La commission entend M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur les conséquences du Brexit
Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir cet après-midi M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, qui va évoquer les conséquences du Brexit, comme cela a été souhaité par la Conférence des présidents. Un document de synthèse des réunions tenues par les différentes commissions sur le sujet sera d'ailleurs élaboré.
La semaine dernière, nous avons auditionné, conjointement avec la commission des affaires économiques et la commission des affaires européennes, M. Michel Barnier, qui a dirigé l'équipe des négociateurs de l'Union européenne depuis 2016.
Nous souhaitons, monsieur le ministre, que vous nous donniez des informations précises sur l'impact du Brexit pour la France du point de vue de Bercy, c'est-à-dire d'un point de vue économique et financier. Je n'oublie pas que vous êtes également à la tête de l'administration des douanes, qui est directement concernée par le sujet. Il serait donc intéressant que vous nous éclairiez sur le fonctionnement des nouvelles procédures, essentielles dans la mise en œuvre du Brexit.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, tout au long du processus de négociation, le négociateur a respecté le mandat que nous lui avions confié ; il a conservé une position équilibrée, qui consistait à la fois à respecter le choix démocratique exprimé par les Britanniques et à veiller à ne pas mettre en danger l'Union européenne ni à réduire ses principes. Le Brexit étant une décision du Royaume-Uni, il ne pouvait se traduire par un affaiblissement du projet européen.
En février 2020, dès la formalisation du Brexit, nous avons pu définir un accord de retrait temporaire concernant différents sujets. D'abord, nous avons veillé à la protection des droits des ressortissants européens vivant au Royaume-Uni et des Britanniques vivant dans l'Union européenne, afin que ces citoyens ne soient pas les otages d'une recherche d'accord. Ensuite, nous avons défini les obligations budgétaires pesant sur le Royaume-Uni, pour ne pas mettre en danger le fonctionnement de l'Union européenne. Des précautions ont été prises sur les indications géographiques existantes et sur le règlement à court terme de la situation des entreprises qui préparaient leur sortie du marché intérieur. Enfin, cet accord prévoyait une période de transition, entre février 2020 et le 31 décembre 2020, afin de permettre tant aux particuliers qu'aux entreprises de se préparer aux conséquences du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne et de donner du temps aux négociateurs britanniques et européens pour se mettre d'accord sur la relation future.
Le négociateur en chef a mené la négociation dans le respect de nos principes et nous sommes arrivés, le 24 décembre, à un accord qui nous permet de défendre nos intérêts et d'éviter les effets perturbateurs d'une fin désordonnée de la période de transition.
Nous avons été particulièrement vigilants sur plusieurs points.
Sur la question de la concurrence équitable, d'abord, qui a été un point d'achoppement majeur en fin de négociation. Il me semble que l'équilibre atteint est le bon. Nous n'avons jamais exigé du Royaume-Uni qu'il renonce à sa capacité de légiférer mais nous sommes restés extrêmement fermes sur la protection du marché intérieur, puisqu'il n'est pas question d'ouvrir notre marché sans la garantie que nos entreprises ne seront pas exposées à une concurrence qui pourrait être déloyale.
Ensuite, la conclusion d'un partenariat commercial qui prévoit une absence de droits de douane est une bonne nouvelle, tant pour l'Union européenne que pour la France. Le Royaume-Uni est un partenaire commercial majeur, il est même le premier excédent commercial de la France, avec plus de 12 milliards d'euros. Le commerce intra-branche, notamment dans les secteurs de l'aéronautique, de l'aérospatiale, de l'automobile, de la chimie et de la pharmacie, témoigne de cette interdépendance en matière commerciale entre la France et la Grande-Bretagne. Par ailleurs, le Royaume-Uni réalise près de la moitié de ses importations et de ses exportations avec l'Union européenne.
Pour autant, les enjeux commerciaux de cette négociation ne se résument pas à des chiffres. Le Royaume-Uni n'est pas simplement un partenaire économique pour l'Union européenne, c'est aussi un concurrent, qui ne peut pas être comparé au Japon, au Canada ou au Chili, du fait de sa proximité et de sa relation économique avec l'Union européenne, qui se caractérise par un très haut degré d'intégration des chaînes de valeur. Cette intégration des économies justifie l'ambition européenne en matière de concurrence équitable, car aucun accord commercial avec l'un de nos partenaires, aussi important soit-il, ne doit nous conduire à affaiblir le marché intérieur et sa compétitivité relative, qui sont les biens communs de toutes les entreprises européennes. Au nom de ces principes, nous avons veillé à la fois à un encadrement rigoureux des aides d'État, et au maintien de normes environnementales, sociales et climatiques équivalentes entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, avec un principe de non-régression.
S'agissant des règles d'origine, qui déterminent quelles marchandises britanniques sont exemptées de droits de douane à l'entrée du marché européen, nos exigences ont été transposées dans l'accord, ce qui nous prémunit de voir la Grande-Bretagne se transformer en plateforme de réexportation aux portes de l'Union européenne.
Enfin, la pêche a été un point majeur des négociations jusqu'au 24 décembre. Nous avions affirmé très tôt et de manière constante que le pêcheur français ne pouvait pas être la variable d'ajustement d'un accord entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Les pêcheurs européens peuvent donc continuer à pêcher dans les eaux britanniques, alors que le Royaume-Uni voulait initialement les en exclure. Finalement, ce sont 75 % de la valeur des pêcheries européennes qui seront préservés ; les pêcheries historiques dans les zones côtières seront également préservées. La France, comme les autres États membres, contribuera à la réduction progressive des quotas de poissons, à hauteur de 25 % en valeur – 15 % la première année –, qui étaient pêchés par l'Union européenne dans les eaux du Royaume-Uni. Au-delà de 2025, les quotas ne pourront plus être remis en cause et l'évolution du volume des captures dépendra essentiellement de projections scientifiques. Par ailleurs, des mesures compensatoires sont prévues en cas de remise en cause de l'accès de l'Union européenne aux eaux britanniques, qui permettent de garantir durablement la qualité de cet accord.
Nous avions anticipé le pire en la matière. J'avais eu l'occasion, avec Clément Beaune, de rencontrer à plusieurs reprises les pêcheurs, notamment à Calais et à Boulogne-sur-Mer, pour préciser les dispositifs d'aide que nous avions prévus, au cas où nous n'aurions pas trouvé d'accord satisfaisant pour toutes les parties. Ils ne seront évidemment pas mobilisés mais nous allons continuer à accompagner les pêcheurs qui subiraient des pertes de tonnages ou des difficultés en matière douanière et de transit.
Si l'accord nous paraît équilibré, il ne faut cependant pas sous-estimer ce qui s'est passé le 1er janvier, à zéro heure. Le Royaume-Uni est désormais formellement un État tiers en droit et dans les faits, ce qui a des conséquences, encore difficiles à mesurer, pour les citoyens et les entreprises. Si les citoyens qui résident depuis plus de cinq ans dans l'Union européenne ou au Royaume-Uni sont éligibles à un statut de résident permanent, nous devons prendre conscience que la libre circulation des personnes est bien terminée ; la frontière extérieure de l'Union européenne est rétablie au milieu de la Manche.
En outre, le Royaume-Uni a fait un certain nombre de choix lors de la négociation qui ont des conséquences très concrètes sur les Français et les entreprises concernées. Les travailleurs de l'Union européenne, qui ne bénéficient plus de la liberté de circulation, sont désormais soumis aux règles de l'immigration britannique. Les règles migratoires britanniques sont beaucoup plus strictes qu'en 2020, un certain nombre de dispositions ayant été votées par le Parlement britannique. Par ailleurs, je rappelle que le Royaume-Uni n'a pas souhaité continuer à participer au programme Erasmus, alors même que l'Union était prête à lui en proposer le bénéfice.
Pour ce qui concerne les échanges économiques, le Royaume-Uni n'a pas souhaité rester au sein du marché intérieur ou de l'union douanière. Les conséquences de ce choix sont majeures pour les entreprises françaises – et européennes – que nous avons accompagnées pendant de nombreux mois pour les aider à franchir sereinement le 1er janvier 2021. Les conséquences sont aussi importantes pour les administrations, et leur travail de préparation doit être salué.
Nous avons recréé une frontière. C'est un événement inédit, d'autant plus qu'il s'agit d'un des points de passage les plus actifs de notre territoire. Cette frontière est exceptionnelle à plusieurs égards : par la proximité du territoire britannique, la diversité des modes de son franchissement et le volume du trafic, en provenance ou à destination du Royaume-Uni, qui s'élève à 30 millions de voyageurs et 5 millions de poids lourds par an. Dans les Hauts-de-France, il faut ajouter à cela une fréquence importante des rotations avec, par exemple, une circulation dans le tunnel toutes les trois minutes et cinquante rotations de ferries par jour dans le port de Calais – les temps de traversée pouvant varier de trente-cinq minutes à deux heures.
Nous devons également garder en mémoire que les installations portuaires, comme le site du tunnel sous la Manche, ont été conçues à une période où la Grande-Bretagne appartenait au marché intérieur et à l'Union européenne. En conséquence, elles n'ont pas été conçues pour traiter des flux tiers à l'Union européenne mais, au contraire, aménagées pour une libre circulation des personnes et des biens. Il a donc fallu anticiper et faire preuve d'imagination, mais aussi investir. Je souhaite saluer tout particulièrement la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) pour son rôle moteur à l'égard des acteurs économiques et des gestionnaires du lien transmanche, ainsi que pour son rôle de coordination des autres administrations.
Où en sommes-nous dans la mise en œuvre du Brexit et combien ce dernier nous a-t-il coûté ?
S'agissant des contrôles douaniers, nous avons inventé un système, la frontière intelligente, qui permet de ne pas engorger les installations existantes. Elle a pour principe de n'arrêter que les moyens de transport qui contiennent des marchandises devant faire l'objet de formalités douanières supplémentaires ou d'un contrôle douanier. Cette solution innovante est fondée sur trois principes : d'abord, l'anticipation des formalités douanières par les opérateurs avant le chargement du moyen de transport ; ensuite, l'identification des moyens de transport grâce aux plaques d'immatriculation ; enfin, l'automatisation de la gestion et de l'orientation des flux, qui permet l'aiguillage des moyens de transport en file verte ou, lorsqu'un contrôle douanier ou sanitaire est requis, en file orange.
La douane a également renforcé son système d'information pour faire face à une charge de dédouanement supplémentaire, de l'ordre de 8 à 10 % en volume. Nous avons donc prévu un renforcement des forces de la douane, avec 700 douaniers supplémentaires, dont 600 ont déjà été recrutés, formés et affectés. Les multiples reports de l'échéance du Brexit nous ont amenés à procéder à des manœuvres un peu complexes en matière de ressources humaines, puisque les reports intervenaient alors que les agents étaient déjà en place. Parmi les 600 agents recrutés, 277 ont été affectés à la région Hauts-de-France, où quatre services et deux bureaux ouverts 24 heures sur 24 ont été créés, pour gérer le port de Calais, l'Eurotunnel et les ferries à Dunkerque.
La police aux frontières (PAF) a également renforcé ses effectifs, à hauteur de 177 équivalents temps plein (ETP), auxquels s'ajoutent 84 réservistes, pour gérer les contrôles supplémentaires effectués depuis le 1er janvier.
Pour renforcer les contrôles sanitaires et phytosanitaires, 466 ETP supplémentaires ont été déployés à la frontière. Cet effort a permis l'ouverture renforcée du centre de contrôle vétérinaire de Boulogne-sur-Mer, 24 heures sur 24. Pour démontrer l'engagement de l'État dans la protection de la filière de transformation des produits de la mer, le choix a été fait d'orienter sur le service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire (SIVEP) de Boulogne-sur-Mer la totalité des arrivages de produits de la mer, quel que soit le port de débarquement.
Au total, ce sont plus 1 300 ETP qui ont été créés, dans un contexte budgétaire que je ne rappellerai pas. Il a par ailleurs fallu adapter les infrastructures, notamment sur la façade de la Manche et la mer du Nord. Les travaux des collectivités, des opérateurs et de l'État ont permis de dimensionner les aménagements nécessaires en matière de parkings, de circulation et de bâtiments.
Les différents gestionnaires d'infrastructures ont également adapté leur organisation et leurs processus de travail ainsi que leur informatique pour s'interfacer avec le système d'information du Brexit. Pour ce faire, ils ont procédé à des embauches, notamment d'agents de liaison, pour la gestion des camions au contrôle. Pour l'État, cette adaptation des infrastructures nécessite un investissement de plus de 60 millions d'euros, qui sera engagé d'ici à 2022. L'État soutiendra l'ensemble des gestionnaires, notamment Eurotunnel et le port régional de Boulogne-Calais. Entre les embauches et les frais d'aménagement des infrastructures, le coût de la préparation du Brexit pour l'État s'élève à 200 millions d'euros. À cette somme s'ajoutera le soutien à la filière pêche, dont le montant évoluera avec la mise en œuvre des différents accords.
En parallèle, nous avons porté à Bruxelles le projet d'un fonds européen de soutien au Brexit, qui viendra en partie compenser ce coût et aider les entreprises à franchir le cap. Les modalités de répartition de ce fonds, doté de 5,370 milliards d'euros, sont en cours de négociation.
La préparation du Brexit a constitué un chantier majeur de communication et d'information des entreprises et des particuliers, en France, en Europe et au Royaume-Uni. Ce chantier a été complexe durant les trois années qu'a duré la préparation du Brexit, puisqu'il a été marqué par différents reports et la conclusion d'un accord en toute dernière minute. Certains, notamment au Royaume-Uni, ont vu à tort, dans cet accord, une disparition des formalités dues au franchissement de la frontière, ce qui n'est pas le cas. Nos efforts en matière de communication n'ont pas concerné que les douanes. Les enjeux réglementaires et fiscaux sont un autre aspect majeur des conséquences du Brexit sur les entreprises. La création d'un site spécifique, brexit.gouv.fr, un outil d'autodiagnostic mis à la disposition des entreprises, a permis à ces dernières de se préparer au mieux.
L'administration fiscale a reçu plus de questions au cours du mois de janvier 2021 qu'au cours de l'ensemble de l'année 2020 concernant les conséquences fiscales du Brexit, dont certaines n'ont pas été totalement anticipées. Je pense notamment au fait que les propriétaires d'un plan d'épargne en actions (PEA) en France contenant des actions de sociétés britanniques disposent de quelques mois pour les céder, celles-ci ne pouvant plus faire partie d'un PEA tel qu'il est commercialisé sur le marché bancaire français.
Aujourd'hui, en termes de flux et de gestion de la frontière, un premier constat s'impose, qui est plutôt positif : la congestion généralisée qui était crainte par certains n'a pas eu lieu. Les flux sont proches de la normale, avec plus de 90 % du trafic habituel et plus de 33 000 camions par semaine à l'importation. L'organisation fonctionne. Le processus de frontière intelligente fonctionne aussi, tout comme le système informatique dédié, même s'il doit faire l'objet d'améliorations ponctuelles et que nous avons dû l'adapter au premier système d'information mis en place par les Britanniques. Le dimensionnement des infrastructures, d'après le court retour d'expérience que nous en avons, semble adapté à la nature du trafic, même si celui-ci croît encore et que nous n'excluons pas la nécessité de devoir l'adapter et l'aménager.
Quelques constats sont moins positifs. D'abord, les opérateurs de dédouanement ne sont pas suffisamment nombreux ; ensuite, les entreprises ne sont pas toutes préparées ; enfin, il y a une asymétrie du degré de préparation entre la France, que nous considérons comme bon, voire très bon, et le Royaume-Uni. Des dysfonctionnements sont à noter dans les dispositifs mis en place par le Royaume-Uni, notamment en qui concerne le transit ; ils ont occasionné des arrêts répétés à la frontière. Notons également le manque de bureaux de douane et le manque de personnels douaniers britanniques pour les questions liées à la pêche et au débarquement en Écosse, aujourd'hui impossible. Je rappelle que de nombreuses entreprises françaises pêchaient en mer du Nord, mais débarquaient leurs poissons en Écosse ; ils étaient ensuite transportés par la route vers le sud de l'Angleterre, d'où ils traversaient la Manche. Un important travail technique reste à réaliser. Il est effectué chaque jour par la douane, en lien avec les différents services de leurs homologues britanniques, mais aussi avec les services du ministère de l'agriculture en France.
Nous travaillerons, dans les semaines à venir, sur trois axes.
D'abord, il convient d'accentuer l'effort d'information et d'accompagnement des entreprises. Les pôles d'action régionaux de la douane restent mobilisés pour accompagner les entreprises, en lien avec les organisations professionnelles. Il faut, ensuite, développer l'attractivité de nos territoires, notamment la région Hauts-de-France, pour faire face à un certain nombre d'outils qui peuvent être mis en place par le Royaume-Uni, notamment sur la question des ports francs. Enfin, nous devons améliorer, au jour le jour, le processus de passage à la frontière.
Le Royaume-Uni n'a pas encore déployé sa réglementation douanière à l'importation ; il ne le fera que le 1er juillet. Je songe notamment à l'introduction de droits de douane sur les produits qui ne seraient pas d'origine communautaire, ou encore aux formalités non tarifaires qu'ils appliqueront pour l'accès des marchandises et des personnes au territoire britannique. Cela nécessitera pour nos services, comme pour les entreprises et les particuliers, une nouvelle période d'adaptation que nous essayons d'anticiper au mieux, sachant que d'ici au 1er avril, les informations dont nous disposons pour nous adapter sont extrêmement parcellaires. Cela nécessitera un travail intense au cours du deuxième trimestre.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir communiqué le coût du Brexit pour la France. Je comprends que les 200 millions d'euros prennent en compte les 1 300 postes créés, dont le coût est récurrent, tout comme celui des systèmes informatiques. Pouvez-vous nous indiquer quel est le coût de fonctionnement et le coût en investissement ?
Lorsque nous avons reçu Michel Barnier, je lui ai demandé s'il connaissait le montant du chèque de divorce britannique. Nous n'avons jamais eu de réponse très précise à ce sujet et je me demande pourquoi. Peut-être n'a-t-il pas encore été négocié ? Comment les Britanniques vont-ils verser l'argent qu'ils doivent à l'Union européenne, du fait de leurs engagements passés ?
Michel Barnier nous a indiqué que les Britanniques participeront financièrement aux politiques et aux programmes européens qu'ils continueront à utiliser. Avez-vous une idée de la participation britannique à ces programmes ?
Le départ du Royaume-Uni aura-t-il une incidence sur les ressources propres de l'Union européenne ? Va-t-il augmenter la participation française, en recettes non perçues ou en contributions ?
Quel sera l'impact, sur les entreprises importatrices, des nouvelles procédures de douane ? Quel sera le coût administratif du Brexit pour elles ?
Enfin, s'agissant de la pêche, j'ai cru comprendre que les quotas seront maintenus à hauteur de 75 % pendant cinq ans ?
Monsieur le ministre, nous nous interrogeons, le président l'a dit, sur le coût du divorce, et nous en avons longuement discuté avec le négociateur, Michel Barnier.
Ce que nous savons, en tant que commissaires aux finances, c'est que, dans le projet de loi de finances pour 2021, le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSR-UE) a fortement augmenté du fait du Brexit. Comment pouvons-nous anticiper les évolutions à venir en la matière dans les prochains PLF ? L'augmentation constatée a-t-elle vocation à stagner, parce qu'il constituerait, de facto, la quote-part de la France pour la sortie du Brexit ? Ou bien constatera-t-on une diminution, le Brexit ayant entraîné, ponctuellement, des dépenses exceptionnelles ?
Vous avez évoqué les moyens supplémentaires alloués à nos douanes françaises, et je vous en remercie. Comment qualifiez-vous qualitativement l'état d'esprit et l'action de la douane britannique depuis le début de l'année ?
Comment envisagez-vous les échanges entre les administrations fiscales française et britannique, à la suite du Brexit ? Par ailleurs, les effectifs de la direction des impôts des non-résidents (DINR) ont-ils été revus à la hausse ?
Concernant la fiscalité des entreprises, disposez-vous d'une première estimation de l'impact du Brexit sur nos dépenses fiscales ? Je pense notamment au crédit d'impôt recherche (CIR), aux réductions d'impôt pour les dons ou au mécénat.
Par ailleurs, les services gouvernementaux britanniques conseilleraient à leurs entreprises qui exportent dans la zone euro de s'installer, via une filiale, dans les pays européens. Disposez-vous d'éléments sur cette question et avez-vous procédé à une simulation de l'impact sur les recettes fiscales, pour la France, de telles implantations ?
En ce qui concerne la fiscalité des ménages, le Brexit a eu des conséquences notables sur les flux d'expatriation : pouvez-vous les quantifier, notamment pour les contribuables les plus aisés ? Des interprétations peuvent-elles déjà être réalisées ?
Les Britanniques qui résident sur le territoire français seront désormais assujettis aux prélèvements sociaux sur leurs revenus du patrimoine au même titre que les contribuables français – soit 17,2 %. Ces recettes supplémentaires ont-elles été calculées ? Enfin, avez-vous relevé des mouvements de ressortissants britanniques sur le territoire français depuis le 1er janvier ?
Monsieur le ministre, je m'associe aux félicitations que vous avez adressées au négociateur et au Gouvernement pour le travail qui a été réalisé pour parvenir à un accord. J'aimerais également féliciter les douanes pour le travail remarquable de préparation qu'elles ont réalisé depuis près de deux ans.
Pouvez-vous nous donner un aperçu de l'impact du Brexit, après accord, sur l'économie et sur ses différents secteurs ? Concernant la frontière intelligente, je suis bien conscient que nous n'avons pas le recul suffisant, mais pouvez-vous déjà tirer des enseignements sur ce qu'elle apporte et sur son fonctionnement ? Pendant la négociation, une dilution des liens quotidiens qui existent entre les administrations françaises et britanniques a été nécessaire, pour que les négociations puissent être menées entre Bruxelles et Londres. Le dialogue entre les douanes françaises et britanniques a-t-il repris depuis l'accord ?
Reste-il des sujets que cet accord ne couvre pas ou des questions qui ont besoin de précisions et qui justifieraient des échanges bilatéraux ?
Concernant la liquidation des PEA, il me semble que, dans l'habilitation donnée au Gouvernement, la question des PEA est évoquée et qu'une ordonnance a été publiée pour y remédier.
En 1954, Jean Monnet affirmait : « L'Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises. »
Il est inutile de préciser que l'année écoulée aura été, dans tous les domaines, une année de rupture. Le choix démocratique et souverain du peuple britannique a été respecté et, par l'accord de décembre 2020, conclu après des discussions serrées, longues et difficiles, menées avec beaucoup de talent par Michel Barnier, l'Union européenne a su préserver les intérêts fondamentaux de ses États membres.
Alors que l'encre n'est pas encore sèche, nous continuons à nous interroger sur les conséquences du Brexit, sur ce partenariat inédit avec un pays tiers, hors du marché unique. L'absence d'accord aurait eu des conséquences catastrophiques, tant pour les pêcheurs, qui auraient perdu l'accès aux eaux britanniques, que pour nos entreprises exportatrices, qui auraient dû s'acquitter de droits de douane très pénalisants.
Je rappellerai, en ma qualité de rapporteur du commerce extérieur, que la France a un excédent commercial de plus de 10 milliards d'euros avec le Royaume-Uni. C'est dire, monsieur le ministre, si les questions qui concernent votre périmètre ministériel sont importantes. L'absence de tarifs douaniers et de quotas n'empêchera pas des surcoûts importants pour les opérations d'export. Les contrôles sanitaires, notamment pour la filière agroalimentaire, constituent de fait une contrainte et un coût supplémentaire.
Comment la France compte-t-elle aider ses entreprises à maintenir leur position, voire à la développer dans le Royaume-Uni ? Pouvons-nous imaginer un soutien financier national pour celles qui connaîtront des surcoûts importants ? Enfin, quels sont les mécanismes de gouvernance pour décider de la politique de contrôle douanier des différents États ?
Monsieur le ministre, voilà des mois que nous faisons des points réguliers sur le Brexit, le cadre financier et les ressources propres. Nous devons saluer le travail réalisé ces derniers mois par l'ensemble des services et des dirigeants politiques pour aboutir à cet accord, qui nous permet d'avancer. Sera-t-il suffisant pour tourner la page du Brexit ? Je n'en suis pas certain, dans la mesure où des points importants n'ont pas trouvé de solutions satisfaisantes.
Michel Barnier nous a indiqué que l'Union européenne représentait 46 % des exportations britanniques, alors que le flux inverse ne s'élevait qu'à 8 %. Quelle est la part de la France ? Une perte potentielle est-elle prévue ? De quel ordre est-elle ?
À travers les ressources propres, nous avions défini et voté une augmentation des recettes de douane, avec les frais de perception. Étant donné que nous devrions bénéficier d'une augmentation du volume de marchandises des pays tiers, disposez-vous d'une estimation ?
Enfin, avez-vous conservé ou mis en place, au sein de vos services, une task force dédiée aux négociations futures et à l'aboutissement des éléments non finalisés ? La vigilance sera de mise avec nos amis britanniques…
Une controverse assez vive agite l'opinion publique britannique à propos de l'évolution du commerce extérieur du Royaume-Uni. Les exportations vers l'Union européenne auraient connu en début d'année une baisse de 68 % par rapport au volume exporté à la même période en 2020, d'après l'association britannique des transporteurs routiers.
Ce chiffre a été contesté par le chancelier du duché de Lancastre, Michael Gove, mais il nous interpelle. Quelles sont, côté français, au-delà de l'accord de libre-échange, les barrières non tarifaires susceptibles d'affecter temporairement à plus ou moins long terme nos échanges avec le Royaume-Uni ? Quelle est l'ampleur de ces barrières ? Pouvons-nous chiffrer ce qu'elles coûtent aux exportateurs français et si elles ont fait renoncer certains à être présents sur le marché britannique ?
Pouvez-vous également nous renseigner sur la situation d'ensemble des mouvements de biens et de personnes vers le Royaume-Uni depuis la France ? Quelles sont leurs évolutions et leurs perspectives ? Les flux de marchandises et de personnes sont-ils encore ralentis actuellement ? Si oui, pourquoi ?
Je terminerai en vous posant différentes questions sur l'activité des services de douane. À quel nouveau contrôle sur les marchandises entrantes procèdent-ils ? Avez-vous à ce propos des précisions à nous donner ? Par exemple, l'agroalimentaire fait-il l'objet de contrôles renforcés ? Quelles conséquences immédiates le Brexit a-t-il sur les recettes perçues par la direction générale des douanes et des droits indirects ?
Monsieur le ministre, l'accord conclu avec le Royaume-Uni suscite des inquiétudes, notamment du fait de cette injonction contradictoire : il faut rendre au Royaume-Uni sa souveraineté, tout en défendant l'intégrité du marché unique. Le Royaume-Uni sort de l'union douanière mais on n'a prévu ni droits de douane, ni quotas. Est-ce un oubli ?
L'accord ne comporte que des clauses de non-régression sociale ou environnementale, alors qu'il aurait fallu un alignement des normes : c'est donc un accord a minima. Nous pouvons craindre un dumping social britannique, concernant notamment les droits des travailleurs. À ce risque s'ajoute un possible dumping fiscal, puisque Boris Johnson a annoncé à plusieurs reprises qu'il souhaitait baisser les impôts – nous aussi, vous me direz.
Autre inquiétude : l'accord ne présente aucune garantie concernant le mécanisme de règlement des différends susceptibles de se produire. Par exemple, quelle cour de justice sera compétente en cas de désaccord sur le respect des normes ? La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) ? Si oui, comment ferons-nous respecter ses décisions, dès lors que le Royaume-Uni ne fait plus partie de l'Union européenne ?
Enfin, en matière de gouvernance, c'est un Conseil de partenariat qui supervisera la mise en œuvre de l'accord et qui pourra le modifier ; le Parlement européen sera seulement informé.
Une gouvernance inédite, des oublis volontaires – ou pas –, une architecture évolutive… Quelles garanties avons-nous sur l'applicabilité de cet accord, sur sa dimension véritablement démocratique et sur ses conséquences possibles en matière de dumping fiscal et social ?
L'accord du Brexit n'est pas forcément pour nous un accord gagnant-gagnant ; disons que c'est « moins pire » que pas d'accord du tout. Tout dépendra de la capacité de la France à négocier ou à renégocier des accords bilatéraux avec le Royaume-Uni.
Les régions Normandie et Hauts-de-France, avec leurs ports de pêche, comme celui de Boulogne-sur-Mer, et leurs liaisons transmanche de Dieppe à Calais sont fortement impactées. Dans ma région, 80 % des pêches françaises ont lieu dans les eaux britanniques. Si un accord a été signé pour les cinq prochaines années, la très grande majorité des pêcheurs du Boulonnais sont toujours dans l'attente des licences leur permettant d'avoir accès aux eaux britanniques. Seules onze licences ont été attribuées, et si la France n'intervient pas rapidement, les autres pêcheurs vont mourir. Monsieur le ministre, pouvez-vous régler cette question rapidement ?
Concernant les liaisons transmanche, la principale compagnie, P&O Ferries, a réduit le nombre de ses navires à destination de Calais et a supprimé 1 100 emplois. La compagnie DFDS vient, quant à elle, de supprimer 142 emplois sur cet axe. Certes, le Brexit n'est pas la seule cause et la pandémie explique aussi une partie de ces licenciements. Le plan de soutien que vous avez évoqué prévoit-il de soutenir ces liaisons depuis la France ?
Et puis, il y a la question des frontières, à laquelle nous sommes attachés. D'abord, la frontière fiscale. Le Brexit libère la City, qui est un véritable paradis fiscal. La City va être encore plus agressive pour attirer la finance de l'Union européenne, notamment française, et pour développer le commerce de services financiers. Est-il prévu de revoir les conventions fiscales entre la France et le Royaume-Uni, pour empêcher les financiers de délocaliser à Londres les richesses produites dans notre pays ?
Enfin, le Brexit devrait nous amener à reconsidérer la question de la frontière franco-britannique, notamment les accords du Touquet de 2003, qui l'ont déplacée en France, à Calais, sous le tunnel et même à la gare du Nord, avec l'Eurostar. Ce déplacement de la frontière transforme le Nord de la France – le Calaisis et le Dunkerquois – en un véritable cul-de-sac pour tous ces hommes et ces femmes qui quittent leur pays et aspirent à rejoindre la Grande-Bretagne.
La France doit assumer la lourde responsabilité d'un accueil désastreux de milliers de pauvres gens et faire face à des morts de plus en plus nombreux dans la Manche. C'est la raison pour laquelle nous posons la question suivante : cette frontière, qui se trouve sur le sol français, ne doit-elle pas faire l'objet de discussions avec le Royaume-Uni, en vue de son rétablissement sur le sol britannique ?
Monsieur le ministre, vos anticipations prévoient-elles des pertes de recettes sur plusieurs années, notamment pour les entreprises ? Avez-vous mesuré l'impact prévisionnel sur le rythme de croissance ? Avez-vous des éléments sur la stratégie d'adaptation des entreprises britanniques et de leurs éventuelles installations de filiales sur le territoire européen ? Réfléchissez-vous à des mécanismes pour répondre à la concurrence fiscale ? Le Gouvernement prévoit-il des mécanismes de compensation face à l'impact avéré du Brexit sur les finances des collectivités ? Le Brexit altère cruellement l'image et l'attractivité de l'Union européenne. Le Gouvernement compte-t-il prendre des mesures, à l'échelle européenne, pour rendre l'Europe moins technocratique, plus proche des citoyens et des territoires ?
En tant que co-présidente du groupe d'études « Vigne, vin et œnologie », je rappellerai que l'importation de vins au Royaume-Uni est le premier marché en volume des vignerons français. Nous nous félicitons donc qu'aucun droit de douane n'ait été instauré. Nous sommes cependant un peu inquiets de la lourdeur administrative. Il ne faudrait pas qu'elle soit un frein pour le commerce du vin, un secteur qui est déjà impacté par la crise sanitaire.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit que le pêcheur français ne pouvait être la seule variable d'ajustement. C'est d'autant plus juste que l'accord actuel ne couvre les pêcheurs que jusqu'en 2026, ce qui laisse craindre une baisse des quotas et du nombre de licences dans un futur proche. Vous avez souligné que le quota de captures serait déterminé de façon scientifique. Un accompagnement spécifique des pêcheurs est-il prévu ? Par ailleurs, on assiste parfois à une forme de détournement des routes maritimes pour l'import et l'export, notamment des transits par l'Irlande, pour éviter des complications administratives. Quelle incidence cela peut-il avoir sur l'activité des ports français – une hausse ou une baisse ?
Vous annoncez la création de 277 emplois dans la région Hauts-de-France. S'agit-il de nouveaux emplois dans l'administration ou d'un redéploiement, qui serait synonyme de restructuration des services ?
Enfin, s'agissant des coûts supplémentaires supportés par les entreprises, envisagez-vous des accords avec les régions, notamment les Hauts-de-France, pour soutenir le secteur économique, puisqu'il s'agit d'une compétence régionale ? Mener des actions conjointement est souvent vertueux.
L'Union européenne a prévu un financement spécifique pour compenser les effets négatifs du Brexit pour les États les plus exposés en matière de commerce et de pêche ; c'est ce que nous appelons « la réserve d'ajustement au Brexit ». Cette réserve est dotée d'un peu plus de 5 milliards d'euros, qui seront essentiellement mobilisés en 2021, dont 420 millions d'euros pour la France.
En tant qu'élu normand, je me réjouis de ce mécanisme, puisque ma région est exportatrice nette avec le Royaume-Uni, qui est sa sixième destination, pour près de 2 milliards d'euros. Ce sont 5 000 entreprises qui doivent s'adapter à cette nouvelle donne.
Sont prises en compte pour le calcul de cette dotation, les dépenses liées au Brexit engagées à partir 1er juillet 2020. Or notre pays n'a pas attendu cette date pour réaliser un certain nombre d'investissements ou de dépenses rendus nécessaires par la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.
Ma question concerne la future ventilation régionale de cette réserve d'ajustement. Comment, selon quels principes et selon quel calendrier ces sommes seront-elles réparties entre les régions françaises, qui sont inégalement impactées par le Brexit ?
Ma seconde question concerne l'un des programmes phares de l'Union européenne, le programme Erasmus, qui permettait à un étudiant français de s'inscrire dans une université britannique en ne s'acquittant que des frais d'inscription de son université d'origine. Il pouvait par ailleurs bénéficier d'une bourse d'études qui pouvait se cumuler avec la bourse délivrée sur critères sociaux. À compter de la prochaine rentrée, il devra s'acquitter de frais de scolarité qui avoisinent très souvent les 10 000 euros par année universitaire s'il souhaite réaliser une partie de ses études en Angleterre. Je rappelle que l'Angleterre était la deuxième destination des étudiants français, après l'Espagne. Des dispositifs alternatifs à Erasmus sont-ils à l'étude, pour maintenir cette fructueuse mobilité de nos étudiants ?
Ma question concerne le régime fiscal suspensif à l'exportation, qu'il serait opportun de réformer pour que nos vins soient stockés et exportés depuis la France, et non depuis la plateforme de Londres.
J'ai rencontré vos services en 2019 pour anticiper les choses et pour signaler cette distorsion de concurrence qui perdure depuis plusieurs années ; en effet, la Grande-Bretagne s'était déjà affranchie de la réglementation européenne. La politique fiscale sur la période de stockage est bien plus allégée en Grande-Bretagne qu'en France, de sorte que ces plateformes londoniennes de stockage de vins prospèrent de jour en jour. Le régime fiscal suspensif à l'exportation (RFSE) offre, en outre, une durée de stockage illimitée.
Est-il envisageable que la France relocalise cette activité de stockage viticole en alignant la fiscalité proposée dans le cadre du RFSE sur celle des Anglais ? Il y a là une véritable piste de développement économique, notamment pour le Bordelais. Et, surtout, est-il envisageable de ne plus appliquer une pénalité de 0,2 % d'intérêt de retard, lorsque les frais sont dus au marché national ? Cette pénalité financière renforce la distorsion de concurrence, mais elle complique aussi la fiscalité des opérateurs. Aujourd'hui, pour des questions douanières, les négociants stockent leurs vins à Londres, même ceux qui seront vendus en France – ce qui est regrettable, notamment du point de vue du bilan carbone.
Ma question porte sur la sécurité alimentaire et sur les enjeux qui y sont liés. Vous l'avez dit, de nouvelles infrastructures ont été créées et des recrutements, notamment de vétérinaires, ont été effectués. Sommes-nous prêts ? Ces nouveaux personnels ont-ils eu le temps de suivre des formations en lien avec cette nouvelle frontière ? Je souhaiterais également que vous nous décriviez en détail le rôle joué par l'Europe dans l'établissement et le fonctionnement de la frontière intelligente.
Londres est une grande place financière et concurrence largement celle de Paris. Quelles mesures mettez-vous en place pour attirer les institutions financières, notamment leurs sièges sociaux ? Prévoyez-vous, par ailleurs, une modification de la convention fiscale franco-britannique ?
Il est trop tôt pour apporter des réponses à certaines de vos questions. Nous ne savons pas, à ce stade, calculer l'impact du Brexit sur l'économie et la croissance françaises, ni sur la croissance européenne ou la croissance britannique. Nous ne pouvons que mesurer des difficultés et noter des réussites.
Il s'agit d'un accord très libéral, dans la mesure où il prévoit du commerce, des échanges, sans droit de douane ni quota, avec des mécanismes de rétorsion et un encadrement en matière de concurrence équitable, qui nous paraissent équilibrés et utiles. Par ailleurs, en termes de gouvernance, nous nous sommes assurés que, dès lors que le différend touche à une question de droit européen, la Cour de justice de l'Union européenne est compétente ; qu'à défaut de règlement, la Commission, en lien avec les Britanniques, peut mettre en place des mesures de compensation et qu'à défaut d'accord, la Commission ou les États directement concernés peuvent aussi adopter un certain nombre de mesures de compensation et de rétorsion.
Le coût du Brexit sera pérenne. L'État a déjà engagé, hors collectivités et hors ports autonomes, 200 millions d'euros de dépenses et nous estimons qu'une centaine de millions d'euros de dépenses restent à réaliser. Les équipements, une fois réalisés, auront un coût d'entretien pérenne, tout comme le coût des emplois créés – nous l'estimons à 54 millions d'euros par an. Je précise que les 600 postes de douaniers, les 466 ETP du secteur de l'agriculture et des contrôles vétérinaires et phytosanitaires et les 177 postes de la PAF sont tous des créations de postes. Je n'intègre pas de la même manière, même si leur concours est extrêmement précieux, les 84 réservistes que nous avons mobilisés.
Le chèque britannique de sortie et l'impact du Brexit sur le prélèvement au profit de l'Union européenne sont, à ce stade, difficiles à définir. Nous estimons que les Britanniques vont participer, en 2021, à hauteur de 1,3 milliard d'euros au reste à liquider et que leur contribution totale pourrait s'élever à un peu plus de 6 milliards d'euros. En réalité, le chèque de sortie des Britanniques dépendra étroitement des discussions qui sont encore en cours sur leur participation à telle ou telle politique sectorielle et à leur financement.
L'évolution du prélèvement au profit de l'Union européenne a un impact très net sur le PSR français, à savoir une augmentation de 4,6 milliards d'euros en 2021, que vous avez votée en loi de finances et qui a vocation à être pérenne dans le cadre pluriannuel financier tel qu'il a été arrêté par l'Union européenne et par le Parlement européen. La correction britannique – avec le rabais – s'élève à 1,1 milliard d'euros. Nous sommes donc sur un ressaut durable du PSR-UE de 3,5 milliards d'euros. Je ne tiens pas compte dans ce calcul du 1,3 milliard d'euros payé par les Britanniques au titre du reste à liquider. Nous avons des mécanismes de rétorsion si les Britanniques ne respectaient pas leurs engagements en matière financière.
Nous avons, avec la douane britannique, des échanges réguliers. Je dois rencontrer mon homologue dans les jours qui viennent pour avoir une discussion plus approfondie. J'ai évoqué l'asymétrie de la préparation de la sortie du Brexit entre la France et le Royaume-Uni ; je me dois aussi d'évoquer l'asymétrie de la répartition des compétences en matière de gestion des frontières, de gestion d'accès au marché et de gestion des questions migratoires.
Nous notons, par ailleurs, un manque de moyens en matière douanière du côté britannique. Par exemple, les bateaux français pêchant au nord de la Grande-Bretagne et débarquant leur pêche à Glasgow doivent obtenir une attestation de la douane britannique pour que leur pêche, après avoir traversé la Grande-Bretagne et emprunté le ferry ou le transmanche, soit considérée comme une pêche du marché intérieur. Or les Britanniques n'ont pas encore eu le temps, ou les moyens, d'installer des bureaux douaniers dans les ports autour de Glasgow, ce qui nous oblige à une certaine souplesse.
Nous n'envisageons pas, à ce stade, la modification de la convention fiscale, qui concerne, je le précise, les particuliers et non les services, notamment les services financiers de la City. L'accord, tel qu'il est conçu, est extrêmement libéral s'agissant de la circulation des marchandises et beaucoup plus dur en ce qui concerne les services. C'est un point fort auquel nous tenons, car nous souhaitons qu'à l'occasion de la mise en œuvre du Brexit, un certain nombre de sociétés de services qui interviennent sur la place britannique soient incitées à installer leurs services dans le marché intérieur, notamment en France. Nous avons pris des dispositions en la matière. Theresa May a d'ailleurs souligné, lors de l'adoption de l'accord de retrait par le Parlement britannique, qu'elle regrettait que l'accord, qui est très ouvert sur la question des marchandises, le soit beaucoup moins sur la question des services.
Nous prévoyons d'ajuster légèrement le dispositif fiscal côté français en matière de moyens et d'effectifs. La direction des impôts des non-résidents (DINR) a vu ses effectifs augmenter au cours des trente-six derniers mois de façon très importante : plusieurs dizaines d'ETP pour une direction qui en comptait moins de 500 avant la mise en œuvre de ce dispositif et la réforme de la fiscalité des non-résidents.
La part de la France dans les exportations britanniques est de 7 %. Nous avons noté une difficulté de circulation des marchandises, essentiellement dans le sens Grande-Bretagne-marché intérieur. Il est trop tôt pour en tirer un bilan et avancer un chiffre définitif, mais le constat dressé par la douane est que les camions qui reviennent sont beaucoup moins chargés – et parfois mêmes vides. Chargés en moyenne à 70 % en temps normal, ils le seraient aujourd'hui à 50 %. Cela s'explique par les difficultés de préparation que j'ai évoquées et par les difficultés liées aux formalités et aux barrières non tarifaires.
Nous sommes dans l'incertitude sur les barrières non tarifaires qui seront appliquées dans le sens export du marché intérieur vers la Grande-Bretagne pour une mise en œuvre le 1er juillet. La seule chose que nous savons, c'est que dans le cadre de l'accord, la mise en œuvre des droits de douane ne pourra être que conforme à l'accord ; il n'y aura donc pas de droits de douane pour les marchandises qui ont une origine propre au marché intérieur, comme il n'y a pas de droits de douane pour les marchandises originaires de Grande-Bretagne et qui entrent dans le marché intérieur.
Nous estimons que sur les 27 à 28 milliards d'euros de marchandises qui entrent sur le marché intérieur en provenance de Grande-Bretagne, 6 à 7 milliards d'euros ne sont pas d'origine britannique et doivent faire l'objet d'une taxation au titre du marché intérieur. En la matière, les droits de douane sont ceux qui sont fixés par l'Union européenne pour les pays tiers.
Je veux dire un mot au sujet des conséquences du Brexit sur l'application de la jurisprudence de Ruyter, notamment sur la fiscalité du patrimoine et son assujettissement aux prélèvements sociaux. La première lecture qui a été faite de l'accord nous laisse penser que les personnes concernées qui vivent au Royaume-Uni perdraient le bénéfice de l'exonération qui avait été acquise à l'occasion de la jurisprudence de Ruyter. L'analyse juridique en cours, et qui fait l'objet de discussions, nous indiquera s'il pourrait y avoir une gestion en flux et en stock, et que seuls les résidents installés après le 1er janvier 2021 ne bénéficieraient pas de cette exonération. Il nous reste quelques mois pour régler cette question, puisque seront concernés les revenus acquis en 2021 et faisant l'objet d'une déclaration en 2022.
Le coût des formalités administratives supplémentaires pour les entreprises est limité Nous encourageons les entreprises à privilégier le régime du transit, qui leur permet de faire des déclarations mensuelles plutôt que des opérations de dédouanement à chaque passage. Les dispositions qui ont été prises par la douane, notamment avec la création de la frontière intelligente et du système d'information, facilitent très largement ces opérations de dédouanement.
Nous travaillons actuellement, en matière logistique, à un nouveau système – France SÉSAME – qui nous permettra de gagner encore plus de temps. Il vise à rassembler et à centraliser sur une même plateforme informatique une vingtaine de formalités liées à l'export-import avec les pays tiers.
La task force existe. Le directeur interrégional des douanes pour les Hauts-de-France en est le coordonnateur et prête une attention toute particulière à ce sujet.
La question de la pêche nous a particulièrement occupés. Les quotas sont maintenus à hauteur de 75 %, et je précise qu'ils sont calculés en valeur. Les modifications des volumes qui s'appuient aujourd'hui sur ces valeurs dépendront, après 2025, de données scientifiques liées notamment au renouvellement des espèces et à la soutenabilité de la pêche dans les eaux concernées. Notre objectif, après 2025, est évidemment de rester très vigilants. Nous bénéficions, dans l'accord, de mesures compensatoires et de mesures de rétorsion si les conditions venaient à changer.
Les difficultés liées aux licences ont été réglées rapidement pour les zones économiques exclusives. Elles ont été intégralement réglées pour les zones de Jersey et de Guernesey. En revanche, il reste des difficultés pour l'octroi des licences dans la bande territoriale entre 6 et 12 milles. La Commission a pour l'instant délivré 59 licences sur les 172 demandées, ce qui justifie le maintien des dispositifs d'aide que nous avons prévus pour le secteur de la pêche.
Les flux de marchandises sont proches de la normale. Cela s'explique en partie par le fait qu'on a assisté, avant le 24 décembre, à un phénomène de sur-importation de la part des Britanniques et de sur-exportation de la part des entreprises du marché communautaire qui craignaient l'absence d'accord. Nous n'avons aucune visibilité à ce stade sur l'impact du Brexit sur la circulation des personnes, d'autant que la crise sanitaire ralentit tous les trafics. Je précise qu'à partir du mois d'octobre 2021, un passeport sera obligatoire pour traverser la frontière ; l'utilisation de la carte d'identité ne sera plus possible.
S'agissant des vins et du secteur viticole, nous encourageons également le régime de transit. Nous ne sommes pas en mesure de vous dire quelles seront les formalités non tarifaires que les Britanniques instaureront.
Concernant le régime fiscal suspensif, ce point est à l'étude et pas encore tranché.
S'agissant des questions liées à la sécurité alimentaire, nous ne rencontrons aucune difficulté pour recruter les 466 ETP prévus, ni pour les former. Par ailleurs, les contrôles phytosanitaires et alimentaires étant obligatoires, nous avons réarmé les SIVEP et les avons réorganisés en fonction de leurs spécialités afin d'optimiser les contrôles.
En ce qui concerne la réserve d'ajustement liée au Brexit, à hauteur de 5,370 milliards d'euros, une négociation porte actuellement sur plusieurs points. Le premier point est relatif à la date ; il a été précisé que seules les dépenses intervenues après le 1er juillet 2020 seraient prises en compte. Nous essayons d'avancer cette date, qui nous paraît tardive. Nous tentons aussi de faire préciser les conditions dans lesquelles il sera procédé à une ventilation territoriale de cette aide et la nature des dépenses éligibles.
À ce stade, il n'y a pas d'alternative au programme Erasmus. La Grande-Bretagne développerait un programme alternatif intitulé Turing, mais nous n'avons aucune information à ce stade sur ses modalités et son coût.
J'en viens aux questions relatives à la fiscalité. Pour ce qui concerne les particuliers, je confirme que les titres britanniques ne sont plus éligibles au PEA. Cependant, une période de tolérance court jusqu'au 30 septembre 2021, pour laisser le temps aux épargnants d'adapter leur portefeuille. Il appartient aux sociétés de gestion d'informer les titulaires de PEA de l'obligation de modifier la composition de leurs actifs.
Pour les cessions immobilières, qu'il s'agisse de biens possédés par des Européens au Royaume-Uni ou par des Britanniques en France, il sera nécessaire de désigner un représentant fiscal pour accompagner la cession et l'imposition des plus-values.
En matière d'imposition des entreprises, des modifications sont à prendre en compte pour la question de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). En outre, un certain nombre de modifications interviennent pour l'imposition sur les dividendes puisque, depuis le 1er janvier, les entreprises britanniques ne bénéficient plus de l'exonération de retenue à la source pour un seuil de détention entre 5 et 10 %. Il y a aussi des conséquences pour l'intégration fiscale des groupes, puisque les filiales françaises des sociétés britanniques sortent du périmètre de l'intégration fiscale. Dans certains cas, notamment quand la société britannique est la mère du groupe, l'intégration fiscale va cesser.
Je précise enfin que les dépenses de recherche sous-traitées à des entreprises britanniques ne seront plus éligibles au crédit impôt recherche.
Je rappellerai que si 30 000 entreprises françaises réalisent des exportations vers le Royaume-Uni, 100 000 importent des marchandises et des services. L'asymétrie que j'évoquais laisse présager des difficultés si des formalités plus importantes étaient mises en place.
Les secteurs économiques les plus impactés sont ceux dont la chaîne de valeur est fortement intégrée, comme l'automobile, l'aéronautique ou la pharmacie.
Je n'ai pas bien compris comment cela va fonctionner avec l'Irlande, puisque la frontière n'est pas rétablie entre les deux Irlande. Une entreprise qui produit en Irlande du Nord et exporte vers la France est-elle soumise à des critères douaniers ou est-elle considérée comme faisant partie de l'Union européenne ? De même, qu'en est-il d'une entreprise française qui exporte en Irlande du Nord ?
C'est effectivement une question compliquée. L'Irlande du Nord étant de droit dans l'union douanière britannique, elle connaît les mêmes modifications liées au Brexit que le reste du territoire britannique. Mais, dans les faits, l'Irlande du Nord, en application de l'accord de retrait, respecte scrupuleusement les règles de l'union douanière européenne. C'est ce qui nous permet de dire qu'il n'y a pas de frontière, sachant que nous travaillons aussi dans un cadre qui est celui de la définition des règles d'origine, qui nous permet, en cas de besoin, d'éviter les plateformes de réexport.
Pour la République d'Irlande a été arrêté le principe dit du landbridge : il s'agit de la possibilité pour les exportateurs de la République d'Irlande de traverser la Grande-Bretagne par la route pour ensuite traverser la Manche et être considérés, d'un point de vue douanier, comme membres du marché intérieur. La réalité est que la régulation du trafic à l'entrée du comté de Kent et l'accès aux infrastructures portuaires sont extrêmement compliqués. C'est une opportunité pour le port de Cherbourg, puisque nous voyons depuis quelques semaines, se développer des transits maritimes directs entre la République d'Irlande et celui-ci.
J'en profite pour revenir sur l'organisation en files verte et orange. La file verte accueille, lors de l'entrée sur le marché intérieur, dans le sens de l'importation, les cargaisons et les moyens de transport qui ont fait l'objet d'un dédouanement préalable ou qui bénéficient d'un régime de transit et pour lesquels les formalités ont été correctement accomplies – il n'y a pas de criblage de la part de nos services douaniers et la cargaison ne relève pas d'un contrôle obligatoire comme dans le secteur du phytosanitaire ou alimentaire.
Aujourd'hui, environ 20 % des moyens de transport sont orientés en file orange. Outre les contrôles nécessaires en raison de la présence d'animaux vivants, l'orientation en file orange relève pour l'essentiel d'un défaut dans les opérations de dédouanement et la préparation du transit. Nous travaillons sur cette question avec nos partenaires britanniques. La fluidité sera d'autant plus importante que la préparation sera bonne. Nous estimons, à terme, que seuls 7 à 8 % des véhicules seront orientés en file orange.
Le rétablissement de la frontière aura-t-il pour conséquence de limiter le volume du trafic ?
Ce n'est qu'un sentiment, mais il me semble que pour les entreprises de taille importante, le Brexit n'aura, à terme, aucun impact sur le niveau du trafic. Seuls les importateurs ou exportateurs occasionnels, du fait de la complexité des procédures, pourraient être impactés.
La commission entend une communication de Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale de la mission Santé, sur les contrats conclus par le ministère des solidarités et de la santé avec des cabinets de conseil depuis l'engagement de la crise sanitaire.
Madame Véronique Louwagie, rapporteure spéciale de la mission Santé, a obtenu des informations relatives aux contrats conclus par le ministère des solidarités et de la santé avec des cabinets de conseil depuis l'engagement de la crise sanitaire. Elle a donc légitimement souhaité nous présenter le résultat de ses travaux sous la forme d'une communication en commission. Un document qui récapitule les vingt-huit commandes passées de mars 2020 à février 2021, pour un coût prévisionnel de 11,353 millions d'euros a été mis à votre disposition.
Il y a quelques semaines, la presse a rendu compte de commandes passées par le ministère des solidarités et de la santé auprès de plusieurs cabinets de conseil pour l'accompagner dans la gestion de la crise sanitaire. Le recours à quatre cabinets a été évoqué, pour un montant non déterminé. Un coût de deux millions d'euros a été mentionné par la presse au titre de la sollicitation d'un de ces cabinets. Le ministère n'a pas fourni d'autres informations à ce sujet et a simplement indiqué que l'appui de ces cabinets se limitait à un accompagnement technique, sans pouvoir décisionnel.
En ma qualité de rapporteure spéciale de la mission Santé, j'ai souhaité en savoir plus sur ces contrats, sur leur contenu, sur leur coût, sur leur date de signature et sur leurs modalités de passation. Le 19 janvier, j'ai écrit au ministre des solidarités et de la santé pour demander communication de ces contrats, n'excluant pas le recours à un contrôle sur pièces et sur place si ces contrats ne m'étaient pas communiqués avant le 26 janvier. Les documents demandés m'ont été remis le 26 janvier, dans les délais convenus. Des compléments m'ont été apportés hier et ce matin. Je remercie le ministre, son cabinet et le directeur général de la santé pour leur diligence, et plus particulièrement Mme Véronique Deffrasnes et ses équipes pour leur disponibilité dans un contexte aussi difficile que contraint.
Initialement, je pensais présenter le résultat de ce contrôle dans un rapport budgétaire, et non dès maintenant. À mon sens, la mission d'examen de ces contrats appartenait surtout à la mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus. Cependant, la récente décision de mettre un terme impromptu aux travaux de cette mission d'information m'a convaincue de présenter le résultat de ce contrôle dès à présent, afin de réaffirmer l'intérêt du contrôle parlementaire. Les commissions permanentes demeurent. Au sein de la commission des finances, les rapporteurs spéciaux conservent toutes leurs prérogatives. Je suis désireuse de suivre de près la politique mise en œuvre et je n'exclus pas, ponctuellement, d'approfondir tel ou tel sujet sous un angle financier.
Concernant le résultat de ce contrôle, je me propose de commencer par quelques éléments sur le nombre de commandes passées et sur le nombre de cabinets sollicités. Du 12 mars 2020 au 9 février 2021, vingt-huit commandes différentes ont été notifiées à sept cabinets de conseil par le ministère des solidarités et de la santé ou par la cellule de coordination interministérielle logistique (CCIL), pour un montant prévisionnel de 11,35 millions d'euros. Les commandes passées sont disparates, puisqu'elles vont de 25 000 euros à 3,2 millions d'euros. Dix-neuf sont achevées et neuf sont en cours d'exécution, dont les deux dernières notifiées récemment, le 27 janvier et le 9 février. Ces commandes ont servi au paiement d'environ 5 000 jours-hommes de prestation de consulting D'autres commandes suivront, pour un montant encore non défini à ce jour.
Je souhaite apporter une précision importante à ce stade : depuis l'engagement de la crise sanitaire, le recours aux cabinets de conseil ne se limite pas à ces vingt-huit commandes, puisqu'outre les achats effectués par le ministère, d'autres commandes ont été adressées à des cabinets de conseil par Santé publique France, pour un montant que je ne connais pas à ce stade. Depuis le 1er janvier 2020, le financement de Santé publique France ne relève effectivement plus de la loi de finances mais de la loi de financement de la sécurité sociale. En tant que rapporteure spéciale de la commission des finances pour la mission Santé, je ne dispose pas de pouvoirs me permettant de contrôler l'action de Santé publique France dans les mêmes conditions que celles prévalant au contrôle de l'action de la direction générale de la santé. Si l'Assemblée nationale désire connaître l'ensemble des coûts engagés auprès des cabinets de conseil depuis le début de la crise sanitaire, il appartiendra à la commission des affaires sociales d'interroger Santé publique France sur ce point.
Les sept cabinets sollicités sont Accenture, CGI, Citwell, Deloitte, JLL, McKinsey et Roland Berger. Le cabinet le plus sollicité est McKinsey, pour un total de4 millions d'euros, le moins sollicité étant Deloitte, pour 25 000 euros. Le recours à ces cabinets a été précoce puisque la première commande a été notifiée le 12 mars, au début de la crise. Deux autres commandes ont été passées au début de la crise.
Au total, de mars à novembre 2020, quinze commandes ont été notifiées pour un montant de 3,8 millions d'euros. La sollicitation des cabinets de conseil s'est accélérée depuis la fin de l'année 2020, puisque treize nouvelles commandes ont été notifiées depuis décembre dans le cadre de la préparation et de la mise en œuvre de la campagne de vaccination, pour un montant de 7,5 millions d'euros.
À l'examen des 350 pages transmises par le ministère, il apparaît que les vingt-huit commandes passées portent essentiellement sur des missions de courte durée, puisque vingt-cinq d'entre elles sont d'une durée inférieure ou égale à trois mois.
Par ailleurs, sur ces vingt-huit commandes, deux achats inférieurs à 40 000 euros ont été effectués sans publicité ni mise en concurrence préalable, comme le permet l'article R. 2122–8 du code de la commande publique. Huit commandes ont été effectuées sur la base de marchés existants pour un montant de 5,3 millions d'euros. Ces marchés sont des accords-cadres signés en 2018 et 2019 et concernent un marché de transformation de l'action publique et un marché interministériel de prestation de conseil. Dix-huit achats d'un montant supérieur à 40 000 euros hors taxes ont été effectués sans publicité ni mise en concurrence préalable en raison des circonstances et en prenant appui sur la notion d'urgence inscrite dans le code de la commande publique. Cette pratique peut se comprendre, à mon sens, mais ne saurait durer ad vitam aeternam.
Quant à la nature des prestations confiées, un grand nombre de prestations sont des prestations d'assistance à maîtrise d'ouvrage en matière de systèmes d'information, de modélisation, de logistique et de stratégie. Ce sont des prestations d'appui à la création, à l'évolution, à la maintenance de différents systèmes d'information créés depuis un an et assez nombreux (SI-DEP, Stop COVID, Tous Anti COVID, SI Vaccination, SI de restitution de ces données). S'y ajoutent des prestations de modélisation, d'analyse, de simulation, d'accompagnement logistique et d'accompagnement stratégique.
De mars à novembre, l'accent a été mis sur les conseils en système d'information, sur les modélisations et sur un appui logistique pour la gestion et la distribution d'équipements. Depuis décembre, il s'agit surtout de prestations d'assistance en matière d'ouvrages en logistique, en appui stratégique et en systèmes d'information.
À l'inverse, aucune de ces commandes ne porte sur l'amélioration du lien, dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, entre l'État et les collectivités territoriales. Ce point m'a surprise dans la mesure où le bilan de ces relations depuis le début de la crise n'est pas satisfaisant.
Voici maintenant quelques éléments d'appréciation: à titre personnel, puisqu'il y a des positions très diverses à ce sujet, le recours à des cabinets de conseil ne me choque pas. D'autres gouvernements l'ont fait et je comprends que ce gouvernement ait pu en éprouver le besoin s'il s'est aperçu que son organisation n'était pas optimale sur tel ou tel point. En revanche, la fréquence et le montant des commandes me gênent un peu plus. Vingt-huit commandes en onze mois, cela représente une commande toutes les deux semaines. Vingt-huit commandes en onze mois cela représente plus d'un million d'euros de conseil par mois, soit 250 000 euros de conseil par semaine et près de 50 000 euros par jour ouvré. Certes, c'est une goutte d'eau par rapport au montant global de la crise, mais cette goutte d'eau témoigne d'un défaut d'organisation et d'une perte de savoir-faire. Si le ministère de l'intérieur doit gérer une crise majeure, fait-il appel à sept cabinets de conseil pour faire face aux événements ? De même, le ministère des armées commande-t-il vingt-huit prestations de conseil en cas de crise ? Je ne le crois pas. En revanche, lorsque le ministère des solidarités et de la santé fait face à une crise majeure, il éprouve le besoin d'être soutenu de tous côtés par des cabinets de conseil.
Je suis convaincue que la sollicitation importante de ces sociétés témoigne de la perte de savoir-faire du ministère des solidarités et de la santé dans la gestion des crises. S'il éprouve le besoin d'être accompagné, c'est qu'il ne sait plus faire seul. Cette perte de compétence interpelle. Certaines prestations commandées posent question. Dans un état d'expression des besoins du 30 décembre dernier, rédigé préalablement à la commande n° 21, passée auprès de McKinsey, il est indiqué que « ce cabinet mettra à disposition un agent de liaison positionné majoritairement auprès de Santé publique France et secondairement auprès du ministère de la santé en vue d'assurer la coordination opérationnelle sur le volet logistique, l'approvisionnement et la distribution de vaccins. Faire appel à des cabinets de conseil pour développer des systèmes d'information peut se comprendre mais l'envisager pour la mise à disposition d'un agent de liaison en dit long sur la perte d'expertise de notre administration de la santé.
En avril 2020, dans le cadre de la commande n° 3, Citwell est missionné pour assurer la coordination avec Santé publique France dans le but de connaître les stocks. En novembre 2020, une prestation de conseil prévoit un appui en réponse aux questions parlementaires et aux questions de la Cour des comptes. En janvier 2021, un cabinet est sollicité pour mobiliser dix-sept ETP, dont cinq pour la gestion des stocks, la planification et l'envoi des vaccins. Toutes ces opérations auraient pu relever, à mon sens, de l'administration de la santé. Dans ces différents domaines, le recours à des cabinets de conseil ne me semble pas aller de soi, même en temps de crise. Certes, l'État a fait appel à des ressources internes. Des membres des corps d'inspection et des militaires ont rejoint la cellule de crise mais certaines ressources ont fait défaut, ce qui a conduit le ministère à s'appuyer sur les cabinets de conseil pour exécuter des tâches que la puissance publique aurait pu assumer seule.
En 2010, la Cour des comptes a publié un rapport sur l'utilisation des fonds mobilisés dans la lutte contre la pandémie grippale H1N1. Elle ne mentionne à aucun moment le recours à des cabinets de conseil. Dix ans plus tard, sept cabinets ont été sollicités à vingt-huit reprises en onze mois. L'État a baissé la garde et s'est désarmé en matière sanitaire. Ce désarmement doit tous nous interpeller et nous préoccuper. Nous devons en tirer les enseignements.
Je tiens à saluer le travail de rapporteur spécial que vous avez entrepris. Vous vous intéressez à certains sujets précis en demandant de la documentation et en réalisant des contrôles sur pièces et sur place.
Sur le fond, je constate une véritable problématique globale vis-à-vis des contrats passés pour les cabinets de conseil et pour l' outsourcing en général. Avec le président de la commission, nous avions d'ailleurs décidé d'entreprendre une mission d'information sur l' outsourcing, parce que je crois que nous avons besoin d'y voir clair, pour savoir dans quelle mesure le recours à des cabinets de conseil est pertinent. Cela mérite un véritable travail de fond.
En revanche, je ne suis pas d'accord avec votre conclusion. Lorsqu'un État est confronté à une crise d'une violence telle que celle que nous traversons actuellement, les chiffres présentés sont tout à fait acceptables. On ne peut pas comparer la gestion de la crise covid avec la gestion de la crise H1N1. Les dépenses apparaissent importantes sur le plan chiffré, mais il faut les comparer avec les coûts financiers et logistiques de la crise. Ainsi, la campagne de vaccination pourrait coûter deux à trois milliards d'euros.
En outre, il faut se poser la question en termes d'efficience de la dépense et pas uniquement en termes de montant. En tout cas, vous soulevez un sujet intéressant : le ministère des solidarités et de la santé a-t-il bien fait de faire appel à ces cabinets ? Les outils d'accompagnement fournis par ces derniers ont-ils permis d'améliorer la gestion de la crise ? Si la réponse est non, il faut le dire et changer de stratégie. Si oui, il convient de s'en féliciter. Il convient d'avoir un peu de recul à ce sujet. Je vous encourage à poursuivre ces travaux à la lumière de ce qu'ont apporté ces accompagnements à la puissance publique.
Sur l'idée d'une perte de savoir-faire des services du ministère, je vous donnerais raison si ces contrats permettaient d'effectuer une tâche que d'anciens agents publics faisaient et ne feraient plus aujourd'hui. Votre conclusion serait alors justifiée. Dans vos travaux, avez-vous repéré des tâches assurées par le ministère et ne l'étant plus ? Ou bien, à l'inverse, s'agit-il de véritables travaux exceptionnels menés dans le cadre d'une crise exceptionnelle ? La conclusion ne serait alors plus la même.
Vous avez indiqué que ces travaux prodiguaient des conseils d'accompagnement, et non de décision publique. Cette distinction est fondamentale. Dans les pièces de marché obtenues, est-il mentionné le fait que les cabinets de conseil réalisent de l'accompagnement, et non de la codécision ?
Enfin, je vous remercie d'avoir mentionné la question du contrôle par la commission des affaires sociales s'agissant de Santé publique France. Comment le programme 104 concourt-il, selon vous, à la gestion financière de la crise ? J'imagine que c'est le cas au-delà des seuls contrats de conseil.
Je tiens à souligner la qualité du travail de fond réalisé. En effet, ce n'est pas toujours aisé d'entreprendre des missions de contrôle sur place et sur pièces.
Je suis surprise de cette pratique de contractualisation de plus en plus répandue. Je perçois aussi cette externalisation dans le périmètre de la mission budgétaire Direction de l'action du Gouvernement que je rapporte. La santé est une mission régalienne. Or, depuis le mois de décembre, cette tendance semble s'accélérer avec la perspective de la campagne de vaccination. Plus de quatre millions d'euros ont été attribués à un seul cabinet, McKinsey, ainsi que 1,5 million d'euros à Citwell. Cela ne concerne pourtant que la vaccination.
Je comprends mieux pourquoi dans mon département, lorsque le préfet nous explique la démarche de vaccination, avec le responsable de l'ARS, le propos est parfois surréaliste. Il manque l'aspect pratique ; il manque ce lien avec le territoire et avec les élus locaux. Nous l'avons ressenti tout au long de cette campagne de vaccination.
Moi aussi, je trouve que ces montants sont relativement conséquents. S'il en ressort une efficacité et si le travail fourni a permis à la France d'être sur le podium de la réussite de la vaccination, nous applaudirons des deux mains. Si ce n'est pas le cas, et certains sondages semblent ne pas confirmer cette tendance, nous le regretterons. Si nous devions, sans faire de démagogie, convertir ce montant de 11,35 millions d'euros en vaccins, cela représenterait quelques doses supplémentaires.
Je crois que ces travaux viennent objectiver une intuition que nous avons depuis le début de cette crise, celle d'une faiblesse structurelle de nos services centraux de santé. Je pense à Santé publique France et aux ARS. Ces structures peinent à répondre à la crise et à donner des réponses de bon sens et efficaces. Nous n'avons plus ces capacités dans nos ministères. C'est inquiétant.
Je rejoins Marie-Christine Dalloz sur le fait que l'on peut comprendre le recours à des cabinets extérieurs s'agissant de certaines missions, mais je peine à expliquer l'appel à un cabinet extérieur à hauteur de plus de trois millions d'euros pour définir une stratégie de vaccination. Le cabinet McKinsey accompagne l'équipe interministérielle dans la définition d'une stratégie cible visant à doter l'ensemble du territoire français des doses de vaccin nécessaires pour assurer une couverture vaccinale conforme aux exigences sanitaires. De quelles compétences disposent ces cabinets pour définir une stratégie vaccinale ? Il s'agit pourtant d'une compétence régalienne. Comment évaluer l'efficacité et l'efficience dans l'accompagnement de la crise ? Les difficultés rencontrées traduisent-elles une efficacité particulière de ces cabinets ? J'en doute. Qu'en aurait-il été sans les cabinets ? N'aurions-nous pas pu entreprendre une stratégie de dépistage massif avant Noël, qu'il aurait été possible d'élaborer avec tous les professionnels et les élus locaux et qui aurait été efficace et rapide ? Nous n'aurions pas fait appel à des cabinets d'accompagnement.
Ma première remarque consiste à souligner la transparence dont a fait preuve le ministère de la santé. Par ailleurs, vous avez réalisé une analyse poussée, ce que nous ne faisons pas assez au sein de notre commission.
Sur le fond, je considère que nous avons besoin de ces bureaux d'étude. Nous devons les faire travailler, comme nous le faisons au sein de nos collectivités ou de nos entreprises. Nous avons besoin d'expertise. L'essentiel des prestations concerne l'assistance à maîtrise d'ouvrage, en lien avec l'opérationnalité. Nous constatons que cette dernière constitue le sujet central. Avez-vous ressenti un manquement de la part du ministère dans ce domaine, notamment en matière de logistique, qui est le sujet prégnant ? En matière de systèmes d'information et de modélisation, je considère qu'il est légitime de solliciter des bureaux d'étude. L'État n'a plus cette capacité en interne. Cela ne me choque pas, pas plus que le coût. Recourir à un cabinet d'étude est onéreux. Ce qui m'inquiète, c'est que Santé publique France est chargée d'anticiper, de comprendre et d'agir. Cette structure mérite d'être examinée avec nos confrères de la commission des affaires sociales, parce qu'elle met peut-être en difficulté le ministère. Enfin, y a-t-il eu des doublons dans la sollicitation des bureaux d'étude ? Ainsi, pour les commandes nos 24 et 25, une action semble avoir été partagée entre deux bureaux d'étude sur un sujet qui reste complexe, la logistique.
Le recours à des cabinets de conseil est une pratique ancienne, qui ne pose pas de problème sur le fond mais qui semble s'être accélérée au cours des dernières années, et plus encore à la faveur de la crise. 575 contrats ont été rendus publics depuis octobre 2018. Ce chiffre donne le vertige. J'y perçois le signe d'un affaiblissement de l'État et de son administration, mais aussi le risque du conflit d'intérêts entre le public et le privé. Sous couvert d'anonymat, un fonctionnaire de Bercy a indiqué qu'on se retrouve avec des consultants de tel cabinet, qui deviennent des agents publics, et qui ensuite signent des contrats avec ces mêmes consultants. Je trouve cela choquant. Avez-vous rencontré la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ? Si oui, que pense-t-elle de ces relations entre agents publics et consultants ? Pouvez-vous me dire si les 3 000 jours évoqués concernent les vingt-huit missions mentionnées dans votre communication ? Concernant les missions logistiques, auraient-elles pu être confiées à d'autres services de l'État, notamment à l'armée ?
Je souhaite tempérer deux ou trois propos qui viennent d'être tenus. Faire appel à des cabinets de conseil n'est pas synonyme en soi d'affaiblissement de l'efficacité d'un appareil d'État et de services administratifs quand on fait face à des besoins totalement exceptionnels. Au sein d'une administration, personne n'est en capacité d'anticiper la montée en puissance logistique et administrative induite par la crise sanitaire. Par ailleurs, il serait peut-être utile d'examiner si certaines collectivités territoriales ont également fait appel à des cabinets de conseil pendant la crise sanitaire et d'établir si leur apport a été différent pour l'État et pour les collectivités.
Quant à la question des personnes, elle dépasse largement le cadre du passage du public au privé. C'est une problématique qui ne se limite pas aux seuls cabinets de conseil. Nous devons nous concentrer sur la question phare soulevée par madame Louwagie : ces cabinets ont-ils permis à l'État de mieux aborder les grands enjeux, notamment logistiques, de la crise sanitaire ? Cela l'a-t-il aidé à mieux protéger nos concitoyens ?
Pour rebondir sur les remarques du rapporteur général, vous indiquiez que, dans une situation exceptionnelle, il fallait apporter une réponse exceptionnelle. Certes, la crise est exceptionnelle, mais je ne suis pas sûre que toutes les missions réalisées le soient.
Nous avons évoqué l'ensemble des contrats susceptibles d'être souscrits par l'État. Vous avez mentionné la mission d'information relative à l' outsourcing dont nous avions décidé la mise en place il y a un an. J'en suis moi-même la présidente. Cendra Motin en est la rapporteure. Nous avions décidé de suspendre ces travaux, compte tenu de la crise sanitaire, et de les reprendre au printemps. Nous aurons l'occasion de reprendre ces sujets.
Le ministère des solidarités et de la santé a-t-il bien fait de faire appel à des cabinets de conseil ? Je pense que oui, eu égard à son désarmement et à son manque de moyens humains. Ce manque de moyens humains était-il logique ? C'est cette question qu'il convient d'aborder. J'aurai l'occasion d'approfondir cette question lors de la poursuite de mes travaux. La commission des affaires sociales devrait aussi se saisir de ce sujet. Le ministère a-t-il fait appel à des cabinets de conseil pour définir des orientations et des pistes stratégiques ou pour procéder au remplacement de moyens humains manquants ?
Quant au périmètre d'intervention de ces cabinets par rapport à la prise de décision qui doit émaner de la puissance publique, les pièces consultées font état de prestations d'assistance à maîtrise d'ouvrage, c'est-à-dire d'un accompagnement à la décision, cette dernière restant à l'autorité politique.
Faut-il externaliser certaines missions ? La mission relative à l' outsourcing nous permettra de le dire. L'État ne doit-il pas mobiliser certains moyens dans le cadre interministériel ? Un appel a été fait auprès d'autres ministères, mais sommes-nous en capacité de faire un recensement exhaustif, dans les ministères, de tous les moyens dont nous disposons ? Cela peut répondre à la nécessité d'externaliser, ou non, certaines missions.
Le lien entre les territoires est essentiel dans les décisions prises, en particulier dans le cadre d'une crise comme celle-ci. J'ai été très étonnée de ne trouver aucune commande auprès d'un cabinet extérieur afin de trouver des pistes pour établir un lien avec les collectivités locales.
Madame Émilie Bonnivard, vous avez pointé la faiblesse de Santé publique France et des ARS. Cette fragilité a conduit au recours à des cabinets de conseil. Comme nous sommes fragilisés et avons perdu des compétences, nous avons dû avoir recours à ces cabinets. En effet, organiser la gestion des planifications ne nécessite pas une approche particulière.
Qu'aurions-nous fait sans ces cabinets ? La situation était telle que le ministère des solidarités et de la santé a bien fait d'avoir recours à ces cabinets parce qu'il était démuni.
Sur le plan de l'expertise, certaines tâches relèvent du mode opératoire. Quant à la question relative à Santé publique France, je n'ai pas les moyens, dans le cadre de ma mission, d'investiguer à ce sujet.
Concernant les commandes nos 24 et 25, nous avons examiné la répartition des tâches. À ce stade, elle n'appelle pas d'observation particulière.
Madame Christine Pires Beaune, vous avez souligné le nombre de contrats pour mettre en évidence un affaiblissement de l'État. C'est un peu mon propos. Quant à l'existence de conflits d'intérêts, je n'ai pas soulevé cette question parce qu'elle dépasse la nature de cette mission mais elle mérite d'être posée. Ce point pourra être traité dans la mission relative à l' outsourcing, en sollicitant la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Quant au nombre de jours de conseil, il n'est pas de 3 000, mais de 5 000 pour ces vingt-huit missions.