La séance est ouverte à 9 h 30.
Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.
Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (n° 3699) (M. Hervé Berville, rapporteur)
Je remercie M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, d'être présent pour représenter le Gouvernement lors de l'examen de ce texte important, qui est « le » projet de loi de notre commission dans cette législature. Je donne à présent la parole aux orateurs qui n'ont pas pu s'exprimer mardi dernier dans la discussion générale.
Monsieur le ministre, je salue votre présence. L'article 9 prévoit la création d'une commission d'évaluation de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, création que nous appelions de nos vœux, depuis longtemps. Elle sera, nous l'espérons, un outil essentiel pour mettre fin à l'éparpillement des données relatives à l'aide publique au développement.
Je salue aussi, dans un contexte où les moyens consacrés à la politique d'aide au développement sont en augmentation, la volonté de renforcer et de rationaliser les capacités d'évaluation externe, et de s'inspirer de la commission indépendante sur l'impact de l'aide, créée en 2011 au Royaume-Uni.
Quelle est votre vision du rôle de cette commission ? Son architecture, sa composition et son fonctionnement sont renvoyés à un décret. Son rattachement à la Cour des comptes est un point essentiel pour le groupe Les Républicains, notamment pour Bérengère Poletti, que je représente aujourd'hui. Comment entendez-vous concilier la nécessaire indépendance et l'efficacité de la commission pour évaluer les projets et contrôler ce qui est fait, sans tomber dans un contrôle strictement comptable et budgétaire de l'aide publique au développement ?
Pour que la commission soit réellement indépendante – mon groupe le souhaite –, quels moyens humains, techniques et financiers entendez-vous lui accorder ?
Enfin, la taxe sur les transactions financières abonde pour partie le Fonds de solidarité pour le développement. Comptez-vous faire évoluer son niveau, son périmètre ou l'étendre à d'autres pays européens ?
Les sujets que vous évoquez sont pour partie inscrits dans le texte. Je suis très favorable à la création d'une commission indépendante d'évaluation de la politique de développement. Elle est indispensable, à l'égard de la représentation nationale comme de nos compatriotes, pour qu'ils sachent si les actions que nous menons correspondent à la mission qui a été donnée. La fonction de cette commission sera non pas de contrôler la régularité des comptes – d'autres outils existent pour cela ; la Cour des comptes, en particulier, joue un rôle important – mais d'évaluer l'application de la politique de développement et son incidence réelle sur le terrain. Pour cela, la commission doit être totalement indépendante et permettre à la fois la systématicité, la transparence et la visibilité.
Quant à sa composition et à la manière dont elle pourra s'organiser, qui relèvent en effet d'un décret, j'écouterai les propositions de votre commission, et celles de la commission des affaires étrangères du Sénat. J'ai participé hier à un débat sur le Sahel au Sénat, où les questions de développement ont été évoquées. Je l'ai dit avec beaucoup de clarté : il faut une indépendance réelle de la commission, et que son objet soit bien la visibilité des évaluations et la transparence de l'aide. Cela permettrait de fournir une information à un large public, dans un langage accessible, afin que nos concitoyens puissent juger de l'efficacité de notre aide au développement. La commission devra ensuite avoir les moyens de réaliser ses travaux, mais, je le redis, elle doit d'abord être totalement indépendante, du Parlement comme du Gouvernement, de l'État comme du Quai d'Orsay.
Nous attendions le présent projet de loi depuis trois ans et demi. Il arrive à un point opportun, puisqu'il ne précède pas mais suit les actes en matière politique et budgétaire, ainsi que sur le terrain. Nous nous réjouissons que le Parlement soit enfin au rendez-vous sur cette question.
En dehors de la composition des conseils d'administration, le Parlement n'est mentionné qu'une seule fois dans le texte, ce qui est dommage car les assemblées jouent un rôle essentiel. D'abord, le Parlement est votre ami. Vous le savez, la politique d'aide au développement n'a pas beaucoup de lobbies parmi la population, mais les parlementaires impliqués sur les sujets internationaux sont vos principaux alliés dans le combat permanent vis-à-vis des administrations ou des finances.
Surtout, le Parlement est un acteur de gouvernance, à la fois ici et sur le terrain. La question des financements internationaux fait partie du domaine réservé des gouvernements des pays bénéficiaires. Ils ne font l'objet de pratiquement aucun contrôle. Avec cet ambitieux projet de loi, nous proposons de reconnaître le rôle des parlements – des pays donateurs comme des pays bénéficiaires – dans la gouvernance de l'aide. Ils représentent la diversité des populations, des ethnies, des régions ; en faire des acteurs, y compris de l'appropriation de l'aide et de la capacité à mener des contrôles budgétaires sur place, est un instrument de lutte contre la corruption.
Enfin, il faut constater les difficultés des ONG s'agissant du blanchiment et du criblage. Monsieur le ministre, serez-vous disposé à recevoir nos propositions à ce sujet, pour permettre à ces organisations de travailler dans des zones complexes comme Idlib ou Ménaka, où le terrorisme est constamment présent ?
« Enfin ! » est le premier mot qui nous vient à l'esprit en débutant l'examen du présent projet. La place singulière qu'occupe la France dans le monde nécessite que nous relevions notre ambition en matière d'aide publique au développement. C'est ce qui est fait depuis le début du quinquennat en matière budgétaire. Une loi de programmation était attendue depuis le début de la législature, et encore plus depuis les engagements pris en 2018 avec le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). Nous aurons l'occasion de discuter de ses objectifs financiers, de ses priorités sectorielles et de ses instruments privilégiés. L'ambition de la France est de rester à la hauteur de cette place singulière qu'elle occupe pour la réduction des inégalités mondiales, la lutte contre la pauvreté, la préservation des biens publics mondiaux – santé, climat, biodiversité – et l'atteinte des objectifs de développement durable.
Au mieux, la loi sera promulguée avant l'été, ce qui est cocasse pour une loi de programmation qui s'arrête en 2022. Nous avons besoin d'une loi de programmation pour 2025, qui précise l'aide en pourcentage, en valeur absolue et la ventilation des objectifs financiers. Cela est vrai tant pour les priorités géographiques – nous sommes attachés à ce que notre aide publique au développement s'oriente encore davantage vers les pays pauvres prioritaires, que le CICID a listés en 2018 – que pour les instruments, avec une priorité aux dons, ou les priorités sectorielles.
À l'avenir, comment pourra-t-on mesurer davantage les impacts de l'aide, ce que nous sommes nombreux à demander et que vous appelez aussi de vos vœux ? Depuis des décennies, l'aide publique au développement se mesure de manière déclarative : on compare ce que les pays déclarent. Demain, il faudra mesurer clairement les effets sur les populations des pays bénéficiaires.
Monsieur le ministre, je salue votre détermination, qui nous permet aujourd'hui d'examiner ce texte, à la suite de l'engagement du Président de la République. Nous sommes prêts à travailler avec vous, avec beaucoup d'enthousiasme. Parmi les nombreux sujets dont nous débattrons, je veux insister, avec ma collègue Laurence Dumont, sur l'enregistrement des naissances, qui doit être placé au cœur de la politique française de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.
D'après le Fonds des Nations unies pour l'enfance, en décembre 2019, 166 millions d'enfants de moins de 5 ans, soit un quart des enfants, ne sont pas enregistrés dans le monde. Dans cette même tranche d'âge, 237 millions d'enfants, soit un enfant sur trois, ne disposent pas d'un acte de naissance.
Lorsque l'on élabore des stratégies de développement, on doit savoir de combien de personnes nous parlons. L'identité est le premier des droits, celui qui permet l'ouverture de tous les autres. Notre commission a déjà exprimé son engagement sur la question, en votant à l'unanimité le rapport de la mission d'information sur les enfants sans identité. Je vous demanderai, chers collègues, de renouveler votre soutien, en votant un amendement visant à flécher les moyens pour faire de l'enregistrement à la naissance une réalité, conformément à l'article 7 de la Convention internationale des droits de l'enfant, au seizième objectif de développement durable ainsi qu'aux valeurs de notre nation à l'égard de tous les enfants. J'espère que le Gouvernement soutiendra également cette proposition.
Le présent projet de loi donne un nouvel élan à notre politique d'aide au développement. Malgré la crise sanitaire et économique, il concrétise un engagement fort du Président de la République. Pour reprendre les mots du ministre, notre pays est enfin revenu dans le jeu, après quelques années d'éclipse.
Comme le plan de relance, ce cadre stratégique s'appuie sur un effort budgétaire sans précédent. Surtout, il traduit notre préoccupation de gérer l'urgence sans sacrifier l'avenir. Mais la montée en puissance de l'aide au développement va bien au-delà de l'amplification de l'effort budgétaire. Elle en fait un véritable pilier de l'action extérieure de la France, en complément de la diplomatie et de la défense.
La coopération décentralisée, c'est-à-dire l'action extérieure des collectivités territoriales, joue un rôle croissant en matière d'aide au développement. Dans les dernières années, plusieurs évolutions législatives ont consacré une véritable autonomie des collectivités, dans les limites des engagements internationaux de la France. Dans nos territoires, la demande en ce sens est forte. L'action extérieure est perçue comme une expression signifiante de la démocratie locale. Dans ma circonscription, plusieurs initiatives ont été engagées, comme le financement d'un réseau d'eau potable à Madagascar et au Togo par la communauté de communes du pays de Gex.
Nous souhaitons donc nous assurer que l'État conçoit bien les acteurs locaux comme des partenaires stratégiques à part entière dans la stratégie française d'aide au développement. Nous ferons des propositions en ce sens.
Les représentants de la diaspora constituent aujourd'hui un ensemble organisé. Ils peuvent être des catalyseurs et vecteurs d'efficacité, grâce à leur capacité de suivi de projets à très petite échelle, en lien avec une communauté de bénéficiaires d'un projet de développement. Les diasporas sont d'ailleurs le premier acteur du développement.
Dans un avis du 26 février 2020, le Conseil économique, social et environnemental, représentatif de la société civile, a rappelé l'importance d'impliquer davantage les membres de la diaspora organisée dans le pilotage et l'évaluation de la politique française d'aide, et de valoriser en particulier les diasporas engagées pour le développement de leurs pays d'origine.
Vous l'avez rappelé la semaine dernière, Monsieur le ministre, nous voulons associer nos partenaires à nos efforts – faire « avec », et non plus « pour ». Les diasporas sont au cœur de ce partenariat refondé avec l'Afrique. J'en veux pour preuve la rencontre avec les diasporas à l'Élysée, la deuxième édition de la Mobilisation européenne pour l'entreprenariat en Afrique (MEET Africa 2), que vous aviez lancée avec l'ancien ministre sénégalais des affaires étrangères, Amadou Ba, ou le Sommet Afrique-France, où les diasporas joueront un rôle central. Comme mes collègues, je me réjouis que le soutien aux diasporas soit bien présent dans le projet de loi. Depuis 2018, nous demandions qu'il y figure. Nous avons été écoutés : le texte a été coconstruit, sous l'impulsion de notre présidente Marielle de Sarnez et de notre rapporteur, Hervé Berville, qui a associé les parlementaires à ses travaux.
La représentativité des diasporas au sein des organes de pilotage est essentielle. Elle peut encore être améliorée, afin de garantir une participation de toutes les parties prenantes aux politiques de développement et de lutte contre les inégalités mondiales. Il en va ainsi de la représentativité au sein du Conseil national du développement et de la solidarité internationale, dont la composition sera fixée par décret, ou de celle de la commission d'évaluation de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.
En octobre 2017, la commission des affaires étrangères, sous la présidence de Marielle de Sarnez, pour laquelle nous avons une pensée émue, a confié à Bérengère Poletti et à moi-même une mission d'information sur l'aide publique au développement, faisant notamment écho aux ambitions du Président de la République d'augmenter l'intervention de la France. Sous l'impulsion de notre présidente, nous avons beaucoup travaillé, avec le rapporteur et nos collègues, députés et sénateurs, pour coconstruire le présent projet de loi.
Il redessine les moyens d'intervention de notre politique de développement, dans un contexte mondial qui devra privilégier la lutte contre la pauvreté ainsi que la sauvegarde et le développement des biens publics mondiaux, en nous appuyant plus spécifiquement sur les actions multilatérales. La lutte contre la pauvreté et les inégalités passe par la recherche et par l'innovation. Je me réjouis des nouveaux moyens de financement et du lancement du Fonds d'innovation pour le développement par le Président de la République. S'il faut encourager et expérimenter de nouvelles idées, il convient aussi de tester leur efficacité. J'espère que le nouveau fonds tiendra ses promesses. J'attache de l'importance à cette initiative de progrès.
Avec ces moyens augmentés, il faudra être particulièrement solidaire avec les pays d'Afrique subsaharienne, notamment pour les aider à réinventer leur économie, privilégier les besoins sociaux, la survie des hommes et des femmes, instaurer une coopération plus étroite, favoriser aussi la coopération Sud-Sud, privilégier les dons, plutôt que l'endettement. En ce sens, l'affirmation des 19 pays prioritaires est une bonne chose. Que ces nouveaux moyens et cette politique volontariste et solidaire, sous l'impulsion du ministre, avec l'appui du Président de la République et le soutien du Parlement, puissent contribuer à donner à la jeunesse africaine un avenir en Afrique.
Que pensez-vous de l'idée de fixer une proportion minimale de l'aide bilatérale à allouer aux pays prioritaires ? Nous suggérons aussi de hiérarchiser et sélectionner les contributions françaises en matière d'APD, afin d'éviter une dispersion de l'aide multilatérale française et de la concentrer sur les organisations dont les objectifs premiers coïncident avec les priorités du Gouvernement.
Je me réjouis avec vous de l'arrivée de ce texte devant le Parlement, dont je n'avais pas relevé qu'il n'était cité qu'une fois dans le texte. Le cadre de partenariat global permettra de parer à cette insuffisance. Je propose donc d'y remédier par voie d'amendement.
En raison de l'urgence et de la rapidité d'intervention, l'aide humanitaire n'est pas soumise aux demandes de criblage des bénéficiaires : il faut l'apporter aux populations le plus rapidement possible. En revanche, le criblage permet de sécuriser la destination des actions de développement, et de nous assurer qu'il n'y a pas de risque de corruption et de blanchiment d'argent. Il est donc nécessaire pour des relations de longue durée.
Les actions de stabilisation, qui se trouvent entre l'aide humanitaire et l'aide au développement, posent quelques difficultés. Elles donnent lieu à des discussions avec les acteurs, pour savoir dans quelle mesure on peut s'assurer de la qualité des destinataires et de l'efficacité de l'action. Cette zone grise n'est pas encore suffisamment clarifiée. Comme la réponse varie selon les pays, il faut adopter une position assez souple.
Les principes fondamentaux qui ont été évoqués restent les nôtres : être au rendez-vous des objectifs de développement durable, renforcer les dons par rapport aux prêts, le bilatéral par rapport au multilatéral. Nous avons tenu ces propos dès le début de la législature, et les avons appliqués dans les réalités financières concrètes – les chiffres l'attestent.
S'agissant de l'objectif de 2025, l'article 1er prévoit une révision avant la fin de l'année 2022, pour prévoir le dispositif financier des années suivantes. Il en va de même dans les autres lois de programmation. Dans d'autres fonctions, j'ai ainsi présenté un projet de loi de programmation militaire, qui prévoyait également une révision à mi-parcours, avec une réévaluation de la programmation sur la seconde partie de la période, en fonction de la situation économique et financière du pays.
Je partage avec vous la nécessité de mesurer les impacts de l'APD. La commission d'évaluation aura ce rôle : elle pourra être très exigeante, à condition d'être indépendante – du Gouvernement, du Parlement et des acteurs – et de pouvoir s'exprimer librement, sans intervention extérieure. J'y veillerai dans le débat, même si c'est aussi votre préoccupation. Nous y parviendrons.
Je suis sensible à l'enjeu de l'enregistrement des naissances à l'état-civil et des droits de l'enfant, qui sont une préoccupation permanente. Au Sahel, par exemple, y compris dans les pays qui font l'objet d'une attention particulière, l'état-civil n'est pas à la hauteur des nécessités. C'est un effort d'appartenance nationale qu'il faut poursuivre dans ces pays. Je suis intéressé par les propositions qui seront faites, pour préserver les droits de l'enfant. Je partage notamment les conclusions du rapport d'information sur les enfants sans identité. J'espère que nous pourrons avancer sur cette question préoccupante : c'est indispensable à la cohérence de notre action extérieure.
Au début de mon mandat, j'avais annoncé que je souhaitais aboutir au doublement des fonds destinés aux collectivités territoriales qui agissent dans le cadre de la coopération décentralisée. Il importe de renforcer leurs capacités. Je l'ai dit aux acteurs, notamment de Cités unies France (CUF), une coordination est souhaitable dans les pays où la coopération décentralisée est forte. Au Mali, au Burkina Faso, à Madagascar, où de nombreux jumelages et des actions significatives sont menés, l'action commune est insuffisante. Chacun agit dans son coin avec sa propre commune, sans cohérence globale. Il est essentiel de renforcer, dans la loi, la responsabilité de la coordination territoriale, non seulement avec les collectivités mais avec l'ensemble des acteurs qui interviennent dans un territoire. Le Mali a beau être l'un des pays où il y a le plus de coopération décentralisée, cela n'a pas empêché ce qui s'y est passé.
Le soutien financier de l'État à l'activité des collectivités territoriales sera au rendez-vous. En outre, l'article 4 du projet de loi leur donne la possibilité de financer les actions liées à la mobilité et à la connectivité par dispositif du 1 % transport. Il faut seulement que la recette soit affectée à un système qui fonctionne et soit cohérent avec le secteur où le prélèvement est effectué. C'est une volonté concrète d'agir en ce sens.
Associer la diaspora est essentiel. Au Sénégal, elle est un acteur majeur de développement. Je suis d'accord pour travailler à ce que les diasporas soient mieux représentées dans les différents collèges car elles sont un acteur majeur. Leur connaissance des deux côtés de l'action permet des réalisations d'importance. La diaspora doit être présente dans le CICID. Elle sera placée au centre du prochain Sommet Afrique-France, à Montpellier, en juillet.
Le Fonds d'innovation pour le développement, animé par Mme Esther Duflo, permettra, je l'espère, des avancées méthodologiques significatives pour concevoir un nouveau partenariat. Nous le suivrons de près. La clé de l'innovation réside non pas nécessairement dans des financements lourds, mais dans des financements originaux, rapides, afin de tester des projets. Les Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain (FSPI), que j'ai déployés à partir de 2018, ont déjà pu contribuer à soutenir des projets d'innovation technologique, sociale, financière ou environnementale. Ils doivent être renforcés, et le Fonds d'innovation pour le développement sera pertinent à cet égard.
La nécessité de la coopération bilatérale a également été rappelée. Nous avons fixé des montants d'intervention bilatérale élevés, notamment vers les 19 pays prioritaires, pour lesquels une certaine part d'aide doit impérativement être respectée. Le rapport d'information de M. Kokouendo contient des propositions dans ce domaine. Nous pourrons sans doute les conforter au cours du débat.
Je tenais à assister au démarrage de vos travaux en commission ce matin. L'après-midi et demain, Jean-Baptiste Lemoyne me remplacera car je participerai à des réunions avec le président Kaboré puis à une réunion européenne.
Nous comprenons très bien la lourdeur de votre emploi du temps, monsieur le ministre, et nous sommes très honorés que vous soyez parmi nous en personne ce matin.
Je précise à mes collègues qu'à ma demande et en accord avec les groupes politiques, la conférence des présidents a, à l'unanimité, fixé hier à dix minutes, au lieu de cinq, le temps de parole dévolu aux groupes dans la discussion générale en séance publique.
L'adoption du projet de loi fera l'objet d'un vote solennel le mardi 2 mars, après les questions au Gouvernement.
La commission est saisie de 596 amendements, ce qui montre la créativité de ses membres… Si nous n'avons pas terminé l'examen du texte jeudi à minuit – ce n'est pas une menace mais un pronostic, ou un risque –, je devrai convoquer la commission pour poursuivre nos travaux vendredi. Tout dépendra de notre rapidité, mais cela ne veut pas dire qu'il faudrait escamoter les débats.
J'ajoute que 331 amendements portent sur le cadre de partenariat global. Afin de permettre un échange avec le ministre sur le plus grand nombre d'articles possible, en accord avec le rapporteur et le Gouvernement, ce cadre sera examiné à la fin du projet de loi, après l'article 11.
Je vous informe qu'après avoir consulté le président de la commission des finances j'ai déclaré irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution, pour motif de création d'une charge, les amendements AE36 de M. Pancher, AE106 de Mme Givernet, AE107 de Mme Cazebonne, AE304 de Mme Poletti, AE356 du rapporteur, AE435, AE450, AE451, AE452 et AE453 de M. Potier, AE504 et AE506 de M. Fuchs, AE623 de Mme Sylla et AE675 de M. Potier. J'ai toujours été assez réservé quant à l'interprétation très stricte qu'on donnait de l'article 40, mais je n'ai pas le pouvoir d'en faire prévaloir une qui serait plus large.
J'ai déclaré les amendements suivants irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution qui proscrit les cavaliers législatifs : AE112, AE113 et AE115 de M. Orphelin, AE326, AE328, AE329, AE330 et AE333 de Mme Genetet, AE161 de Mme Poletti, AE432, AE433 et AE434 de M. Potier, ainsi que AE611 de M. Gouttefarde. L'interprétation du Conseil constitutionnel de l'article 45 est extrêmement stricte, ce qui m'a conduit à adopter une attitude que j'aurais personnellement souhaitée moins sévère.
J'ai été contraint de déclarer les amendements AE587 de M. Lecoq et AE614 de Mme Sylla irrecevables au titre des articles 34 et 37 de la Constitution dans la mesure où ils contiennent des dispositions relevant des seuls pouvoirs de l'exécutif et non des compétences du Parlement.
J'ai déclaré irrecevable l'amendement AE588 de M. Lecoq dans la mesure où il donne une injonction à l'exécutif, ce qui contrevient aux dispositions de l'article 52 de la Constitution.
J'ai enfin déclaré irrecevable l'amendement AE35 de M. Pancher car ses dispositions ne relèvent pas de la loi mais des règlements des assemblées parlementaires.
TITRE I DISPOSITIONS RELATIVES AUX OBJECTIFS DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE ET DE LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS MONDIALES ET À LA PROGRAMMATION FINANCIÈRE
Avant l'article 1er
La commission examine en discussion commune les amendements AE336 du rapporteur, AE15 et AE63 de M. Bertrand Pancher, AE149 de Mme Bérengère Poletti, AE468 de M. Dominique Potier, AE541 de Frédérique Dumas, AE592 de M. M'Jid El Guerrab, AE608 et AE643 de Mme Mireille Clapot, AE131 de Mme Clémentine Autain, AE585 de M. Bruno Fuchs, AE111 de M. Matthieu Orphelin, AE286 de Mme Aina Kuric et AE469 de Mme Laurence Dumont.
Je suis, comme vous toutes et vous tous, particulièrement heureux de pouvoir enfin discuter de ce projet de loi et de nous engager dans son amélioration, sa coconstruction. J'ai évidemment une pensée pour Marielle de Sarnez, qui a largement contribué à ce que ce texte soit examiné par notre commission.
Mon amendement est l'illustration de notre volonté de travailler autant que possible avec les organisations de la société civile, notamment Coordination SUD et Action Santé mondiale. L'une de leurs demandes, que je partage pleinement, est qu'un article additionnel avant l'article 1er définisse les objectifs prioritaires, principiels, de notre politique de solidarité internationale et de lutte contre les inégalités mondiales.
Il s'agit notamment de rappeler que cette politique vise à éradiquer la pauvreté dans toutes ses dimensions, à protéger les biens publics mondiaux, à lutter contre les inégalités, l'insécurité alimentaire et la malnutrition, à promouvoir les droits humains et l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu'à renforcer l'État de droit. L'amendement souligne que c'est un pilier central de notre politique étrangère et qu'il ne doit pas y avoir de tentation, comme cela a pu arriver, d'utiliser notre politique de développement, qui a ses objectifs propres, qui sont nobles, comme un levier pour la politique migratoire.
Cet amendement, qui est le fruit d'un travail mené avec des collègues de tous bords, essaie de synthétiser ce que pourrait être l'essence de notre politique et vise à faire en sorte qu'elle soit alignée sur l'Agenda 2030 des Nations unies et sur l'accord de Paris pour le climat, qui constituent deux piliers fondamentaux de notre stratégie internationale. Nous dirons ainsi quels sont nos valeurs et nos principes.
Nous nous retrouvons très bien dans les objectifs du projet de loi, monsieur le ministre. Néanmoins, une des principales critiques adressées par les grandes organisations avec lesquelles nous avons travaillé est que le texte n'a pas vraiment de valeur normative et qu'il paraît très en recul par rapport à la loi de 2014. Il est important de créer un article additionnel insistant sur les normes internationales, l'accord de Paris, la lutte contre la pauvreté, le développement des services sociaux de base, l'approche partenariale, les droits humains et environnementaux ou encore la protection des jeunes. Les amendements AE15 et AE63 visent à définir un cadre en faisant figurer les objectifs dans le projet de loi et non pas uniquement dans le cadre de partenariat global, qui n'a pas de valeur normative.
L'amendement AE149 tend, de même, à donner une portée normative aux objectifs de la politique relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales en les inscrivant dans la loi. Cela permettra de renforcer la portée de ce texte – il faut se placer au même niveau que la loi de 2014.
Monsieur le ministre, vous avez répondu à une question de Boris Vallaud, il y a quelques mois, que vous n'aviez jamais connu un monde aussi dangereux : vous disiez, à propos des désordres géopolitiques, votre profonde inquiétude mais aussi votre espérance européenne. Tous les observateurs et les scientifiques pensent que nous sommes dans une décennie capitale en matière de lutte contre le changement climatique.
Ce projet de loi arrive dans ce contexte. Malgré la crise, nous a dit une collègue – mais j'ai plutôt envie de dire à cause de la crise –, ce texte est un des plus importants dont nous ayons à débattre. Il faut lui redonner du sens et une perspective, dans la tradition normative de la loi de 2014. J'avais alors eu le bonheur de planter quelques graines au nom du groupe socialiste : nous avons notamment esquissé, en termes déclaratifs, ce qui est devenu la loi relative au devenir de vigilance, que nous avons adoptée in extremis à la fin de la dernière législature et qui est train de déboucher sur une directive européenne. L'amendement AE468 tend à consacrer quelques concepts, quelques principes qui pourraient prospérer plus tard – notre parole a une force.
En tant que sociodémocrates, nous nous retrouvons dans le préambule proposé par Coordination SUD, qui évoque notamment le processus démocratique et le renforcement de l'État de droit. Nous serons très attentifs à la cohérence entre les politiques économiques des entreprises françaises et l'APD, l'aide publique au développement. Nous serons également sensibles à toutes les innovations sociales qui permettront en particulier d'engager des processus économiques et sociaux capables d'apporter des solutions nouvelles et de réincarner un multilatéralisme d'espérance.
L'amendement AE592 vise à inscrire dans le corps de la loi, et non pas seulement dans le cadre de partenariat global qui lui est annexé, les principaux objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, afin de les consacrer et d'inspirer l'action des différents acteurs qui y contribuent. Cette politique doit être fondée sur un dialogue politique global, équilibré et approfondi, et il faut qu'elle soit régulièrement évaluée avec les pays partenaires et des représentants de la société civile, dans sa diversité. Nous souhaitons, par ailleurs, que cette politique s'aligne sur la stratégie de développement définie par les gouvernements nationaux, en consultation avec les Parlements des États partenaires, qu'elle respecte et promeuve le principe transversal, inhérent à l'Agenda 2030, selon lequel il ne faut laisser personne de côté. Enfin, elle doit promouvoir les principes et les normes internationaux, notamment en matière de droits humains, de droit international humanitaire, de réalisation des objectifs de développement durable (ODD), de l'accord de Paris et du programme d'action d'Addis-Abeba sur le financement du développement.
Je défendrai en même temps les amendements AE608 et AE643, qui visent à inscrire certains principes dans le corps du projet de loi, au sein d'un préambule, notamment l'importance de la promotion et de la protection des droits humains et celle de la diplomatie féministe qui est la pierre angulaire de l'action extérieure de la France. Ces amendements visent à faire de l'égalité femmes-hommes et filles-garçons une priorité transversale : la diplomatie féministe n'a pas vocation à être uniquement une politique sectorielle.
L'amendement que nous avons déposé fait écho à mon intervention au sujet de l'ensemble du texte. L'article additionnel que nous proposons intégrera dans la loi les principes et les objectifs de l'aide au développement, qui doivent être clairement établis. Il faut que la notion d'intérêt général humain figure dans le texte, à côté du respect de l'accord de Paris et des biens communs en matière sociale et écologique. Je vous laisse apprécier la rédaction de l'amendement, dont nous pourrons éventuellement discuter. Nous devons, en tout cas, graver dans le marbre de la loi ce que sont les objectifs de l'aide au développement.
Avant de donner la parole à M. Bruno Fuchs pour présenter l'amendement AE585, je précise que si mon nom y figure c'est parce qu'il n'a pas encore été retiré. Je considère que je n'ai pas à déposer des amendements en tant que président, sauf sur les points où une unité entre nous existe.
Je crois que votre nom n'y figure pas. Votre volonté est faite (Sourires).
Cet amendement ayant le même objet que les précédents, j'indiquerai seulement qu'on voit que la grande majorité des groupes parlementaires peuvent se mettre d'accord sur de grands sujets d'intérêt général, de politique publique et de solidarité. L'amendement AE585 a ainsi été cosigné par des députés issus d'une majorité des groupes parlementaires de cette commission.
Il nous semble important – et cela transcende les clivages politiques – d'inscrire dans le marbre de la loi les grands objectifs de notre aide publique au développement : la lutte contre les inégalités mondiales, la protection des biens publics mondiaux, en particulier le climat et la biodiversité, la lutte contre l'extrême pauvreté ainsi que la promotion des droits humains. C'est l'objet de l'amendement AE111.
Nous voulons expliciter les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales. Afin de clarifier le cadre dans lequel cette politique s'exerce, l'amendement AE286 reprend notamment trois instruments internationaux déjà cités par le cadre de partenariat global annexé au projet de loi : le programme de développement durable à l'horizon 2030, adopté par l'Assemblée générale des Nations unies en septembre 2015, l'accord de Paris, conclu en décembre de la même année, et la convention sur la diversité biologique qui a été adoptée à Rio de Janeiro le 22 mai 1992. Nous réaffirmerons ainsi la valeur normative des objectifs de l'aide publique au développement. Ce sera un symbole fort.
Nous mettons le doigt, par l'amendement AE469, sur un élément absent du projet de loi et des amendements précédents, y compris celui du rapporteur, à savoir l'enregistrement des naissances, dont on a déjà parlé, et l'aide à l'institution d'états civils fiables : ce sont des conditions du développement durable des sociétés.
Un enfant de moins cinq ans sur quatre n'est pas enregistré à la naissance, et un sur trois n'a pas d'acte de naissance – 277 millions d'enfants se trouvent dans cette situation. Les causes sont bien identifiées et les conséquences dramatiques. Nous avons présenté, Aina Kuric et moi-même, un rapport sur ce sujet en septembre dernier. Ces enfants sont, de fait, exclus de la politique d'aide au développement puisqu'ils ne sont pas repérés. L'absence des termes « état civil » et « enregistrement des naissances » dans un texte consacré à la programmation de notre aide au développement est vraiment surprenante.
Le droit élémentaire dont il est question est déterminant pour l'accès des citoyens à l'ensemble des droits. Le projet de loi dit s'inscrire dans le cadre des ODD. Or vous savez que l'ODD 16.9 porte sur la généralisation de l'enregistrement des naissances et que l'ODD 17.19 concerne les capacités statistiques des pays en développement. J'ajoute que les pays les plus touchés par l'absence d'enregistrement des naissances font partie de la liste de dix-neuf pays prioritaires définie par le CICID.
Nous considérons que l'enregistrement des naissances et la mise en place d'états civils fiables doivent constituer un principe directeur pour l'ensemble des politiques menées par la France. Cela doit être gravé dans le marbre de la loi et non pas seulement dans le cadre de partenariat global. J'ai été heureuse de vous entendre dire, monsieur le ministre, que vous étiez attaché à ce sujet, qui ne figure pas, j'insiste sur ce point, dans les autres amendements en discussion.
Je voudrais préciser que la conférence des présidents a décidé hier qu'il y aurait le mercredi 3 mars, dans le cadre de la semaine de contrôle, un débat sur les conclusions du rapport de la mission d'information sur les enfants sans identité.
Tous ces amendements, similaires mais plus ou moins détaillés, sont de grande qualité. Je serai naturellement favorable au mien et plutôt défavorable aux autres. Nous avons travaillé avec le Gouvernement pour faire en sorte que l'article additionnel ne soit ni trop long ni trop court et qu'il reste vraiment centré sur les objectifs principiels et les grandes orientations de cette politique.
Je connais le combat que vous menez, madame Dumont. Néanmoins, je pense que c'est le cadre de partenariat global qu'il faudra compléter, sur ce point, par amendement. Sinon, beaucoup d'autres éléments très importants mériteraient d'être également inclus dans l'article additionnel. Restons aux grands objectifs et à l'alignement sur les grands accords internationaux.
J'ai dit devant votre commission, lorsque j'ai présenté le texte, que je n'étais pas opposé à ce qu'un article additionnel permette de bien cadrer les objectifs, les engagements, la volonté politique qui se trouvent derrière ce projet de loi. Il est vrai que cela manque, et je ne peux que me réjouir que des propositions aient été faites. Je me retrouve dans l'amendement déposé par le rapporteur, auquel je suis favorable car il constitue une bonne synthèse. Je suggère que les autres soient retirés.
J'ai une interrogation spécifique en ce qui concerne l'état civil. C'est une grande question dont je m'occupe très concrètement sur le terrain depuis un certain temps, et je vois bien la difficulté : cela mérite, à mon avis, plus qu'un mot dans cet article additionnel. Je suggère de consacrer à ce sujet un paragraphe complet au sein du cadre de partenariat global afin de décliner non seulement nos orientations mais aussi nos initiatives en la matière. La situation résulte à la fois d'une insuffisance des interventions et, parfois, d'une complicité faite de renoncement. Quand il n'y a pas d'état civil, c'est parfois parce que les moyens sont absents mais cela peut être aussi par manque d'intérêt – ou du fait d'intérêts pervers.
Nous pourrions préciser, dans le cadre d'un paragraphe spécifique ne portant pas seulement sur les droits de l'enfant mais plus généralement sur l'état civil, que nous considérons qu'il est prioritaire d'avoir des partenariats spécifiques en matière, en particulier avec les dix-neuf pays qui ont été évoqués. J'ai déjà conclu des partenariats avec certains États et je vois la difficulté de la mise en œuvre, notamment le manque d'enthousiasme dans certains cas.
Je pense que votre appel a été entendu par tout le monde et j'ajoute que la possibilité de déposer des amendements ne se limite pas au stade de l'examen du texte en commission.
Nous proposons que l'enregistrement et l'aide à l'institution d'états civils fiables constituent un objectif transversal et structurant. On sait très bien que sans ce droit tous les objectifs qui sont très bien déclinés dans l'amendement du rapporteur ne peuvent pas être atteints.
L'un n'empêche pas l'autre : on peut très bien avoir un paragraphe détaillé dans le cadre de partenariat global et une référence dans l'article liminaire, qui définit les principes.
Si la France – je ne parle pas des États qui ne font pas ce qu'il faut – ne fait pas de l'enregistrement des naissances un principe structurant, on ratera la cible : les politiques de développement n'atteindront pas, dans leur grande majorité, ceux qui ne sont pas enregistrés à l'état civil. Je ne comprends pas votre position.
Je tiens à insister sur ce que notre collègue Laurence Dumont vient de dire. Elle a produit un rapport édifiant sur l'ampleur de ce phénomène. On ne peut pas faire comme si le rapport et ses conclusions n'existaient pas quand la loi arrive et comme si nous n'avions pas eu un débat en commission : je n'ai entendu personne, me semble-t-il, contester l'idée qu'il fallait prendre en considération ces enjeux fondamentaux. Je ne comprends donc pas votre réticence. Pouvez-vous éclairer notre assemblée ?
Je vais donner la parole à M. Lecoq puis à Mme Kuric, et j'espère que nous pourrons nous arrêter là : le débat a déjà été très bien posé.
Oui, mais il faut qu'il aboutisse. C'est une annexe du débat que nous avons eu en commission. Lors de la présentation du rapport, l'ensemble de la commission des affaires étrangères a considéré que nous devions en faire un marqueur de toutes les politiques d'aide au développement, de toutes les politiques internationales. Nous en avons l'occasion, dans le cadre de ce projet de loi, mais nous ne le ferions pas ? Ce n'est pas acceptable : ce serait pour nous un renoncement. Il faut que ce soit dans la loi et non dans le texte qui l'accompagne.
Merci de permettre le débat. J'ai déjà parlé de ce sujet lors de mon intervention liminaire, et Laurence Dumont vient d'expliquer très bien de quoi il s'agit. La commission a voté à l'unanimité en faveur des 23 propositions du rapport. Cet amendement est la traduction de l'une d'entre elles.
Nous sommes ravies qu'il y ait un débat en séance publique le 3 mars prochain, mais l'enregistrement des naissances doit être le commencement de notre aide publique au développement : elle ne peut pas démarrer si on n'est pas enregistré à la naissance, on n'aide pas ceux qui n'existent pas. Il est primordial d'inscrire dans la loi ce « marqueur ». Je ne dis pas que le contrat de partenariat global n'est pas important, mais il faut un engagement. Lorsqu'on démarre une stratégie de développement, il faut être en mesure d'identifier l'ensemble des personnes concernées.
Cet amendement très important a donc tout mon soutien.
Je suis très sensible à cette question, et je sais la qualité du rapport de Laurence Dumont et d'Aina Kuric, qui ont notamment travaillé avec l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). Néanmoins, votre amendement ne porte pas sur un objectif principiel mais sur un moyen d'action pour atteindre des objectifs. On pourrait, de même, prévoir que les enfants doivent avoir accès à l'eau dès leur naissance : sans cela, il ne sert à rien de faire de l'aide au développement.
L'objectif de l'article additionnel est de fixer un cadre général. J'observe que votre proposition ne figure pas dans les rédactions issues des ONG ou des collectifs. Cela ne signifie pas que ce n'est pas important : tous ces acteurs se battent sur cette question. Mais c'est un moyen d'atteindre d'autres objectifs.
Par ailleurs, la question de l'état civil est incluse dans le renforcement de l'état de droit et dans la promotion des droits humains. Le droit d'être enregistré à sa naissance est une sous-catégorie importante, voire première, des droits humains et du renforcement de l'état de droits. Je vous invite à retirer cet amendement, afin qu'il soit retravaillé pour faire de ce que vous demandez un objectif transversal au sein du cadre de partenariat global.
Le fait de ne pas être enregistré à l'état civil est une catastrophe pour la vie des personnes concernées, mais cela n'empêche pas de faire de l'aide au développement : on peut apporter de la nourriture ou de l'eau à ces personnes, et on peut faire en sorte qu'elles aient la possibilité d'aller à l'école. Il peut y avoir une politique d'aide au développement même quand des personnes ne sont pas enregistrées. On doit faire en sorte que l'enregistrement soit une action prioritaire de la politique de développement. C'est une question fondamentale pour moi, mais cela n'entre pas dans le cadre de l'article liminaire.
Nous allons passer au vote, même si je comprends très bien l'importance de cet amendement que j'aurais tendance à qualifier d'amendement Gogol, en référence aux Âmes mortes.
J'ajoute que si l'amendement du rapporteur est adopté, les autres tomberont. Vous pourrez vous concerter et déposer d'autres amendements en vue de la séance publique.
Je suis du même avis que le rapporteur. Sur cette question très importante, il faut avoir un descriptif prescriptif. C'est au sein du cadre de partenariat global que nous pourrons le faire.
La commission adopte l'amendement AE336.
En conséquence, les amendements AE15, AE63, AE149, AE468, AE541, AE592, AE608, AE643, AE131, AE585, AE111, AE286 et AE469 tombent.
Article 1er : Objectifs de la politique de développement solidaire et programmation financière
La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AE2 de M. Bertrand Pancher et AE38 de M. Hubert Julien-Lafferière, ainsi que l'amendement AE467 de M. Dominique Potier.
Cette loi de programmation est un peu étrange puisqu'elle ne décline les crédits budgétaires que jusqu'en 2022 et, au final, qu'elle n'est donc pas plus ambitieuse qu'un projet de loi de finances classique.
Le tableau que nous proposons de compléter à l'alinéa 5 permet de prolonger la programmation financière jusqu'en 2025 afin d'atteindre l'objectif de consacrer 0,7 % du revenu brut national (RNB) à l'APD. À cette fin, le scénario de croissance utilisé pour estimer le RNB est celui-là même que le Gouvernement a défini dans la dernière loi de finances, puis, envisage un retour à des niveaux de croissance antérieurs à la crise pour les années 2023, 2024 et 2025. Nous formulons donc des objectifs très précis d'évolution des crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement ».
Il est vrai que la situation est un peu cocasse. Nous ne sommes pas dans le même cas de figure que celui d'une loi de programmation militaire, monsieur le ministre, et cette loi n'est pas plus ambitieuse qu'un chapitre d'une loi de finances.
Si le RNB diminue, il importe d'autant plus de disposer d'une programmation financière en valeur absolue et pas seulement en pourcentage afin de respecter l'objectif pour 2022 et celui qui avait été pris en 1970 devant l'assemblée générale des Nations unies. Certes, un objectif financier n'est pas l'alpha et l'oméga mais le respect de celui de 0,7 %, que la France se doit de tenir, ne nous interdit pas d'être intelligents en tenant compte des priorités sectorielles et géographiques.
Nous proposons également qu'à partir de 2023 50 % de l'APD relèvent de la mission budgétaire « Aide publique au développement » et du Fonds de solidarité pour le développement (FSD), certains types d'aides, dont les frais d'écolage par exemple, ne bénéficiant pas aux populations des pays en voie de développement.
Nous en sommes tous d'accord : l'APD n'est pas qu'une question de volume mais de qualité et de cohérence. Néanmoins, le respect de celui qui a été fixé nous hisserait à la hauteur de nos promesses et de l'action menée par certains pays. Je le dis clairement au nom du groupe Socialistes et apparentés : cette promesse n'a pas été tenue et il est urgent de la tenir. C'est donc avec humilité mais, aussi, avec conviction que nous défendons une programmation étendue jusqu'en 2025. Les acteurs de terrain doivent pouvoir se projeter : l'initiative « Une seule santé », les politiques de lutte contre la corruption ou de renforcement de l'État de droit s'inscrivent dans le temps et doivent bénéficier de moyens stables et programmés.
Je suis plutôt favorable à l'idée de fixer un objectif général mais vous savez fort bien que des échéances électorales se produiront en 2022. Tels qu'ils sont rédigés, ces amendements engageraient le prochain Gouvernement, or, imaginons que, demain, les amis de M. Lecoq arrivent au pouvoir : peut-être ne souhaiteront-ils pas utiliser les crédits de la mission « APD » tels quels, même s'ils souhaitent que l'APD atteigne les 0,7 % !
De plus, lors de ces quinze dernières années, une focalisation unique sur cet objectif quantitatif nous a fait perdre de vue l'objectif qualitatif. L'Angleterre est d'ailleurs revenue sur sa politique. Depuis 2017, nous avons ainsi quant à nous choisi d'augmenter la part de dons, de redéfinir les pays prioritaires et les parts consacrées à l'éducation et à la santé. Nous avons besoin de flexibilité.
Avis défavorable.
J'ajoute que la loi inscrit le principe d'une révision en 2022 et de rapports annuels d'adaptation car nous ne pouvons pas exciper de ce que sera l'évolution économique et budgétaire de la France en sortie de crise. Il est bon de s'en tenir au texte tel qu'il est.
Je remercie M. Berville, pour qui l'arrivée au pouvoir des communistes est crédible, étant entendu que nous formerions une coalition tant les situations hégémoniques peuvent être délétères pour la démocratie.
Les exécutifs changent, en effet, mais parfois, les ministres demeurent, comme M. Le Drian. Peut-être même, si sa pensée évolue, pourra-t-il être membre de notre Gouvernement ! Pour avoir défendu des lois de programmation militaire, il sait très bien qu'il est possible de programmer et… de réviser. Les objectifs fixés dans la loi pourraient en l'occurrence être fort bien révisés en 2022 par un nouvel exécutif. Affirmons donc les ambitions qui sont les nôtres dans cette loi de programmation !
La majorité donne des verges pour se faire battre : une loi de programmation votée en fin de mandat n'engagerait que la majorité actuelle mais nous nous battons depuis longtemps pour que les objectifs définis soient atteints, or, tel ne sera pas le cas.
Ce serait faire preuve de bon sens et de respect à l'endroit de nos accords internationaux que de lister clairement les objectifs et de rééquilibrer les masses financières en direction de l'APD. Si les majorités successives avaient été fidèles à l'objectif des Nations unies formulé en 1970, ce sont environ 200 milliards supplémentaires qui auraient été dévolus aux politiques d'aide au développement !
Il est vrai qu'une majorité peut défaire ce qu'une majorité précédente a fait mais ce serait l'honneur de tous les groupes politiques de soutenir un amendement de ce type.
J'abonde dans le sens de mon collègue communiste, avec lequel j'espère nous pourrons bientôt, avec d'autres, gouverner !
Par définition, l'aide publique au développement vise à promouvoir des projets qui s'inscrivent dans la durée. Ne pas être capables d'engager la parole de la France au-delà d'une année est contraire à cet esprit même. Il est donc paradoxal de ne pas s'engager, y compris sur une valeur absolue, qui plus est lorsque les difficultés ne manqueront certes pas pour la France mais, surtout, pour les pays censés être soutenus. En pleine pandémie, nous nous devons de leur apporter un certain nombre de garanties.
Je remercie M. Lecoq pour son offre de service, car telle est la définition latine du minister. Dans les fonctions exécutives que j'ai occupées, j'ai toujours compté des membres du Parti communiste au sein de mes majorités. J'ai donc un peu d'expérience, et j'ai versé des arrhes.
Ne nous trompons pas de débat : depuis 2017, nous tenons nos engagements. Nous avons augmenté l'aide publique au développement, comme nous l'avions promis, dans le domaine de l'éducation. Notre contribution au Partenariat mondial pour l'éducation est ainsi passée de 17 à 200 millions ; celle au Fonds mondial de lutte contre le sida a augmenté de 20 % et, surtout, l'objectif de consacrer 0,55 % du RNB à l'APD sera atteint l'année prochaine. Après ce que l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) appelle « une décennie perdue », ayons l'honnêteté de reconnaître que c'est ce Gouvernement qui, en Europe, a augmenté l'aide au développement comme jamais ! La mission « APD » passe de 2,7 à 5,6 milliards. C'est celle qui augmente le plus ! En outre, nos partenaires savent fort bien qu'en 2022, les choix qui seront faits ne correspondront pas forcément aux nôtres. Nous faisons simplement preuve de réalisme.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle examine l'amendement AE133 de M. Jean-Paul Lecoq.
Savez-vous, monsieur le rapporteur, que la loi de programmation militaire s'étend de 2019 à 2025 ? Savez-vous que de lourds investissements ont été engagés, y compris pour moderniser la bombe atomique ? En cas de changement de majorité en 2022, pensez-vous que les 14,5 millions dépensés chaque jour à cette fin seront immédiatement asséchés ? Il est vrai que si c'est nous qui sommes aux affaires, ce n'est pas exclu, car nous pensons que cet argent pourrait être utilisé autrement.
Cet amendement dispose donc que la programmation financière porte sur les années 2020 à 2025, une révision pouvant avoir lieu en 2022, faute de quoi cette loi se réduira à une portion de PLF pour 2022.
Les derniers propos de M. le rapporteur m'incitent à poser la question : que faisons-nous ici aujourd'hui ?
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AE204 de Mme Bérengère Poletti.
Il a été cosigné par l'ensemble des membres du groupe Les Républicains de cette commission.
Première curiosité : cette programmation est censée s'étendre de 2020 à 2025, or, la programmation financière, elle, n'est prévue que pour la période 2020-2022.
Seconde curiosité : l'année 2020 est déjà exécutée et l'exécution de 2021 est en cours. Plus de la moitié de la programmation concerne donc une période qui ne couvre pas l'actuel quinquennat. Il est essentiel que le Parlement soit à nouveau consulté sur la suite qui lui sera donnée et sur les moyens qui seront consacrés à cette politique de 2022 à 2025.
Il faudrait vraiment vérifier, monsieur le rapporteur, si tous vos engagements ont été respectés. De notre point de vue, nous sommes très loin du compte. « L'avenir dure longtemps », dit-on, mais nous aimerions en savoir un peu plus sur l'avenir de cette loi ! Un vote du Parlement s'imposera donc en 2022.
Votre amendement, pour une part, va dans le sens de ce que je viens de dire, la loi prévoyant de surcroît une clause de revoyure.
J'ajoute que la révision de la programmation doit être opérée en amont du vote du Parlement et que votre amendement pèche d'un point de vue rédactionnel.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AE 136 de M. Jean-Paul Lecoq.
Cet amendement vise à intégrer la totalité du cadre de partenariat global (CPG) dans la loi.
Lors des auditions, de nombreuses voix se sont élevées pour demander qu'un article 1er récapitule les grands objectifs de la loi, comme tel était le cas dans la précédente loi relative à l'aide publique au développement. Le cadre de partenariat global, a-t-on répondu, vise à remédier à ce manque, et il est bien plus précis que ne l'aurait été l'ajout d'un certain nombre de principes dans un article 1er.
Je vous propose que cet article 1er accueille le CPG afin de pouvoir dérouler ensuite les mesures budgétaires au regard des objectifs. Les députés communistes vous proposent donc un compromis, ce qui supposera d'affiner la rédaction du CPG en séance publique.
Ce cadre de partenariat global ne doit pas se réduire en effet à une simple déclaration d'intention. Sa non-intégration dans le corps de la loi correspond à une recommandation du Conseil d'État : la clarté de la loi suppose d'en détacher le versant stratégique et de le placer en annexe, tout en faisant en sorte que son approbation formelle figure à un alinéa d'un article du texte.
Outre que je ne suis pas certain de la pertinence juridique du mot « intégré », je considère que votre amendement est satisfait puisque, s'il n'est pas normatif, le CPG a néanmoins une valeur juridique.
Avis défavorable.
Le CPG est-il ou non opposable ? Un certain nombre d'acteurs, suite au vote de cette loi, investiront dans des actions et doivent être d'une certaine façon protégés.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, le CPG est d'autant plus prescriptif et opposable qu'il fait partie de la loi.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AE132 de Mme Clémentine Autain.
Les objectifs de la politique relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ne sont pas mentionnés dans le projet de loi mais seulement énoncés dans le cadre de partenariat global annexé qui, en l'état, n'a pas de valeur normative, comme l'a précisé le ministre des affaires étrangères lors de l'audition du 2 février dernier devant la commission.
Comme l'ont rappelé les ONG concernées, les objectifs encadrant l'aide française au développement ne peuvent être laissés, de fait, à l'appréciation des opérateurs. Ils doivent être fixés par la représentation nationale.
Cet amendement vise à graver dans le marbre de la loi un certain nombre d'objectifs précis.
Il est si vrai que le CPG a une valeur juridique opposable que nous l'avons nous-mêmes amendé.
La loi doit être claire, comme l'a rappelé le Conseil d'État. Nous avons d'ailleurs prévu un régime « ceinture, bretelles » et même « casque » avec l'alinéa 2 de cet article disposant que le CPG annexé à cette loi est approuvé.
Avis défavorable.
Je rappelle que, selon le Conseil d'État, les documents annexés à une loi, même lorsqu'ils ont été approuvés par le Parlement ou prévus par une loi organique, n'ont pas de valeur normative. Ils se réduisent à de plus ou moins bonnes intentions.
Je répète que l'absence de valeur normative n'induit pas une absence de valeur juridique. Demain, une ONG jugeant qu'un certain nombre d'objectifs n'a pas été atteint pourra aller devant un tribunal. En revanche, un Gouvernement ne sera pas immédiatement mis à l'amende et un ministre emprisonné ! Le Conseil d'État est très clair.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AE135 de M. Jean-Paul Lecoq.
Je considère qu'il a été défendu et qu'il vise à donner une deuxième chance au rapporteur et au ministre d'intégrer le CPG dans la loi.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
La commission examine l'amendement AE137 de M. Jean-Paul Lecoq.
Je propose de remplacer la référence à 0,55 % du revenu national brut par la somme de 15 milliards d'euros, soit 0,55 % du RNB de 2019.
Le débat autour de la définition d'un objectif en valeur relative ou en valeur absolue a été présent dans toutes les prises de paroles et toutes les auditions du rapporteur. La question est d'autant plus sensible que nous examinons ce texte alors que le revenu de l'économie française s'est contracté de 8,3 % cette année en raison de la pandémie.
J'avais déclaré en 2017 au sein de cette commission qu'un chiffre relatif ne vaut que par son dénominateur. Lorsque le revenu national diminue, le montant de tous les objectifs en valeur relative baisse. Nous allons donc atteindre 0,7 % du RNB en 2022 sans avoir fait d'effort budgétaire conséquent, par le seul effet de la récession économique.
Imposer le respect d'un pourcentage de la richesse nationale brute ne fait qu'accompagner les périodes de croissance et de récession. En politique économique et budgétaire, il faut relancer en période de récession au lieu d'accompagner la contraction de l'économie d'une réduction du budget national. Ainsi, les années 2020-2021 auront mis à mal toutes les doctrines qui fixent des cibles en pourcentage. Ce n'est pas un mal, il est bien plus concret de raisonner en valeur absolue.
Il faut sanctuariser le volume de l'aide publique au développement. Elle est utilisée par des gens qui investissent et se projettent, et il ne leur est pas possible de s'appuyer sur un chiffre qui peut varier à la baisse.
Avis défavorable, mais je suis content de voir que nos points de vue se rejoignent, monsieur Lecoq. Je dis depuis trois ans que cet indicateur est inadapté, vous venez d'en faire la démonstration parfaite.
Vous dites que l'effort budgétaire en faveur de l'aide publique au développement n'est pas conséquent, rappelons qu'il est inédit au cours des quinze dernières années, et inégalé dans l'espace européen. Certes, il n'est pas suffisant pour atteindre tous nos objectifs, mais passer de 2,9 milliards d'euros à 5,6 milliards représente un effort inédit, particulièrement dans le contexte économique que nous connaissons. Nous pouvons au moins convenir de cela.
Il ne faut pas faire de cet objectif de 0,7 % un totem. Le fait qu'il soit possible de l'atteindre parce que le RNB diminue prouve l'inadaptation du modèle. Mais la référence en valeur absolue que vous proposez peut aussi se révéler inadaptée. Il est possible que dans quatre ans, grâce à l'arrivée des communistes au pouvoir, le produit intérieur brut explose. Dans ce cas, un objectif exprimé en valeur absolue serait moins élevé qu'un pourcentage.
Les outils quantitatifs ne répondent pas aux souhaits des citoyens des pays du Sud. Ils veulent des transformations qui améliorent leurs conditions de vie. Notre débat devrait porter sur des indicateurs tels que le recul de la mortalité infantile, l'augmentation de la superficie des aires marines protégées, le ralentissement de la déforestation. Ce sont des indicateurs concrets, qui se traduisent dans la vie des gens et en disent plus sur la qualité de notre action qu'un objectif chiffré.
Passons sur le fait qu'au sein des 0,7 %, on regroupe des choux et des carottes. Il faut un énorme travail pour définir ce qui doit y figurer.
Ce projet de loi va permettre de sortir de cette logique quantitative pour nous concentrer sur la transformation de la vie des gens.
Le rapporteur a bien développé notre point de vue sur le sujet. Nous pouvons jouer sur les pourcentages et les montants, ce qui m'importe, c'est la trajectoire et elle figure dans le texte. Les pourcentages varient en fonction du revenu national brut et sous l'effet de certaines décisions. Ainsi l'allégement des dettes peut faire monter ce pourcentage à un niveau très élevé, sans pour autant se traduire de façon tangible. Nous souhaitons que les montants affectés correspondent à une réalité tangible, et c'est bien ce qui est prévu dans le projet de loi.
Il en va de même de l'objectif de 0,7 %. Nous pourrions considérer qu'il est atteint par l'effet cumulé de la baisse du revenu national brut et de l'annulation de la dette soudanaise. Ce raisonnement ne me satisfait pas : nous focaliser sur l'objectif de 0,7 % n'est pas un bon indicateur.
M. Julien-Laferrière a cité la Grande-Bretagne. Nos amis britanniques ont considéré que par l'effet de la baisse du revenu national brut, l'objectif de 0,7 % était atteint, et ils ont donc réduit le budget de l'aide publique au développement de 2 milliards de livres. Ce n'est pas ce que je souhaite, et c'est pourquoi nous ne devons pas être hypnotisés par les indicateurs.
Il me semble en vous écoutant que vous êtes d'accord sur le diagnostic, mais vous n'en tirez pas les mêmes conclusions sur le vote.
Il ne faut définir une trajectoire financière en se référant à des chiffres en valeur absolue. L'évolution de la conjoncture économique affecte les ressources publiques, il est normal de tenir compte de cette incertitude pour décider des moyens alloués aux différentes politiques publiques. Ce n'est pas le volume de l'investissement qui importe, il ne faut pas investir n'importe comment.
Je n'appelle pas à rogner sur un poste budgétaire, et certainement pas celui de l'aide publique au développement, mais il nous faut tenir compte du contexte et des fonds à notre disposition. Cette approche stratégique correspond vraiment à la vocation d'une loi de programmation : fixer une trajectoire sans se défaire de toute souplesse qui pourrait être nécessaire si le contexte venait à changer.
Nous sommes opposés à cet amendement, même s'il traduit une convergence avec l'approche du rapporteur.
Je n'ai pas compris toutes les réponses du rapporteur et du ministre.
Nous débattrons de l'objectif de 0,7 %, mais l'amendement de M. Lecoq porte sur un engagement pris en début de mandat, défini en valeur absolue. Je me souviens de nombreux débats, notamment en commission des finances, et les prévisions en début de mandat établissaient que 0,55 % du revenu national en 2022 correspondait à 15 milliards d'euros. Il manque donc 900 millions. Alors que la crise du covid accroît les inégalités mondiales, je ne comprends pas que ce chiffre ne soit pas atteint alors que la volonté de respecter les engagements de début de mandat est affichée.
Le débat ne porte pas sur l'objectif de 0,7 %, mais sur le respect d'un engagement pris en début de mandat : consacrer à l'aide publique au développement 0,55 % du RNB constaté avant la crise du covid. Tout le monde était d'accord, y compris la majorité, pour raisonner en valeur absolue pour respecter l'engagement du Président de la République.
Je suis un peu étonné des propos du rapporteur, il risque d'avoir des problèmes avec le Président de la République qu'il soutient. Je conçois que l'objectif de 0,55 % du RNB ne soit pas un totem, mais c'est la forme que le Président de la République a choisie pour exprimer son engagement.
Bien entendu, on peut jouer sur les pourcentages et les montants. La réponse du ministre a d'ailleurs été extrêmement claire sur la dette soudanaise, et je l'en remercie. C'est la trajectoire financière qui compte, mais ce sont aussi les sommes que nous voulons consacrer à l'aide au développement. C'est la raison pour laquelle nous regrettons que cette loi de programmation s'achève en 2022 et que nous ne sachions pas ce qu'il adviendra après.
Je suis donc assez surpris de cette mise en cause du pourcentage, donc de l'engagement du Président de la République, de la part du rapporteur.
L'objectif de 0,7 % a été défini par l'ONU, à une époque ou dans les pires années, la croissance était de zéro, et les pays riches s'enrichissaient toujours plus. Aujourd'hui, la crise que nous connaissons affecte tout le monde, et la France doit faire un effort de solidarité.
Je suis d'accord avec le ministre, et je me réjouis de sa décision de ne pas prendre en compte l'effacement de la dette soudanaise, mais je ne retrouve pas ses paroles dans le texte de ce projet de loi. La trajectoire financière s'arrête en 2022, je n'arrive pas à voir ce qui arrivera en 2025. J'essaie de proposer des amendements qui permettent à tous les acteurs de se projeter et de préparer des projets.
Si vous rejetez cet amendement, proposez une alternative qui donne une lisibilité à tous. Pour l'instant, on ne la trouve pas dans le texte.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AE138 de M. Jean-Paul Lecoq.
Nous proposons de consacrer 18 milliards d'euros d'ici 2025 à l'objectif fixé par la résolution 2626 de l'Assemblée générale des Nations Unies : que chaque pays riche consacre 0,7 % de son RNB à l'aide au développement.
Un rapport d'Oxfam démontre que le manque à gagner pour l'aide publique au développement s'élève à 500 milliards sur cinquante ans. La France part de très loin, et il n'est pas normal de considérer qu'en raison du faible nombre de pays atteignant cet objectif, il n'est pas dramatique que la France ne le fasse pas. Il me paraît très important d'y parvenir.
L'objectif principal fixé dans la loi doit être défini en fonction des variations du RNB, avec une clause de revoyure. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AE542 de Mme Frédérique Dumas.
Je souhaite fixer l'échéance de 2025 à l'objectif de 0,7 %. Je suis surprise qu'il soit remis en cause par le rapporteur et le ministre, puisque c'est le Gouvernement qui le mentionne à l'alinéa 3, certes pour en repousser l'échéance.
Ce matin, Barbara Pompili expliquait à propos de la loi Climat qu'il était important de poser des jalons pour respecter une trajectoire. Cette remarque devrait s'appliquer à notre projet de loi et nous inciter à fixer l'échéance de 2025, s'agissant d'une promesse que nous faisons depuis très longtemps.
On ne cesse de dire que nous sommes meilleurs que tous les autres pays européens, sur ce sujet comme d'autres, mais certains pays atteignent déjà cet objectif de 0,7 %, notamment les Pays-Bas, qui ont souvent été vilipendés pendant les discussions sur le plan de relance européen. Nous ne sommes pas les meilleurs en Europe, d'autres pays ont atteint cet objectif et n'ont pas besoin de faire les efforts supplémentaires dont nous sommes incapables.
Ce n'est pas parce que nous nous fixons un objectif que nous devons nous interdire d'y réfléchir et de nous interroger sur sa pertinence. C'est en effet un étalon international historique, mais j'ai eu la chance de travailler sur ces questions au Mozambique et au Kenya, et j'ai pu constater les effets pervers de la course à la dépense simplement pour atteindre des objectifs.
Certains pays atteignent cet objectif de 0,7 %, mais il est possible de le faire uniquement avec des prêts, sans faire de dons ni financer l'éducation ou la santé. Il est possible d'atteindre 0,7 % d'aide au développement uniquement en faisant de l'appui au secteur privé. Je ne crois pas que ce soit notre volonté.
Le Président de la République a exprimé notre objectif par un pourcentage car c'est l'étalon international qui permet à chacun de mesurer son effort, mais nous savons qu'il est inadapté et imparfait. D'ailleurs, les pays concernés s'interrogent également : certains s'achètent une bonne conscience en dépensant des sommes sans se préoccuper de la qualité des actions qu'elles financent. Cette question est très légitime.
Nous ne prétendons pas être les meilleurs, mais c'est un fait : par rapport à la décennie précédente et en regard des autres pays de l'Union européenne, dont l'aide est en recul, le montant que nous consacrons à l'aide augmente. Et l'effort réalisé depuis 2017 est inédit, c'est incontestable. Sachons reconnaître les bons points quand il y en a.
Je suis plutôt favorable à votre amendement, dans le sens où il faut nous fixer cet objectif, mais le ministre va revenir sur les différentes considérations à prendre en compte.
Madame Dumas, votre amendement est satisfait : nous avons déjà atteint 0,7 % du revenu national brut. Regardez le tableau de la page 52 du projet de loi, vous pouvez y lire qu'en 2021, la part de l'aide publique au développement dans le revenu national brut est de 0,69 %. En prenant en compte les nouveaux allègements de dette que nous allons accorder à des pays africains, nous allons dépasser 0,7 %.
Je ne remets pas en cause cet objectif, mais il ne faut pas s'y attacher de façon trop rigide. Je suis d'accord avec M. Lecoq : il s'agit d'une référence, depuis 1970, mais elle ne suffit pas à quantifier l'ampleur de l'aide publique au développement. Sinon, je pourrais faire constater que l'objectif fixé par le Président de la République est déjà atteint, mais ça ne serait pas sérieux. Si nous sommes tous de bonne foi, il faut affiner cet objectif, car il comporte des risques : lorsqu'ils ont atteint 0,7 % du revenu national, les Britanniques ont supprimé les crédits au motif qu'ils considéraient avoir rempli leurs engagements. Et personne ne les critique.
La simplification peut parfois aboutir à la caricature, c'est pourquoi je suis réservé sur tous les amendements qui imposent d'atteindre cet objectif en 2025. Formellement, il est déjà atteint en 2021. Une majorité communiste nouvellement élue pourrait décider de le porter à 0,9 %, mais d'autres majorités pourraient considérer que le ratio de 0,7 % étant atteint, il est possible de réduire l'aide au développement. Je connais des acteurs qui seraient facilement amenés à faire ce raisonnement. Je suis donc défavorable à tous les amendements qui portent sur l'objectif de 0,7 %, car ce n'est pas la bonne approche, et je suis prêt à trouver une meilleure rédaction.
Il ressort de nos débats que ce pourcentage de 0,7 % est une valeur sacrée. La caractéristique d'une valeur sacrée est de ne pas être claire. Notre commission devra se pencher sur la nature exacte de cet engagement, sur la façon dont il est observé par la communauté internationale. Il faut sortir de ce maquis, car ce chiffre recouvre des réalités extrêmement différentes.
Effectivement, cette valeur de 0,7 % peut signifier tout et n'importe quoi.
Monsieur le ministre, vous appartenez à ce Gouvernement depuis plus de quatre ans. Vous venez présenter une loi de programmation, qui fixe des objectifs. L'alinéa 3 mentionne expressément cet objectif, pour signaler que son échéance est reportée. Si cet objectif est déjà atteint, il est étonnant de le reporter dans ce projet de loi.
Je suis prête à retirer mon amendement si vous modifiez le projet en profondeur. Si vous jugez que votre propre projet de loi dit un peu n'importe quoi, parce que vous n'avez pas fait l'effort de travailler sur de meilleurs indicateurs quatre ans après le début de la mandature, il y a un énorme problème !
C'est vous qui écrivez dans le projet de loi que la France a l'objectif de porter ultérieurement la part de son revenu national brut consacrée à l'aide publique au développement à 0,7 %, nous ne faisons qu'amender cet alinéa. Je retirerai cet amendement si vous présentez en séance une proposition intéressante de modification profonde de ces indicateurs.
Arrêtons de nous cacher derrière notre petit doigt, le ministre vient d'évoquer la possibilité de trouver une autre rédaction. On ne peut pas dire qu'il s'agit d'une loi de programmation, mais qu'elle s'arrête en 2022 ; que nous consacrons déjà 0,7 % du revenu national brut à l'aide publique au développement, mais que nous nous fixons l'objectif d'y parvenir ultérieurement ; et que ces indicateurs ne doivent pas être des totems. On n'y comprend plus rien ! Et le rapporteur vient nous dire que les pourcentages ne sont pas importants !
Il faut que de manière tranquille, calme et si possible unanime, nous arrivions à sortir du problème. Indépendamment des sensibilités des uns et des autres, nous comprenons bien que le 0,7 % n'est pas un totem, que le contenu des actions compte aussi. Mais si cette valeur a été retenue par les Nations unies en 1970, ce n'est pas par hasard.
Nous sommes au début de nos débats, il faut apporter de la clarté sur un dispositif essentiel.
Le chiffre de 0,7 % n'est pas fixé par la loi française, c'est un objectif de l'OCDE. Et nous aurons du mal à faire changer l'OCDE avant l'examen de ce texte en séance…
J'ai déposé l'amendement AE288, qui fixe à 2030 l'échéance pour atteindre 0,7 %, mais je vais le retirer car je suis convaincu par les propos du ministre. Fixer cet horizon n'a aucun sens si l'objectif est déjà atteint.
Depuis cinquante ans, nous sommes lassés d'entendre que la France ne tient pas ses engagements. Mais si l'objectif est atteint en raison de l'effondrement de l'économie, ça n'a pas de sens. Je suis absolument d'accord avec notre collègue Herbillon, il faut trouver une rédaction qui satisfasse la majorité de notre commission.
Les choses sont claires, monsieur Herbillon. Il y a différents niveaux de lecture, je considère que l'objectif de 0,7 % n'est pas l'alpha et l'oméga de notre politique de développement, et que nous devons trouver de meilleurs indicateurs. Mais la société civile et les ONG estiment nécessaire de disposer d'un chiffre pour établir des comparaisons internationales, et je les entends.
Madame Frédérique Dumas, une trajectoire est définie pour atteindre cet objectif, et le Président de la République a fixé un jalon à 0,55 %. Mais si nous envisageons de changer les méthodes à l'occasion de ce projet de loi, c'est bien parce que la situation actuelle ne nous convient pas.
Mais nous n'avons pas la possibilité de changer cet objectif, les discussions se tiennent au sein de l'OCDE et durent pendant des mois, voire des années. Il a fallu quatre ans pour changer la qualification des subventions en prêts.
En tant que législateur, nous nous posons des questions. Nous nous référons à ce pourcentage qui est important pour les organisations de la société civile, mais elles connaissent ma réticence à son sujet. Mon rôle est aussi de les écouter, et nous reprenons ce chiffre dans le projet de loi car il est important que le ministère des affaires étrangères puisse expliquer devant l'Union européenne ou l'ONU comment nous nous situons par rapport à cet objectif.
Je reconnais sa portée symbolique, mais décider de l'atteindre ne permet pas de déterminer ce que nous ferons ensuite. Nous devons débattre de toutes ces questions. Je demande donc à Mme Dumas le retrait de son amendement, j'ai déposé un amendement pour reconnaître la valeur symbolique de cet objectif. À défaut, avis défavorable.
L'objectif de 0,7 % reste important, la meilleure preuve en est que dans les prévisions, ce ratio descend après 2022. C'est une mesure de l'effort, un référentiel qui permet de nous comparer, et une référence historique. Je suis favorable à son maintien.
Mais il ne faut pas se fonder sur ce 0,7 % de manière fétichiste, il cache parfois des loups. Le projet de loi est rédigé ainsi car dans l'évolution de la situation économique et sanitaire est incertaine, et il est important de conserver les deux paramètres d'évaluation. Nous ne renions pas l'objectif de 0,7 %, il permet d'établir où nous en sommes, et de constater que lorsque les Britanniques atteignent cette valeur, ils réduisent leur aide, et pas nous. Il faut trouver une bonne formule.
Ce chiffre de 0,7 % est une référence historique sacrée et multilatérale qu'il est difficile de remettre en cause. Le Gouvernement nous explique qu'il la respecte, mais chacun en perçoit les limites. C'est pourquoi il serait intéressant que notre commission mène le nécessaire travail intellectuel de clarification des engagements respectifs. Il faut dépoussiérer et analyser ce très important objectif et proposer dans le débat international une solution nouvelle. Il nous faut travailler dans cette direction.
Je remercie le ministre, nous sommes tombés d'accord sur le fait qu'il s'agit d'un référent, mais qu'il n'est pas suffisant. Je remercie également le président de proposer ce travail de fond. Je ne retire pas mon amendement, puisque le rapporteur a expliqué qu'il y était favorable, dans une certaine mesure.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AE260 de Mme Marion Lenne.
Je souscris pleinement à l'inscription dans le texte de l'engagement du Président de la République de consacrer 0,55 % de notre revenu national brut à l'aide publique au développement en 2022. Mais il me paraît contre-productif d'ajouter que l'objectif de 0,7 % est reporté ultérieurement. Nous le reportons déjà depuis un demi-siècle, ce qui n'a échappé à personne dans le monde. Et s'il est déjà atteint, cette précision est inutile.
Par ailleurs, l'aide publique au développement est un outil de rayonnement de la France, il est bon de tenir nos engagements dans ce domaine.
J'ai déposé un autre amendement – AE685 – qui affirme l'objectif de la France de consacrer 0,7 % du RNB à l'aide au développement au plus tard en 2025, dans le respect des engagements pris dans le cadre du programme d'action d'Addis-Abeba. Ce programme d'action me semble plus en phase avec le monde contemporain que l'engagement pris à l'Assemblée générale des Nations unies en 1970, il me semble utile d'y faire référence dans le texte.
Je connais, madame Lenne, votre implication sur tous ces sujets, et je vous rejoins quant à la nécessité de mettre en cohérence les actes et les discours. Je vous suggère de retirer votre amendement au profit de celui que je présenterai dans quelques instants et qui poursuit la même ambition. À défaut, avis défavorable.
Je me suis déjà exprimé à ce sujet. Même avis que le rapporteur.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine, en discussion commune, les amendements AE205 de Mme Bérengère Poletti et AE338 du rapporteur.
Nous souhaitons rappeler l'objectif de 0,7 %, qui correspond à l'engagement pris par la France à la tribune de l'ONU en 1970 ; même si nous avons parfaitement conscience des difficultés à l'atteindre, en ces temps de contrainte budgétaire et de crise majeure, nous considérons cet objectif comme un marqueur, y compris symbolique, de la volonté de notre pays de ne pas renoncer à aider les pays les plus pauvres. Il nous semble important de nous donner de la visibilité en la matière : c'est pourquoi l'amendement AE205 vise à substituer au mot « ultérieurement » les mots « à horizon 2025 ».
Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir proposé que notre commission mène un travail complémentaire sur cet objectif de 0,7 %. Je suis sûr que nous aurons l'occasion d'y revenir en séance publique et que nous pourrons alors entrer dans le détail du sujet. Je reconnais le caractère symbolique de cet objectif, qui ressort des nombreuses auditions que nous avons menées, et l'utilité de cet indicateur en matière de comparaisons internationales. L'amendement AE338 est presque identique à celui que vient de défendre Mme Boëlle ; il vise à réaffirmer que la France tient son engagement. Il conviendra également de travailler à la construction d'indicateurs permettant de mesurer l'impact de notre aide publique au développement sur des aspects autres que quantitatifs tels que l'amélioration de la condition de vie des personnes ou la transformation des politiques publiques.
Je vous demanderai de jouer ce que Molière appellerait le rôle de Maître Jacques : quel est votre avis de rapporteur sur ces deux amendements ?
Eu égard aux discussions que nous venons d'avoir et à nos échanges avec le Gouvernement, je considère que le chemin n'est plus très long mais qu'il reste encore quelques petites étapes à franchir. Il y a là une sorte de schizophrénie, dont je vous prie de bien vouloir m'excuser, mais en tant que rapporteur, je demande le retrait des deux amendements afin qu'ils soient retravaillés en vue de la séance publique.
Je suis tenté de le faire, monsieur le président. Mais votre proposition de mener un travail complémentaire sur ce sujet me paraît tout à fait opportune ; en séance publique, chacun pourra alors se prononcer en toute connaissance de cause, sans aucune ambiguïté.
Je n'ai pas bien compris le sens de votre intervention, monsieur le rapporteur. Retirez-vous votre amendement ?
Je n'ai pas très bien compris non plus votre avis sur l'amendement AE260 de Mme Lenne, qui visait simplement à supprimer le mot « ultérieurement ». Honnêtement, cela ne changeait rien ; dès lors, pourquoi avoir émis un avis défavorable ?
J'ai été très clair : j'ai dit que je retirais mon amendement. J'ai même souligné la schizophrénie inhérente à la fonction de rapporteur dans une telle situation ! Ce retrait se justifie par les discussions que nous venons d'avoir et par la proposition du président de notre commission de mener un travail spécifique sur ce sujet, en lien avec le Gouvernement. Tout cela m'amène à penser que nous pourrons aboutir à une meilleure rédaction d'ici à la séance publique.
J'ai bien compris, monsieur le rapporteur, que vous retiriez votre amendement AE338. Mais quel est votre avis sur l'amendement AE205 ? En demandez-vous le retrait ? À défaut, y serez-vous défavorable ?
Le ministre et le rapporteur ont dit qu'il fallait rédiger autrement l'alinéa 3. Quand et comment allons-nous travailler à cette nouvelle rédaction qui pourrait faire consensus ? Nous devons nous y atteler avant la séance publique ! En attendant, nous maintenons l'amendement AE205.
Il va de soi que cette rédaction consensuelle de l'alinéa 3 sera recherchée avant la séance publique.
Il ne s'agit pas d'un débat de fond, mais d'un débat rédactionnel. Peut-être devrions-nous examiner dès à présent les amendements suivants, qui proposent des formulations très voisines, afin de réfléchir sans plus attendre à une rédaction qui satisferait l'ensemble des membres de notre commission.
C'est au rapporteur qu'il appartiendra de nous dire, le moment venu, ce qu'il en est. La procédure doit être respectée : les amendements suivants, qui feront également l'objet d'une discussion commune, sont un peu différents de ceux que nous venons d'examiner.
L'amendement AE338 est retiré.
La commission rejette l'amendement AE205.
Permettez-moi de vous faire remarquer, monsieur le président, que la situation est pour le moins curieuse : la majorité vient de voter contre un amendement du groupe Les Républicains, alors qu'il était quasiment identique à celui que le rapporteur a décidé de retirer.
La commission examine, en discussion commune, les amendements AE1 de M. Bertrand Pancher, AE508 de M. Hubert Julien-Laferrière et AE685 de Mme Marion Lenne, M. M'jid El Guerrab ayant retiré son amendement AE288.
J'ai bien compris que nous serions amenés à rediscuter de la rédaction de l'alinéa 3. Personne n'est favorable à ce que nous cassions le compteur de vitesse, mais il est important que nous tenions notre objectif. Notre trajectoire actuelle suscite des controverses avec les grandes organisations avec lesquelles nous travaillons, que ce soit sur la remise de la dette du Soudan, dont il n'est pas certain qu'elle ait vraiment contribué au développement de ce pays, sur les aides directes, notamment dans le cadre sur notre politique migratoire, ou encore sur la base utilisée pour calculer le taux de 0,7 %, alors que notre RNB évolue. Pour notre part, nous sommes favorables à un maintien du rythme actuel : c'est pourquoi l'amendement AE1 prévoit que l'objectif de 0,7 % sera atteint « d'ici 2025 ».
Le débat autour de cet objectif de 0,7 % est très intéressant. Se fixer un objectif financier ne nous interdit pas d'être intelligents et d'améliorer notre politique de développement. Il est vrai que nous avons atteint le taux de 0,7 % du fait de la baisse de notre RNB. Cependant, nous espérons et prévoyons un rattrapage de ce RNB : dans un an ou deux, nous redescendrons donc sous la barre de 0,7 %. Il serait bon pour l'image de la France, qui occupe une place singulière sur la scène internationale, en particulier pour tout ce qui touche à la solidarité entre les nations, que nous respections l'engagement pris devant les Nations unies en 1970, il y a un peu plus de cinquante ans. Certains pays comme la Suède, la Norvège et le Luxembourg dépassent la barre de 1 % du RNB. Gardons donc cet objectif, faisons en sorte que notre aide soit efficace et efforçons-nous d'en mesurer l'impact, compte tenu des priorités géographiques et sectorielles que nous nous sommes fixées.
Dans la continuité de nos discussions précédentes, vous comprendrez que je sois défavorable à ces amendements.
Je précise à M. Herbillon que l'amendement AE338, que j'ai retiré tout à l'heure, n'était pas identique à l'amendement AE205.
Je me suis déjà exprimé à ce sujet. Cependant, je ferai remarquer à M. Pancher que l'allégement de la dette du Soudan a fait du bien à ce pays, qui en avait besoin ; c'est pourquoi cette mesure a été comptabilisée dans l'aide publique au développement. Par ailleurs, nous nous en tenons aux normes en vigueur ; on pourrait décider aujourd'hui de modifier celles de l'OCDE, mais ce serait un long travail que nous ne pourrions achever d'ici à la semaine prochaine !
Je rejoins l'avis du rapporteur : je ne repousse pas ces amendements sur le fond, mais dès lors que nous sommes convenus de trouver une nouvelle rédaction de l'alinéa 3, je préférerais qu'ils soient retirés.
Cette discussion est passionnante, mais il faut être précis. Le ministre l'a dit tout à l'heure, le taux dont nous parlons n'est pas un indicateur financier ; il mesure l'effort d'un pays et d'une société en faveur du développement et permet les comparaisons internationales en la matière. Par ailleurs, j'ai entendu dire qu'annuler une dette ne permettait pas d'aider un pays… Il faut quand même raison garder ! Enfin, dans le cadre de notre travail commun, nous déciderons sans doute d'exclure certaines dépenses de l'indicateur. Cela ne voudra pas dire qu'elles sont bonnes ou mauvaises – il ne s'agira pas d'un jugement de valeur. Annuler la dette du Soudan est un acte fort et positif. Que nous décidions de considérer qu'il ne s'agit pas d'argent qui part de la France vers le Soudan, c'est une chose, mais nous devrons le dire très précisément afin que le futur indicateur puisse être compris de nos concitoyens.
Dès lors que nous avons décidé que notre commission mènerait un travail complémentaire sur cette question, il n'y a pas lieu de maintenir nos amendements. Je retire donc par avance l'amendement AE584, qui viendra plus tard dans la discussion même s'il aurait logiquement dû être placé en discussion commune avec ceux que nous examinons actuellement.
Monsieur Herbillon, vous avez déclaré que la majorité avait voté contre l'amendement AE205. Ce n'est pas la majorité, mais « une » majorité – pour ma part, je me suis abstenu. Pourquoi faites-vous cet amalgame ? J'aurais préféré que l'amendement soit retiré, puisque nous nous sommes tous placés dans le sillage du président de notre commission pour travailler ensemble à une nouvelle rédaction de l'alinéa 3. Il est temps de passer au sujet suivant !
Nous avançons : nous avons obtenu une forme d'aveu du ministre, qui a reconnu que la rédaction du projet de loi n'était pas idéale. Il est tout de même un peu délicat de fixer dans la loi l'objectif de porter « ultérieurement » à 0,7 % le taux de notre aide publique au développement ! Je comprends donc l'utilité de mener un travail en commun pour modifier la rédaction de l'alinéa.
Certes, monsieur le rapporteur, l'amendement que vous avez retiré n'était pas identique à celui du groupe Les Républicains : le vôtre prévoyait que l'objectif serait atteint « en 2025 », tandis que l'amendement AE205 prévoyait qu'il le serait « à horizon 2025 ». Reconnaissez cependant qu'il était discutable de donner un avis défavorable à un amendement quasiment identique au vôtre ! Faisons preuve d'un peu d'honnêteté intellectuelle dans nos débats.
Nous avons très bien compris cette observation critique de l'avis du rapporteur. Mais ce dernier est libre de sa position.
Nous sommes évidemment ravis que le ministre, le rapporteur et le président de notre commission aient proposé de travailler à une nouvelle rédaction de l'alinéa 3. Nous comprenons que la majorité retire ses amendements ; cependant, il est normal que nous maintenions les nôtres tant que ce travail n'aura pas abouti.
La commission rejette successivement les trois amendements.
Elle est saisie de l'amendement AE465 de M. Dominique Potier, M. Bruno Fuchs ayant retiré son amendement AE584.
Le groupe Socialistes et apparentés proposera probablement, en séance publique, une rédaction de l'alinéa 3 prévoyant, en période de crise économique et de baisse du revenu national brut, une stabilisation en volume des dépenses consacrées à l'aide publique au développement.
Nous parlons d'une enveloppe qui passerait de 13 à 17 milliards d'euros : l'écart entre la dépense actuelle et la dépense cible est donc de l'ordre de 4 milliards d'euros. Permettez-moi de vous donner deux chiffres qui vous montreront que l'objectif n'est pas inatteignable pour ceux qui nous succéderont lors du prochain quinquennat. Ces 4 milliards d'euros représentent 5 % de l'évasion fiscale en France. Ils pourraient être obtenus en votant simplement une non-déductibilité de l'impôt sur les sociétés de la part des salaires au-delà de 10 000 euros. Je rappelle également que le 1 % des habitants les plus riches de la planète émettent autant de CO2 que 50 % de l'humanité. Nos débats ont un caractère surréaliste ! En séance, nous devrons être capables de dire qu'en 2025, nous aurons atteint cet objectif, qui est un minimum vital.
Monsieur Potier, je souscris à votre plaidoyer. Cet objectif de 0,7 % est l'un des éléments centraux de notre politique de développement solidaire. Je vous invite à retirer votre amendement au bénéfice du travail qu'accomplira notre commission ; à défaut, mon avis sera défavorable. Je prends bonne note de votre invitation à inscrire cet effort dans la durée : il ne s'agit pas d'atteindre notre objectif une seule fois. Nous devons aussi donner de la visibilité à nos partenaires.
Il est assez étrange d'entendre tous ces accords de fond se traduire par des avis défavorables.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AE175 de Mme Amélia Lakrafi.
Il vise à faire en sorte que la trajectoire française de l'aide publique au développement reste réellement ascendante et que le montant alloué à cette politique ne diminue pas, d'une année sur l'autre, en termes de ressources budgétaires, du fait de la baisse du revenu national brut.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Par ailleurs, la rédaction de cet amendement ne me semble pas correcte d'un point de vue juridique. Dans les faits, depuis 2017, nous essayons toujours d'augmenter les fonds alloués à l'aide au développement, en volume comme en pourcentage. Cependant, nous ne pouvons présager de l'avenir : en cas de crise économique et financière, qui sait si nous ne serons pas amenés, un jour, à diminuer ces crédits ?
Puisque nous devons trouver une nouvelle rédaction de l'alinéa 3, il aurait été opportun d'acter tous nos points d'accord. Nous aurions dû voter tous les amendements dont nous approuvions le principe, même en cas d'avis défavorable du rapporteur, considérant qu'ils constituent les éléments de référence qui nous serviront à rédiger, ensemble, le nouvel alinéa 3. Ce n'est pas en commission que nous écrivons la loi définitive : nous verrons cela en séance ! Je vais dans votre sens, monsieur le président : il est aberrant de rejeter ces amendements, dont nous approuvons pourtant le principe, comme s'il n'y avait plus de discussion possible !
Vous avez tout à fait raison dans votre inspiration, mais ce n'est pas au cours d'une réunion comme celle-ci que nous trouverons la meilleure rédaction de l'alinéa. Il faudrait que les représentants des groupes se rapprochent du rapporteur pour y travailler.
Monsieur le rapporteur, si vos propos étaient cohérents avec ce que vous écrivez dans votre rapport, nous pourrions peut-être progresser… Vous dites que l'amendement AE175 n'est pas très bien rédigé d'un point de vue juridique ; l'emploi de l'adverbe « ultérieurement » n'est pas très juridique non plus… Vous dites aussi qu'on ne peut obliger l'APD à suivre une pente ascendante, au cas où le RNB diminuerait. Or vous écrivez : « L'objectif apparaît contestable à plusieurs égards. Il peut être atteint en tout ou partie par l'effet d'une baisse du dénominateur, c'est-à-dire d'une récession de l'économie. » Ce n'est pas très cohérent ! Soit le fait que le RNB peut baisser est un vrai problème, et il faut donc adopter l'amendement AE175 imposant une trajectoire ascendante de l'APD, soit il ne faut pas inscrire cet objectif dans la loi.
Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris l'intervention de Mme Dumont. Mes propos ne souffrent d'aucune contradiction. D'une part, il me semble inopportun d'inscrire dans la loi une règle prévoyant que l'aide publique au développement ne peut jamais diminuer. D'autre part, j'explique dans mon rapport que l'objectif de 0,7 % est imparfait et inadéquat dans la mesure où il peut être atteint en diminuant le RNB, c'est-à-dire sans réaliser d'effort financier substantiel.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AE245 de Mme Sonia Krimi.
Cet amendement, comme plusieurs autres déposés par Mme Krimi, s'inspire de son rapport d'information sur la lutte contre le financement du terrorisme international. Notre aide publique au développement doit cibler des zones géographiques très précises.
Il est évidemment essentiel, pour notre commission, d'accorder une priorité aux pays les moins avancés – nous voyons bien tout ce qui se passe au Sahel. Pour autant, cette priorité géographique est déjà inscrite dans le CPG. Avis défavorable, dans la mesure où l'amendement est satisfait.
La commission rejette l'amendement.
Elle passe à l'amendement AE215 de Mme Bérengère Poletti.
Nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport étudiant les différentes activités pouvant être comptabilisées au titre de l'aide publique au développement française.
Le comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE donne une définition internationale de l'aide publique au développement, selon un certain nombre de critères plusieurs fois modifiés. En 2017, par exemple, le CAD a souhaité clarifier les directives sur la notification pour aider les donateurs à déterminer les activités pouvant être comptabilisées au titre de l'APD et fournir à ses membres un modèle à suivre pour comptabiliser les dépenses consacrées aux réfugiés sur leur territoire. La même question se pose s'agissant de la prise en compte des bourses accordées aux étudiants étrangers et des frais d'écolage.
Les députés du groupe Les Républicains ne remettent pas en cause l'intégration de ces données dans le calcul du montant de l'APD, dans le strict respect des critères de l'OCDE. À l'instar d'un certain nombre d'acteurs du développement, nous souhaiterions toutefois que le Gouvernement étudie cette question et considère, par exemple, que seuls les frais de bourses et d'écolage versés aux dix-neuf pays prioritaires méritent d'être intégrés à l'APD. Certains pays de l'OCDE grands pourvoyeurs d'APD n'intègrent d'ailleurs pas ces critères dans le calcul de leur APD.
Je reviens, monsieur le rapporteur, à l'amendement AE205, que la commission a rejeté. Cet amendement était identique au vôtre, à un mot près ; dans un premier temps, vous aviez d'ailleurs exprimé votre accord. C'est pourquoi j'ai trouvé notre discussion un peu curieuse, et même ubuesque.
Nous pourrons trouver dans les critères de comptabilisation de l'APD définis par le CAD matière à nourrir notre réflexion, dans le cadre du travail proposé par le président de notre commission.
Pour ma part, je suis favorable à cette demande de rapport, pour au moins trois raisons.
Premièrement, elle permettra à notre assemblée d'avoir un vrai débat sur le contenu de l'aide publique au développement, à l'aune des besoins de financement actuels. En effet, le financement de l'APD est très différent en 2021 de ce qu'il était dans les années 1960. Par exemple, les questions relatives aux transferts directs d'argent se posaient beaucoup moins il y a quelques décennies, lorsque le mobile banking n'existait pas. De même, la nécessité de mettre les femmes au cœur du dispositif n'était pas aussi prégnante.
Deuxièmement, la rédaction de ce rapport imposera au Gouvernement d'effectuer un travail de désagrégation, d'expliciter les choses et de vulgariser des questions complexes.
Troisièmement, ce rapport donnera à la France l'occasion de défendre devant le CAD de l'OCDE la nécessité de réviser ou de rediscuter les critères de comptabilisation de l'APD.
Cet amendement est donc légitime et bienvenu. Nos partenaires sur le terrain attendent que les critères de comptabilisation de l'APD soient clarifiés ou adaptés, à l'aune des nouveaux enjeux du développement et de la lutte contre les inégalités mondiales.
Le Gouvernement donne à cet amendement un avis favorable, assorti de deux réserves.
D'une part, j'ai bien compris qu'il s'agissait d'un rapport d'analyse, unique, publié après la promulgation de la loi. Autrement dit, ce ne sera pas un rapport annuel – souvent, d'ailleurs, les rapports annuels ne sont même pas lus.
D'autre part, l'exposé sommaire semble indiquer que le but de la manœuvre est de limiter l'intégration des bourses et des frais d'écolage aux dix-neuf pays prioritaires. Mais cette observation ne figure pas dans le dispositif de l'amendement : c'est à lui seul que je donne un avis favorable. Je ne peux pas dire ici que je remets en cause les normes de l'OCDE, d'autant que le siège de cette institution est à Paris.
Certes, mais j'émets, en quelque sorte, une réserve d'anticipation.
Il s'agit d'un débat important, qui ne date pas d'hier : cela fait longtemps que de nombreux acteurs du développement demandent que certaines dépenses ne soient pas comptabilisées dans l'APD. Le montant d'APD déclaré par la France est trois fois supérieur aux crédits de la mission « Aide publique au développement » votés par le Parlement, car le CAD accepte notamment que les dépenses d'écolage soient comptabilisées au motif que les étudiants aidés rentreront ensuite dans leur pays d'origine, qui bénéficiera donc d'un savoir financé par notre argent public. De même, l'aide aux réfugiés originaires des pays en développement peut être prise en compte car elle soulagerait les pays d'émigration. Je l'ai dit, de nombreux acteurs du développement contestent ces pratiques. Ce n'est pas parce que l'OCDE accepte que ces dépenses soient comptabilisées dans l'APD que nous sommes obligés de les déclarer. Certains pays ont ainsi fait le choix, depuis des années, de ne pas déclarer les dépenses d'écolage ou d'aide aux réfugiés, estimant que ces montants n'avaient rien à faire au sein de l'APD ; ce faisant, ils ont assumé de descendre dans le classement des pays donateurs. Ayons nous aussi le courage, peut-être, plus tard, de déclarer dans l'APD ce qui relève vraiment de l'aide publique au développement.
Suivant votre proposition, monsieur le président, notre commission vient de décider de conduire un travail approfondi au sujet de l'aide publique au développement. Je suis très intéressé par cette démarche, car je pense que notre commission doit être force de proposition sur ces questions de transparence et de modalités de calcul de l'APD – même si je ne suis pas forcément d'accord avec certains de nos collègues sur ce sujet. Dès lors, nous aurons besoin des données demandées dans ce rapport dès le premier jour, et non six mois après la promulgation de la loi. Il ne faudrait pas que ce travail se fasse sans nous !
Je comprends très bien votre remarque, mais il faut quand même laisser au Gouvernement le temps de réfléchir à ce sujet. Je fais mienne cette maxime du président Kennedy au moment de la crise de Cuba : « Ce que je veux, […] c'est le choix des moyens et le temps de la réflexion. »
Pour répondre à M. le ministre, il s'agira bien d'un rapport unique. Par ailleurs, comme l'a rappelé le président Bourlanges, on ne vote pas l'exposé sommaire des amendements ; pour autant, le rapport permettra de débattre des questions qui y sont soulevées, à savoir de la comptabilisation des bourses versées aux étudiants étrangers, des frais d'écolage et du périmètre des dix-neuf pays prioritaires.
La commission adopte l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AE246 de Mme Sonia Krimi.
Lors de la conférence des ambassadeurs en 2019, le Président de la République a rappelé la nécessité de s'appuyer sur la société civile. Aussi suggérons-nous de consacrer au moins 70 % du montant des subventions versées par l'État au financement de projets qui répondent aux besoins concrets des populations.
Nos concitoyens demandent que l'aide apportée aux pays en développement aille au plus près du terrain, qu'elle ne serve pas à des opérations de corruption et qu'elle ne soit pas gaspillée dans la réalisation de projets parfois qualifiés d'« éléphants blancs », éloignés des besoins des populations les plus vulnérables.
Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, je lui donnerai un avis défavorable, pour deux raisons. D'une part, l'expression « besoins concrets des populations » est un peu floue ; peut-être faudrait-il essayer de préciser ce que vous entendez par là. D'autre part, l'amendement sous-entend que les 30 % de subventions restantes ne seraient pas consacrées à des projets concrets. Je préférerais que 100 % des fonds servent à ce genre de projets !
Enfin, nous évoquions tout à l'heure notre objectif de doublement des subventions versées à la société civile et aux collectivités locales. La dotation du FSPI, qui permet aux ambassades de mener sur le terrain des actions gérées par les populations et les ONG locales, est passée de 27 millions d'euros en 2017 à 70 millions d'euros cette année.
J'ai bien entendu les arguments formulés par M. le rapporteur : cet amendement sera donc retravaillé. Je le maintiens cependant.
La commission rejette l'amendement.
L'amendement AE247 est retiré.
La commission examine, en discussion commune, l'amendement AE139 de M. Jean-Paul Lecoq, ainsi que les amendements identiques AE140 de M. Jean-Paul Lecoq et AE466 de M. Dominique Potier.
Le travail effectué par notre commission doit permettre à chacun de bien comprendre quelles sommes seront engagées dans le cadre de ce projet de loi de programmation. Aussi l'amendement AE139 vise-t-il à modifier le tableau de l'alinéa 5, en poursuivant un triple objectif. Il s'agit tout d'abord d'établir une véritable programmation financière pour les années 2020 à 2025. En outre, nous ajoutons 1 milliard d'euros aux crédits de la mission « Aide publique au développement » dès l'année prochaine. Il s'agit enfin de faire en sorte que la moitié de l'APD soit pilotable et passe par la mission budgétaire qui lui est consacrée, tout en atteignant l'objectif de 0,7 % du revenu national brut en 2025.
Au-delà de sa faiblesse programmatique, qui sera corrigée, je l'espère, à l'occasion des travaux complémentaires menés par notre commission en vue de la séance publique, le problème majeur de ce projet de loi de programmation est que les projections budgétaires n'ont pas été modifiées depuis la crise du covid-19. Il conviendrait pourtant de prendre en compte l'effondrement économique, social et sanitaire des pays les plus fragiles. Les crises s'accumulent, et il est nécessaire que notre aide publique au développement intègre cette nouvelle donne. La pauvreté va gagner du terrain : pour la première fois depuis les années 1990, 500 millions de personnes pourraient sombrer dans la pauvreté et 150 millions de personnes pourraient se retrouver dans une situation d'extrême pauvreté. Le contexte international est grave. Il serait important que la France y prête attention et qu'elle investisse fortement, en tant que pays donateur, dans l'aide publique au développement. Il serait temps, par exemple, que la France finance à la hauteur de ses annonces l'initiative ACT-A, qui a pour ambition d'aider les pays les moins riches à se fournir en vaccins, en tests et en traitements anti-covid. Alors que le Président de la République a promis 510 millions d'euros, seuls 160 millions ont été décaissés à l'heure actuelle. Une somme de 350 millions d'euros pourrait d'ores et déjà être utilisée pour ce mécanisme. Les engagements de la France en faveur du Fonds mondial ne sont pas non plus à la hauteur des annonces. Il y a de la marge !
Je perçois des petites nuances entre vos amendements AE139 et AE140. Puis-je considérer que le second est également défendu ?
Si vous avez vu ces nuances, monsieur le président, je pense que tout le monde les a vues. J'avais déposé l'amendement AE140 pour bénéficier d'un peu plus de temps de parole, mais je ne développerai pas davantage mon propos.
Il n'y a pas de nuances entre mon amendement AE466 et l'amendement AE140 de M. Lecoq, puisqu'ils sont identiques.
M. Lecoq a déjà développé son argumentation à l'occasion d'un amendement précédent. Mon avis reste défavorable.
La commission rejette les amendements.
La séance est levée à 13 heures 05.