Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 20 octobre 2020 à 18h15

Résumé de la réunion

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  • aéronautique

La réunion

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La commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Bénédicte Taurine, les crédits de la mission « Industrie ».

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Mes chers collègues, nous allons examiner les crédits de la mission « Économie », qui fait l'objet de cinq avis budgétaires au sein de notre commission. Nous commençons aujourd'hui par les avis sur l'industrie et les entreprises. Le vote sur les crédits ne pourra intervenir que demain matin, lorsque nous aurons également entendu les rapporteurs pour avis sur le commerce extérieur, les communications électroniques et l'économie numérique, ainsi que sur l'économie sociale et solidaire.

Je rappelle que les orateurs des groupes disposent de quatre minutes, au maximum, pour s'exprimer sur chacun des deux avis que nous allons examiner et qu'aucun amendement n'a été déposé.

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La crise actuelle est inédite. Elle bouscule même des secteurs considérés comme les plus prospères et les mieux assis de notre économie. Ainsi, selon l'observatoire Trendeo, l'aéronautique représente à elle seule 62 % des suppressions d'emplois dans l'industrie depuis janvier dernier. Cela concerne des fleurons nationaux, de puissants donneurs d'ordre représentant des milliers d'emplois à travers l'Europe, mais aussi une myriade de sous-traitants qui forment un tissu industriel souvent innovant et font de la France un pays en pointe, mais qui sont surtout les derniers pourvoyeurs d'emplois dans des bassins de vie au solde migratoire négatif. Nous attendions du budget national des réponses à la hauteur de ces enjeux. Il n'y a malheureusement rien de tel dans les crédits dont vous m'avez confié l'examen.

Les dotations consacrées à l'industrie par l'État au sein de la mission budgétaire « Économie » sont réunies dans l'action n° 23 « Industrie et services » du programme 134 « Développement des entreprises et régulations ».

Hors dépenses de personnel, les crédits en faveur de la compétitivité de nos industries passeront en 2021 à 840 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 846 millions d'euros en crédits de paiement (CP), ce qui représente une augmentation d'environ 36 %. Dans les faits, néanmoins, cette évolution n'est que la traduction d'un alourdissement de 44 % de la compensation carbone des sites électro-intensifs, qui mobilisera près de 403 millions d'euros. C'est un poste de dépenses important pour l'État, mais le dispositif n'incite pas les entreprises à s'engager activement dans leur transition énergétique.

Toutes les autres sous-actions seront, au mieux, stabilisées, notamment les crédits destinés à l'encadrement des activités industrielles ou à la surveillance des marchés, qui ne sont toujours pas à la mesure des constats de non-conformité qui sont faits. S'agissant de la participation de l'État aux actions de développement économique, le désengagement amorcé depuis des années, au prétexte des nouvelles responsabilités des régions, se poursuivra. Par ailleurs, les documents budgétaires restent discrets sur le manque à gagner de 10 milliards d'euros lié à la réforme des taxes sur la production prévue par l'article 3 du projet de loi de finances.

À l'exception des dépenses fiscales, qui profitent aussi aux grandes entreprises, la mission « Économie » ne contribue plus suffisamment à l'accompagnement des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE). En cette période de crise, néanmoins, il est vrai que le gros des moyens mobilisés en faveur de notre industrie est inscrit ailleurs, en particulier dans le plan de relance. Je me suis attachée à apprécier son adéquation et son efficacité à travers l'examen du soutien apporté par l'État à la filière aéronautique.

La chute du trafic aérien a entraîné un ralentissement et même un quasi-arrêt de l'activité de nombreuses PME sous-traitantes. Chaque jour, la presse énumère de nouveaux plans de restructuration sur l'ensemble du territoire.

Les sous-traitants ont pu bénéficier des mesures d'aide exceptionnelles déployées durant les premiers mois de la crise. Les prévisions ne permettant pas d'espérer une reprise significative du secteur aéronautique avant 2022, voire 2024, le Gouvernement a lancé en juin un plan dit « Aéro », de 15 milliards d'euros, dont 7 milliards pour un prêt et une avance accordés à Air France. La moitié de cette somme doit lui permettre de boucler une commande de soixante appareils auprès d'Airbus. Une grande partie du plan vise en effet à soutenir le transport aérien et les commandes d'aéronefs, essentiellement par des avances financières, devant être remboursées, notamment dans le cadre d'un moratoire sur les remboursements des crédits à l'exportation déjà octroyés aux compagnies aériennes. Quant aux 832 millions d'euros de commandes publiques militaires et parapubliques qui sont inscrits dans le plan de relance, il s'agit d'une accélération des projets préexistants.

Les fonds réellement débloqués pour le secteur s'élèvent à environ à 200 millions d'euros, déjà versés, pour constituer un fonds d'investissement aéronautique de 630 millions avec les grands donneurs d'ordre et, dans le cadre du plan de relance, à 300 millions sur trois ans, dans le cadre d'un fonds de modernisation pour le rattrapage du retard des PME de ce secteur en matière de numérisation et de robotisation. Sont également prévus 1,5 milliard d'euros sur trois ans pour l'innovation et le développement de l'« avion vert ». Il me semble donc que la mobilisation de l'État est moins massive que ce qui avait été annoncé.

L'utilisation de ces fonds publics pose en outre un certain nombre de questions. Les nouveaux crédits pour la recherche permettront au moins de sauver plusieurs centaines d'emplois de chercheurs et d'ingénieurs, mais notre territoire héberge des PME faisant partie des plus créatives au monde et il est impératif de soutenir l'ensemble des innovations, dans l'intérêt de notre rayonnement, en prenant en compte les différentes trajectoires susceptibles de conduire aux technologies à venir.

Le soutien à l'« avion vert » est salutaire, mais un avion propulsé à l'hydrogène est-il seulement concevable à l'horizon 2035 alors que 90 % de l'hydrogène est actuellement produit par une méthode plus émettrice en CO2 que le kérosène ? Le ravitaillement et le stockage de l'hydrogène nécessiteront, par ailleurs, une restructuration de l'ensemble des aéroports par lesquels de tels avions transiteront. De plus, le stockage à haute pression et la production par électrolyse ne sont ni compétitifs, ni totalement finalisés à l'heure actuelle pour des productions de cette ampleur. Enfin, selon certains collectifs de chercheurs, il faudrait chaque année l'équivalent en électricité de la production de seize réacteurs nucléaires pour alimenter l'ensemble des avions atterrissant et décollant à l'aéroport Charles-de-Gaulle…

Autre difficulté, les investissements de consolidation peuvent avoir leur utilité mais, concrètement, ils ne seront probablement destinés qu'aux sous-traitants de premier rang que les donneurs d'ordre voudront sauver. Selon les cofinanceurs, le fonds vise à faciliter les rapprochements dans ce secteur : on sait, en gros, ce que cela signifie…

La gestion du fonds d'investissement Ace Aéro Partenaires a été confiée à Ace Management, filiale de Tikehau Capital, qui a à sa tête l'ancien directeur de la stratégie d'Airbus. Je m'interroge sur ce choix : pour quelles raisons la gestion du fonds n'est-elle pas revenue à une instance publique telle que la Banque publique d'investissement (BPIfrance) ?

Il semble que les aides financières de ce fonds, comme celles du fonds de modernisation, n'étaient toujours pas parvenues aux entreprises au début du mois, ce qui est un réel problème. S'agissant de l'accès à l'ensemble des aides, qu'elles soient européennes, régionales ou de l'État, les rouages administratifs demeurent complexes pour les PME, alors qu'elles sont les plus durement touchées par la crise.

Mais le principal problème de la stratégie gouvernementale de soutien à la filière aéronautique est de ne pas avoir obtenu de vrais engagements des donneurs d'ordre pour préserver les savoir-faire, les capacités à faire et les emplois dans notre pays. C'est pourtant une attente légitime à l'égard des premiers bénéficiaires des milliards d'euros d'argent public qui sont engagés, en plus des investissements massifs et continus de l'État depuis soixante ans en faveur du donneur d'ordre Airbus – qui versait encore 1,3 milliard d'euros de dividendes à ses actionnaires pour l'exercice 2018 et qui demeure en tête du CAC40.

Il faudrait que les objectifs du plan Aéro soient davantage que des orientations de la part du Gouvernement : il devrait s'agir d'exigences, de conditions pour le versement des crédits publics massifs qui sont prévus.

Les auditions m'ont alertée sur des évolutions menaçantes qui se dessinaient dans la filière avant la crise, notamment les dangereuses stratégies d'achats monosources extra‑européens des donneurs d'ordre et les encouragements à délocaliser adressés aux sous‑traitants. Il ne faudrait pas que les bouleversements économiques actuels facilitent ces dérives, alors que le ministre de l'économie a affiché parmi ses priorités une volonté de relocalisation – que nous approuvons, mais dont nous avons du mal à voir la traduction dans le plan « Aéro ».

Face à ces menaces graves, la charte d'engagement sur les relations entre donneurs d'ordre et sous-traitants qui a été adoptée par la filière ne me paraît pas suffisamment engageante : elle ne permet pas de protéger et de soutenir réellement nos PME, alors que certaines sont alignées sur les objectifs du futur. Le plan « Aéro » ne contient aucune mesure visant à soutenir la production de matériaux sur le territoire national, voire à y astreindre, ou à soutenir le recyclage des avions en fin de vie, alors que la France héberge un leader européen en la matière.

L'exécution pratique des mesures prévues par le plan gouvernemental est laissée entre les seules mains des grands groupes et donneurs d'ordre, alors qu'il faudrait une réelle stratégie industrielle dictée par la puissance publique pour défendre les intérêts nationaux, la relocalisation et l'emploi à la hauteur des enjeux, notamment celui de la planification écologique.

Pour toutes ces raisons, je donnerai un avis défavorable aux crédits de la mission « Économie » s'agissant de l'industrie.

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Nous en venons aux orateurs des groupes, en commençant par La République en Marche.

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Notre commission est saisie pour avis du volet « industrie » de la mission « Économie ». Les crédits correspondants sont en hausse de 17 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020. Cette augmentation s'explique notamment par la montée en puissance des moyens alloués à la compensation carbone en faveur des entreprises électro-intensives – papier, sidérurgie, chimie – exposées à un risque significatif de délocalisation.

Compte tenu du contexte particulier de cette année, je crois que la véritable question à se poser est de savoir si ce projet de loi de finances (PLF) permettra à notre industrie de traverser la crise et de rebondir. Pour répondre à la question, il est indispensable d'évoquer les mesures fortes de ce budget, notamment celles du plan de relance. Vous soulignez dans votre projet d'avis, Madame la rapporteure, que le plan de relance réintroduit, en réponse à la grave crise que notre pays traverse, diverses mesures de soutien massif à la compétitivité des entreprises françaises.

Quels sont les objectifs ? C'est d'abord la réindustrialisation, avec 1 milliard d'euros pour des appels à projets visant à encourager la relocalisation industrielle, à ouvrir de nouvelles chaînes de production, à innover, à numériser, à préserver l'emploi et à développer de nouvelles compétences. Chaque entreprise industrielle doit pouvoir y trouver de l'argent pour l'aider. Il s'agit aussi de financer l'industrie de demain, grâce au quatrième programme d'investissements d'avenir (PIA 4), et de défendre les secteurs prioritaires – automobiles, aéronautique, santé, agroalimentaire et électronique. S'agissant de la réduction des impôts de production, dont j'avais chaque année souligné la nécessité depuis 2017, je ne peux que me réjouir de la baisse pérenne, de 10 milliards d'euros par an, prévue dans le PLF pour 2021. Sans oublier, enfin, le renforcement de l'initiative Territoires d'industries, à hauteur de 400 millions d'euros, dont 150 millions dès 2020 pour des subventions destinées à des projets d'investissement.

Vous regrettez, Madame la rapporteure, les difficultés d'accès des PME à ces mesures. Ces entreprises sont, au contraire, le cœur de cible de la politique France Relance et, globalement, du rebond post-covid, dans le cadre de la baisse des impôts de production, du chômage partiel, des appels à projets ou encore des prêts garantis par l'État (PGE).

Le deuxième objectif est la décarbonation. Contrairement à une idée reçue, l'industrie est un des secteurs qui ont le plus baissé leurs émissions de gaz à effet de serre ces vingt dernières années, même si une partie de cette évolution est liée aux délocalisations, il faut le dire. L'industrie représente désormais seulement 20 % desdites émissions en France. Le PLF pour 2021 constitue un tournant en mettant des moyens inédits pour accélérer la décarbonation de ce secteur. Une enveloppe massive, de 1,2 milliard d'euros est prévue pour la période 2020‑2022.

L'industrie représente près de 14 % des emplois en France. Abandonnée depuis trente ans, elle doit être soutenue : soutenir un emploi industriel, c'est en réalité en soutenir trois, celui dans l'industrie et deux dans les services qui lui sont liés. C'est ce qui permettra à notre pays de sortir de la crise et du chômage. Les moyens sont là, à nous de les voter pour qu'ils puissent être utilisés et que la stratégie s'applique.

Je reviens sur ce que vous avez déclaré au sujet de l'aéronautique, Madame la rapporteure. Je ne sais pas si vous faites de la gymnastique, mais vous pratiquez, en tout cas, le grand écart : vous avez parlé de la problématique de l'emploi, qui existe effectivement dans ce secteur, mais vous avez semblé dire, en même temps, que ce même secteur devrait s'adapter à la transition écologique ; et votre mouvement politique répète à tout bout de champ que l'aéronautique ne peut pas rester sans rien faire… Doit-on sauver l'emploi, sauver la planète ? Faut-il une mise à jour dans ce secteur, pour qu'il aille vers l'hydrogène ? Vous devriez régler votre problème de grand écart : au bout d'un moment, cela commence à faire mal aux adducteurs (Sourires).

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Je remercie la rapporteure pour son travail, notamment sur la situation de l'aéronautique. Le choix était pertinent : c'est un secteur d'excellence emblématique particulièrement touché. Il était également intéressant de prendre en considération la recherche et l'innovation, qui contribueront à la relance en redynamisant l'aéronautique, mais pas seulement : on sait que la recherche menée dans ce secteur a des effets ailleurs ; notre économie l'attend.

L'examen des crédits n'est pas forcément aisé – je le répéterai tout à l'heure lorsque je présenterai mon propre avis budgétaire –, en raison d'un manque de lisibilité lié à l'instabilité récurrente des maquettes et de l'absence de coordination entre la nouvelle mission « Plan de relance » et les programmes habituels. Du coup, l'exercice est complexe, et il sera encore plus difficile, ensuite, de contrôler et d'évaluer les politiques menées.

Le groupe Les Républicains estime néanmoins que toutes les mesures du programme « Compétitivité » en faveur de l'économie, notamment de l'emploi, vont dans le bon sens.

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L'année 2020 a été particulièrement critique pour le tissu industriel français. Face à la crise sanitaire, qui a entraîné une crise économique, l'État a su se montrer à la hauteur en créant des aides exceptionnelles pour soutenir l'ensemble des filières industrielles. L'activité partielle, les exonérations de charges ou encore les prêts garantis par l'État ont permis et permettent encore de sauvegarder les activités économiques, notamment industrielles, et les emplois dans nos territoires. Le pilotage et l'ajustement de ces outils au plus près des réalités du terrain et de l'évolution de la crise dans les semaines et les mois à venir demeureront indispensables pour nous permettre de nous relever.

Permettez-moi d'insister, comme l'a fait notre rapporteure, sur l'industrie aéronautique, qui me tient particulièrement à cœur. Ce secteur est en grande souffrance, et ses difficultés seront amenées à durer de nombreuses années, compte tenu du coup d'arrêt massif et brutal auquel fait face le transport aérien. Comptant près de 300 000 emplois, la filière aéronautique est un véritable pilier de l'industrie française, mais les difficultés financières et les pertes de chiffre d'affaires que connaissent actuellement les entreprises de ce secteur mettent en jeu sa survie, dans sa globalité. J'ai échangé, pas plus tard que la semaine dernière, avec les dirigeants de Latécoère : ce pionnier de l'aviation dans notre pays, à l'origine de l'Aéropostale, prévoit de supprimer le tiers de ses effectifs en France.

La spécificité de ce secteur, qui pourrait ne retrouver son niveau d'activité de 2019 qu'en 2025, nous oblige à innover davantage dans nos politiques publiques en ce qui concerne la préservation des compétences professionnelles : l'activité partielle n'est malheureusement pas génératrice de croissance, ni de richesse, et elle ne pourra perdurer pendant plusieurs années. Il faudra trouver d'autres moyens d'enjamber la crise.

Les entreprises peuvent notamment recourir au prêt de main-d'œuvre. L'employeur met alors des salariés à la disposition d'une autre entreprise pendant une durée déterminée. Mais ce dispositif est inefficace en période de crise, car aucune structure n'est disposée à supporter de nouveaux salaires et charges. Il doit donc être accompagné. Je propose de rapprocher les dispositifs d'activité partielle et de prêt de main-d'œuvre entre entreprises en faisant en sorte que l'État prenne intégralement en charge les salaires du personnel détaché vers des secteurs définis comme stratégiques. Un salarié de Latécoère à Toulouse pourrait ainsi être détaché pour une durée déterminée dans un centre de recherches travaillant sur la mobilité douce, l'intelligence artificielle ou les carburants du futur. Un tel dispositif, crucial pour l'industrie aérospatiale, mais pas uniquement, nous permettrait de développer de nouvelles filières d'excellence dans nos territoires tout en sauvegardant de précieuses compétences.

Un autre enjeu de la relance du secteur aéronautique est la transition écologique – il en a déjà été question – et le maintien de la faculté des entreprises à fabriquer les prochaines générations d'aéronefs. À cet égard, le groupe MoDem se félicite du plan de soutien à l'aéronautique, présenté par le Gouvernement en juin dernier, qui prévoit des investissements en faveur de la décarbonation et de la compétitivité. Parmi les premières mesures appliquées, le fonds de modernisation, de diversification et de verdissement des procédés de la filière aéronautique, doté de 100 millions d'euros en 2020 et de 300 millions d'euros sur trois ans, permettra aux acteurs de cette filière de rebondir en développant des chaînes de valeur d'avenir, afin de sortir de la crise par le haut, en préservant des compétences durement acquises et en préparant l'avion vert du futur. Je salue, au nom de mon groupe, les dix-neuf premiers projets lauréats, qui ont déjà bénéficié d'un montant total d'aide de 13,5 millions d'euros, et j'appelle les entreprises qui ne l'auraient pas encore fait à répondre à l'appel à projets, valable jusqu'au 17 novembre prochain.

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En vingt ans, le poids de l'industrie dans notre PIB est passé de 17 à 12 %. Ce déclin, loin d'être anodin, s'est traduit par une hausse du chômage, une dégradation de notre balance commerciale et un retard dans nos capacités de recherche et développement. La désindustrialisation a également accentué la fracture territoriale. Des territoires entiers ont vu disparaître leurs usines et, avec elles, leurs commerces et leurs habitants.

La désindustrialisation a aussi accru notre dépendance à l'égard de puissances industrielles étrangères dans certains secteurs tels que la santé. Un certain nombre des difficultés auxquelles nous avons fait face dans la gestion de la crise actuelle viennent de ce déclin industriel : la pénurie de masques, de respirateurs et de tests que nous avons connue en est l'exemple le plus frappant.

Depuis le début de la crise, le Gouvernement a annoncé qu'il voulait reprendre en main le destin industriel de la France, et ce projet de loi de finances devait en être la traduction. Pourtant, l'action « Industrie et services » est loin de comporter les solutions nécessaires : principalement centrée sur le mécanisme de compensation carbone pour les industries électro‑intensives, elle néglige le reste de la politique industrielle. Les mesures phares du PLF en la matière se trouvent donc en première partie ou dans d'autres programmes.

Je pense, par exemple, à la baisse des impôts de production. Le groupe Libertés et Territoires soutient cette mesure, qui est nécessaire pour restaurer la compétitivité de nos entreprises. Toutefois, nous regrettons que le Gouvernement choisisse de compenser la perte de recettes pour les collectivités territoriales au lieu d'accroître leur autonomie fiscale. Nous estimons qu'il aurait fallu miser sur davantage de décentralisation, afin que les collectivités conservent leurs marges de manœuvre fiscale et puissent adapter leurs mécanismes de soutien à l'économie.

Je me réjouis, par ailleurs, que ce budget prenne en charge, partiellement, la transformation des industries, en prévoyant une enveloppe totale de 1,2 milliard d'euros pour accompagner les investissements en matière de décarbonation.

Je terminerai en évoquant un point essentiel mais qui ne figure pas dans ce projet de loi, et plus globalement dans la réflexion politique sur la réindustrialisation : l'absence de compétence industrielle en France dans certains secteurs clés comme l'électronique. Notre pays forme actuellement deux fois moins d'ingénieurs que l'Allemagne, et la filière industrielle souffre d'un véritable déficit d'attractivité, notamment auprès des femmes. C'est une question qui me semble particulièrement importante. Je regrette qu'elle n'ait pas été abordée.

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Je rappelle à tous que nous nous sommes également saisis pour avis de la première partie, notamment de l'article 3 qui concerne les impôts de production. Il est vrai qu'il est un peu difficile de suivre, compte tenu de la multiplicité des avis, mais nous nous sommes saisis de tout ce dont nous pouvions nous saisir…

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Je voudrais répondre à M. Adam à propos du grand écart qu'il y aurait entre le souci de l'écologie et celui de l'emploi en matière d'aéronautique. Comme nous avons rarement l'occasion de débattre ici, profitons-en…

Je me suis rendu sur le site de Méaulte, où se trouvent l'entreprise Stelia Aerospace et tous ses sous-traitants. Une énorme casse a lieu : des centaines d'emplois sont en train de disparaître. Je me trouvais notamment aux côtés des salariés des entreprises AAA et Simra. Les avocats trouvaient le plan social tellement délirant qu'ils ne croyaient même pas que de telles modalités pouvaient exister… Pour le congé de reclassement, la proposition était de quatre mois avec 65 % du salaire. Les salariés ont finalement eu droit à six mois, mais l'État garantit normalement douze mois… Du jamais vu, aux dires des avocats.

Y a-t-il une contradiction dans notre démarche ? C'est une vue extrêmement superficielle. Que se passe-t-il ? C'est le marché qui broie les salariés, qui écrase les emplois, qui, parce qu'on l'a laissé faire ainsi, a empêché toute diversification, qui a conduit ce territoire‑là à la mono-industrie et qui empêche d'en penser la sortie. Que voudrions-nous faire pour ce secteur ? Non pas laisser faire la main invisible, mais penser, organiser la sortie de cette mono-industrie, et pas dans la brutalité, comme c'est le cas aujourd'hui, mais au contraire dans la durée.

Il faut évidemment être aux côtés des salariés : ce n'est pas à eux de payer les mauvais choix dans la durée, l'absence de pensée industrielle. Le terme « politique industrielle » a été interdit par l'Europe à partir des années 1980. Il serait temps de redonner une politique industrielle à ce pays.

Que vont devenir les compétences ? Rien. Elles vont repartir dans la nature. Des gens qui ont travaillé pendant dix ans, quinze ans, dans des postes spécialisés, sur des machines de grande précision, vont être évacués : ils iront peut-être ouvrir une pizzeria ou se retrouver dans la logistique… Tout ce savoir-faire, ces compétences promises à la disparition, je suis convaincu, moi aussi, qu'elles ne sont pas seulement utiles pour l'avion de demain mais aussi pour les pompes à chaleur, l'éolien ou le rail-route. Une étude menée au sujet de Lucas Aerospace, qui était une entreprise aéronautique britannique, a montré que ce type de compétences et de machines pouvait très bien servir des projets pour la transition écologique.

La question – centrale, à mon avis – que nous posons est de savoir qui doit décider. Le marché peut-il décider de broyer les salariés, que c'est fini, ou est-ce à nous, tous ensemble, de décider démocratiquement de réorienter, de bifurquer, sans en faire payer le prix aux salariés ? Alors que les actionnaires ont engrangé l'année dernière 1,2 milliard d'euros et que l'État, premier actionnaire d'Airbus, verse 15 milliards d'euros pour l'aéronautique, peut-on laisser les sous-traitants partir en short, malgré toutes les chartes qui ont été signées ? Nous sommes convaincus que c'est à nous, ensemble, de décider. Veut-on produire des pneus en France ? Si c'est oui, il faut s'organiser en conséquence ; sinon, ce n'est pas aux salariés de Bridgestone, de Goodyear ou de Dunlop de payer la délocalisation.

Il y a donc une profonde cohérence dans le fait de souhaiter non pas la disparition du trafic aérien mais sa diminution et de se demander comment on réorganise la production et à quoi les salariés peuvent être utiles.

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Monsieur Adam, ma circonscription compte de nombreux sous-traitants du secteur aéronautique, qui se trouve dans une situation catastrophique. J'ai été, comme les chefs d'entreprises concernés, stupéfaite en voyant cette économie, qui semblait tellement solide, s'effondrer du jour au lendemain. Le secteur aérien doit aujourd'hui effectuer sa transition compte tenu du fait que, comme ils nous l'ont tous dit, l'avion est remis en question du point de vue écologique.

L'idée d'un avion à hydrogène est mise en avant. Mais comment peut-on être sûr de réussir un tel saut technologique, sachant que la production du carburant nécessaire pour faire voler ces avions, en l'état actuel de nos connaissances, mobiliserait la puissance de seize réacteurs nucléaires ? La recherche a un rôle évidemment essentiel, mais fermer les PME de ce secteur revient à condamner à disparaître leurs compétences et leur savoir-faire alors qu'ils pourraient bénéficier à d'autres secteurs. Comment les soutenir ? Il nous est remonté que certaines d'entre elles se heurtent à des difficultés de méthode pour compléter les dossiers permettant d'obtenir des aides auxquelles elles peuvent prétendre. En tout état de cause, l'avion à hydrogène n'est pas forcément la panacée. Il faut y travailler, mais également voir dans quelle mesure cette piste peut évoluer. Il faut également réfléchir à une diminution du trafic aérien, en abandonnant les liaisons courtes distances – moins de deux heures, par exemple – au profit du train.

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Je ne sais pas si les politiques publiques doivent remplacer le marché : le marché nous avale, car il est mondial, et non plus national. Mais les politiques publiques peuvent orienter la politique industrielle de notre pays, sans privilégier la mono-industrie, comme l'a déploré à juste titre notre collègue François Ruffin, mais précisément la transversalité des compétences et des savoir-faire : ce que l'on est capable de faire dans l'aéronautique, on peut le transposer dans le ferroviaire ou dans l'automobile. Et lorsqu'un marché s'effondre, comme aujourd'hui l'aéronautique, et peut-être demain l'automobile, nous pouvons être capables de résister et de réagir grâce à une politique industrielle transversale, qui s'applique à plusieurs débouchés, plusieurs marchés, plusieurs filières. Mais cela suppose une réelle ambition de l'État, qui doit définir tout à la fois les enjeux et les besoins en amont, notamment en termes de formation, et les débouchés en aval.

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Je vous rejoins sur ce point : certaines entreprises ont d'ores et déjà transféré leurs compétences et adapté leurs machines à la production d'autres produits : j'en ai récemment visité une qui est passée de la production de tissus pour l'automobile à celle du géotextile, des tissus destinés à fabriquer des masques, des surblouses, etc., à partir de fibres de lin. Le problème, c'est que cette entreprise ne trouve pas de débouchés pour ces nouveaux produits pourtant tout à fait innovants. C'est précisément là où l'État doit aider au transfert de compétences ainsi qu'à la mobilité des productions. Or, pour l'heure, il est impossible à cette entreprise de répondre aux appels d'offres tels qu'ils sont présentés. On marche sur la tête !

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Je vous rappelle que le vote sur les crédits de la mission « Économie » aura lieu demain matin, mercredi 21 octobre 2020.

La commission en vient à l'examen, au sein de cette même mission, des crédits du programme 134 « Développement des entreprises et régulations ».

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Le soutien aux entreprises, objet de mon avis budgétaire, revêt une importance toute particulière cette année. Alors que j'avais l'an dernier regretté le profond désengagement de l'État des différents dispositifs de soutien existants, la crise sanitaire et économique rebat les cartes : l'État est au rendez-vous et de nouveaux moyens substantiels ont été annoncés dans le cadre du plan de relance.

Au-delà des mesures d'urgence, la crise doit nous donner l'occasion de mener une réflexion de fond sur les politiques publiques de soutien et d'accompagnement des entreprises, en particulier des plus petites, qui jouent un rôle central pour la vitalité économique locale.

Si j'ai choisi de traiter principalement, dans cet avis, de l'avenir des politiques publiques de soutien à l'économie de proximité, je note tout d'abord que la maquette des crédits du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » souffre, comme chaque année, d'un problème important : la lisibilité. Les crédits sont en effet épars et de nombreux dispositifs débudgétisés, à l'image de l'activité de garantie de Bpifrance. Le problème prend cette année une nouvelle ampleur dans la mesure où le projet de loi de finances pour 2021 comporte une nouvelle mission « Plan de relance » qui comprend de nombreuses mesures de soutien aux entreprises. Or la coordination avec les crédits et les dispositifs du programme 134 n'est indiquée nulle part.

Ce manque de lisibilité porte atteinte au principe de sincérité budgétaire et risque de nuire à la clarté de nos débats alors même que le contrôle parlementaire est particulièrement attendu en période de crise : c'est à tout le moins regrettable.

Si, avec 1,1 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, les crédits de ce même programme sont, comme l'année dernière, en hausse, comme l'an passé, leur augmentation est trompeuse : elle s'explique en effet principalement par celle des crédits affectés aux dispositifs de compensation carbone des entreprises électro-intensives dont la dotation dépend de l'évolution du marché des quotas d'émissions carbone. Cette hausse mise à part, le programme 134 paraît se vider progressivement de sa substance : cette année est marquée par la suppression définitive du fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC), dont le rôle est pourtant salué dans les territoires.

J'en viens à la seconde partie de mon rapport consacrée au soutien à l'économie de proximité dans les territoires, question à l'importance particulière dans la mesure où la crise aggrave considérablement ses difficultés structurelles, alors qu'elle est affaiblie depuis des années par le développement tant du commerce périurbain que du numérique. Selon les estimations, le taux de vacance commerciale pourrait, ce qui est très préoccupant sur le plan économique, bondir de 12,5 % à 16 %. Cela l'est également sur le plan politique ainsi que pour l'avenir de notre pacte social : la disparition du commerce de proximité est identifiée comme une des variables les plus fortement corrélées au mécontentement de nos concitoyens – le mouvement des gilets jaunes l'a bien illustré.

L'action publique doit absolument être au rendez-vous pour ne pas faire des territoires ruraux et des villes moyennes des oubliés de la République : c'est d'autant plus important qu'ils peuvent constituer un atout majeur pour la relance de l'économie, dans un contexte où un tiers des jeunes actifs vivant dans les grandes villes souhaitent aujourd'hui en partir pour vivre et travailler dans une ville moyenne.

Les dernières années ont été marquées par une prise de conscience salutaire, bien que tardive, des pouvoirs publics quant aux risques de dévitalisation de nos territoires. La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi « ELAN » puis la mise en place de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ont été autant d'avancées bienvenues.

Le plan de relance traduit de nouvelles annonces ambitieuses : il faut donc transformer l'essai afin de construire une stratégie globale au service de notre économie de proximité.

Si la mise en place de la nouvelle ANCT annonce un décloisonnement bienvenu des politiques publiques, il faut maintenant que les bonnes intentions se traduisent en actes : le programme « Action Cœur de ville », qui doit permettre la revitalisation de 222 villes moyennes, est encore au milieu du gué ; dans les faits, les enjeux économiques restent souvent le parent pauvre des actions conduites. En outre, sa gouvernance peut encore largement être améliorée : les acteurs économiques et les réseaux consulaires n'y sont en particulier pas encore assez associés alors qu'il faut – c'est essentiel – capitaliser sur leur expertise.

Un équivalent de ce programme a été annoncé pour le monde rural : il s'agit du programme « Petites villes de demain », espoir important pour la ruralité d'autant que le Gouvernement a indiqué vouloir y consacrer 3 milliards d'euros sur six ans. Il devra se montrer à la hauteur des annonces faites et surtout tirer les leçons du programme « Action Cœur de ville » pour ne pas en répéter les erreurs.

Si ces mesures vont dans le bon sens, la politique publique de soutien à la revitalisation économique des territoires ne saurait se limiter à une logique de zonage, sous peine de laisser de côté de nombreux territoires : il est donc essentiel que de tels programmes spécifiques s'accompagnent également de mesures généralistes de soutien de l'ensemble de l'économie de proximité.

Dans ce cadre, nous ne pourrons nous passer d'une réflexion de fond sur l'avenir des dispositifs d'aides directes au commerce et à l'artisanat de proximité : en temps de crise, le soutien de l'État à leur égard révèle en effet toute sa pertinence.

Si le plan de relance prévoit ainsi d'affecter 40 millions d'euros à des actions collectives en faveur du commerce de proximité, il est essentiel de réfléchir à la pérennisation de ces moyens au-delà de 2021 : nous ne saurions nous contenter d'être court-termistes s'agissant d'enjeux aussi importants.

Si le FISAC n'était pas exempt de limites, tenant notamment à son fonctionnement trop centralisé, il est unanimement regretté sur le terrain par les élus territoriaux comme par les acteurs locaux : un nouvel outil de soutien financier au commerce de proximité, qui s'en inspirerait, doit donc être conçu. Il aurait tout intérêt à faire l'objet d'un cofinancement impliquant les collectivités territoriales et sa gestion pourrait procéder d'une approche déconcentrée et décentralisée.

J'en viens au défi du numérique, particulièrement central lorsque l'on évoque l'avenir de l'économie de proximité.

Longtemps perçue comme une menace, la culture numérique reste trop peu ancrée chez les commerçants et artisans de proximité : 71 % des chefs d'entreprises concernés n'ont pas encore entamé leur transition numérique. Loin d'être un risque, le numérique représente au contraire une opportunité considérable pour le commerce de proximité. La crise l'a durement révélé : l'appétence des consommateurs pour le commerce en ligne n'est pas près de faiblir. Il faut donc capitaliser sur cette prise de conscience pour accélérer la transformation digitale de nos entreprises de proximité.

Le Gouvernement a annoncé un plan de soutien à la numérisation des entreprises, qui devra s'articuler autour de deux axes prioritaires : la formation des professionnels et le soutien à l'investissement. Les plateformes locales en ligne doivent également être encouragées. Le levier fiscal pourrait également être mobilisé, par exemple en mettant en place un dispositif de suramortissement pour les investissements des petites et moyennes entreprises (PME) commerciales favorisant la transformation numérique.

Il faut enfin répondre à ce problème central dont nous sommes tous conscients : la distorsion de concurrence entre le commerce de proximité et le commerce en ligne, qui est porteuse d'enjeux d'équité et de justice fiscale au cœur des préoccupations du tissu économique local comme de nos concitoyens.

Une réflexion de fond doit aujourd'hui être menée en vue de bâtir une fiscalité du commerce adaptée aux enjeux du XXIe siècle.

Deux chantiers s'ouvrent à nous. Le premier consisterait à mesurer les effets d'un assujettissement des entrepôts de vente en ligne à la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), ce qui serait de nature à contrer la stratégie d'évitement de l'impôt des géants du numérique, et à supprimer la taxe locale sur les enseignes et publicités extérieures (TLPE) qui s'ajoute à une fiscalité déjà pesante pour les commerces de proximité et des petites entreprises. Le second chantier concerne la construction des entrepôts en périphérie et aux possibilités d'un moratoire, dont nous avons déjà discuté au sein de la commission et qui figure au nombre des propositions de la Convention citoyenne sur le climat. Nous aborderons le sujet dans quelques mois lorsque le Gouvernement présentera son projet de loi. Soyons particulièrement attentifs à ces deux leviers qui peuvent être essentiels pour assurer une plus grande équité entre commerce en ligne et commerce physique.

Eu égard aux différents éléments que j'ai eu l'avantage de vous présenter, j'émets un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 134.

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Nous examinons l'un des volets de la mission « Économie », principale mission budgétaire de soutien à l'activité de nos entreprises. Face à la crise économique liée à la Covid-19, elle a été au cœur du plan de soutien en faveur des secteurs les plus durement touchés. Ses crédits seront ainsi complétés par 6 milliards d'euros de crédits attribués au soutien de leur compétitivité et à la résilience économique de la France.

Ceux du programme 134, objet des travaux de notre rapporteur, doivent être salués puisqu'ils augmentent de 9 %, soit 180 millions d'euros, en crédits de paiement, et de 9,5 %, soit 1,170 milliard d'euros, en autorisations d'engagement par rapport à 2020.

Comme l'année dernière, cette augmentation s'explique principalement, comme l'a souligné mon collègue Damien Adam, par l'augmentation des crédits consacrés au dispositif de compensation carbone prévu pour les entreprises électro-intensives.

Mais au-delà des dépenses budgétaires, les dépenses fiscales rattachées jouent un rôle primordial dans le soutien aux entreprises. Elles sont estimées à 15,9 milliards d'euros pour 2021, ce qui correspond à une baisse de 1,7 % en raison de celle, à hauteur de 500 millions d'euros, des prévisions relatives au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), et de la déduction exceptionnelle, à hauteur de 230 millions d'euros, de 40 % d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés du prix de revient de certains biens pour l'année 2021.

Ces dépenses répondent à trois objectifs stratégiques : améliorer la compétitivité des entreprises françaises en contribuant à développer les très petites entreprises (TPE), les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) grâce notamment à Bpifrance ; renforcer le soutien à l'internationalisation des entreprises et à l'export grâce à Business France ; réguler et sécuriser les marchés afin de s'assurer du respect des règles en matière de concurrence grâce à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) et l'Autorité de la concurrence.

Rappelons qu'en 2020, le programme 134 aura été au cœur du plan de soutien, à travers notamment l'acquisition de masques, les aides directes aux entreprises et les interactions avec BPIfrance en charge notamment des prêts garantis par l'État (PGE).

Monsieur le rapporteur, vous avez mis l'accent sur la revitalisation économique des territoires. Les commerces de proximité et les artisans comptent parmi les acteurs économiques les plus sévèrement touchés par la crise actuelle, comme en témoigne le taux de vacance commerciale qui pourrait, selon les fédérations que vous avez auditionnées, bondir de 12,5 % à 16 %.

Il convient donc de lutter contre les distorsions de concurrence actuelles, ce qui passe par une révision de la fiscalité locale afin d'alléger la pression foncière qui empêche nos artisans et petits commerçants d'accéder à des locaux adaptés à des prix raisonnables et pousse au développement de zones commerciales périurbaines ou au recours grandissant aux plateformes.

Vecteur essentiel de lien social, les commerces de proximité restent un rempart contre l'individualisation croissante de notre société : le contact avec les commerçants de quartier est redevenu un critère de choix de mode de consommation. Au-delà d'être un élément important du lien social, le secteur de l'artisanat et du commerce de proximité constitue un maillon essentiel de notre économie, qui compte près de deux millions d'entreprises ; les crédits que nous examinons doivent accompagner les mesures prises par le Gouvernement en leur faveur. Limiter le déclin de nos commerces de proximité et redynamiser nos centres-villes figurent au rang de ses priorités, comme en témoignent les politiques publiques mises en place dans le sillage de la loi dite « ELAN », la création de l'ANCT et le déploiement du programme « Action Cœur de ville ».

Au mois d'octobre, le ministère de l'économie, des finances et de la relance avait déjà dévoilé une stratégie nationale visant notamment à promouvoir le commerce de proximité et l'artisanat dans les territoires ; le lancement au début du mois du programme « Petites villes de demain » permettra aux villes de moins de 20 000 habitants de bénéficier d'un soutien spécifique en vue de leur revitalisation.

Le budget encourage celles de nos bourgs et de nos villes : faisons confiance aux commerçants et aux artisans pour saisir les occasions qui leur sont ainsi offertes pour s'adapter et pour prospérer.

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Nous avons déjà eu l'occasion de débattre du FISAC au moment de l'examen des PLF 2019 et 2020 : si nous en parlons encore, c'est bien parce que sa suppression a créé un réel manque au sein des territoires, dans la mesure où il constituait autant un outil qu'un levier dans le maintien et l'accompagnement des activités artisanales et commerciales ainsi que des emplois induits.

Sans nier l'intérêt de programmes tels qu'« Action Cœur de ville », même s'ils sont centrés sur le tissu urbain, on ne pouvait pas dans le même temps déshabiller Pierre pour habiller Paul en supprimant le FISAC : c'est peut-être le grand loupé de ce projet de loi de finances. Cet outil indispensable a été de facto remplacé par des politiques locales menées par des communes, des établissements de coopération intercommunale ou même des départements dont ce n'est pourtant pas la compétence, qui ont bon gré mal gré financé la modernisation et le maintien de commerces en centre-ville : c'était essentiel pour maintenir la vitalité de nos territoires, de nos petits bourgs et de nos villages où les habitants ont de plus en plus le sentiment d'être éloignés de tout.

Votre proposition, Monsieur le rapporteur, de travailler à un nouvel outil similaire au FISAC, probablement cofinancé, me paraît donc essentielle pour conserver l'activité et le dynamisme de nos territoires.

Deuxième sujet, dont vous n'avez pas parlé mis qui n'en concerne pas moins l'ensemble de cette mission : la baisse des impôts de production. Nous y avons, comme vous, été plus ou moins favorables : pourquoi pas, mais avec quelles contreparties derrière ? Prenons garde aux décisions que nous prenons.

Baisser la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et autres taxes sur les industries, c'est soutenir les entreprises installées dans nos territoires. C'est aussi donner envie à des entreprises soucieuses de se développer de venir y investir, construire, créer de l'activité, grâce à une fiscalité attractive. Ce qui n'est pas sans créer parfois une certaine concurrence entre collectivités – je sais de quoi je parle. Par conséquent, il faut prévoir des moyens de coercition, des garde-fous.

J'ai été maire d'une commune de 1 000 habitants, tant mon successeur, mon prédécesseur que moi-même avons pendant vingt ans gelé les impôts locaux parce qu'ils étaient liés aux impôts de production – la taxe professionnelle (TP), puis la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la CVAE. Nous ne les avons jamais augmentés parce que nous avions sur notre territoire deux usines du groupe Nestlé, qui employaient respectivement 200 et 300 salariés. Or cela n'a pas empêché Nestlé de nous faire, début 2020, un joli bras d'honneur malgré nos efforts de deux décennies en fermant une de ses usines et en mettant 200 personnes à la rue !

Nous devons nous montrer beaucoup plus stricts et plus durs : on ne peut signer continuellement des chèques en blanc à des personnes qui ne respectent pas les engagements que prennent à la fois les élus et les acteurs économiques locaux.

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La majorité des entreprises de notre pays fait depuis le mois de mars et le début de la crise sanitaire face à une grande incertitude.

Afin de faire face à la crise économique qu'elle a entraînée, le Gouvernement a mis en place un arsenal de mesures visant à préserver tant l'activité que l'emploi, notamment l'activité partielle, les prêts garantis par l'État, le Fonds de solidarité et l'étalement des délais de paiement d'échéances fiscales et sociales.

Comme l'a précisé le Président de la République dans son adresse aux Français le 12 mars, elles ont été prises afin de ne pas ajouter aux difficultés sanitaires la peur de la faillite pour les entrepreneurs et l'angoisse du chômage et des fins de mois difficiles pour les salariés.

Le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés salue leur mise en œuvre visant à protéger nos salariés et nos entreprises et ce quoi qu'il en coûte.

Si notre économie a tenu le choc, c'est parce que depuis le début de la crise les entreprises ont pu s'appuyer sur les réseaux consulaires, et particulièrement sur les chambres de commerce et d'industrie (CCI). Je salue d'ailleurs la CCI de l'Yonne qui est performante et qui s'est montrée durant cette période difficile très réactive en matière de soutien aux entreprises. Notre groupe salue à ce propos l'accord sur la trajectoire financière passé la semaine dernière entre l'État et le réseau de ces CCI, dans le prolongement du contrat d'objectifs et de performance signé le 15 avril 2019. Elles ont ainsi pris l'engagement, aux côtés des services de l'État en région, de mener des actions de sensibilisation et d'accompagnement auprès de plusieurs centaines de milliers d'entreprises visant à les informer des dispositifs d'aides dont elles peuvent bénéficier dans le cadre du plan de relance.

Le plan France Relance consacre des moyens inédits pour préserver nos entreprises, muscler notre industrie et préparer dès aujourd'hui la croissance et les emplois de demain. Encore faut-il, si nous voulons réussir collectivement, que celles-ci s'en saisissent pleinement. L'accord conclu avec les CCI est donc une excellente nouvelle, car il permettra de prendre en compte leurs besoins en matière d'accompagnement, de proximité et de transformation numérique et écologique. Après une période de dispersion de leurs activités et de baisse des rendements, celles-ci pourront ainsi améliorer leur efficience et recentrer leur action dans leur domaine d'excellence : l'accompagnement et le soutien aux entreprises.

Au-delà de l'effort consenti en faveur des réseaux consulaires, notre groupe se réjouit du renforcement de l'engagement de l'État en faveur de l'activité économique dans nos territoires, particulièrement nos territoires ruraux, les plus vulnérables, c'est important pour le dynamisme de nos entreprises et de nos commerces de proximité.

Outre le renforcement de l'armature urbaine des villes moyennes au travers du programme « Action Cœur de ville », doté de 5 milliards d'euros sur cinq ans, qui vise à aménager et à rénover les centres de 222 villes moyennes, le lancement du programme partenarial « Petites villes de demain » permettra de décliner une telle démarche pour un millier de villes de moins de 20 000 habitants. Ainsi 3 milliards d'euros supplémentaires seront investis au cours des six prochaines années notamment dans le soutien aux commerces de centre-ville qui représentent un élément majeur de l'attractivité de nos villes moyennes et de nos centres bourgs. Ce qui permettra en outre de limiter la construction de centres commerciaux en périphérie, fortement consommatrice de foncier : alors que nos villes et nos villages souffrent d'un taux de vacance commercial élevé qui risque de s'aggraver en raison de la crise sanitaire, nous resterons particulièrement vigilants face à tout nouveau risque de dévitalisation de nos centres-villes.

De même, alors que le dispositif de zone de revitalisation rurale (ZRR) arrive à échéance le 31 décembre 2020, nous voterons en faveur de sa prorogation pendant deux ans proposée par le Gouvernement dans l'attente d'une grande concertation à laquelle nous prendrons toute notre part.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera en faveur de ces orientations budgétaires.

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Les crédits alloués au programme « Développement des entreprises » sont en augmentation, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, mais ne nous leurrons pas : la hausse est principalement due à celle de la compensation carbone pour les industries électro-intensives.

Outre ce dernier mécanisme, le programme comporte quelques actions intéressantes, en particulier l'action n° 04, « Développement des postes, des télécommunications et du numérique », qui permet de financer la plateforme francenum.gouv.fr, une initiative pilotée par la direction générale des entreprises (DGE) pour favoriser la transformation digitale des TPE et PME. Ces crédits sont par ailleurs renforcés dans le plan de relance par une enveloppe de 184 millions d'euros.

Cette augmentation budgétaire est de bon sens : plus encore qu'une condition du développement des entreprises, l'accès au numérique est pour nombre d'entre elles, en ces temps troublés et complexes, une question de survie. Le confinement a démontré la nécessité pour les commerces de proximité, pour les artisans, pour les indépendants, fortement frappés par la crise sanitaire, de mettre en œuvre des solutions de vente en ligne ou, tout simplement, d'accroître leur adaptabilité.

Je suis beaucoup moins enthousiaste concernant les dispositifs d'accompagnement de nos entreprises au plus près du terrain. Comme vous, Monsieur le rapporteur, et comme notre collègue Julien Dive, je regrette profondément que le FISAC ait été mis en extinction en 2018 : c'est une grave et profonde erreur. Les différentes dispositions du plan de relance destinées à redynamiser les commerces de proximité sont de bon sens, mais elles sont temporaires. Ainsi de la création de 100 foncières pour acquérir et rénover au moins 6 000 commerces en cinq ans ou de la campagne de communication qui sera lancée à l'automne pour promouvoir l'artisanat et le commerce de proximité : c'est très bien, mais, à plus long terme, il est essentiel de réfléchir à l'avenir des aides directes au commerce de proximité, dont le groupe Libertés et Territoires est convaincu qu'elles doivent être déployées à l'échelon local, au plus près des réalités des territoires.

S'agissant enfin des métiers d'art, dont les savoir-faire uniques font la singularité de la France et de son économie, je me réjouis que la subvention à l'Agence française des métiers d'art et du patrimoine vivant soit finalement reconduite.

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La France est un chapelet de petites villes ; il importe de garder cela en mémoire pour juger des éléments qui nous sont soumis. Je suis entièrement d'accord avec tout ce que vous avez écrit dans votre rapport, Monsieur le rapporteur, de même que je suis d'accord avec mes collègues pour regretter la disparition du FISAC, qu'il faudrait peut-être repenser pour le faire renaître ; mais je n'en tire pas les mêmes conclusions, puisque j'émettrai un avis favorable à l'adoption des crédits au nom du groupe Agir ensemble.

Je comprends très bien les difficultés que vous avez relevées, mais elles sont minimes au regard de la politique générale qui, dans ce budget, vise à revenir à la proximité, à ranimer les centres-villes. Bien sûr, on pourrait faire plus et plus vite, mais nous sommes contraints par les exigences budgétaires et par la réalité. Dans ce contexte, le choix gouvernemental me paraît aller dans le bon sens.

Je suis moi aussi ravi que la subvention à l'Agence française des métiers d'art et du patrimoine vivant (AFMAPV), ancien Institut national des métiers d'art, soit renouvelée pour 2 millions d'euros au total ; mais le sera-t-elle encore à l'avenir ? Je regrette que vous n'ayez pas soulevé cette question, car la santé budgétaire de cette structure est la condition pour que nous conservions une politique générale en matière de métiers d'art.

En ce qui concerne le programme « Action Cœur de ville », on peut juger qu'il n'est pas suffisant, mais l'État est présent dans les 222 villes moyennes choisies comme dans les villes de moins de 20 000 habitants : des crédits ont été libérés pour la première fois depuis des années ; c'est primordial. Il en va de même de la création des foncières, qui témoignent d'un effort important de l'État et seront d'une grande utilité pour implanter des commerces en cœur de ville moyennant des loyers parfois préférentiels.

Ces différents éléments me font voir le verre à moitié plein, plutôt qu'à moitié vide comme vous, Monsieur le rapporteur.

Il manque cependant une chose, et je le regrette fortement : une grande campagne de communication. On pourra implanter tous les commerces que l'on voudra dans nos villes, y consacrer tout l'argent du monde, si l'on ne répète pas que l'artisanat est le premier employeur de France, si l'on n'explique pas pourquoi le commerce est nécessaire, en cœur de ville et non en périphérie, et pourquoi il faut le faire travailler, les gens n'y reviendront pas. Il existait un budget à cette fin, qui a malheureusement été supprimé.

Cela dit, je serai favorable à l'adoption des crédits de la mission.

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« Nous, on a fermé pendant deux mois, me disait le directeur des chaussures Deguerville, un petit commerçant d'Abbeville, et, pendant ce temps-là, vente-privee.com se gavait ! ». Quels commerces voulons-nous, quels centres-villes, quelles villes ? On peut évidemment craindre que le temps du Covid soit un accélérateur, un catalyseur d'évolutions déjà en cours : après la première lame que fut l'installation des hypers et supermarchés en périphérie, puis la deuxième, l'arrivée du numérique, voilà la troisième lame, avec le coronavirus…

On peut bien lancer toutes les actions que l'on veut, « Action Cœur de ville et autres », un ogre arrive, qui dévore nos emplois – Amazon détruit plus d'emplois qu'il n'en crée selon un rapport de M. Mounir Mahjoubi, membre de la majorité, évalue la différence à 10 000 emplois ; d'autres estiment que, pour un emploi créé par Amazon, deux sont détruits ailleurs, ou qu'un emploi en librairie chez Amazon équivaut à dix-huit dans les librairies indépendantes. Un ogre qui dévore nos impôts : les profits réalisés en Europe partent massivement vers le paradis fiscal américain du Delaware et peuvent même échapper même à la TVA quand ils sont engrangés sur le marketplace. Un ogre qui dévore nos terres enfin, souvent les meilleures : dix sites sont en construction, ce qui pose la question de la complicité des pouvoirs publics. On ne peut pas soutenir que l'on veut préserver les commerces de centre‑ville et dérouler le tapis rouge à ce monstre en finançant des ronds-points et en cédant à bas coût des terres destinées à être artificialisées.

Et l'ogre s'est gavé pendant le temps du Covid : la seule fortune personnelle de M. Jeff Bezos a augmenté de 24 milliards de dollars en deux mois au printemps, et l'action d'Amazon France a bondi de 21 %. Face à cette situation, nous restons passifs – l'entreprise n'est pas taxée –, voire complices.

Si on laisse le destin du commerce à la fatalité, à la main invisible du marché ou au seul libre choix des consommateurs, on risque d'augmenter la vacance des commerces de centre-ville. Il faut donc une reprise en main par le politique, qui rétablisse l'équilibre entre les deux plateaux que sont les chaussures Deguerville et vente-privee.com, ou la librairie du Labyrinthe, à Amiens et Amazon.

D'ailleurs, la baisse de ce que l'on appelle les impôts de production, qui concerne notamment le foncier, va très vraisemblablement profiter bien davantage à vente-privee.com qu'à Deguerville, à Amazon qu'à la librairie du Labyrinthe ! C'est quasiment encourager l'ogre à continuer de dévorer nos emplois, nos impôts, nos terres, nos centres-villes.

Je sonne l'alerte : on peut mettre tous les milliards que l'on veut, si l'on n'entrave pas la marche de cet ogre, on n'aboutira à rien.

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Merci de l'intérêt que vous avez manifesté pour mon avis budgétaire.

Je suis d'accord avec Mme Melchior concernant les aspects positifs, notamment les hausses de crédits de plusieurs actions.

Le crédit d'impôt aux métiers d'art est effectivement une très bonne chose ; la reconduction, Monsieur Huppé, est envisagée pour trois ans, ce qui devrait nous rassurer après nos débats et amendements de l'année dernière à ce sujet.

Il faut redynamiser et restructurer le commerce de proximité, j'en suis d'accord. C'était la mission de l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), désormais intégré à l'ANCT. Or celle-ci, à la différence de l'EPARECA, ne peut emprunter sur les marchés, n'ayant pas le statut d'établissement public industriel et commercial, ce qui limite son action : c'est un problème.

Je salue comme plusieurs d'entre vous la création des 100 foncières destinées à redynamiser 6 000 commerces.

Monsieur Dive, l'extinction du FISAC était effectivement une mauvaise décision, que nous dénonçons depuis plusieurs années. Il faut certes tenir compte du soutien financier supplémentaire de 40 millions d'euros, mais aussi réfléchir à sa pérennisation, car la pérennité du financement était un avantage du FISAC.

En la matière, j'insiste à nouveau sur l'importance d'une gestion déconcentrée et décentralisée, car les collectivités ont tout intérêt à prendre part à la démarche.

En ce qui concerne la baisse des impôts de production, je suis également tout à fait d'accord avec vous : elle appelle des contreparties en matière d'emploi et de pérennité des entreprises. Elle doit aussi être intégrée à une réflexion plus générale sur la fiscalité, car elle aura des effets sur la fiscalité territoriale. Dans ce domaine, alors que l'on nous annonce sans cesse le grand soir, les mesures s'enchaînent, se cumulent parfois, mais ne résolvent pas le problème de manière globale.

Madame Crouzet, vous avez raison d'insister sur l'importance des chambres de commerce. Je me réjouis moi aussi que leur trajectoire de financement ait été corrigée dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens. Je souligne dans mon avis que les chambres consulaires ont toute légitimité pour participer aux études pour le compte de l'ANCT : alors qu'elles sont en mesure de fournir un diagnostic précis de la situation des territoires, elles regrettent que celle-ci ait tendance à mandater des bureaux d'études extérieurs qui doublonnent leur travail et s'informent d'ailleurs souvent auprès d'elles…

Monsieur Huppé, j'apprécie votre objectivité ; j'avais à l'esprit la même image du verre à moitié vide ou à moitié plein ! Vous noterez cependant que, par rapport à l'an dernier, j'ai souligné les crédits nouveaux, notamment dans le cadre du plan de relance, et estimé qu'en pérennisant les mesures prises cette année nous pourrons aider les entreprises, particulièrement celles de proximité.

En ce qui concerne « Action Cœur de ville », il serait effectivement souhaitable d'aller plus loin, et peut-être plus vite : c'est attendu, et le plan de relance en fournira l'occasion. J'espère que le dispositif « Petites villes de demain » pourra s'adosser sur l'expérience d' « Action Cœur de ville » pour être encore plus réactif.

Monsieur Ruffin, vous dressez au sujet de l' e -commerce un constat très juste. De nouvelles habitudes de consommation se créent ; faut-il s'en réjouir ou non ? Je ne sais. En tout cas, leurs conséquences, que vous avez relevées, en matière de déséquilibres économiques, d'emplois et pour les territoires sont réelles ; si nous ne réagissons pas, notamment par des mesures fiscales, il en résultera une distorsion insupportable pour les commerces dits traditionnels, en particulier les petits commerces. Je formule dans mon rapport quelques propositions à ce sujet, dont j'espère qu'elles contribueront à remettre l'économie numérique à la place qui lui revient, de sorte qu'elle réponde aux besoins sans aller jusqu'à supplanter les commerces plus traditionnels. Il s'agit d'assujettir l' e -commerce à la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, et d'exonérer les petits commerces de la taxe locale sur les enseignes et publicités extérieures, la TLPE.

Il serait également intéressant de développer les plateformes en ligne locales, à l'initiative des professionnels locaux eux-mêmes, qui peuvent déjà constituer des sociétés coopératives d'intérêt collectif, voire des collectivités territoriales ; dans ce domaine, nous devrions peut-être nous montrer plus incitatifs, car c'est une belle façon d'attirer des entreprises vers nos territoires.

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Merci, Monsieur le rapporteur. Je rappelle que notre commission se prononcera sur les crédits de la mission « Économie » demain matin, après avoir examiné l'ensemble des volets de cette mission. Bonne soirée et bon couvre-feu, si je puis me permettre !

Informations relatives à la commission

Mme Laurence Gayte a été désignée membre de la mission d'information, commune à quatre commissions, sur la conditionnalité des aides publiques aux entreprises en remplacement de Mme Sophie Beaudouin-Hubiere.