La réunion débute à 10 heures 05.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.
La Commission auditionne M. Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur, sur les crédits de son ministère.
Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur. C'est une première pour lui devant la commission des Lois et ce ne sera certainement pas la dernière ! (Sourires)
Nous allons examiner pour avis, successivement, les crédits de la mission relative à l'« Administration générale et territoriale de l'État », dont M. Olivier Marleix est le rapporteur pour avis ; de la mission « Sécurités », dont les rapporteurs sont MM. Jean-Michel Fauvergue (programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ») et Éric Ciotti (programme « Sécurité civile ») ; de la mission « Immigration, asile et intégration », rapportée pour avis par Mme Élodie Jacquier-Laforge. Cela nous occupera ce matin et une partie de l'après-midi.
La Commission entame ses travaux avec la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (M. Olivier Marleix, rapporteur pour avis
J'ai le plaisir d'ouvrir aujourd'hui ces auditions budgétaires sur les crédits relevant de la responsabilité du ministère de l'Intérieur en évoquant les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». Je n'hésite pas à parler, moi aussi, de plaisir, car j'ai à vous présenter un budget solide et réaliste, reflétant la conscience qu'a le Gouvernement de l'importance des missions accomplies par le ministère de l'Intérieur. C'est pourquoi notre budget augmente en 2019 de 3,4 % par rapport à celui de 2018. Cette augmentation de 575 millions d'euros porte l'ensemble des crédits du ministère à 17,4 milliards d'euros.
Je suis heureux, également, de débuter cette audition par cette mission. Cette dernière abrite en effet les crédits de l'administration centrale du ministère, qui sont indispensables pour venir en soutien et à l'appui de l'activité opérationnelle des forces. Elle inclut aussi le budget du réseau des préfectures et des sous-préfectures. Or, les missions accomplies par le réseau préfectoral sont à mes yeux fondamentales. Je le sais, comme certains d'entre vous, en tant qu'ancien élu local, et je le mesure désormais aussi en tant que ministre de l'Intérieur, tout particulièrement à l'heure où le Premier ministre a souhaité ouvrir le chantier de la réorganisation de l'administration territoriale de l'État. Je sais la place des préfets et je sais qu'ils sont au coeur de cette réorganisation.
Au sein d'un budget dynamique, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » présente elle-même des crédits consolidés et préservés, qui atteignent 2,2 milliards d'euros, en croissance de près de 5,6 %.
Je commencerai par évoquer les crédits portés par l'administration centrale du ministère au bénéfice de toutes ses composantes, dans une logique de transversalité et de mutualisation des ressources. Je souhaite en effet m'inscrire autant que possible dans la recherche de la mutualisation des moyens dans tout le périmètre ministériel, pour dégager autant que possible des marges d'efficience. Le regroupement, en soi, n'a strictement aucun intérêt s'il ne permet pas de gagner en efficacité.
Il me semble important de commencer par évoquer les moyens qui sont au service de tous au sein du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ». Ces crédits augmentent significativement, d'un peu plus de 40 millions d'euros.
Le premier projet est immobilier et concerne la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Après la réalisation d'une première tranche de travaux de mise en sécurité en 2018, pour 18 millions d'euros, des travaux d'aménagement nécessaires à l'accueil de 400 postes de travail seront réalisés sur le site de Neuilly en 2019, pour accompagner la montée en puissance de ce service de renseignement. Je souhaite que nous nous engagions très vite à trouver les conditions de réalisation d'un site unique pour cette direction générale. Chacun sait que c'est plus que jamais d'actualité. La création de ce site unique figure dans le schéma pluriannuel de stratégie immobilière du ministère de l'Intérieur : 450 millions d'euros sont ainsi mobilisés d'ici à 2022 pour le financement de ce projet de très grande ampleur. Les recherches se poursuivent pour identifier le site à même d'accueillir la DGSI et l'année 2019, voire peut-être la fin de l'année 2018, devrait voir l'engagement des premiers crédits d'études.
Le deuxième projet que je souhaite évoquer est celui du réseau radio du futur, que le Président de la République avait annoncé dans son discours du 18 octobre 2017 aux forces de sécurité : 22,5 millions d'euros seront mobilisés pour entrer dans la phase opérationnelle de ce projet dont le coût global est estimé à 145 millions d'euros. L'exercice 2019 sera celui des premières réalisations concrètes, avec la mise en place d'un établissement public porteur du projet, la conception des premières briques techniques et le lancement des études relatives aux infrastructures physiques. Ce dispositif est absolument indispensable pour permettre aux forces de sécuriser les grands événements à venir, tels que les Jeux Olympiques de Paris. Il figurait d'ailleurs parmi les atouts du dossier de candidature de la capitale.
Le troisième projet d'importance est le plan de renforcement de la sécurité des applications et systèmes d'information du ministère de l'Intérieur. Là encore, votre Commission sait l'importance de ce sujet – importance justement rappelée par le récent rapport de vos collègues Didier Paris et Pierre Morel-À-L'Huissier. En matière d'identité, chacun se souvient des débats afférents au fichier « titres électroniques sécurisés », dont le Conseil d'État vient de confirmer la légalité. Soulignons aussi l'importance de ce plan dans le domaine des élections politiques ou dans celui du contrôle aux frontières. La combinaison d'un patrimoine applicatif sensible et d'un niveau de menace élevé font que les enjeux de sécurité vont croissant : il faut sans cesse améliorer la profondeur et la robustesse de nos défenses. C'est une matière en laquelle le ministère de l'Intérieur n'a pas le droit à l'erreur : la confiance de nos concitoyens dans l'action des forces et la protection des libertés publiques serait en effet très directement affectée par des défaillances qui porteraient atteinte à l'intégrité, à la confidentialité ou à l'opérationnalité de nos systèmes d'information. C'est pourquoi le budget pour 2019 prévoit de financer un plan de renforcement de la sécurité des systèmes d'information, doté de 9,5 millions d'euros.
Je dirai à présent quelques mots de notre administration territoriale.
S'agissant des préfectures, le budget se maintient à 1,2 milliard d'euros, avec 8 millions d'euros de moins que l'année précédente. Avant d'évoquer les crédits et les effectifs prévus par ce projet de loi de finances pour 2019, je voudrais évoquer les priorités qui me semblent devoir être celles du réseau des préfectures pour l'année à venir. Ces priorités sont doubles : l'approfondissement de la réforme de l'organisation territoriale de l'État et l'attention à porter aux missions de l'asile et du séjour.
L'approfondissement de la réforme de l'administration territoriale est un objectif sur lequel le Premier ministre s'est engagé. Il faut le voir comme une chance et une opportunité pour les préfets comme pour le réseau des préfectures et des sous-préfectures. En tant que ministre de l'Intérieur, je suis évidemment très concerné par la question. Je rencontrerai cet après-midi même le Premier ministre pour y travailler car je souhaite que le ministère de l'Intérieur joue un rôle-clef dans l'accompagnement de cette évolution majeure pour nos 26 000 agents partout sur le territoire.
Je rappellerai dès que possible aux préfets de région, actuellement chargés de réfléchir à des propositions, ainsi qu'aux préfets de département les objectifs que je vais vous présenter.
Le premier objectif est celui de la proximité. Tout ce qui éloignerait du terrain pénalise la représentation de l'État et nuit à son action, en particulier dans les plus grandes des nouvelles régions. La réorganisation ne peut donc se faire autour du seul échelon régional, au détriment de l'échelon départemental. Cette orientation a clairement été posée : la circulaire du Premier ministre du 24 juillet, qui la prescrit explicitement, est la feuille de route que nous appliquerons. Nous prenons ainsi le contrepied de la régionalisation que nous avions connue les années précédentes : cette régionalisation peut avoir une utilité dans certains champs, mais ne doit pas conduire à rapatrier la totalité du pilotage de l'État au niveau régional.
Le deuxième objectif est celui de l'unité, pour éviter un émiettement des responsabilités et faire en sorte d'avoir une personne unique en charge, à même de porter la parole et les politiques de l'État, d'en rendre compte et d'en assumer la responsabilité. Atteindre cet objectif implique de ne pas multiplier les agences et les établissements publics. Il faut rappeler que ce sont les préfets qui, partout en France, incarnent la représentation de l'État. Les personnels de préfecture ont un rôle à jouer en ce domaine : la coordination interministérielle des politiques publiques fait partie des missions prioritaires que je rappellerai aux préfets.
Cela étant, l'unité n'exclut pas la diversité. De la modularité pourra être apportée aux organisations et à l'approche territoriale de nos organisations. Les solutions à trouver ne sont sans doute pas les mêmes dans le Pas-de-Calais, département de 1,5 million d'habitants, que dans un département comme le Lot qui en compte 170 000.
Le troisième objectif est la mutualisation. Il est essentiel que nous poursuivions les travaux engagés sur cette question. Je veux parler ici des moyens de fonctionnement des directions départementales interministérielles (DDI) et des secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR), des emplois de direction dans les DDI et dans les SGAR et de certains de leurs personnels, ainsi que des services interministériels départementaux des systèmes d'information et de communication (SIDSIC). Le ministère de l'Intérieur est clairement favorable à ce rapprochement. À cette occasion, des secrétariats généraux mutualisés pourront être expérimentés pour assurer la gestion de ces moyens.
Tout cela traduit à mon sens la grande confiance qu'a le Gouvernement dans la capacité des préfets et des préfectures à réussir les réformes qui s'annoncent. Très clairement, le réseau des préfectures et sous-préfectures a vocation à être le pivot de cette réorganisation. C'est pourquoi je considère avec sérénité les évolutions qui s'annoncent, et qui n'affaibliront en rien la force du réseau des préfectures et sous-préfectures. Je crois qu'elles sont au contraire une chance pour ce réseau.
Je voudrais évoquer ensuite le soutien à l'activité des services chargés de l'asile et des étrangers. Le contexte migratoire est caractérisé par une hausse soutenue des demandes d'asile : cette hausse fut de 18 % au cours des six premiers mois de l'année 2018 par rapport à 2017, et de 32 % en 2017 par rapport à 2016. L'activité des services chargés de l'asile et des étrangers est donc pour moi une préoccupation de premier plan.
Je sais que les préfectures et leurs personnels sont en première ligne dans ce domaine au même titre que la police aux frontières (PAF) et les agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). L'implication de ces agents a été déterminante pour atteindre le délai cible de trois jours ouvrés pour l'enregistrement des premières demandes d'asile aux guichets uniques d'accueil des demandeurs d'asile (GUDA). Ce délai paraissait inatteignable mais il a été respecté. De même, l'engagement des personnels de préfecture a contribué à l'augmentation de 26 % en 2018 du taux de transferts réalisés au titre du règlement dit « de Dublin ». Enfin, les personnels de préfecture sont en préparation et en appui de la mise en oeuvre des retours volontaires, qui ont augmenté de 32 % au cours des six premiers mois de l'année 2018, mais aussi des éloignements forcés qui ont augmenté de 14,6 % au cours de la même période. Évidemment, nous maintiendrons la pression et cet objectif.
En 2019, les priorités demeureront inchangées mais s'étendront encore à de nouvelles missions. D'une part, il faudra parvenir à assurer la contribution de l'État à l'évaluation de la minorité des personnes se déclarant mineurs isolés. D'autre part, la mise en oeuvre des décisions du Comité interministériel à l'intégration sera déconcentrée aux préfets pour un coût de 17 millions d'euros. L'engagement de chacun sera requis sur ce terrain.
C'est pourquoi je souhaite que les missions relatives à l'asile, au séjour et à l'intégration des étrangers soient considérées comme prioritaires. C'est aussi pourquoi ces services ont été renforcés. Depuis l'entrée en fonctions de ce Gouvernement, 170 emplois de titulaires supplémentaires ont été affectés aux GUDA et aux services étrangers et 1 200 mois de vacataires ont été mobilisés en 2017, comme en 2018. Je serai, en 2019, à nouveau très vigilant à l'égard de la situation de ces services car je sais leur importance dans les politiques que nous nous efforçons de mener en matière d'asile et d'immigration.
J'en viens maintenant à notre budget pour 2019 et aux moyens des préfectures et de l'administration centrale. Je vous le disais en introduction, notre budget préserve les préfectures. Le plafond d'emploi s'établira pour celles-ci à 25 317 équivalents temps plein (ETP) en 2019. Cela représente pour elles un schéma d'emploi de moins 200. La ventilation me semble parfaitement compatible avec les objectifs que j'ai rappelés.
En matière d'immobilier, le budget dédié aux préfectures sera en 2019 de 34 millions d'euros. Les principales opérations concernent les préfectures de Rennes et de Bastia, la sous-préfecture de Palaiseau ainsi que les opérations en cours de relogement des services de l'État à Saint-Martin et Saint Barthélemy.
Je souhaite enfin évoquer avec vous les grands axes de la politique salariale et indemnitaire qui sera menée en 2019.
Cette année sera la première année de mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) dans la police nationale, après le report d'un an des dispositions transverses à toute la fonction publique. Cela représente 2,7 millions d'euros de crédits supplémentaires. Dans ce contexte, les mesures catégorielles devaient, par principe, être exclues de ce projet de loi de finances. Concernant les personnels de préfecture, le financement de plusieurs mesures catégorielles, à hauteur de 2,9 millions d'euros, a été obtenu.
Ces crédits seront mobilisés pour permettre l'adoption de quatre types de mesures en lien avec la situation humainement difficile que chacune et chacun d'entre vous connaissez. Premièrement, et j'y tiens beaucoup, j'ai demandé qu'un plan d'attractivité en faveur des services étrangers des préfectures soit engagé. L'objectif est de rendre ces postes plus attractifs financièrement, mais aussi de fidéliser des personnels dont la compétence technique, longue à acquérir, est particulièrement précieuse. Quand on perd un agent ayant cette expérience, on fragilise un service.
Ce plan d'attractivité comportera quatre mesures. Tout d'abord, nous disposons du financement nécessaire pour attribuer des points de nouvelle bonification indiciaire (NBI) supplémentaires aux personnels affectés aux guichets des services des étrangers. Trois dispositions visent à améliorer l'évolution du régime indemnitaire et à faciliter la progression de carrière. La deuxième mesure cible les personnels de la filière sociale. Là encore, nous avons obtenu des crédits qui nous permettront d'attribuer des points de NBI complémentaires. Ces personnels ont en effet été particulièrement sollicités ces dernières années par la création de cellules de veille, en lien avec des attentats ou des phénomènes de radicalisation. Cette mesure me semble donc parfaitement légitime et j'en profite pour saluer l'engagement et le travail de ces personnels. La troisième mesure concerne les personnels administratifs et techniques. Nous disposons en effet de crédits nous permettant de financer le réexamen du régime indemnitaire des personnels n'ayant bénéficié d'aucune revalorisation de leur indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) depuis la création de cette dernière en 2015. Enfin, je confirme que le processus de rapprochement des corps des adjoints techniques du ministère de l'Intérieur et de l'outre-mer et des adjoints techniques de la police nationale sera engagé à l'issue des élections professionnelles, c'est-à-dire dans quelques semaines. Ces mesures indemnitaires traduisent notre reconnaissance à l'égard de l'engagement des personnels administratifs et techniques du ministère, dont l'appui et le soutien est indispensable au bon accomplissement de nos missions opérationnelles et à celles propres au réseau préfectoral. Dans le contexte du PLF pour 2019, qui ne comporte pas ou très peu de mesures catégorielles, il s'agit d'un effort tout à fait exceptionnel.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, les quelques orientations que je souhaitais évoquer en introduction s'agissant des crédits de la mission. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
Je suis heureux d'être le premier, monsieur le ministre, à vous interroger quelques jours après votre prise de fonctions. J'espère que le marathon budgétaire qui vous attend aujourd'hui ne vous découragera pas de revenir devant la commission des Lois.
La mission « Administration générale et territoriale de l'État » constitue le cadre budgétaire des moyens dont le ministère de l'Intérieur dispose pour assurer trois de ses responsabilités : garantir l'exercice des droits des citoyens, assurer la présence et la continuité de l'État et mettre en oeuvre des politiques publiques sur l'ensemble du territoire. Cette mission se décline en trois programmes : le programme 307 « Administration territoriale », le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative » et le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ».
Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit qu'y seront consacrés environ 2,8 milliards d'euros, montant légèrement supérieur à celui inscrit en loi de finances initiale pour 2018, avec une augmentation de 3 % hors fonds de concours mais cette variation s'explique essentiellement par la mobilisation des ressources consacrées à l'organisation des élections européennes au mois de mai prochain.
Avec près de 33 000 équivalents temps plein travaillé (ETPT), les effectifs sur la mission sont en légère baisse, de 1 %, ce qui correspond, à périmètre constant, à la poursuite du processus d'adaptation engagé en 2016, avec deux objectifs, souvent contradictoires : assurer la pérennité de la présence de l'État sur l'ensemble du territoire et contribuer au redressement des finances publiques.
En tant que rapporteur pour avis, je m'étais attardé l'année dernière, parmi les moyens du programme 307, sur deux enjeux. Le premier est la mise en oeuvre du plan « Préfectures nouvelle génération » (PPNG). Cette mise en oeuvre est, à mes yeux, marquée par deux défauts. D'abord, ce qu'on a appelé à juste titre le « bug des cartes grises » a conduit certains usagers à attendre pendant parfois plusieurs mois ce document. La crise est, je crois, derrière nous, monsieur le ministre, mais je déplore que le Gouvernement se soit contenté d'une phase d'expérimentation aussi courte – de deux mois seulement – et soit passé à la phase de généralisation, malgré le fait que des dysfonctionnements évidents avaient été observés. Cela s'est produit aux dépens des usagers, qui ont parfois été verbalisés pour une faute revenant à l'administration.
J'avais également regretté la fermeture des guichets d'accueil des préfectures aux Français. Les seuls usagers encore admis physiquement dans les préfectures et échappant au tout dématérialisé sont, de façon pour le moins paradoxale, les étrangers. Cette mission continue d'absorber la totalité des moyens nouveaux que vous arrivez à dégager grâce à des réductions massives d'emplois par ailleurs. Si je regrette toujours ce choix pour le moins contestable, je me réjouis que votre prédécesseur ait mis en place une sorte de service minimum d'accompagnement, avec 313 points d'accueil numériques, essentiellement dans les préfectures. Vous avez parlé tout à l'heure de proximité, monsieur le ministre. J'aurais aimé que ces points d'accueil numériques puissent exister aussi dans les sous-préfectures qui n'en sont pas dotées actuellement.
L'autre sujet qui m'avait alerté est celui des moyens « peau de chagrin » consacrés au contrôle de légalité. Cette observation demeure. Je veux redire très solennellement, monsieur le ministre, mon inquiétude quant à la portion très congrue consacrée à ces moyens et aux conséquences qui ne manqueront pas d'en résulter. Le décalage entre les lois de moralisation, de transparence et de confiance qui s'empilent au Parlement et l'absence de tout contrôle sur le terrain risquent de finir par se voir. Un seul exemple : la loi « Sapin 2 » du 9 décembre 2016 fait obligation, en son article 8, aux communes de plus de 10 000 habitants, aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dont elles sont membres, aux départements et aux régions de mettre en place un dispositif de recueil des alertes pour prévenir la corruption. Cela devait être fait au 1er janvier 2018. Or, selon l'Agence française anticorruption, 8,7 % seulement des communes et 5,1 % des EPCI ont répondu à cette obligation. Malgré cette absence massive d'application de la loi, je n'ai pas connaissance que les préfets aient effectué des rappels à la loi auprès des collectivités locales oublieuses. Je pense que notre démocratie n'a pas les moyens de s'offrir des scandales de corruption ou de manquement à la probité dans notre vie politique locale. Il est pour le moins regrettable que les obligations imposées par la loi – par une majorité à laquelle, d'ailleurs, vous apparteniez, monsieur le ministre – restent lettre morte. Une fois encore, l'application de la loi sur le territoire est la première des missions du contrôle de légalité. Vos services, monsieur le ministre, doivent se sentir soutenus et forts dans ces missions. De ce point de vue, j'accueille avec beaucoup d'intérêt et de satisfaction votre volonté de sortir de la « tout-régionalisation » et de redonner des moyens à l'échelon départemental – ce qui me semble une nécessité absolue.
Cette année, je me suis davantage intéressé au programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative ».
S'agissant de la vie cultuelle, tout d'abord, il est regrettable que ce budget ne marque plus aucune ambition. Des initiatives avaient été prises en 2015-2016 par Manuel Valls, notamment en matière de formation civique des imams. Aujourd'hui, les crédits et les initiatives ont un encéphalogramme plat. Vous me direz que le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), dont les crédits sont inscrits sur le programme 216, contribue aussi aux moyens de lutte contre la radicalisation mais globalement, les crédits de ce fonds diminuent après avoir connu, en 2018 déjà, une baisse très lourde. J'ai d'ailleurs aussi un doute quant à la déconcentration des crédits du FIPD et à la capacité réelle des préfets à trouver des interlocuteurs fiables et pertinents au niveau local. Bref, votre prédécesseur vous a laissé un testament alarmiste sur la situation très dégradée dans les quartiers. Je comprends qu'il ait pu considérer que les moyens dont il disposait dans ce projet de loi de finances n'étaient pas à la hauteur de l'enjeu.
Dernier sujet au sein de ce programme 232 : les moyens consacrés au contrôle des comptes de campagne et au financement des partis politiques.
L'année 2018 a été, pour la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), celle de toutes les polémiques, qu'il s'agisse de l'enquête ouverte par le parquet de Paris sur la campagne de M. Mélenchon, des révélations de ristournes dont aurait bénéficié le candidat Emmanuel Macron jusqu'à la rémunération du président de la CNCCFP, François Logerot, qui a été à tort mis en cause.
Je souhaiterais que le ministre nous donne son avis sur les critiques qui ont pu être adressées à la CNCCFP, l'un de ses rapporteurs ayant démissionné bruyamment en novembre 2017. Quel regard portez-vous sur ces dysfonctionnements ? Je voudrais aussi, monsieur le ministre, que vous nous donniez votre sentiment sur les moyens dont dispose cette commission : 51 ETPT, c'est parfois trop, notamment les années où il n'y a pas de scrutin ou un seul scrutin comme cette année, mais ce peut être très insuffisant les années où il y a, comme en 2017, autant de scrutins à la fois – présidentiel, législatif et sénatorial.
Enfin, s'agissant des comptes de campagne, la commission a aussi constaté, à l'occasion de l'élection présidentielle en 2017, des dépassements des montants de dons des personnes physiques autorisés par la loi. Ces montants sont, je le rappelle, de 4 600 euros par campagne électorale. Vingt-quatre dons, dans le cadre de la campagne de M. Macron, dépassaient ce plafond. La commission note aussi dans son rapport que les partis politiques, par la contribution qu'ils apportent aux comptes de campagne, sont aussi un moyen de collecter des dons de personnes physiques, cette fois à hauteur de 7 500 euros. Ainsi, dans le cas de la campagne de M. Macron, au-delà du million d'euros de dons affiché dans le compte de campagne, il faut ajouter 5 millions d'euros de dons effectués au parti En Marche !, créé pour la campagne. Ce chiffre concerne la seule année 2016 puisque nous n'avons pas encore connaissance des dons récoltés au cours de l'année 2017. Le président Logerot, lorsque je l'ai auditionné, a souligné que, s'agissant de la campagne de M. Macron, 90 % des dons avaient bénéficié au parti, qui les avait transférés. Cette pratique ne contredit pas expressément la loi mais use et abuse d'une forme de syllogisme juridique en vertu duquel puisque les partis politiques peuvent concourir aux dépenses des campagnes électorales, les dons faits aux partis politiques peuvent aussi concourir à ces campagnes. Cela va à l'encontre si ce n'est de la lettre de la loi, du moins de son esprit. Je rappelle que tous les dons sont remboursés à hauteur de 66 % par le contribuable. Il est précieux, dans ce cas-là, d'être le candidat des gens qui ont de la trésorerie… Ne vous semblerait-il pas nécessaire, monsieur le ministre, d'en revenir à une pratique plus conforme à l'esprit de la loi ? Ne serait-ce pas plus équitable ?
Enfin, l'aide publique aux partis représente 63 millions d'euros chaque année, financés sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de la République » (AGTE). S'agissant en particulier de la première fraction de cette aide publique, les dispositions d'adaptation des seuils prévues à l'article 3 du projet de loi ordinaire pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace ne me semble pas tenir compte de l'introduction d'une dose de proportionnelle pour l'élection des députés. En clair, seules les voix qui seront acquises au scrutin majoritaire continueront d'ouvrir droit au financement au titre de la première fraction et pas les voix acquises au scrutin proportionnel. Or, il me semble que les petits partis auront plus de facilité à présenter une liste nationale que des candidats dans chaque circonscription : pouvez-vous nous éclairer sur ce choix du Gouvernement ?
La commission des Finances s'est prononcée sur cette mission AGTE hier, à l'issue de la présentation que je lui avais faite. Mon rapport résultait des différentes auditions que j'ai menées et de l'examen des documents qui m'ont été transmis par le ministère de l'Intérieur. Je me bornerai à compléter le propos de votre rapporteur pour avis par quelques remarques.
L'ensemble des moyens budgétaires proposés pour cette mission est en légère augmentation, mais cette dernière est essentiellement liée aux ressources nécessaires à l'organisation des élections européennes. En effet, le scrutin sera organisé dans une circonscription unique et les frais engagés pour l'organiser doivent être couverts par le ministère de l'Intérieur.
S'agissant des moyens en personnel, le plafond d'emploi est en diminution avec, d'un côté, un renforcement des services support du ministère de l'Intérieur et, de l'autre, l'ajustement du format territorial de ce ministère dans les départements, dans le prolongement du plan « Préfectures nouvelle génération » (PPNG), sur lequel je ferai des observations.
Le PPNG a été engagé sous la précédente législature. Nous avons décidé en 2017 de le prolonger, y compris en 2018. Il a atteint ses objectifs en matière de réorganisation des services du ministère sur le territoire et accompagnait d'ailleurs la concentration du nombre de régions. On peut considérer que nous avons aujourd'hui assisté à la reconfiguration des services dans les départements. Le programme a aussi atteint ses objectifs en matière de réduction de personnel puisqu'il y avait une prévision de 1 300 emplois en moins, le service aux usagers étant rendu, d'une part, par les collectivités territoriales et, d'autre part, par des procédures de dématérialisation. Ces procédures sont pilotées à la fois dans les centres d'expertise de ressources et des titres (CERT), structures spécialisées du ministère de l'Intérieur réparties dans les régions, et par l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).
On a pu constater au cours de l'année 2018 des dysfonctionnements qui ont entraîné des retards et des désagréments pour les usagers. Le ministère de l'Intérieur a pris plusieurs dispositions pour y remédier. Aujourd'hui, les délais sont redevenus à peu près normaux mais il y a, j'imagine, dans l'esprit de beaucoup de mes collègues, une rémanence de ces dysfonctionnements – largement relayés auprès de nous dans nos permanences. Pourriez-vous confirmer que les mesures qui ont été prises vont nous permettre de mettre rapidement un terme à ces dysfonctionnements ?
J'ai demandé par ailleurs qu'un bilan soit fait du PPNG, tel qu'il s'est déroulé pendant trois ans, et que le bilan porte à la fois sur le service rendu aux usagers, sur les moyens mobilisés et leur efficience et sur les conditions de travail des personnels dans les préfectures. La commission des Finances m'a soutenu à l'unanimité dans cette démarche qui fera l'objet d'un amendement en séance. J'ai présenté à la commission des Finances, dans le cadre de l'évaluation menée au printemps dernier, un rapport sur l'activité des services des étrangers, qui est particulièrement soutenue depuis quelques temps. Le dysfonctionnement de l'ANTS a d'ailleurs aussi perturbé le fonctionnement de ces services qui ont désormais essentiellement des fonctions d'accueil des étrangers. À l'issue de ce travail, plusieurs propositions ont pu être faites. Vous y avez répondu. J'aimerais donc que vous puissiez également nous confirmer que ces services vont faire l'objet d'une attention particulière. Vous avez parlé de mesures catégorielles et de moyens supplémentaires, notamment pour les mineurs isolés. Il reste encore un travail à faire concernant l'expertise, notamment pour les cas qui relèvent du règlement de Dublin et pour la dématérialisation qui doit se poursuivre dans ce domaine.
Pour terminer, je voudrais également appeler l'attention sur la poursuite de l'organisation interministérielle de l'État. Cette organisation me paraît devoir être conduite à la suite des réponses des préfets aux demandes du Premier ministre que soient faites des propositions sur la réorganisation des services de l'État pour assurer une bonne présence territoriale. C'est le moment de faire un bilan et de prendre des mesures. Peut-être pourriez-vous nous dire où en est le projet de fusion des programmes 307 « Administration territoriale » et 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées ». Cette fusion apporterait une première réponse à la nécessité de mieux coordonner les services de l'État au niveau départemental.
Je tiens à vous alerter sur deux sujets. D'une part, j'ai proposé par amendement une dotation d'un million d'euros pour permettre à la CNCCFP de s'engager dans une procédure de dématérialisation beaucoup plus efficace qu'elle ne l'est actuellement. D'autre part, la Cour des comptes a eu un jugement assez sévère sur le fonctionnement du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). Le ministère de l'Intérieur a pris un certain nombre de dispositions. Il conviendra au cours des mois et des années qui viennent de surveiller l'évolution de cette activité.
Monsieur Marleix, s'agissant des cartes grises, si des usagers ont été verbalisés en raison du retard dans la délivrance de ces documents, nous avons fait passer une consigne très claire : du moment que l'usager peut établir sa bonne foi, il ne doit pas être verbalisé. Les services du ministère ont indiqué qu'il suffisait de produire l'accusé de réception de la demande pour empêcher la verbalisation. La consigne a été passée. Il y a pu y avoir des trous dans la raquette. C'est une anomalie voire une forme d'injustice pour ceux qui auraient fait l'objet à tort d'une contravention. Je crois que les cas sont relativement marginaux.
Quant au contrôle de légalité, il s'agit d'une des missions prioritaires des préfectures. Elles vont même bénéficier de renforts issus de redéploiement des personnels de guichet qu'on évalue à quelque 90 équivalents temps plein en deux ans. Vous avez raison de dire que c'est un sujet majeur : 90 ETP, indépendamment de la qualité des agents concernés, peuvent ne pas suffire.
Il y a des méthodes de travail, par sondages, ou encore sur la base de l'expérience – je n'entrerai pas dans le détail –, relevant de l'autorité des préfets, qui conduisent effectivement à cibler le contrôle sur tel ou tel sujet – je ne vise aucun territoire en particulier. Il est nécessaire de réaffirmer la fonction du contrôle de légalité. Des efforts ont été faits depuis deux ans ; il est nécessaire que nous les poursuivions.
S'agissant des points d'accueil numériques, dont vous souhaiteriez qu'ils soient plus nombreux dans les sous-préfectures, il en existe 213. C'est un dispositif qui marche bien, et vous avez raison de l'évoquer. Il est nécessaire d'aller encore plus loin.
En ce qui concerne la vie cultuelle et son financement, et plus particulièrement la formation civique des imams, je partage votre sentiment quant à l'utilité et l'efficacité du dispositif. Il n'a pas de traduction budgétaire particulière, parce que le Président de la République va ouvrir une discussion sur le sujet – je souhaite d'ailleurs pouvoir l'animer avec vous : nous devons discuter ensemble des choix qui seront faits. Après, les décisions se traduiront par des choix budgétaires. C'est pourquoi il n'y a pas eu d'anticipation budgétaire. Il n'en reste pas moins que le sujet est particulièrement important.
À propos des comptes de campagne, je ne reviendrai pas sur ceux que vous avez ciblés en particulier, monsieur Marleix…
… mais je précise que j'appartiens à un mouvement politique qui a vu les siens validés et remboursés. Cela dit, tout comme vous, je considère que la transparence est toujours nécessaire. En amont, elle est essentielle dans la capacité de contrôle de la CNCCFP, laquelle doit pouvoir faire tout ce qui relève de ses missions. Si l'on veut rétablir la confiance de nos concitoyens envers la politique – tous partis politiques confondus –, il faut prendre des mesures fortes en faveur de la transparence et de l'exemplarité, en amont comme en aval.
Chaque fois que la Commission nationale a suspecté des anomalies, elle a pu transmettre les informations à qui de droit, et des procédures ont été engagées. Il est parfaitement légitime qu'elles suivent leur cours. En disant cela, je ne pratique la suspicion à l'égard de personne. Quoi qu'il en soit, s'il fallait une évolution législative pour garantir la transparence nécessaire, le Gouvernement serait parfaitement attentif aux initiatives que la représentation nationale serait amenée à prendre.
Concernant le financement des partis politiques, et pour répondre à votre remarque, monsieur Marleix, aucune décision n'a été prise à ce jour. En particulier, aucun vote n'est intervenu au Parlement quant à l'introduction d'une dose de proportionnelle. Néanmoins, votre remarque me semble pertinente ; il faudrait que nous y réfléchissions. J'ai bien en tête les conséquences de la réforme, avec la diminution de 30 % du nombre de parlementaires – c'est ce qui est envisagé pour le moment – et l'introduction d'une dose de proportionnelle. En l'état, le projet de loi ne prend pas en compte la question du financement parce que ce n'est pas vraiment le bon véhicule, mais la discussion sur le sujet doit être ouverte. Le Gouvernement n'a pas pris de décision et n'empêche pas l'ouverture du débat. Je comprends parfaitement votre inquiétude.
Les moyens de la Commission nationale évoluent, vous le savez, en fonction du calendrier électoral. Une partie est stable – pour les loyers, les charges de fonctionnement et le personnel permanent, à hauteur de 51 équivalents temps pleins travaillés –, l'autre varie suivant l'activité de contrôle qui résulte du calendrier électoral : 25 rapporteurs ont été mobilisés pour l'élection présidentielle, 69 pour les comptes de campagne des élections législatives et 43 pour les sénatoriales.
Cela me permet de rebondir sur la question de M. Savatier concernant la numérisation, et sur sa proposition d'amendement visant à allouer un million d'euros supplémentaires. Nous avons prévu, en 2018, pour la dématérialisation du processus de contrôle, un financement de 500 000 euros sur deux ans qui, selon les informations que nous avons, correspond aux besoins. Nous avons le sentiment que les moyens affectés – 7,7 millions d'euros au total – sont appropriés au fonctionnement d'une autorité telle que la Commission nationale. Ils sont comparables, à volume d'activité identique, à ceux dont disposent d'autres autorités administratives indépendantes. Je suis d'accord avec vous, monsieur Marleix : il est toujours utile de réaffirmer l'indépendance de cette structure et la confiance que nous avons en ceux qui y exercent au quotidien des responsabilités qui ne sont pas légères.
Monsieur Savatier, s'agissant du plan « Préfectures nouvelle génération », j'ai déjà abordé l'un des sujets que vous avez évoqués dans mon propos introductif. Pour le reste, la demande d'un bilan est parfaitement légitime après trois ans de réforme. Il faut que nous prenions le temps d'y réfléchir. J'émettrai, au banc du Gouvernement, un avis favorable sur votre amendement : il est important que nous évaluions nos politiques.
En ce qui concerne la fusion des programmes 307 et 333, le ministère de l'Intérieur y est clairement favorable. C'est là le moyen, à mon sens, d'approfondir la mutualisation entre les services déconcentrés. Nous veillerons à rendre compte aux autres ministères de cette gestion mutualisée.
En ce qui concerne l'adaptation du réseau des préfectures au numérique, les difficultés les plus importantes sont-elles derrière nous ? Notre collègue Savatier l'a dit : c'est pour nous un enjeu extrêmement important. La numérisation s'est traduite, pour bon nombre de nos administrés, par des difficultés. Peut-on dire que, pour l'essentiel, la page est tournée et qu'on arrivera, avec les moyens complémentaires que vous annoncez, à faire passer pleinement au numérique les services de proximité des préfectures et sous-préfectures ?
Par ailleurs, comment envisagez-vous, à l'avenir, le rôle des préfets et sous-préfets ? Je m'explique. Nous sommes un certain nombre à penser qu'il serait important que préfets et sous-préfets aient véritablement un rôle transversal par rapport aux services déconcentrés de l'État, et surtout une fonction de coordination plus forte – coordination s'agissant des investissements réalisés au niveau de l'implantation des services de l'État et de leur organisation ; coordination aussi concernant les relations budgétaires entre l'État et les départements et régions, surtout dans le contexte actuel ; capacité des préfets, enfin, à incarner véritablement l'unicité de l'État là où subsistent encore quelques difficultés avec un certain nombre de services déconcentrés. La demande est d'avoir non pas moins de préfets ou de sous-préfets, mais des pilotes de l'action de l'État dans les territoires, notamment en ce qui concerne la communication de l'État, la capacité à expliquer sa politique au plus près du terrain. Partagez-vous cette vision ? Autrement dit, considérez-vous qu'il n'y aura pas de décentralisation réussie sans une déconcentration efficace des services de l'État, de manière à ce que ces derniers soient véritablement, et de manière plus efficace, les interlocuteurs des élus et de la population dans les territoires ?
En ce qui concerne les étrangers, se pose bien sûr la question de l'organisation des services de l'État en matière de procédures, mais également celle des centres de rétention administrative, dont certains – force est de le constater – ne sont pas à la hauteur des valeurs de notre pays. L'engagement avait été pris de faire en sorte que ces lieux, même s'ils n'hébergent que transitoirement les personnes, soient humanisés – ou ré-humanisés. Je sais que vous vous êtes saisi très récemment de la question et que vos services y travaillent, mais c'est un point que je souhaitais aborder car il faut faire mieux en la matière et être plus efficace.
Ma première question concerne le plan préfectures nouvelle génération et la dématérialisation, qui traduisent, dans les territoires, un éloignement pour l'usager au regard des fonctions qui sont celles des préfectures et des sous-préfectures. À cela s'ajoutent les bugs qui ont été évoqués par Olivier Marleix, notamment pour les cartes grises. Tout cela est dramatique : dans bon nombre de nos territoires, se développe le sentiment d'un éloignement de l'État par rapport à leurs préoccupations et à leur quotidien.
Quels moyens allez-vous mettre en oeuvre pour assurer la continuité du lien de confiance dans les territoires entre les citoyens et les préfectures et sous-préfectures, qui incarnent la représentation de l'État ? Je pense notamment à votre objectif de dématérialiser les services, à travers la plateforme de l'ANTS, que les Français apprennent tout doucement à connaître. Cette plateforme est pensée comme un outil de simplification, certes, mais avant tout de simplification des différentes plateformes numériques des services de l'État : du point de vue de l'usager, elle est relativement complexe, et le concept d'identifiant unique n'est encore pas tout à fait abouti. Comment entendez-vous continuer à travailler sur ces sujets – ce qui est d'autant plus nécessaire que la dématérialisation est incontournable, voire obligatoire, notamment pour les déclarations d'impôts ? Heureusement, à cet égard, on peut encore, à titre exceptionnel, dans les zones éloignées du haut débit, faire sa déclaration d'impôts sur papier, grâce à l'adoption d'un amendement du groupe Les Républicains – mais, pour beaucoup d'autres démarches administratives, ce n'est plus possible. Comment entendez-vous donc simplifier le fonctionnement de la plateforme, non pas du point de vue des services de l'État, mais de celui des citoyens et des usagers ?
La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a introduit une compétence optionnelle, pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, concernant les maisons de services au public (MSAP). Je souhaite vous interroger sur ce sujet aussi car, pour le coup, c'est le rôle de l'État de s'assurer que, en dépit du fait qu'il dévitalise sa représentation dans les territoires, un outil d'accès aux services publics est maintenu pour les citoyens. Les MSAP peuvent être une solution, l'État agissant de manière coordonnée avec les collectivités territoriales, mais, à mon sens, ce n'est pas à ces dernières d'assumer la compétence : c'est le rôle de l'État.
S'agissant du contrôle de légalité, comment entendez-vous replacer l'administration préfectorale au coeur du dispositif déconcentré de l'État ? Comme cela a été dit précédemment, on a quand même le sentiment, du point de vue des collectivités territoriales notamment, d'une forme de glissement du pouvoir de l'administration préfectorale vers les directions régionales déconcentrées, ce qui pose un vrai problème dans les territoires, car l'interlocuteur reste en réalité le sous-préfet ou le préfet. Un maire a beaucoup de mal à aller discuter avec la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), alors qu'il rencontre très régulièrement le sous-préfet. Or c'est la DREAL qui, in fine, pour beaucoup de sujets, va décider, avec un certain éloignement par rapport au territoire, avec une forme d'incapacité à pénétrer le fond des dossiers, à envisager la transversalité d'un certain nombre de décisions. Cela crée un grand nombre de crispations dans les territoires, notamment ceux où le besoin d'aménagement se fait plus particulièrement sentir, par exemple en milieu rural. Comment entendez-vous repositionner l'administration préfectorale dans ce système ?
Quid enfin du projet de réforme de la carte des sous-préfectures, qui a été expérimenté en Alsace, notamment, avec la suppression de deux arrondissements dans le Haut-Rhin ? J'imagine que l'État a d'ores et déjà un certain nombre de retours au sujet de cette expérimentation. Entendez-vous continuer dans cette direction, et ainsi repositionner le sous-préfet dans le rôle de représentant de l'État dans les territoires ?
La dématérialisation est effectivement un sujet important, comme le montre le fait que l'ensemble des groupes l'évoque ce matin. Elle crée un éloignement. Pour certains, toutefois, elle constitue une facilité, car elle augmente l'accessibilité. Elle permet, en plus, au sein des préfectures, de dégager du temps et des agents pour l'accueil. La multiplication des points numériques donne aussi un accès aux services en ligne aux personnes qui vivent dans une zone blanche ou souffrent d'illettrisme numérique – cela existe. Pour la majeure partie de nos concitoyens – en tout cas ceux que je croise tous les jours –, c'est extrêmement positif.
En ce qui concerne l'accueil des étrangers également, on peut se demander pourquoi on ne va pas vers plus de dématérialisation – cela a été mentionné par l'un des rapporteurs. J'aimerais entendre M. le ministre sur ce sujet. Il a dit qu'il fallait effectivement aller plus loin : des éléments pourraient-ils être d'ores et déjà portés à notre connaissance ? Cela permettrait notamment de rationaliser les prises de rendez-vous dans les préfectures, étant donné que la gestion de l'accueil est parfois compliquée. Pour les personnes demandant le renouvellement de leur titre de séjour, le fait de ne pas avoir été convoqué alors que la date d'expiration approche est souvent source d'angoisse : par souci de se montrer proactives et de rester dans les clous, elles se présentent en préfecture. Cela crée des flux qui pourraient parfaitement être anticipés grâce à des moyens numériques.
En ce qui concerne la question plus spécifique des demandes d'asile, on voit que, d'ores et déjà, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a entièrement dématérialisé les dossiers. Pourriez-vous me donner des éléments sur cette avancée ?
Je souhaite aborder un dernier point qui a été évoqué cette année dans le cadre du projet de loi relatif à l'asile et à l'immigration : l'obligation de traiter de façon simultanée une demande d'asile et une demande de titre de séjour. Auparavant, la possibilité en était offerte aux préfectures, mais c'est devenu une obligation. Pourriez-vous m'expliquer, monsieur le ministre, comment vous allez mettre en place cette nouvelle disposition dans les préfectures ?
Je voudrais commencer par saluer le travail de notre rapporteur pour avis et du rapporteur spécial.
Je note que l'augmentation de 3,4 % des moyens alloués à cette mission pour 2019 fait suite à une diminution dans la loi de finances pour 2018. Je note par ailleurs, pour un certain nombre de thématiques – notamment en ce qui concerne la radicalisation –, une continuité avec la précédente législature. À la suite de plusieurs orateurs, je remarque aussi la poursuite du PPNG.
S'agissant de la dématérialisation, ayant été pendant cinq ans rapporteur spécial de la commission des Finances sur le sujet, je veux redire que le groupe socialiste se félicite que l'on mène à bien, dans les préfectures, cette révolution – dont nous avons d'ailleurs été à l'origine –, même s'il est vrai qu'elle a également des conséquences. Quoi qu'il en soit, la dématérialisation était indispensable.
Monsieur le ministre, j'ai apprécié votre propos concernant la proximité, et cela d'autant plus que vous avez voté, lors de la précédente législature, la réforme des régions, ce qui n'est d'ailleurs pas mon cas. À l'époque, nous étions assis côte à côte dans l'hémicycle…
Je n'ai pas honte d'avoir voté cette réforme !
Je me réjouis que vous insistiez sur la nécessité de maintenir un niveau départemental garantissant l'accessibilité et la proximité, permettant à chacun de faire valoir ses droits de citoyen.
En ce qui concerne l'asile, si je souscris à ce qui vient d'être dit par l'oratrice du MODEM, je note tout de même un effort moindre dans ce budget par rapport à ceux qui avaient été faits l'année dernière et surtout les deux années précédentes – efforts qui avaient permis à l'État de rattraper un retard important et d'examiner dans de meilleurs délais les dossiers qui lui étaient soumis.
Pour ce qui est de la dématérialisation de la propagande électorale – sujet dont je m'occupe depuis longtemps –, je suis persuadé, monsieur le ministre, que vous allez subir toutes les pressions possibles. Certes, en 2019, ce sont les élections européennes, lesquelles n'intéressent guère que les imprimeurs parisiens, mais plus on va se rapprocher des échéances locales, plus vous allez subir de pressions. Pour ce qui me concerne – et j'espère que mon groupe fera de même –, je soutiendrai toutes les initiatives que vous pourrez prendre pour favoriser une dématérialisation de la propagande électorale. Ce sont 400 millions d'euros qui sont en jeu pour les quatre années qui nous séparent de la fin du quinquennat.
J'avais suggéré que l'on distingue entre les élections nationales et les élections locales. Les premières donnent lieu à une publicité, notamment télévisée, et je ne suis pas certain que l'envoi de documents papier soit nécessaire ; pour les secondes, dans un premier temps, le système actuel pourrait être maintenu, de manière à habituer progressivement nos citoyens à la dématérialisation. En tout cas, nous sommes ouverts au dialogue sur cette question.
J'en reviens à la dématérialisation des titres. Je vous ai entendu dire que nous voyions le bout des difficultés. Or les Pyrénées-Atlantiques, qui sont le dernier département – géographiquement, s'entend, par rapport au nord : elles sont le premier pour le reste (Sourires) –, sont confrontées à des problèmes graves pour ce qui est de la délivrance des cartes grises et des permis. Chez nous, les difficultés subsistent. Il est donc absolument nécessaire de valider les processus et de mettre des moyens humains, ce qui n'a pas été le cas – je peux le constater – depuis deux ans, pour offrir à chaque citoyen, y compris à ceux qui ont difficilement accès à internet – pour des raisons techniques ou des raisons de culture –, ce qui est le cas pour un tiers de la population environ, un accès plus sécurisé et plus confortable. Nous avons le devoir d'assurer l'égalité entre les citoyens, comme l'a rappelé le Défenseur des droits. Il est, me semble-t-il, de la responsabilité du Gouvernement d'entendre ce qui a été dit sur ce sujet.
S'agissant enfin de la question des migrants, je ne peux pas, étant élu du département des Pyrénées-Atlantiques, faire comme si rien ne se passait à Hendaye. Je souhaite que vous donniez les moyens à l'État, en termes de sécurité comme du point de vue administratif, bien évidemment, de faire face à une situation qui a été notée par beaucoup : désormais, on déporte les difficultés du Sud-Est vers le Sud-Ouest, et tout particulièrement vers Hendaye.
Je commencerai par remercier à mon tour nos collègues rapporteurs pour la qualité de leur travail. La mission « Administration générale et territoriale de l'État » est essentielle en ce qu'elle vise à garantir aux citoyens l'exercice de leurs droits et à assurer la présence et la continuité de l'État sur l'ensemble du territoire de la République. La mission qui nous est présentée dispose d'un budget total de 2,8 milliards d'euros, en hausse de 3,4 % par rapport à 2018. Toutefois, cette hausse doit être relativisée car, comme cela a déjà été dit, elle s'explique en très grande partie par l'organisation des élections européennes en 2019. Ainsi, les dépenses se rapportant à l'organisation de ces élections représentent plus de la moitié des crédits du programme 232. Je voudrais néanmoins, s'agissant de ce programme, et en tant qu'élu de Nouvelle-Calédonie, saluer l'État et le remercier pour l'effort budgétaire supplémentaire qu'il nous appelle à approuver pour 2019. Je pense en effet au référendum d'autodétermination qui aura lieu le 4 novembre. Si les estimations ont été dépassées, c'est en raison de l'implication totale et à un investissement, en l'occurrence financier, de l'État.
Au-delà de l'aspect budgétaire, je tiens à appeler votre attention sur le taux d'abstention particulièrement élevé aux élections européennes. Il était de 56 % en 2014 et de 59 % en 2009. C'est loin d'être une fatalité : ce constat démontre, à nos yeux, la nécessité de mieux sensibiliser les concitoyens à l'importance de ces élections qui peuvent leur sembler éloignées de leurs préoccupations quotidiennes. Plus largement, il convient de sensibiliser les concitoyens à l'utilisation de ce droit fondamental qu'est le droit de vote. Peut-être pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, les initiatives que vous comptez prendre en ce sens d'ici au prochain rendez-vous électoral, mais aussi de façon plus générale.
La priorité accordée à la lutte contre la délinquance et la radicalisation est également un message très positif. Le Gouvernement entend mettre l'accent sur la prévention avec, d'une part, la prévention de la radicalisation, accompagnée d'un suivi des victimes et d'une lutte contre les discours radicaux diffusés sur internet et, d'autre part, l'établissement d'une stratégie nationale de prévention de la délinquance, centrée sur les 12-25 ans. Ce sont là des mesures essentielles : nous considérons qu'il n'y aura pas de bonne politique de lutte contre la délinquance et la radicalisation sans une stratégie de prévention ambitieuse.
L'action du Gouvernement s'inscrit dans la continuité, avec la dernière année du plan « Préfectures nouvelle génération » – souvent cité –, qui améliore les modalités de délivrance des titres. Nous saluons les objectifs, qui sont de permettre à un nombre de plus en plus important de citoyens d'obtenir leur titre dans un délai raisonnable et en évitant des déplacements fastidieux, notamment grâce à un recours accru à la dématérialisation. Toutefois, nous déplorons de nouveau l'insuffisance de ce plan : nous pensons qu'il faut entreprendre une véritable réorganisation de l'État, une requalification de sa présence dans les territoires, et qu'il est nécessaire que cela se fasse dans un esprit de concertation avec les acteurs locaux. À cet égard, la politique du Gouvernement en matière d'administration territoriale ne nous semble pas assez ambitieuse, car bien souvent les objectifs fixés pour 2020 reviennent simplement à respecter ceux qui avaient été initialement fixés pour 2018 – c'est vrai en matière de contrôle des établissements recevant du public, de niveau de préparation aux crises, de délais moyens de délivrance des titres ou encore de contrôle des actes des collectivités locales et des établissements publics.
Nous ne pouvons pas faire l'économie d'une redéfinition des missions de l'administration territoriale. Le bilan demandé tout à l'heure par notre collègue Savatier constituera une première étape, mais nous devrons en tirer rapidement les conclusions si nous voulons, à l'avenir, sauvegarder nos services publics et leur nécessaire proximité avec les Français sur l'ensemble du territoire national – je précise : de l'Hexagone mais aussi, bien sûr, des outre-mer.
Sous ces réserves, le groupe UDI, Agir et indépendants votera en faveur des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
Je souhaite, tout d'abord, évoquer à mon tour la hausse des crédits de la mission. Il aurait été plus judicieux d'expliquer d'emblée qu'elle devait être relativisée du fait des 111 millions d'euros prévus pour les élections européennes.
Au-delà de ce point, de nombreuses questions ont été soulevées, à juste titre. Je relève pour ma part des paradoxes étranges. Ainsi, vous affichez la volonté de renforcer la présence de l'État dans les départements, de faire en sorte que l'État soit un interlocuteur pour les collectivités territoriales, pour les accompagner dans la mise en oeuvre de réformes – que je peux par ailleurs contester –, et en même temps vous diminuez les moyens, en particulier le personnel affecté aux préfectures et aux sous-préfectures. On aurait pu imaginer, comme je l'avais dit à votre prédécesseur l'année dernière, que les économies structurelles permises, au sein du ministère de l'Intérieur, par la dématérialisation – l'ANTS et tout ce qui s'ensuit – soient redéployées pour améliorer le service public auprès des collectivités territoriales. Or ce n'est pas ce qui a été fait.
Pis encore, comme il est désormais de coutume au ministère de l'Intérieur – mais c'est aussi le cas dans la plupart des ministères –, on oublie que, quand on conduit une réforme, quelle qu'elle soit, sa mise en oeuvre demande de l'énergie, et que la diminution des effectifs, à supposer qu'il faille vraiment qu'ils diminuent – mais je m'inscris dans votre logique, même si elle n'est pas la mienne –, doit intervenir seulement après, et non avant ou pendant : on met en oeuvre la réforme, on évalue les gains possibles en termes d'ETPT, puis on diminue les effectifs. En faisant les deux simultanément, vous déstabilisez le fonctionnement des préfectures et des sous-préfectures. Qui plus est, vous vous mettez dans la difficulté quand il s'agit de réagir à des dysfonctionnements – c'est précisément ce qui s'est passé pour la dématérialisation des cartes grises. Mes anciens collègues des préfectures se sont retrouvés en première ligne, ils ont essuyé les plâtres, se faisant engueuler par les citoyens qui arrivaient à la préfecture énervés, et à juste titre. Ici ou là, on a même pris des jeunes en service civique pour faire le primo-accueil en préfecture et faire face aux mécontents. L'administration a fait ce qu'elle a pu, avec le peu de moyens qu'on lui avait donnés. Arrêtons donc de supprimer les emplois tout en conduisant les réformes.
Quant aux propositions, l'une des nôtres serait justement de renforcer le réseau des préfectures et sous-préfectures. Et puis, s'agissant de l'interministérialité, je me permets de rebondir sur la question soulevée par mon collègue de La République en Marche : pourquoi ne rattacherait-on pas le corps préfectoral directement aux services du Premier ministre, plutôt que de le laisser au ministère de l'Intérieur ? Ce serait un gage d'interministérialité flagrant, même si je sais bien, monsieur le ministre, que vous avez déjà perdu la direction générale des collectivités locales (DGCL). Quoi qu'il en soit, le moment est peut-être venu de franchir l'étape suivante…
Je signale, par ailleurs, un problème technique relevé par la Cour des comptes : la sous-budgétisation du programme 216, consacré notamment au contentieux juridique. Il faut lui affecter des moyens suffisants car, du fait de la sous-budgétisation systématique, le budget n'est sincère qu'une fois que nous sommes en fin d'exercice, ce qui est problématique.
En ce qui concerne l'accueil des étrangers en préfecture, des moyens ont été mis, c'est vrai, mais ils sont toujours en deçà de ce qu'il faudrait étant donné le nombre de personnes qui viennent déposer des dossiers. Mettez les moyens, faites des redéploiements : si vous économisez des ETPT, mettez-les dans les sous-préfectures ou dans les préfectures pour l'accueil des personnes, notamment de celles qui font des demandes d'asile. Voilà qui serait responsable. On peut tout de même attendre un an ou deux pour diminuer de 500 le nombre d'ETPT au ministère de l'Intérieur – à moins, bien sûr, que certaines choses ne m'échappent, ou que la sacro-sainte règle des 3 % ne s'applique là aussi.
S'agissant de la CNCCFP, je ne relèverai pas les allusions que j'ai entendues. Pour le reste, je peux partager un certain nombre de points mis en avant par M. le rapporteur pour avis. Par ailleurs, ne faudrait-il pas, à un moment donné, sortir de l'hypocrisie qui consiste à imposer aux candidats d'avoir leur propre mandataire financier pendant la campagne ? Pourquoi les directions régionales des finances publiques ou la direction générale des finances publiques (DGFiP) n'endosseraient-elles pas le rôle de comptable, de mandataire financier, les candidats n'étant alors que des ordonnateurs ? Le paiement serait effectué directement par l'État. Ce serait une solution simple et efficace, qui permettrait les contrôles en direct, avec un personnel suffisant.
Je rejoins tout ce qui a été dit par nos collègues à propos de la dématérialisation et quant au fait qu'il est absolument nécessaire – même si le mouvement de dématérialisation est normal et si je le soutiens – de maintenir les possibilités d'un accueil physique.
Je souhaite dire aussi ma grande préoccupation concernant l'accueil des étrangers. Vous le savez, je suis élu de la Seine-Saint-Denis. Tous les matins, chaque jour de l'année, dès cinq heures, des queues se forment devant la préfecture de Bobigny, et elles ne cessent de s'allonger au fil des ans – il est vrai que cela vaut aussi pour d'autres préfectures – sans qu'il y soit jamais apporté de solution. Or, vous le savez – et je vais faire le lien avec un autre débat qui a émergé dans notre pays –, un État, pour être respecté, doit être respectable. En l'espèce, ni les personnels de l'État en charge de ces dossiers ni les usagers ne se sentent respectés : les uns, du fait des conditions de travail, les autres en raison des conditions d'accueil. Il en ressort un État dont l'autorité est inévitablement affaiblie.
Dans mon groupe, beaucoup de députés ont été élus dans ces territoires que l'on dit oubliés de la République. En tant que commissaire aux Lois, j'ai participé à une mission pilotée par François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo sur la situation de la Seine-Saint-Denis. Nous avons été reçus par le Premier ministre, qui nous a beaucoup écoutés et a porté une attention particulière aux conclusions de notre rapport, lequel doit désormais se traduire par des actes et des choix budgétaires. Votre prédécesseur, lors de sa passation de pouvoirs, a parlé de cette République où l'on vit de plus en plus côte à côte et où l'on vivra, un jour peut-être, face à face. La République ne peut être incarnée, pour partie, par l'État – son rôle, sa respectabilité, son autorité – et voir, dans des départements comme la Seine-Saint-Denis, un État aussi affaibli et, de ce fait, déconsidéré et en manque d'autorité.
Dans ma circonscription, l'arrondissement de Saint-Denis, qui compte 650 000 habitants, soit plus que bien des départements français, ne dispose toujours pas d'une préfecture de plein exercice, alors même que l'État a acheté des locaux en 2012 en plein centre-ville. À l'heure actuelle, nous n'avons toujours pas vu l'once d'un début d'opération d'installation de cette sous-préfecture. L'État se retrouve propriétaire de locaux vacants, depuis six ans, au centre même de Saint-Denis.
Il y va de l'autorité et de la respectabilité de l'État et de la République. Dans l'un des arrondissements les plus pauvres de France, où la criminalité est la plus élevée, où les questions qui se posent à la République le sont d'une façon extrêmement aiguë, on ne peut avoir un État qui s'efface. Quand l'État s'efface, la République s'affaisse. Il est impossible de ne pas répondre à notre rapport, qui a fait l'unanimité sur les bancs de l'assemblée. Il est urgent d'apporter des réponses, lesquelles passent par des budgets qui prennent en compte cet impératif politique. Or, sauf erreur de ma part, il ne me semble pas avoir vu de sommes inscrites pour implanter une sous-préfecture de plein exercice dans l'arrondissement de Saint-Denis.
Monsieur le ministre, je souhaiterais vous interroger sur le programme 232 relatif à la vie politique, cultuelle et associative. Ses crédits sont en forte augmentation, puisqu'ils sont passés de 122,5 millions d'euros à 207,5 millions d'euros, soit une hausse de 71 %, du fait notamment de l'organisation des élections européennes en 2019. Il y a quelques mois, nous avons voté un projet de loi relatif à l'élection des représentants au Parlement européen, qui comporte plusieurs avancées. La durée des émissions, en tant qu'outils de propagande électorale, a été réajustée afin de permettre davantage de pluralisme : trois minutes au lieu de deux seront accordées à chaque liste ; la fraction corrective à la disposition du Conseil supérieur de l'audiovisuel a été portée d'une heure à une heure trente, afin de s'assurer d'une représentation la plus juste possible, en tenant compte de la contribution de chaque liste candidate au débat national et à la vie démocratique de la nation.
Dans ce budget, quelle enveloppe précise a été prévue pour les élections européennes ? À combien estimez-vous le coût de l'allongement des temps d'antenne ?
Monsieur le ministre, hier, lors de la séance des questions, j'ai interrogé le Gouvernement sur la nécessité de faire reconnaître Mayotte internationalement comme territoire sous souveraineté française. La réponse que vous m'avez faite en a surpris plus d'un. Elle s'apparentait bien plus à un mépris de la Représentation nationale et à une atteinte aux droits parlementaires constitutionnels. J'espère que la question que je vous poserai aujourd'hui, qui est très simple, obtiendra une réponse plus appropriée. Mayotte est confrontée depuis très longtemps à des problèmes de sécurité et d'immigration. Nous avons souhaité que des moyens de sécurité soient mobilisés. Les forces de l'ordre sur place travaillent dans des conditions difficiles, dans la mesure où il n'y a pas de budget de fonctionnement leur permettant d'assurer leur mission. Entendez-vous leur donner des moyens de fonctionnement, alors qu'elles peinent aujourd'hui à acheter du papier ou du carburant, afin qu'elles puissent assurer leur mission, nécessaire à la sécurité de nos concitoyens de Mayotte, aussi longtemps que vous accepterez qu'elle soit une collectivité française ?
Monsieur Kamardine, vous venez de parler de mépris. J'en appelle à un respect réciproque. Lorsque j'étais député dans cette assemblée, j'ai toujours veillé à respecter mes interlocuteurs, même ministres. Hier, j'ai tenté de vous répondre, en vous donnant des éléments précis d'actualité. En aucun cas, je n'ai méprisé votre question, et encore moins la collectivité que vous représentez, qui a tout mon respect. Votre attitude ne me semble pas la plus constructive qui soit. Je vous présenterai tout à l'heure plusieurs éléments pour vous prouver qu'il est faux d'affirmer qu'il n'y a pas de budget de fonctionnement pour la sécurité publique à Mayotte.
Monsieur Schellenberger,…
Toutes les questions qui m'ont été posées étaient non pas impressionnantes, monsieur Schellenberger, mais de qualité, parce qu'elles l'ont été par des élus, dotés de cultures politiques différentes, qui connaissent les territoires. À ce titre, toutes les questions sont parfaitement légitimes et je ne fais pas de hiérarchie entre elles. Pour avoir été maire, je connais l'importance de l'accompagnement des services de l'État dans notre quotidien.
Les maisons de services au public n'abritent pas que des services de l'État, au contraire même, mais elles ont un rôle majeur de lien avec l'État. C'est en effet à l'État, en lien avec les collectivités, notamment les départements qui constituent un bon échelon de proximité, qu'il revient d'organiser leur déploiement. La ministre Jacqueline Gourault annoncera bientôt les orientations du réinvestissement de ce sujet par l'État vers de nouveaux types de lieux : les « tiers-lieux ».
Monsieur Bernalicis, je n'ai pas « perdu » la DGCL. L'État est représenté par un exécutif : peu importe dans quel ministère sont logées les politiques publiques, ce qui compte c'est qu'elles soient engagées. Je suis très favorable à l'existence d'un ministère en charge des territoires et des collectivités locales.
S'agissant de l'organisation territoriale, il est essentiel de comprendre qu'il existe aujourd'hui deux niveaux de pouvoir, ce que notre administration centrale a parfois un peu de mal à admettre : le pouvoir central et le pouvoir territorial. La loi sur le non-cumul des mandats a participé de cette démonstration : le choix de l'enracinement territorial fait par de grands élus montre bien que nous devons travailler à ces deux niveaux. Il nous faut un État capable de mettre en oeuvre nos politiques publiques, de manière à représenter l'État national et à accompagner le pouvoir local. Si l'on ne comprend pas cela, c'est l'échec assuré. Il est essentiel de travailler ainsi partout : il n'y a pas de territoires oubliés de la République, mais des territoires plus difficiles que d'autres – je ne le nie pas.
C'est pourquoi il est essentiel de ne pas remettre en cause l'autorité des préfets. Elle ne l'est d'ailleurs pas. Le Président de la République l'a clairement dit aux préfets en septembre dernier : il faut, dans chaque territoire, un responsable pour incarner l'État et assumer sa responsabilité. Nous souhaitons que les préfets soient les entrepreneurs de la République et ceux qui, dans le schéma que je viens de définir, nous accompagnent et nous représentent. Par nous, j'entends la puissance publique, sans faire de hiérarchie entre le maire de Saint-Denis, celui d'une commune rurale et le ministre, dans notre volonté d'engagement politique en faveur des territoires. C'est le message que je ferai passer dès ma première rencontre avec les préfets de région et les préfets de département. Il faut réaffirmer leur autorité fonctionnelle sur l'ensemble des services déconcentrés, comme la DREAL.
Monsieur Rebeyrotte, monsieur Schellenberger, monsieur Habib, vous avez évoqué les difficultés du PPNG. Selon les informations dont je dispose, la situation a été globalement rétablie, après de graves problèmes en 2018. M. Bernalicis a mentionné à raison les difficultés qu'ont eues les agents pour faire face à des problèmes dont ils n'étaient pas responsables. La situation s'est clairement améliorée. Il subsiste quelques difficultés techniques, sur la levée de gage des véhicules anciens, par exemple, qui sont en cours de résolution. Il sera important de refaire un point sur ce sujet. Les délais de délivrance sont aujourd'hui acceptables : trois jours pour 80 % des opérations sur les cartes grises et quinze jours pour les permis de conduire. Désormais, les usagers peuvent effectuer leurs démarches sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Par ailleurs, si personne ici n'a peur de la dématérialisation des procédures, sachant les plus-values qu'elle peut apporter, chacun sait aussi qu'il existe une rupture numérique dans notre pays, qui n'est pas seulement liée à la question de l'âge, à laquelle on voudrait souvent la réduire. Il est essentiel d'avoir des guichets, dans les maisons de services au public ou les mairies.
Madame Jacquier-Laforge, nous travaillons au virage numérique pour les procédures destinées aux étrangers. C'est l'enjeu du projet « administration numérique des étrangers en France » (ANEF). C'est un chantier au long cours, qui prendra du temps. Notre objectif est de le voir monter en puissance d'ici à 2022, grâce au déploiement des téléprocédures, à la refonte des systèmes d'information de l'asile, du séjour et de la nationalité. Le projet est cofinancé par l'Union européenne, au titre du fonds asile, migration, intégration (FAMI). En outre, la loi du 10 septembre 2018 prévoit la simultanéité des demandes d'asile et de titre de séjour pour un autre motif. Cette mesure, qui permettra de réduire les délais de réponse aux demandeurs d'asile et de séjour, va dans le bon sens.
Monsieur Dunoyer, madame Degois, vous m'avez interrogé sur la prise en charge du coût des campagnes et l'enjeu de mobilisation pour les élections, ambition dans laquelle je ne peux que vous accompagner. Nous devons améliorer l'information des électeurs. La propagande papier sera doublée d'une propagande en ligne. Qui plus est, la ministre en charge des affaires européennes conduit actuellement une réflexion visant à populariser la démarche du vote aux élections européennes, dans la grande neutralité devant s'appliquer à toute parole de l'État sur un tel sujet.
La réforme du répertoire électoral unique, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2019, a été conduite en partenariat avec l'Association des maires de France (AMF). Elle permettra de s'inscrire sur les listes électorales jusqu'à six semaines avant le scrutin, afin de favoriser les inscriptions et la participation.
Monsieur Dunoyer, vous m'avez également interrogé sur les indicateurs relatifs aux pratiques exigibles prioritaires (PEP). Nous devons aller plus loin. S'il y a des indicateurs physiques, il ne faut pas construire de politique sur leur seul fondement. Nous voulons changer en profondeur la méthode de travail, pour réorganiser l'administration territoriale avec les acteurs du terrain.
Monsieur Bernalicis, le PPNG a supprimé environ 1 300 emplois, grâce aux gains de productivité permis par le numérique, ce qui a généré 70 millions d'euros d'économies. Plusieurs centaines de personnels, pour environ 600 équivalents temps plein (ETP), ont été redéployés des guichets vers d'autres missions. Environ 600 agents ont été formés et accompagnés pour évoluer vers d'autres métiers.
S'agissant de vos propositions relatives au financement des campagnes, sachez que nous serons attentifs aux initiatives qui iront vers plus de transparence, de contrôle et d'économies.
Quant aux dépenses de contentieux, qui sont, comme vous l'avez rappelé, traditionnellement sous-budgétisées, ce n'est plus le cas depuis le projet de loi de finances pour 2018, où vous aviez voté une dotation de 80 millions d'euros. À l'heure actuelle, aucun problème de sous-budgétisation ne se pose. C'est pourquoi nous avons choisi de reconduire la même somme. En cas d'accident au cours de l'année, elle serait abondée.
Monsieur Peu, l'État est présent en Seine-Saint-Denis, parce qu'il y est incarné par des femmes et des hommes. Je connais les tensions de ce département, où j'ai effectué mon premier déplacement. Nous devons y être présents. Mais nous ne pouvons pas redéployer des effectifs du jour au lendemain, au risque de fragiliser d'autres territoires. Il faut concentrer des moyens dans toutes les zones difficiles. La Seine-Saint-Denis a besoin d'être accompagnée, qu'il s'agisse de la scolarité, dès le plus jeune âge, ou de la sécurité du quotidien.
Concernant la sous-préfecture de Saint-Denis, rappelons que l'État ne peut se résumer à sa seule présence. Les quartiers de reconquête républicaine d'Aulnay-sous-Bois et de Sevran font partie des outils du retour de l'État sur le territoire. Mais vous avez raison de m'interpeller : nous ferons un point ensemble, dès que j'aurai plus d'informations sur le relogement de cette sous-préfecture. Comme vous l'avez dit, il faut prendre en compte le flux des étrangers. Je demanderai que l'on me propose des options que j'examinerai avec vous, si vous en êtes d'accord.
Madame Degois, nous avons prévu 1,5 million d'euros pour la campagne audiovisuelle et 111 millions d'euros au total pour le plafond des dépenses remboursables – 9,2 millions d'euros par liste, inscrits dans le programme 232. Le coût de la campagne audiovisuelle a bien été pris en compte.
Monsieur Habib, parler d'une baisse du budget de la mission par rapport à 2017, c'est partiellement exact et partiellement faux. Vous savez que la récurrence des élections en 2017 l'avait fait fortement abonder. La baisse n'est donc qu'optique, rassurez-vous.
Votre propos sur la dématérialisation ne me surprend pas. Chaque année électorale, le ministère de l'Intérieur propose cette dématérialisation, dans sa première version du budget, et, généralement, ce sont les parlementaires qui montent au créneau. Nous devons nous interroger sur ce sujet ; nous savons tous ce qu'il advient des petites enveloppes marron qui arrivent chez les électeurs deux jours avant l'élection, sans grand impact ni sur la mobilisation, ni sur le vote final. En revanche, il faut distinguer les élections nationales des élections locales, qui offrent une lecture un peu différente. Nous serons ouverts à toute discussion sur ce sujet.
Même si l'on sort un peu de la mission qui nous occupe, je vais revenir sur la question des migrants à Hendaye et, plus globalement, à la frontière espagnole. Ces dernières semaines, les arrivées ont augmenté de 155 % en Espagne, ce qui représente le principal flux vers l'Europe, alors même qu'ils y ont baissé de 90 %. Cela doit nous éclairer sur les conséquences de choix politiques et les messages politiques qui sont passés. L'accueil de l'Aquarius par le gouvernement espagnol a pu donner l'impression que c'était un pays plus ouvert.
Vous pouvez ne pas être d'accord ! Je ne suis pas là pour être d'accord avec tout le monde, mais pour vous dire mon sentiment et la réalité des chiffres. Le gouvernement espagnol a pu constater, dans les jours qui ont suivi l'accueil de l'Aquarius, un afflux de migrants venus du Maroc. Mon premier déplacement international sera en Espagne, où je rencontrerai mon homologue. Je me rendrai également au Maroc pour travailler avec les autorités. Il est essentiel de travailler de concert.
Dans le cadre d'une expérimentation, j'ai pris la décision de nommer, à la frontière franco-espagnole, un coordinateur, afin de disposer d'un référent unique capable de piloter l'ensemble des actions et des forces, et de nous représenter dans les échanges avec les autorités espagnoles. La gestion des flux migratoires doit se faire dans un dialogue permanent entre les deux pays concernés : l'Espagne et la France, l'Italie et la France ou l'Allemagne et la France. J'ai bien conscience de cette difficulté. Le secrétaire d'État, Laurent Nuñez, s'est rendu à Hendaye, à la frontière espagnole. Nous connaissons les difficultés des agents assurant la sécurité et la gestion des flux migratoires. Nous devons trouver des solutions en moyens humains, mais aussi de nouvelles méthodes.
À l'issue de la première réunion du jeudi 25 octobre 2018 et après le départ de M. Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur, la Commission examine, pour avis, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (M. Olivier Marleix, rapporteur pour avis
Il appartient à la commission des Lois, saisie pour avis du projet de loi de finances pour 2019, de se prononcer sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
Nous allons d'abord examiner les amendements de crédits, qui portent sur l'état B annexé à l'article 29 du projet de loi de finances.
Je suis saisie d'un amendement n° II-CL17 de M. David Habib. Il est défendu par Mme Cécile Untermaier.
Nous proposons d'augmenter de six millions d'euros les crédits de personnel du programme « Administration territoriale » afin de mieux accueillir et accompagner les demandeurs de titre. Cela représente 400 équivalents temps plein.
Je dois dire que cette dématérialisation a très mal fonctionné ; elle a plongé plus de 400 000 personnes dans les difficultés, certaines ont été convoquées au tribunal. Nous devons y remédier.
L'honnêteté m'oblige à rappeler que 313 points numériques d'accueil ont été créés en 2018 dans les préfectures, soit le double de la prévision initiale, signe que le ministère de l'Intérieur a pris conscience de l'importance de cette question.
À titre personnel, je partage cependant votre analyse et je ne peux qu'être favorable à cet amendement.
Le ministre l'a rappelé, les problèmes sont, pour la plupart, dernière nous. Il pourrait être nécessaire de mobiliser 500 000 ou 1 million d'euros pour solder les dernières difficultés, mais en aucun cas six millions d'euros.
Je soutiens cet amendement. Je vais moi-même visiter demain l'ANTS, dont on est en train de privatiser une partie des missions, notamment l'accueil téléphonique. Un service public doit être assuré par des agents publics.
Cet amendement mériterait d'être adopté comme un signal de notre exigence en matière d'accueil physique des usagers.
La Commission rejette l'amendement n° II-CL17.
Elle aborde l'amendement n° II-CL18 de M. David Habib.
Il s'agit d'abonder de 30 millions d'euros le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), dont les moyens avaient été significativement diminués en 2018.
Effectivement, la situation du FIPD n'est pas satisfaisante. Ses moyens sont passés, en 2018, de 80,4 millions à 72,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement alors que ses missions ont été élargies à la prévention de la radicalisation.
Là encore, je rejoins l'analyse de Mme Untermaier et, à titre personnel, j'émettrai un avis favorable.
Nous avons interrogé le ministère sur cette question, car nous partageons les préoccupations exprimées. Le FIPD fait actuellement l'objet d'une mission d'évaluation ; nous proposons d'attendre les conclusions de celle-ci et de repousser cet amendement.
Je suis favorable à cet amendement de rééquilibrage. Je ne suis, par ailleurs, pas certain que la vidéosurveillance participe réellement de la prévention de la délinquance. Sur ce sujet, on pilote décidément à vue…
Je vais soutenir cet amendement. La prévention de la délinquance prend plusieurs formes : la délinquance des mineurs, mais aussi les violences faites aux femmes.
Nous allons soutenir cet amendement. Il ne se passe pas une semaine sans que l'on relève le cadavre d'un jeune dans mon département… et, pendant ce temps, les associations de prévention de la délinquance mettent la clé sous la porte, faute de subventions. Le FIPD est un maillon essentiel de la chaîne.
Je suis d'accord avec ce qui a été dit. Il faudra sans doute réorienter ce fonds, mais ne l'abondons pas avant d'avoir achevé l'évaluation qui a été lancée.
La Commission rejette l'amendement n° II-CL18.
Avant de mettre aux voix les crédits de la mission, je vais demander à notre rapporteur quel est son avis sur ces crédits.
La Commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » pour 2019.
La Commission poursuit ses travaux avec la mission « Sécurités » (M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur pour avis « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis « Sécurité civile »
Nous accueillons les deux rapporteurs pour avis, M. Jean-Michel Fauvergue sur les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », et M. Éric Ciotti sur le programme « Sécurité civile ». Nous avons également le plaisir d'accueillir trois rapporteurs spéciaux de la commission des finances : Mme Nadia Hai, M. Romain Grau et Mme Sarah El Haïry, qui devrait nous rejoindre.
Les crédits de la mission « Sécurités » représentent 13,6 milliards d'euros, soit 80 % des crédits dont j'ai la charge au ministère de l'Intérieur. Pour 2019, la sécurité intérieure bénéficie, comme en 2018, d'un budget sincère, solide et réaliste, afin de consolider les dispositifs de sécurité intérieure que les Français attendent de nous. Ce budget reflète la conscience qu'ont le Président de la République et l'ensemble du Gouvernement de l'importance des missions exercées par le ministère de l'Intérieur et ses personnels dans ce domaine. La sécurité est, vous le savez, pour le Premier ministre et le Président de la République, comme pour nos concitoyens, une priorité absolue. C'est pourquoi les moyens de la police et de la gendarmerie sont à nouveau, en 2019, en hausse – très significative – de 335 millions d'euros, soit une progression de 2,6 %.
Il était important de s'inscrire dans la dynamique budgétaire lancée en 2015. Dans les deux forces, les crédits sont globalement en hausse de près de 12 %, soit 1,4 milliard d'euros. Plus encore, le budget de fonctionnement et d'investissement des services est augmenté de plus de 17 % par rapport à 2015, soit près de 350 millions d'euros. Le message est donc clair : non seulement nous consolidons les efforts passés, mais nous les accentuons.
Les mesures, qui étaient considérées, jusqu'en 2017, comme exceptionnelles et limitées dans le temps – les différents plans de remise à niveau du budget des forces de sécurité depuis 2015 – ont été sanctuarisées, pérennisées et inscrites dans la durée. Nous accentuons même l'effort de sanctuarisation que vous avez engagé dès l'année dernière. Quels que soient nos désaccords politiques, il faut avoir en tête que la sécurité intérieure est une priorité des Français : elle doit être une orientation forte de ce quinquennat.
Grâce à ce déploiement de moyens et aux engagements pris, qu'il s'agisse de ceux du Président de la République ou de mon prédécesseur, dont je veux saluer la combativité, notamment budgétaire, qui me permet de vous présenter ce budget, je pense que nous avons les moyens d'accompagner les femmes et les hommes qui oeuvrent chaque jour à la sécurité de tous.
Le budget pour 2019 de la sécurité intérieure est donc, à mon sens, dépourvu de toute surprise : il est en tout point conforme aux annonces faites et aux engagements pris en matière d'effectifs, d'immobilier, de moyens de fonctionnement des forces ou encore de politique indemnitaire sociale et salariale.
S'agissant des effectifs, le plafond d'emplois pour la police nationale s'établit en 2019 à 151 532 équivalents temps plein. Par rapport à 2018, le budget permet la création de la tranche 2019 du plan de 10 000 recrutements en faveur des forces de sécurité. En 2018, vous aviez accepté de créer 1 084 postes de policier, 492 de gendarme, 359 d'agent des services de renseignement et 65 d'agent de la sécurité civile et des pôles de lutte contre l'immigration irrégulière dans les préfectures. En 2019, le budget qui vous est proposé porte l'effort à 2 500 emplois supplémentaires : ce seront 414 agents de plus dans les services de renseignement, dont 54 gendarmes, et un renfort de 622 gendarmes et 1 442 policiers. Toutes les composantes de la sécurité intérieure bénéficieront des recrutements.
Entre 2007 et 2012, 6 276 emplois de policier et 6 243 postes de gendarme avaient été supprimés, non pour des raisons d'économies budgétaires, mais pour valoriser leurs conditions – un choix que je n'ai pas à juger. Cette valorisation des conditions de rémunération et d'intervention des agents était un rattrapage nécessaire. Néanmoins, je ne veux pas que ce choix stratégique se traduise par une moindre importance des enjeux de sécurité. Nous avons assisté en 2015 à une inversion de cette tendance, grâce à un plan de recrutement. Nous poursuivons dans cette dynamique, que nous accentuons fortement.
Les personnels titulaires sont aussi renforcés par les réservistes de la garde nationale. En 2019, le budget pourra nous permettre de consacrer jusqu'à 130 millions d'euros, dans les deux forces, à cet instrument. Nous disposons d'un vivier de 37 000 réservistes, qui peut encore augmenter : 30 000 pour les gendarmes et 7 000 dans la police. Aux côtés des renforts de policiers et de militaires titulaires, cet instrument pourra continuer d'être pleinement actionné en 2019. Je voudrais en profiter pour saluer le travail, le caractère citoyen et l'engagement des réservistes, aux côtés des personnels actifs de la police et de la gendarmerie nationales.
En janvier dernier, des orientations claires ont été données pour la programmation immobilière des trois années à venir : il fallait agir résolument en faveur des commissariats de police et des casernes de gendarmerie. L'amélioration des conditions de travail de nos policiers et de nos gendarmes représente un axe très important de la politique que j'entends conduire. Dimanche matin, je me suis rendu à Champigny-sur-Marne sur le site d'un quartier de reconquête républicaine (QRR), où nous avons déjà mobilisé vingt-cinq policiers supplémentaires. En visitant le commissariat, situé dans un quartier extrêmement sensible, on se rend compte de la difficulté d'agir. Nous allons mobiliser 4 millions d'euros pour avoir, au coeur de ce quartier de reconquête républicaine, un commissariat digne des conditions de travail de celles et ceux qui affrontent – j'utilise volontairement ce mot – le terrain, dans toute sa difficulté.
Comme cela a été annoncé, le budget porte à un niveau historiquement élevé les investissements dans les commissariats, pour 196 millions d'euros, et dans les gendarmeries, pour 105 millions d'euros, soit 9 % de plus que ce qui était prévu en 2017. Je ne vais pas vous rappeler les principales opérations, que la plupart d'entre vous ont en tête. Notre principe de gestion des crédits immobiliers, que je souhaite maintenir, est pour partie déconcentré aux responsables zonaux et locaux, par le biais des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'Intérieur (SGAMI). Je souhaite favoriser cette déconcentration, en augmentant le budget dédié aux SGAMI de 47 millions d'euros. L'efficacité de la gestion déconcentrée n'est pas à démontrer ; mais nous pourrons, si vous le souhaitez, en parler.
Enfin, même si les crédits du projet sont arbitrés dans d'autres programmes, je veux rappeler les opérations immobilières concernant la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) : 20 millions d'euros de travaux ont été prévus pour aménager son site de Neuilly. J'ai confié au nouveau patron de la DGSI l'un des objectifs de notre feuille de route : disposer d'un site immobilier unique au plus vite, c'est-à-dire d'ici à 2022, pour garantir une meilleure efficacité. Nous avons ouvert une ligne budgétaire qui permettra de mobiliser 450 millions d'euros en ce sens.
Troisième niveau d'action : l'équipement. Le niveau atteint par le budget 2019 permettra de donner corps à notre ambition d'avoir une police et une gendarmerie aux ambitions renouvelées, respectées et tirant parti des progrès de la technologie. C'est ainsi qu'est prévue la commande de 5 800 véhicules neufs dans les deux forces en 2019, pour un budget de 137 millions d'euros. Ce faisant, nous réalisons l'investissement le plus important depuis huit ans, avec plus de 1 600 véhicules de plus que la moyenne de ces dernières années. Je crois qu'il est inutile que j'évoque la vétusté d'une grande partie du matériel roulant de nos forces. Il est donc nécessaire d'accompagner la modernisation du parc automobile.
Pour ce qui concerne l'équipement, le budget 2009 sera de 142,9 millions d'euros, répartis entre les achats d'armements, de munitions, d'habillement et de protections individuelles de nos agents.
En matière d'équipements technologiques, toute personne sensible d'un point de vue technique à ce sujet sait l'importance d'accompagner les progrès de la technologie et de doter nos services des meilleurs moyens. C'est l'un des axes forts de la police de sécurité du quotidien. En s'équipant de tablettes et de smartphones, les forces de sécurité disposent d'un accès facilité aux systèmes d'information. Elles peuvent développer de nouveaux modèles de mobilité, et renforcer l'opérationnalité des services sur le terrain. À la fin du premier trimestre de 2019, 50 000 tablettes et smartphones NEOPOL et 67 000 équipements NEOGEND auront été déployés. 10 000 équipements supplémentaires seront acquis dans la police en 2019 comme en 2020, pour un investissement de 5,4 millions d'euros.
Je souhaite aussi que la diffusion des caméras-piétons se poursuive en 2019 parce que je suis convaincu que cet outil permet de contribuer à réduire les incidents et qu'il participe à la protection des policiers sur le terrain. J'ai rencontré des policiers ces derniers jours qui m'ont dit toute l'importance qu'ils attachaient à ce dispositif, et tout son caractère dissuasif.
Enfin, nous avons obtenu en 2019 les moyens de lancer quatre programmes d'importance : un plan d'investissement de 22,5 millions d'euros supplémentaires destinés à mettre au meilleur niveau technologique les réseaux, outils et techniques de renseignement de la DGSI ; un plan de 22,5 millions d'euros pour entrer dans la phase opérationnelle du réseau radio du futur – je l'ai évoqué précédemment concernant les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » ; le financement, à Paris, du partenariat public-privé de vidéoprotection pour 21 millions d'euros qui sera doté de 2 754 caméras et qui permet aux forces de l'ordre d'exploiter opérationnellement et judiciairement les renvois d'images provenant des 10 000 caméras déployées par différents opérateurs publics ou privés présents sur Paris ; enfin la modernisation des centres d'information et de commandement pour 11,2 millions d'euros, afin d'améliorer le pilotage des interventions de police secours et l'efficacité et la rapidité du traitement des appels d'urgence.
En complément de ces projets de modernisation, je souhaite que l'année 2019 marque la conduite des premières expérimentations de la procédure pénale numérique dans le ressort des tribunaux de grande d'instance d'Amiens et de Blois. Ce programme, porté conjointement avec le ministère de la justice, est complémentaire à la simplification de la procédure pénale. Il permet à la fois de dégager du temps pour nos agents, de se recentrer sur leur coeur de métier, et contribue à ce qu'ils soient « mieux dans leurs baskets » quand ils font le métier pour lequel ils ont choisi de travailler.
En matière de ressources humaines, je souhaite évoquer avec vous la politique salariale et indemnitaire qui sera déployée en 2019 pour les forces de sécurité. Cette année sera la première année de mise en oeuvre du protocole parcours professionnel, carrières et rémunérations dans la police nationale. Après le report d'un an pour toutes les fonctions publiques, il sera mis en oeuvre cette année. Cela représente 32,4 millions d'euros de crédits supplémentaires.
En outre, les dispositions des feuilles de route sociales d'avril 2016 qui sont propres à la police et à la gendarmerie seront appliquées comme prévu. Cela représente un effort de 110 millions d'euros supplémentaires. Si vous le souhaitez, je pourrai vous apporter des éclaircissements sur la ventilation de ces crédits.
Pour ce qui concerne les mesures catégorielles, qui seront forcément réduites compte tenu de l'ampleur des mesures relevant de la feuille de route sociale, une enveloppe de 3,4 millions d'euros a aussi été prévue pour prendre en compte certaines particularités qu'il est nécessaire de corriger.
Mesdames, messieurs les députés, vous l'avez compris, nous disposons, il me semble, d'un bon budget qui permettra de financer nos priorités ainsi que l'ambition que nous avons en matière de sécurité. L'ensemble des engagements pris par ce Gouvernement pourront donc être tenus.
Ces arbitrages, très favorables aux forces de sécurité dans une période où demeure une contrainte budgétaire réelle que chacun connaît, doivent aussi nous permettre de nous moderniser et de rationaliser notre organisation et nos ressources. Voilà pourquoi je souhaite devant vous confirmer quatre chantiers qui concernent la police comme l'ensemble du ministère.
Premièrement, nous poursuivons la mise en oeuvre d'une politique de substitution des personnels actifs par des personnels administratifs civils. L'objectif fixé pour la période 2018-2022 de 500 substitutions par an a pris du retard et je souhaite mettre la pression sur ces sujets pour ramener les personnels actifs au plus près du coeur de leur métier.
Deuxièmement, j'ai demandé que les effectifs des états-majors et des cabinets des directions centrales soient revus à la baisse pour inciter à des modes de fonctionnement moins verticaux. Soixante-sept emplois de ce type de fonctions non opérationnelles seront donc supprimés chaque année.
Troisièmement, deux projets de transformation du ministère ont été ouverts. Leur point commun est de chercher à renforcer l'efficacité des services qui bénéficient aux forces de sécurité. Le premier que vous connaissez, je pense, est celui de la création d'un service ministériel des achats. Il vise à renforcer encore cette fonction, y compris en examinant les conditions selon lesquelles l'approvisionnement des unités opérationnelles est organisé, et à réaliser des économies par la massification des achats. Le second chantier portera sur la mise en place d'une direction unique du numérique qui doit regrouper les moyens de l'ensemble du ministère pour renforcer également notre action. Cette direction concentrera les moyens, mais pas l'ensemble des ressources techniques, pour conserver le lien si important entre directions opérationnelles et techniciens du numérique et des systèmes d'information.
Bien évidemment, il faudra que ces mutualisations créent de la valeur ajoutée et qu'elles ne soient pas une source de complexité supplémentaire. Je sais que l'on a souvent cette capacité, au nom de la simplification, à rajouter des couches de contraintes. Il faudra donc être très innovant sur ce sujet.
Pour ma part, j'envisage ces réformes avec sérénité car leur objectif était uniquement de produire de l'efficacité au service de l'activité opérationnelle des forces, tout en améliorant l'efficience de notre organisation. C'est la contrepartie nécessaire à l'effort financier de la nation en faveur de nos forces de sécurité qui est réel, et des plus substantiels, et qui appelle une capacité réformatrice nécessaire au sein du ministère.
J'en viens maintenant aux moyens de la sécurité civile, qui fait cette année encore l'objet d'un rapport spécial de votre commission, rapport fait par un rapporteur de qualité qui n'est autre que mon voisin territorial. Je me félicite de ce rapport car je sais l'importance des capacités opérationnelles nationales, l'engagement des démineurs, des pilotes, personnels navigants et mécaniciens des avions et hélicoptères, ainsi que l'attachement de nos concitoyens au modèle de proximité et d'efficacité des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) et de leurs 194 000 sapeurs-pompiers volontaires.
Le budget 2019 augmente de 1,5 %, pour s'établir à 486 millions d'euros. L'objectif dans ce domaine est que le budget de la sécurité civile permette de maintenir et de renforcer les termes du contrat opérationnel avec la nation. L'an passé, vous vous en souvenez, la principale mesure avait consisté à mobiliser des autorisations d'engagement (AE) pour acquérir six avions multirôles Dash, pour un total de 380 millions d'euros. L'ensemble du marché est aujourd'hui totalement engagé et les premières dépenses réalisées. Le premier avion sera livré dans le courant du premier semestre 2019 et pourra être engagé dès la saison des feux de l'année prochaine. Les autres avions seront livrés chaque année jusqu'en 2022.
L'année 2019 sera consacrée à la poursuite de la modernisation des moyens nationaux, avec 4,8 millions d'euros de crédits supplémentaires. Les moyens du service de déminage seront augmentés, de même que le budget d'investissement des formations militaires de la sécurité civile.
Par ailleurs, le budget consacré au maintien en condition opérationnelle (MCO) des aéronefs et hélicoptères de la sécurité civile est maintenu. Ce budget, qui s'établit à 65 millions d'euros, avait été revu à la hausse en 2018 pour tenir compte de l'augmentation de l'activité opérationnelle des moyens aériens de la sécurité civile. Si la saison des feux a été fort heureusement moins rude que celle de l'an passé, avec une vingtaine de missions contre plus de 200 l'an dernier, notre flotte doit cependant être maintenue aux meilleurs standards opérationnels car le risque est permanent et peut retrouver un niveau élevé l'année prochaine.
Le budget de la sécurité civile tient également compte de la nécessité d'anticiper les évolutions que nous connaissons, et notamment les crises de demain, par la conduite de projets structurants et d'investissement qui doivent s'inscrire dans le temps long. C'est pourquoi nous poursuivons l'équipement des départements en système d'alerte et d'information des populations (SAIP), que nous continuons à raccorder les nouveaux SDIS au réseau radio numérique des services de secours (ANTARES), et que nous engageons la phase opérationnelle du chantier du système unifié de gestion des appels d'urgence NexSIS en mobilisant 10 millions d'euros sur ce sujet.
Par ailleurs, en mobilisant les moyens du « plan 10 000 », c'est-à-dire 10 000 recrutements, les effectifs du programme sont en augmentation sur des activités essentielles au bon fonctionnement du service.
Je conclurai mon propos en évoquant la sécurité routière. Chacun connaît l'objectif : partout où la sécurité routière peut sauver une vie, c'est une famille, une histoire, un quartier, un village, un immeuble que nous préservons. C'est aussi un traumatisme physique que nous épargnons. Il est donc important que nous ayons dans ce domaine un budget à la hauteur des enjeux qui sont essentiels. À cet égard, le projet de loi de finances pour 2019 permettra d'assurer le financement des mesures décidées lors du comité interministériel de sécurité routière du 9 janvier dernier, qui visent à nous permettre de faire baisser la mortalité routière en deçà de 2 000 morts par an – il y en a actuellement plus de 3 500. La principale évolution concerne non pas tant le programme 207 « Sécurité routière » qui regroupe essentiellement les moyens de l'administration et ceux dédiés à la communication, mais l'utilisation des recettes du compte d'affectation spéciale « Radars ». Deux évolutions seront à cet égard notables en 2019.
D'abord, les recettes de la section affectée au financement des structures et dispositifs de sécurité routière augmentent de 32 millions d'euros, après une première augmentation de 58 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2018. Dix millions d'euros viendront abonder le budget de l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) dans le contexte de développement des PV électroniques et de la mise en place du forfait post-stationnement. 10 millions d'euros seront consacrés à l'externalisation de la conduite des véhicules radar dans trois nouvelles régions en 2019, après la Normandie, la Bretagne, le Centre-Val-de-Loire et les Pays-de-la-Loire. Six millions d'euros permettront de porter le parc de radars automatiques à 4 700 à la fin 2019. Le solde des moyens complémentaires viendra financer la modernisation du système national du permis de conduire, des projets de recherche en matière de sécurité routière, ainsi qu'un fonds de soutien à l'innovation.
Ensuite, les mesures d'accompagnement de la diminution de la vitesse autorisée sur le réseau national secondaire seront financées dans les termes arrêtés et annoncés par le Premier ministre au mois de janvier dernier. Dix millions d'euros de recettes « amendes radar » seront mobilisés pour financer le coût des changements de panneaux de signalisation pour les collectivités gestionnaires de voirie. Les collectivités concernées pourront financer ces équipements auprès des préfets. En outre, 26 millions d'euros, c'est-à-dire l'équivalent de 660 000 contraventions correspondant à l'estimation faite du surcroît de recettes « amendes radar » qui résultent de la mesure « 80 kilomètres heure », seront affectés exclusivement au financement des établissements de soins prenant en charge des accidentés de la route. C'est un engagement du Premier ministre et que nous tenons, bien évidemment.
Voilà, mesdames, messieurs les députés, ce que je retiens du budget de la mission « Sécurités » qui est en tous points un très bon budget, matérialisant combien la sécurité compte, pour la seconde année consécutive, parmi les priorités de ce Gouvernement et qui s'inscrit dans une volonté affirmée, qui ne remonte pas à ce quinquennat, de doter de moyens nos forces de sécurité. Je crois que ce qui mobilise chacune et chacun ici, c'est l'exigence des attentes de nos concitoyens et d'y répondre au quotidien de la meilleure façon possible.
La trajectoire de hausse du budget de la police et de la gendarmerie dans le cadre du quinquennat se traduit dans le projet de loi de finances pour 2019 par une augmentation sensible des moyens financiers et des effectifs. Les engagements sont donc tenus.
Les renforts nets d'effectifs s'élèvent à 1 735 éléments pour la police nationale et à 634 pour la gendarmerie. Les crédits de paiement sont également en nette hausse, de 172 millions d'euros pour la police sur le programme 176, et de 180 millions d'euros pour la gendarmerie sur le programme 152. Comme l'année dernière, cette augmentation est plus particulièrement fléchée sur l'immobilier et les moyens roulants.
Concernant les moyens roulants de la police, le renouvellement du parc automobile vieillissant fait l'objet d'un effort important cette année. L'objectif de renouvellement est fixé à 3 000 véhicules, contre 2 500 véhicules l'année dernière, ce qui représentait déjà en 2018 un effort important par rapport aux années précédentes.
L'année 2018 a été marquée par un effort substantiel des opérations immobilières, et l'année 2019 permettra le lancement d'opérations nouvelles soutenues au même rythme – environ 105 millions d'euros en autorisations d'engagement. Les crédits consacrés à la maintenance immobilière s'élèvent à 60 millions d'euros.
Pour ce qui concerne le plan d'action contre le terrorisme (PACT) présenté récemment par le Premier ministre, les services de renseignement et de police judiciaire seront aussi dotés d'effectifs et de moyens nouveaux : 270 emplois et 20 millions d'euros de mesures nouvelles pour la DGSI, dont 13,7 millions d'euros dédiés aux systèmes d'information, 34 emplois pour le service central du renseignement territorial, et 46 emplois pour la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) affectés à l'antiterrorisme.
Le plan de réhabilitation immobilière de la gendarmerie se poursuit en 2019, et les crédits sont en forte hausse. Ils permettront la réhabilitation de près de 4 000 logements. La sécurité des casernes fait l'objet d'un effort particulier de 15 millions d'euros.
Le renouvellement du parc automobile de la gendarmerie fait pour sa part l'objet de l'acquisition de 2 800 véhicules. Dans le même temps, les saisies effectuées dans le cadre de procédures judiciaires ont permis en 2018 d'affecter à la gendarmerie environ un millier de véhicules supplémentaires. La gendarmerie expérimentera, à partir du 1er janvier 2019, la location avec option d'achat de 400 véhicules affectés à la Garde républicaine. Cette expérience intéressante est à suivre.
Cet effort, qui s'inscrit dans la continuité du précédent budget voté par la majorité, doit être salué. Votre rapporteur pour avis souligne cette mobilisation budgétaire qui devrait être perçue, non comme une fin mais bien comme un moyen d'améliorer les réalités opérationnelles que vivent les agents de terrain. Cette valorisation du potentiel opérationnel exceptionnel des policiers et des gendarmes leur est due, pour le bénéfice de la population.
Cette année, nous nous sommes plus particulièrement intéressés au cas de la police technique et scientifique (PTS), en forte progression avec les avancées de la recherche génétique qui sont appliquées aux enquêtes judiciaires. L'organisation de notre PTS est complexe en raison d'une pluralité d'acteurs : l'Institut national de la police scientifique pour la police nationale, le service central de la police technique et scientifique pour la police nationale, l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, le service régional de l'identité judiciaire pour la préfecture de police. Vous l'avez compris, un effort de rationalisation est nécessaire.
Comme l'année dernière à brève échéance, votre rapporteur recommande une nouvelle fois d'amplifier la rationalisation de la gouvernance en confiant au service central de la police technique et scientifique une véritable autorité hiérarchique sur l'ensemble des services de la PTS de la police nationale. Mais l'objectif final à l'échelle du quinquennat, et si possible avant, reste l'intégration aussi rapide que possible des structures existantes de la police et de la gendarmerie nationales au sein d'une grande direction commune de la PTS qui est aussi suggérée par la Cour des comptes. D'où ma première question : monsieur le ministre, envisagez-vous une telle direction et, le cas échéant, dans quel délai ?
Au-delà de la PTS, cette démarche doit être étendue à tous les secteurs de la sécurité intérieure. Votre rapporteur relevait dans son rapport pour avis l'année dernière qu'en région parisienne, du fait de la dualité des polices entre la préfecture de police et la direction générale de la police nationale, la continuité et l'efficacité opérationnelle sont tributaires d'échelons de coordination multiples et, par voie de conséquence, faillibles et dépensiers en énergie et effectifs. Cette situation, qui nuit à l'efficacité opérationnelle des agents, demeure.
En matière de sécurité publique et d'ordre public, dans le secteur géographique de la préfecture de police où les effectifs sont nombreux et les problématiques parisiennes particulières, la coordination zonale actuelle apparaît satisfaisante. En revanche, dans les autres domaines, votre rapporteur pour avis préconise l'intégration aux structures centrales de la direction générale de la police nationale (DGPN) de plusieurs services spécialisés de la préfecture de police. En matière de police judiciaire, la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) pourrait être intégrée à la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). En matière de renseignement, la direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP) pourrait être intégrée pour partie à la DGSI et pour une autre partie au service central du renseignement territorial (SCRT). Pour les unités d'intervention, la brigade de recherche et d'intervention (BRI) pourrait être intégrée au RAID – Recherche, assistance, intervention, dissuasion. Enfin, en matière de lutte contre l'immigration clandestine, la sous-direction de la lutte contre l'immigration irrégulière (SDLII) pourrait être intégrée à la police aux frontières (PAF).
Monsieur le ministre, quels transferts de la préfecture de police à la DGPN le Gouvernement peut-il envisager ?
Votre rapporteur préconise qu'une réflexion soit engagée pour la constitution de centres de commandement départementaux communs aux forces de police et de gendarmerie, comme nous le préconisions déjà dans le rapport que nous avons remis au Premier ministre avec ma collègue Alice Thourot. Notre objectif est de permettre de récupérer des effectifs et d'être plus opérationnels dans le traitement des interventions pour rendre un meilleur service à la population. D'où ma question : envisagez-vous la constitution au niveau départemental de centres de commandement communs aux deux forces ?
Concernant les forces nationales d'intervention spécialisées, votre rapporteur pour avis réitère sa proposition déjà formulée l'année dernière d'un commandement unifié du RAID et du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN). Ce commandement unique permettrait de mettre un terme définitif aux conflits de compétences et de rationaliser là aussi les effectifs et les dépenses. Monsieur le ministre, envisagez-vous une telle organisation et, le cas échéant, dans quel délai ?
Vous l'aurez compris, la clé de voûte de cet avis tient à la réorientation des personnels opérationnels vers leur coeur de métier. Pour cela, il nous faut aussi accélérer le transfert et la suppression des missions périphériques et autres tâches indues qui détournent un nombre encore trop important de policiers et de gendarmes de leurs missions prioritaires. Or il n'a été constaté que peu d'évolution dans ce domaine depuis un an, en particulier concernant la garde statique des bâtiments publics, et surtout la gestion des procurations électorales qui vont être un problème dans l'année à venir. Mon collègue Fabien Matras développera cet aspect, mais il me tient à coeur de vous préciser que des solutions de recours à la sécurité privée pourraient être mises en oeuvre ; nous l'avons évoqué, Alice Thourot et moi-même, dans notre rapport.
Par ailleurs, la substitution de personnels administratifs, techniques et scientifiques aux personnels actifs doit se poursuivre sur les fonctions support afin de libérer des personnels actifs pour les missions opérationnelles. L'objectif du plan de substitution de personnels administratifs aux personnels des corps actifs sur les fonctions de soutien est par ailleurs reconduit en 2019. Le rythme de 500 pour la police nationale et de 300 pour la gendarmerie nationale, chaque année, jusqu'à la fin du quinquennat, se heurte à un problème de recrutement, en particulier sur la région parisienne, ce que le préfet de police a soulevé lors des auditions. Le cas échéant, monsieur le ministre, quels recrutements d'agents administratifs envisagez-vous spécifiquement en région parisienne ?
Le rapporteur pour avis se félicite de la trajectoire très favorable du budget actuel des forces de police et de gendarmerie nationales. Il demeure cependant persuadé que les quelques pistes de réforme soulevées ici seront de nature à favoriser la cohésion opérationnelle des diverses forces de sécurité intérieure et à dégager, à budget constant, de très nombreux équivalents temps plein travaillé (ETPT) qui pourront utilement renforcer la police de sécurité du quotidien, projet majeur du quinquennat dans le domaine de la sécurité.
Je vous remercie, madame la présidente, de nous accueillir, M. Grau et moi-même, dans votre commission.
Monsieur le ministre, permettez-moi tout d'abord de vous adresser mes félicitations pour votre prise de responsabilités. Le rapport spécial que Romain Grau et moi-même vous présentons concerne les programmes « Police nationale », « Gendarmerie nationale » et « Sécurité et éducation routières » ainsi que le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
J'aborderai tout d'abord le montant et la ventilation des crédits sur lesquels le Parlement est appelé à se prononcer. Nous saluons la trajectoire de la mission qui sera dotée en 2019, fonds de concours et attribution de produits compris, de 21 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 20,17 milliards en crédits de paiement, soit une hausse de 2,1 %. Cette augmentation marque la détermination absolue du Gouvernement pour la protection des Français sur un large spectre allant de la sécurité du quotidien à la lutte contre le terrorisme, en passant par les accidents de la route.
Par ailleurs, comme l'a rappelé Jean-Michel Fauvergue, 2 260 emplois seront créés. Cet effort est coûteux mais indispensable. En effet, la progression des crédits et des effectifs se fait exclusivement au bénéfice d'activités opérationnelles et s'appuie sur des gains d'efficience structurels. Nous nous réjouissons également de constater dans ce projet de loi de finances les engagements du Premier ministre qui ont donc été tenus sur les recettes résultant de la mesure des 80 kilomètres-heure qui a créé tant d'émoi dans cette assemblée.
Dans le double contexte du maintien de la menace terroriste à un niveau élevé et de la mise en place de la police de sécurité du quotidien, ce budget appelle de notre part quatre séries d'observations sur lesquelles nous souhaitons que le Gouvernement nous donne des précisions. J'en évoquerai deux avec vous, les deux autres étant abordées par mon collègue Romain Grau.
S'agissant des ressources humaines, avec le plan de recrutement, les questions récurrentes de la formation initiale et continue et du temps de travail se posent de manière plus aiguë. Que prévoyez-vous, monsieur le ministre, pour assurer un repyramidage des corps optimal, en veillant à la fois à renforcer le taux d'encadrement des commissaires et des officiers et en offrant à chacun des perspectives de carrière, par exemple en confortant le rôle des fonctionnaires de la filière d'investigation ?
Quelles mesures comptez-vous prendre, et dans quel délai, pour assurer la pleine effectivité des droits des policiers nationaux à percevoir l'allocation spécifique d'ancienneté (ASA), en levant l'obstacle de l'interprétation par l'administration du principe de prescription quadriennale et en assurant un traitement égal des agents sur l'ensemble du territoire ?
Les policiers et gendarmes effectuent des missions à titre périphérique, mais ils rencontrent aussi des difficultés dans leur champ de compétence propre. Quand les forces de l'ordre verront-elles des progrès substantiels s'agissant des tâches indues réalisées par carence d'autres administrations, dont souvent celles du ministère de la justice et du ministère des solidarités et de la santé ?
Nous avons choisi de considérer comme fil rouge de notre mission de rapporteurs spéciaux, tout au long du quinquennat, le suivi des avancées en matière de renouvellement de la flotte automobile et d'amélioration continue du parc immobilier de la police et de la gendarmerie nationales. Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, il n'est pas admissible que les femmes et les hommes qui nous protègent travaillent dans des locaux et avec des matériels parfois proches de la vétusté. Serait-il possible de faire le point sur les expérimentations en matière de leasing, s'agissant des véhicules ? Êtes-vous favorable à la généralisation de cette méthode ? Par ailleurs, comment avez-vous prévu de concilier la création d'une direction centrale des achats, que vous évoquiez dans votre propos, avec la déconcentration des crédits pour les travaux du quotidien en ce qui concerne l'immobilier ?
Nous savons tous que les nouvelles technologies doivent faciliter tant la relation aux citoyens que la lutte contre la cyberdélinquance et la cybercriminalité, en passant par la modernisation des outils quotidiens des agents du ministère de l'Intérieur. On constate que les policiers et les gendarmes français innovent de manière permanente et spectaculaire. Prévoyez-vous de valoriser les inventions de logiciels développés en interne par des femmes et des hommes de la direction générale de la police nationale (DGPN) et de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), comme la plateforme de gestion des situations exceptionnelles « 36 crise », y compris en faisant breveter ces pépites pour les vendre ou les louer à des sociétés privées en inversant la logique qui prévalait bien souvent et conduisait l'État à payer faute d'avoir investi ?
Pour conclure, les deux rapporteurs spéciaux que nous sommes ne peuvent que se féliciter de la trajectoire budgétaire des programmes que nous avons étudiés et qui incarne la priorité donnée par le Gouvernement à la sécurité du quotidien de nos concitoyens.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous féliciter pour votre nomination et vous souhaiter pleine réussite dans cette mission ô combien difficile et exigeante pour la protection de nos concitoyens.
Mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter le rapport pour avis de notre commission sur le programme « Sécurité civile ». Le budget de la sécurité civile reste stable cette année, avec une augmentation de 6,5 millions d'euros de crédits de paiement, soit une hausse de 1,2 % qui ne correspond pas à l'augmentation de l'inflation – c'est pour cela que j'évoque ce point de stabilité. Il comporte des éléments positifs que vous avez rappelés, monsieur le ministre, notamment la mise en oeuvre, même si elle a été retardée puisque nous l'avions déjà annoncée l'année précédente, du renouvellement progressif de la flotte d'avions bombardiers d'eau et le financement de la nouvelle agence du numérique de la sécurité civile. Pour ces raisons, j'aurai l'honneur d'émettre un avis favorable sur les crédits de ce programme.
Néanmoins, je veux exprimer des inquiétudes quant à la pérennité de notre modèle de sécurité civile. Des menaces de diverses natures apparaissent qui risquent, si nous n'y prenons garde, de mettre en péril un modèle qui a témoigné de son efficacité, qui a fait ses preuves et qui, je crois, constitue une véritable référence internationale. Ces menaces sont liées à l'évolution des missions de nos sapeurs-pompiers. En 2017, les sapeurs-pompiers ont effectué plus de 4,6 millions d'interventions, dont 84 % relèvent de missions de secours à personne. Le nombre d'interventions de secours à personne a augmenté de 40% au cours des dix dernières années. Le nouveau président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, le colonel Grégory Allione, a pris pour référence les deux coupes du monde de football que nous avons remportées pour indiquer que, par rapport à 1998, les sapeurs-pompiers ont fait en 2018 près d'un million d'interventions supplémentaires. Pour prendre toute la mesure de cette augmentation, il faut être conscient qu'elle est due à l'affaiblissement du maillage territorial du système de santé,…
… à la diminution de la présence médicale dans certaines zones, notamment dans nos zones rurales, mais aussi dans certains quartiers. Les sapeurs-pompiers sont le dernier point d'appel face à la défaillance d'un système de santé que nous rencontrons, hélas, depuis trop longtemps. C'est un problème national, mais nous devons mesurer la dégradation rapide de ce maillage territorial.
Les pompiers sont aujourd'hui devenus une variable d'ajustement, voire un dernier recours, et ils sont par conséquent plus exposés, comme nous l'avons hélas vu récemment, à des comportements agressifs et violents de personnes en situation de fragilité sociale et souvent psychologique ou psychiatrique.
Dans ce rapport, je me suis tout particulièrement intéressé cette année aux agressions que subissent les sapeurs-pompiers en intervention. Leur nombre a été multiplié par deux et demi en dix ans. D'après les dernières données de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), près de 2 300 sapeurs-pompiers ont déclaré avoir été victimes d'une agression en cours d'intervention en 2016, soit une augmentation de 18 % par rapport à 2015. Ces faits sont d'autant plus insupportables que derrière la vie des sapeurs-pompiers, c'est aussi celle des victimes qu'ils prennent en charge qui est mise en cause et menacée. Les agressions génèrent des blessures physiques, psychologiques, des arrêts de travail et des dommages matériels qui affectent l'ensemble de l'organisation des secours dans notre pays et présentent un coût majeur pour la collectivité, deuxième menace pour notre modèle de sécurité civile.
Pour répondre à cet intolérable accroissement des violences, il me paraît indispensable d'approfondir la coordination opérationnelle – nous l'avons évoquée avec le directeur général de la police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale que je remercie personnellement pour leurs auditions – entre les sapeurs-pompiers, la police et la gendarmerie dans le cadre des protocoles opérationnels départementaux. Le récent décès d'un sapeur-pompier de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, auquel je veux rendre hommage, en pensant à sa famille, a mis en lumière les limites de ces protocoles dans le cadre des interventions de secours et de transport de personnes alcoolisées notamment, ou de personnes sous l'emprise de stupéfiants ou présentant des fragilités psychologiques. En cas de prise en charge de ce type de profil extrêmement sensible, l'accompagnement des sapeurs-pompiers par les forces de l'ordre devrait être systématique, notamment lors de la phase de transport de la personne entre le lieu de sa prise en charge et l'unité de soins.
Il apparaît également nécessaire de créer un corps de doctrine commun pour les formations aux techniques de négociation et de défense mises en oeuvre en partenariat avec la police et la gendarmerie.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer le degré d'avancement de la réflexion du Gouvernement sur la mise en place de plateformes uniques de réception des appels d'urgence et sur la généralisation d'un numéro unique d'appel d'urgence ? Nous en parlons depuis des années. Cette coordination, cette centralisation des appels est plus que jamais d'actualité, notamment eu égard à ces exigences de sécurité, et nous attendons des avancées conséquentes.
D'après l'ONDRP, seuls 60 % des sapeurs-pompiers ayant déclaré une agression en 2016 ont déposé plainte, un taux qui demeure très insuffisant. Je m'étonne par ailleurs du faible nombre de condamnation – 193 en 2006 –, au regard du nombre de plaintes déposées – 1 300 pour la même année –, soit à peine un taux de condamnation de 14 %. Ce type d'infraction, d'une particulière gravité, devrait toujours faire l'objet d'une poursuite devant une juridiction de jugement.
Enfin, monsieur le ministre, il est injustifiable que les outrages soient sanctionnés par des peines plus légères lorsque les victimes sont des sapeurs-pompiers que lorsque ce sont des policiers ou des gendarmes. Il me paraît nécessaire d'étendre l'aggravation de peine prévue par l'article 433-5 du code pénal aux outrages envers les sapeurs-pompiers.
La sécurité des sapeurs-pompiers dépend également de la sécurité juridique de leur organisation. Or, et c'est le troisième risque que je veux pointer dans ce rapport, le modèle français de sécurité civile est aujourd'hui directement menacé par l'application aux sapeurs-pompiers volontaires de la directive européenne sur le temps de travail, à la suite de l'arrêt « Matzak » de la Cour de justice de l'Union européenne – du nom d'un sapeur-pompier volontaire belge qui contestait l'organisation de son travail – qui a reconnu la qualité de travailleur aux sapeurs-pompiers volontaires. Cela nous inquiète au plus haut point.
Votre prédécesseur s'était engagé, le 29 septembre dernier, à demander une renégociation de la directive européenne sur le temps de travail, pour qu'elle reconnaisse les spécificités du volontariat français. Si l'on ne fait rien pour prévenir les conséquences de l'arrêt « Matzak », on ne pourra plus avoir dans notre pays de sapeurs-pompiers volontaires qui soient, par ailleurs, salariés. C'est une menace extraordinairement préoccupante dont il faut aujourd'hui, monsieur le ministre, vous saisir avec toute l'énergie qui convient.
Nous vous demandons de vous engager, vous aussi, à oeuvrer rapidement auprès des institutions européennes afin de faire modifier cette directive. Sans doute serait-il d'ailleurs plus simple de procéder à la rédaction d'une nouvelle directive, qui exonère les services de secours de l'application des critères liés à l'organisation du temps de travail et à la qualification salariale.
Je souhaite enfin évoquer la question de la gratuité des autoroutes pour les véhicules d'intérêt général prioritaires en intervention, notamment ceux des sapeurs-pompiers, de la police, de la gendarmerie et des services d'aide médicale urgente (SAMU). Et je voudrais pousser un cri de colère : l'année dernière, nous avions décidé à l'unanimité de cette gratuité. Or aujourd'hui, monsieur le ministre, rien n'a changé !
La loi que nous avons votée n'est toujours pas appliquée. Pourtant, les sommes en cause, soit 30 millions d'euros par an, sont modiques, comparées au chiffre d'affaires des sociétés concessionnaires d'autoroutes, qui est de 10,2 milliards d'euros, et à leur bénéfice, qui est de 4 milliards. Monsieur le ministre, ces sociétés refusent de faire un geste à l'égard des véhicules de secours. C'est totalement scandaleux ! Face aux lobbies financiers, je vous demande d'agir très vite !
De nombreuses questions ont été posées sur ce sujet d'importance, qui nous rassemble tous.
Je vais commencer par les questions de M. Fauvergue sur la nécessité d'une approche mutualisée entre police et gendarmerie en matière de police technique et scientifique. Cela ne doit pas faire de débat. Ce doit être une exigence.
Nous avons demandé que soit poursuivi le processus de mutualisation. Des actions ont déjà été engagées, comme la rationalisation de l'implantation des plateaux techniques de révélation des traces papillaires, avec l'objectif d'une centaine de plateaux pour les deux forces, comme le préconisait d'ailleurs la Cour des comptes, ou la recherche de l'interopérabilité des deux forces et le partage des savoir-faire et des formations. Des spécialisations techniques pourront être envisagées pour les activités à faible sollicitation. Je ne vais pas les citer, mais vous les connaissez, et il est nécessaire qu'on travaille sur cette interopérabilité.
La feuille de route conjointe à la police et à la gendarmerie nationales a été élaborée et signée par les deux directeurs généraux ici présents en mars 2018, pour amorcer cette convergence souhaitée.
La convergence s'organise, elle progresse pas à pas, et je maintiendrai la pression pour y parvenir. Mais je crois avant tout au rapprochement des pratiques et des cultures professionnelles, ainsi qu'à la mutualisation des capacités qui me semblent produire des effets plus durables qu'une simple réorganisation des services. Et je sais pouvoir compter sur celles et ceux qui m'entourent pour pouvoir avancer en ce sens.
S'agissant des transferts de services spécialisés, je dirai que l'exigence de résultats probants en matière de sécurité sur la plaque parisienne est forte. Elle est essentielle, elle est demandée par tous et c'est légitime, en raison de la densité de population dans cette zone, mais aussi parce que celle-ci abrite le coeur des institutions de notre République. La DGPN, la DGSI, le préfet de police y concourent, sous l'autorité du ministre de l'Intérieur.
Est-ce qu'une banalisation, au sens de l'organisation actuelle, rendrait la préfecture de police plus efficace et plus efficiente, que ce soit en matière de sécurité ou d'ordre public, de police judiciaire, de renseignement ou de lutte contre l'immigration irrégulière ? Je vous le dis sans gêne : la question mérite d'être posée. C'est un chantier que nous allons ouvrir avec Laurent Nuñez, sans a priori, mais aussi sans parti pris de normalisation. La normalisation n'est pas un objectif en soi, mais nous ouvrons ce chantier et nous allons avancer en la matière. Nous reviendrons pour échanger, si Mme la présidente nous y invite, au moment où nos réflexions seront un peu plus affinées.
Faut-il un commandement unique des forces d'intervention ? Après les attentats terroristes de l'année 2015, quatre nouvelles directions ont été données, avec le Schéma national d'intervention des forces de sécurité : une meilleure couverture du territoire pour réduire les délais d'intervention ; la création des antennes du RAID et du GIGN en métropole comme outre-mer ; l'optimisation des moyens à travers le recensement et l'évaluation des capacités rares dont dispose chacune des entités d'intervention spécialisée ; l'adoption d'une procédure d'urgence qui autorise l'unité disponible la plus proche à intervenir hors de sa zone de compétence en cas de péril immédiat, et en cas de crise majeure, la mise en place d'un commandement des opérations d'intervention spécialisée.
Comment faut-il faire évoluer ce dispositif ? Là encore, je suis par principe favorable à tout ce qui pourra être fait pour améliorer la coopération opérationnelle entre nos forces d'intervention et, in fine, pour la sécurité des Français. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé aux différentes directions générales de ne pas hésiter à me faire des propositions sur les adaptations qu'elles jugeraient pertinent d'apporter à notre dispositif.
L'arrivée d'un nouveau ministre doit permettre une mise à plat, pour évaluer, décider, changer. Mais je ne souhaite pas changer pour changer parce qu'il y aurait un nouveau ministre. Je ne pratique pas cette culture assez classique, qui amène le ministre à considérer que son successeur est un usurpateur et, accessoirement, son prédécesseur un incompétent. Je pense qu'il faut nous inscrire dans la logique de la force du ministère de l'Intérieur qui, bien évidemment, dépasse la qualité de ceux qui le dirigent comme ministres. J'examinerai, le cas échéant, dans un double souci d'efficacité et de pragmatisme, chacune des propositions.
Plusieurs d'entre vous ont abordé la question, évidemment majeure, des tâches indues. Il faut réduire celles-ci pour donner des capacités opérationnelles aux forces de sécurité. C'est un axe fort de la police de sécurité du quotidien.
Certaines missions « périphériques » – sans jugement de valeur – ont déjà été réduites.
Les gardes statiques des policiers ont été considérablement réduites sous le ressort de la DGPN. Plus aucun tribunal de grande instance ne fait l'objet d'une garde statique. Seules vingt-quatre préfectures font encore l'objet d'une présence policière, et les travaux engagés par le ministère permettront de réduire encore ce format dans les mois à venir. Il en est de même pour les extractions judiciaires ; une instruction de la garde des Sceaux pose un certain nombre de principes en la matière.
Nous devrons réévaluer cette réalité en 2019, et ne pas hésiter à chercher les meilleures solutions pour limiter les tâches indues.
Vous avez pu noter que j'ai proposé que l'on mette fin à la sécurisation à vie des anciens ministres de l'Intérieur. Cela s'appliquera évidemment à celui qui vous parle à l'instant présent, sous réserve d'une évaluation du risque pour chacune et chacun d'entre eux dans la mesure où ce risque peut perdurer au-delà de cinq ans. Je propose qu'il soit mis fin à cet avantage qui accompagne le ministre de l'Intérieur tout au long de sa vie, même quand il ne l'a été que quelques semaines. Je pense que cela fait partie des tâches indues, et qu'il est essentiel de reconcentrer nos moyens sur la sécurité des Français.
Nous allons poursuivre en ce sens sur un certain nombre de points. On a parlé des procurations ; je pense que le dispositif de procuration électorale en ligne va alléger les forces de sécurité. Nous devons relancer notre réflexion avec le ministère de la santé, pour favoriser le déplacement des médecins dans les locaux de police et de gendarmerie plutôt que d'organiser des transports. Autant de sujets sur lesquels le chantier est engagé. Mais il faut rester vigilant, et je comprends parfaitement le sens de vos questions. Nous devrons effectivement, monsieur Fauvergue, nous rencontrer prochainement pour parler de la question des polices municipales et autres acteurs de la sécurité, soulevée dans le rapport que vous avez rédigé avec Mme Alice Thourot.
Vous avez évoqué la constitution de centres départementaux communs de la police et de la gendarmerie dans la gestion des appels. Je pense qu'il est essentiel que le ministère de l'Intérieur fasse d'abord avancer sa réflexion dans son propre périmètre – c'est la consigne que j'ai passée – pour poursuivre les travaux déjà engagés. Mais il faut aller au-delà et réfléchir à inclure le SAMU parce que l'on sait bien que l'équilibre de la répartition se détermine au moment de l'appel et que, de ce fait, il faut être particulièrement attentif. Un rapport d'inspection IGA-IGAS, qui traite de cette question, et notamment de l'articulation entre les SDIS et les SAMU, sera prochainement rendu. On compte dix-neuf plateformes communes 15-18, dont deux virtuelles, qui sont déjà en place, et sept autres en projet.
Je suis très favorable à cette démarche de mutualisation. Le ministère de l'Intérieur n'exclut pas de l'approfondir d'abord dans son propre périmètre et, pourquoi pas, dans un périmètre plus large. Mais attention aux fausses bonnes idées, qui fragiliseraient l'ensemble du système.
Madame Hai, si vous m'y autorisez, je vous enverrai par écrit quelques éléments plus précis sur les mesures prises pour assurer le renforcement des taux d'encadrement et conforter la filière d'investigation. Mais sachez d'ores et déjà que le renforcement des taux d'encadrement dans la police nationale est au coeur de la feuille de route sociale, que la structuration se fait autour du recrutement des commissaires, des officiers, des gradés et des gardiens, et qu'il est essentiel que nous rénovions en profondeur la structure de l'encadrement – pour répondre à votre préoccupation. Quelques mesures ont été prises, nous avancerons aussi sur ce sujet.
De la même façon, la filière d'investigation est de celles dont la feuille de route sociale a permis la valorisation. Je pense que cela va dans le bon sens.
Sur l'allocation spécifique d'ancienneté (ASA), le Conseil d'État a confirmé l'interprétation du ministère : la prescription quadriennale s'applique, et nous aurons provisionné 13 millions d'euros pour d'éventuels contentieux.
M. Grau m'a interrogé sur la création d'une direction centrale des achats, avec la décentralisation des crédits pour les travaux du quotidien et l'usage des cartes d'achat. L'idée est que ce service pilote les 3 milliards d'euros d'achats du ministère de l'Intérieur. Il regroupera tous ceux qui, au sein du ministère de l'Intérieur, exercent une fonction d'acheteur, soit 400 personnes. L'objectif est à la fois de professionnaliser la fonction tout en la rendant moins consommatrice de ressources humaines, mais aussi de réaliser des économies par la massification des achats, et de sécuriser les procédures en renforçant leur qualité. Mais je répète, et nous aurons l'occasion de travailler sur le sujet, que cette logique n'est pas incompatible avec la déconcentration des expressions de besoins ou des actes d'achat – sous réserve, bien sûr, d'un encadrement.
Vous m'avez posé une autre question, monsieur le député, sur la valorisation des inventions internes, y compris en termes de brevets. Vous le savez comme moi, le droit en matière d'inventions est très complexe. Un logiciel, notamment, n'est brevetable que sous certaines conditions qui ne sont pas toujours évidentes à remplir.
Dans l'optique d'une recherche de ressources complémentaires, les services mènent des études de brevetabilité qui consistent à apprécier le coût de la procédure par rapport aux perspectives de recettes qu'on peut attendre du brevet. Quand l'équilibre paraît positif, nos services s'y engagent. Mais il faut aussi mettre en parallèle notre volonté d'avoir une République numérique, et le fait que l'article 16 de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique pose comme principe que les services publics adhèrent au principe de la politique du logiciel libre. Si l'outil est utile pour l'ensemble de nos concitoyens, il ne faut pas chercher à le « privatiser » pour qu'il nous rapporte, puisque son meilleur rapport, c'est celui de son utilité.
Monsieur Ciotti, vous avez plaidé en faveur du modèle particulier de notre sécurité civile. S'il est un modèle que beaucoup de pays étrangers viennent observer, il est évident que nous devons le protéger.
Vous avez évoqué la question des transferts de charges et celle de la sécurité des interventions, à la fois pour la sécurité de celles et ceux qui sont accompagnés, mais aussi de nos sapeurs-pompiers eux-mêmes. Je vous répondrai de façon détaillée.
Pas moins de 610 faits d'agression sur nos pompiers ont été constatés au 1er octobre 2018. Je ne peux évidemment pas tolérer une telle situation. Je poursuivrai – et je demande à mes services de poursuivre – de façon déterminée la lutte contre ces agressions.
Ces agressions doivent être sanctionnées. Vous parliez d'un taux de plainte de 20 %. Il faut encourager, et des instructions seront données en ce sens, chaque femme, chaque homme qui, dans le cadre de ses fonctions, est victime d'une atteinte, à porter plainte pour que des sanctions puissent être mises en oeuvre. Il me faudra également discuter avec Mme la garde des sceaux des conditions de protection, y compris judiciaire, de celles et ceux qui servent chez nos sapeurs-pompiers et qui, en intervention, doivent être tout particulièrement protégés.
J'avais en tête que l'agression d'un pompier constituait une circonstance aggravante depuis la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique. Nous allons le vérifier. Mais ça n'est peut-être pas le cas pour les outrages. Mais s'il fallait renforcer le régime de protection en cas d'agression, et considérer que c'est une circonstance aggravante, je soutiendrai toute initiative parlementaire allant en ce sens.
Ensuite, au-delà de la sanction et de la menace judiciaire, qui est une façon de protéger aussi celles et ceux qui interviennent pour la sécurité civile, un plan d'action a été élaboré pour garantir la sécurité de nos sapeurs-pompiers, avec des protocoles opérationnels qui sont construits systématiquement au plus près du terrain pour prévenir les agressions, et selon les zones, avec des renforts, avec des accompagnements, de gendarmes, de policiers, partout où c'est nécessaire, dès que la situation l'exige.
Je voudrais aussi vous parler des caméras mobiles, dont l'expérimentation a été autorisée par la loi du 3 août 2018. Une quinzaine de SDIS se sont portés candidats pour équiper leurs hommes. Nous allons faire le test. Mais je suis convaincu, car ce sont les retours que nous en avons, que ce dispositif permet de faire baisser sensiblement la pression lors de situations tendues. Je ne peux donc que l'encourager.
Vous avez évidemment évoqué l'arrêt « Marzak » et les préoccupations qu'il a fait naître chez nos sapeurs-pompiers, mais aussi chez nous. Il est évident que nous devons nous battre ensemble pour préserver notre modèle.
Deux orientations au moins semblent envisageables pour prendre en compte les impacts de cette jurisprudence. La première est d'envisager la transposition de la directive de 2003 en exploitant toutes les facultés de dérogation prévues par le texte. La seconde consiste à engager une démarche auprès des autorités européennes pour obtenir une évolution de la directive, de manière à exclure de son champ d'application l'activité de sapeur-pompier volontaire. Je crois que la meilleure réponse correspond à une combinaison de ces deux orientations. Nous allons nous y engager totalement, et j'aurai besoin pour ce faire de l'expertise de certains d'entre vous. Aujourd'hui, 69 % de nos sapeurs-pompiers volontaires ont une activité salariée à côté. On voit quel peut être l'impact de cette jurisprudence, et la menace qu'elle fait peser sur notre dispositif de sécurité civile. Je serai à vos côtés et aux côtés de nos sapeurs-pompiers, totalement mobilisé, pour faire en sorte de préserver notre modèle.
Sur la gratuité de la circulation des véhicules de secours sur les autoroutes, je n'ai pas tous les éléments de réponse. Je vais regarder. Les services en mission pourraient disposer de télé-badges pour circuler rapidement, leur passage étant refacturé ultérieurement. Cela pose des problèmes juridiques et techniques, mais on va tenter de trouver des solutions.
Enfin, Monsieur Kamardine, soyez rassuré : à Mayotte, la police n'est pas dépourvue de moyens. Les dépenses de personnel ont atteint 2,4 millions d'euros en LFI pour 2018. Nous avons débloqué 340 000 euros de moyens supplémentaires en cours d'année, compte tenu des tensions que vous avez soulignées, et que personne ne conteste. Cela peut paraître insuffisant, mais c'est tout de même une augmentation significative, de 28 % par rapport à 2017. Je rappelle que 650 policiers sont mobilisés, soit deux fois plus qu'il y a dix ans, et que la loi de finances pour 2019 devrait nous permettre d'envoyer sur ce territoire 25 renforts supplémentaires. La gendarmerie est également accompagnée. Elle dispose de moyens positionnés à Mayotte, avec le 3e escadron de gendarmes mobiles qui sera maintenu sur place au moins jusqu'à la fin de l'année. Par ailleurs, 16 militaires supplémentaires rejoindront le territoire d'ici à 2019.
La réunion s'achève à 13 heures.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Ugo Bernalicis, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, M. Éric Ciotti, Mme Typhanie Degois, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Philippe Dunoyer, Mme Élise Fajgeles, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Marie Guévenoux, M. David Habib, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, Mme Alexandra Louis, M. Olivier Marleix, M. Fabien Matras, M. Jean-Michel Mis, Mme Naïma Moutchou, M. Stéphane Peu, M. Rémy Rebeyrotte, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Guillaume Vuilletet
Excusés. - Mme Huguette Bello, Mme Paula Forteza, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Marietta Karamanli, Mme Maina Sage, M. Arnaud Viala, Mme Laurence Vichnievsky, M. Jean-Luc Warsmann
Assistaient également à la réunion. - M. Romain Grau, Mme Nadia Hai, M. Guillaume Larrivé, M. Jacques Savatier