Mardi 2 juillet 2019
La séance est ouverte à seize heures trente.
Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente
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La commission procède à l'audition de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail sur la réforme de l'assurance chômage.
Madame la ministre, vous vous étiez engagée à venir devant notre commission expliquer la réforme de l'assurance chômage. Je vous remercie d'avoir répondu de façon aussi réactive à notre invitation.
Merci de m'accueillir. Même si ce troisième volet de la transformation en profondeur du marché du travail ne fait pas l'objet d'un texte de loi, ce sujet, par son ampleur, nécessitait un tel échange.
La modification du code du travail a constitué la première étape de cette transformation. Les ordonnances de septembre 2017 ont levé certains freins à l'embauche, notamment dans les TPE et PME, en apportant davantage de souplesse dans l'organisation du travail, plus de grain à moudre, un dialogue social et économique renforcé. J'accueillais vendredi, rue de Grenelle, la première édition des Réussites du dialogue social, lors de laquelle des binômes, composés de chefs d'entreprise ou responsables des ressources humaines et de syndicalistes, sont venus présenter des accords innovants, signés dans la foulée des ordonnances. De l'avis des 400 participants, cette première édition s'est révélée riche d'enseignements, notamment sur l'aspect qualitatif du dialogue social.
La stratégie de développement des compétences constitue la deuxième étape. Elle est la colonne vertébrale de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, du 5 septembre 2018. Elle est aussi au coeur du plan d'investissement dans les compétences (PIC), qui consacre, sur la durée du quinquennat, 15 milliards d'euros à la formation de 2 millions de jeunes et de demandeurs d'emploi. Seize régions ont déjà signé le pacte régional d'investissement dans les compétences (PRIC), et je serai demain aux côtés du Premier ministre pour une nouvelle contractualisation avec la Collectivité de Corse.
Comme vous le savez, la loi du 5 septembre 2018 prévoit une troisième étape, la transformation des règles de l'assurance chômage, afin de lutter contre la précarité et d'inciter les demandeurs d'emploi au retour à l'emploi. Son article 57 dispose que le Gouvernement transmet, à cette fin, un document de cadrage aux partenaires sociaux. Nous l'avons fait en septembre, après une phase de concertation destinée à établir un diagnostic partagé avec les partenaires sociaux. Les négociations, qui avaient été prolongées d'un mois à la demande des partenaires sociaux, ont débouché, en février, sur un échec. Le Gouvernement a alors pris ses responsabilités, ainsi que le prévoit la loi. Après une phase de concertation approfondie et intense avec les partenaires sociaux et les acteurs de terrain, le Premier ministre et moi-même avons annoncé, le 18 juin, les orientations retenues pour cette troisième étape. Les décrets seront soumis dans les prochains jours aux consultations des partenaires sociaux et du Conseil d'État. Ils devraient être promulgués avant la fin de l'été
La réforme pour l'emploi, contre le chômage et contre la précarité allie, de façon indissociable, la transformation de l'assurance chômage et l'accompagnement des chômeurs. Les trois volets forment un tout cohérent et systémique. C'est de ce triptyque que nous avons besoin pour continuer à faire baisser et vaincre le chômage de masse qui ronge notre société depuis trente ans.
Le taux de chômage est passé de 9,7 à 8,7 %. Cela est dû à des facteurs macroéconomiques et, de toute évidence, aux mesures que nous avons prises. Il faut continuer et transformer la dynamique de créations d'emplois – 470 000 créations nettes en deux ans, 93 000 au premier trimestre 2019 – en dynamique de croissance pour l'emploi.
D'un côté, les entreprises, faute de compétences, ne peuvent pas embaucher et croître ; de l'autre, les demandeurs d'emploi trop éloignés du marché du travail ne parviennent pas à y accéder. Notre but est de permettre aux actifs, aux salariés et aux demandeurs d'emploi de se former et d'être accompagnés pour trouver un emploi plus stable, et d'aider les entreprises à trouver les compétences dont elles ont besoin pour se développer. Nous devons agir sur tous les territoires : si les chiffres montrent que le chômage baisse partout, les disparités restent néanmoins très fortes.
Depuis 1958, le régime d'assurance chômage, dont nous nous enorgueillissons, protège et sécurise chacun. Nous voulons le conserver, tout en faisant en sorte qu'il s'adapte une nouvelle fois aux évolutions du marché du travail.
Pour favoriser le retour à l'emploi et lutter contre la précarité, nous avons trois priorités. Il faut d'abord que cesse la course à la précarité ; nous devons mener la guerre contre la précarité excessive. On ne peut admettre que 70 % des embauches soient des contrats de moins d'un mois, et qu'un tiers des CDD soient des contrats d'un jour ou moins. De manière tout à fait choquante, on a réinventé les journaliers en France ! Nombreux sont ceux qui parviennent à trouver un travail mais qui restent durablement dans une situation précaire. Or, sans emploi stable, il est impossible de trouver un logement, d'organiser sa vie familiale, de construire un projet personnel. Il faut donc responsabiliser les entreprises qui proposent trop souvent et massivement des contrats très courts. Cette pratique ne correspond pas à une fatalité, elle n'est pas en cours dans d'autres pays.
Nous devons aussi mettre en oeuvre des règles d'indemnisation plus justes, plus cohérentes, et un accompagnement renforcé et adapté pour inciter les demandeurs d'emploi à reprendre un emploi. Deux principes doivent nous guider : personne ne doit gagner plus en étant au chômage qu'en travaillant ; personne ne doit être laissé au bord du chemin, chacun doit pouvoir être accompagné vers l'emploi.
Enfin, il nous faut trouver, dans tous les territoires, des solutions sur mesure pour répondre aux problèmes concrets d'accès à l'emploi : garde d'enfant, transport, formation quand elle est nécessaire pour accéder à une offre d'emploi disponible. On ne peut admettre que le taux de chômage demeure si élevé alors que des centaines de milliers d'entreprises – une entreprise sur deux ! – peinent à recruter, en particulier les TPE et PME, les artisans, les commerçants, les industriels. Certaines mettent même la clé sous la porte après avoir refusé des commandes, faute de pouvoir embaucher.
Vous le constatez dans vos circonscriptions, les difficultés de recrutement existent partout en France et dans tous les secteurs. Permettez-moi de citer quelques exemples glanés ces derniers jours, lors de mes déplacements bihebdomadaires. J'étais ce matin à Franconville, dans un EHPAD (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) qui fait face aux carences criantes du secteur ; lundi 24 juin, je visitais, avec Bruno Le Maire, l'entreprise Solcera, ETI (entreprise de taille intermédiaire) basée à Évreux, spécialisée dans la conception et la fabrication de céramiques techniques, qui ne parvient pas à trouver les compétences qui lui seraient nécessaires. Au salon du Bourget, les entreprises de l'aéronautique proposaient 22 000 postes.
La réforme a pour but de gagner la bataille de l'emploi, de faire reculer la précarité et de vaincre le chômage de masse. Elle repose sur quatre piliers : une plus forte responsabilisation des employeurs ; des règles d'indemnisation qui incitent à la reprise d'un emploi stable ; de nouveaux droits pour les salariés et les demandeurs d'emploi ; un meilleur accompagnement des demandeurs d'emploi, des entreprises et des territoires.
J'ai évoqué l'explosion des contrats courts, dont le nombre dépasse de loin les besoins ponctuels et imprévisibles de main-d'oeuvre. Certaines entreprises, à la différence de leurs concurrents dans le même secteur d'activité, en ont fait un système externalisé de gestion des ressources humaines. Cet usage des contrats courts pénalise les salariés, contraints durablement à la précarité ; il est préjudiciable à la sécurité au travail et parfois à la qualité des produits et des services ; il se fait au détriment de la collectivité, puisque les contrats courts représentent près de 9 milliards d'euros de déficit de l'assurance chômage.
Il n'est pas équitable qu'une entreprise qui s'efforce de mieux organiser son travail paie les mêmes cotisations d'assurance chômage qu'une entreprise qui recourt systématiquement aux contrats précaires. Nous instaurerons donc un système de bonus-malus dans les sept secteurs qui créent le plus de précarité : la fabrication des denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac ; la production et la distribution d'eau-assainissement ; la gestion des déchets et la dépollution ; l'hébergement et la restauration ; les transports et l'entreposage ; le travail du bois, industries du papier et imprimerie ; la fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ; d'autres activités spécialisées, comme les sondages et la publicité. Dans ces secteurs, le taux moyen est de trois contrats précaires pour deux contrats stables, soit 15 CDD pour 10 CDI ou 150 intérimaires pour 100 CDI.
Les entreprises de moins de onze salariés ne seront pas concernées ; elles recourent d'ailleurs moins aux contrats courts que les autres. Les contrats d'apprentissage, de professionnalisation et d'insertion ne seront pas pris en compte dans le calcul.
Le bonus-malus fonctionnera de la manière suivante : plus la part des salariés s'inscrivant à Pôle emploi après avoir travaillé pour l'entreprise sera élevée, plus l'entreprise paiera de cotisations patronales à l'assurance chômage. À l'inverse, plus l'entreprise fera d'efforts pour réduire cette part, moins elle paiera de cotisations. La cotisation est aujourd'hui fixée à 4,05 % de la masse salariale : elle pourra désormais varier entre 3 et 5 %.
Pour allier flexibilité et moindre précarité, les entreprises peuvent actionner de nombreux leviers : négociation sur l'annualisation du temps de travail, facilitée par les ordonnances, CDI intérimaires (CDII), confortés par la loi « avenir professionnel », groupements d'employeurs, contrats de chantiers.
En outre, il sera appliqué aux CDD d'usage (CDDU) une taxe forfaitaire de 10 euros par contrat pour inciter les entreprises à proposer des contrats d'une semaine ou d'un mois, plutôt que de quelques heures ou d'un jour. Dans 85 % des cas, ces contrats courts concernent une même personne, embauchée en permanence par la même entreprise : il n'est pas rare d'entendre parler de salariés ayant cumulé 160 contrats successifs ! La taxe sur les CDDU incitera fortement les entreprises à proposer davantage de CDI ou à rallonger la durée des CDD et des missions d'intérim. Cette mesure ne concernera pas les secteurs du spectacle, de l'audiovisuel et de la production cinématographique, qui conserveront la sur-cotisation de 0,5 point sur les CDDU.
Les entreprises bénéficieront d'une nouvelle offre de services de Pôle emploi, très concrète et basée sur une obligation de résultat. Dès lors qu'une offre d'emploi sera restée sans réponse pendant trente jours, Pôle emploi contactera l'entreprise pour lui proposer un service sur mesure : un travail sur le contenu de l'offre, une présélection de candidats, avec un engagement ferme de délai de mise en oeuvre.
Nous devons transformer les règles d'indemnisation pour inciter au retour à l'emploi, et à l'emploi stable. Pour cela, nous appliquons le principe selon lequel il est impossible de gagner davantage en étant au chômage qu'en travaillant. Les conclusions du diagnostic parues dans la presse ont pu étonner, mais elles ont été corroborées par les experts : les règles actuelles font que plusieurs centaines de milliers de demandeurs d'emploi touchent des allocations chômage supérieures à la moyenne des revenus de leur travail. Ce ne sont pas les personnes qui sont en cause, ce sont les règles. Personne ne peut contester qu'un tel système n'a pas de sens et doit être réformé.
Notre conviction est que les indemnités chômage doivent obéir à un principe simple, clair et équitable : à travail égal, allocation égale. Le même montant d'euros gagnés sur la même période doit donner droit à la même indemnisation sur la même durée. Cela signifie que les allocations seront calculées, non plus en fonction du salaire journalier de référence, mais du revenu mensuel moyen. Personne ne verra son capital de droits diminué, il sera juste réparti différemment dans la durée. Les indemnités chômage ne pourront jamais être inférieures à 65 %, ni supérieures à 96 % du salaire net mensuel moyen, alors qu'elles peuvent atteindre 200 % aujourd'hui. Ainsi, un salarié qui aura gagné en moyenne 1 200 euros net par mois sur un an, que ce soit de façon continue ou de façon fractionnée, percevra une indemnité de 960 euros par mois pendant douze mois.
Ces nouvelles règles entreront en vigueur le 1er avril 2020, afin de permettre à Pôle emploi d'informer les personnes concernées et de mettre en place un nouvel accompagnement, notamment à l'attention de ceux qui ont un travail précaire. Cela ne change rien pour ceux qui ont travaillé de manière continue.
Par ailleurs, nous ne toucherons pas aux règles de l'activité conservée, qui concernent notamment les assistantes maternelles.
La réforme obéit à un deuxième principe : il faut travailler davantage pour ouvrir des droits à l'assurance chômage. Aujourd'hui, une personne doit avoir travaillé quatre mois sur les vingt-huit derniers mois pour accéder à l'assurance chômage, une règle très souple que les partenaires sociaux avaient mise en place pour répondre à la crise de 2009. Cette règle, unique en Europe, est-elle toujours justifiée alors que le chômage est en baisse continue, qu'il est passé, pour la première fois depuis dix ans, sous la barre des 9 % et que le rythme de création d'emplois s'accélère ?
Nous relèverons donc le seuil d'ouverture des droits à six mois de travail sur les vingt-quatre derniers mois, ce qui permettra de préserver un régime toujours très protecteur par rapport à ceux en vigueur dans nombre de pays européens.
Le principe de rechargement des droits, créé par les partenaires sociaux en 2014, sera maintenu, mais le seuil minimum de rechargement sera porté d'un mois à six. Ainsi, que l'on soit salarié ou demandeur d'emploi en situation de cumul emploi-chômage, la règle sera la même : il faudra avoir travaillé six mois pour ouvrir un nouveau droit à l'assurance chômage.
Nous nous conformons à un troisième principe : les modalités d'indemnisation du chômage tiendront compte du niveau de qualification des salariés. Le diagnostic a montré que, de manière contre-intuitive, plus le niveau de l'indemnisation est élevé, plus la durée de chômage s'allonge, alors que le taux de chômage est faible – 3,8 % – pour les plus hauts niveaux de salaire, excepté pour les seniors. Il faut donc admettre qu'un certain niveau d'indemnisation n'incite pas au retour à l'emploi. Là aussi, ce ne sont pas les personnes mais les règles qui sont en cause.
L'indemnisation des salariés dont le revenu mensuel brut était supérieur à 4 500 euros baissera de 30 % au premier jour du septième mois de leur chômage, un plancher étant instauré à 2 261 euros.
Cette mesure de dégressivité ne concernera pas les salariés âgés d'au moins cinquante-sept ans. Si le taux de chômage dans cette population n'est pas plus élevé, les seniors éprouvent plus de difficultés à retrouver du travail, et se trouvent, de fait, exclus du marché. Nous ouvrirons une concertation sur ce sujet avec les partenaires sociaux et le Haut-Commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye.
Parallèlement, nous renforcerons les droits pour les salariés, les indépendants et les demandeurs d'emploi. L'objectif est de créer des droits nouveaux, afin que les actifs soient plus libres de choisir leur activité ou leur entreprise, ainsi que le Président de la République s'y était engagé pendant la campagne. Cela fait partie du modèle de société que nous voulons promouvoir. Si les actifs, salariés ou indépendants, doivent s'adapter à un marché du travail plus exigeant, ils doivent aussi être libres de choisir leur avenir professionnel. Ces droits nouveaux, attachés à la personne, permettent une plus grande mobilité, dans l'esprit de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Les droits à l'assurance chômage que nous créons sont le complément logique du compte personnel de formation (CPF), qui concernera 26 millions d'actifs dès le mois de novembre. Si l'on veut changer de vie professionnelle, il faut pouvoir se former et être accompagné, ce que permettra aussi le conseil en évolution professionnelle (CEP), qui sera opérationnel le 1er janvier.
Tous les salariés ayant un projet professionnel pourront démissionner et auront droit à l'assurance chômage. Ce droit sera renouvelé tous les cinq ans, soit huit fois sur une vie professionnelle. Ce droit sera conditionné à l'existence d'un projet professionnel – formation, création ou reprise d'entreprise.
Les travailleurs indépendants auront désormais droit à l'assurance chômage, sans cotisation supplémentaire. L'indemnisation sera de 800 euros par mois pendant six mois, sous condition d'une durée d'activité d'au moins deux ans et d'un revenu d'activité minimal de 10 000 euros annuels, sans limite d'accès au cours de la vie professionnelle.
La réforme présentée aujourd'hui est au moins autant une réforme de l'accompagnement, clé du retour à l'emploi, que des règles de l'assurance chômage. Les partenaires sociaux et l'État ont beaucoup travaillé sur la nouvelle convention tripartite visant à définir l'offre de services de Pôle emploi et qui sera conclue d'ici à quelques semaines.
En nous inspirant de ce travail, nous voulons aller encore plus loin et refonder cette offre d'accompagnement, avec cinq volets complémentaires.
Tous les demandeurs d'emploi qui le souhaitent auront droit, dans les quatre premières semaines qui suivent leur inscription, à deux demi-journées d'accompagnement intensif par Pôle emploi. Aujourd'hui, ils ne bénéficient en moyenne que de quarante-cinq minutes de rendez-vous durant les deux premiers mois. La première demi-journée sera consacrée au diagnostic individualisé de la situation de la personne et à la présentation du marché du travail dans son bassin d'emploi. La seconde demi-journée sera sur mesure et consacrée, selon la situation, à des rendez-vous avec des entreprises qui proposent des emplois, lorsque le projet professionnel de la personne est mûr, à une meilleure maîtrise des techniques de recherche d'emploi ou à un bilan, type bilan de compétences, lorsque la personne est au commencement de son projet.
Tous les demandeurs d'emploi en situation de précarité bénéficieront d'un accompagnement dédié. Les personnes qui alternent des contrats courts doivent être disponibles en permanence, ce qui les empêche de rechercher un emploi plus stable ou une formation. Cet accompagnement fera l'objet d'une prestation particulière que Pôle emploi confiera à des opérateurs spécialisés ; elle pourra être exécutée le soir et le week-end pour s'adapter aux horaires des personnes en activité.
Tout demandeur d'emploi ayant reçu une proposition d'emploi stable qui nécessite une formation préalable aura droit à cette formation sur mesure. Vous entendez souvent parler de ces cas où un demandeur d'emploi n'a pas pu répondre à une offre, faute de financement pour la formation. Désormais, la formation ne pourra plus être refusée pour des raisons budgétaires. Nous réservons une part importante du plan d'investissement dans les compétences à ces formations, systématiques dès lors qu'une offre existe et qu'une personne bénéficiant de cette formation peut être embauchée.
La situation de l'emploi est très différente d'un territoire à l'autre, les difficultés étant plus grandes dans certains territoires ruraux, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans les outre-mer, où le taux de chômage est plus élevé et la dynamique de création d'emplois plus faible. Certains chômeurs ne peuvent pas prendre un emploi faute, notamment, de transport ou de solution pour la garde de leurs enfants.
Nous travaillerons à des actions adaptées aux réalités des territoires, dans le cadre de la mobilisation nationale et territoriale lancée par le Premier ministre avec les élus locaux, les associations et les partenaires sociaux. Elle s'achèvera en septembre. Nous mettons les moyens nécessaires pour lever, sur le terrain, ces freins à l'embauche.
La transformation de l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des entreprises nécessitera 4 000 agents en ETP (équivalent temps plein). Cette évolution, inédite dans le contexte de la réduction des emplois et de la baisse des dépenses publiques, sera rendue possible grâce à l'arrêt de la diminution envisagée des effectifs, aux gains de productivité, à la baisse du chômage – qui libérera du temps pour les agents – et au recrutement de plus de 1 000 agents supplémentaires dans les trois ans qui viennent.
Notre réforme marche sur deux jambes : un accompagnement profondément repensé pour aider chacun à retrouver un emploi plus stable, une responsabilisation accrue des entreprises et des personnes pour faire reculer la précarité.
Notre ambition est de sortir du chômage 150 000 à 250 000 personnes, tout en améliorant la qualité des emplois retrouvés et en faisant reculer la précarité. Chaque emploi occupé représente un surcroît de pouvoir d'achat et génère, en moyenne, un emploi supplémentaire.
Des salariés et des demandeurs d'emploi mieux formés et mieux accompagnés, des entreprises mieux organisées et plus responsabilisées, c'est ainsi que nous gagnerons la bataille des compétences et de l'emploi, et que nous vaincrons le chômage de masse. C'est une réforme résolument tournée vers l'emploi et contre la précarité que nous vous présentons.
Madame la ministre, vous déclariez, il y a quelques mois, que la précarité du système, c'est aussi la précarité des demandeurs d'emploi. Aussi, réformer notre système d'assurance chômage était une évidence. Il s'agit de lutter contre la précarité et de faire diminuer un chômage de masse qui gangrène notre société depuis des décennies.
Rappelons que cette réforme s'inscrit dans la suite des mesures voulues par le Gouvernement et que le groupe majoritaire n'a cessé de défendre. La réforme du dialogue social a octroyé de nouveaux droits à l'ensemble des actifs et a permis aux entreprises de recruter plus facilement, par le biais d'une confiance retrouvée. L'investissement massif dans les compétences – 15 milliards d'euros sur cinq ans – est un engagement fort. Il se traduit par le déploiement de moyens colossaux en faveur de la formation professionnelle, notamment en direction des publics les plus vulnérables.
C'est en cohérence avec ces grandes réformes que la transformation du système d'assurance chômage s'impose. Elle repose, vous l'avez dit, sur plusieurs piliers. La responsabilisation des entreprises, grâce notamment à l'application d'un bonus-malus, permet de lutter contre le recours abusif aux contrats courts. La mise en place de règles d'indemnisation plus équitables respecte un principe, celui que personne ne doit gagner plus en étant au chômage qu'en travaillant. Enfin, des dispositifs d'accompagnement renforcé permettront à tous de retrouver un emploi durable et choisi.
À ce sujet, la problématique des seniors est cruciale. Les difficultés que rencontre ce public ne sont neutres ni pour l'indemnisation chômage ni pour le système de retraite que nous essayons de construire. Pouvez-vous nous indiquer quels moyens seront dédiés à l'accompagnement des seniors dans leur recherche d'emploi, et quelles mesures incitatives seront éventuellement mises en place, y compris à l'égard du monde de l'entreprise ?
Après l'échec des négociations menées pendant plusieurs mois par les partenaires sociaux, le Gouvernement s'est saisi de la réforme de l'assurance chômage, par décret – nous regrettons la fin du paritarisme de gestion.
Vous venez d'en présenter, madame la ministre, les mesures, parmi lesquelles la taxation des contrats courts, le durcissement des conditions d'accès au chômage, la dégressivité des indemnités pour les cadres. Nous partageons, bien évidemment, votre objectif de diminuer le nombre de chômeurs et de faire des économies. Nous voulons que le travail paye plus que l'inactivité. Nous soutenons le renforcement de l'accompagnement plus intense des demandeurs d'emploi dans leur projet professionnel ou encore l'indemnisation des travailleurs indépendants.
Toutefois, nous avons des craintes sur le réel impact de vos mesures. En prenant en compte le taux de séparation pour le bonus-malus – fin de CDD, fin d'intérim, licenciement, rupture conventionnelle – dans sept secteurs économiques importants, notamment l'hébergement, l'agroalimentaire et la restauration, ne prenez-vous pas le risque de conduire, ou plus exactement de forcer, les entreprises à pousser leurs salariés à la démission et à renchérir le coût du travail pour les entreprises en difficulté qui sont obligées de licencier ? Si le but est de créer des emplois stables, comment pouvez-vous nous assurer que le nombre d'emplois ne va pas baisser, mais bien augmenter ?
La remise en cause du pacte social n'est-elle pas à craindre lorsque vous imposez la dégressivité pour une minorité désignée comme privilégiée ou que vous durcissez l'accès à l'indemnité pour faire baisser le nombre de personnes indemnisées en les renvoyant à la solidarité nationale ?
Concernant les nouvelles bases de calcul des indemnités chômage, avez-vous mené une étude d'impact pour déterminer combien de personnes seront touchées ? Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
Enfin, le Gouvernement fait peser sa réforme sur les seuls salariés et les entreprises, mais n'évoque pas les intermittents alors qu'il y aurait peut-être là des économies à trouver. Pourquoi ne pas en parler ? Rien non plus sur le financement de Pôle emploi par l'Unédic, alors que 10 % des ressources de l'assurance chômage financent les deux tiers du budget de Pôle emploi.
En conclusion, cette réforme n'est pas soutenue par les partenaires sociaux, patronat comme salariés, qui la qualifient d'inefficace, parlent de vision punitive et de nouvelles contraintes. J'espère que vous pourrez nous rassurer totalement sur le but de cette réforme.
Madame la ministre, notre groupe tient tout d'abord à vous remercier pour la présentation que vous avez faite de la réforme de l'assurance chômage, qui vient parachever le processus de refonte du marché du travail français après les ordonnances travail et la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Nous regrettons toutefois que les négociations paritaires se soient soldées par un échec au mois de février dernier, ce qui a entraîné la reprise en main de la réforme par le Gouvernement. Pour la première fois depuis 1982, une réforme de l'assurance chômage sera décidée par décret, ce que nous déplorons.
S'agissant de la réforme proprement dite, nous saluons le déploiement de diverses dispositions de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, notamment sur l'indemnisation des salariés démissionnaires et des travailleurs indépendants. Nous nous réjouissons des multiples mesures destinées à renforcer concrètement l'accompagnement des demandeurs d'emploi – je pense à la formation sur mesure en fonction des offres ou encore à l'accompagnement ciblé –, mais cela impliquera nécessairement des investissements, tant financiers qu'humains. Sur ce point, quels moyens seront mis en oeuvre, notamment pour les personnels de Pôle emploi, et dans quelle mesure ces prestations seront-elles confiées à des tiers ?
En ce qui concerne les entreprises, l'entrée en vigueur du bonus-malus sur les contrats courts est une bonne chose. Notre groupe souhaite savoir quelle sera la méthode d'évaluation et de contrôle de cette disposition, et dans quelle mesure elle pourrait être étendue à d'autres secteurs que les sept que vous avez cités.
Madame la ministre, le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés vous soutient dans l'ambition de modernisation et de sécurisation de notre assurance chômage, mais reste attentif quant à l'effectivité de la mise en oeuvre de ce vaste chantier.
Je regrette que vous ayez prémédité l'échec de la négociation sociale et que vous ayez porté un coup probablement fatal au paritarisme. C'est une préméditation ancienne puisqu'en novembre 2016, le candidat Emmanuel Macron prévoyait déjà, dans une interview, que l'État reprenne la main sur l'Unédic.
Soyons clairs : un chômeur sur deux n'est pas indemnisé et ne s'abandonne donc pas au confort des allocations chômage, 50 % des chômeurs indemnisés touchent moins de 860 euros par mois, quatre allocataires sur dix qui travaillent vivent sous le seuil de pauvreté, et nous sommes bien loin d'être le système le plus généreux d'Europe en ce qui concerne le taux de remplacement. Si 4 % des allocataires, c'est-à-dire 2 % des chômeurs, gagnent un peu plus au chômage qu'en emploi, 40 % de ceux qui pourraient cumuler ne le demandent pas, et il existe un problème de non-recours que votre réforme ne vient pas régler.
Votre réforme est purement financière. En réalité, l'Unédic est bien gérée, il faut le dire. Le régime de droit commun a dégagé un excédent de 60 milliards d'euros sur les vingt-cinq dernières années, et l'essentiel de son déficit provient du financement de Pôle emploi qui a été décidé par l'État et d'un certain nombre de régimes dérogatoires qu'il faut soutenir mais qui ne relèvent pas de la gestion des partenaires sociaux.
Votre réforme abîme le paritarisme, elle abîme le débat parlementaire – puisque nous n'aurons finalement que cet espace pour en parler –, et elle abîme notre principe assurantiel. En réalité, elle fera beaucoup de victimes. Vous ne luttez pas contre la précarité mais contre les précaires ; vous ne luttez pas contre le chômage mais contre les chômeurs, et je pense à tous ceux dont vous réduisez les droits : les jeunes en intérim qui travaillent moins qu'ils le souhaiteraient et qui n'ont droit ni aux allocations ni au revenu de solidarité active (RSA), les intermittents de l'emploi qui enchaînent les contrats courts et dont 30 % d'entre eux seulement seront concernés par vos mesures puisqu'elles ne s'appliqueront qu'à sept secteurs, les femmes qui travaillent à temps partiel et qui sont en situation de précarité, les cadres de moins de cinquante-sept ans, les saisonniers.
Vous me rétorquerez que nous ne parlons pas de l'accompagnement des chômeurs. S'il est renforcé, tant mieux. Vous parlez de 1 000 créations d'emplois, mais je vous rappellerai que vous avez supprimé 1 500 emplois à Pôle emploi ces deux dernières années. Quant à la taxation des contrats courts, elle est tout à fait modeste.
Votre réforme fera 100 % de perdants. Elle surfe sur tous les préjugés et toutes les caricatures : c'est extrêmement décevant et extrêmement grave.
Madame la ministre, la réforme que vous nous proposez s'inscrit dans un mouvement plus large de réforme, donc dans la suite logique des réformes précédentes. Le remaniement progressif des sources de financement de l'assurance chômage, avec la bascule des cotisations chômage sur la CSG et la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, permet désormais à l'État d'encadrer la négociation d'assurance chômage. En conséquence, on pourrait légitimement réfléchir à l'élargissement du périmètre des lois de financement de la sécurité sociale pour y inclure le régime de l'assurance chômage. Ce serait une évolution logique qui permettrait au Parlement de se prononcer sur les ressources et les dépenses de l'Unédic.
Nous partageons les grands principes de cette réforme, même si, comme nos collègues, nous regrettons qu'elle résulte de l'échec des négociations. Elle répond, d'abord, à une nécessité conjoncturelle, celle de réaliser près de 3,5 milliards d'économies sur trois ans, dans un contexte où la dette de l'Unédic atteint 35 milliards d'euros. Il était, en effet, nécessaire de refondre les règles de cumul emploi-chômage pour éviter les effets pervers du système, qui rendent parfois plus avantageux de travailler à temps partiel qu'à temps plein. Cela donnait lieu à des stratégies d'optimisation, certes dans des cas très limités, mais qui érodent néanmoins la confiance dans l'équité et la justice de notre système assurantiel.
Le renforcement des mesures d'accompagnement des demandeurs d'emploi pour permettre des solutions différenciées en fonction des territoires et des bassins de vie et d'emploi est à saluer.
Vous prévoyez également l'instauration d'un bonus-malus pour limiter le recours aux contrats courts, pour l'instant cantonné à sept secteurs d'activité. Avez-vous évalué les effets induits de cette mesure ?
L'enjeu fondamental, qui n'est, à ce stade, pas traité par la réforme proposée, est bien celui du chômage de longue durée des seniors, sachant que 60 % des plus de cinquante-cinq ans étaient au chômage depuis plus d'un an en 2018, contre 41 % pour l'ensemble des chômeurs de quinze à soixante-quatre ans. Les dernières orientations sur la future réforme des retraites évoquent un décalage de soixante-deux à soixante-quatre ans de l'âge pivot pour un départ en retraite à taux plein, il convient donc d'améliorer l'employabilité des seniors. Alors que, comme vous l'avez dit, madame la ministre, beaucoup d'entreprises ont des difficultés à recruter, quelles orientations pouvez-vous prendre pour faire évoluer l'employabilité des seniors ?
Madame la ministre, je vous remercie pour votre présence parmi nous, qui est d'autant plus indispensable que la réforme par décret qui est envisagée vous dispensera d'un débat parlementaire.
Notre groupe comprend votre volonté de vous attaquer à certains dysfonctionnements de l'assurance chômage, mais certaines questions demeurent.
Nous ne pouvons que regretter la reprise en main par le Gouvernement, quasi inédite en cette matière, après l'échec des négociations dû en partie à la rigidité de la feuille de route que vous avez remise aux partenaires sociaux. Cette méthode, couplée à une disparition progressive des cotisations salariales et patronales, desquelles les partenaires sociaux tirent en partie leur légitimité à négocier, nous conduit forcément à nous interroger sur l'avenir du paritarisme et du dialogue social.
Sur le fond, si certaines mesures vont dans le bon sens, notamment l'amélioration de l'accompagnement des demandeurs d'emploi et la possibilité pour les salariés démissionnaires et les indépendants de bénéficier de l'allocation chômage, quand bien même les conditions d'accès restent strictes, certaines autres nous laissent dubitatifs, en particulier le système du bonus-malus. Ne craignez-vous pas qu'il puisse avoir un effet désincitatif sur l'embauche, notamment dans le secteur de la restauration ? Je suis étonnée de le voir figurer sur la liste des secteurs concernés, alors que vous avez retiré celui du bâtiment, ce qui est une bonne chose. Le secteur de la restauration mériterait un regard un peu plus attentif.
Quant au durcissement des règles d'indemnisation, notamment de cumul emploi-chômage, auparavant le système encourageait la reprise d'un emploi. Désormais, il faudra avoir travaillé six mois au lieu d'un pendant la période de chômage pour voir son indemnisation prolongée d'autant. Ces nouvelles règles ne répondent-elles pas uniquement à une logique comptable au détriment des impératifs de solidarité et de justice sociale ?
Madame la ministre, le temps qui m'est imparti ne me suffirait pas pour aborder tous les aspects détestables de cette réforme de l'assurance chômage. Aussi, je regrette que votre présence devant notre commission soit le fait d'un simple décret et non d'un projet de loi plus large sur un sujet aussi essentiel que le chômage.
Dans votre présentation, vous disiez regretter que patronat et syndicats n'aient pas trouvé d'accord. Je ne vous crois pas. Au contraire, je pense que le Gouvernement a tout mis en oeuvre pour qu'il n'y ait pas d'accord et pouvoir ainsi reprendre la main. Qu'elle est belle votre interprétation du rôle de pompier pyromane quand, d'un côté, vous facilitez le recours aux contrats courts, en inventant même de nouveaux, et d'un autre côté, vous prétendez lutter contre la précarité de l'emploi avec un cosmétique bonus-malus !
Madame la ministre, vous ne vous battez pas contre le chômage, vous vous battez pour vos statistiques. Or la réalité du chômage au quotidien, ce ne sont pas des statistiques, ce sont des couples qui se défont, des foyers qui tombent dans la pauvreté, des enfants en échec scolaire, des inégalités qui se reproduisent et, au bout du compte, quelque 14 000 morts par an dans notre pays. Pour l'essentiel, votre réforme vise à durcir les conditions d'accès à l'indemnité chômage. Rien que par la modification de la règle qui porte de quatre mois travaillés sur vingt-huit à six mois sur vingt-quatre, ce sont 600 000 chômeurs qui seront directement rayés de la carte.
Finalement, votre réforme laisse entendre deux idées sous-jacentes inacceptables. La première serait que les chômeurs se maintiennent volontairement au chômage. Or, comme cela a été dit, un chômeur sur deux n'est pas indemnisé, et ce raisonnement a été invalidé par le fait que le chômage était au plus bas dans notre pays quand son indemnisation était beaucoup plus haute qu'aujourd'hui. La seconde idée, c'est celle que trouver un emploi pérenne serait facile, qu'il suffirait peut-être de traverser la rue, à en croire la récente maxime de M. Macron : « vous voulez travailler, on a des offres » – négation même de la réalité de pénurie de création d'activité pérenne dans notre pays. Pourquoi refusez-vous d'admettre, plutôt que de simplement nous parler formation professionnelle – ce qui, par ailleurs, est intéressant –, que la situation est bien celle d'une pénurie de création d'activité et qu'en attendant des politiques ambitieuses de relance, notamment par la planification écologique, la diminution du temps de travail, par exemple, est radicalement plus efficace que toutes les mesures que ce Gouvernement a prises depuis le début du quinquennat ?
Votre réforme résulte d'abord d'une volonté d'économiser 3,4 milliards d'euros. Cette feuille de route, vous l'avez définie par manque de créativité alors que vous auriez pu aller chercher ailleurs les moyens de faire fonctionner l'assurance chômage, notamment en regardant du côté de la ponction de 3 milliards d'euros qui sert à faire fonctionner Pôle emploi.
Vous avez annoncé des créations de postes pour accompagner les demandeurs d'emploi, après avoir supprimé 1 700 postes à Pôle emploi. Tout cela mériterait quelques explications supplémentaires. En tout cas, faute de créativité, vous avez choisi de lutter contre les chômeurs et les travailleurs précaires plus que contre le chômage et la précarité, en laissant penser que s'il y a du chômage, c'est parce qu'il serait trop confortable d'être au chômage dans notre pays. Évidemment, nul ne peut croire cela.
De fait, un chômeur sur deux n'est pas indemnisé, et les mesures que vous avez prises vont faire sortir 300 000 personnes de l'assurance chômage. Au lieu d'essayer de mieux assurer celles et ceux qui ne le sont pas, vous alimentez encore leur nombre. Ce sont ainsi 11 % des allocataires qui seront concernés.
Nous savons que des postes ne sont pas pourvus, mais vous devriez affiner votre diagnostic : c'est d'abord un problème de qualité des offres et de formation. Je ne crois pas que c'est en affaiblissant l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) que l'on se donnera vraiment les moyens d'y faire face.
Par ailleurs, le système de « minus »-malus que vous instaurez est trop limité, et vous n'y intégrez pas le contrat de projet. Vous laissez à penser que l'assurance chômage serait un facteur de régulation du marché du travail. Nous pensons, au contraire, que c'est une assurance, la mutualisation d'un risque. La logique de destruction des garanties collectives que vous avez entamée se poursuit ici à travers cette réforme. La dégressivité des allocations pour les cadres à hauts revenus est aussi inutile que dangereuse quand on sait que ces derniers contribuent plus qu'ils ne reçoivent. En déconnectant la contribution de chacun et le droit à un revenu différé, vous mettez en cause les solidarités existantes et vous ouvrez la voie à une restriction plus ample encore de ce système d'assurance solidaire.
Nous sommes donc fondamentalement opposés à cette réforme.
Vous dites, madame la ministre, qu'on a réinventé les journaliers en France. Si vous ne voulez vraiment pas vous y résoudre, attaquez-vous avec beaucoup plus de vigueur à l'uberisation de la société !
Madame Khattabi, les pays qui luttent le plus efficacement contre le chômage sont ceux qui accompagnent très fortement dès le départ les demandeurs d'emploi. Lorsqu'on est au chômage depuis six ou douze mois, on se décourage, on perd estime de soi et lien social, et on n'a plus confiance dans le marché du travail ; au chômage longtemps, on s'abîme. Si l'on est accompagné immédiatement, les chances de retrouver un travail, à même qualification et à même expérience, sont beaucoup plus fortes. Je me suis rendue à Nice, dans une agence de Pôle emploi qui a déjà expérimenté ce dispositif : tous les demandeurs d'emploi nous ont dit que cet accompagnement avait complètement modifié leur regard et qu'il leur avait permis d'avoir confiance en eux. Cette réforme que nous engageons part de l'expérience des conseillers de Pôle emploi en matière d'accompagnement. Pour les permittents aussi, l'accompagnement sera sur mesure.
Monsieur Perrut, non, ce n'est pas la fin du paritarisme de gestion. À ma connaissance, on n'a pas nationalisé l'Unédic. Comme Mme Elimas, vous dites que l'État reprend la main. En fait, depuis 1958, la loi prévoit que ce sont les partenaires sociaux qui définissent les règles et que, s'ils ne parviennent pas à un accord, l'État prend la responsabilité. C'est arrivé dans les années 1980, 2000, cela arrive aujourd'hui encore. Ce n'était pas notre souhait mais, après un an de concertation et de discussions des partenaires sociaux, dont il a repris certains éléments, le Gouvernement a dû prendre ses responsabilités, car la lutte contre le chômage ne peut pas attendre.
Vous me faites part de vos craintes en ce qui concerne les taux de séparation. Comment les entreprises pourront-elles ne pas payer de malus ? Elles auront beaucoup de solutions. D'abord, elles peuvent annualiser le temps de travail par la négociation. À cet égard, dans un même secteur, on peut voir deux entreprises aborder différemment l'emploi précaire : l'une y recourt massivement, l'autre pas ; l'une externalise en faisant peser toute la flexibilité sur le dos de l'assurance chômage, tandis que l'autre internalise grâce à des accords. C'est donc une question de dialogue social.
Il y a, ensuite, la solution des groupements d'employeurs, qui permettent à la fois d'apporter de la sécurité à la personne, qui est embauchée en CDI, et de donner de la flexibilité à l'entreprise puisque les salariés sont placés en tant que de besoin. Les groupements d'employeurs sont aujourd'hui plusieurs milliers en France, et nous allons encourager leur développement. Beaucoup ont été créés dans le secteur agricole, pour mutualiser le risque lié à l'embauche d'une personne en CDI, mais cela est possible dans tous les secteurs d'activité.
Il y a encore le CDI intérimaire, que la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a consolidé. J'ai assisté récemment à la signature du vingt-cinquième CDI intérimaire. Dans ce système, c'est la société intérimaire qui embauche une personne en CDI, la place en fonction des besoins et la forme entre deux missions.
S'il fallait inventer, demain, un dispositif qui réponde à la fois à la flexibilité et à la sécurité, nous le ferions, mais il existe déjà une palette importante d'outils. On ne peut donc pas parler de fatalité. D'ailleurs, de nombreux dirigeants d'entreprise et directeurs des ressources humaines nous ont dit avoir négligé le sujet jusqu'à présent mais qu'ils allaient désormais le traiter. Il est dommage de devoir instaurer un bonus-malus, mais si un tel système est efficace pour obtenir moins de précarité et plus d'emplois dans notre pays, il ne faut pas faire preuve de trop de pudeur !
En matière de dégressivité des allocations, il ne s'agit pas de faire de différence par catégorie, par niveau ou de stigmatiser qui que ce soit. Il s'agit de tenir compte de la réalité du chômage. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire qu'un système assurantiel de solidarité doit d'abord aider davantage ceux qui en ont le plus besoin. Le taux de chômage des personnes sans qualification est de 18 % quand il est de 3,8 % pour les cadres. Nous sommes, de loin, le pays d'Europe où le niveau et la durée des allocations chômage sont les plus élevés. Alors qu'elles tournent autour de 2 000 euros par mois chez nos voisins belges ou allemands, nous allons conserver un niveau extrêmement élevé, puisqu'elles pourront atteindre jusqu'à 6 600 euros nets par mois dans notre pays, ainsi qu'une durée très longue. Mais lorsqu'il y a de l'emploi – et beaucoup – à ce niveau de qualification, il me paraît logique et juste de demander aux gens de reprendre un travail.
S'agissant des intermittents du spectacle, les partenaires sociaux du secteur ont négocié depuis bien longtemps des règles particulières. Ils ne sont pas concernés par le système du bonus-malus, parce qu'ils ont déjà une sorte de malus collectif : les cotisations patronales d'assurance chômage représentent non pas 4,05 %, mais 8 % de la masse salariale. Ils ne sont pas non plus concernés par la taxation du CDDU, mais ils conservent une surcotisation pour ces contrats. Le système n'est donc pas le même, et cela depuis longtemps. D'ailleurs, dans les négociations, les partenaires sociaux n'avaient rien décidé en la matière, parce que ce n'était pas le coeur du sujet – aujourd'hui non plus.
Le budget de Pôle emploi représente 4,9 milliards d'euros sur les 35 milliards d'euros annuels. Si l'on se contentait de verser des indemnités sans accompagnement, je pense que beaucoup de gens ne retrouveraient pas d'emploi. Chaque année, un peu moins de 4 millions d'offres sont déposées à Pôle emploi ; 80 % trouvent preneur grâce à l'agence, qui fait ce travail d'intermédiation, de mise en relation. Il est normal que, dans un système assurantiel, des gens accompagnent les demandeurs d'emploi. Aussi ne me paraît-il pas choquant qu'une partie des cotisations soit consacrée au service d'accompagnement.
Madame Elimas, vous avez raison, il faut évaluer le bonus-malus. Les effets attendus sont l'allongement de la durée des contrats, et c'est ce que l'on mesurera. Ce système existe depuis longtemps aux États-Unis et il a donné d'excellents résultats. Là-bas, tous les gouvernements, quelle que soit leur sensibilité politique, ont conservé ce dispositif en raison de son efficacité sur le marché du travail.
L'évaluation du bonus-malus sera assurée par des chercheurs indépendants. L'indicateur clé sera l'évolution du taux de séparation dans les secteurs concernés, en comparant des entreprises de caractéristiques comparables dans un même secteur – on se doute bien qu'on n'évalue pas de la même façon des secteurs à activité économique de cycle long et de cycle court.
Monsieur Vallaud, vous dites qu'un demandeur d'emploi sur deux n'est pas indemnisé. Il s'agit, d'abord, et c'est logique, de ceux qui n'ont pas suffisamment travaillé mais qui s'inscrivent à Pôle emploi parce que c'est une formidable banque d'emplois et d'accompagnement. Il s'agit aussi de ceux qui ont un travail mais qui souhaitent en changer. Ceux-là ont droit aux services de Pôle emploi, car, je vous le rappelle, c'est une agence de placement, de mise en relation entre l'offre et la demande. Un demandeur d'emploi sur deux n'est pas indemnisé, non pas parce l'assurance chômage a coupé les indemnités – elle verse une indemnité à tous ceux qui ont travaillé – mais parce qu'elle offre un support dans l'accompagnement à la recherche d'un emploi à tous ceux qui le demandent. C'est pour cela que le champ est plus large.
Nous ne sommes pas d'accord – et pourtant nous devrions l'être – sur la meilleure manière de sortir de la pauvreté : c'est d'avoir un emploi stable et des capacités d'évolution. L'objectif des demandeurs d'emploi n'est pas de demeurer à l'assurance chômage, mais de trouver un emploi. Tel est l'esprit de la réforme. On ne peut pas dire qu'elle va précariser des gens, puisque tout est fait, au contraire, pour qu'ils soient plus nombreux à retrouver un emploi stable. Si 150 000 à 250 000 personnes parviennent à trouver un emploi, nous aurons fait oeuvre utile.
Oui, l'Unédic est bien gérée, mais la réforme doit tenir compte du contexte. Aujourd'hui, la dette cumulée de l'Unédic atteint 35 milliards d'euros. Je ne connais pas d'autre régime assurantiel dont la dette est garantie par l'État. On n'est donc pas tout à fait dans un système purement assurantiel, sinon le système s'équilibrerait, comme le régime Agirc-Arrco. Si l'on ne profite pas de l'embellie actuelle sur l'emploi pour commencer à se désendetter, on n'aura plus la capacité d'augmenter encore davantage la dette dans un moment de crise, donc à bien accompagner cette crise. Il est donc de notre responsabilité collective de ne pas laisser une dette aussi importante à la génération suivante. Aussi me paraît-il indispensable d'intégrer que l'on résorbe progressivement une partie de la dette lorsque l'emploi repart.
Madame Firmin Le Bodo, la question des chômeurs de longue durée est l'une des deux priorités du plan d'investissement dans les compétences. Il s'agit, en grande partie, de personnes qui ont un très faible niveau de qualification ou qui sont en situation de handicap. De façon générale, ce sont des gens qui ont eu des accidents de la vie de différents ordres. Il faut leur remettre le pied à l'étrier, les accompagner. C'est pour cela que nous avons prévu de développer l'insertion par l'économique, l'entreprise adaptée. Voilà pourquoi la réforme est systémique et qu'elle allie à l'indemnisation l'accompagnement par le PIC et la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Nous allons ouvrir, avec les partenaires sociaux, une concertation sur les seniors pour que davantage d'entre eux puissent continuer à travailler. Il est exact qu'ils subissent une éviction du marché du travail. De fait, ils pâtissent d'une représentation mentale des employeurs, dont il faudra les aider à se débarrasser, peut-être en forçant un peu. Nous sommes l'un des rares pays dans le monde à évincer autant les jeunes et les seniors du marché du travail. C'est une particularité de l'inconscient français que de rendre difficile l'accès au travail aux deux extrémités de l'âge. Le taux de chômage des jeunes, même s'il a baissé – il est de 18 %, contre 20 % lorsque nous sommes arrivés aux affaires –, est encore monstrueux. Comment peut-on dire à notre jeunesse qu'on n'a pas besoin d'elle ? C'est l'autre grand combat du PIC, avec l'apprentissage. Pour en revenir aux seniors, nous avons décidé d'ouvrir les appels à projets du PIC à cette question. Ce dispositif permet, en effet, de conduire avec succès de très bonnes opérations d'inclusion de nombreuses populations en difficulté, mais très peu concernent des seniors. Nous allons donc agir activement dans ce sens.
Madame Dubié, vous parliez d'une dure reprise en main par l'État. Il n'en est rien. D'abord, ce n'est pas la première fois que l'État intervient. Depuis 1958, le principe est que les partenaires sociaux définissent les règles, mais que, quand ils ne le peuvent pas, c'est à l'État qu'il revient de le faire. Rien n'a changé de ce point de vue.
Depuis la constitution de l'assurance-chômage, jamais le Parlement n'en a défini les règles, cela a toujours été l'affaire des partenaires sociaux ou de l'État. C'est mieux quand les partenaires sociaux décident, nous en sommes tous d'accord, mais quand ce n'est pas possible, c'est à l'État de le faire – par défaut, si j'ose dire. D'ailleurs, sans son intervention, il n'y aurait pas eu de débat parlementaire puisque les partenaires sociaux auraient passé une convention entre eux. Vous auriez organisé des auditions pour vous former un avis, mais vous n'auriez pas eu à voter de texte.
Monsieur le député Adrien Quatennens, vous semblez nier qu'il y ait une dynamique de création d'emplois. Cela m'étonne beaucoup, parce que c'est complètement factuel. Comme je le rappelais, 470 000 emplois nets ont été créés depuis deux ans. Je vous engage à vous reporter au site de Pôle emploi. Chaque jour, les offres d'emploi disponibles y sont publiées : ce matin, il y en avait 677 385, la semaine dernière, 688 000, et la semaine d'avant, 650 000. Le flux est extrêmement dynamique. Il faut savoir qu'il y a 37 millions d'embauches dans le pays par an.
Beaucoup trop sont précaires, nous sommes d'accord sur ce point, et nous nous battons contre cette précarité. On a commencé à voir augmenter de nouveau le nombre des CDI, mais notre but est d'aller beaucoup plus loin, puisque les besoins économiques ne justifient pas une telle précarité. En tout cas, on ne peut pas dire qu'il n'y a pas d'offres. Le problème, c'est de savoir comment, tous, nous pouvons aider à accéder à ces emplois.
Monsieur le député Pierre Dharréville, on ne va « sortir » personne de Pôle emploi ; on va aider les personnes à sortir de Pôle emploi en trouvant un emploi ! Ce n'est pas l'aspect statistique qui nous préoccupe, c'est plutôt de savoir combien de personnes vont retrouver un emploi. On estime qu'elles seront 150 000 à 250 000. Quant au côté assurantiel qui repose sur la mutualisation du risque, j'en conviens, mais il suppose aussi d'assumer la responsabilité collective de faire baisser la dette progressivement.
En ce qui concerne l'AFPA, je crois que vous en entendrez demain la directrice générale. Un pacte a été signé avec les partenaires sociaux, et elle pourra vous donner des précisions à ce sujet. Je sais que vous êtes sensibles à l'aspect territorial de la question. Je le suis aussi, parce qu'il faut qu'on ait une offre partout sur le territoire.
Quant aux nouveaux droits, vous parliez de l'uberisation. Cela fait partie des sujets à traiter. Je pense que nous avons franchi une étape intéressante dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités, dite LOM. La France est en avance, si j'ose dire, sur ce sujet. Elle l'a mis aussi à l'ordre du jour du G7 social, de sorte qu'il est intégré au texte conclusif du G7 social des ministres de l'emploi. Avec la LOM, une charte vise à garantir les droits fondamentaux des salariés, par exemple leur droit à la déconnexion, le droit à voir les plateformes abonder leur compte personnel de formation. C'est très important, parce que beaucoup de gens peuvent trouver intéressant d'être travailleurs indépendants sur une plateforme quelques années, sans avoir forcément envie de l'être toute leur vie. Il faut donc aussi pouvoir en sortir. Je ne dis pas que c'est la fin de l'histoire, mais je dis qu'on réalise des progrès. La France est, pour l'instant, parmi les pays les plus avancés en ce domaine.
Compte tenu de la dégressivité du plafonnement des allocations chômage des cadres, le montant des allocations chômage baissera, ce qui risque de réduire leur niveau de vie. Cette mesure fait suite à la mise en place, depuis janvier, de la suspension des allocations chômage après deux refus d'une offre d'emploi. Ne pensez-vous pas remettre ainsi en cause le principe même du régime assurantiel et contributif, alors que, selon les chiffres de l'Unédic, les contributions des cadres financent le régime à hauteur de plus de 42 % ? Pouvez-vous aussi préciser quelles économies pourraient provenir spécifiquement de cette mesure ?
Madame la ministre, la réforme que vous portez fixe plusieurs objectifs et plusieurs grands principes indispensables au succès de la bataille que nous menons pour l'emploi. En premier lieu, celui de garantir la pérennité de notre système d'assurance chômage pour que, demain, tous nos concitoyens aient encore droit à une protection financière lorsqu'ils perdent leur emploi.
Mais cette réforme engage surtout la lutte contre la précarité, car elle a bien pour objectif de casser la dynamique des contrats courts à répétition, qui, nous le savons, plonge un grand nombre de nos concitoyens dans des situations difficiles. J'ai une pensée particulière pour les agents de Pôle emploi, car ce texte vise aussi à simplifier pour eux les règles de traitement des dossiers. Cela signifie moins de réclamations et moins de charges administratives pour les conseillers, et donc plus de temps pour accompagner des projets de reconversion.
Ma question portera plus spécifiquement sur les territoires en difficulté. Le chômage dans notre pays n'a jamais été aussi bas depuis dix ans, avec un taux de 8,7 % de la population active. Ces bons chiffres cachent toutefois des disparités territoriales fortes, notamment dans les outre-mer, comme chez moi, en Guadeloupe, où le chômage atteint un taux de 23 %. Alors que vous réaffirmez votre confiance dans les services publics de l'emploi, comment entendez-vous renforcer les effectifs de Pôle emploi dans les territoires les plus fragiles, tels que les territoires d'outre-mer, et singulièrement la Guadeloupe, afin de mieux y accompagner les demandeurs, par exemple en matière de lutte contre l'illettrisme ou d'accompagnement à la création d'activité ?
Madame la ministre, permettez-moi quelques observations et questions au long cours.
Ma première observation sera pour vous dire que je suis surpris de l'expression que vous employez : « impératif de responsabilisation des entreprises ». Y aurait-il un présupposé selon lequel les entreprises ne seraient pas responsables ? Est-ce sur cette base-là que vous bâtissez votre politique d'emploi ?
Deuxièmement, je trouve qu'il y a un décalage entre ce que vous nous annoncez en matière de précarité de l'emploi et ce qui a été proposé au vote du Parlement s'agissant de la fonction publique. La Poste est aujourd'hui, sans doute, la détentrice du record toutes catégories de la requalification des CDD en CDI devant les conseils de prud'hommes. Vous-même n'évoquez pas cette situation. Au moment où le Parlement adopte le principe des contrats de mission, qui conduit à renforcer la précarité de préférence à l'application du statut de la fonction publique, vous prétendez lutter contre la précarité ?
Troisièmement, le recours à l'intérim et le recours aux CDD vont, l'un et l'autre, être pénalisés. Mais les entreprises s'acquittent d'ores et déjà aujourd'hui, lorsqu'elles recourent à l'intérim ou à un contrat de travail à durée déterminée, de primes de précarité. À cette prime de précarité s'ajoutera ainsi, éventuellement, le malus. Ne craignez-vous pas que tout cela devienne comme une double peine, qui finalement nuira à l'embauche par les entreprises ?
Enfin, j'ai quelques appréhensions sur les critères qui pourraient être retenus pour l'appréciation du bonus-malus. Comment allez-vous les actualiser d'une région à l'autre et d'un secteur à l'autre ? Il y a des activités, notamment dans l'agro-alimentaire, qui ne se ressemblent pas et qui n'ont pas la même saisonnalité. Comment allez-vous définir des critères applicables d'un secteur à l'autre, qui n'aillent pas pénaliser des activités qui, par leur nature même, n'emploient des salariés que sur quelques périodes déterminées de l'année ?
Je voudrais vous poser deux questions, madame la ministre. La première concerne la préparation opérationnelle à l'emploi (POE), qui a donné de bons résultats dans le passé, mais a finalement été peu utilisée, au motif que le dispositif serait très onéreux. Quels sont les moyens que vous allez pouvoir y consacrer ?
Ma deuxième question porte sur le livret d'accueil individuel, qui me semble faire davantage du demandeur d'emploi un acteur de son parcours. Celui-ci est-il abandonné ou est-il encore en expérimentation ?
Le système du bonus-malus, pour les contrats courts, inquiète syndicats et professionnels, notamment dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, qui connaît des pics d'activité saisonnière. En 2018, entre 100 000 et 130 000 postes demeuraient à pourvoir dans l'hôtellerie-restauration. Comment imaginer que l'introduction d'un système de bonus-malus pénalisant pour l'hôtellerie et la restauration puisse améliorer la situation de l'emploi ? Comment comptez-vous, madame la ministre, prendre en considération ces secteurs d'activité soumis à des rythmes de saisonnalité ? Car, pour eux, les contrats courts sont, de fait, même si l'on peut le regretter, une nécessité.
Je vous remercie, madame la ministre, de ces premiers éclaircissements. Je voudrais appeler votre attention sur les dispositifs de mode de garde, notamment ceux qui sont en rapport avec les aides atypiques. À l'heure actuelle, les caisses d'allocations familiales (CAF) ont mis fin à certaines expérimentations, et c'est dommage.
Permettez-moi de faire un point particulier sur la situation des 1 900 ouvriers dockers occasionnels qui travaillent chaque jour dans nos ports. La réforme de l'assurance chômage pourrait affecter près de 20 % de cette population d'ouvriers. En effet, les ouvriers dockers disposent de contrats à durée déterminée d'usage constant. Ils sont sollicités lors des pointes d'activité dans les ports. Par définition, ils ne travaillent pas tous les jours.
Il y a aujourd'hui une véritable crainte que le système de bonus-malus, voulu par le Gouvernement pour limiter le recours aux contrats courts, puisse toucher ce secteur d'activité. L'usage de ces contrats courts et ponctuels ne relève en rien d'une volonté de précariser ces travailleurs ; il résulte tout simplement de la spécificité de leur activité, qui est liée aux flux maritimes et aux arrivages de marchandises. Cette main-d'oeuvre est pourtant indispensable à la compétitivité des ports français, déjà fortement concurrencés au niveau européen.
Une seconde crainte est relative à la refonte des règles de cumul emploi-chômage pour ces ouvriers dockers occasionnels. Telle qu'elle est présentée, la réforme risque d'entraîner une baisse de leurs revenus. Aujourd'hui, en complément de leurs revenus issus du travail sur le port, et lorsque l'activité baisse, ces ouvriers touchent une indemnité journalière, afin d'obtenir un salaire convenable. Malgré leur disponibilité, ils n'ont pas de garantie de rémunération et risquent donc d'être privés de ce complément de revenu versé par Pôle emploi.
Encore une fois, ces ouvriers ne travaillent pas à temps plein, non pas par volonté, mais en raison des spécificités liées à leur activité. Une indemnité réduite, couplée à une taxation de leur contrat, serait une catastrophe sociale pour ces ouvriers. Madame la ministre, comment comptez-vous prendre en compte les spécificités attachées à cette profession, dans le cadre de la réforme de l'assurance chômage ?
L'évolution du taux d'emploi des seniors depuis près de quarante ans, marquée par une longue chute suivie d'un redressement depuis une dizaine d'années, est une parfaite illustration de l'importance des politiques publiques en matière d'emploi. Parmi les douze mesures clés de la réforme de l'assurance chômage, l'une concerne l'instauration d'un système de bonus-malus pour lutter contre la précarité et l'enchaînement des CDD, dans les entreprises de plus de onze salariés.
Au vu de la précarité également connue des seniors sur le marché du travail, dont le taux d'emploi est inférieur de dix points à la moyenne des pays de l'OCDE, pourquoi ne pas avoir considéré aussi un système de bonus-malus, en fonction de la taille de l'entreprise, pour encourager l'embauche des seniors ? Je pense, notamment, à des cotisations d'assurance chômage allégées pour les entreprises recrutant un salarié de plus de cinquante-cinq ans et, au contraire, alourdies pour le licenciement d'un salarié du même âge.
La deuxième question que je voulais vous poser, sur l'accompagnement des chômeurs de plus de cinquante ans, a déjà été traitée. Il me paraît important de construire des réponses innovantes pour éviter l'augmentation de leur nombre, au regard notamment de la réforme des retraites à venir.
Ma question porte sur la taxation des contrats courts. Vous instaurez un bonus-malus sur ces contrats dans sept secteurs, notamment dans l'hébergement et la restauration, secteur que je connais très bien. Comme vous l'avez souligné, le taux de la cotisation patronale, actuellement fixé à 4,05 % de la masse salariale, variera d'un bonus de 3 % à un malus de 5 %, selon le comportement de l'employeur.
J'ai bien compris que cette mesure veut favoriser la création d'emplois stables. L'intention est toute louable, néanmoins, les chiffres traduisent une réalité qui pose la question de son efficacité. Dans près de 90 % des cas, les embauches se font toujours aujourd'hui en CDD, un tiers étant des contrats d'un jour et 50 % des contrats inférieurs à un mois. N'y a-t-il pas, avec une telle mesure, un risque d'ajouter plus de précarité dans ces secteurs déjà sensibles ? Ils pourraient notamment avoir recours au travail dissimulé, par exemple.
Ma première question concerne la dégressivité des indemnisations pour les plus hauts salaires. Pourquoi avez-vous choisi cette option-là ? De mon point de vue, cela risque de renforcer la suspicion de complaisance qu'il y aurait à rester dans le chômage, ce qui ne me semble être le cas ni pour les hauts pour les bas salaires. Je voulais donc avoir votre éclairage à ce propos.
Ma deuxième question concerne les aides à la mobilité dans les territoires, et plus particulièrement dans les territoires ruraux dont on sait qu'ils sont très touchés par le chômage, notamment le mien, les Alpes-de-Haute-Provence. Cette question de la mobilité est toujours présente chez les demandeurs d'emploi. Pour eux, c'est un réel frein à la reprise du travail, non seulement quand ils doivent se rendre à Pôle emploi, mais aussi par la suite, pour reprendre concrètement le travail. Que recouvrent en fait les aides à la mobilité ?
J'associe à ma question Carole Grandjean.
Cette réforme est essentielle. Elle constitue le troisième volet d'une réforme plus large, après ceux de la réforme du dialogue social et de la liberté de choisir son avenir professionnel. Elle comporte à la fois des mesures d'accompagnement et d'indemnisation.
Ma question porte à la fois sur les femmes et sur les personnes en situation de handicap. Les premières comptent aujourd'hui pour 80 % des salariés à temps partiel. Non moins de 73 % des travailleurs pauvres sont des femmes. En outre, comme vous le savez, la monoparentalité accroît encore la pauvreté. Le durcissement des conditions d'ouverture des droits à l'assurance chômage, à savoir l'allongement de la période de travail minimale, devrait potentiellement exclure 150 000 à 300 000 personnes de l'indemnisation. Mécaniquement, les femmes devraient donc être majoritairement touchées.
Quant aux personnes en situation de handicap, elles représentent 8,5 % des demandeurs d'emploi, avec une progression de 4,2 % par an. Elles nécessitent un accompagnement spécifique.
Quelles mesures entendez-vous prendre pour que les femmes, les personnes handicapées et généralement les personnes les plus précaires ne soient pas davantage précarisées par l'évolution des conditions préalables à l'ouverture des droits à l'assurance chômage ? Plus spécifiquement, pour les personnes en situation de handicap, quel accompagnement spécifique prévoyez-vous ?
Nous sommes pleinement conscients de la nécessité de réformer l'assurance chômage, mais j'ai une double inquiétude.
La réforme durcit l'accès à l'indemnité. Concernant les chômeurs qui seront indemnisés par des aides de type RSA, la question se posera de la capacité des collectivités territoriales à absorber le retrait de l'État. Pourriez-vous nous rassurer sur ce point ?
Par ailleurs, sur le bonus-malus appliqué aux contrats courts, vous venez de donner un exemple extrême que, bien entendu, on ne peut que combattre. Mais n'y a-t-il pas un risque que cette mesure devienne tout de même une entrave à la création d'emplois et qu'elle soit contournée par les entreprises, qui préféreront pousser des salariés vers une démission plutôt que de conclure des licenciements ou des ruptures conventionnelles ?
Je souhaiterais aborder le sujet du chômage des jeunes. Le taux de chômage des 15-24 ans, même s'il est en baisse aujourd'hui, était toujours de 21 % en 2018. Il est donc largement supérieur à la moyenne nationale, quel que soit l'âge. La situation des jeunes ni à l'école ni en emploi ni en formation inquiète particulièrement sur les perspectives de retour à l'emploi.
Des initiatives existent sur les territoires. À cet égard, je tiens à citer le programme Impact Jeunes, animé par la Fondation des apprentis d'Auteuil et déployé à Marseille et Tarascon. Ce programme consiste à aller vers les jeunes, directement chez eux, pour renouer un lien et construire avec eux leur projet professionnel. Ce dispositif a de très bons résultats et devrait, à mon sens, largement essaimer.
Ce dispositif est aussi remarquable en ce qu'il expérimente le décloisonnement de l'accompagnement des jeunes, en étant dédié largement aux 14-30 ans. La Garantie jeunes, qui a montré l'efficacité d'un accompagnement intensif, peut souffrir d'effets de seuils, notamment sur sa durée et sur l'âge du public concerné. Dans ce contexte, l'allongement de la durée de travail requise pour accéder au droit au chômage ne risque-t-il pas de compliquer la situation des jeunes récemment arrivés sur le marché du travail ?
Le Gouvernement a pris ses responsabilités dans ce dossier de l'assurance chômage, en répondant aux mêmes contraintes que celles qu'il avait rappelées aux partenaires sociaux. Il a, quant à lui, trouvé la voie de l'actualisation de notre dispositif d'assurance chômage et de lutte contre la précarité, en rendant moins attractifs les contrats très courts. Vous vous êtes déjà exprimée sur le sujet, mais il n'est jamais satisfaisant, pour un défenseur de la démocratie sociale, de voir les partenaires sociaux être suppléés par le Gouvernement, même quand ils sont en échec. C'est pourquoi j'aimerais que vous puissiez nous éclairer sur la façon dont vous voyez l'avenir du paritarisme sur ce dossier de l'assurance chômage.
Madame la ministre, l'une des mesures majeures du décret à venir portera, comme vous l'avez rappelé, sur les conditions de l'indemnisation du chômage. Il faudra avoir travaillé six mois sur vingt-quatre, au lieu de quatre sur vingt-huit, pour être éligible à cette indemnisation. Je voudrais rappeler que cette règle des quatre mois sur vingt-huit avait été mise en place en 2008, dans l'article 3 de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008. Cet ANI avait d'ailleurs été suivi d'un vote, ce qui prouve bien qu'on en avait discuté au Parlement. Il s'agissait du vote sur le projet de loi relatif à la modernisation du marché du travail.
Ce dispositif avait été mis en place pour remédier au chômage des jeunes, en particulier au chômage des demandeurs d'emploi de moins de vingt-cinq ans. La crise est venue en 2009, et donc tout cela a été un peu mis de côté par la suite. Vous proposez aujourd'hui de faire sortir environ 200 000 à 240 000 personnes du chômage. Je m'en réjouis, car on ne peut que s'en réjouir. Mais les personnes qui seront touchées seront plus particulièrement les jeunes et les titulaires de contrats courts. Si c'est pour retrouver un emploi, c'est parfait ; si c'est pour sortir tout simplement du chômage et ne plus être indemnisé, cela pose une difficulté.
Ma deuxième question concerne les droits rechargeables. Comme vous venez de le rappeler, les droits rechargeables ne seront possibles qu'à partir de six mois, au lieu d'un mois précédemment. Finalement, quel va être l'intérêt des droits rechargeables à la suite de cette modification, dans la mesure où le bénéficiaire va se trouver dans des conditions semblables à celles d'un demandeur d'emploi ?
Le Gouvernement a annoncé l'ouverture du droit au chômage pour les travailleurs indépendants. Cette mesure répond à une promesse du Président de la République et vise à établir une égalité de traitement entre tous les travailleurs. Comme vous l'avez rappelé tout à l'heure, madame la ministre, cette indemnisation s'élèvera à 800 euros pendant six mois, à condition que les revenus soient supérieurs à 10 000 euros par an pendant les deux dernières années avant la liquidation judiciaire. Les travailleurs pourront jouir de ces droits tout au long de leur carrière professionnelle, à condition que les critères soient à chaque fois remplis. Mais, compte tenu des spécificités de la situation des travailleurs indépendants, est-il envisagé de réfléchir à un accompagnement personnalisé, pour leur permettre une réelle conversion dans le futur ?
Madame la ministre, vous nous avez longuement expliqué les effets désastreux des contrats courts sur la vie des salariés, en matière de logement, de santé… Je cite vos chiffres : 85 % des embauches sont des contrats courts, 70 % pour moins d'un mois. Cela laisse d'ailleurs penser que la plupart des emplois créés sont des emplois précaires.
Je ne comprends pas pourquoi le bonus-malus ne concerne pas tous les secteurs, et notamment pas le bâtiment et les travaux publics, le secteur sanitaire et social et les entreprises de moins de onze salariés – je pense notamment à la restauration. Si, réellement, vous vouliez lutter contre la précarité, il me semble que tous les secteurs devraient être concernés. Vous avez des explications très techniques, mais malgré tout sélectives.
Je pense aussi que, quelquefois, vous ignorez la réalité des travailleurs peu rémunérés, pour ne pas parler des travailleurs pauvres. Dans le monde rural, quand on touche le SMIC et qu'on supporte 500 à 600 euros de frais déplacement, qu'il s'agisse du carburant ou de l'investissement dans une voiture, comment voulez-vous que les gens soient incités à trouver du travail ?
Pour les entreprises, vous créez des exceptions, mais non pour les chômeurs. Votre bonus-malus, qui n'en est pas un, ne sert en fait qu'à emballer une mesure qui tape d'abord sur les chômeurs et vise à justifier la réduction de leur droit d'accès à l'assurance chômage. Les jeunes, notamment, seront les premiers concernés. Je crois que ce n'est pas acceptable, parce qu'on ne peut pas envoyer des jeunes au RSA, revenu, qui plus est, auquel, pour la plupart, ils n'auront pas droit.
Nous pouvons nous féliciter des récents chiffres de l'emploi en France qui, n'en déplaise aux esprits chagrins, traduisent l'efficacité des réformes de fond engagées depuis deux ans. Je retiens la hausse des intentions d'embauche, dont près des deux tiers sont liées à l'accroissement d'activité. Ces projets de recrutement concernent d'ailleurs, pour 45 %, des CDI, ce qui constitue un progrès important. Je le rappelle, la lutte contre l'abus des contrats courts était l'un des chevaux de bataille du candidat Emmanuel Macron.
Cette amélioration doit être confortée dans la durée pour que la création d'emplois soit aussi synonyme de pérennité et d'épanouissement pour tous dans un marché du travail responsable ; d'où les transformations proposées, que vous avez déjà largement commentées. Même si cette réforme passe par la voie réglementaire, votre présence, madame la ministre, nous confirme votre intérêt pour l'avis des parlementaires.
Diverses annonces, notamment concernant le bonus-malus sur les cotisations des employeurs en fonction du niveau de recours aux contrats courts, méritent d'être précisées. En effet, le Premier ministre a décrit un mécanisme dissuasif universel et lissé concernant les CDD d'usage, forme particulièrement souple de relations de travail, adaptée aux prestations de très courte durée etou dénuées de réelle personnalisation du poste. De votre côté, vous avez mentionné la limitation du mécanisme de bonus-malus sur les contrats courts seulement à certains secteurs d'activité.
Habitués à l'interchangeabilité et à l'instabilité, ces secteurs doivent sortir de cette logique pour aller vers une plus grande pérennité de l'emploi. Il y a des entreprises qui peuvent témoigner d'excellentes pratiques. J'en connais, par exemple, dans la restauration à Strasbourg, qui parviennent à concilier le service au client, la performance économique et l'attention portée aux collaborateurs. C'est très certainement la fidélisation de collaborateurs motivés et compétents qui est la clé du succès de toute entreprise.
Au-delà de la proposition de malus-bonus, que voyez-vous comme autres leviers possibles pour lutter contre la précarité, en particulier pour les entreprises les plus petites, qui sont également celles qui créent le plus d'emplois ?
Je voudrais me faire la porte-parole d'un habitant de ma circonscription, qui me pose, sur Twitter, une question dont j'aimerais vous faire part.
Il s'agit de Sébastien, directeur des ressources humaines. Après avoir lu un article intitulé, « Mieux on est indemnisé, plus on reste longtemps au chômage », il écrit : « Alors là, les bras m'en tombent. Plus l'indemnisation est importante et plus la durée du chômage est longue ? Cette idiotie vient certainement d'un journaliste. Le montant de l'indemnisation est un pourcentage de la moyenne des derniers salaires ; il est plafonné à 57 % de cette moyenne. Donc un cadre qui touche 5 000 euros à Pôle emploi doit certainement gagner 15 000 euros en tant que salarié. Il perd donc 10 000 euros de pouvoir d'achat. Il ne va donc pas rester à Pôle emploi pour le plaisir, car son train de vie est calé sur 15 000 euros et pas sur 5 000 euros. S'il reste longtemps inscrit, c'est sans doute parce qu'il est sur une tranche d'âge élevée, avec un métier à très forte compétence. C'est incroyable de lire ça ! »
Il y a là deux notions qui se percutent et que les personnes n'ont peut-être pas comprises. D'un côté, les cadres restent peu de temps au chômage – environ quatre mois –, d'autre part, on dit que les personnes qui sont fortement indemnisées restent plus longtemps inscrites. J'aimerais que vous me précisiez ce que vous en pensez, madame la ministre.
Le taux de chômage chez les jeunes était encore de 19,2 % en début d'année et, selon l'Observatoire des inégalités, 51,6 % des jeunes de quinze à vingt-quatre ans entrent dans la vie active par le biais d'un emploi précaire. Partant de ce constat, le Gouvernement veut lutter contre les contrats courts, souvent synonymes de précarité, mieux qualifier les jeunes – des mesures ont été prises dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel – et renforcer l'accompagnement des demandeurs d'emploi signant des contrats précaires récurrents. Il sera également utile de se pencher sur le versement du futur revenu universel d'activité (RUA) aux jeunes de moins de vingt-cinq ans.
En attendant que les mesures d'ores et déjà adoptées et celles à venir portent leurs fruits, les futures règles d'indemnisation ne risquent-elles pas de précariser les jeunes ? Disposez-vous, madame la ministre, d'une étude d'impact quant aux conséquences de la modification des règles pour eux ? Une modification des conditions de versement de la prime d'activité ne permettrait-elle pas de pallier l'absence de ressources entre deux contrats professionnels pour les nombreux jeunes qui ne bénéficient pas de soutien familial au-delà de leur majorité ?
Madame la ministre, je vous remercie pour votre exposé, qui a présenté clairement les ambitions de la réforme de l'assurance chômage. Vous avez évoqué l'importance de l'accompagnement des chômeurs, au plus près des territoires, car, on le sait, les besoins des recruteurs diffèrent d'un bassin d'emploi à l'autre. Lutter contre les inégalités territoriales implique d'agir de façon déconcentrée pour soutenir l'emploi, développer les formations et mieux faire coïncider les besoins des entreprises et ceux des demandeurs d'emploi.
C'est un enjeu très important dans ma région, le Centre-Val de Loire : elle comptabilise près de 80 000 projets de recrutements en 2019, mais 58 % des intentions d'embauche sont jugées difficiles par les employeurs.
Vous avez annoncé le recrutement sur trois ans de 1 000 agents supplémentaires à Pôle emploi. Ils s'ajouteront aux 55 000 agents actuellement répartis dans plus de 900 agences et relais Pôle emploi qui maillent notre territoire. Pourriez-vous nous éclairer sur la répartition territoriale de ces nouveaux agents ? Sera-t-elle uniforme ou corrélée à la diversité des besoins et des enjeux des territoires ?
Madame la ministre, je salue votre réforme. Elle portera ses fruits, car elle va dans le sens du projet que nous portons. Dans le cadre du tour de France de l'apprentissage et de la formation professionnelle que nous réalisons avec ma collègue Catherine Fabre, nous allons à la rencontre de tous les acteurs et donc aussi de Pôle emploi. Il y a quelques semaines, avec Claire Pitollat, nous avons rencontré la direction de Pôle emploi à Marseille. Si votre réforme va largement améliorer l'accompagnement des chômeurs, qu'en sera-t-il de l'organisation de Pôle emploi ? À Marseille comme ailleurs dans le pays, depuis des années, les agents de Pôle emploi travaillent par métier plutôt que par bassin, par secteur ou par entreprise. À l'inverse, à Paris et en région parisienne, dans les Pôles emploi que j'ai fréquentés, les agents sont spécialisés par entreprise, mais ne connaissent pas tous les métiers, ce qui ne rend pas les choses faciles pour trouver les bons profils.
Ne pensez-vous pas qu'il faudrait, en parallèle des chantiers que vous lancez, réformer Pôle emploi ?
Madame la ministre, la politique de l'emploi que vous menez, avec notre soutien, commence à porter ses fruits. C'est une très bonne nouvelle. La réforme de l'assurance chômage y contribuera. La lutte contre l'excès de contrats courts, le renforcement de l'accompagnement des chômeurs, l'incitation à la reprise d'emploi, tout cela va dans le bon sens, mais nous devons maintenir nos efforts.
C'est pourquoi ma question porte sur la politique de l'emploi à l'égard des seniors. Malgré une nette hausse du taux d'emploi des seniors en France depuis une vingtaine d'années, ce dernier reste l'un des plus faibles des pays développés. Une étude de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail démontre que l'aggravation du chômage a touché les seniors plus sévèrement que la moyenne des demandeurs d'emploi et que le chômage de longue durée les touche principalement, car ils sont évincés du marché de l'emploi.
Vous avez lancé une concertation avec les partenaires sociaux : quels en seront les axes de travail ? Quels leviers permettraient de maintenir ou de faire revenir les seniors dans l'emploi ? N'est-il pas temps de muscler très sensiblement l'accompagnement des salariés entre quarante-cinq et cinquante ans, quand ils entament le dernier tiers de leur carrière ?
Je répondrai à vos questions en les regroupant par thèmes, dont une dizaine se détache.
Concernant les cadres, beaucoup de commentateurs se trompent en indiquant que les cadres cotisent plus. En réalité, plus aucun salarié ne cotise puisque je vous rappelle que nous avons supprimé les 2,4 % de cotisations chômage et maladie des salariés du secteur privé en 2018 pour augmenter leur pouvoir d'achat. La contribution sociale généralisée (CSG) a remplacé ces cotisations : ce sont désormais tous les contribuables qui paient l'équivalent de la part des salariés – les cotisations des employeurs ayant été maintenues. Nous devons désormais le prendre en compte.
En outre, l'élément le plus important sur lequel se fonde le raisonnement est le taux de chômage des cadres – 3,8 %. Nous n'aurions pas pris la même mesure avec 7 % de chômeurs. Enfin, nous sommes quasiment hors champ des comparaisons internationales.
Madame Vignon, vous êtes interpellée sur Twitter. Malheureusement, ce sont les faits. Certes, ils sont contre-intuitifs, et je comprends que ce concitoyen soit choqué – je l'ai aussi été en les découvrant : ceux qui sont indemnisés plus de 5 000 euros par mois le sont, en moyenne, durant 585 jours, alors que ceux qui touchent entre 1 000 et 2 000 euros ne le sont que pendant 280 jours. En outre, les premiers retrouvent, en général, un emploi au cours des deux derniers mois de leur indemnisation.
Avec un taux de chômage à 3,8 %, on peut parler de plein-emploi ; les chômeurs concernés commencent donc à avoir le choix. Leur qualification leur permet d'accéder à un marché du travail extrêmement dynamique – les embauches de cadres vont encore augmenter de plus de 10 % l'an prochain ; on cherche des cadres absolument partout ! En outre, nous conservons le niveau d'indemnisation le plus élevé d'Europe – 6 600 euros. À l'inverse, pour ceux qui ne sont pas qualifiés et qui vivent dans un bassin d'emploi sinistré, la marge de manoeuvre est faible. Le régime assurantiel doit fonctionner de manière cohérente et juste. Le système doit se concentrer sur ceux qui en ont besoin.
Je crois beaucoup en la préparation opérationnelle à l'emploi. Elle est très efficace. Le coût du chômage est lié à sa récurrence. Dans le plan d'investissement dans les compétences, les formations sont mieux rémunérées que par le passé. Pourquoi ? Car nous mettons « le paquet », si vous me permettez l'expression, sur la qualité, afin de permettre le retour à l'emploi. Rien n'est pire que de suivre quatre formations inutiles.
Il faut investir dans la bonne formation pour la bonne personne. C'est le sens de la POE individuelle. Lorsqu'un employeur dépose une offre d'emploi et qu'un demandeur d'emploi souhaite postuler mais ne dispose pas des compétences, une formation adaptée à cette offre pourra être financée. C'est un dispositif que les partenaires sociaux avaient mis en place et que je trouve très positif. Nous créons un droit de tirage pour les personnes et les entreprises qui contractualisent, déjà abondé à hauteur de 50 millions d'euros dans le cadre du PIC. S'il en faut plus, nous abonderons davantage. Quelle meilleure formation que celle qui vous ouvre un emploi ?
La POE collective recouvre, quant à elle, des appels à projets de Pôle emploi qui ouvrent droit à un financement des formations à hauteur de 90 %, notamment dans les branches déficitaires en termes de compétences.
Au total, nous dégageons 200 millions d'euros pour ces POE dans le plan d'investissement pour les compétences et nous ferons plus si besoin, car, tout à fait logiquement, nous faisons des formations qui permettent un retour à l'emploi la priorité.
Beaucoup d'entre vous ont posé des questions sur Pôle emploi. J'ai déjà visité plus d'une vingtaine d'agences et, partout, j'ai rencontré des salariés extrêmement engagés dans leur métier : ils savent pourquoi ils se lèvent le matin et ont à coeur la réussite des demandeurs d'emploi et des entreprises. Je souhaitais en témoigner devant vous, car les critiques que j'entends sont très souvent injustifiées. Nous chargeons chaque année un institut un sondage d'effectuer une enquête de satisfaction : 71 % des demandeurs d'emploi et 73 % des entreprises sont satisfaits des prestations de Pôle emploi ; l'amélioration est nette. Beaucoup de gens ont donc une image de l'organisme qui ne correspond pas à la réalité.
Pour autant, améliorer l'efficacité de Pôle emploi est un travail permanent. Sur un peu moins de 4 millions d'offres déposées chaque année, 80 % trouvent preneur. C'est bien mais, avec Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, et les équipes, nous souhaitons aller encore plus loin. C'est ce qui nous a conduits à développer l'accompagnement précoce et celui des entreprises.
La déconcentration de l'organisation de Pôle emploi, en cours, est très importante, car les besoins et les défis ne sont pas les mêmes dans un bassin d'emploi rural, en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) avec un très fort taux de chômage, outre-mer ou au coeur d'une métropole. Quand certains départements sont au plein-emploi avec 5 à 6 % de chômage, d'autres, comme les Pyrénées orientales, sont à 14,5 % – le double pour les jeunes. Quant aux outre-mer, ils connaissent un taux bien supérieur.
L'offre et la demande ne sont pas les mêmes partout. Avec notre palette nationale d'outils, nous devons construire des partenariats locaux adaptés, notamment en partant d'un métier. Ainsi, ce matin, je me suis rendue dans un EHPAD qui travaille main dans la main avec Pôle emploi et la mission locale ; ils ont trouvé des solutions sur-mesure, grâce à leur proximité. C'est là l'essentiel et cela suppose une plus grande déconcentration. Elle est en cours.
Monsieur Maillard, vous posez une question intéressante sur les métiers. On ne pourra jamais demander aux agents de Pôle emploi de connaître précisément tous les métiers de toutes les entreprises. C'est la raison pour laquelle, sous ma houlette, depuis un peu moins d'un an, Pôle emploi a lancé l'opération #VersUnMétier : une fois par semaine, dans chaque agence, un métier en tension est mis en avant ; on invite les entreprises concernées à se présenter devant les demandeurs d'emploi. Cela a, par exemple, permis de recruter en masse dans le secteur numérique, où l'on recherche 80 000 personnes en France. Beaucoup d'actifs pensent qu'il faut être geek et bon en mathématiques pour y travailler. C'est faux, il faut simplement être prêt à apprendre et avoir l'esprit logique.
Le plan d'investissement dans les compétences a ainsi financé la Grande École du Numérique, qui a vu le jour à Montreuil. J'y ai rencontré une ancienne boulangère en reconversion parce qu'allergique à la farine et un jeune en échec scolaire en fin de troisième. Tous deux travaillent désormais dans le domaine de la data intelligence chez Safran et Thales. Il n'y a donc pas de fatalité, mais ils ne se seraient pas projetés si on ne leur avait pas présenté le métier. Je pourrais citer bien d'autres exemples encore.
Je partage le constat de Justine Benin sur l'aspect territorial. Nous avons posé ensemble la première pierre de l'agence Pôle emploi à Marie-Galante, en décembre 2017. J'en suis très fière, car cette proximité de terrain est fondamentale. Nous réfléchissons, d'ailleurs, à la façon dont Pôle emploi va s'engager dans toutes les maisons France Services, afin de proposer une première réponse de proximité, même si des équipes de spécialistes ne seront pas disponibles partout.
Il y a quelques jours, j'étais à Villeurbanne. Nous avons rencontré des chefs d'entreprise, des demandeurs d'emploi et des conseillers emploi. J'ai été frappée par le témoignage d'un chef d'entreprise qui disait avoir eu, par le passé, des réticences à s'adresser à Pôle emploi. Puis il a réalisé que l'agence constituait un vivier extraordinaire de millions de ressources territorialement proches. Et avec son outil Emploi Store, Pôle emploi utilise l'intelligence artificielle pour profiler entreprises et demandeurs d'emploi, et trouver des correspondances entre les offres proposées et les recherches. La transformation de Pôle emploi est donc loin d'être terminée et permettra d'accompagner au mieux notre réforme.
Bien sûr, madame Rist, pour affecter les effectifs supplémentaires, nous allons tenir compte des besoins : les outre-mer, les zones rurales avec un fort taux de chômage ou les QPV seront forcément privilégiés, comme c'est déjà le cas pour le plan d'investissement dans les compétences, les emplois francs ou les parcours emploi compétences (PEC), centrés sur les outre-mer.
Vous avez évoqué l'illettrisme. Je viens de confier une mission à Yves Hinnekint et Christian Janin sur cet important sujet. Depuis dix à quinze ans, nous avons progressé, mais 7 à 8 % des actifs sont encore en situation d'illettrisme. Pour eux, les transformations technologiques et le numérique sont un handicap supplémentaire, et nous devons encore progresser.
Vous m'avez interpellée sur la mobilité et les freins périphériques. La mobilité est, en effet, très importante. Son coût entre certes en ligne de compte, mais faut-il encore que l'offre existe ! Ainsi, récemment, j'étais en Bretagne, à Carhaix, commune connue pour son festival des Vieilles Charrues. Le reste de l'année, il y a moins de monde. J'ai rencontré des jeunes bénéficiant de la Garantie jeunes qui, n'ayant ni permis ni voiture, doivent faire une heure et demie d'auto-stop pour rejoindre la mission locale, car les transports en commun sont inexistants. C'est la réalité de notre pays, vous la connaissez tous. C'est pourquoi nous mobilisons les régions sur le sujet, ainsi que sur le logement et la garde d'enfants.
Vous avez parlé des problèmes de gardes d'enfants atypiques. Pour bénéficier d'une place en crèche, il faut un contrat à durée indéterminée. Mais comment faire durant la période d'essai ? Comment s'adapter si les horaires ne correspondent pas ? Comment impliquer les assistantes maternelles ? La mobilisation doit être locale et tout le monde doit se mettre autour de la table – caisse d'allocations familiales (CAF), Action Logement, acteurs de terrain, etc.
Les textes seuls ne peuvent pas tout, la bonne volonté collective locale doit aussi participer à trouver des solutions concrètes. Certes, il ne s'agit pas directement d'indemnisation, mais ces sujets sont tout aussi essentiels puisqu'on estime qu'un Français sur cinq refuse un emploi ou une formation en raison de problèmes de mobilité. Le projet de loi d'orientation des mobilités comporte des avancées ; nous allons désormais les concrétiser.
Vous m'avez posé de nombreuses questions sur la responsabilité des employeurs et le bonus-malus. C'est l'ancienne dirigeante d'entreprise qui parle : cela ne me dérange pas qu'on responsabilise les employeurs dans l'intérêt général, car les contrats courts, ce sont des personnes précaires et 9 milliards d'euros de déficit pour l'assurance chômage. Lorsque, dans un même secteur d'activité, des entreprises de même taille travaillant sur le même marché recourent, les unes, de façon massive aux contrats courts et, les autres pas, c'est qu'il n'y a pas de fatalité.
On parle beaucoup du malus, mais qui parle du bonus ? Le système s'équilibre. Les entreprises qui jouent le jeu de l'insertion, de la formation, de l'emploi sont ravies de ce bonus et de cette reconnaissance. Elles en ont assez de payer pour les autres.
Vous avez bien compris que la comparaison des taux de séparation sera réalisée par secteur – l'hôtellerie-restauration n'est pas semblable à l'industrie agroalimentaire, par exemple. Dans l'hôtellerie-restauration, les écarts sont incroyables. Ainsi, chez les traiteurs, les taux de précarité peuvent varier de 1 à 40 entre deux entreprises ! Certains s'organisent en signant des contrats plus longs, travaillent en groupements d'employeurs, recourent à des CDI intérimaires, etc. D'autres ne le font pas ; ils y seront désormais incités.
Les employeurs peuvent également s'organiser en fonction de leurs secteurs géographiques. Ainsi, des groupements existent en matière d'animation sportive, permettant de mutualiser la saison de ski et la saison de voile. Des moyens ont été alloués au développement de telles initiatives dans le PIC.
Je précise que les contrats courts spécifiques – contrats d'insertion, d'apprentissage ou de professionnalisation – n'entrent pas dans le champ du bonus-malus, par cohérence avec nos autres politiques.
Notre réforme, par effet induit, va fortement contribuer à lutter contre le travail illégal : les demandeurs d'emploi auront toujours intérêt à travailler plus et à le déclarer puisque leurs indemnités de chômage augmenteront en conséquence ; les employeurs seront également encouragés à déclarer par la sur-cotisation sur les CDDU et le bonus-malus.
Je n'ai pas vraiment compris la question concernant le revenu de solidarité active. Notre réforme ne durcit en rien les conditions d'admission au RSA. Au contraire, dans le cadre du plan pauvreté, des moyens importants sont dégagés afin que des binômes Pôle emploi-travailleurs sociaux travaillent ensemble. Ces moyens renforcés permettront de mieux traiter les problèmes de santé, de logement, parallèlement à la recherche d'emploi. Actuellement, seul un bénéficiaire du RSA sur cinq revient dans l'emploi chaque année, et ils ne sont pas toujours prioritaires dans l'accompagnement.
Vous avez été nombreux à m'interpeller sur les jeunes. Nous sommes tous horrifiés par leur taux de chômage. Il commence à baisser mais cela reste une priorité, en particulier du PIC. Nous augmentons le nombre de places en établissements pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE), en écoles de la deuxième chance et dans les autres dispositifs.
Notre priorité, c'est aussi l'apprentissage. Les jeunes n'ont pas besoin d'indemnités, mais d'un métier, d'une qualification et d'un départ dans la vie. L'augmentation progressive de la Garantie jeunes est une bonne chose. C'est certes une indemnisation, mais surtout une aide efficace pour définir son projet. L'évolution de l'apprentissage est encourageante, avec une hausse de 7,7 % du nombre d'apprentis l'an passé et probablement de plus de 10 % cette année.
Malgré tout, je vous alerte. Vous l'avez peut-être lu récemment, certaines régions ne jouent pas le jeu de la transition. En 2019, elles sont seules compétentes ; elles disposent de l'intégralité des 51 % de la taxe d'apprentissage – rien n'a changé. Pourtant, plusieurs d'entre elles ont annoncé une baisse de 10 à 30 % de leurs subventions aux centres de formation des apprentis (CFA) pour la fin d'année, compromettant l'avenir des jeunes et celui des entreprises. Prochainement, nous dirons publiquement quelles sont ces régions.
Il s'agit d'un véritable combat politique ! Je suis scandalisée et je n'arrive pas à comprendre que, par esprit de revanche suite à la perte d'une partie de leurs compétences, et alors même qu'elles en récupèrent sur l'orientation, on pénalise la rentrée des jeunes et les entreprises. L'espoir renaît, le changement culturel est en cours, beaucoup de jeunes et de familles ont évolué et les entreprises proposent des offres. On n'a pas le droit de pénaliser les jeunes et les entreprises ! En tout cas, ce n'est pas dans l'intérêt général.
Concernant les indemnisations, c'est l'ANI du 23 décembre 2008 – transcrit dans la convention d'assurance chômage du 19 février 2009 – qui a mis en place les quatre mois d'affiliation et les vingt-huit mois de période de référence. Le 23 décembre, la crise avait déjà commencé – Lehman Brothers a fait faillite le 15 septembre et le plan d'urgence du Gouvernement date du 9 décembre. Je m'en souviens, chacun à son niveau, nous étions tous mobilisés. Au moment de la signature de l'ANI, la crise était au coeur de l'actualité et les partenaires sociaux l'avaient parfaitement en tête – ils avaient raison. L'assurance chômage doit évoluer en fonction de la situation du marché du travail et, aujourd'hui, nous sommes dans un autre contexte.
Vous craignez que ce soit plus difficile pour les jeunes et les contrats courts. Mais on ne parle que de six mois travaillés sur vingt-quatre mois, soit ce qui était auparavant la règle. En Allemagne, en Espagne, il faut travailler six mois sur douze ou douze mois sur vingt-quatre. Parmi les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), nous sommes un de ceux qui donnent accès le plus rapidement et le plus massivement au chômage. On ne peut donc pas dire que le système n'est pas protecteur, d'autant que les jeunes peuvent bénéficier de la Garantie jeunes qui procure un revenu. En outre, le PIC va permettre une hausse des formations pour les jeunes, et l'apprentissage leur donnera un métier et un emploi durable.
La moitié des contrats très courts concerne des jeunes. Quelle image du travail leur donne-t-on ? Le purgatoire des contrats courts jusqu'à trente ans ! Notre combat, aujourd'hui, c'est de leur offrir plus de CDI. Cela passe à la fois par la qualification et par l'ouverture d'esprit des entreprises, qui évolue. Auparavant, les employeurs se plaignaient souvent que les jeunes n'avaient pas d'expérience. Désormais, ils recherchent désormais tellement de personnel qu'ils acceptent de recruter des salariés sans expérience et de les former !
Les règles liées aux droits rechargeables sont très techniques. Le cumul des règles de rechargement et des règles de l'activité réduite rend possible d'être indéfiniment indemnisé au chômage en travaillant un jour sur deux. La convention d'assurance chômage de 2014 a créé ce système de recharge rapide – au bout de 150 heures, soit un mois de travail, un allocataire reconstitue ses droits. En outre, un jour travaillé en activité réduite peut allonger la durée potentielle du chômage de deux jours : un salarié en activité réduite, qui travaille un jour sur deux, peut reporter ce deuxième jour en fin de période d'indemnisation, tout en bénéficiant d'un jour d'indemnisation supplémentaire. Un jour travaillé donne donc potentiellement droit à deux jours de chômage indemnisés. En conséquence, la proportion de salariés cumulant de façon durable emploi et chômage a fortement augmenté depuis la mise en place de cette nouvelle règle – de 9 à 17 %. Les employeurs qui recourent aux contrats courts et les règles de la permittence font que les deux parties privilégient le contrat court. Or, même si cela semble favorable à court terme au demandeur d'emploi, en réalité, cela l'enferme dans la précarité contre laquelle nous voulons lutter avec cette réforme. La précarité n'a jamais permis l'autonomie, et notre combat, c'est l'emploi stable.
Pour les indépendants, vous avez raison, nous créons une indemnité sans cotisation supplémentaire, ce qui peut sembler paradoxal. Il s'agit de leur donner le temps de se retourner. Les agriculteurs, les commerçants ou les artisans en faillite ou en liquidation judiciaire se retrouvent absolument sans rien du jour au lendemain. Nous faisons un effort de solidarité de 800 euros pendant six mois. Ce n'est donc pas le régime complet d'assurance chômage qui s'applique – il faudrait mettre en place un système de cotisations qu'ils ne souhaitent pas pour le moment. En outre, ils ont tout à fait le droit de demander l'accompagnement personnalisé de Pôle emploi.
N'oublions pas les évolutions liées au compte personnel de formation. On ne mesure pas à quel point cela va constituer une révolution : nous sommes le premier pays au monde – Singapour va le faire à moindre échelle – où 26 millions d'actifs auront 500 à 5 000 euros sur leur CPF à partir de novembre. Une application leur permettra de visualiser leurs droits, mais aussi toute l'offre de formation – qualifiante, certifiante, etc. – en temps réel. Nous mesurerons la satisfaction des utilisateurs. Nous réalisons ce travail gigantesque avec la Caisse des dépôts et consignations et des start-up.
L'ensemble de ces dispositifs, ainsi que ceux mis en place pour les démissionnaires, vont constituer les outils de la prévention des risques de chômage. Beaucoup de gens voudraient se reconvertir – on le constate par le biais des sondages d'opinion –, soit parce qu'ils ne font pas le métier qu'ils auraient voulu faire, soit parce qu'ils veulent évoluer, changer de voie, progresser ou élargir leur pratique professionnelle.
Je reviens sur le bonus-malus et les contrats à durée déterminée d'usage. Le bonus-malus sera appliqué dans les sept secteurs où le taux de séparation est le plus important – ceux qui envoient le plus régulièrement le plus grand nombre d'actifs vers Pôle emploi. Cela représente 37 % des ruptures de contrat. Avec eux, nous allons réfléchir, leur exposer les solutions et les accompagner. Si le bonus-malus est efficace et conduit à moins de précarité – ce dont je suis persuadée – et si, parallèlement, les autres secteurs n'ont pas progressé, nous n'excluons pas de l'étendre.
La taxe sur les CDDU sera, quant à elle, appliquée dans les seize secteurs d'activité où ils sont utilisés. En outre, des rapports de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) soulignent que certains secteurs les utilisent sans en avoir le droit ; nous allons y mettre bon ordre.
Les CDDU se caractérisent, en effet, par l'absence de prime de précarité et la possibilité d'embaucher indéfiniment la même personne. Ils peuvent être utilisés, par exemple, dans l'hôtellerie-restauration, du fait de conditions particulières d'emploi, mais il faut savoir faire la différence entre bon usage et usage excessif. Il est certain qu'imposer une taxe de 10 euros sur un unique contrat de six mois ou un an n'aura aucun effet – mais ce n'est pas ce type de contrat que l'on vise. Par contre, 10 euros sur cinq contrats de cinq heures par semaine inciteront peut-être l'entreprise à rédiger un contrat pour une semaine entière.
Grâce à ces deux outils, nous disposerons d'une vision complète. Après évaluation, cela permettra de conserver ce qui est nécessaire.
Vous avez également évoqué le carnet de bord. Nous ne l'avons pas oublié. Durant les deux demi-journées d'accompagnement du demandeur d'emploi, le conseiller doit faire un minimum d'administratif et se concentrer sur le projet du demandeur. En outre, en Centre-Val de Loire et Bourgogne Franche-Comté, nous allons tester le carnet de bord digital : avant son rendez-vous mensuel, chaque demandeur d'emploi remplira les informations relatives aux démarches qu'il a effectuées – résultats des démarches, difficultés, manques… –, ce qui libérera du temps et permettra un dialogue plus constructif. Vous le voyez, Pôle emploi innove.
Enfin, vous m'avez interrogée sur le paritarisme. Il évolue au fil du temps. La démocratie sociale est indispensable à la démocratie et constitutive de son équilibre. La démocratie parlementaire est le socle de notre représentativité, mais démocratie sociale et démocratie citoyenne ou participative – que nous développons – sont des compléments fondamentaux.
Les ordonnances revitalisent le dialogue social dans les entreprises. J'ai parlé de la première édition des Réussites du dialogue social : c'était impressionnant. Ceux qui étaient là, tant du côté syndical que patronal, nous ont confirmé n'avoir jamais connu cela. Il y a encore beaucoup à faire, car ce changement culturel n'a pas atteint toutes les entreprises, mais les plus avancées utilisent tous les outils pour renforcer le dialogue social.
Les ordonnances ont transféré plus de prérogatives aux branches – qualité de l'emploi, définition des coûts du contrat d'apprentissage et des diplômes professionnels. Les discussions sur les coûts du contrat d'apprentissage ont démarré très rapidement. Le travail a été efficace puisque la copie est rendue à 85 %. À l'inverse, il y a encore peu de nouveaux accords de branche, mais nous y croyons.
Au niveau interprofessionnel, nous devons poursuivre les discussions avec les partenaires sociaux. Ils ont un rôle à jouer, nous en sommes tous conscients ; ils le souhaitent et nous le souhaitons, mais le système hybride de l'assurance chômage ne simplifie pas les choses.
Pourquoi dis-je que le système est hybride ? D'abord, parce que les cotisations salariales n'existent plus – c'est le contribuable qui paie. Ensuite, parce que la dette est garantie par l'État à un niveau très important – c'est la deuxième dette la plus élevée garantie par l'État après celle de la SNCF. Le système est donc plus hybride qu'il n'en a l'air sur le papier. En conséquence, si les partenaires sociaux échouent à définir les règles, c'est à nous de le faire. Pour autant, ce n'est pas très satisfaisant ; cela fait sans doute partie des sujets sur lesquels nous devrons revenir.
La séance est levée à dix-huit heures trente-cinq.
Présences en réunion
Réunion du mardi 2 juillet 2019 à 16 heures 30
Présents. – M. Joël Aviragnet, Mme Delphine Bagarry, M. Belkhir Belhaddad, Mme Justine Benin, Mme Brigitte Bourguignon, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Albane Gaillot, Mme Carole Grandjean, M. Jean-Carles Grelier, Mme Claire Guion-Firmin, Mme Monique Iborra, Mme Fadila Khattabi, Mme Geneviève Levy, Mme Monique Limon, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thierry Michels, M. Bernard Perrut, M. Laurent Pietraszewski, Mme Claire Pitollat, M. Adrien Quatennens, M. Alain Ramadier, Mme Stéphanie Rist, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer, Mme Corinne Vignon
Excusés. - Mme Ericka Bareigts, Mme Charlotte Lecocq, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur-Christophe