La réunion débute à 21 heures.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.
La Commission examine, en nouvelle lecture, le projet de loi organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire (Mme Marie Guévenoux, rapporteure).
Mes chers collègues, nous nous retrouvons à la suite de l'échec de la commission mixte paritaire qui s'est réunie ce matin. Nous devons donc examiner, en nouvelle lecture, le projet de loi, modifié par le Sénat, organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire.
Ceux d'entre vous qui ont participé ce matin à la commission mixte paritaire savent qu'un réel travail de convergence a été mené avec le Sénat. La CMP aurait pu être conclusive si nous avions réussi à nous accorder sur un ultime point touchant à la gestion d'une éventuelle résurgence de l'épidémie au niveau local. Sachez que cet effort de compromis n'aura toutefois pas été vain, puisque le texte sur lequel se base notre discussion est celui qui a été adopté par le Sénat, dont je souhaite préserver les principaux équilibres.
Avant toute chose, je me réjouis que nos collègues sénateurs aient validé l'économie générale du texte proposé par le Gouvernement. Il constitue en effet la seule alternative crédible entre, d'un côté, une sortie sèche de l'état d'urgence sanitaire, qui serait imprudente, et, de l'autre, sa prorogation, qui serait injustifiée. Comme le Conseil d'État l'a écrit et comme je vous l'avais indiqué en première lecture, le Sénat a également confirmé que la réponse à la menace sanitaire ne pourra désormais reposer qu'en partie sur le dispositif de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, contrairement à ce qui a été le cas avant l'instauration de l'état d'urgence sanitaire.
Lorsque notre Commission s'est saisie du projet de loi initial, elle a souhaité renforcer les garanties qui encadraient ce dispositif transitoire appelé à succéder aux seize semaines d'état d'urgence sanitaire. Ce travail, mené en concertation avec l'ensemble des groupes et le Gouvernement, a été utile. Plusieurs progrès peuvent être soulignés : avancée de l'échéance du dispositif transitoire au 30 octobre, encadrement des conditions de limitation des rassemblements, clarification du recours à des mesures individuelles, maintien du conseil scientifique jusqu'au terme de la période transitoire pour éclairer les décisions prises durant cette période.
Le Sénat a ensuite utilement approfondi le travail qui avait été engagé par l'Assemblée nationale. Il a souhaité que le dispositif transitoire qui succédera à l'état d'urgence sanitaire s'en distingue et soit strictement adapté à l'évolution de la situation sanitaire.
Par conséquent, nos deux chambres se sont accordées sur plusieurs points importants, comme la réglementation des rassemblements et des manifestations, et, bien entendu, l'article 2, relatif à la recherche et à la surveillance épidémiologique. Après avoir construit une base de travail commune, à la fois protectrice des libertés fondamentales et adaptée aux circonstances sanitaires, il fallait néanmoins nous assurer que le dispositif que nous élaborions était suffisamment abouti pour être également efficace.
Comme je l'ai rappelé en commission mixte paritaire, mon principal souci concerne la maîtrise rapide de la situation dans des clusters localisés, afin d'éviter tout risque de reprise épidémique. Sans revenir à des mesures générales et absolues qui ne se justifient plus, nous devons être capables d'agir de manière rapide et efficace dans les territoires, sans avoir nécessairement à déclencher l'état d'urgence sanitaire en cas de reprise de l'épidémie dans une commune ou à l'échelle d'un département. Cette préoccupation majeure – nous avons vu ce qui s'est passé en Allemagne cette semaine – doit être prise en compte s'agissant de la circulation des personnes, ou encore de l'accueil du public dans certains établissements, lorsque les circonstances locales le justifient. La question a pourtant fait l'objet d'un désaccord avec nos collègues sénateurs. Je considère que le préfet peut apprécier le bon niveau d'intervention au regard de la situation locale, mais je n'ai pas réussi à en convaincre le Sénat. Je le regrette : une telle disposition aurait été un point de compromis intéressant et utile sur lequel sceller notre accord.
En ce qui concerne la question des tests à l'embarquement pour les passagers par transport public aérien, je vous proposerai de rétablir le dispositif de l'Assemblée, qui me semble tout à la fois pleinement applicable et protecteur des territoires les plus fragiles, sans être pour autant discriminant à leur égard. Je vous proposerai également de rétablir la disposition, adoptée par notre assemblée, visant à étendre les possibilités de placement en quarantaine ou en isolement des personnes en provenance des outre-mer. Une exception sera néanmoins introduite pour que cette mesure ne s'applique pas aux voyageurs venant d'un territoire ultramarin où ne circule pas l'infection. Ces deux points n'avaient pas soulevé d'opposition dans nos échanges avec le rapporteur du Sénat, sous réserve de quelques précisions.
Enfin, j'ai été sensible à l'initiative du président Philippe Bas visant à préciser et clarifier les dispositions de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique. Toutefois, nous étions convenus, dans le cadre de la loi dite d'urgence du 23 mars, de réviser l'ensemble du dispositif de gestion des crises sanitaires d'ici au 1er avril 2021, soit à expiration des dispositions relatives à l'état d'urgence sanitaire. Je pense donc préférable d'inscrire cette question dans un débat global qui devra intégrer les travaux en cours dans nos deux assemblées et les enseignements que nous tirerons de la période transitoire.
Je vous proposerai donc cinq amendements au texte adopté par le Sénat, ce qui, je l'espère, vous prouvera que je suis très attachée à la préservation de l'équilibre construit successivement par chacune de nos assemblées, et à l'assurance que le dispositif que nous bâtissons soit pleinement opérant, efficace et adapté à l'évolution de la situation sanitaire.
Madame la présidente, en me donnant la parole en premier, vous rompez avec l'ordre habituel des groupes, mais j'en comprends bien la raison. Quoi qu'il en soit, et même si cette soirée ne sera sans doute pas très longue, nous aurons l'occasion de répondre aux arguments de la majorité.
Je commencerai par ceux de la rapporteure. Le groupe Les Républicains regrette évidemment que nous n'ayons pas su – ou pu – trouver un accord en commission mixte paritaire – c'est d'ailleurs la première fois que cela arrive s'agissant d'un texte concernant la gestion de la crise sanitaire : jusque-là, nous avions réussi à nous accorder pour confier au Gouvernement des prérogatives exorbitantes du droit commun et revêtant une importance particulière, dans la mesure où elles restreignaient très largement la liberté de nos compatriotes. Nous n'avons pas trouvé d'accord sur ce qu'il conviendra de faire dans le cas d'une possible résurgence de l'épidémie, non sur la manière de la gérer à proprement parler, mais sur les moyens juridiques sur lesquels cette gestion se construira. S'il fallait, en raison d'une résurgence de l'épidémie, restreindre de nouveau la liberté des Français comme ce fut le cas durant le confinement, ne serait-ce que sur une partie du territoire, nous considérons, comme la majorité sénatoriale, qu'il faut le faire d'une manière appropriée sur le plan juridique, autrement dit sur le fondement d'un texte spécifique. Nous ne saurions voter un texte censé organiser la sortie de l'état d'urgence mais qui revient à proroger pour quatre mois des prérogatives exorbitantes du droit commun en matière de restriction des libertés.
L'état d'urgence, soit on en sort, soit on y reste. En l'état actuel des textes, il peut être à nouveau décrété par le Gouvernement jusqu'au mois d'avril 2021 pour gérer les éventuelles reprises de l'épidémie ; c'est donc ce régime qu'il faut utiliser. On ne peut priver à ce point les Français de leur liberté que dans un cadre juridique bien particulier, correspondant à une situation bien spécifique, certainement pas par le biais d'un texte affichant l'ambition de sortir de la crise… C'est une question de confiance et de compréhension des citoyens : si la sortie de la crise se fait sur la base d'un droit hybride et confus, les Français auront du mal à comprendre non seulement ces mesures, mais la situation sanitaire elle-même, à plus forte raison après une gestion de crise marquée par nombre de décisions contradictoires… Mais nous n'allons pas polémiquer là-dessus ce soir. Ce qu'il faut, c'est un droit cohérent et compréhensible pour nos concitoyens.
Dans la grande majorité des cas, il ne devrait pas y avoir de problème ; s'il y en a, il faudra appliquer des mesures exceptionnelles, et non des mesures de droit commun. Voilà ce qui a conduit au désaccord. Sur le fond, nous approuvons les moyens que le Gouvernement utilisera çà et là, mais nous ne voulons pas qu'ils soient inscrits dans le droit de façon trop durable : ils doivent rester exceptionnels. Telle est la position que nous défendrons ce soir ; elle est claire, de nature à être comprise par nos compatriotes et à faciliter l'acceptation d'une situation tout de même très particulière.
Il est un dernier point que j'ai abordé en commission mixte paritaire et qui me semble essentiel quant à la façon dont nous abordons le rôle qui est le nôtre : lors de la discussion de ce texte en première lecture, on a observé une tentative de dédramatisation des prérogatives exorbitantes du droit commun qui y figurent : au fond, on a choisi de limiter les libertés collectives pour ne pas porter atteinte aux libertés individuelles. C'est une erreur : je préférai toujours que l'on soit conduit à restreindre quelques libertés individuelles, c'est-à-dire les libertés de quelques-uns – du fait, par exemple, qu'ils ont été contaminés par le covid-19 – pour protéger la liberté de tous. Cela aussi me semble important à l'heure où nous discutons de la sortie de la crise.
L'état d'urgence, soit on en sort, soit on y reste, dites-vous ; malheureusement, comme tous les habitants de notre planète, je constate que le virus est toujours là. Alors, comment fait-on ? Je regrette l'échec de la commission mixte paritaire, comme Mme la rapporteure, dont je salue les efforts pour parvenir à un accord. Compte tenu des deux précédentes CMP, nous étions optimistes – trop, sans doute. Cet échec est d'autant plus regrettable que le temps joue contre nous, ou plutôt contre le Sénat, car celui-ci, après la session extraordinaire de juillet, ne siégera plus avant le mois d'octobre. Or nous devons impérativement avancer et doter le pays d'un cadre juridique clair et transitoire – ce que propose le texte.
L'épidémie est loin d'être terminée. L'Organisation mondiale de la santé a fait part de sa crainte d'un rebond, notamment en Europe. De fait, depuis deux semaines, on observe une augmentation du nombre de cas sur notre continent – 20 000 nouveaux cas quotidiens, et 700 décès supplémentaires à déplorer. L'Allemagne, la Pologne et le Portugal ont été amenés, très récemment, à prendre des mesures pour endiguer localement la propagation du virus. Ces exemples doivent tout à la fois nous alerter et servir de boussole pour les mois qui viennent. Dans ces pays, les foyers recensés, principalement des établissements scolaires et des sites de production alimentaire, notamment des abattoirs, ont été circonscrits rapidement et efficacement grâce à certaines mesures de reconfinement. Nous devons donc être en mesure de réagir de la même manière, ce que le texte que nous examinons nous permettra de faire, j'en suis convaincue.
En ce qui concerne la circulation des personnes et la question de savoir s'il faut la réglementer ou l'interdire, la rédaction de nos collègues sénateurs n'est pas adaptée à la situation sanitaire et aux risques qu'elle induit. Je sais, madame la rapporteure, que vous avez essayé, en vain, de trouver une rédaction qui satisfasse tout le monde. Il faut en prendre acte et avancer vers ce qui nous semble être la solution adéquate.
S'agissant des établissements recevant du public, si l'on étudie attentivement les foyers dans lesquels la propagation du virus est repartie à la hausse, on constate qu'il s'agit de lieux clos, dont la configuration ne permet pas le respect des gestes barrières. Là aussi, il faut rester vigilant et conserver la rédaction que nous avions adoptée. Certains types d'établissement recevant du public ne pourront à l'évidence pas rouvrir dans les conditions requises ; il serait irresponsable de soutenir le contraire.
Vous l'aurez compris, le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés conserve donc la ligne qui est la sienne depuis le début : nous soutenons le projet de loi dans sa version la plus satisfaisante, et surtout la plus opérationnelle, à savoir celle qui est issue de nos débats.
Nous sommes tous conscients du fait que, pendant l'état d'urgence sanitaire, il faut prendre des mesures exceptionnelles, tout en veillant, autant que possible, au respect du droit et des libertés publiques. Or il est vrai que, de ce point de vue, la deuxième période qui s'annonce, entre juillet et octobre, pose certaines questions. Il faut placer le curseur au bon endroit. Pour le groupe UDI et indépendants, le dispositif doit être à la fois souple et efficace, à même de garantir la capacité de l'État à intervenir rapidement, sans pour autant donner lieu à des contestations, comme cela a été le cas dans les territoires d'outre-mer.
À ce propos, je me permets une remarque : le dispositif prévu pour les collectivités d'outre-mer autonomes, notamment la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, nous paraît un peu alambiqué. Il faut trouver un équilibre entre les compétences de ces territoires et celles de l'État. Certes, l'intention est bienveillante : il s'agit de faire en sorte que l'État puisse intervenir rapidement. Encore faudrait-il que le respect des compétences de nos pays, de nos collectivités, soit davantage garanti. Nous ne disposions que de peu de temps pour réagir avant la réunion de ce soir, mais, d'ici à la séance, nous essaierons de trouver des solutions.
En Polynésie française, c'est le ministre de la santé qui est compétent pour arrêter les mesures, mais c'est le préfet – chez nous le haut-commissaire – qui met en œuvre des dispositions telles que l'isolement et la quarantaine. C'est là qu'il faut trouver un point d'équilibre : le texte doit très clair, de manière à ce que, une fois sorti de l'état d'urgence, on retrouve bien les compétences de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie. Je reviendrai donc vers vous d'ici à la séance avec mes collègues calédoniens pour proposer une rédaction qui prenne mieux en compte ces compétences partagées.
Le groupe La France insoumise reste opposé à ce texte dit de sortie de l'état d'urgence sanitaire, mais qui, de notre point de vue – et pas seulement le nôtre, d'ailleurs –, proroge en fait un certain nombre de ses dispositions, y compris les plus problématiques et contestables : il s'agit, sous couvert de proposer une réponse graduée, de laisser à l'exécutif une partie des pouvoirs exorbitants du droit commun qui lui ont été attribués et dont il a parfois usé, pensons-nous, de manière abusive. Ce qui explique que nous ne fassions pas confiance au Gouvernement pour assurer, dans le respect de l'ensemble des droits et libertés, la gestion des événements exceptionnels qui pourraient survenir.
Nous avons conscience du fait que la pandémie n'est pas terminée ; tout le monde convient de la nécessité de maintenir une vigilance sanitaire attentive, au vu du développement de foyers d'infection localisés, en France et en Europe. Mais le Gouvernement n'a toujours pas réussi à nous expliquer pourquoi les dispositions en vigueur du code de la santé publique ne peuvent pas être utilisées ou ne seraient pas suffisantes, alors même qu'elles offrent des possibilités d'action extrêmement larges au ministre de la santé, y compris pour intervenir dans les foyers d'infection. Plus généralement, même si ce n'est pas l'objet du projet de loi, il nous semble que, dans la gestion de la crise, le Gouvernement n'a fait preuve ni de l'organisation et de l'efficacité nécessaires, ni surtout du respect attendu des droits et libertés individuelles, sans parler des prérogatives parlementaires.
Voilà pourquoi nous restons opposés à ce texte, malgré les éléments que le Sénat y a introduits pour en limiter la portée s'agissant des atteintes aux libertés. De nombreuses organisations de défense des droits humains lui adressent d'ailleurs les mêmes critiques : la Commission nationale consultative des droits de l'homme, il y a quelques jours, a ainsi exprimé publiquement son opposition, y compris à la version remaniée par le Sénat, dont nous débattons ce soir. Nous voterons donc contre ce projet de loi. Et à défaut d'avoir pu supprimer l'ensemble de ses articles, nous proposerons des amendements visant à tout le moins à en faire disparaître les dispositifs à nos yeux les plus contestables.
La réalité à laquelle nous sommes confrontés évolue en permanence ; il doit en être de même des arguments que nous échangeons. Il y a quinze jours, les messages étaient extrêmement rassurants, on avait le sentiment d'assister à une sorte d'extinction progressive de l'épidémie. Malheureusement, il en est allé tout autrement : on a dénombré 1 000 cas dans une seule entreprise en Allemagne, et même dans notre pays, près de 200 clusters sont apparus. Les cas continuent à se multiplier et des gens meurent. Même si l'épidémie est très clairement moins forte – en tout cas chez nous, car dans certains pays elle n'est pas encore sous contrôle –, il faut prévoir une période de transition, pour mesurer l'évolution de la situation, piloter à vue, avec l'humilité qui s'impose, en suivant les avis des scientifiques, et en même temps permettre progressivement au pays de redémarrer.
Je regrette, comme tout le monde, que la CMP n'ait pas été conclusive, mais peut-être pour d'autres raisons. En effet, à travers nos travaux et les lois que nous votons, nous adressons des messages au pays ; or, jusqu'à maintenant, nous avions envoyé un message de consensus. C'est moins le cas avec ce texte, et je le regrette profondément, d'autant plus que le consensus existe autour de certaines de ses dispositions, à commencer par celles que nous ne sommes pas amenés à réexaminer parce qu'elles ont été votées conformes – je pense en particulier à l'article 2, qui porte sur les systèmes d'information, objet de débats parfois virulents en première lecture. Le Sénat, dans sa sagesse, a choisi de soutenir la rédaction de l'Assemblée et je m'en réjouis.
Le travail en CMP aura malgré tout permis de trouver des points d'équilibre, par exemple en ce qui concerne l'outre-mer. Nous avons donc progressé, même si j'entends tout à fait la remarque de Maina Sage – chacun comprendra, à la lecture du Journal officiel de ce matin, que j'y suis particulièrement sensible.
Sur le reste, notre désaccord tient à une raison finalement simple : le Sénat, et ici le groupe Les Républicains, qui est dans l'opposition, n'acceptent pas le principe d'une période de transition. Selon eux, soit on est dans l'état d'urgence, soit on en sort – cette fameuse phrase revient régulièrement. Je ne crois pas que les choses fonctionnent ainsi : nous avons besoin d'outils qui nous permettent de gérer la transition. Certes, le Parlement peut être convoqué à tout moment pour rétablir l'état d'urgence, mais il faut quand même six jours pour le faire. Entre-temps, bien des choses peuvent arriver, une situation peut même totalement basculer. Par ailleurs, l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, objet de toutes les attentions ces derniers temps, n'est pas suffisant. Certes, il l'a été une première fois, précisément parce que nous réagissions à une situation exceptionnelle. Mais prétendre prévoir l'exceptionnel me semble un peu bizarre… En vérité, il est évident qu'il faut réformer ce dispositif ; preuve en est, le Sénat a souhaité le réécrire pour l'adapter à la situation.
Nous avons achoppé sur un point très particulier : la question de savoir si, au niveau communal ou au niveau départemental, le représentant de l'État, autrement dit le préfet, doit pouvoir prendre les mesures nécessaires en cas d'apparition d'un cluster. Dans la loi portant organisation du second tour des élections municipales, on avait admis qu'il n'était pas nécessaire de voter une nouvelle loi dès lors que le nombre de communes pour lesquelles le scrutin pouvait être remis en cause par l'apparition d'un cluster ne dépassait pas 5 % de l'ensemble des communes concernées. Là, on est à l'échelle du département – notre pays en compte cent : 1 % d'un côté, 5 % de l'autre… Je pense que nous aurions pu trouver un accord. Cela n'a pas été le cas, et c'est d'autant plus dommage que nous avons besoin de stabiliser un vrai dispositif d'état d'urgence sanitaire, comme le prévoit du reste la loi du 23 mars 2020. Nous allons y travailler ; nous devrons l'avoir organisé d'ici au mois d'avril 2021.
Vous avez raison, monsieur Schellenberger : je souhaitais intervenir après vous, car je voulais que vous répétiez ce que vous aviez dit en CMP – je fais référence à la distinction que vous opérez entre la liberté individuelle et la liberté collective. J'entends l'argument, il n'est pas anodin, mais la crise est globale, elle impose une réaction de la société – de la solidarité. Ce n'est pas en isolant, en stigmatisant, en neutralisant des personnes que nous réussirons. Au demeurant, nous avons tous subi des restrictions de nos libertés individuelles, ne serait-ce que celle de se déplacer, que nous avons vécues intimement. Mais c'est à l'échelle de la société que nous avons dû réagir pour organiser une réponse cohérente. En ce qui me concerne, je soutiens donc le choix qui a été fait.
Pour conclure, je regrette une fois de plus que nous n'ayons pas de nouveau envoyé un message de consensus à la population, à notre pays, qui nous observe, qui examine la manière dont la représentation nationale le représente et lutte contre l'épidémie de covid-19. Mais ce n'est pas si grave : le combat n'est pas terminé et nous aurons d'autres occasions, je l'espère, de nous mettre d'accord sur de très nombreux points, de trouver des consensus.
Je réponds aux collègues qui viennent de s'exprimer en reprécisant quelques points à l'attention de ceux qui n'ont pas suivi les travaux de la CMP ce matin.
Depuis le début de la crise sanitaire, nous – pouvoirs publics, dirigeants de ce pays – sommes éclairés par les avis du conseil scientifique qui, s'ils ne nous lient pas, nous permettent de prendre des décisions en connaissance de cause. Celui-ci affirme aujourd'hui très clairement que nous ne vivons plus en état de catastrophe sanitaire et que l'état d'urgence sanitaire n'est pas nécessaire. Le Gouvernement, le Président de la République et l'ensemble de la représentation nationale s'accordent sur le fait qu'il n'est effectivement plus souhaitable : c'est la raison pour laquelle nous souhaitons en sortir le 11 juillet, à la fin du délai de prorogation fixé par la loi du 11 mai 2020.
Pour autant, la lecture des avis de ce même conseil ne peut nous laisser penser une seule seconde que nous serions dans la logique binaire de Raphaël Schellenberger : l'état d'urgence, soit on y est, soit en on sort. Le conseil scientifique dit clairement qu'il nous est possible d'en sortir, mais que nous avons besoin d'un certain nombre d'outils et donc d'un socle juridique et législatif pour les actionner. Comme l'a dit Maina Sage, il faut bien placer le curseur : c'est ce dont nous débattons.
Nous avons beaucoup travaillé sur ce projet de loi, tant en commission qu'en séance, en nous attachant à préserver le caractère opérationnel des mesures tout en renforçant les garanties afin de mieux les encadrer.
Madame Obono, dire que nous aurions pu mener le même travail en nous appuyant sur le droit existant, c'est-à-dire sur l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, est tout à fait inexact, ainsi que l'ont relevé tant le Conseil d'État que, comme l'a précisé notre collègue Guillaume Vuilletet, le Sénat lui-même puisqu'il en a proposé une nouvelle rédaction, jugeant probablement qu'il méritait d'être clarifié.
Le texte que nous examinons ce soir est le fruit du travail fourni par notre assemblée, mais également de celui du Sénat. Plusieurs de nos collègues lui reprochent de comporter des prérogatives exorbitantes du droit commun ; mais nous l'avons assorti de nombreuses garanties, et tous les groupes y ont contribué. Qui plus est, ce texte n'est pas celui de l'Assemblée nationale, mais celui adopté par le Sénat qui en a ajouté d'autres. J'invite les plus sceptiques à comparer précisément le dispositif de l'état d'urgence sanitaire – autrement dit les articles L. 3131-15 à L. 3131-17 du code de la santé publique – et celui du projet de loi : il ne s'agit pas d'un état d'urgence qui ne dirait pas son nom. Ce ne sont pas les mêmes dispositions.
La Commission en vient à l'examen des articles.
Article 1er : Régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire
La Commission examine deux amendements identiques de suppression, CL1 de M. Raphaël Schellenberger et CL8 de Mme Danièle Obono .
Je me réjouis que notre débat de ce soir permette d'assurer, ce qui est rare, la publicité des débats en commission mixte paritaire, qui est une des institutions les plus impénétrables et les plus discrètes de la République…
Je vous rappelle que les échanges en commission mixte paritaire font l'objet d'un compte rendu, et que tous les Français peuvent le consulter…
Notre amendement CL1 propose de supprimer l'article 1er car une telle restriction des libertés des Français, fût-elle territorialement circonscrite, pour un motif aussi exceptionnel, ne peut relever du droit commun, à plus forte raison sur une période plus longue que la durée initiale de l'état d'urgence lui-même.
Nous ne proposons pas de priver le Gouvernement de tout moyen de réagir : l'état d'urgence sanitaire que nous avons voté le 23 mars 2020, puis corrigé lorsque nous l'avons prorogé, peut être déclaré sans qu'il soit besoin de convoquer le Parlement : celui-ci n'intervient qu'après. C'est bien ainsi qu'a été pensé le mécanisme, qui garantit toute la réactivité souhaitable. C'est une question de clarté et de compréhension : quand on réduit à ce point les libertés des Français, cela ne peut relever du droit normal, mais d'un droit d'exception.
En vérité, l'article 1er proroge l'état d'urgence sous couvert d'en sortir ; et c'est d'autant moins justifié que le bilan que nous dressons de la manière dont le Gouvernement a usé de ses pouvoirs est extrêmement critique.
On y retrouve en particulier une disposition, issue de l'examen en première lecture, qui remet de fait en cause certains droits fondamentaux, à commencer par la liberté de réunion, en passant d'un régime de déclaration à un régime d'autorisation. Une telle évolution est révélatrice de la façon dont des dispositions exceptionnelles sont de plus en plus intégrées à notre droit positif par le biais de modifications soi-disant temporaires. Or on a vu à quel point l'arbitraire de l'exécutif en la matière posait problème.
Pour toutes ces raisons, cet article 1er n'a pas lieu d'être, même si le Sénat en a modifié certains des alinéas, pas plus que l'article 2, malheureusement adopté conforme.
Nous récusons l'état d'esprit de ce texte qui perpétue des pratiques remettant en cause certains droits et libertés essentielles, notamment en matière de données de santé et de données personnelles éminemment sensibles. L'Assemblée nationale ne doit donc pas le voter.
Monsieur Schellenberger, j'entends très bien que votre intention n'est pas de priver le Gouvernement de tout moyen d'agir, mais c'est exactement ce qui se produirait si l'article 1er était supprimé…
Nous ne vivons pas en état de catastrophe sanitaire : rien ne justifie plus la déclaration de l'état d'urgence sanitaire. Pour autant, la situation sanitaire n'est pas tout à fait contrôlée ni le virus éradiqué : nous sommes effectivement dans un entre-deux. La suppression de l'article 1er priverait l'exécutif de moyens d'agir, le droit positif, et plus précisément l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, n'étant pas assez robuste.
Avis défavorable sur ces deux amendements.
Notre collègue Schellenberger a soutenu que l'instauration d'un état transitoire nuirait à la compréhension par nos concitoyens de l'action de l'État vis-à-vis de l'épidémie. Je crois au contraire que c'est en adaptant en fonction de la validation scientifique les moyens et les outils dont dispose le Gouvernement, ce qui nous a permis de sortir de l'état d'urgence sanitaire, que nous la rendront compréhensible.
Les dispositions de l'article 1er sont donc nécessaires. J'en profite pour indiquer que, dans la suite de la discussion, le groupe La République en Marche votera pour les amendements de la rapporteure et contre tous les autres.
Il ne faut pas prendre les Français pour ce qu'ils ne sont pas. À vous entendre, on a un problème de réactivité, on ne peut pas légiférer suffisamment rapidement. Pourtant, certains outils sont mobilisables sans qu'il soit besoin de légiférer : nous les avons en grande partie votés en mars. Vous vous placez avec ce texte dans une logique juridique invraisemblablement complexe et incompréhensible. À vous entendre, la gestion de ce type de crise ne nécessite pas de dispositions permanentes, un droit d'exception particulièrement durable suffit. Nous soutenons au contraire que le droit doit pouvoir s'adapter à des situations évolutives, sans qu'il soit obligé de changer la loi à chaque fois. Or c'est précisément ce que nous sommes en train de faire : même si les événements survenus en mars ont revêtu un caractère particulièrement exceptionnel, nous devrions avoir digéré cet épisode et nous ne devrions pas nous retrouver à modifier le droit au jour le jour. Nous devrions avoir des structures qui tiennent dans le temps, à l'inverse de ce que vous proposez.
Monsieur Schellenberger, après nous avoir expliqué que vous ne vouliez pas de l'état d'urgence, voilà que vous ne voulez plus en sortir !
Nous proposons une voie juridique qui n'est certes purement satisfaisante pour personne, dans la mesure où elle instaure un état transitoire durant lequel des dispositifs de déconfinement pourront être adoptés légalement au cours de la période prévue par le texte, mais vous la refusez également. Aucune solution ne vous convient – et cela vaut pour nos collègues siégeant dans d'autres groupes. Or la crise sanitaire nous a obligés à adapter notre droit, comme elle nous oblige, à chaque retour à la normale, à nous adapter. C'est ce qui s'est produit pour les décrets pris au cours des phases 1, 2 et 3 du déconfinement ; c'est tout aussi vrai pour la loi et c'est précisément la raison pour laquelle nous proposons des dispositions légales adaptées.
La Commission rejette les amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL2 de M. Raphaël Schellenberger.
Cet amendement de repli vise à avancer la date figurant à l'alinéa 1 du 30 octobre au 1er octobre 2020. Comme vous l'avez très justement dit, madame la rapporteure, nous ne sommes plus en état d'urgence sanitaire et nous ne savons pas si nous serons confrontés à une nouvelle crise ; cette date du 30 octobre ne correspond en définitive à rien. Dans la mesure où nous fixons des mesures exorbitantes du droit commun susceptibles de porter atteinte à la liberté de certains de nos concitoyens, autant prévoir le délai le plus court.
Vous avez dit et redit qu'il serait compliqué de réunir le Parlement au cours de l'été. On s'en moque : si nous devions siéger à ce moment-là, nous répondrions tous présents, comme nous l'avons fait au début de la crise sanitaire afin de voter les mesures qui s'imposaient. Et le renouvellement – par moitié du Sénat – ne pose pas de problème en soi dans la mesure où il ne fait pas obstacle à la poursuite de son activité.
Si la crise nous a pris de court en février, nous disposons désormais d'outils pour observer la population et la situation dans les hôpitaux : si une nouvelle crise devait survenir, tout ne se ferait pas dans la nuit du 30 au 31 octobre. Si des signes, positifs ou négatifs, devaient se produire, nous serons déjà réunis en session ordinaire et nous aurions le temps pour prendre, le cas échéant, les nouvelles mesures idoines. Les mesures exceptionnelles doivent rester exceptionnelles et donc être limitées dans le temps.
Nous avons déjà eu le débat en première lecture : nous avions alors décidé, en adoptant un amendement de Guillaume Vuilletet, d'avancer cette date du 10 novembre au 30 octobre, et le Sénat n'y est pas revenu ; or c'est son texte que nous examinons ce soir. Cette date satisfaisant par conséquent et les sénateurs et les députés, je ne souhaite pas la modifier.
Je n'ai jamais dit qu'il était impossible de réunir le Parlement au cours de la période estivale. J'ai moi-même été appelée, comme un certain nombre d'entre vous, à siéger au début de la crise sanitaire, alors qu'un confinement strict nous imposait de ne sortir de nos domiciles que pour des raisons impérieuses : je ne nourris donc aucun doute sur notre capacité à nous réunir à nouveau.
J'appelle cependant l'attention de mes collègues présents ce soir : ainsi que nous y invite le conseil scientifique, nous avons besoin d'une capacité de réaction particulièrement forte : à une journée près, les choses peuvent totalement basculer.
Je suis donc défavorable à l'amendement.
Nous avions bien compris votre opposition au régime transitoire : or c'est précisément ce que nous voulons voter. Dès lors que le Gouvernement se trouve doté des outils nécessaires pour gérer cette période transitoire, nous avons délibérément choisi une date à laquelle le Sénat fonctionnera normalement, que celui-ci a, du reste, acceptée.
Lorsque nous avons récemment examiné un projet de loi organique visant à reporter l'élection de six sénateurs, notre collègue M'Jid El Guerrab avait fait valoir que cette mesure pouvait perturber l'élection du président, et donc le fonctionnement même du Sénat. Nous prenons en l'occurrence le temps nécessaire : au 30 octobre, le Sénat et ses instances auront eu tout le temps de retrouver un fonctionnement normal. C'est beaucoup plus prudent et de bonne politique.
Nous nous heurtons à une divergence fondamentale qui tient à la conception des institutions de la République, à nos yeux permanentes : les élections n'interrompent pas leur fonctionnement. Le renouvellement par moitié du Sénat le 28 septembre ne l'empêchera pas de délibérer valablement le 27 septembre : telle est la réalité institutionnelle, et c'est heureux.
Votre conception vous conduit à considérer qu'il faudrait, en temps de crise, reporter, effacer, faire disparaître le fait démocratique. Non, la démocratie et le débat sur la décision publique – y compris par le biais d'élections – ne sont jamais aussi nécessaires qu'en temps de crise. Le fait que les collectivités locales soient dotées de prérogatives de gestion de crise ne saurait les empêcher de soumettre aux suffrages des citoyens les décisions qu'elles entendent alors prendre à cette occasion. Poussé à bout, votre raisonnement conduit à préférer le report des élections départementales et régionales. Il procède de la même logique : l'absence de confiance dans les institutions de la Ve République.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL3 de la rapporteure.
Je vous propose, à l'alinéa 2, d'insérer après le mot : « Réglementer », les mots : « ou, dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus, interdire ».
En matière de circulation des personnes et des véhicules, il peut s'avérer nécessaire de maintenir des dispositifs territoriaux d'interdiction, notamment pour faire face à l'émergence de clusters localisés. Nous en avons discuté en commission mixte paritaire : si le Sénat souhaitait que cette capacité de limiter la circulation ne dépasse pas le niveau communal, nous souhaitions pouvoir la permettre jusqu'au niveau départemental. En Allemagne, les pouvoirs publics ont été contraints de limiter la circulation au sein de certains Länder, dont la superficie est supérieure à celle d'un département français. La même situation pourrait se produire en France.
Cet amendement vise donc à rendre possible des restrictions de circulation dans des portions les plus restreintes possible, c'est-à-dire dans certaines communes, ou dans des ensembles de communes, et, le cas échéant, dans certains départements.
Cet amendement est un de ceux qui motivent notre opposition à ce texte : à partir du moment où vous voulez interdire et non plus réglementer, vous vous placez dans une situation exorbitante du droit commun qui appellerait des contrôles exceptionnels, ce que ne garantit pas votre amendement.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL4 de la rapporteure.
Cet amendement vise à permettre la fermeture provisoire de certaines catégories d'établissements recevant du public (ERP) ou de lieux de réunion, comme les discothèques ou les foires, dont l'activité ne permet pas pour le moment d'assurer le respect des mesures barrières. Il s'agit également de permettre une telle fermeture, dans le cas d'une résurgence du virus, lorsque les établissements en cause se situent dans des zones où ont été identifiés des clusters.
On en arrive à un système de contrôle des Français incompréhensible, presque pervers : on vous loue une salle pour un mariage en vous interdisant d'y danser ! Quand des mesures sont incohérentes, elles ne sont plus compréhensibles. Si l'on veut rétablir la confiance des Français dans nos institutions, il faut arrêter de prendre des mesures systématiquement coercitives. Il paraît plus compréhensible d'empêcher purement et simplement l'ouverture des ERP en fonction de leur destination, dès lors que l'activité apparaît incompatible avec la lutte contre le coronavirus. C'est l'occasion néanmoins de souligner à quel point le monde de la nuit, largement oublié, a besoin de véritables mesures d'accompagnement.
Nos concitoyens comprennent très bien que l'on ne puisse pas ouvrir un établissement : le quart d'heure américain est rarement un moment de distanciation sociale ! Je vous rappelle que l'un des clusters les plus importants détectés dans notre territoire était un dîner de famille, au cours duquel cinquante-deux personnes ont été contaminées… Nos concitoyens ne comprendraient pas que l'on continue ainsi. Il faut prévoir ces choses-là.
L'état d'urgence sanitaire créé par la loi du 23 mars 2020 n'existe pas dans le droit stable. Nous aurons jusqu'au 1er avril 2021 pour le définir, de façon démocratique, et pour l'inscrire dans le droit.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine l'amendement CL5 de la rapporteure.
La rédaction adoptée par le Sénat impose aux personnes ayant séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation du virus et souhaitant se déplacer par transport public aérien à destination ou en provenance du territoire hexagonal ou d'une collectivité d'outre-mer de présenter le résultat d'un examen biologique de dépistage. Or cette rédaction n'est pas opérante en ce qu'elle conditionne l'examen au fait d'avoir séjourné le mois précédent dans une zone de circulation du virus, ne serait-ce que parce que cela nécessiterait la constitution d'une base de données qui ne manquerait pas de susciter des débats.
De plus, le territoire hexagonal n'est plus une zone de circulation active du virus. Nos collègues d'outre-mer ont dit à quel point il était important, pour permettre à l'activité touristique de repartir, de tester les passagers en provenance de l'hexagone avant leur embarquement afin d'attester qu'ils sont négatifs. Le présent amendement a donc pour objet d'imposer un test à tout passager en provenance de la métropole, même si le virus n'y circule plus activement.
La Commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'examen de l'amendement CL6 de la rapporteure.
Lors de la discussion de la loi du 11 mai 2020, la commission mixte paritaire avait écarté la possibilité d'imposer une mesure de quarantaine aux personnes arrivant des collectivités d'outre-mer, le virus circulant alors activement en métropole mais épargnant les territoires d'outre-mer.
La situation ayant considérablement évolué, cette asymétrie ne semble plus pertinente. Alors que la situation sanitaire s'améliore nettement dans l'hexagone, on assiste au mouvement contraire dans certaines collectivités d'outre-mer. Puisque nous allons rétablir des flux de passagers en nombre, grâce à l'adoption de l'amendement précédent, nous devons pouvoir imposer une quarantaine aux passagers de retour d'outre-mer, à la condition que ces collectivités d'outre-mer soient bien considérées comme une zone de circulation active du virus. Il n'y a pas lieu de l'imposer là où il ne circulerait pas.
Nous avons eu ce débat, tout au moins en partie, en première lecture. Nous devons éviter d'ériger trop de frontières internes : si l'on peut se doter de frontières sanitaires, nous ne pouvons en revanche multiplier les frontières géographiques fondées sur l'éloignement de certains territoires. Les territoires d'outre-mer font partie de la République. Les différences dans les règles de contrôle d'accès doivent être liées non à la situation géographique, mais à la situation sanitaire des territoires concernés.
La Commission adopte l'amendement.
Enfin, elle adopte l'article 1er modifié.
Article 1er bis A [nouveau] (art. L. 3131‑1 du code de la santé publique) : Régime de droit commun applicable aux menaces sanitaires graves
La Commission examine l'amendement CL7 de la rapporteure.
Le Sénat s'est engagé dans un travail de clarification de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, dont chacun reconnaît les faiblesses. Ce débat intervient trop tôt : nous avons voulu borner l'état d'urgence sanitaire au 1er avril 2021, de façon à mener une réflexion éclairée par la crise, après avoir éprouvé la solidité des outils juridiques créés dans le cadre de ce dispositif transitoire, et à la lumière des conclusions des missions menées par les deux chambres. Inscrire dès maintenant cette disposition dans le droit nous paraît précipité : restons-en au cahier des charges dont nous étions convenus avec le Sénat, autrement dit l'échéance du 1er avril 2021. D'où cet amendement de suppression.
La Commission adopte l'amendement et l'article 1er bis A est supprimé.
Article 1er bis : Prorogation de l'état d'urgence sanitaire en Guyane et à Mayotte
La Commission examine l'amendement CL10 de Mme Danièle Obono.
Cet amendement de suppression est avant tout un amendement d'appel portant sur la situation dans les outre-mer et la manière dont ces territoires sont traités dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire. Il faut bien sûr être attentif aux situations particulières, notamment à Mayotte et en Guyane, mais la gestion de cette crise pose problème depuis le début. Dans une publication intitulée « Les mesures locales d'aggravation de la crise de l'état d'urgence sanitaire », parue en avril 2020 dans La Revue des Droits de l'Homme, les auteurs indiquent que les représentants de l'État ont multiplié les mesures spécifiques très infantilisantes pour les populations. Je relaie l'interpellation de notre collègue sur le manque de moyens et de tests en Guyane, alors que l'Hexagone connaît une surproduction de tests, qui risquent d'arriver à péremption : les problèmes d'accueil sanitaire des populations ne sont toujours pas traités, tandis que des dispositions contestables sont prolongées. Ce n'est pas une bonne manière de faire, en particulier pour des territoires subissant déjà des discriminations spécifiques.
Lors du débat en séance, nous étions tous d'accord pour dire que la prolongation de l'état d'urgence sur certains territoires de la République n'était pas une bonne nouvelle. Personne ne le souhaite, personne ne s'en réjouit, mais même les députés qui les représentaient ont jugé heureux qu'on leur permette de se doter des moyens efficaces pour faire face à l'épidémie. Avis défavorable.
Il ne faut pas oublier que la déclaration d'état d'urgence sanitaire permet de débloquer des moyens exceptionnels de soutien à ces deux territoires. Nous en avons d'ailleurs voté hier soir, par voie d'amendement, dans le projet de loi de finances rectificative. Cela est possible précisément parce que nous sommes dans un cadre exceptionnel, qui malheureusement perdure. Je ne vois pas derrière cette exception une quelconque discrimination, même si je peux comprendre les inquiétudes relayées par notre collègue Danièle Obono : ces deux territoires ont sans doute besoin de moyens renforcés. Mais nous ne sommes pas défavorables au principe d'y maintenir l'état d'urgence au regard de la réalité sanitaire à laquelle ils doivent faire face.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 1er bis sans modification.
Article 3 (art. L. 3 841‑2 et L. 3 841‑3 du code de la santé publique) : Mesures de mise en quarantaine et de placement et de maintien en isolement en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie Française
La Commission adopte l'article 3 sans modification.
Article 4 : Application de l'article 1er en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie Française
La Commission adopte l'article 4 sans modification.
Elle adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
La réunion se termine à 22 heures 05.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Yaël Braun-Pivet, Mme Isabelle Florennes, M. Guillaume Gouffier‑Cha, Mme Marie Guévenoux, M. Sacha Houlié, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, Mme Maina Sage, M. Antoine Savignat, M. Raphaël Schellenberger, M. Guillaume Vuilletet
Excusés. - Mme Bérangère Abba, Mme Huguette Bello, M. Éric Ciotti, M. Philippe Dunoyer, M. Jean-François Eliaou, M. Philippe Gosselin, M. Mansour Kamardine, M. Olivier Marleix, Mme Emmanuelle Ménard, Mme Valérie Oppelt, M. Rémy Rebeyrotte, M. Arnaud Viala, M. Jean-Luc Warsmann