COMMISSION D'ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privés et ses conséquences
Mercredi 9 juin 2021
La séance est ouverte à dix-huit heures.
(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)
La commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, procède à l'audition des groupements de collectivités territoriales et autorités organisatrices de l'eau et de l'assainissement en Guadeloupe
Nous poursuivons les auditions de cette commission d'enquête consacrée à la situation et à la gestion de l'eau en Guadeloupe. Nous recevons donc les représentants des communautés d'agglomération et autorités organisatrices de l'eau et de l'assainissement suivants :
– M. Cédric Cornet, président de la communauté d'agglomération de la Riviera du Levant ;
– M. Jean Bardail, président de la communauté d'agglomération du Nord Grande-Terre ;
– M. Harry Placide, directeur des Régies eau nord Caraïbes (RENOC), accompagné de Mme Leslie Vérépla, directrice adjointe, M. Hervé Bosson, responsable du service eau et Mme Corinne Faure, responsable du service relation à l'usager ;
– M. Fabert Michely, conseiller communautaire en charge de la commission Grand et petit cycle de l'eau et M. Jocelyn Jalton, directeur de la stratégie de Cap Excellence ;
– Mme Marlène Mélisse, présidente, et Mme Chantal Colard, directrice générale des services de la régie Eau d'Excellence.
Avant toute déclaration, l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
MM. Cédric Cornet, Jean Bardail, Harry Placide, Hervé Bosson, Fabert Michely, Jocelyn Jalton et Mmes Leslie Vérépla, Corinne Faure, Marlène Mélisse, Chantal Colard prêtent serment.
Élu maire de la ville du Gosier le 5 juillet, je suis président de la communauté d'agglomération depuis le 15 juillet.
Concernant le sujet de l'eau, faute d'avoir eu auparavant une quelconque responsabilité dans le domaine, j'avais jusque-là une vision de citoyen et d'opposant. J'étais ainsi conseiller municipal de l'opposition et conseiller communautaire de l'opposition.
Ainsi, j'ai largement et longuement critiqué la gestion de l'eau mise en œuvre par mes prédécesseurs, notamment le système de corruption, de détournement de fonds et la mauvaise gestion du cycle de l'eau et de l'assainissement. Aujourd'hui, je n'en démords pas, il est absolument nécessaire d'examiner le passé.
Je suis également premier vice-président du Syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG) depuis le début de cette mandature. Aussi, je considère que si nous devons absolument réparer les erreurs du passé et améliorer la quantité et la qualité de l'eau, cette commission d'enquête se doit d'étudier le passé pour mettre à jour les véritables fautifs de la situation. En effet, en tant que Guadeloupéen, j'estime qu'il n'y a pas encore eu de véritable jugement quant aux pratiques et agissements ayant conduit à la situation catastrophique que nous constatons aujourd'hui. Or, pour avancer, il est nécessaire de démontrer et de condamner tous les actes et formes de malveillance mis en œuvre autour du sujet de l'eau.
Aussi, j'espère que cette commission permettra de relancer le procès en pénal et d'identifier tous les responsables et tous ceux qui ont abusé du système de corruption et de détournement de fonds et qui ont ainsi détruit le service public de l'eau à notre population.
En tant que vice-président du SIAEAG, je souhaite que cet organisme soit dissous le plus rapidement possible et j'estime que l'échéance actuellement fixée au 1er septembre est trop longue.
Dès mon arrivée, l'État s'est substitué au SIAEAG en procédant aux réquisitions conjointement avec la région Guadeloupe. Désormais, la région Guadeloupe a pris le relais et mène les travaux sur le territoire de la communauté d'agglomération de la Riviera du Levant.
Aussi, à ce jour, les seules réunions du SIAEAG portaient sur le maintien des salaires.
En tant que maire, je ferai construire des surpresseurs. L'un sera d'ailleurs inauguré dès vendredi et un second le 8 juillet à La Brousse.
Avec les citoyens de la communauté d'agglomération, nous accompagnons la région Guadeloupe pour détecter, localiser et réparer les fuites. Ainsi, la communauté d'agglomération de la Riviera du Levant (CARL) a pu financer la réparation d'une grosse canalisation qui fuyait à Courcelles, Sainte-Anne. Elle intervient également lorsque des surpresseurs ou des moteurs rendent l'âme. Elle est donc toujours aux côtés des concitoyens, même si l'État lui a bien fait comprendre qu'elle ne détenait pas la compétence.
Avant d'agir, la CARL perd donc énormément de temps, car elle est contrainte de demander au SIAEAG d'intervenir et que ce dernier répond qu'il ne dispose ni des financements ni des moyens techniques. La CARL intervient donc dans une situation d'urgence.
Aussi, tous les citoyens de la CARL comme les élus attendent avec impatience que le SIAEAG soit dissous afin de pouvoir fonctionner normalement et retrouver une dignité à travers le nouveau syndicat mixte ouvert (SMO), censé voir le jour le 1er septembre 2021.
J'assure la présidence de cette communauté d'agglomération du Nord Grande-Terre (CANGT) depuis près d'une année. Aussi, je ne maîtrise pas tout à fait le sujet de l'eau.
Cependant, en tant que citoyen guadeloupéen et qu'élu responsable, j'ai eu à entendre et à prendre connaissance des problèmes de production et de distribution de l'eau en Guadeloupe, puisque sur ce territoire, la gestion de l'eau a été mise à l'épreuve.
Aussi, aujourd'hui, en tant que président de la CANGT, j'ai participé à diverses réunions relatives à la mise en place du SMO, que nous avons proposé. L'État a ensuite pris le relais et nous avons échangé avec le ministère.
Nous considérons que cette problématique devrait être réglée et nous tenons à ce que cela se fasse rapidement. Aussi, nous attendons impatiemment la mise en place du SMO le 1er septembre 2021 et attendons de lui qu'il apporte des solutions aux problèmes de production et de distribution d'eau potable. La population en souffre en effet énormément, notamment dans le Nord Grande-Terre, territoire sur lequel les problèmes de l'assainissement et des canalisations n'ont pas été totalement résolus.
En tant que Guadeloupéen et président de la CANGT, il m'importe que la problématique de l'eau connaisse une solution pérenne, que la Guadeloupe ne souffre plus de manque d'eau et que les Guadeloupéens puissent être correctement approvisionnés sans qu'ils aient à connaître toutes les déperditions dont ils souffrent encore aujourd'hui. En effet, à ce jour, environ 35 % de l'eau seulement sont distribués et les conséquences sont importantes. Les pertes d'eau sont en effet très lourdes et impactent donc lourdement son coût.
De plus, si ces problèmes sont réglés, il fait aussi permettre au SIAEAG de toucher ses recettes.
Historiquement, je suis un ancien salarié de la Générale des eaux et j'ai travaillé sur la quasi-totalité des exploitations d'eau gérées par cette société. En 2016, pour le compte de la Générale des eaux, j'ai été chargé de préparer avec mon homologue de la CANGT la fin des contrats de délégation de service public, et en parallèle, les nouvelles structures destinées à accueillir notamment les 69 agents transférés de la Générale des eaux.
Nous disposons donc aujourd'hui de deux régies, l'une pour l'eau potable et l'autre pour l'assainissement. Les RENOC sont également chargées de l'exploitation et des investissements sur le territoire de la CANGT. Pour celui des Grands-Fonds du Gosier, qui est géré par la CARL, nous assurons la gestion de l'eau potable.
Évidemment, au-delà du fait que la vérité soit faite afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs, nous attendons de cette enquête qu'elle mette à jour les responsabilités de chacun.
Créée en 2008, la communauté d'agglomération Cap Excellence a pleinement pris possession de ces compétences en matière de distribution et de production d'eau sur son territoire initialement fixé aux communes des Abymes et de Pointe-à-Pitre en 2009.
En 2014, son périmètre a été étendu par arrêté préfectoral par intégration de la commune de Baie-Mahault.
Ainsi, aujourd'hui, Cap Excellence regroupe 25 % de la population de la Guadeloupe, soit plus de 100 000 habitants. Elle est confrontée à des problématiques historiques particulières, mais aussi à des problématiques qui devraient être résolues avec la mise en place du SMO.
À sa création, la communauté d'agglomération succède à un syndicat intercommunal qui regroupait déjà Les Abymes et Pointe-à-Pitre. Le souhait de Cap Excellence a alors été de s'associer aux autres opérateurs en eau au travers de contrats d'approvisionnement auprès du SIAEAG et de maîtriser également une partie de la production sur une part de son territoire. Elle dispose en effet d'une usine de production qui dessert partiellement les Abymes et en totalité Pointe-à-Pitre.
Mme Chantal Colard ayant été le premier cadre en responsabilité sur le transfert de compétence entre le syndicat historique et Cap Excellence et ayant suivi la résiliation du contrat qui nous liait à la Générale des eaux, je lui cède la parole.
Je suis actuellement fonctionnaire de Cap Excellence détachée à Eau d'excellence.
Jusqu'en 2016, j'assurais la direction des services d'eau et d'assainissement au sein de Cap Excellence. J'étais en charge de la réalisation des investissements en eau potable et en assainissement des eaux usées, mais aussi du Service public d'assainissement non collectif (SPANC).
L'exploitation était donc assurée dans le cadre d'une DSP par gérance à la Générale des eaux jusqu'en 2016. Ensuite, à partir du 1er janvier 2017, suite au retrait de la Générale des eaux, Cap Excellence a décidé de créer sa régie et, dans un premier temps, celle-ci s'est vu confier les missions relatives à l'exploitation. En effet, les investissements avaient été conservés par Cap Excellence afin de pouvoir les remettre à niveau avant de la confier à la régie.
Ainsi, jusqu'en 2019, Cap Excellence a assumé les investissements puis, à la suite du contrôle de la chambre régionale des comptes, a été invité à clôturer ses budgets et à transférer l'ensemble des investissements à Eau d'Excellence.
Aussi, depuis 2019, en plus des risques d'exploitation, Eau d'Excellence doit assumer les investissements et l'assainissement non collectif.
Pour cela, depuis cette date, mes équipes précédemment affectées à Cap Excellence ont rejoint Eau d'Excellence et j'en assure la direction. Il a aussi fallu organiser les services au sein de la régie afin qu'elle puisse remplir l'ensemble de ses missions.
En parallèle, à l'occasion de la conférence régionale des acteurs de l'eau, la communauté d'agglomération Cap Excellence s'est engagée dans une démarche de progrès.
Elle a ainsi d'abord conclu un contrat de progrès ensuite transformé en contrat de transition compte tenu de la création à venir du SMO. L'objectif de ce contrat est d'améliorer le service rendu aux usagers et de parvenir à financer les services d'eau et d'assainissement.
Cet engagement lie donc Cap Excellence et la conférence régionale des acteurs de l'eau et a entraîné la signature d'une convention d'objectifs entre Cap Excellence et Eau d'Excellence. Cette convention vise la mise en place des actions arrêtées au sein du contrat de transition et aujourd'hui, ces actions constituent le projet d'entreprise.
Pour compléter ces propos, sachez que Cap Excellence relève d'une gestion mixte. Une gestion en régie à partir de 2017 et antérieurement, une gestion confiée à la Générale des eaux.
En fait, la régie naît des problèmes liés aux difficultés pour Cap Excellence de gérer l'eau en direct, le temps que le délégataire applique sa décision de partir. Cela induit donc la nécessité de s'organiser et la création de la régie.
Aujourd'hui, la situation est celle d'une situation de crise. En effet, Cap Excellence et Eau d'Excellence récupèrent un réseau extrêmement dégradé et depuis, plus de 60 millions d'euros ont été investis pour améliorer le service public de l'eau sur le périmètre de Cap Excellence.
La question soulevée est de savoir à qui incombe la responsabilité de cette dégradation et du prix de l'eau élevé.
Ayant été élue présidente en octobre dernier, ma courte expérience me conduit à penser, au regard du contenu même des contrats passés, que la responsabilité serait partagée entre d'un côté le délégataire chargé de l'entretien et de l'autre le renouvellement de la construction d'ouvrages.
Ce constat étant fait, il est évident que les équipements particulièrement dégradés doivent être renouvelés, mais nous savons aussi que les collectivités organisatrices n'ont pas aujourd'hui les moyens de porter ces investissements. Il est donc nécessaire de dégager les moyens financiers et la question est de savoir qui doit les payer.
Nous pourrions être tentés de nous décharger sur les responsables de cette situation, mais l'urgence n'attend pas. Aussi, si des efforts doivent être faits de la part des collectivités, d'autres doivent aussi être faits par l'État qui doit prendre sa part de responsabilité puisque la direction départementale de l'agriculture et des forêts (DDAF) était chargée de conseiller les collectivités territoriales.
Sur ce point nous considérons qu'il y a eu une volonté à faire en sorte que la distribution de l'eau s'améliore. Mais cette volonté nous a conduits à négocier le cadre juridique de cette amélioration pendant deux ans. Nous y sommes parvenus avec la création du SMO et d'une loi.
Aujourd'hui, il s'agit de considérer que nous sommes dotés d'un SMO sur lequel Cap Excellence n'entend pas revenir. La communauté d'agglomération compte effectivement bien collaborer à sa mise en œuvre, comme elle le fait déjà depuis deux ou trois mois. Néanmoins, elle considère que l'argent tarde à arriver, car les financements aujourd'hui avancés sont très nettement insuffisants pour renouveler les réseaux qui doivent l'être.
Nous sommes aujourd'hui à un stade où nous devrons les rénover dans l'urgence, dans le cadre d'un marché passé avec Suez afin de pouvoir activer la recherche de fuites et procéder aux réparations. De plus, il est important de souligner que compte tenu de la très grande vétusté des réseaux, cela ne suffira pas.
Concernant les responsabilités, nous constatons collectivement que la gestion a été défaillante et s'agissant de l'utilisation de l'argent public, le meilleur moyen serait certainement d'examiner les comptabilités.
Monsieur Harry Placide, vous avez affirmé que concernant le rôle des acteurs, certaines choses erronées ont été dites. Pourriez-vous développer ?
Bien sûr, mais au préalable, je tiens à indiquer que je suis également administrateur à l'office de l'eau, représentant des distributeurs d'eau dans la commission socioprofessionnelle.
Un contrat définit le rôle du délégataire, mais aussi celui du maître d'ouvrage et tous les contrats n'étaient pas identiques. Il y a donc eu des contrats de gérance : les régies fonctionnaient quelque peu en autonomie avec une gérance qui ramenait l'ingénierie. Bien entendu, la comptabilité était séparée.
Pour les contrats de délégation de service public, des missions étaient confiées au délégataire et d'autres au maître d'ouvrage. Aussi, pour la plupart de ces contrats, la Générale des eaux assurait l'entretien et le maître d'ouvrage le renouvellement des équipements (réseaux et infrastructures).
Dans le compte permettant de déterminer l'équilibre d'un contrat figuraient les investissements à jouissance temporaire (IJT). Aussi, si une pompe tombait en panne, dans le cadre de contrats risques et périls, il revenait à la Générale des eaux de la renouveler et d'entretenir les installations. Aussi, dès lors, qu'une défaillance était constatée, elle devait les remplacer.
Néanmoins, certains contrats présentaient quelques particularités, comme celui de Saint-Martin assainissement et celui du syndicat intercommunal des Grands Fonds (SIGF). Ils prévoyaient en effet l'existence d'un fond de travaux fixé respectivement à 40 000 euros et à 400 000 euros par an. Dans ce cadre, chaque contrat annexait un bordereau de prix unitaire (BPU) qui définit le coût de chaque article. Ainsi, la Générale des eaux présentait un plan à ses collectivités comprenant un devis établi selon le BPU et la collectivité validait cette commande. La Générale des eaux mettait alors en œuvre à ses frais les investissements. Une fois réalisés, les travaux faisaient l'objet d'une réception et chaque investissement était comptabilisé et intégrait le rapport du délégataire.
Dans le cas du SIAEAG, il existait un contrat de prestation. Dans ce cadre, il revenait à la collectivité d'ordonner le changement des compteurs ou d'un équipement défaillant. Le renouvellement des installations était donc de son ressort.
La Générale des eaux devait s'adapter à ces trois situations contractuelles.
Vous êtes le premier à nous apporter une réponse précise sur le sujet et je vous en remercie.
Pour être sûre d'avoir bien compris, quelles étaient les responsabilités relevant du SIAEAG et celle relevant de la Générale des eaux ?
Le SIAEAG et la Générale des eaux étaient liés par un marché de prestation. Or, avec ce type de marchés, il revenait bien à la Générale des eaux de traiter les fuites, mais dès lors qu'un changement d'article était requis, une autorisation devait être donnée à l'exploitant.
Pouvez-vous nous indiquer votre taux d'efficacité par structure, et éventuellement votre avis que les responsabilités passées sur l'état du réseau ?
En 2017, dès l'annonce du départ de la Générale des eaux du territoire, les élus de l'époque ont considéré qu'il s'agissait d'une opportunité.
Sur les fichiers de la Générale des eaux, le taux de relève était de 89 % et le taux d'efficacité de la relève était donc médiocre. Désormais, ce taux atteint 98 %.
De plus, aujourd'hui, plus du tiers du parc de compteurs a moins de trois ans. Cela induit une hausse des volumes facturés et le nombre d'usagers a évolué de 34 à 36 000.
De même, le taux de conformité de nos analyses d'eau dépasse 98 % puisqu'aujourd'hui, à l'exception de la station d'épuration autour de laquelle il existe un contentieux pour des motifs de malfaçon, toutes les autres affichent des résultats conformes.
De plus, lorsqu'un usager adresse une réclamation, une réponse lui est apportée dans les 15 jours qui suivent.
Un certain nombre d'indicateurs témoignent donc d'une amélioration. En revanche, notre point faible réside dans le fait que nous avons hérité d'une situation dont la responsabilité est multiple. Nous disposons de vieux réseaux dont les coûts d'exploitation sont élevés. C'est d'ailleurs sur ce périmètre que l'eau est la plus chère avec un prix hors assainissement à 3,83 ou 3,86 euros. Or, il faut aussi considérer que les conditions sociales ne sont pas identiques sur tout le territoire.
Nous avons donc hérité de réseaux dont les taux de rendement (40 %) sont relativement faibles. Ces réseaux sont aujourd'hui âgés d'une cinquantaine d'années et compte tenu de l'agressivité des sols, il est inutile de faire de l'acharnement thérapeutique.
Si certains réseaux peuvent être renouvelés, d'autres en revanche sont le fruit d'une tromperie ou d'une incurie. Ces derniers utilisent certains matériaux, notamment le polyéthylène haute densité (PEHD) au niveau des branchements. Il faut en effet savoir que 96 à 98 % des fuites réparées apparaissent en fait sur les branchements.
Or, ce PEHD a été posé pendant dix ans sous nos latitudes, alors que les tests de vieillissement accéléré réalisés en laboratoire font état d'une dégradation au bout seulement de 5 ans. Vous constatez donc sur le terrain que sur les secteurs de Grands Fonds par exemple, des branchements d'à peine 5 ans fuient.
À l'époque, les fournisseurs ne proposaient rien d'autre. Et en dépit de l'agrément de conformité, il s'avère que ce matériau vieillit très mal sous nos latitudes en raison d'une température de l'eau supérieure à 22 degrés, de pressions de distribution supérieures à 4 bars et de taux de chlore plus élevés depuis la mise en place du plan Vigipirate.
Ainsi, alors que leur durée de vie affichée est de 25 ans, en réalité, ces matériaux occasionnent des fuites au bout de simplement 5 ans.
Il n'y avait pas d'autres alternatives. Ce matériau a été présenté comme étant de dernière génération. Il était censé régler bien des problèmes et a donc été posé massivement.
Les délégataires, les maîtres d'ouvrage et les bureaux d'études soutenaient que ce matériau était parfaitement adapté. Vous n'aviez donc pas d'autre solution que de leur faire confiance et de le poser.
Non. C'était simplement le matériau nouvelle génération qui était posé en France hexagonale.
Madame Mélisse, vous avez évoqué l'existence d'une responsabilité partagée tant par le délégataire que par le délégant. Vous avez ainsi appelé cette commission d'enquête à pouvoir faire émerger des éléments susceptibles d'être importants. Pouvez-vous développer vos propos relatifs au contrat ?
De plus, avez-vous missionné un expert afin d'examiner la comptabilité passée et mieux comprendre ce qui s'était joué ?
Je laisse madame Chantal Colard répondre.
Cap Excellence a effectivement missionné des experts afin de procéder au diagnostic de ce service d'eau et d'assainissement, identifier les forces et les faiblesses et également comprendre les difficultés rencontrées dans l'atteinte des performances, notamment financières.
Il existait en effet comme un cercle vicieux au niveau des résultats reversés par l'exploitant qui ne permettait pas à Cap Excellence de pouvoir financer les investissements.
De plus, dans le cadre des relations entre Cap Excellence et la Générale des eaux, jusqu'en 2016, la communauté d'agglomération Cap Excellence était en charge l'achat d'eau en gros. C'est donc elle qui assurait ce financement, car pendant toute la durée de la délégation, soit de 2011 à 2016, il n'existait pas de convention la liant avec le SIAEAG en raison d'un contentieux sur le prix de l'eau.
Aussi, devant l'impossibilité d'annexer une convention au contrat de délégation, Cap Excellence assumait le paiement de l'achat d'eau en gros et la Générale des eaux reversait le solde de l'exploitation à Cap Excellence.
Progressivement, le solde s'est réduit à la suite de la crise de facturation. Le taux d'intérêt était assez important et dès l'instant où le contrat gérance a été appliqué, la responsabilité a surtout été assurée par la collectivité. Il s'agissait d'un choix historique du territoire visant à s'assurer la maîtrise de ce service.
Ainsi, l'ensemble des biens appartenait à la collectivité et le prestataire délégataire apportait son expertise et son personnel afin d'assurer le service. Ce dernier était donc chargé de la facturation, supportait ainsi les charges d'exploitation et le solde était ensuite reversé à Cap Excellence.
Aussi, afin de comprendre la baisse des résultats, la communauté d'agglomération a procédé à un diagnostic de l'ensemble de ces services, tant au niveau de l'exploitation que de l'investissement. Cela a ainsi permis à Cap Excellence de cibler les actions sur lesquelles il était nécessaire d'agir pour améliorer le service à l'usager.
En complément de ces propos, il me semble utile de signaler que Cap Excellence a eu des relations agitées avec la Générale des eaux.
En effet, quelques années avant la résiliation du contrat, la Générale des eaux avait signalé être confrontée à des dysfonctionnements de son logiciel de facturation. Le résultat de la gérance attendu comme excédentaire devait nous permettre de financer l'achat d'eau en gros et de financer les investissements. Or, prétextant ce dysfonctionnement, le prestataire s'est abstenu pendant de longs mois de facturer la consommation en eau aux administrés. Cela a généré des difficultés de trésorerie, mais aussi des incertitudes budgétaires sur le résultat dégagé et sur notre capacité à faire face aux besoins de renouvellement et d'entretien de nos réseaux.
Pour éviter que notre taux de perte en eau ne s'accentue pas, nous avons dû puiser sur nos fonds propres pour poursuivre cette campagne de maintenance avec les subventions apportées par d'autres organismes.
Ainsi, avant la résiliation, la Générale des eaux avait déjà évoqué le fait que quelques clients, notamment grands comptes, posaient problème et qu'elle avait dû recapitaliser au niveau du département. Mais finalement, ce sont les collectivités exploitantes qui ont dû faire face aux défaillances de l'opérateur.
Aussi, je n'affirme pas qu'il s'agît là de la principale raison, mais que cet élément a contribué à déstabiliser le dispositif général de distribution de l'eau.
Nous avons conditionné la résiliation à l'acceptation d'une transaction visant à compenser le préjudice occasionné par la défaillance de la Générale des eaux par le versement d'une indemnité.
Cap Excellence avait exprimé des exigences très fortes, mais l'opérateur ne donnait pas le sentiment de vouloir améliorer sa performance de production. Il semblait davantage être dans la gestion de sa trésorerie.
La communauté d'agglomération avait donc émis des exigences sans brandir la menace de mise en place de sanctions financières.
À une procédure susceptible d'être longue, elle a effectivement préféré accepter le principe de reprise de la gestion du service, car une dégradation encore plus prononcée de la qualité de ce service était prévisible.
Pour conclure, je tiens à souligner qu'il n'y a pas eu de diagnostic technique sur l'état des réseaux qui nous étaient rendus. De même, il n'y a pas non plus eu d'expertise financière sur les comptes réciproques. Aussi, plutôt que d'inscrire le litige dans un temps long, le choix a été d'opter pour une transaction permettant la reprise rapide du service par Cap Excellence.
Monsieur Cédric Cornet, vous estimez que pour que la situation s'améliore, le SIAEAG disparaisse le plus rapidement possible. Aussi, considérez-vous que ce syndicat est l'unique responsable des dysfonctionnements de la distribution de l'eau en Guadeloupe.
Je pense effectivement qu'en grande partie, c'est bien le cas. Selon moi, la mauvaise gestion du SIAEAG et son modèle de corruption ont déteint sur toute la gestion de l'eau en Guadeloupe. J'estime qu'il y a eu un modèle, une organisation malfaitrice, mis en œuvre au détriment de la population de l'île.
Deux chiffres appuient cette vision.
La somme nécessaire pour régler le problème de l'assainissement de l'eau en Guadeloupe est d'un milliard d'euros. Or, pour que des pertes s'élèvent à deux milliards d'euros, il est nécessaire que cela soit organisé et encouragé à différents niveaux de pouvoir.
Celui qui me vient est incarné par M. Amélius Fernandez. Je considère qu'il n'est pas le seul responsable et qu'il existe d'autres fautifs.
Tous les Guadeloupéens ont payé leurs factures pendant cinquante ans et nous ignorons toujours où est passé l'argent censé être utilisé pour l'assainissement, les détections et les réparations.
M. Harry Placide a affirmé que les canalisations dataient de 50 ans. Cela signifie donc que pendant cette période, elles n'ont jamais été changées. Or, tout ce temps, les factures ont été bel et bien payées, notamment pour le changement des canalisations et l'amélioration de l'assainissement. Aussi, comment a été employé cet argent ?
Monsieur Jean Bardail, vous avez affirmé que l'orientation vers le SMO était pertinente. Aussi, selon vous, quelles conditions permettraient à ce syndicat de fonctionner de manière pérenne pour un service de l'eau de qualité ?
Ces conditions sont à la fois matérielles et juridiques.
Pour les partenaires, il s'agit de collaborer à la mise en place de ce SMO.
D'une part, il faudra se référer au passé pour ne pas reproduire les erreurs.
De plus, la mise en place d'une gestion unique sera nécessaire, puisqu'en Guadeloupe, c'est bien ce qui a manqué concernant divers domaines qu'il s'agisse de l'eau ou des déchets.
Il faudra aussi trouver les moyens financiers indispensables aux investissements, restaurer l'exploitation, valoriser les moyens à notre disposition.
Disposer de moyens financiers pour les investissements sera capital. À ce titre, tous les partenaires devront jouer le jeu.
Le problème de l'eau ne date pas d'hier, des manquements ont vraisemblablement été opérés à tous les niveaux et les partenaires doivent trouver les moyens d'instaurer une meilleure gestion de l'eau, tant pour les investissements que pour le traitement social.
À cet effet, le partenariat devra être élargi et impliquer les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), l'État et tous ceux qui seront utiles à la restauration de l'exploitation et à l'amélioration de l'efficacité et de la rentabilité.
Il est essentiel de fournir de l'eau aux Guadeloupéens, chez eux, afin qu'ils puissent y vivre. C'est d'autant plus important qu'il s'agit d'une ressource naturelle qui est présente. Elle mérite donc d'être exploitée convenablement, mieux gérée et mieux distribuée.
Aussi, il est essentiel de mettre en place les moyens nécessaires aux investissements futurs. Aussi, nous attendons beaucoup de l'État et de l'Europe, car nous estimons que les efforts doivent être partagés.
Il est important de rassurer les Guadeloupéens afin de ramener la confiance.
Monsieur Harry Placide, compte tenu de la précision de vos réponses, je proposerai à la commission de s'entretenir plus longuement avec vous.
Vous avez décrit trois types de contrats, sans toutefois approfondir le premier. Aussi, pouvez-vous le détailler ?
Il s'agissait des contrats d'assainissement en vigueur à Saint-Martin et au SIGF. Ces contrats comportaient une clause relative à la réalisation de travaux d'investissement pour le compte de la collectivité.
Un BPU était annexé et présentait une déclinaison d'articles et de prix permettant de réaliser les chantiers.
Aussi, lorsqu'une difficulté particulière apparaissait chaque intervention devait faire l'objet d'un plan d'exécution donnant lieu à un devis qui était lui-même communiqué au maître d'ouvrage pour validation. Ce n'est qu'ensuite que les chantiers pouvaient être exécutés.
Avant la fin du contrat de la Générale des eaux, une balance a été réalisée afin de voir si le crédit avait été consommé. Comme ce n'était pas le cas, un rattrapage a été organisé et des chantiers ont été opérés en fin de DSP.
Néanmoins, pour la plupart des contrats, cette clause n'existait pas.
Concernant la relation contractuelle entre la Générale des eaux et le SIAEAG, s'agissait-il d'un contrat de délégation de service public et qui était chargé de l'entretien classique du réseau et du renouvellement des équipements ?
Il y avait un contrat de DSP affermage dans le cadre duquel le fermier était en risques et périls. Ensuite, le contrat a changé au profit d'un contrat de DSP relatif à un marché de prestation.
Or, le marché de prestation ne prévoit pas les mêmes conditions d'exécution qu'un marché d'affermage, bien qu'aucun des deux ne portait de clause relative au renouvellement des canalisations.
La Générale des eaux assurait l'entretien courant (réparations de fuites et de canalisations), mais le changement d'un compteur par exemple devait faire l'objet d'un devis puis d'un accord du maître d'ouvrage, avant que la mise en œuvre ne soit assurée par le gestionnaire.
D'ailleurs, lorsque la CANGT a fait valoir sa compétence sur la zone urbaine historiquement rattachée au territoire du SIAEAG, la RENOC a dû faire face à un parc de compteurs particulièrement vieillissant, contrairement aux autres secteurs en affermage.
Restons sur la situation antérieure au marché de prestation.
Des années 60 à 2008, la Générale des eaux jouissait donc d'un marché de DSP affermage risques et périls. Aussi, qui était chargé de la réparation des fuites sur le réseau ?
La réparation des fuites incombait à la Générale des eaux, le renouvellement d'infrastructures de réseau au SIAEAG.
Ainsi, dans le cadre d'un surpresseur, une pompe constitue un organe du surpresseur. Aussi, si une pompe venait à être défaillante, son entretien et son renouvellement incombaient à la Générale des eaux.
Jusqu'en 2008, la réparation des fuites relevait donc de la Générale des eaux, tandis que le renouvellement des infrastructures devait être assuré par le SIAEAG.
Aussi, si des fuites survenaient, qui en était responsable ?
Jusqu'en 2008, elles relevaient de la responsabilité de la Générale des eaux qui assurait l'exploitation.
En tant qu'ancien salarié de la Générale des eaux, selon vos observations, qui du SIAEAG ou de la Générale des eaux a été défaillant dans la gestion du réseau ?
À mon sens, il ne me semble pas approprié d'incriminer l'un ou l'autre.
Aussi, je réponds que les deux partenaires devaient remplir des missions.
À l'époque, le rendement était encore de 60 %. Aussi, même s'il n'est pas optimal, il permettait néanmoins de distribuer correctement l'eau.
En moyenne, il atteint moins de 50 %. Sur certains territoires, il affiche péniblement 30 %.
Historiquement, la Générale des eaux apportait la vision de haut. Elle était en effet chargée de la distribution de l'eau depuis Terre de Haut et Terre de Bas jusqu'à La Désirade.
Considérez-vous que le changement de lien contractuel entre la Générale des eaux et le SIAEAG a conduit à des dysfonctionnements ?
En partie, cela me semble effectivement vrai. Toutefois, ce n'est pas le seul facteur.
Il est évident que lorsque vous êtes rémunérés pour changer tel ou tel équipement et que vous ne recevez pas l'autorisation de le faire, vous vous abstenez. Le changement de type de contrat a donc eu un effet d'usure du délégataire de l'époque, même si la question relative au problème de facturation a porté le coup de grâce.
Comment expliquez-vous qu'une multinationale en charge de la facturation ait pu subir un dysfonctionnement de son logiciel de facturation après le changement de lien contractuel entre le SIAEAG et la Générale des eaux ?
Au second semestre 2011, la Générale des eaux Guadeloupe est devenue pilote pour le déploiement de VCMS. En dépit des alertes des élus et d'usagers, elle s'est entêtée dans la réussite de ce projet alors que le Centre de Metz, lui aussi pilote, l'a abandonné.
Je n'ai plus cette information en mémoire.
En Guadeloupe, des interfaces ont été créées et depuis, le projet VCMS a totalement été abandonné par le groupe Veolia qui avait d'ailleurs subi une chute de son cours de bourse à cause de ce logiciel.
Si j'examine cela sans recul, avec ma vision de l'époque, ce changement était une mauvaise chose. En revanche, en tant que maître d'ouvrage, cela me permettait d'améliorer le suivi, à condition de disposer de la compétence et de l'expertise adéquates.
Vous avez également indiqué que des remplacements de canalisations sont en cours et qu'à cette occasion, vous constatez que des éléments de moins de 5 ans se détériorent alors que leur durée de vie annoncée est de 25 ans.
Vous avez également ajouté qu'à l'époque, il n'existait aucune autre solution technique.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Continuons-nous à remplacer les réseaux avec le même matériau ?
Non et nous pouvons le regretter. Nous n'avons pas tiré partout les leçons du passé.
Il existe encore des territoires où du polyéthylène haute densité (PEHD) est posé, dans le périmètre de la RENOC.
Aujourd'hui, ce matériau est banni sur mon territoire et nous posons de l'Excel Plus, dont la résistance est supérieure, notamment aux trois contraintes évoquées plus tôt.
Je ne dispose pas forcément de leur nom, mais je discute avec les fournisseurs avec lesquels je travaille et ils affirment que les gestionnaires achetant de l'Excel Plus sont peu nombreux. Son coût étant 4 à 5 fois plus cher que celui du matériau classique, les gestionnaires sont réticents.
Madame Chantal Colard, quel matériau utilisez-vous aujourd'hui pour remplacer les canalisations ?
Cela dépend du sol.
Nous pouvons utiliser du PEHD ou de l'Excel Plus. Le choix se fait après étude de sol.
Au-delà de la nature du matériau, la manière de procéder à la pose est également susceptible de générer des fuites sur le réseau. C'est la raison pour laquelle nous insistons principalement que la qualité de la pose.
Quoi qu'il en soit, dans le cadre des travaux réalisés pour l'eau potable, sur les derniers tronçons, nous avons utilisé des canalisations normales, mais aussi du polyéthylène Excel Plus.
Nous avons aussi récupéré un certain nombre de canalisations en polychlorure de vinyle (PVC) qui étaient devenues cassantes. Elles ont nécessité d'être renouvelées sur plusieurs kilomètres en dépit du fait qu'elles étaient relativement neuves.
Dans le cadre du plan du 71 millions d'euros, Cap Excellence a renouvelé 1,2 kilomètre de réseau.
Le matériau utilisé dépendra de la qualité du sol rencontrée.
Monsieur Bruno Pierrepont, le président du SIAEAG a affirmé avoir une créance en souffrance avoisinant 14 millions d'euros vis-à-vis de Cap Excellence. Est-ce vrai et si oui, pourquoi n'est-elle pas honorée ?
À ma connaissance, Cap Excellence ne doit rien au SIAEAG.
En revanche, Eau d'Excellence a effectivement une dette, mais nous sommes toutefois les meilleurs payeurs du SIAEAG, tant en régularité qu'en ancienneté.
M. Eric Jalton prête serment.
Je laisse le soin à madame Chantal Colard d'évoquer le cas des dettes.
Toutefois, sachez que nous détenons aussi des créances.
Il est vrai que notre niveau de dettes vis-à-vis du SIAEAG a augmenté. C'est notamment en raison de la dégradation de la régularité d'approvisionnement du SIAEAG. Commercialement, nous avions en effet renouvelé une relation de confiance avec nos administrés, et le fait que nous subissions des coupes d'eau plus importantes qu'annoncées a perturbé le lien de confiance qui avait été rétabli avec nos abonnés.
Je tiens tout d'abord à préciser qu'une facture d'eau annuelle du SIAEAG représente 10 millions d'euros. C'est la raison pour laquelle Cap Excellence avait fait le choix d'accroître son autonomie vis-à-vis de l'achat d'eau en gros avec la construction de l'usine de Perrin.
Depuis, 2017, Eau d'Excellence supporte l'achat d'eau en gros. Cela permet d'alimenter une partie du territoire des Abymes, mais aussi l'ensemble du territoire du Baie-Mahault. Cela représente ainsi 11 millions de mètres cubes par an, à un prix élevé de 85 centimes. Néanmoins, compte tenu des pertes, toute cette eau n'est pas facturée au client. Cela génère donc un équilibre financier précaire vis-à-vis de l'achat d'eau en gros.
Ce n'était pas le cas auparavant, car historiquement, un local d'eau avait été construit conjointement afin de pouvoir répondre au besoin important des Abymes et de Pointe-à-Pitre. Le syndicat qui réunissait les territoires des Abymes et de Pointe-à-Pitre avait ainsi participé à hauteur de 49 % au financement de ce local.
Actuellement, notre dette d'achat d'eau vis-à-vis du SIAEAG atteint 11 millions d'euros. En fait, une année entière n'est à ce jour pas payée.
Toutefois, nous procédons à des paiements réguliers au SIAEAG, en fonction du niveau de notre trésorerie.
Vos dettes représentent donc une année de consommation et vous réglez le SIAEAG en fonction des possibilités laissées par votre trésorerie.
Oui. C'est aussi toute la difficulté de l'assainissement. Nous facturons, mais nous enregistrons une créance cumulée de 33 millions d'euros qui comporte des dettes publiques.
Nous vendons de l'eau au SIAEAG, à la RENOC et au centre hospitalier universitaire (CHU) par exemple.
La régie du SIAEAG nous doit 700 000 euros.
Nous avons sollicité une compensation pour l'année 2017 et je vais aussi devoir solliciter une compensation afin de réduire la dette d'Eau d'Excellence vis-à-vis du SIAEAG.
Quoi qu'il en soit, nous payons notre dette en fonction de la trésorerie perçue grâce aux usagers.
Je souhaite souligner le fait que si nous devons au SIAEAG une année pleine, d'autres structures détiennent des dettes encore plus anciennes vis-à-vis du SIAEAG.
Absolument, la communauté d'agglomération de Basse-Terre doit par exemple 14 millions d'euros.
Aussi, le SIAEAG devrait donc s'attacher à recouvrer les créances les plus anciennes.
En parallèle, Eau d'Excellence détient aussi un certain nombre de créances significatives, comme celle du CHU qui s'élève à 3 millions d'euros.
Tout à fait. Nous avons effectivement une difficulté, car nous achetons de l'eau au SIAEAG que nous devons revendre à la RENOC. Cela pose le problème de l'interconnexion des réseaux et des dettes et créances croisées entre les opérateurs.
Comme je l'ai dit, dès que notre trésorerie le permet, nous nous attelons à réduire notre dette vis-à-vis du SIAEAG.
Je souhaite ajouter que la dette est d'autant plus lourde que face aux difficultés du SIAEAG, Cap Excellence avait accepté de payer l'eau 20 % plus cher par solidarité.
Oui, nous achetons l'eau au SIAEAG 20 % plus cher que les autres opérateurs. Mais, cela fait déjà partie du passé puisque cela se résoudra avec le SMO.
Concernant les conditions de sortie de la Générale des eaux, monsieur Bruno Pierrepont a indiqué avoir préféré ne pas se lancer dans des expertises. Aussi, avec le recul, considérez-vous que cette stratégie était pertinente ?
Je n'ai pas dit cela puisque la transaction elle-même supposait qu'une expertise soit menée pour évaluer les torts et responsabilités de chacun, ainsi que les concessions à opérer.
Cela nous a permis de reprendre la main sur le système et la Générale des eaux nous a laissé un réseau qui, au même titre que les autres opérateurs du département, se caractérisait par une vétusté relativement marquée.
Je note que depuis le retrait de la Générale des eaux, nous avons pu renouer avec la confiance des usagers et la performance commerciale. Ainsi, nous avons pu faire reculer le taux de non-règlement de nos factures auprès des particuliers. Nous avons investi sur notre réseau en puisant dans nos ressources, ce qui s'est traduit par des performances intéressantes sur les 4 dernières années, notamment grâce aux investissements en capacité, comme ceux relatifs aux Grands Fonds ou à l'usine de production de Perrin. De cette manière, plus 20 000 foyers ont pu bénéficier d'une continuité permanente de la distribution d'eau sur le territoire des Abymes.
Aussi, avec le recul, les décisions prises n'ont pas occasionné une dégradation du réseau. Nous l'avons bel et bien conforté et c'est à l'aune de ce constat qu'il me semble important d'analyser les décisions prises.
Si elles n'avaient pas été prises, la dégradation du réseau se serait poursuivie.
En matière d'assainissement, les différentes personnes auditionnées jusqu'à présent ont exprimé leur extrême inquiétude conduisant par exemple à ce que 50 % des eaux de baignade soient de qualité médiocre. Aussi, quelle est votre analyse sur cette situation ? Partagez-vous cette inquiétude ?
Le territoire de Cap Excellence est essentiellement urbain et l'assainissement constitue une préoccupation majeure pour notre territoire.
Nous disposons de deux importantes stations d'épuration (STEP). Celle de Baie-Mahault est relativement neuve et fonctionne. La seconde, située à Jarry, est très ancienne puisqu'elle fonctionne depuis 42 ans. Aussi, dès 2011, Cap Excellence a procédé à sa réhabilitation, mais compte tenu de son âge et du milieu agressif, Eau d'Excellence enregistre d'importantes dépenses d'exploitation destinées à la rénover.
Ainsi, face à ces difficultés, Cap Excellence a déjà pris l'initiative de lancer des études visant à la construction d'une nouvelle station d'épuration. Un terrain a déjà été mis à disposition, mais le poids financier de l'opération ne permet pas d'engager les dépenses immédiates.
Êtes-vous en mesure de communiquer une date prévisionnelle quant à la fin des fortes inquiétudes liées à l'assainissement ?
Nous sommes constamment en travaux sur la STEP de Pointe-à-Donne. Une file fonctionne déjà et notre objectif est de relancer l'ensemble des ouvrages. Toutefois, cela a un coût significatif.
Néanmoins, ces sommes sont d'ores et déjà inscrites au contrat de transition et les travaux sont en cours. Aussi, nous espérons pouvoir mettre fin aux dysfonctionnements de la STEP en 2021 ou au début de l'année 2020.
Nous gérons quatre stations d'épuration dont trois présentent des résultats conformes.
J'ai évoqué tout à l'heure le cas de celle de Port-Louis. À l'époque, Mme Gabrielle Louis-Carabin, présidente de la CANGT, avait dû faire face à des dysfonctionnements liés à des malfaçons. Elle a donc enclenché une procédure occasionnant le recours à une expertise. Ainsi, les responsabilités sont en cours d'évaluation.
Ainsi, aujourd'hui, à l'exception de cette station, toutes les autres STEP fonctionnent et affichent des résultats conformes.
En revanche, la commune de Petit-Canal constitue la seule commune du territoire de RENOC à ne pas disposer de station d'épuration. Petit-Canal constitue en fait le regroupement de plusieurs petits hameaux desservis chacun par des mini-stations. Aussi, au démarrage de RENOC, l'un des premiers projets repris a été l'étude du CANGT pour la construction d'un système d'assainissement pour Petit-Canal, dont une partie du financement existait. Malheureusement, RENOC n'a pas été en mesure de signer le contrat de transition. Ainsi, aujourd'hui, le groupe scolaire de Petit-Canal est à l'arrêt alors qu'il doit être construit dans le cadre du plan séisme pour lequel la collectivité a déjà reçu les investissements. Le plan local d'urbanisme (PLU) est à l'arrêt, tout comme la dynamisation du port de pêche.
La collectivité RENOC n'a donc pas été en mesure de mener à bien ces investissements alors qu'une partie des financements avait été attribuée. La non-signature du contrat de transition a ainsi entravé le développement de toute une partie du territoire, alors que toutes les volontés y sont favorables.
Alors qu'un contentieux européen menace la France en raison de la non-mise en place d'un système d'assainissement, la situation est bloquée.
Merci à tous d'avoir pris le temps de nous répondre. Si vous pensez que certains documents sont susceptibles d'être utiles à la commission d'enquête ou d'étayer vos déclarations, je vous invite à nous les communiquer.
L'audition s'achève à vingt heures.