La séance est ouverte à dix-huit heures quarante-deux.
Mes chers collègues, nous accueillons ce soir les représentants du Syndicat des énergies renouvelables (SER), M. Jean-Louis Bal, son président, accompagné de M. Alexandre Roesch, délégué général, de Mme Marion Lettry, déléguée générale adjointe, et de M. Alexandre de Montesquiou, consultant.
En 2018, la production d'électricité d'origine renouvelable a atteint 108,7 térawattheures (TWh), dont 58 % liés à la production hydraulique, 10 % au solaire et 28 % à l'éolien. Il s'agit d'énergies aux caractéristiques très différentes les unes les autres, l'hydraulique étant une énergie renouvelable (EnR) pilotable, pouvant être stockée et mobilisée à tout moment de la journée, qu'il y ait du vent ou du soleil, et qu'on peut utiliser lors des pics de consommation.
Il est intéressant pour nous de connaître votre vision de ce mix électrique, et en particulier le pourcentage envisageable à terme – qui pourrait être inscrit dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).
Je souhaiterais, par ailleurs, que vous nous parliez d'une énergie renouvelable dont on parle peu, le biogaz, énergie stockable et donc mobilisable durant la gestion des pointes hivernales, en particulier.
Enfin, quelle appréciation appelle de votre part l'affirmation de l'Académie des sciences du 19 avril 2017, à propos de la transition énergétique : « La part totale des énergies renouvelables dans le mix électrique ne pourra pas aller au-delà de 30 % ou 40 % sans conduire à un coût exorbitant de l'électricité et à des émissions croissantes de gaz à effet de serre et à la remise en question de la sécurité de la fourniture générale de l'électricité » ?
Monsieur Bal, je vous propose de nous présenter un propos liminaire d'une quinzaine de minutes, puis les membres de la commission vous poseront un certain nombre de questions.
Avant de vous donner la parole, je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rient que la vérité.
Je vous invite à lever la main droite et à dire « Je le jure ».
(M. Jean-Louis Bal prête serment.)
. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, j'introduirai le sujet global des énergies renouvelables, sans me concentrer uniquement sur le secteur électrique. Mais, avant, je tirerai un rapide bilan en matière de développement des énergies renouvelables dans les différents secteurs ayant bénéficié d'un soutien public : la production de chaleur, les transports, l'électricité et le gaz.
Je vous présenterai ensuite un historique sur l'évolution du soutien public et de la compétitivité des énergies renouvelables. Et, enfin, j'appellerai votre attention sur les enjeux de politique industrielle, liés au développement des énergies renouvelables.
Premièrement, le bilan. La chaleur, c'est 50 % de notre consommation d'énergie finale. Or nous en parlons très peu, même si la loi de transition énergétique, la PPE de 2016 et le projet de PPE actuel se focalisent davantage sur elle.
Aujourd'hui, la production de chaleur est majoritairement carbonée. Seulement 20 % de nos besoins en chaleur sont couverts par des sources d'énergie renouvelables. Il conviendrait donc d'accélérer cette transition, d'autant que les politiques publiques en ce domaine sont particulièrement efficaces. Nous devons accélérer, parce que la loi nous fixe un objectif de 38 % d'ici à 2030.
S'agissant de la production de chaleur pour l'industrie, l'habitat collectif, les réseaux de chaleur, le tertiaire, le principal levier – développement de la chaleur et du froid renouvelables – est le fonds chaleur, qui a été mis à disposition de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) depuis 2009. La performance de ce dispositif, en termes de fonds publics dépensés, a été reconnue à maintes reprises, notamment par la Cour des comptes, avec un coût moyen du soutien public de 3,6 euros par mégawattheure (MWh) pour tous les projets qui ont été développés entre 2009 et 2018.
Sur cette période, 4 800 opérations d'investissement ont été subventionnées par le fonds chaleur pour un montant total de 2 milliards d'euros, ce qui a généré près de 7 milliards d'euros d'investissement. Ces investissements se substituent exclusivement à des énergies fossiles – gaz ou fioul. Si nous considérons un prix du baril de pétrole importé de 50 euros – ce qui est largement en dessous du prix actuel –, l'économie nationale, qui est associée à la réduction des importations des énergies fossiles, correspond à 875 millions d'euros par an. Cela signifie que pour sa mise initiale de 2 milliards, l'État a un retour d'investissement en seulement deux, trois ans.
Le projet de PPE prévoit très logiquement que les moyens financiers alloués au fonds chaleur soient augmentés selon une trajectoire d'autorisations d'engagement définie jusqu'en 2022. L'ordre de grandeur du budget du fonds chaleur, qui est voté au sein du budget général de l'ADEME, était jusqu'à présent de 215 millions d'euros ; le projet de PPE prévoit de le faire passer à 307 millions d'euros en 2019 et à 350 millions d'euros en 2020.
Ces moyens additionnels avaient été alloués sur la base d'une augmentation future de la contribution climat-énergie – la taxe carbone. Alors que tous les industriels, les consommateurs, les collectivités commençaient déjà à intégrer l'impact présent et futur de l'évolution de cette contribution dans leurs décisions d'investissement, le gel de cette trajectoire et les interrogations plus fondamentales que les suites du grand débat national font peser sur son avenir risquent de freiner, voire de bloquer certains projets.
Il est donc tout à fait essentiel que le Gouvernement donne rapidement de nouveaux signes sur la visibilité, sur l'évolution de la contribution climat-énergie après 2019. Il est clair que si cette évolution devait être remise en cause, l'évolution de l'enveloppe du fonds chaleur devrait être revue en conséquence.
Le prix attribué au carbone, qu'il s'agisse des grands consommateurs ou des consommateurs individuels, est fondamental ; c'est la pierre angulaire d'une politique de lutte contre le changement climatique pour changer le comportement des consommateurs. Il ne vous a évidemment pas échappé qu'il puisse poser des problèmes sociaux.
De fait, de nombreuses contributions ont récemment été publiées par un certain nombre d'organismes sur l'évolution de la contribution climat-énergie qui suggèrent que les recettes de cette contribution soient affectées à la transition énergétique, et ciblées en particulier, sur les ménages les plus dépendants des combustibles fossiles, mais aussi sur les collectivités territoriales, à qui la loi de transition énergétique confie un rôle de leader dans la mise en œuvre de la transition énergétique.
La transition énergétique dans le domaine de la chaleur doit aussi se gagner dans le secteur résidentiel. Les ménages consacraient, en 2016, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), plus d'argent aux postes chauffage et éclairage qu'aux dépenses de carburant. Or les énergies renouvelables permettent, dans ce domaine, de manière très concrète, d'agir sur le pouvoir d'achat, en réduisant la facture de chauffage : le chauffage au bois, qui a des formes beaucoup plus modernes que ce que nous pouvons imaginer, les pompes à chaleur, le raccordement à des réseaux de chaleur vertueux – qui utilisent des énergies renouvelables –, le solaire thermique qui permet d'accéder à des sources de chaleur de plus en plus compétitives, et dont le coût d'utilisation est stable pour les années à venir.
Ces énergies bénéficient d'un cadre complet d'aides afin de réduire le reste à charge pour les ménages : le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), l'écoprêt à taux zéro, les aides de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), le chèque énergie, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à taux réduit et, enfin, les certificats d'économies d'énergie.
L'enjeu est de faire connaître ces différents outils aux Français et de les rendre beaucoup plus facilement accessibles. Et il me semble que les recettes de la contribution climat-énergie devraient être utilisées pour la diffusion de cette information.
Pour mémoire, le coût du soutien public dans le secteur de la chaleur renouvelable reste aujourd'hui très mesuré : 567 millions d'euros aux EnR thermiques en 2016, et 270 millions d'euros pour le CITE, soit environ 16 % de l'enveloppe globale.
Dans les transports, les EnR couvraient, fin 2016, 8,6 % de nos besoins, essentiellement à partir de biocarburants liquides, dits de première génération ; une partie est couverte par de l'électricité renouvelable qui n'est pas comptabilisée dans le secteur de l'électricité.
L'objectif de la loi de transition énergétique est de parvenir à 15 % d'EnR. Et les derniers chiffres, datant de 2017, sont de 9,1 %. Il reste donc beaucoup de développements à réaliser et nous devrons jouer sur toute une gamme de technologies. La base reste cependant les biocarburants de première génération, basés sur des cultures de type alimentaire.
Un certain nombre d'incitations fiscales favorisent l'incorporation de ces biocarburants dans les carburants routiers ; une obligation d'incorporation, d'abord appelée la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), puis la taxe incitative à l'incorporation de biocarburants (TIIB). Le développement de ces biocarburants ne pèse pas directement sur le budget de l'État. Je rappellerai que l'huile de palme est exclue des biocarburants dont l'incorporation est encouragée par cette taxe.
Ces biocarburants répondent par ailleurs à des hauts standards de durabilité et sont issus d'une agriculture européenne, innovante, développée dans le cadre d'une politique agricole commune (PAC) prenant en compte la protection des sols, la biodiversité et l'environnement de façon plus générale. Ce sont 30 000 emplois non délocalisables qui assurent la compétitivité de la biomasse agricole française.
S'agissant du gaz renouvelable, qui est uniquement du biométhane, il est anecdotique dans la consommation, puisqu'il représentait, en 2018, 0,15 % – 0,7 TWh – de la consommation de gaz naturel, sur soixante-seize sites qui injectent du biométhane dans le réseau. Mais sept cents projets sont aujourd'hui inscrits en file d'attente dans le registre de gestion des capacités d'injection.
Cette filière de gaz renouvelable à la particularité de répondre à trois débouchés énergétiques : électricité, chaleur et carburant – il est même possible de faire rouler des voitures. Elle présente de nombreuses externalités positives et constitue un atout pour l'agriculture française et les territoires ruraux. Dans ce domaine, la loi de transition énergétique a fixé un objectif de 10 % d'incorporation à l'horizon 2030, avec un point de passage en 2023 qui est de 8 TWh. Le projet de la PPE réduit assez notablement l'objectif intermédiaire de 2023.
Concernant l'électricité, le panorama que nous publions chaque année avec les gestionnaires de réseaux indique que nous produisons actuellement, à partir de sources renouvelables, 22,7 % de l'électricité consommée en France.
Le soutien public a permis d'obtenir, et c'est un constat essentiel, des baisses significatives de compétitivité de ces nouvelles énergies renouvelables. Vous avez parlé de l'hydraulique qui est le socle sur lequel nous allons nous appuyer pour les développements futurs.
Et les développements futurs, viendront de l'éolien terrestre, de l'éolien maritime et du solaire photovoltaïque. Pour l'éolien terrestre, les derniers appels d'offres ont permis de dégager des projets à 65 euros du MWh ; pour le solaire photovoltaïque, on est en moyenne à 55 euros du MWh ; pour l'éolien en mer, si certains projets étaient assez coûteux sur les six premiers sélectionnés par appels d'offres au début des années 2010, nous allons bientôt connaître les résultats du projet de Dunkerque, qui devraient démontrer que nous avons atteint un très haut niveau de compétitivité.
Voilà ce que ce que je puis dire sur la compétitivité des EnR. J'ajouterai que la très grande majorité du soutien public dont bénéficie l'électricité renouvelable provient essentiellement des engagements du passé.
Le coût du passé pour l'ensemble des renouvelables électriques, ce sont 95 milliards d'euros ; pour les engagements pris dans le cadre de la PPE, ce sont 30 milliards d'euros, pour des volumes du même ordre.
Ce soutien public a été évalué par la Cour des comptes, qui donne un chiffre un peu différent : 121 milliards d'euros contre 95 milliards dans la PPE. Vous constatez qu'il peut y avoir des variations assez importantes dans les évaluations, et ce pour plusieurs raisons.
D'abord, la Cour des comptes n'a évidemment pas pu prendre en compte la renégociation dès six projets d'éolien en mer. Alors qu'elle avait pris comme base un coût du de 200 euros le MWh, la renégociation a abouti à un tarif de l'ordre de 140 euros ; la différence est significative. Ensuite, les hypothèses de prix de marché d'électricité. Le coût du soutien public, c'est la différence entre le tarif accordé et le prix de marché. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) se fonde, pour sa dernière évaluation, sur un prix de marché 2018 de 35,91 euros le MWh, alors que, en réalité, le prix moyen 2018 était de 50 euros. Dans le projet de PPE, les évaluations menées par le Gouvernement sont basées sur un prix de marché de 56 euros en 2028, d'où la grande variabilité que nous avons sur le coût du soutien public.
S'agissant de l'historique, du poids du passé, il va commencer à s'estomper en 2025. Le projet de la PPE fait mention de l'évolution des dépenses annuelles de charges de service public liées à ces énergies renouvelables, et indique que la décroissance va débuter en 2025.
Au-delà des montants engagés, plusieurs évolutions importantes sont à rappeler. La Cour des comptes soulignait le fait que le soutien public apporté aux EnR électriques et aux EnR thermiques était fortement déséquilibré. Le projet de PPE, qui est aujourd'hui en discussion, montre que les engagements pour les années à venir sont beaucoup mieux équilibrés entre EnR électriques et EnR thermiques et gaz, avec des enveloppes budgétaires annuelles qui sont du même ordre pour la chaleur, le gaz injecté et les nouveaux équipements d'EnR électriques.
Il est important de rappeler l'évolution des mécanismes de soutien. Pour les EnR électriques, nous sommes passés du système des tarifs d'achat, fixés par décret et arrêté, dans le cadre d'une obligation imposée à Électricité de France (EDF), à un système d'obligation de vendre son électricité sur le marché et de recevoir un complément de rémunération – le nouveau dispositif de soutien.
Un tel système permet aux producteurs de se frotter à la réalité du marché et d'optimiser leur démarche, avec un mécanisme qui leur interdit, de fait, de vendre leur production lorsque les prix de marché sont négatifs.
Parallèlement à cette évolution, il y a, depuis 2017 pour l'éolien, et depuis plus longtemps pour le photovoltaïque, la méthode des appels d'offres qui réduit le besoin de soutien public.
Cette politique de soutien public est aujourd'hui très encadrée, avec une volonté de maîtriser la dépense publique, à travers le choix de recourir principalement à des énergies renouvelables qui sont à un bon niveau de maturité. Nous considérons qu'il s'agit d'une bonne orientation, mais il ne faudrait néanmoins pas négliger certaines technologies émergentes qui ont besoin d'un soutien au développement technologique ; je pense notamment à la filière de l'hydrolien qui est très mal traitée dans le projet de PPE ; je pense aussi à la géothermie électrique ou à la cogénération biomasse, qui en sont totalement absentes.
Je voudrais souligner le besoin d'accompagner cette transition énergétique d'efforts de structuration de filières industrielles. La Cour des comptes estimait en mars 2018 que faute d'avoir établi une stratégie claire des dispositifs de soutien stables et cohérents, le tissu industriel français a peu profité du développement des énergies renouvelables.
Néanmoins, nous comptons 100 000 emplois en France, dans le domaine des énergies renouvelables. Nous disposons de grands énergéticiens parmi les plus importants du monde, qui ont tous choisi de développer des stratégies ambitieuses en termes d'énergie renouvelable, en France comme à l'étranger. Nous disposons également de centres de recherche de tout premier ordre, tels que comme l'Institut national de l'énergie solaire (INES) à Chambéry où l'Institut photovoltaïque d'Île-de-France (IPVF) à Palaiseau. Nos développeurs de projets, qui sont en majorité des entreprises de taille intermédiaire (ETI), et que nous soutenons, sont très bien positionnés à l'international.
En matière d'équipementiers, nous avons réussi, malgré les stop and go, que nous avons connu ces dernières années, à attirer quelques leaders mondiaux sur le territoire français. Par exemple, la plus grande pale éolienne du monde sera produite à Cherbourg, par une filiale de General Electric.
Enfin, et, c'est très important, la France dispose d'un tissu de petites et moyennes entreprises (PME) et d'ETI très innovant dans le secteur des énergies renouvelables. J'ai cité l'hydrolien, mais il y a également l'éolien, avec un programme d'accompagnement qui a été mené par le SER, nommé Windustry France ; nous avons accompagné efficacement soixante-dix PME grâce au soutien des pouvoirs publics, à travers notamment des investissements d'avenir.
Nous nous félicitons que, sous l'impulsion du Premier ministre, plusieurs comités stratégiques de filière (CSF) ont été mis en place. L'un d'entre eux concerne les nouveaux systèmes énergétiques – un comité stratégique qui va signer son contrat de filière avec l'État, à la fin de ce mois. Il est important de s'inspirer des pratiques qui ont fonctionné dans d'autres pays. L'exemple du Royaume-Uni est particulièrement intéressant, car il montre que la première étape pour améliorer le contenu local est de savoir le mesurer, puis de communiquer de manière intelligente sur son évolution auprès des différentes parties prenantes.
Tels sont les travaux que nous allons mener dans le cadre des CSF, et en particulier sur les filières éolien en mer, solaire photovoltaïque et gaz renouvelable. Le SER est très favorable, dans le cadre de CSF, à la mise en place de véritables actions de structuration de filières qui doivent s'accompagner des mesures très concrètes – que nous devrons retrouver dans les mesures d'accompagnement du développement des filières. Je pense, en particulier, au bilan carbone, qui fait partie des critères exigés des appels d'offres solaires. Le critère carbone a permis à nos producteurs français de garder une part importante du développement photovoltaïque sur notre territoire.
Ce sont là quelques pistes qui nécessitent que la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie prévoie des volumes et des rythmes de développement suffisamment ambitieux et sans trous d'air pour conforter de futurs investissements industriels.
Je vous remercie, monsieur le président.
Vous avez mentionné le fonds chaleur et le fait que le projet de la PPE prévoit de le faire passer à 307 millions d'euros en 2019. Pensez-vous que si nous doublions cette somme, il y aurait suffisamment de projets pour utiliser les subventions ? Il existe peu de domaines subventionnés par des fonds publics avec une rentabilité à moins de trois ans.
Concernant les EnR, vous nous avez indiqué que lorsque le tarif est en dessous du prix du marché, la production est arrêtée. Une personne que nous avons auditionnée nous a expliqué que, dans un tel cas, elle reversait de l'argent à l'État. Alors que font en réalité les producteurs d'EnR : arrêtent-ils leur production ou reversent-ils de l'argent à l'État ?
Enfin, que proposez-vous pour les énergies non traitées par la PPE – vous avez évoqué l'hydraulique ?
Je ne manquerai pas de rapporter au président Aubert que vous avez abondamment cité les chiffres de la Cour des comptes. Il y sera, j'en suis sûre, très sensible.
Si nous devions doubler le fonds chaleur, nous n'aurions pas suffisamment de projets pour dépenser intelligemment cet argent. L'augmentation doit se faire progressivement. Pour que l'ADEME fasse monter suffisamment de projets, un certain nombre de conditions sont exigées. D'abord, l'évolution de la contribution climat-énergie, les investisseurs devant avoir bien en tête que les prix des combustibles fossiles vont augmenter.
Ensuite, l'ADEME et des moyens humains suffisants sont indispensables pour faire monter les projets, assister les collectivités, les acteurs du territoire dans l'élaboration des projets. Or aujourd'hui, nous constatons le phénomène inverse : les effectifs de l'ADEME diminuent depuis plusieurs années.
Augmenter le fonds chaleur, oui. Le doubler d'une année sur l'autre, non.
Concernant votre deuxième question, je pense qu'il y a une confusion. J'ai parlé de « prix négatifs sur le marché ». Il peut arriver, pour différentes raisons – les centrales ne peuvent pas être arrêtées, une consommation insuffisante, une production éolienne allemande excédentaire… –, que le prix du marché de gros de l'électricité soit négatif. Dans un tel cas, grâce au nouveau mécanisme de soutien, le producteur français a tout intérêt à arrêter sa production. Daniel Bour a dû vous dire que, avec la question de complément de rémunération, si le prix du marché est supérieur au tarif garanti, vous devez rembourser la différence.
Non, sinon il ne va rien gagner.
Le mécanisme du complément de rémunération garantit au producteur un niveau de rémunération. Il faut éviter, si le prix du marché dépasse ce niveau de rémunération, qu'il y ait une surrentabilité pour le producteur.
S'agissant des filières qui ont été mal traitées dans le projet de la PPE, déjà un certain nombre de PME ont développé des technologies, qui doivent encore subir des tests, à la fois économiques et techniques. Deux entreprises ont mis des hydroliennes à l'eau : l'entreprise Sabella, à Ouessant, et la société Hydroquest, à Paimpol-Bréhat. La prochaine étape sera de développer des fermes pilotes, visant à tester la production réelle d'un ensemble d'hydroliennes.
Des projets qui ne doivent pas être uniquement soutenus par un tarif d'achat de l'électricité ; il s'agit d'un investissement qui ressort de la recherche-développement (R&D). Le programme d'investissement d'avenir (PIA), qui est en partie géré par l'ADEME, devrait pouvoir supporter ces développements technologiques.
J'ai également mentionné la géothermie électrique. Dans le cadre de la PPE, nous pensons qu'il serait possible de l'améliorer en adoptant un objectif relativement modeste pour le développement de cette géothermie électrique, sachant que, pour environ 30 mégawatts, des projets ont déjà signé un contrat dans le cadre de la PPE.
Concernant la géothermie profonde, un programme de recherche est en cours avec Eramet et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies (CEA) qui vise à exploiter le lithium qui se trouve en profondeur. La dizaine de projets identifiés en géothermie permettraient de fournir 6 % du marché mondial du lithium.
Je vous remercie. Avant de laisser la parole à la rapporteure, je vous informe que je serai dans l'obligation de vous quitter et que je laisserai la présidence à M. Thiébaut. Je vous prie de bien vouloir m'excuser.
Monsieur Bal, pensez-vous que nous investissons suffisamment en R&D sur les EnR, notamment par rapport au nucléaire, secteur dans lequel la R&D se porte bien ?
Je me garderai bien de faire des comparaisons avec le nucléaire, mais je puis vous parler de nos besoins en R&D. L'ADEME a conduit bon nombre de projets de R&D, non pas fondamentale, mais pré-commerciale, devant permettre d'amener sur le marché de nouvelles technologiques. Je pense aux pales d'éolienne que nous pouvons assembler sur place, à de nouvelles méthodes pour construire des mâts en béton ou encore à des technologies très performantes dans le solaire. D'ailleurs, si les investisseurs avaient confiance dans le marché, nous pourrions à nouveau développer des capacités de production en France. Les choses ne sont pas fermées.
Les besoins de R&D concernent les équipements de production d'énergie, non seulement sur l'hydrolien et la méthanisation, mais aussi sur le stockage d'électricité et de chaleur, – un besoin qui apparaîtra en 2028-2030 –, et la digitalisation, qui permet de gérer et d'intégrer les EnR dans les différents réseaux.
La question du stockage sera primordiale en 2030 ; pourquoi attendre cette date pour s'en occuper ? D'autant que l'intermittence des EnR est déjà une question qui appelle une solution.
Je n'ai pas dit que nous devions attendre 2028-2030 pour nous en occuper. Je dis simplement, que nous n'avons pas besoin d'implanter des unités de stockage avant 2028. Si nous attendons cette date pour investir dans le stockage, nous aurons des temps de réponse trop longs.
Par ailleurs, même si nous n'avons pas besoin de stockage dans l'immédiat, en métropole, nous en avons besoin dans nos territoires d'outre-mer. Toute une série de projets se sont développés en vue de stocker l'énergie, sur batterie, sur des mini stations de transfert d'énergie par pompage (STEP). Un projet de 7 mégawatts va être lancé en Martinique.
Une profusion de projets innovants existe sur la question du stockage. Nous estimons que le coût des batteries, en investissement, est de l'ordre de 200 euros par kilowattheure (KWh) ; il était de 1 000 euros il y a cinq ans. EDF estime qu'il faudrait descendre à 100 euros pour que l'on puisse trouver des modèles économiques sur le territoire continental. Maintenant, la batterie n'est pas l'unique solution, nous pouvons également développer des STEP hydrauliques qui permettront de répondre à une partie de ce besoin en stockage qui surviendra au-delà de 2028.
À plus long terme, nous nous tournerons probablement vers l'hydrogène, qui a la grande vertu de pouvoir faire du stockage inter-saisonnier. Les batteries permettent de stocker pour une journée ou une semaine, les STEP, pour plusieurs semaines. Maintenant, nous ne savons pas très bien quand l'économie du stockage par hydrogène sera à la hauteur.
Dans le scénario 100 % EnR que l'ADEME a étudié, le stockage inter-saisonnier ne serait nécessaire qu'à partir de 80 % de taux de pénétration des EnR. Nous avons donc le temps. Nous aurons certainement d'autres applications de l'hydrogène, telles que la mobilité, avant que nous l'utilisions pour stocker l'énergie électrique.
Vous avez indiqué que les Français avaient des compétences en EnR. Pouvez-vous développer ce sujet et nous dire de quelles EnR en particulier, et comment nous nous situons par rapport aux autres pays européens ? Quelles sont nos forces et nos faiblesses ?
Nous avons d'excellentes compétences en R&D, mais nous ne disposons pas d'équipementiers – ni de grands fabricants d'éoliennes ou de photovoltaïque, même si notre tissu industriel est loin d'être négligeable. En termes d'ingénierie, et notamment de gestion par le numérique, nous avons de grandes forces, aussi bien dans les PME, que dans les grands groupes.
Il serait intéressant que nous nous améliorions dans les filières émergentes, où toutes les places ne sont pas encore prises, afin d'y attirer de grands industriels. Je pense notamment à l'éolien en mer – posé ou flottant. Si nous arrivons, enfin, à débloquer les six premiers parcs qui ont été adjugés en 2012 et 2014, nous aurons une usine au Havre, une à Saint-Nazaire et une à Cherbourg pour les pales.
S'agissant de l'éolien flottant, nous disposons également d'une profusion de projets. À 90 %, une éolienne flottante ou posée, c'est la même chose, nous remplaçons simplement les fondations par un flotteur. Or, sur la technologie de flotteurs, plusieurs entreprises françaises, petites et grandes, se sont positionnées.
Quant à la méthanisation, il n'existe pas de filière française – nous utilisons des équipements allemands ou danois – alors que nous disposons de tout le potentiel nécessaire. Mais c'est bien l'objectif que nous nous donnons dans le cadre du CSF des nouveaux systèmes énergétiques, dont nous ne doutons pas que la présidente, Isabelle Kocher, aura une attention particulière pour la méthanisation.
Un objectif que nous nous fixons également pour le photovoltaïque et l'éolien en mer.
Présidence de M. Vincent Thiébaut, vice-président de la commission d'enquête.
Savez-vous, pour chaque filière EnR, quelle est la part de la production française, combien d'emplois directs ont été générés, et quelles sont les prospectives ? Pensez-vous pouvoir nous transmettre cette information ?
Il difficile de dresser le bilan des ENR à un instant T, car nous ne pouvons pas mesurer le potentiel de développement, qui est important, et nous devons tenir compte de l'historique pour évaluer les rentabilités et les effets financiers.
Nous allons lancer une étude sur cette question, mais nous aurons les résultats trop tardivement, votre commission aura certainement rendu ses travaux. Néanmoins, des chiffres existent, puisque l'ADEME publie chaque année une étude intitulée « Marché et emplois », qui analyse, filière par filière, les emplois dans la fabrication d'équipements, dans l'installation et dans l'exploitation des centrales – le chiffre de 100 000 emplois que je vous ai cité tout à l'heure provient de cette étude.
La filière éolienne, terrestre et maritime, représente aujourd'hui 18 000 emplois, répartis au sein de 800 entreprises, et exporte une part significative de sa production, pour un montant de 660 millions d'euros par an – chiffre de l'ADEME.
Nous vous transmettrons la dernière étude de l'ADEME.
Mais avez-vous les mêmes chiffres que l'ADEME ? Menez-vous également des études pour confirmer ces chiffres ou pour obtenir un autre éclairage ?
Le syndicat est sensibilisé à la valeur ajoutée locale – c'est l'objectif des CSF. Il nous est souvent reproché – parfois abusivement – de développer les EnR sur le territoire français avec du matériel importé de Chine, du Danemark ou d'Allemagne. Il y a une certaine réalité, mais elle est très exagérée.
C'est la raison pour laquelle, nous voulons mettre en place des outils d'évaluation sur la valeur ajoutée locale, dans chacune des filières. Et voir ensuite comment nous pouvons travailler à améliorer la balance commerciale de chaque filière, et le développement de l'emploi.
Nous disposons, dans le photovoltaïque, de l'un des meilleurs centres de recherche au monde. Il est donc très étonnant que nous n'ayons pas réussi à développer une industrie du photovoltaïque à la hauteur des développements qui nous attendent. Dans la PPE, le photovoltaïque représente près de 3 000 mégawatts par an – nous en sommes aujourd'hui à 900.
C'est l'histoire du photovoltaïque en France, cette filière a été tuée en plein essor et a dû se reconstruire. Si nous avons gardé les compétences R&D, nous avons arrêté la partie industrielle et production dans son élan.
Quels sont les principaux freins que vous avez pu identifier au développement des EnR ? Avez-vous chiffré le coût du poids administratif de l'élaboration des projets – qui n'est que très rarement chiffré dans les projets ? De même, dans certains pays, les études sont mutualisées entre les différents porteurs de projet – ce qui n'est pas le cas en France.
Les freins varient selon les filières.
S'agissant des projets d'éoliennes en mer, par exemple, ils sont issus de décisions prises dans le cadre du Grenelle de l'environnement, en 2008 ; pourtant aucune éolienne ne tourne actuellement – sauf l'éolienne flottante en essai au large du Croisic.
Les six projets, qui ont été développés, sont issus des appels d'offres – lancés en 2011 et 2013, et adjugés en 2012 et 2014. Malheureusement, des recours ont été déposés contre ces projets. Après avoir été déboutés par la cour d'appel de Nantes, les requérants ont déposé un nouveau recours devant le Conseil d'État. Ce dernier dispose d'ailleurs du dossier de Saint-Nazaire depuis un an et demi et nous attendons toujours sa décision.
Un type de projet coûte cher au développeur, mais l'investissement de l'industriel, Alstom devenu General Electric, à Saint-Nazaire, est encore plus lourd à porter. Voilà le type de frein auquel les EnR doivent faire face.
En ce qui concerne l'éolien terrestre, le temps de développement d'un projet est en moyenne de sept à huit ans. Et chaque recours le rallonge de un an et demi à deux ans. Or le taux de recours sur l'éolien terrestre est de l'ordre de 70 %.
Vous allez peut-être me dire qu'il s'agit d'une question d'acceptabilité. Eh bien non. Une personne seule peut déposer un recours contre un projet éolien. Le recours systématique est une stratégie utilisée par les associations anti-éolienne ; une guérilla juridique menée sur l'éolien.
Avez-vous des recommandations à nous présenter pour éviter cela ? Par exemple, proposer qu'un recours ne puisse être déposé que par un collectif de tant de personnes ; ou que soit constituée une cour spécialisée ?
Nous avons déjà beaucoup réfléchi, sans trouver de solutions, pour, non pas empêcher les recours, ce n'est pas possible, mais être plus sélectifs.
Dans le cadre du groupe de travail installé par Sébastien Lecornu sur la simplification de l'éolien, il a été décidé de supprimer un niveau de juridiction – les requérants vont directement en cour d'appel.
Les énergies les plus matures sont compétitives, si nous les comparons aux prix de marché tels que nous les estimons pour les quinze ou vingt ans à venir. Néanmoins, quand un investisseur réalise un investissement aussi capitalistique – je pense notamment au solaire et à l'éolien – il a surtout besoin d'une garantie sur la rémunération, sur les recettes à long terme.
Ce qui est différent pour la chaleur, où le mécanisme de soutien est une subvention à l'investissement.
Sans vouloir faire de comparaison malheureuse, si nous voulions développer de nouvelles productions nucléaires, nous aurions exactement le même problème.
Monsieur Bal, dans vos propos introductifs, vous avez indiqué qu'il serait utile d'informer le grand public de l'existence des aides – CITE, écoprêt, etc.
J'ai assisté récemment, dans mon territoire, à une formation de la Fédération française du bâtiment (FFB) délivrée à ses adhérents sur les aides à la rénovation énergétique : les aides de l'ANAH, le chèque énergie, le certification d'économie d'énergie – il faut d'ailleurs sortir de polytechnique pour comprendre –, le dispositif « coup de pouce » et le CITE. À la fin de la matinée, nos artisans s'arrachaient les cheveux.
Pensez-vous que tous ces mécanismes sont compréhensibles pour le grand public ? Sinon, avez-vous une position sur leur rénovation ?
Informer les citoyens sur les mécanismes d'aide est l'une des conclusions du débat qui s'est tenu sur le projet de PPE, le G400, organisé par la Commission nationale des débats publics (CNDP).
Quatre cents citoyens ont été sélectionnés, parmi 35 000, représentatifs du tissu social, géographique, etc. pour débattre et donner un avis sur la politique énergétique française. Or parmi ces quatre cents personnes, seule une infime minorité connaissait les dispositifs que vous venez de citer. Le plus connu était le crédit d'impôt et beaucoup étaient convaincus que pour en bénéficier, il fallait payer des impôts ; ce qui est faux, il ne s'agit pas d'une déduction fiscale.
Votre question concerne la complexité de l'ensemble de ces mécanismes d'aide. Comme vous, il me semble qu'elles ne sont pas nécessairement perceptibles par l'artisan de base. En revanche, nous voyons apparaître sur le marché, et il faudrait l'encourager, des entreprises spécialisées pour agglomérer toutes ces aides – qui ne sont pas toutes compatibles entre elles.
Cependant, il est indispensable que l'État communique beaucoup plus ; cela aurait peut-être évité certaines crises sociales, les dépenses pour le consommateur de base étant avant tout liées à l'énergie consommée pour son logement. En aidant un certain nombre de foyers, nous aurions peut-être pu éviter toutes ces contraintes subies, liées au prix de l'énergie.
Nous devons nous demander si les espaces infos énergies sont bien dimensionnés, à la hauteur des besoins de la transition énergétique. Il en existe trois cents ou quatre cents, ce qui est largement insuffisant. Je l'ai évoqué pour l'ADEME, mais réduire les effectifs sur le terrain n'est pas la meilleure façon de faciliter la transition énergétique.
Il conviendrait d'impliquer davantage les collectivités territoriales, comme c'est le cas en Alsace.
Ma première question est d'ordre philosophique. Je suis producteur de photovoltaïque. Or la surface nécessaire pour une production modeste est importante. Les EnR, telles que nous les connaissons, peuvent-elles réellement répondre à l'enjeu énergétique de la France ?
Une centrale nucléaire, avec toutes les difficultés d'implantation que nous connaissons, utilise quelques dizaines d'hectares, alors qu'il faudrait des forêts d'éoliennes et je ne sais combien d'hectares de panneaux photovoltaïques pour remplacer un réacteur. N'est-ce pas là une difficulté congénitale ?
Par ailleurs, votre syndicat représente l'ensemble des énergies renouvelables. Je suppose qu'elles ne sont pas toutes au même degré de maturité. Vous avez évoqué votre regret que l'hydrolien ou la géothermie électrique ne soient pas assez mis en avant dans le projet de PPE ; mais nous ne pouvons pas courir tous les lièvres à la fois. Au vu de vos connaissances, quelles EnR ont les plus grandes potentialités ? Sur lesquelles devons-nous parier ? Lesquelles doivent être davantage accompagnées par la puissance publique ?
Enfin, la semaine dernière, nous avons reçu le président du groupe Valorem. Nous l'avons interrogé sur la question de l'intermittence. Selon lui, le coût du stockage sous forme de batterie est prohibitif et il y aurait un intérêt à stocker dans les usages – concrètement, dans les chauffe-eaux thermodynamiques. N'avons-nous pas intérêt à faire fonctionner ces chauffe-eaux comme une réserve d'énergie d'eau chaude, à des moments où l'électricité ne vaut rien – ou est à un prix négatif ?
Concernant la production modeste d'énergie solaire, je vous répondrai en me référant à mon expérience, puisque je viens d'installer une trentaine de mètres carrés de panneaux photovoltaïques et qu'ils suffisent très largement à couvrir ma consommation. Je fais de l'autoconsommation et je vais vendre le surplus à EDF, qui a une obligation de rachat. En outre, pour maximiser ma consommation, je fais du stockage sur les usages – j'ai installé un chauffe-eau thermodynamique.
Mais nous pouvons faire mieux, le chauffe-eau thermodynamique n'est pas la seule solution. Jean-Pierre Grandidier, le président de Valorem, a dû vous en parler, nous pouvons stocker également sur le froid.
L'intermittence est un terme que je n'aime pas, l'ADEME parle de variabilité ; l'intermittence, c'est quand on ne peut pas prévoir la production d'un générateur éolien ou photovoltaïque, or c'est extrêmement prévisible.
Je n'ai donc pas évoqué tous les moyens de pallier cette variabilité. Outre les batteries, dont le coût du stockage est encore trop élevé par rapport au prix de l'énergie – mais cela ne le sera pas éternellement, et il n'est pas trop élevé dans les départements d'outre-mer –, il y a en effet le stockage sur les usages, le foisonnement, les interconnexions… Bientôt, le développement à grande échelle du véhicule électrique permettra d'absorber les excédents d'éolien et de photovoltaïque ; vous avez reçu un représentant d'Enedis qui a dû vous l'expliquer.
Quant à remplacer le nucléaire, il ne s'agit pas aujourd'hui d'un objectif. Si cela devait arriver un jour – je fais référence au scénario 100 % EnR de l'ADEME –, ce sera par un mix de solutions EnR. Nous ne miserons jamais tout sur l'éolien ou le photovoltaïque. Il y aura une complémentarité avec l'hydraulique, la biomasse, la géothermie…
Toutes les filières ne sont effectivement pas au même niveau de maturité. Le soutien de la puissance publique doit donc être adapté, à la fois, à leur potentiel de développement et à leur niveau de maturité.
Par exemple, nous ne demandons pas de lancer des appels d'offres sur l'hydrolien. Tout un parcours de développement technologique est nécessaire avant de pouvoir faire du développement à grande échelle.
La méthanisation est encore à un autre niveau de maturité. Nous devons accompagner le développement de la filière par cette structuration que j'évoquais tout à l'heure.
Monsieur le président, vous défendez les six parcs d'éoliennes en mer ; j'ai été confronté à l'un d'entre eux. Vous avez rappelé que le tarif de rachat de l'électricité avait baissé, passant de 210 à 150 euros le MWh. Cela étant dit, un parc d'éoliennes en mer coûte près de 1,8 milliard d'euros, dont 400 millions sont liés au frais de raccordement et qui ont été transférés sur le Réseau de transport d'électricité (RTE), financé par le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE). Nous ne sommes donc plus dans le modèle économique d'origine.
Nous produisons encore de l'énergie à 150 euros le MWh, ce qui est exorbitant au regard de ce que nous entendons, depuis le début de cette commission d'enquête – des prix entre 60 et 80 euros.
Vous avez également évoqué l'éolien flottant au large du Croisic, qui n'a pas du tout le même impact sur l'environnement et notamment sur les écosystèmes. Le parc du Tréport est situé en face de chez moi, en plein milieu d'un parc marin et d'une zone pêche, c'est vous dire si les gens sont vent debout contre ce parc, qui n'a pas été suffisamment réfléchi quant à son installation et son implantation. De sorte que les citoyens sont à la limite de l'acceptabilité de ce parc, mais également des parcs terrestres ; il s'agit d'une vraie question sociétale. Les Hauts-de-France comptent 600 éoliennes sur les 9 000 installées en France.
Est-il encore raisonnable aujourd'hui de racheter cette électricité à 150 euros le MWh ? Ne serait-il pas plus intelligent de mettre le paquet sur l'éolien flottant et de développer une vraie filière ? Nous aurions ainsi une vraie avance technologique, que nous ne possédons pas avec l'éolien posé.
S'agissant du prix de l'électricité à 60 ou 80 euros du MWh – parfois même moins –, vous faites référence aux parcs de l'Europe du Nord.
Si vous avez des informations, je suis preneur.
S'agissant des projets dont vous parlez, je vous l'ai précisé tout l'heure, ils ont été adjugés en 2012 et 2014, avec les technologiques qui existaient à ce moment-là, et que le cahier des charges nous interdit de faire évoluer. Il nous est impossible de prendre en compte les progrès qui ont été réalisés depuis.
Après une négociation menée par le Président de la République lui-même, celle-ci a abouti à un tarif moyen de 140 euros par MWh, hors coût de raccordement. Les parcs qui s'installent en Grande-Bretagne aujourd'hui, à partir de projets élaborés il y a six ou sept ans, pratiquent des tarifs allant de 150 à 180 euros le MWh.
Les prix annoncés, de 60 à 80 euros, pour les appels d'offres aux Pays-Bas, au Danemark ou en Allemagne, concernent des parcs qui se réaliseront, dans les mêmes conditions que Dunkerque d'ailleurs, avec des technologies qui sont encore en cours de développement.
S'agissant du projet du Tréport, et je ne sais pas s'il se réalisera un jour, mais il a montré ce qu'il ne fallait pas faire. La concertation a été menée, après adjudication par l'État, pour une zone qui était figée, que nous ne pouvions pas faire évoluer. J'en ai beaucoup discuté avec les pêcheurs qui, si nous avions pu bouger ce parc de quelques mille marins, ne seraient pas opposés à ce projet.
Cette question a été prise en compte dans les réglementations pour les nouveaux parcs. Nous bénéficierons de plus de souplesse, non seulement, sur la détermination des zones, mais aussi sur la prise en compte des évolutions technologiques pendant la durée du développement du projet.
Concernant l'éolien flottant, cette technologie est encore en développement, il est donc difficile de cerner avec précision les coûts auxquels nous allons aboutir. Je l'ai expliqué plus haut, l'éolien flottant est à 90 % identique à l'éolien posé. Les différentes études menées par un grand nombre d'institutions montrent que l'éolien flottant pourrait déboucher sur les mêmes coûts d'ici à 2030. Le potentiel de développement et industriel est donc appréciable. Je rappellerai juste que les pêcheurs ne peuvent pas pêcher à l'intérieur du parc.
Concernant les EnR, et notamment leur coût – vous avez évoqué un prix de 55 euros le MWh pour l'énergie solaire –, vous avez bien compris qu'il s'agit d'un vrai sujet sociétal, les subventions étant financées par les impôts et les taxes. L'État subventionne le delta entre le prix de marché et le prix moyen.
Le prix du nucléaire est estimé à 42 euros alors que, selon la Cour des comptes, mais aussi de rapports de différents experts, le coût réel du nucléaire serait de 60 à 80 euros. Est-il possible d'affirmer que, investir dans les EnR, serait la garantie, en termes d'acceptabilité, de disposer d'une énergie abordable ?
Je préciserai que je ne suis pas défavorable au nucléaire, nous en avons besoin pour assurer une continuité de service. Cependant, si nous devons dessiner, pour demain, l'infrastructure énergétique de la France, le socle sera le nucléaire et les EnR la dentelle fine – notamment dans les collectivités locales.
Par ailleurs, nous devrions-nous pas permettre aux territoires de se saisir davantage des politiques nationales ? Si oui, comment ?
Je souhaiterais également connaître votre avis sur la question du solaire en termes de thermique ?
Enfin, ma dernière question concerne la géothermie. Je suis député d'Alsace, je suis donc très concerné par la géothermie profonde, et notamment par les projets menés en la matière en Alsace ; tous n'ont pas la même configuration. Certains visent à produire de la chaleur, avec de l'électricité en complément, d'autres visent à produire uniquement de l'électricité – qui est aujourd'hui à 250 euros le MWh.
Ne faudrait-il pas privilégier les premiers projets, et ne produire de l'électricité qu'en complément de la chaleur ? D'autant que, avec le lithium, ce serait 100 % des besoins nationaux qui seraient couverts.
En matière de géothermie, je suis entièrement d'accord avec vous, il convient bien évidemment de valoriser la chaleur. Ce qui ne doit pas nous empêcher de produire de l'électricité. Il est vrai que le tarif est aujourd'hui de 246 euros le MWh, mais les professionnels de la géothermie se sont engagés à ramener ce coût à 100 euros, en 2028.
Je connais bien la question de la géothermie en Alsace, puisque dans une précédente vie, je travaillais à l'ADEME et j'ai mené un projet pour que l'usine Roquette à Beinheim soit alimentée en chaleur.
La géothermie, avec cette occasion de valoriser du lithium, est une vraie opportunité pour le développement de la filière et le développement industriel.
S'agissant du solaire thermique, il a connu très peu de développement, ces dernières années, même dans le cadre du fonds chaleur. Néanmoins, nous assistons, depuis deux, trois ans, à l'apparition de très grandes installations – parfois plusieurs dizaines de milliers de mètres carrés de capteurs solaires. Des installations qui ont vocation à répondre à des besoins industriels ou de réseaux de chaleur. Réalisées avec des modules solaires de très grandes surfaces, de l'ordre de quinze mètres carrés par capteur, le prix de ces installations solaires thermiques a été divisé par trois. Il s'agit donc d'une opportunité de relancer le marché du solaire thermique en France.
Nous avons d'ailleurs déposé, cet après-midi, au Conseil supérieur de l'énergie (CSE), un amendement, dans le cadre de l'examen de la PPE, en ce sens.
En ce qui concerne les territoires, ils ont, avec les syndicats d'énergie, toutes les capacités pour se saisir de la transition énergétique à leur niveau. Nous travaillons d'ailleurs beaucoup avec la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), dans ce cadre. Elles sont très bien placées, par leurs connaissances des consommations énergétiques, des gisements dans les différentes énergies renouvelables, pour mener des projets à l'échelle du territoire et le faire en collaboration avec le secteur industriel que je représente aujourd'hui.
En termes de normes ou de cadre réglementaire, selon vous, tous les éléments sont déjà réunis pour que les collectivités puissent développer leur politique territoriale ?
Des petites améliorations pourraient être apportées, notamment dans le photovoltaïque, qui est très prisé dans les territoires. Par exemple, la procédure d'appel d'offres commence dès le seuil de 100 kWh, ce qui est rédhibitoire pour une installation qui coûtera quelque 150 000 euros ; ce n'est pas très raisonnable. Nous prônons, depuis longtemps, de rétablir un guichet pour le solaire photovoltaïque, jusqu'à 500 kWh, ce que permettent les règles d'encadrement communautaires sur les aides d'État.
Par ailleurs, la question des ressources est importante. Les collectivités doivent faire le point sur leurs ressources, leurs besoins, leurs capacités d'évacuation de leur énergie par les réseaux, etc. Une compétence que détiennent les syndicats d'énergie. Nous menons, d'ailleurs, avec certains de nos adhérents, des projets intéressants sur cette question, dans lesquels ils combinent les différentes énergies renouvelables.
Alstom, basé en Alsace, est capable de produire un train à hydrogène – 500 kilomètres en bimode, électrique et hydrogène, et une autonomie de 1 000 kilomètres en hydrogène pure.
Concernant le futur des EnR en termes de coût, aujourd'hui, elles sont déjà à un niveau très acceptable, mais nous pourrions encore diminuer en allégeant certaines réglementations. Nous parlions de la durée d'un projet éolien. De même, pour les autres EnR, chaque année qui passe augmente le coût, qui se répercute dans le prix de l'énergie.
Les EnR vont encore progresser dans les années à venir et nous gagnerons plusieurs euros par mégawatheure. Nous verrons également apparaître d'autres sources d'énergie renouvelable, comme le gaz, qui est aujourd'hui extrêmement marginal.
Les EnR sont une garantie de stabilité des prix sur le futur. Je serais incapable de vous dire à quel mix nous allons arriver en 2050, mais nous devons y aller progressivement. La direction générale de l'énergie (DGE) – vous avez reçu M. Laurent Michel – souhaite commencer à réfléchir sur l'après 2035 – la PPE allant jusqu'en 2028.
Les études menées par l'ADEME démontrent qu'un mix avec beaucoup d'EnR est une garantie de stabilité des coûts, voire de réduction.
D'autant que nous savons déjà qu'il nous manque 33 milliards d'euros pour recycler l'ensemble du parc nucléaire actuel.
Monsieur Bal, je vous remercie pour la clarté de vos propos.
La séance est levée dix-huit heures trente-cinq.
Membres présents ou excusés
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique
Réunion du mardi 14 mai 2019 à 18 h 40
Présents. - M. Fabien Gouttefarde, Mme Danièle Hérin, Mme Laure de La Raudière, M. Emmanuel Maquet, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Turquois
Excusés. - M. Julien Aubert, M. Christophe Bouillon, M. François-Michel Lambert, M. Jean-Charles Larsonneur