Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Réunion du jeudi 25 avril 2019 à 9h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • MNA
  • enfance
  • observatoire
  • protection de l'enfance
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La réunion

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Mission d'information de la Conférence des présidents sur l'aide sociale à l'enfance

Jeudi 25 avril 2019

La séance est ouverte à neuf heures quinze.

Présidence de M. Alain Ramadier, président de la mission d'information de la Conférence des présidents

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Mesdames, nous vous souhaitons la bienvenue. Nous sommes actuellement en période de vacances parlementaires, d'où le nombre restreint de députés aujourd'hui présents. Toutefois, nos auditions étant enregistrées, certains de nos collègues peuvent y assister à distance, et d'autres ne tarderont pas à arriver.

Chers collègues, nous recevons ce matin deux responsables du Groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED), représenté par sa présidente Mme Michèle Berthy et sa directrice générale Mme Violaine Blain. Le GIPED est financé par l'État et les départements. Il est composé de deux structures : le Service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger (SNATED), c'est-à-dire le numéro 119, dont nous avons compris qu'il pourrait être encore mieux connu des enfants concernés – nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir –, et l'Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE), représenté par sa directrice le docteur Agnès Gindt Ducros. Cet observatoire a été créé il y a une quinzaine d'années, pour collecter toutes les données relatives à la protection de l'enfance et informer les responsables chargés d'améliorer cette politique. Mesdames, je vous laisse la parole pour nous présenter vos missions, puis nous engagerons la discussion avec nos collègues.

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Michèle Berthy, présidente du Groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED)

Je vous remercie, monsieur le président. Je suis vice-présidente du GIPED, mais aussi vice-présidente du conseil départemental du Val-d'Oise, chargée de l'enfance et de la famille, et principalement de la protection de l'enfance. Je salue les parlementaires ici présents. Ils sont en petit nombre, et bien que cette audition soit enregistrée, je le regrette.

Contrairement au silence auxquelles les instances concernées, notamment le GIPED, sont habituées, la protection de l'enfance est récemment passée sous les feux des projecteurs et fait désormais l'objet de multiples réflexions et missions d'information au sein de différentes instances. Le GIPED est très surpris de voir sa mission passer sous les feux de l'actualité. Si, comme à mon habitude, je voulais être un peu provocatrice, je dirais qu'à un excès de silence succède un excès de bruit. Engagée dans cette mission depuis 2011, je constate que l'excès n'est pas la bonne méthode. Je m'excuse de débuter mon propos de la sorte ; cependant, cette précision est importante. Car ce sujet qui dépasse les clivages politiques, cette mission si noble et si importante ne méritent pas cet excès de bruit, qui n'est pas la bonne méthode non plus. Nous allons désormais essayer de remettre les choses en place, pour trouver le juste milieu.

Le GIPED est une instance paritaire, financée à 50 % par les départements et à 50 % par l'État. Tous les représentants de l'État siègent au conseil d'administration – éducation nationale, justice, gendarmerie, santé, jeunesse et sport, etc. – tout comme les départements et les associations. Le premier Service national d'accueil téléphonique de l'enfance maltraitée (SNATEM) mettait à disposition des enfants un numéro d'appel pour les protéger. Le SNATEM est ensuite devenu le SNATED, le fameux « 119 ». Par ailleurs, en 2004, a été créé l'Observatoire national de l'enfance en danger (ONED), qui est devenu l'ONPE. SNATED et ONPE ne constituent pas deux structures, mais plutôt deux services en interaction, qui se nourrissent l'un l'autre. Grâce au numéro 119, l'ONPE peut produire des statistiques, entre autres. Cette interactivité forte entre les deux services est un véritable soutien pour les départements ; grâce au conseil d'administration et au bureau, elle permet une bonne évaluation des politiques publiques, notamment pour la question si complexe de la protection de l'enfance.

Tous les départements ne travaillent pas de la même façon au regard de cette compétence, mais tous les départements ont à exercer cette compétence obligatoire. Je m'insurge contre le fait que, depuis le début de l'année, certains tapent systématiquement sur les départements, qui ne feraient pas leur travail de protection de l'enfance. Arrêtons ce « départements bashing », qui est excessif. Certes, les départements ne mènent pas tous cette politique de la même manière, mais il nous faut cesser un tel bashing. Ce n'est pas ainsi que nous règlerons les problèmes. C'est ensemble que nous définirons et mettrons en oeuvre les bons dispositifs. Il y en a, et ils fonctionnent ! Ainsi certains départements pourront aider ceux qui sont moins performants, notamment à cause de problèmes financiers. Il ne sert à rien de pointer du doigt systématiquement les départements et de dire qu'ils ne font pas leur travail. Voilà qui est excessif.

Je passe la parole à Mme Blain, qui vous présentera les structures plus techniques du GIPED.

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Violaine Blain, directrice générale du GIPED

Je vais vous présenter le numéro 119, tandis que Mme Gindt Ducros s'attachera à présenter l'observatoire. Je souscris aux propos de notre présidente, puisqu'une synergie a été créée entre les deux services, dans la mesure où le SNATED est particulièrement ancré dans des pratiques professionnelles en contact direct avec le grand public et les professionnels. Ce service public fonctionne 24 heures sur 24. Il appartient à ses missions historiques de définir des critères d'analyse et d'analyser de manière objective et statistique les différents types d'appels reçus, afin de bien connaître le public concerné. Voilà le début de notre histoire commune avec l'ONPE, sachant que le SNATED, qui a presque trente ans, lui est antérieur.

Nos quarante-cinq écoutants sont des professionnels de la protection de l'enfance : éducateurs spécialisés, psychologues, juristes, etc. Ils se relaient 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Le téléphone ne s'arrête jamais de sonner au 119. Ce numéro est accessible pour la métropole et pour les collectivités d'outre-mer, assurant ainsi la couverture la plus grande possible sur notre territoire français.

Le SNATED compte près de 400 000 appels entrants par an dans le service. Certains de ces appels ne sont pas directement destinés au 119, si bien que ce sont plutôt 250 000 appels qui sont prétraités par notre équipe de pré-accueil, qui assure un filtrage, et parfois, d'emblée, propose une réorientation. C'est par exemple le cas pour des personnes adultes, qui auraient subi des traumatismes dans leur enfance et nous appelleraient. Nous n'avons alors pas vocation à intervenir. D'autres personnes souhaitent en fait, par exemple, appeler le 115, si bien que 34 000 appels sont finalement transférés sur le plateau d'écoute, ceux qui concernent vraiment les missions de protection de l'enfance. Les professionnels de la protection de l'enfance mènent alors un entretien avec l'appelant. Dans ce cadre, trois missions dont dévolues au 119.

Le numéro 119 assume tout d'abord une mission de prévention. Nous apportons un conseil et une orientation, un soutien et un accompagnement pour toutes les situations d'enfance en danger, comme en témoigne notre slogan : « Enfants en danger ? Parents en difficulté ? Le mieux c'est d'en parler ! » Presque 30 % des appelants sont des parents qui nous demandent des conseils et un soutien.

Cette mission de prévention peut basculer vers une autre mission, celle d'une obligation de transmission. Quand le professionnel de l'écoute va identifier une situation de danger pour l'enfant, au titre de sa santé, de sa sécurité, de sa moralité ou de ses conditions d'éducation, il va rédiger une information préoccupante (IP), qui sera transmise dans la foulée à la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) du département de résidence de l'enfant. Cet envoi est dématérialisé, il a lieu dans l'heure qui suit, pour garantir la prise en charge des situations d'urgence.

Je souhaite m'arrêter sur ces situations d'urgence. Lorsque nous recevons un appel concernant un enfant en danger, il peut être dans une situation particulièrement critique, une situation de danger grave et immédiat. Nous appelons alors simultanément les services de premier secours – pompiers, police, service d'aide médicale urgente (SAMU) – pour qu'ils puissent intervenir in situ. L'année dernière, 250 appels ont donné lieu à une intervention immédiate auprès de l'enfant. Il s'agit soit de fugues – par exemple l'enfant est complètement perdu et demande de l'aide – ou de passages à l'acte très violents – l'enfant est par exemple reclus chez lui, ou une mère est sur le point de jeter son enfant par la fenêtre. Voilà le type de situations que nous pouvons rencontrer.

La troisième mission assignée au 119 est une mission d'information. Peut-être connaissez-vous nos affiches ? Leur affichage est obligatoire dans tous les lieux qui reçoivent habituellement des mineurs. Sont particulièrement visés les établissements scolaires. Nous envoyons tous les ans 120 000 affiches dans les 65 000 établissements scolaires de France et d'outre-mer. Nous avons aussi des conventions avec un certain nombre d'institutions et de ministères, dont le ministère des sports et la projection judiciaire de la jeunesse (PJJ) du ministère de la justice, pour que ces affiches figurent dans les lieux qui reçoivent des mineurs. C'est ainsi que ce numéro peut être connu et que les mineurs ont la possibilité de nous solliciter.

Nos chiffres pour 2018 ne sont pas encore consolidés, mais, pour 2017, nous avons ciblé 49 000 enfants. Grâce au travail de statistique mené par les écoutants, nous savons aussi que la majeure partie des situations recouvrent des situations de violence psychologique – quelle qu'elles soient, la plupart des situations présentent cette dimension, d'où un taux important de ce type de violences. Cependant, depuis deux ans, ce sont les situations de négligence qui sont les plus importantes. En troisième position viennent les violences physiques. La majeure partie des auteurs appartiennent au cercle intrafamilial, soit 90 % voire 95 % des situations.

Nous avons un accord avec les départements. Lorsque nous envoyons une information préoccupante, ils doivent nous rendre compte, dans les trois mois, des suites qui ont été données. Six situations sur dix indiquées par le 119 au département n'étaient pas connues au titre de la protection de l'enfance. Nous pouvons donc considérer que ce service assure un vrai repérage des situations. C'était sa vocation initiale, et je pense qu'elle est encore d'actualité.

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Agnès Gindt Ducros, directrice de l'ONPE

L'ONPE a été créé en 2004, par la loi, sous le nom d'Observatoire national de l'enfance en danger (ONED), nom qui est encore régulièrement employé, même si l'appellation actuelle est ONPE. L'observatoire a été créé à la suite d'un constat général de déficit, en termes de quantité comme de qualité, de données sur la protection de l'enfance. Il est crucial de disposer de données de qualité pour informer et comparer les données entre les conseils départementaux.

Trois missions ont été confiées à l'observatoire. La première mission est la mise en cohérence des données sur la protection de l'enfance. J'insiste sur les termes « mise en cohérence ». Il s'agit de collecter des données très diverses. Certaines sont transmises par les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) des conseils départementaux, dans le cadre du dispositif dit « Observation longitudinale individuelle et nationale en protection de l'enfance » (OLINPE). Ces données sont transmises aussi bien à l'observatoire départemental qu'à l'observatoire national, qui synthétise les données sur l'action de l'ASE à l'échelle des départements. La mise en cohérence concerne aussi d'autres données, qui émanent d'études, du monde de la recherche, du niveau international. Mettre en cohérence ces données nous permet de les faire parler, notamment pour des situations aussi complexes que celles de la protection de l'enfance. Toute donnée doit être liée à des connaissances déjà existantes, pour voir si elle les étaye ou les contredit.

L'ONPE dispose d'un conseil scientifique composé de vingt personnes, présidé actuellement par Mme Hélène Join-Lambert, maîtresse de conférence à l'université de Nanterre. Dix membres représentent des institutions commanditaires de recherches et dix autres membres sont des personnalités qualifiées, désignées pour leurs compétences en recherche sur la protection de l'enfance. Trois personnes travaillent à l'international : un pédiatre et pédopsychiatre marocain, un psychologue suisse et un professeur de droit suisse qui travaille en Allemagne. L'ONPE ne fait pas de recherche en propre, mais soutient financièrement des recherches sélectionnées, soutenues et validées par le conseil scientifique.

La deuxième mission de l'ONPE est la valorisation des pratiques et des interventions en protection de l'enfance. Cette mission constitue une part importante de notre travail. Nous nous déplaçons beaucoup dans les conseils départementaux, dans le secteur associatif et dans l'ensemble des structures de la protection de l'enfance. Nous visitons ce que nous appelons des « dispositifs », puis nous produisons des « fiches dispositifs », disponibles sur notre site internet, qui permettent de valoriser des structures et des services qui ont des pratiques et interventions que nous jugeons concluantes. Il s'agit du stade qui précède celui des bonnes pratiques. Désormais, c'est la Haute Autorité de santé (HAS) qui produit les recommandations de bonnes pratiques ; toutefois, avant de définir les bonnes pratiques, il faut repérer les pratiques concluantes. Si ces dernières sont transposables en d'autres lieux, elles peuvent ainsi être transformées en bonnes pratiques. C'est cette possible transposition qui constitue l'étape de la transformation des pratiques concluantes en bonnes pratiques. Nous travaillons très étroitement avec la HAS sur ces questions.

La troisième mission de l'ONPE est une mission de soutien aux acteurs, notamment d'animation des réseaux et des observatoires départementaux de la protection de l'enfance. Nous diffusons et valorisons nos travaux. Nos nombreux déplacements dans les départements nous offrent une vision très intéressante de ce qui se passe dans les conseils départementaux. Par exemple, lors de nos enquêtes flash, le taux de réponse à nos questionnaires atteint régulièrement 100 %.

Depuis 2004, ces trois missions ont le même objectif, améliorer la connaissance en protection de l'enfance, afin de mieux prévenir et prendre en charge les situations de la protection de l'enfance, dont nous savons qu'elles sont d'une extrême complexité.

Notre équipe est constituée de quinze personnes. Je suis moi-même médecin de santé publique et sociologue, et assure la direction de l'observatoire. Trois chargés de mission sont présents : deux sont mis à disposition par le ministère de la justice, une magistrate et une directrice de service de la PJJ, et une personne est en détachement des services de la cohésion sociale du ministère des solidarités et de la santé. Ces trois personnes connaissent très bien les missions de la protection de l'enfance et sont très polyvalentes ; leurs missions, très transversales, touchent à l'ensemble des dossiers de l'ONPE. Des chargés d'étude mènent, eux, un travail beaucoup plus vertical et spécialisé en fonction de leur discipline. Ils travaillent tantôt sur OLINPE, tantôt sur l'animation des observatoires, tantôt sur la réalisation d'études et d'enquêtes, etc. Ils sont statisticiens, démographes, sociologues et spécialistes en sciences politiques. S'ajoutent des fonctions support de rédaction et correction pour l'ensemble des travaux que nous publions, des fonctions de documentation et des fonctions de direction et d'assistance administrative. Le quinzième collaborateur est spécifiquement recruté pour l'accompagnement des conseils départementaux dans la mise en oeuvre du dispositif OLINPE, dispositif extrêmement compliqué, qui nécessite un accompagnement constant.

Quant aux partenariats – ce n'en est pas vraiment un, puisque nous appartenons à la même structure – nous travaillons étroitement avec le SNATED. Le SNATED est l'un de nos dispositifs de veille sur les évolutions de la protection de l'enfance et des formes de violence faites aux enfants. Son rôle est très important. En retour, nous mettons nos compétences statisticiennes à disposition pour le traitement des données. Nous travaillons beaucoup avec les autres services producteurs de données des ministères : la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des solidarités et de la santé, le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) du ministère de l'intérieur, et le ministère de la justice, services avec lesquels, chaque année, nous publions des chiffres clefs. Nous travaillons aussi très étroitement avec les conseils départementaux : avec les services de l'ASE et avec les observatoires départementaux de la protection de l'enfance.

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Je vous remercie. Madame la présidente, je tiens à vous rassurer. Notre mission d'information a pour objectif de voir ce qui se fait, de distinguer les bonnes et mauvaises pratiques et d'élaborer ensuite des propositions. Nous n'avons aujourd'hui absolument aucun a priori. Malgré les congés parlementaires, vous pouvez constater que de nombreux collègues sont présents. Nous sommes très attentifs à cette question, et nous souhaitons simplement faire avancer les choses. Si tout fonctionnait très bien, le sujet n'aurait pas été soulevé. Il est vrai, par ailleurs, que nous parlons souvent des trains qui arrivent en retard.

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Mesdames, je vous remercie pour vos présentations. Comme l'a très bien dit M. le président, nous souhaitons comprendre pourquoi certains enfants se développent correctement au sein de l'ASE, et pourquoi ce n'est pas le cas pour d'autres. Il s'agit bien d'un problème de système, et non de mettre en cause des personnes. Les résultats de cette politique ne sont pas très bons, que l'on considère le taux d'insertion de ces enfants, le taux de diplômés, etc. Le problème est réel.

Je viens du monde de l'entreprise. J'ai toujours dit, au début de chaque commission d'enquête ou aujourd'hui au sein de cette mission d'information, que le but est de trouver les solutions qui fonctionnent. Dans l'entreprise, nous parlons de « scénarios sur étagère », que nous allons chercher en fonction des besoins. Notre but est de trouver les mécanismes qui fonctionnent bien, les raisons et les clefs de la réussite, pour porter les bonnes pratiques auprès des départements. Il est juste de dire que certains sont plus impliqués que d'autres, et il nous faut impliquer davantage ceux qui le sont moins. Certains n'ont pas les compétences disponibles, au niveau politique ou même…

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Michèle Berthy, présidente du Groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED)

Ils n'ont pas les moyens !

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Je suis d'accord avec vous, mais ce n'est effectivement pas la seule raison. Il s'agit d'un tout. J'aurais plusieurs questions à vous poser. Docteur, je suis venu vous rendre visite, il y a quelques temps. Vous me disiez que les départements ne remontaient pas les données, et vous nous dites maintenant qu'ils le font à 100 % ?

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Agnès Gindt Ducros, directrice de l'ONPE

Non, madame la rapporteure, ce n'est pas ce que je voulais dire. Nous réalisons, en dehors du dispositif OLINPE, des enquêtes auprès des départements, par exemple pour savoir comment fonctionnent les observatoires départementaux de la protection de l'enfance (ODPE), quels sont les sujets qui les préoccupent, etc. Nous venons de publier un rapport intitulé « Penser petit » sur la question de l'accueil des enfants de zéro à six ans en protection de l'enfance. Nous avions mené une enquête auprès des conseils départementaux pour connaître les places en pouponnières au cours des deux dernières années. Ces enquêtes flash proposent des questions très ciblées, dont les réponses sont rapides à donner. Dans ce cas, nous obtenons un taux de réponse, à chaque fois, de 100 %, tout comme pour l'enquête sur les ODPE, qui est une enquête régulière.

En revanche, pour le dispositif OLINPE, nous en sommes loin ! 100 % reste toutefois l'objectif premier. Actuellement, 45 départements ont transmis au moins une fois un fichier dans le cadre du dispositif OLINPE. Ce dispositif n'a rien à voir avec une enquête, il s'agit d'un dispositif extrêmement complexe de surveillance épidémiologique – je suis désolée, je suis médecin de santé publique, j'utilise donc parfois des termes de santé publique qui ne sont pas les mêmes que ceux de l'ASE, j'en ai bien conscience. Ces systèmes d'observation sont très longs à mettre en place, avant qu'ils ne deviennent opérationnels. Nous sommes clairement en phase de construction.

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Je vous remercie pour ces précisions. J'entrevoyais d'immenses progrès en quelques semaines… ce n'est pas le cas, dommage ! (Rires.) Je n'ai pas eu le temps de consulter en entier votre actualité sur la population des enfants pris en charge en protection de l'enfance et les disparités départementales. Avez-vous détecté des disparités qui auraient un effet sur les bonnes et mauvaises pratiques de la protection de l'enfance ? Quant au suivi que vous effectuez, nous remarquons depuis 2010 une augmentation importante des mesures éducatives auprès des enfants. Cette augmentation était de 14 % en novembre, puisque nous sommes passés de 280 000 enfants suivis en 2010 à 321 000 enfants suivis actuellement. Quelles sont les causes ?

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Agnès Gindt Ducros, directrice de l'ONPE

Nous constatons très régulièrement l'augmentation des mesures éducatives. Plusieurs facteurs jouent. Le premier facteur, sur lequel nous ne pouvons rien dire de plus, est de savoir si le nombre de violences augmente ou non. Nous n'avons pas la possibilité de le savoir, car il faudrait pouvoir établir des comparaisons entre 2010 et maintenant selon les mêmes critères. En revanche, nous repérons mieux les situations, ce qui constitue un point extrêmement important. Nous améliorons la détection des enfants victimes de difficultés, qu'il s'agisse de violence, de négligence ou de carences éducatives. Ces faits sont sous-évalués, mais progressivement nous améliorons les dispositifs de repérage. Les professionnels sont de mieux en mieux formés et plus conscients des difficultés. Comme le disait Mme Berthy, malgré l'exposition médiatique actuelle de la question, nous avons pu constater une amélioration des pratiques, notamment des repérages. Le repérage étant meilleur, le nombre d'actions augmente mécaniquement. Il faut bien garder ce point à l'esprit : si nous repérons mieux, qu'aurons-nous à offrir ensuite aux enfants en termes de prise en charge et que proposerons-nous aux services pour qu'ils puissent travailler et répondre aux attentes des enfants et des familles ? L'utilisation des services est aussi meilleure. Enfin, le nombre de mesures éducatives augmente du fait du phénomène des mineurs non accompagnés (MNA), qui s'est accéléré depuis 2017 et qui constitue le principal facteur d'explication de cette hausse. Concernant les disparités, pourriez-vous, madame la rapporteure, me repréciser votre question ?

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Tout à fait. Que ressort-il de votre note sur les disparités départementales ? Avez-vous détecté des bonnes pratiques, des dysfonctionnements ? Qu'entendez-vous par le terme de « disparités » ?

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Agnès Gindt Ducros, directrice de l'ONPE

Il m'est un peu difficile de vous répondre, car la note est très factuelle ; elle fait un constat et présente des données. Les données montrent des disparités importantes entre les territoires. Quant aux phénomènes explicatifs, voilà une autre question, qui constitue un énorme travail de fond. Nous savons cependant que certaines pratiques sont différentes, comme les pratiques de placement. Le grand quart Nord-Est voit plus d'enfants placés que d'autres régions de France. Les facteurs explicatifs sont multiples : phénomène historique, pratiques habituelles, niveau de pauvreté des enfants – nous savons que la pauvreté des enfants a augmenté, et nous savons combien la vie dans des conditions de pauvreté peut mettre en cause les besoins fondamentaux de l'enfant. L'ASE adapte ses méthodes aux familles, mais aussi à la situation socioéconomique de l'enfant – qui relève plus de questions sociales – et à la présence ou non de violence – qui relève de problèmes intrafamiliaux. Les facteurs sont très différents et très variables : données socioéconomiques, données sociodémographiques, historiques, etc. Il m'est donc difficile de vous répondre. Nous travaillons avec certains conseils départementaux depuis longtemps – le Finistère, la Gironde –, qui présentent une organisation ancienne et des pratiques très intéressantes. La note d'actualité n'était pas le lieu de les présenter pour autant.

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Violaine Blain, directrice générale du GIPED

Une explication réside aussi, peut-être, dans l'organisation du maillage territorial et des différents dispositifs qui peuvent exister au sein des départements. Les pratiques sont différentes, comme cela est le cas pour la position de l'autorité judiciaire, qui se saisit ou non de certaines affaires. Les situations peuvent être différentes d'un parquet à l'autre, voire d'un tribunal pour enfant à l'autre. Nous constatons aussi des différences de maillage territorial pour les dispositifs de prévention, le maillage de l'action sociale ou celui de la protection maternelle et infantile (PMI). Il revient aux ODPE d'aborder ces questions par une bonne connaissance de la structuration du territoire et de la place de chacun des partenaires. Nous aurons bientôt des éléments de remontée à disposition, puisque des ODPE sont encore en cours de structuration. Nous pourrons bientôt agréger les données en une « photographie », qui nous fournira des éléments d'analyse.

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Michèle Berthy, présidente du Groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED)

Je voudrais aborder, si vous m'y autorisez, le problème des mineurs non accompagnés (MNA). Ce phénomène connaît une augmentation exponentielle pour les départements. Tous donnent l'alerte ! Il nous faut d'abord vérifier que ces MNA sont bien des mineurs, ce qui est très problématique. Les départements sont chargés de faire cette vérification. S'ils sont majeurs, leur situation ne relève plus des départements. Je parlais tout à l'heure de moyens… C'était à cela que je pensais ! Je ne pensais non pas à des moyens pour l'ASE proprement dite, mais pour les MNA. À titre d'exemple, le département du Val-d'Oise comptait 80 mineurs isolés en 2011, il en compte 1 700 aujourd'hui ! Voilà la situation. Le coût moyen de prise en charge dans une maison d'enfants à caractère social se situe entre 50 000 et 60 000 euros par an !

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Michèle Berthy, présidente du Groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED)

Mais oui, c'est la bonne question !

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Je vous demande si c'est la bonne réponse.

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Michèle Berthy, présidente du Groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED)

Dans tous les cas, c'est une vraie question pour tous les départements ! Ceux d'Île-de-France sont particulièrement concernés, mais pas seulement ! C'est toute la France qui est concernée ! Les MNA constituent une population que les départements ne savent pas forcément traiter. De plus, nos travailleurs sociaux sont mis à mal. Nous donnons l'alerte concernant les MNA depuis quatre ou cinq ans, puisque leur nombre augmente de façon exponentielle. La question des MNA a été évacuée – veuillez excuser mes propos, mais je parle en connaissance de cause, et pour tous les gouvernements successifs de droite et de gauche réunis –, vers les départements. Or, les départements ne sont pas capables de traiter le problème. Il s'agit d'un problème gouvernemental, étatique, qui relève de la question des migrations. Je sais bien que nous, départements, du moment que l'enfant est mineur, nous devons le prendre en charge, mais nous n'avons pas les moyens de le faire, notamment en termes de formation de nos éducateurs et de nos travailleurs sociaux. En ne traitant pas ce problème des MNA, nous mettons à mal nos travailleurs sociaux et nous ne prenons pas en charge correctement les mineurs. Tout le monde est mis à mal par cette non-reconnaissance de la prise en charge des MNA !

Il faudra avoir le courage de dire, tous ensemble, comment traiter ce problème ! Monsieur le président, vous disiez que nous sommes là pour trouver ensemble les solutions et améliorer le système, mais je dois reconnaître que, pour le problème des MNA, pour ma part, je n'ai pas de solution, et aucun département n'en a. Nous tentons de mettre en place des dispositifs que nous pensons adaptés, mais chaque fois que le dispositif fonctionne, il est complètement embolisé, parce que, alors que nous prévoyons 100 ou 150 places, 500 mineurs nous sont envoyés ! Que fait-on ? Voilà l'alerte que je porte devant vous, au nom de mes 99 collègues de département. Tous les départements sont concernés ! Nous avons 1 700 MNA dans le Val-d'Oise, mais la situation est la même dans la Creuse, quand on lui en impose 30 ou 50 !

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Michèle Berthy, présidente du Groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED)

C'est énorme au regard de sa population ! Comment faire ? Voilà le message que je souhaite faire passer, nous devons prendre ce problème des MNA à bras le corps. Nous sommes par ailleurs confrontés à du trafic humain, organisé. C'est terrible ! Tout cela est organisé par des passeurs, c'est scandaleux. Ils font aussi passer de jeunes majeurs. Ainsi, nous n'arrivons pas à nous occuper correctement des vrais mineurs, que nous devons prendre en charge, et des majeurs, que nous ne devrions jamais prendre ne charge. Le délai d'évaluation peut aller jusqu'à trois mois dans le Val-d'Oise. Vous rendez-vous compte des coûts que cela implique ! Parfois, ce sont 50 MNA qui arrivent par jour, avec l'adresse du département, et la bonne adresse ! Et je pense qu'il en va de même pour mes collègues des autres départements. Les passeurs sont organisés. Il faut revoir les choses au plus haut niveau, et même, permettez-moi de le dire, au niveau européen.

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La question des MNA fait effectivement partie du sujet, j'allais y venir à propos d'une question plus générale. À votre avis, quelles sont les difficultés dans la relation entre l'État et les départements sur la protection de l'enfance ? Vous avez répondu pour les MNA. Si j'ai bien compris, les départements demandent que la période d'évaluation soit prise en charge par l'État, et qu'ensuite ils ne s'occupent réellement que des mineurs.

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Michèle Berthy, présidente du Groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED)

C'est bien cela.

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C'est ce que nous avions compris, et je vous remercie de le confirmer en tant que responsable départementale. Sur le reste du périmètre de la protection de l'enfance, les lignes doivent-elles bouger entre le département et l'État, sur le plan financier, organisationnel ou autre ?

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Michèle Berthy, présidente du Groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED)

La question financière n'est pas l'alpha et l'oméga du problème. L'ASE est une compétence transférée depuis longtemps et les acteurs locaux connaissent le terrain. Il est évident qu'il est toujours possible d'améliorer les choses.

Le sujet du moment est aussi la sortie des jeunes majeurs : c'est à dessein que je ne parle pas de sortie « sèche », que, en tant que responsable de département, je ne peux pas cautionner. Or, il existe bien un lien entre cette dernière question et les MNA. Un grand nombre de départements avaient mis en place des dispositifs d'accompagnement des jeunes majeurs à la sortie. Je vais vous parler à nouveau du Val-d'Oise, et j'en profite pour saluer la présence d'une députée de notre département. Dans le Val-d'Oise, nous avions mis en place depuis très longtemps un accompagnement de ces jeunes majeurs, jusqu'à 22 ans et demi. Nous étions très fiers de ce dispositif d'accompagnement de nos jeunes Val d'Oisiens ! Voyez comme je suis possessive ; vous comprenez pourquoi. Maintenant, à budget constant, voire même en réduction, comment fait-on avec les MNA ? C'est la quadrature du cercle, et je n'ai pas de réponse. J'espère que nous en trouverons ensemble, mais il est nécessaire de bien poser cette équation. Tous les départements qui – pour ne pas employer le terme d' « exemplaires » – avaient mis en place une démarche d'accompagnement des jeunes majeurs, comment font-ils ? Comment fait-on ? Je vous pose la question.

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Nous le constatons dans vos études, les contrats jeunes majeurs ont, a contrario, fortement diminué ces dernières années.

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Michèle Berthy, présidente du Groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED)

Je vous laisse faire le lien de cause à effet, ce dans le contexte de contraintes financières que nous connaissons tous.

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Michèle Berthy, présidente du Groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED)

Je reviens, au cours de mes interventions, très souvent sur les MNA, mais sachez que ce problème est très important pour tous les départements. C'est la quadrature du cercle, que nous ne pouvons résoudre. On nous dit de prendre en charge les mineurs, alors que nous devons prendre en charge des majeurs pendant trois mois.

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Michèle Berthy, présidente du Groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED)

Excusez-moi, madame, mais c'est depuis très peu de temps et en très faible proportion. Il y a eu quelques améliorations, mais la participation est très faible et ne couvre pas les frais.

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Violaine Blain, directrice générale du GIPED

Je souhaiterais simplement compléter les propos de Mme Berthy concernant l'articulation de la place de l'État auprès des départements. La gouvernance du GIPED est interministérielle. Il nous semble important de voir comment cette interministérialité pourrait être déclinée dans les territoires, en phase avec une logique de parcours de l'enfant. La protection de l'enfance est très particulière, et demande une mobilisation de l'ensemble des acteurs concernés. Pour l'État, il s'agit notamment de l'éducation nationale, et de sa capacité à prendre en compte les difficultés de ces enfants, qui, du jour au lendemain, peuvent être déscolarisés, pour différentes raisons, par exemple si les choses ne se passent pas bien avec la famille d'accueil. La prise en compte du volet de la santé est aussi très importante. Ces enfants sont particulièrement vulnérables et peuvent connaître d'importantes carences physiques et de grandes difficultés psychologiques, ce qui exige une mobilisation particulière des services de santé, dont la compétence relève de l'État.

Nous devons veiller à ce qu'une réelle concertation locale ait lieu régulièrement, grâce aux schémas départementaux, dont le caractère conjoint est nécessaire. J'en viens aussi à l'acteur de la justice. Nous sommes actuellement auditionnés par la mission de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale de la justice (IGJ) sur les délais d'exécution. L'une des clefs est un dialogue constant et réel avec l'institution judiciaire et le département, ce qui est parfois compliqué. Un tel travail local, formalisé et réellement actif est une des clefs d'amélioration de la prise en charge des jeunes confiés. Peut-être faudrait-il désigner un pilote au niveau de l'État ? Il pourrait ainsi rappeler les responsabilités des uns et des autres sur ce sujet et serait l'interlocuteur unique du conseil départemental au niveau de l'État. Voilà peut-être une piste de travail.

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Agnès Gindt Ducros, directrice de l'ONPE

Je souhaitais apporter deux compléments. Premièrement, concernant l'ONPE, certains de nos chargés de mission viennent du ministère de la justice et des services de la cohésion sociale du ministère des solidarités et de la santé. Il nous est très précieux de les avoir à notre disposition. Nous avons aussi fait une demande à l'éducation nationale afin d'obtenir un chargé de mission dans ce domaine, sachant que notre appel à recherche thématique pour 2019 porte sur la scolarisation des enfants en protection de l'enfance. Nous attendons la réponse, mais l'éducation nationale est pour nous un acteur totalement indispensable, puisque c'est l'institution dont émane le plus grand nombre d'informations préoccupantes et de signalements.

L'éducation nationale accueille dans ses murs les enfants sur l'ensemble de leur parcours en protection de l'enfance. L'institution peut faire des actions de prévention très en amont, et elle est cruciale pour la question du dépistage et du repérage, qu'il faut améliorer, et de la scolarisation de ces enfants, qui connaissent de grandes difficultés scolaires. Ils sont parfois arrachés à leur école et à leurs copains et subissent des conditions de vie qui modifient leurs aptitudes d'apprentissage, comme les neurosciences nous l'apprennent. Il faut que nous puissions mieux comprendre les spécificités du fonctionnement de l'apprentissage des enfants de la protection de l'enfance. C'est une condition sine qua non pour améliorer la scolarisation de ces enfants et leurs capacités scolaires. Leurs difficultés ne sont pas seulement dues au fait que l'on s'en occupe moins bien, mais aussi au fait que leurs capacités d'apprentissage sont fortement endommagées par leur vécu. Nous devons avoir de meilleures connaissances sur ce sujet et mieux adapter les scolarités de ces enfants à leurs besoins.

Par ailleurs, un chargé de mission « santé » serait une grande aide, car la scolarité et la santé sont deux points sur lesquels il nous est nécessaire d'améliorer nos études et nos travaux. Un chargé de mission « santé » nous aiderait, par ailleurs, à rentrer plus facilement en contact avec les institutions. Nous le constatons avec nos chargés de mission « justice », qui nous permettent d'établir des liens très étroits avec le ministère, enseignent à l'École nationale de la magistrature (ENM) et créent un réseau pour notre observatoire.

Deuxièmement, les ODPE doivent, localement, être confortés. Ceux qui fonctionnent bien parviennent à réunir les acteurs de la protection de l'enfance du département et tous les acteurs de l'État. Nous nous rendons régulièrement dans les réunions des ODPE, et nous constatons que tous les acteurs sont présents : associations, conseil départemental et État, avec une forte présence de l'éducation nationale, de la santé, des forces de l'ordre, qui sont un acteur très important de la protection de l'enfance, et de la justice. La présence des acteurs au sein des ODPE est fixée par décret, mais nous voyons très bien les départements qui fonctionnent et ceux qui fonctionnent moins bien. Ceux qui fonctionnent bien travaillent sous forme de commissions, sous-commissions et groupes de travail. La loi de 2016 a confié aux ODPE la mission de formation, c'est-à-dire de faire un état des lieux en besoin de formation dans les départements, avec l'ensemble des partenaires, pour développer des formations interprofessionnelles et intersectorielles. Les ODPE doivent proposer des programmations de formation. Quand ils fonctionnent bien, les ODPE sont des lieux très importants pour la coordination de la protection de l'enfance.

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Madame Berthy, je vous rends la parole, mais il faudra ensuite que nous passions aux questions de nos collègues.

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Michèle Berthy, présidente du Groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED)

J'ai l'honneur de présider ce GIPED, mais aussi d'être une élue de terrain. Je me fais un honneur de rester très factuelle. Concernant l'éducation nationale, vous savez que chaque département doit avoir une maison des enfants (MDE) pour l'accueil en urgence. En des temps formidables, nous y avions un professeur des écoles dédié ! Les enfants sont retirés en urgence de leurs familles, il est donc crucial de garder un lien avec la scolarité. Quoi de mieux que de garder le lien éducatif au sein même de cette structure d'accueil, au moins pendant le premier temps d'évaluation psychologique, pour les orienter ensuite au mieux ? Nous avons, dans les temps les meilleurs, eu un professeur des écoles pendant deux jours, puis un jour, puis qu'une demi-journée. Je me suis vu aller – je vous prie de m'excuser la familiarité du terme – pleurer à l'inspection académique, en suppliant, pour que l'on nous laisse la dernière demi-journée. Voilà un vrai problème !

C'est de l'école que proviennent le plus d'informations préoccupantes. C'est à l'école que les enfants se sentent le plus libre, c'est là où se tissent des liens de confiance entre l'enfant et le professeur des écoles. Les enfants ont donc une liberté de parole. Au sein des MDE, nous n'avons plus personne. L'éducation nationale est réellement le pivot de la protection de l'enfance. C'est bien l'enfant qui est au coeur de nos missions ; ce ne sont pas les départements, l'État, ou que sais-je. Notre principale préoccupation, c'est l'enfant. C'est en ayant cette idée bien en tête que nous pourrons trouver des solutions. Je pense que tous les départements ont vécu cette situation, quelque que soit la structure concernée. Dans le Val-d'Oise, nous ne parlons plus de « foyer de l'enfance », nom un peu vieillot, mais de « maison des enfants », et nous sommes en train de préparer une nouvelle dénomination. Nous venons de vous décrire de façon factuelle l'importance de l'éducation nationale, et l'on nous a retiré tous nos moyens. Vous voyez, madame, quand je dis « moyens », il s'agit bien de cela ! Nous avons besoin d'aide !

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Je vous remercie, mesdames, pour vos exposés. Je suis une ancienne travailleuse sociale. J'ai assumé différentes responsabilités au fil de ma carrière. Nous nous reverrons, car je suis chargée, avec une collègue sénatrice, de la mission sur l'adoption. Je souhaitais revenir sur la loi de 2016, pour savoir si elle a permis des avancées. Avez-vous identifié des freins ? Je me rappelle le cloisonnement entre services, ne serait-ce qu'au niveau des départements, entre la PMI, l'ASE et l'action sociale. Dans notre société, la pauvreté va grandissante pour un grand nombre d'enfants. Aujourd'hui, peut-être encore plus qu'hier, il faudrait des liens et des passages encore plus forts entre les différents services, voire, évidemment, avec les associations et avec les partenaires que sont l'éducation nationale, la justice, etc. Ainsi, nous pourrions créer – peut-être existent elles déjà – des formations partagées, qui permettrait, au minimum, même si l'éducation nationale n'est pas présente dans les MDE, que les personnels soient formés pour accueillir les enfants et leur permettent une évolution correcte. Le nerf de la guerre me semble être l'échange de pratiques, des formations conjointes, pour permettre aux professionnels de l'enfance et de l'adolescence de pouvoir accompagner au mieux ces enfants et ces familles, avec toujours en ligne de mire le projet et l'intérêt fondamental de l'enfant.

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Agnès Gindt Ducros, directrice de l'ONPE

Avant de répondre sur la question de la loi, je souhaitais indiquer, par rapport à l'éducation nationale, que nos recherches montrent que la préoccupation scolaire, au sein du travail social, n'est souvent pas à la hauteur de ce qu'elle pourrait être. Les phénomènes sont toujours complexes, et les causes toujours partagées !

Quant à la loi de 2016, tous les acteurs s'accordent à dire que c'est une bonne loi. Elle a remis l'enfant au centre des préoccupations, notamment en définissant comme objectif premier de garantir les besoins fondamentaux de l'enfant. L'approche est beaucoup plus systémique. L'enfant est remis en première position, et les difficultés parentales, point certes essentiel, passent cependant après. Nous analysons en premier lieu les besoins de l'enfant. Cette loi a permis de renforcer la notion de parcours de l'enfant. L'idée est de se préoccuper des besoins de l'enfant tout au long de son parcours en protection de l'enfance, aussi bien pour l'évaluation de sa situation initiale que pour son projet. La loi introduit la fameuse commission d'évaluation de la situation et du statut des enfants confiés (CESSEC).

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Michèle Berthy, présidente du Groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED)

Je suis très fière du fait que, dans le Val-d'Oise, cette commission existait déjà !

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Agnès Gindt Ducros, directrice de l'ONPE

Effectivement, dans certains départements, des dispositifs entérinés par la loi existaient déjà et avaient déjà fait leur preuve. En novembre 2017 nous avons réalisé un état des lieux de ces commissions : 46 ou 47 départements avaient mis en place ou étaient en train de mettre en place leur commission. Nous avions bien insisté, dans notre note d'actualité, sur le fait qu'il s'agissait d'un nombre à une date donnée. Je pense que le nombre est beaucoup plus élevé aujourd'hui. Ces commissions permettent de faire avancer les choses. Les statuts de l'enfant sont revus régulièrement, en fonction de leurs besoins, avec une véritable prévention et prise en compte de la notion de délaissement. Nous publions chaque année un rapport sur les pupilles de l'État. Cette année les chiffres ont beaucoup bougé, grâce à la mise en place de ces CESSEC et à l'examen des statuts de l'enfant et des possibilités de délaissement. Voilà ce que je peux vous dire sur la loi de 2016.

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Constatez-vous donc des changements de pratique ?

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Agnès Gindt Ducros, directrice de l'ONPE

Très clairement. Ces CESSEC sont très bien pensées et très pluridisciplinaires ; elles réalisent un véritable examen des situations de l'enfant, partagé par le travail social, la santé, les responsables de l'enfant, la justice, etc. Ces dispositifs ont fait leur preuve et permettent une analyse fine des situations. Les CESSEC ont vu l'arrivée des associations départementales des personnes accueillies à la protection de l'enfance (ADEPAPE) et des personnes qui s'occupent des enfants dans leur quotidien – assistant familial, éducateur référent –, et pas seulement de celles qui sont plus éloignées des enfants.

Les départements nous disent cependant que ces commissions sont très complexes à organiser, car tous les services travaillent à flux tendu. Ne serait-ce que trouver des dates, voilà qui est compliqué. Cette amélioration organisationnelle permet une augmentation de la qualité de travail, mais aussi une augmentation importante de nouvelles réunions, de nouvelles formations, de nouvelles manières de faire, etc. Tous ces dispositifs ont besoin de moyens, ne serait-ce que pour leur mise en oeuvre. Il ne s'agit pas seulement de moyens financiers, pour reprendre les propos de Mme Berthy, mais aussi de moyens humains, de travail interinstitutionnel. Les institutions doivent aussi accepter de laisser partir leurs professionnels, même si la protection de l'enfance n'est pas tout à fait l'activité première de l'institution d'origine. Voilà ce que les départements nous disent à travers les études que nous menons avec eux.

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Mesdames, je vous remercie pour vos interventions et vos éclairages. Je me permets de saluer Mme Berthy, élue départementale du Val-d'Oise – vous l'aurez bien compris – et de vous dire combien ce département est impliqué dans la prise en charge de la protection de l'enfance. Madame, vous êtes deuxième vice-présidente du conseil départemental chargée de l'enfance, ce n'est pas anodin. Mme Cavecchi, présidente départementale, est elle-même très impliquée dans la concertation nationale actuellement menée sur la protection de l'enfance.

Ma question concerne l'intervention de Mme Blain sur le SNATED. Madame, vous nous avez indiqué toute la plus-value de ce numéro de téléphone, puisque plus de six cas sur dix sont identifiés grâce à lui. Sans ce numéro, ils seraient probablement passés entre les mailles du filet. Qui sont les appelants ? Qui sont les proches que vous avez évoqués ? J'imagine qu'ils sont proportionnellement plus nombreux que les jeunes victimes. Combien de mineurs composent ce numéro, et que faire et comment faire pour renforcer l'information, et permettre aux enfants eux-mêmes de composer ce numéro ?

Enfin, j'ai beaucoup travaillé sur la question des violences sexuelles sur les mineurs, notamment l'an dernier. Avez-vous des données à nous communiquer ?

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Violaine Blain, directrice générale du GIPED

Parmi les appelants, 30 % sont les parents, 40 % l'entourage proche, 6 % sont des professionnels et 15% les mineurs eux-mêmes, ce qui représente environ 5 000 appels de mineurs. Certains des mineurs appellent pour leur propre situation : ils représentent 12 % du total des appels.

Pour les violences sexuelles, le numéro 119 n'est pas le meilleur point de repère. Ces questions sont complexes en termes de dévoilement de la parole. Souvent nous questionnons de manière détournée. Le professionnel écoutant utilise une technique particulière pour mener l'entretien et aller lire entre les lignes ce qui nous est donné à entendre. Six pourcent des appels concernent des violences sexuelles. Il s'agit de la dernière catégorie de type de dangers qui nous amènent à intervenir.

Quant à la question de l'information, elle est absolument essentielle. C'est un puits sans fond. Les générations se renouvellent d'une part, et, d'autre part, nous constatons une tendance naturelle à refermer le silence sur ces situations, tendance irrépressible, à l'image des marées. Les efforts pour déployer cette connaissance sont donc très importants. L'année dernière, nous avons réalisé une plaquette à destination des enfants, pour leur expliquer ce qu'était le 119. L'affiche ne suffisait pas. Un simple numéro présenté par une affiche ne suffit pas à faire comprendre aux enfants ce qu'il y a derrière. La plaquette a été réalisée par notre comité technique, où siège le défenseur des enfants et un certain nombre d'autres personnalités. Elle est diffusée via l'éducation nationale, via les ambassadeurs des jeunes enfants qui interviennent dans les collèges.

Les campagnes de communication constituent le deuxième vecteur important. Il est très important que nous soyons associés à ces campagnes, ce qui souvent n'est pas le cas. Le message délivré est très important. Si le message est trop anxiogène ou stigmatisant, nous n'atteindrons pas forcément la cible. Si le message apporte un soutien, en disant qu'il est possible de parler de ces difficultés avec les professionnels qui assurent la confidentialité des échanges et sont soumis au secret professionnel, la démarche sera plus vertueuse. Ces campagnes ont des effets importants, nous le constatons dans nos pics d'appels.

Enfin, l'ensemble du travail de partenariat que nous pouvons mener est aussi très important, avec l'ensemble des lieux qui reçoivent habituellement des mineurs. Je pense par exemple aux médecins libéraux, qui n'ont pas forcément cette affiche dans leur salle d'attente, tout comme les hôpitaux. Voilà les pistes sur lesquelles nous sommes amenés à travailler.

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Je souhaite rebondir sur l'idée qu'il faut que nous soyons constructifs. Nous ne nous inscrivons pas du tout dans un sillage de journalistes. Nous déplorons un climat émotionnel et anxiogène. Nous ne sommes pas dans des effets d'annonce. C'est une journaliste qui vous le dit ; je suis journaliste depuis trente ans. Je sais combien nous pouvons être parfois destructeurs, tout en tirant la sonnette d'alarme. Nous devons garder notre rôle d'alerteur, mais sans tomber dans l'anxiogène et dans la sinistrose perpétuelle, qui nous rend contreproductifs, notamment vis-à-vis des travailleurs sociaux, où cela fait des ravages.

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Michèle Berthy, présidente du Groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED)

Nous avons tous en tête ce fameux reportage de France 3. Il nous a fallu ensuite être auprès de toutes nos équipes et leur remonter le moral. Il faut que vous le sachiez et que vous l'entendiez, même s'il est normal qu'il y ait des lanceurs d'alerte.

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Nous le savons et nous l'entendons. Nous l'avons notamment entendu lors d'une première audition, celle d'une enfant placée, qui nous a expliqué à quel point une telle médiatisation pouvait être néfaste, pour tout le travail positif qui a été fait autour d'elle. Nous en sommes très conscients.

Nous avons visité hier une maison d'enfants à caractère social (MECS) soutenue par l'Association nationale de recherche et d'action solidaire (ANRAS) à Toulouse, qui est dans une démarche absolument constructive et positive. Elle s'appuie sur les capacités des enfants, y compris des MNA, pour rendre l'histoire de l'enfant positive. Nous ne sommes pas dans le drame, malgré les situations que connaissent ces enfants, et que je n'ai pas besoin de vous décrire.

Vous devez aussi nous aider. Est-ce qu'il serait possible d'avoir un état des lieux des bonnes pratiques et de la situation dans les départements, sans faire de stigmatisation ? Nous savons très bien que certains départements sont en avance et que la protection de l'enfance fonctionne main dans la main avec certaines écoles, et pas dans d'autres.

De plus, allons-nous travailler avec une attention toute particulière sur la prévention, les premiers signaux, la vitesse d'appréhension de ces signaux, la façon dont les acteurs, l'éducation nationale, la santé, etc., vont se focaliser sur l'enfant pour que très vite, quel que soit le système, nous puissions mener des actions et éviter de leur faire perdre six mois ou un an ? La question du décrochage scolaire est fondamentale, mais ne demandons-pas tout à l'école. Cette question doit être traitée de manière concertée, avec l'orthophoniste, avec le pédopsychiatre, etc. Mais comment le faire sans perdre ce temps vital qui est le moment du raccrochage et de l'ancrage des enfants ? Excusez-moi du terme, mais, pour la prévention, nous sommes complètement à la ramasse ! Cela m'inquiète, depuis longtemps, mais l'observatoire doit nous permettre d'envisager des solutions, notamment de savoir combien cela coûte, entre un enfant bien suivi, à temps, et un enfant qui s'est un peu perdu pendant un an ou deux ans.

J'en viens à l'accessibilité. À quand un endroit accessible, pour les familles désemparées, moi y compris ? Le docteur Xavier Pommereau, pédopsychiatre de Bordeaux, avait installé une cellule qui, selon moi, fonctionnait plutôt très bien. Des jeunes filles, complètement perdues, avaient directement accès à un lieu où elles pouvaient se retrouver. Dans certains départements, on ne sait pas où frapper à la porte. Je parle bien de la toute première urgence. Pour ces parents, ces adultes qui se sont préoccupés de l'enfant, les enfants eux-mêmes, quel est ce premier lieu ? Ne me dites pas la maison des adolescents ! Ils n'iront pas pousser la porte d'eux-mêmes. Quand il y a le feu, il y a le feu. Je suis stupéfaite que, en dehors des institutions, on ne sache pas donner la réponse !

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Je vais jouer au maître des horloges. Il nous faut une réponse assez rapide, car Mme Provendier souhaite aussi poser une question. Je vous rappelle que nous avons deux autres auditions au cours de cette matinée, et que nous devons respecter notre planning.

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Agnès Gindt Ducros, directrice de l'ONPE

Les lieux qui fonctionnent sont clairement ceux qui ont des projets de service et d'établissement. Nous avons beaucoup parlé des travailleurs sociaux ; n'oublions pas les managers, qui doivent être formés, qui doivent accompagner leurs équipes dans un management de type humain et participatif et qui surtout doivent accepter de regarder les choses en face : la protection de l'enfance est un secteur à haut risque de violence. Une fois que ces violences ont eu lieu, elles ont plus de chances de se reproduire. De véritables projets d'établissement sont donc nécessaires, avec des objectifs clairs qui doivent tous aller dans le sens des besoins et de l'intérêt de l'enfant. Toutes les structures qui fonctionnent bien, et qui connaissent des taux de violence institutionnelle faible, ont de vrais projets de service, y compris dans l'accueil familial. Il est fondamental de travailler en mode projet, avec des objectifs, de regarder les choses en face et de proposer des espaces de paroles pour les enfants et les professionnels.

La littérature a aussi très bien montré que la continuité des parcours est tout aussi cruciale. Des temps de rupture, qui répondent aux besoins de l'enfant, sont parfois possibles. Il est parfois nécessaire d'interrompre un parcours pour le reprendre ensuite ; il faut cependant savoir pourquoi il en va ainsi, accompagner l'enfant et lui expliquer les choses. La notion de continuité est fondamentale.

Concernant les lieux d'accueil, madame Mörch, vous avez dit qu'il ne fallait pas parler des MDE. Crées pour l'accueil, les MDE ont été totalement dévoyées. Elles sont devenues des lieux de soin. Or il nous faut des lieux dont les adolescents puissent pousser la porte, sans qu'ils soient étiquetés « problèmes » ou « santé ». Les collectivités territoriales, notamment municipales, peuvent aussi mener de vraies réflexions sur la question.

Pour les plus petits, il faut favoriser toutes les structures d'accueil, et pas seulement les crèches, puisque tous les parents ne travaillent pas. Il peut s'agir de haltes-garderies. Nous avons publié il y a peu une recherche sur l'expression du tout petit, du nourrisson, en protection de l'enfance.

Cette question du premier accueil est très importante. Il faut absolument s'appuyer sur les professionnels, notamment les infirmeries. Malheureusement, l'infirmerie est mal identifiée comme premier degré d'écoute. Il faut permettre aussi aux enseignants d'avoir des relais. Les enseignants, comme les médecins libéraux, savent que s'ils dénoncent les situations, ils dénoncent la relation pédagogique, tout comme les médecins la relation thérapeutique. Les relais leur permettent de passer la main. Nous avons créé les médecins référents dans les cellules de recueil d'informations préoccupantes (CRIP) pour cette raison. Les enseignants doivent eux aussi pouvoir passer le relais, car ils perdent ensuite la confiance des enfants et des familles. D'autres professionnels de l'éducation nationale peuvent aussi être impliqués, dont les psychologues.

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Michèle Berthy, présidente du Groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED)

Monsieur le président, j'aurais un grand nombre de réponses à vous donner !

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Certes, mais nous recevons ensuite la défenseure des droits, qui nous attend. Deux autres tables rondes ont encore lieu en cette fin de matinée, et une autre encore cet après-midi.

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Ma question s'adresse au docteur Gindt Ducros, quant à la première mission de l'ONPE. Vous nous avez dit tout à l'heure que nous n'avions pas de données très fiables sur le nombre d'enfants victimes de violences ; or, la semaine dernière, quand nous avons rencontré les représentantes du Conseil national de la protection de l'enfant (CNPE), elles nous ont communiqué des chiffres. Derrière les mots ou les chiffres se cachent parfois différentes idées. Pourriez-vous nous apporter des précisions ?

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Agnès Gindt Ducros, directrice de l'ONPE

Les chiffres qui vous ont été donnés sont ceux que nous avons publiés. Nous les recueillons grâce au SSMSI, donc au ministère de l'intérieur. Ces chiffres concernent des enfants dont les situations ont conduit à une enquête et à l'intervention des services de ce ministère. Dans le cadre de notre dispositif global d'observation dans les conseils départementaux, avec OLINPE, nous travaillons beaucoup pour essayer de mieux qualifier le danger et les raisons pour lesquelles les enfants sont pris en charge par les dispositifs de la protection de l'enfance. C'est sur ce point que des améliorations sont nécessaires, pour avoir une connaissance plus fine des situations dans les conseils départementaux, avec une vision nationale. Nous avons toujours des chiffres, mais il faut savoir les interpréter.

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Madame Berthy, vous avez la parole. Je vous prie cependant d'être brève.

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Michèle Berthy, présidente du Groupement d'intérêt public Enfance en danger (GIPED)

Je serai très synthétique. Je souhaite vous donner des pistes de réflexion concernant toutes les questions que vous venez de poser. La première piste est le maintien du lien obligatoire avec les parents biologiques. C'est une vraie question, pour laquelle la justice n'offre que des postures. Je n'ai pas de réponse.

Concernant les violences sexuelles, chère Nathalie, tu sais combien je me suis battue à propos de l'article 2 de la loi sur les violences sexuelles. Quelle frustration nous avons eue, nous, acteurs de la protection de l'enfance, quand, malheureusement, la majorité sexuelle n'a pas été inscrite dans la loi à 15 ans ! Je sais que l'on nous oppose le fait qu'une relation entre un jeune qui vient d'avoir 18 ans et une jeune fille qui a 14 ans et six mois pourrait conduire à la poursuite du premier pour viol. En revanche, un nouveau travail est nécessaire. Si la majorité sexuelle à 15 ans était inscrite dans la loi, la question serait traitée nationalement. Le silence a été assourdissant, j'ai vraiment eu le sentiment de parler dans le vide.

Madame Mörch, vous avez parlé d'accessibilité en cas d'urgence. Le premier lieu d'accès n'est pas seulement la MDE, mais aussi l'infirmerie dans les collèges et les lycées. C'est là que la parole peut se libérer. Or, il n'y a plus d'infirmeries ! Rien ne fonctionne parce qu'il n'y a plus d'infirmières ! Tout un travail de maillage est à refaire !

Quant au lien avec les pédopsychiatres, évidemment, nous n'attendons que cela ! Mais il n'y a plus de psychiatres, et plus de centres médico-psychologiques (CMP), les derniers comptant un an d'attente pour consulter !

Voilà des pistes de travail et des questions. Je suis une élue engagée dans la protection de l'enfance, je voulais les partager avec vous. Enfin, il faut régler le problème d'OLINPE.

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Mesdames, je vous remercie pour vos interventions. Nous allons continuer nos travaux et nous essayerons de répondre à vos interrogations.

La séance est levée à dix heures quarante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Mission d'information de la Conférence des présidents sur l'aide sociale à l'enfance

Réunion du jeudi 25 avril 2019 à 9 heures 15

Présents. - Mme Nathalie Elimas, Mme Perrine Goulet, Mme Monique Limon, M. Olivier Marleix, Mme Sandrine Mörch, Mme Bénédicte Pételle, Mme Florence Provendier, M. Alain Ramadier.

Excusés. - Mme Delphine Bagarry, Mme Gisèle Biémouret, M. Paul Christophe, Mme Jeanine Dubié, M. Jean Terlier.

Assistait également à la réunion. - M. Jacques Marilossian.