questions sur la nomenclature des actes. En effet, nous ne remboursons que les actes des professionnels de santé. Des avancées pourraient être envisagées sur ce point. Il est possible que la HAS soit saisie sur cette question. Nous contribuerons bien sûr à l'élaboration de ce rapport.

Monsieur Bazin, vous avez mentionné la question des maisons de santé pluridisciplinaires (MSP). Il me semble que vous l'aviez évoquée lors de notre précédent échange, et je tâcherai de ne pas vous donner la même réponse. Je me permets une parenthèse. Je pense que nous devons nous efforcer, y compris à l'aune de la crise, de donner davantage de souplesse à certains cadres d'interventions. Nous l'évoquions sur les protocoles de coopération avec M. Mesnier. Faut-il modifier les règles du jeu sur les MSP ? Il est en tout cas nécessaire de favoriser un cadre d'exercice dans lequel le binôme médecin-infirmier fonctionne. Faut-il des maisons de santé sur ce modèle, ou bien trouver une autre formule ? La réponse est difficile, mais il faut en tout cas donner un cadre permettant aux professionnels de se coordonner ensemble.

S'agissant des centres dentaires ou ophtalmologiques, j'avais évoqué en effet précédemment 11 ou 12 plaintes pénales. Elles sont désormais au nombre de 26 sur différents réseaux de centres de santé ophtalmologiques. Nous comptons également un certain nombre de plaintes pénales visant des centres dentaires. Des contrôles sont en cours. Je reste extrêmement préoccupé par les pratiques tarifaires de certains centres. Nous négocions avec les représentants des centres de santé des améliorations, pas seulement des financements supplémentaires, mais aussi des cadres de contrôle et de pièces à fournir pour surveiller l'activité de ces centres. Trop de centres s'installent et facturent dans des conditions inacceptables. Nous allons continuer à resserrer les mailles du filet. Nous mettrons en œuvre des contrôles coordonnés avec les ARS sur des centres, notamment dentaires. Cela fait partie des suites de la LFSS pour 2022. Nous veillons à une application particulière des dispositions votées, notamment les conventions explicites dès l'installation du centre, et le déconventionnement d'urgence si nous constatons que les faits le justifient. Soyez persuadés que nous sommes très mobilisés sur ce sujet.

Vous avez évoqué les sujets des créneaux entre 18 heures et 20 heures et du samedi matin. J'invite l'Assurance maladie à une forme de souplesse sur de nombreux points, mais évitons toutefois d'envoyer un signal aux cabinets médicaux les incitant à fermer à 18 h, à ne pas ouvrir le samedi matin, de sorte que ces créneaux basculent en permanence de soins. L'accès aux soins ne serait pas nécessairement rendu plus facile. C'est une demande de certains professionnels, je la comprends. À ce stade, l'Assurance maladie a toujours été très réservée. Souhaitons-nous des cabinets médicaux ouverts, facilement accessibles entre 18 heures et 20 heures ou une permanence de soins dès 18 heures ? C'est une question que je pose. Je suis pour ma part heureux de pouvoir prendre rendez-vous chez le médecin à 19 heures. Vous comprenez mon inquiétude sur ce sujet, qui aurait par ailleurs des conséquences financières non négligeables, notamment concernant le samedi matin.

Enfin, concernant la question de Mme Corneloup sur la pharmacie et la téléconsultation, je confirme que nous finalisons avec les pharmaciens la convention qui permet de consolider une aide à l'équipement et une incitation à l'usage de la téléconsultation en pharmacie. Elle permet aux professionnels d'accompagner cet exercice de recours aux soins.

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Je souhaitais vous interroger sur la préparation de l'Assurance maladie face à la modification du paradigme du médicament qui s'opère sous nos yeux. Dans un rapport que nous avons réalisé avec Mme Dufeu et M. Dharréville, nous avons confirmé cette évolution. Au XXe siècle, des maladies chroniques étaient traitées avec des médicaments chimiques peu onéreux, mais pendant des durées prolongées, pour transformer des maladies mortelles en maladies chroniques. Le XXIe siècle voit se mettre en place des traitements très onéreux, pris pendant très peu de jours, parfois même en one shot, comme des thérapies géniques ou d'autres biothérapies. Ceux-ci sont d'un coût sans aucune mesure avec les précédents. Cependant, ils permettent de transformer des maladies chroniques en maladies guéries. C'est un avantage indéniable. Le système actuel de financement de ces médicaments est totalement inadapté. Avez-vous déjà réfléchi à ce qui doit être mis en place pour faire face à ces coûts différents et garantir l'accès de tous les malades, quelles que soient leurs ressources, à des médicaments au coût très différent ? Il faudra également surveiller si l'efficacité de ces médicaments se maintient dans la durée, ce qui implique une modification complète du paradigme.

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Monsieur le directeur, merci pour votre présence. Je salue le travail de la CNAM, à l'occasion de la crise, et son lien privilégié avec tous les praticiens. Ma question porte sur la rémunération des certificats de décès. Le décret de mai 2017 a permis de rémunérer les médecins qui établissent ces certificats en zone déficitaire, et à l'occasion de la permanence des soins (PDS), ce qui a permis de régler une partie du problème. Vous savez qu'ils ne sont pas rémunérés par ailleurs, ce qui pose un certain nombre de problèmes. Souvent, les forces de l'ordre sont obligées de rester plusieurs heures, voire, de mettre des scellés sur des maisons, parce que les médecins ne peuvent pas intervenir. Même hors zone déficitaire, il peut y avoir des tensions sur l'offre médicale. Il s'agit d'un vrai sujet. Je considère que c'est un anachronisme, et une forme d'iniquité. Quelles solutions auriez-vous à ce problème et dans quel délai ?

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Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM)

Nous sommes membres du Comité économique des produits de santé (CEPS) et partie prenante de l'instruction technique de différentes mesures sur l'accès au médicament. L'accord-cadre assez récent et les mesures des deux dernières LFSS essaient de fixer un cadre pour permettre l'accès à ces innovations dans de bonnes conditions pour les assurés, et de le faire dans les conditions économiques les plus soutenables possible. Il faudra évaluer ces dispositions. Avec la thérapie génique, et d'autres traitements, les coûts par patient sont très significatifs. Notre sujet est avant tout la mesure de l'efficacité et de la performance. De ce point de vue, je partage la montée en charge du travail mené avec les équipes de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), dans le cadre du groupement EPI‑PHARE, qui constitue désormais des équipes de niveau international, pour mener davantage d'études en vie réelle, sur la sécurité sanitaire et l'efficacité. Nous disposons donc des outils, mais des défis importants restent à venir. Nous participerons aux travaux à venir.

S'agissant des certificats de décès, il n'existe pas de solution miracle. Je partage avec vous cependant une proposition des représentants des infirmiers. Dans ses plateformes de solutions, la Fédération nationale des infirmiers (FNI) propose qu'éventuellement l'infirmier, dans un cadre déterminé, puisse jouer un rôle et réponde à un manque de médecins. Je prends beaucoup de précautions, car il faudrait instruire cette proposition pour voir si elle est praticable, et dans quelles conditions. Ces représentants eux-mêmes sont prudents dans la manière dont ils la formulent. Il pourrait s'agir d'une piste. Je ne crois pas en tout cas que la réponse à cette question réside dans le sujet de la rémunération.

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Merci, Monsieur le directeur, pour votre présence et vos réponses. Nous saluons vos équipes pour la qualité du travail qui est mené. Il nous reste encore beaucoup à faire. Mes chers collègues, je vous remercie.

La séance est levée à douze heures cinquante.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 16 février 2022 à 11 heures 15

Présents. – M. Thibault Bazin, M. Philippe Chalumeau, M. Gérard Cherpion, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Perrine Goulet, Mme Carole Grandjean, Mme Véronique Hammerer, Mme Fadila Khattabi, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, M. Bernard Perrut, Mme Michèle Peyron, M. Alain Ramadier, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Valérie Six, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier

Excusés. – Mme Stéphanie Atger, Mme Justine Benin, M. Paul Christophe, M. Jean‑Pierre Door, Mme Claire Guion-Firmin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur-Christophe