La réunion

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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LES PROJETS DE LOI RELATIFS À LA DETTE SOCIALE ET À L'AUTONOMIE

Lundi 8 juin 2020

La séance est ouverte à 21 heures 30.

Article 1er bis (nouveau) ‑ Remise d'un rapport sur les emprunts à caractère social

La commission examine l'amendement n° 55 de Mme Bénédicte Peyrol.

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Cet amendement vise à demander au Gouvernement de produire un rapport sur l'intérêt pour la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) d'émettre des social bonds, comme l'UNEDIC l'a fait au mois de mai avec succès. Cela présente notamment l'avantage, pour les investisseurs, d'avoir une meilleure vision de l'utilisation de cet argent en obligeant à une évaluation des politiques sociales financées par ces levées de fonds.

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Cette initiative me semble tout à fait intéressante, bien que je ne sois pas sûr de l'intérêt de demander un rapport.

Les produits sociaux sont en effet très attractifs sur les marchés financiers et il me semble que ce type de produits pourrait intéresser la CADES. Un établissement comme le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), qui a adopté une démarche écologiquement responsable dans sa politique d'émission de fonds, pourrait également bénéficier de l'émission de tels titres. J'émettrai donc un avis de sagesse, en attendant les éléments qui doivent nous parvenir de l'Agence France Trésor.

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Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé

Avis de sagesse également.

La commission adopte l'amendement.

Article 2 ‑ Affectation d'une fraction de contribution sociale généralisée à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

La commission examine les amendements de suppression n° 16 de M. Pierre Dharréville et n° 49 de Mme Delphine Bagarry.

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L'amendement vise à supprimer l'article 2, qui prévoit de transférer une fraction de la contribution sociale généralisée (CSG) à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Non seulement les moyens acceptés sont bien trop faibles au regard des besoins, mais la nature même de ce transfert nécessite une discussion sur la fiscalisation de la protection sociale.

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Mon amendement a le même objet. Cet article aboutirait de surcroît à priver la CADES d'une recette, ce qui ne paraît pas la bonne solution compte tenu des enjeux liés au grand âge. Nous proposerons plus loin d'autres sources de financement.

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Cet article prévoit un transfert de 2,3 milliards d'euros de CSG à l'horizon 2024 ; sa suppression reviendrait donc, au prétexte que ce serait trop tardif ou insuffisant, à ne rien transférer du tout... Cette seule raison suffirait à motiver un avis défavorable.

Par ailleurs, nous n'avons jamais dit que ce transfert était pour solde de tout compte. Nous examinons un projet de loi consacré à la dette sociale, que nous allons amortir plus longtemps que prévu pour soulager l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et tenir compte du contexte financier difficile. À l'horizon 2024, nous aurons honoré l'engagement pris en 2010 ; il sera alors temps de reconsidérer le montant que nous souhaitons allouer au remboursement de la dette sociale alors que les recettes auront constamment progressé sur la période.

Ce transfert ne prétend ni tout résoudre, ni clore les débats que nous mènerons sur les financements de ces besoins liés au grand âge et à l'autonomie. Il n'y a ni mise sous pression ni dogme autour de la CADES, la meilleure preuve étant cette clause de revoyure de 2024.

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Adrien Taquet, secrétaire d'État

Même avis.

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Le groupe La République en Marche est opposé à ces amendements très surprenants. Il y a quelques heures à peine, nous débattions du financement de la cinquième branche et cet article vise précisément à affecter 0,5 point de CSG à la CNSA en 2024. Autant nous pouvons débattre des différentes modalités du financement du grand âge, autant il est étonnant de vouloir supprimer l'une d'entre elles. Nous entendons rester cohérents avec les engagements que le ministre de la santé a pris l'année dernière.

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Cet article est assez étonnant. Au lieu d'envisager une évolution du système de la dépendance, on commence par affecter à la CNSA 2,3 milliards supplémentaires compter de 2024. Pour quoi faire ? En général, on commence par recenser les besoins, les demandes, on peut s'appuyer sur le rapport Libault, élaborer un échéancier, etc. Mais là, on ne sait pas, on verra...

Qui plus est, cela n'interviendra pas maintenant, mais en 2024. Combien d'entre nous seront encore vivants à cette date – politiquement s'entend... ?

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Depuis 1980, toutes les majorités ont systématiquement été battues, sauf une fois, et par pur hasard ! Si encore on avait mis le 1er janvier 2022, cela aurait un vague sens, mais 2024, c'est de la pétition pour autrui, du pur affichage ! Tout le monde reconnaît qu'il faut faire quelque chose ; encore faudrait-il savoir comment on le finance, et commencer par le commencement.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite l'amendement n° 52 de Mme Delphine Bagarry.

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Cet amendement propose justement de financer la cinquième branche que tous appellent de leurs vœux en créant une contribution sur les successions dès 2021. Non seulement celle-ci aurait l'avantage d'être mobilisable dès 2021, mais son produit serait supérieur à celui de la fraction de CSG attribuée à la CNSA ; qui plus est, elle répond à une logique d'universalité qui permettra de soulager la contribution de chaque personne en perte d'autonomie sans pour autant peser sur les revenus d'activité ni constituer un effort excessif. Cet amendement avait été proposé notamment par la CFDT. La succession est à mes yeux la première cause d'inégalité entre les Français.

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Votre amendement propose de créer une contribution de 1 % sur les actifs successoraux afin de financer la CNSA dès 2021, reprenant une piste évoquée depuis longtemps par la CFDT. Nous ne prétendons aucunement avoir épuisé le sujet du financement de la dépendance mais, en l'occurrence, plusieurs raisons me poussent à une certaine prudence.

Pour commencer, vous proposez une assiette très large, au premier euro, qui pourrait pénaliser la transmission des patrimoines les plus modestes. Ensuite, le financement de la cinquième branche implique d'avoir une réflexion globale, y compris sur les recettes de la CADES ou d'autres modes de financement. Même s'il ne faut fermer aucune porte, le débat n'est pas encore mûr.

Avis défavorable.

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Adrien Taquet, secrétaire d'État

Je suis d'accord avec le rapporteur. De surcroît, les débats fiscaux relèvent plutôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), qui pourra intégrer les pistes envisagées dans le cadre de la conférence des financeurs. Avis défavorable.

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Cette idée est sympathique, mais combien rapporterait-elle ?

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Pour 2 milliards, t'as plus rien !

Le problème, ce sont les petites successions. Il aurait été préférable de proposer un montant additionnel aux droits de mutation à titre gratuit : car si votre amendement était adopté, les personnes aujourd'hui exonérées de droits – qui représentent l'immense majorité de nos concitoyens – se retrouveraient à devoir payer 1 %. Il faudrait à tout le moins prévoir un seuil...

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Cet amendement a le mérite d'ouvrir le débat. La taxation des successions est une option parmi d'autres, qui pourront être étudiées dans les prochaines semaines.

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Le droit de mutation à titre gratuit doit être réformé. Si je suis favorable à l'affectation d'une partie de son produit à la dépendance, je ne pense pas que les modalités envisagées soient en l'occurrence les bonnes. Le groupe Socialistes et apparentés ne votera donc pas cet amendement.

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Je me doutais que cela allait discuter des discussions, et c'est tant mieux. Ce projet de loi s'intitule « Dette sociale et autonomie »... Il m'a semblé opportun d'en parler, d'autant que l'article précédent propose de financer l'autonomie par un transfert d'une part de CSG à partir de 2024... Tout cela me paraît un peu contradictoire : on veut aller trop vite, mais pas tout à fait quand même... Je tenais à le relever.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements n° 38 de M. Pascal Brindeau et n° 47 de Mme Audrey Dufeu-Schubert.

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L'amendement propose de doubler les ressources de la CNSA issues de la CSG en les portant de 2,3 à 4,6 milliards.

Nous débattons et débattrons du périmètre et du financement de cette future cinquième branche. C'est le rôle des parlementaires de formuler des propositions pour éviter les effets d'annonce et les annonces sans effet. Je mets en garde le Gouvernement et la majorité sur la méthodologie qu'ils avaient adoptée avec la réforme des retraites : nous avons vu comment vous vous êtes pris les pieds dans le tapis et je ne souhaite pas que le résultat soit le même avec celle de la dépendance.

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Nous en sommes tous d'accord : la loi « grand âge et autonomie » nécessitera rapidement des financements : en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou à domicile, les moyens en direction des personnes âgées devront être renforcés. Mon amendement propose un transfert de la fraction de CSG de 0,05 point à partir de 2021 avec une montée en charge progressive, pour arriver à 0,15 point en 2023.

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Le Gouvernement propose un transfert de 0,15 point en 2024 et il est évidemment très tentant de surenchérir en indiquant une date plus précoce ou un montant plus élevé.

Le débat sur la reprise des ressources de la CADES est légitime. Il ne s'agit pas d'argent magique, mais de celui que les Français pensaient consacrer au remboursement de leur dette sociale et que nous souhaitons réorienter partiellement.

Reprendre une fraction de CSG pour l'affecter à des dépenses nouvelles dégrade comptablement nos comptes publics. L'effet est quasiment invisible lorsqu'on prend une petite fraction, mais je mets en garde : doubler, tripler ou quadrupler le montant repris multiplierait d'autant le problème.

Affecter 4,4 milliards d'euros à la CNSA en 2021 revient à autoriser une hausse de 16 % de ces dépenses, ce qui est considérable. Une telle somme nécessiterait une réflexion stratégique très avancée d'ici le 1er janvier prochain.

Le rapport Libault évoque des besoins de 6 à 10 milliards mais lisons-le jusqu'au bout : ce sont des besoins à horizon de quatre à dix ans et Dominique Libault a lui-même estimé que ces besoins ne seront pas à de tels niveaux en 2021.

L'amendement n° 47 vise quant à lui à transférer la fraction de 0,15 point de CSG de manière progressive d'ici 2023. Le débat de principe me semble assez proche de la question d'une « reprise » complète de cette fraction en 2021. Les modalités sont un peu différentes mais la solution n'est pas complètement satisfaisante.

Du point de vue de la CNSA, le transfert risque d'être un peu « lent » et de laisser très ouvertes les discussions sur les moyens, en 2021 par exemple. Du point de vue de la CADES, même si elle est « programmée », cette lente diminution de ses moyens peut alimenter des inquiétudes inutiles du côté des prêteurs, qui pourraient l'interpréter comme un mouvement continu alors qu'il devrait s'agir d'une mesure relativement claire sur les moyens dévolus à la Caisse.

Pour des raisons différentes, avis défavorable à ces deux amendements.

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Adrien Taquet, secrétaire d'État

Avis défavorable à l'amendement de M. Brindeau : M. le rapporteur a tout dit.

Madame Dufeu Schubert, ce projet de loi organise une reprise massive de dette sociale par la CADES afin de la rembourser et d'en décharger la sécurité sociale. Cette démarche bénéficie également à la prise en charge de la dépendance, qui pourra s'organiser dans un cadre d'autant plus serein si le poids de la dette passée n'obère pas l'avenir.

Cette dette nouvelle que nous allons transférer s'ajoutera à celle qui reste à rembourser et qui s'élève aujourd'hui à 90 milliards. Par conséquent, il est indispensable de respecter l'engagement de rembourser la dette déjà transférée en 2024 au plus tard et de préserver les ressources actuelles de la CADES. Réduire dès 2021 ces recettes de plus de 2 milliards ne serait pas un signal responsable en termes de crédibilité financière.

La signature de la CADES est d'une grande qualité sur les marchés financiers, cette solidité reposant notamment sur la garantie de poursuivre l'affectation des ressources nécessaires pour faire face aux échéances de remboursement de la dette. Il n'est pas raisonnable de changer les règles du jeu en cours de route et encore moins dans un contexte marqué par une grande volatilité des marchés. C'est en respectant les engagements passés que la CADES pourra demain rembourser la nouvelle dette, qui sera transférée ainsi à un moindre coût.

Le Gouvernement a entrepris une réforme profonde de la prise en charge du risque de perte d'autonomie et il est prêt à engager les moyens nécessaires. C'est pourquoi le projet de loi prévoit la remise au Parlement d'un rapport sur les modalités de création d'un nouveau risque et d'une nouvelle branche de sécurité sociale relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap qui se concrétisera dans le prochain PLFSS ou dès ce texte même si vous adoptez l'amendement du rapporteur, qui propose d'anticiper une partie de ces travaux.

Le Gouvernement a également décidé d'affecter à la dépendance une ressource pérenne supplémentaire de plus de 2 milliards par an à compter de 2024. En outre, une conférence de financement proposera des financements adaptés aux enjeux de la couverture de ce risque dès 2021.

Avis défavorable.

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Notre objectif est double : stabiliser la dette et financer la cinquième branche. La priorité est de sécuriser le système de sécurité sociale ; pour ce faire, la CADES doit être crédible. Or elle a besoin de ce 0,15 point pour sécuriser sa dette auprès des marchés. Quant à l'autonomie de la Caisse, elle suppose de trouver des financements. Plusieurs pistes sont envisageables, mais cela ne doit pas se faire aux dépens de la sécurisation de la dette.

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Je suis tout à fait d'accord, monsieur Isaac‑Sibille. Nous sommes tous pressés d'avoir ce débat sur l'autonomie et le financement de la cinquième branche. De fait, dès 2021, se poseront des enjeux de financement et je comprends de ce point de vue l'intention de Mme Dufeu Schubert. Néanmoins, faire les deux en même temps serait contreproductif : en enlevant trop tôt 0,15 point de CSG, avant l'extinction initialement prévue de la CADES, nous nous priverions des meilleures conditions de refinancement. Savoir comment financer à partir de 2021 nous demandera plusieurs mois de travail. Ne nous précipitons pas.

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Nous avons bien conscience que le financement de la dette par la CADES n'est pas de l'argent magique : c'est de la dette qui finance le remboursement d'une dette. Du point de vue de l'orthodoxie financière et budgétaire, c'est tout simplement calamiteux. Les collectivités territoriales n'ont d'ailleurs pas le droit de le faire. Cela revient à transférer aux générations futures les dettes contractées aujourd'hui. Il n'existe que trois modes de financement de la dépendance : la dette, l'impôt, auquel cas il faudra être transparents avec nos concitoyens, ou bien l'assurance individuelle, publique ou privée – mais là aussi, il faut dire clairement les choses. Mon amendement visait à trouver un équilibre entre dette, fiscalité et éventuellement système assurantiel, pour peu que l'on considère que les besoins annuels de financement s'élèvent plutôt à 10 milliards d'euros qu'à 6 milliards. Notre proposition n'est sans doute pas idéale et la proposition de ma collègue d'instaurer une progressivité est également intéressante ; en tout état de cause, nous ne pouvons pas nous contenter de dire que nous verrons plus tard.

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J'ai bien entendu les arguments du rapporteur et du secrétaire d'État : nécessité d'un climat serein pour les investisseurs, responsabilité du Gouvernement dans le remboursement de la dette et le financement de la cinquième branche. Nous sommes de nombreux parlementaires à travailler sur la question du grand âge et de l'autonomie, et nous souhaiterions être associés à la préparation de cette loi qui promet de marquer le quinquennat. Mon amendement se voulait d'appel et je le retire.

L'amendement n° 47 est retiré.

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Que l'on soit pour ou contre, l'amendement de notre collègue Brindeau est cohérent avec l'article 4. Je ne vois d'ailleurs pas très bien comment le Gouvernement pourra s'en tirer dans la loi de financement de la sécurité sociale. Le choix de la fin septembre est assez astucieux : la loi sera déjà déposée, cela permettra au Gouvernement d'espérer gagner un an.

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La question des moyens de financement est au cœur même du débat. Dire « cinquième branche » pour le seul plaisir des mots, cela ne sert à rien si l'on ne parle pas également de son financement. Vous avez raison, madame Dufeu Schubert, de vouloir associer les parlementaires au travail du Gouvernement. Certaines déclarations nous laissent sceptiques : les besoins ne seraient pas aussi importants en 2021 qu'après. Mais aujourd'hui 7 milliards pèsent sur les familles, sous forme de reste à charge. Ce n'est pas rien, surtout quand on les ajoute aux 23 milliards pris en charge par les finances publiques. Il y a urgence à trouver les moyens !

Vous m'avez également inquiété en mentionnant la nécessité d'autres financements et la conférence des financeurs. Vous laissez entendre que vous allez solliciter les départements, qui sont déjà au taquet en matière de financement social. Allez‑vous leur demander davantage ? Avez-vous déjà engagé la réflexion avec l'Association des départements de France ? Nous ne pouvons pas vous suivre sans savoir qui paiera quoi. Nous voulons savoir qui fait quoi, qui paie quoi et pour quoi. Si vous nous apportez des réponses, nous serons enclins à faire avancer la réforme ; sinon, cela signifiera que le cadre restera vide et que, dans les années à venir, nous continuerons, comme un autre sur sa colline, à attendre le financement de la dépendance, sans jamais rien voir venir...

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Les départements seront des partenaires de première ligne. Le plus important est de travailler avec eux sur l'organisation de l'autonomie et son pilotage. Je n'aime pas le terme « dépendance » : je préfère parler de grand âge et d'autonomie, car nous aurons aussi à travailler sur le bien vieillir. En 2024, il faudra 6 milliards, puis 10 milliards. La conférence des financeurs fera des propositions d'orientation ; mais il faudra prévoir un plan à plusieurs échelles. La loi doit nous permettre de définir une vision et non seulement un concept, mais aussi une échelle. La priorité en 2021, c'est le domiciliaire. Laissons la conférence des financeurs et les partenaires sociaux faire leur travail. Nous, nous dessinons une maison à l'intérieur de laquelle les différents acteurs œuvreront. Et le Gouvernement, je l'attends autant que vous, pourra alors nous donner des orientations plus concrètes.

La commission rejette l'amendement n° 38.

Elle examine ensuite les amendements identiques n° 1 de Mme Jeanine Dubié, n° 9 de M. Jean-Pierre Door, n° 27 de M. Belkhir Belhaddad et n° 39 de M. Pascal Brindeau.

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Aucun financement nouveau n'est prévu. Or, depuis des années, les EHPAD demandent des moyens supplémentaires. C'est pourquoi nous proposons par l'amendement n° 1 de financer la réforme dès 2021 au lieu de 2024 pour répondre aux besoins estimés par Dominique Libault, ainsi qu'aux besoins actuels des EHPAD et des établissements médico‑sociaux. Sans nouvelles ressources, rien ne sera réglé. Par ailleurs, on ne peut pas, d'un côté, vouloir que la dépendance soit reconnue comme un risque social et prise en charge par la solidarité nationale et, de l'autre, continuer à parler des départements : elle relève ou du champ de l'action sociale ou de la solidarité nationale.

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Nous souhaitons également que la réforme soit financée dès 2021 et non en 2024. Le chantier est urgent. D'où notre amendement n° 9.

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Le financement de la protection sociale est confronté à deux problèmes majeurs : la diminution des recettes, liée à la faiblesse de la croissance économique puis à la pandémie, et la hausse des dépenses. Les marges de manœuvre sont très faibles, surtout si l'on ne veut pas augmenter les prélèvements obligatoires. C'est pourquoi mo amendement propose de ramener la date prévue pour l'affectation à la CNSA de 0,15 point de CSG de 2024 à 2021, afin de retrouver une échéance compatible avec l'urgence de la mise en œuvre d'une grande loi autonomie.

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Mon amendement vise à donner corps à la cinquième branche dès 2021. Ne pas assurer ses financements minimums revient ou à ne rien faire ou à l'endetter par anticipation.

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La date de 2024 n'est pas que symbolique : elle correspond au moment où nous espérions voir la CADES disparaître à la suite des engagements liés aux transferts après la crise de 2008-2010. Le Gouvernement a choisi d'en faire la date à laquelle il serait opportun de réinterroger globalement la stratégie de financement, au regard des besoins chiffrés par le rapport Libault. Si j'ai bien conscience que la question d'un transfert dès 2021 a occupé beaucoup de nos échanges lors des auditions et que nous ne devons pas donner l'impression d'une solution d'attente, j'ai aussi relevé la forte inquiétude du président du conseil d'administration de la CADES, qui a estimé qu'un transfert pourrait fragiliser la position de la Caisse vis-à-vis de ses partenaires financiers. Enfin, le texte ne prétend pas clore le débat sur le financement dans les années à venir.

Avis défavorable, même si je comprends bien l'intention de ces amendements.

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Adrien Taquet, secrétaire d'État

Je ne voudrais pas qu'on laisse à penser que le sujet de la dépendance et de l'autonomie n'est pas pris en considération, monsieur Perrut : nous allons bel et bien matérialiser une promesse faite par Nicolas Sarkozy en 2007, et réitérée par François Hollande en 2012... Nous créons une cinquième branche ; nous avons prévu des circuits de financement ; le Gouvernement s'est engagé sur un grand projet de loi relatif à la dépendance. Ne laissez pas croire que nous ne prenons pas ce sujet en considération, dès maintenant qui plus est. Une conférence des financeurs sera organisée dès 2021. Toutes les options sont sur la table. Avec l'ensemble des partenaires, parmi lesquels les départements, nous élaborerons les modalités de financement entre 2021 et 2024. Comme je ne veux pas que M. de Courson soupçonne le Gouvernement de malice, un amendement proposera d'avancer la date de remise du rapport de quelques jours, afin de trouver un bon équilibre entre le temps que nous devons laisser aux parties prenantes pour élaborer les modalités de financement et le dépôt du PLFSS.

Avis défavorable.

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Des sparadraps sur une jambe de bois n'ont jamais servi à rien. Quand on voit l'ampleur de la crise dans nos EHPAD, vous ne pouvez pas dire que des choses ont été faites. Pour atteindre le ratio minimal entre soignants et résidents, il faudrait 8 milliards d'euros, qui n'ont pas été mis sur la table. Si des choses ont été faites, elles sont minimes. Nous avons tous vu l'hécatombe et nous avons tous été conscients que rien n'avait été fait pendant des années, malgré les alertes. Arrêtez de nier l'évidence : rien n'a été fait !

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Je ne peux pas vous laisser dire que rien n'a été fait. Depuis deux ans, des financements ont été intégrés aux PLFSS pour les EHPAD, qu'il s'agisse du renforcement des équipes de nuit, des médecins coordonnateurs ou des rénovations. Des plans de financement ont été répartis et confiés aux agences régionales de santé. Certes, cela n'est pas suffisant et il y a encore beaucoup à faire ; mais vous ne pouvez pas dire que rien n'a été fait. Par ailleurs, c'est vrai que, dans certains établissements, des situations sont dramatiques, mais dans beaucoup d'EHPAD, des expériences très positives sont menées. Chaque fois que l'on dit que rien n'a été fait, que c'est une catastrophe dans les EHPAD et qu'on les dénigre, on dénigre les professionnels du grand âge et on culpabilise les proches aidants qui s'inquiètent de la qualité de vie de leurs parents. Tout n'est assurément pas rose, mais vous ne pouvez pas dire que rien n'a été fait.

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Avant d'être député, j'ai été maire d'une commune de 5 500 habitants et président du conseil d'administration de l'EHPAD local : je peux témoigner que beaucoup a été fait. J'ai pu voir tous les projets financés par l'État et le département. J'ai pu voir la mobilisation de l'ensemble des acteurs. Dire que rien n'a été fait, ce n'est pas rendre hommage à l'engagement, à l'implication, aux innovations, au dévouement des personnels des EHPAD qui ont œuvré pendant la crise et bien avant, pour que nos seniors puissent vivre dans des conditions acceptables. Je ne peux pas supporter ce genre de propos qui ne reflètent pas la réalité et expriment surtout une méconnaissance totale de la situation dans de nombreux EHPAD. Ce n'est pas entendable.

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Dire que rien n'a été fait, c'est de la malhonnêteté intellectuelle. En politique comme en sport, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. J'ai entendu les arguments du rapporteur et du secrétaire d'État. Je souhaite que les partenaires sociaux et les parlementaires soient étroitement associés à la construction de l'architecture du projet de loi relatif au grand âge.

L'amendement n° 27 est retiré.

La commission rejette les amendements nos 1, 9 et 39.

Puis elle adopte l'article 2 sans modification.

Après l'article 2

La commission examine l'amendement n° 17 de Mme Jeanine Dubié.

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Nous proposons de créer une contribution au taux de 1 % sur les successions et donations supérieures à 150 000 euros. Nous avons besoin de financements supplémentaires. Malgré les efforts des gouvernements successifs, nous en sommes toujours à 0,6 soignant pour un résident, alors qu'il en faudrait un pour un.

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Votre proposition est intéressante ; elle est d'ailleurs défendue par plusieurs acteurs de la sphère sociale. Les mois à venir nous permettront de progresser sur le financement de la branche que nous nous apprêtons à créer. Cette contribution pourrait gagner à s'insérer dans un panier plus large de recettes.

Avis défavorable, à ce stade.

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Adrien Taquet, secrétaire d'État

Avis défavorable, pour les raisons exposées précédemment.

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Je comprends votre argument, monsieur le rapporteur. Le seuil de 150 000 euros permet d'éviter de taxer des personnes qui ont un tout petit patrimoine, cette somme correspondant à la valeur d'une maison pour laquelle un couple d'ouvriers a travaillé toute sa vie.

La commission rejette l'amendement.

Article 3 ‑ Versement par le Fonds de réserve pour les retraites de la soulte du régime des industries électriques et gazières à la Caisse nationale d'assurance vieillesse et de 1,45 milliard d'euros à la Caisse d'amortissement de la dette sociale

La commission examine l'amendement n° 25 de M. Charles de Courson.

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L'article 3 comporte deux parties, et je commencerai par la seconde. Le FRR avait originellement vocation à faciliter la réforme des retraites ; c'est seulement après qu'il a été utilisé pour financer la CADES, à hauteur de 2,1 milliards par an. Le FRR a deux composantes : une composante destinée à lisser dans le temps le passage à un régime de retraite unique, qui représente 25 milliards d'euros, et une composante de 4,7 milliards, qui correspond à une partie de la fameuse soulte issue de la réforme des retraites du personnel des industries électriques et gazières (IEG). L'article 3 prévoit de verser ces 4,7 milliards à l'ACOSS d'ici au mois de juillet, laquelle reversera ensuite cette somme par cinquièmes à la CNAV, afin de réduire son déficit.

Permettez-moi de vous rappeler ce qui justifiait cette soulte. La structure démographique des électriciens et gaziers était très différente de celle des salariés du privé : on a donc calculé le surcoût qu'allait entraîner leur intégration au régime général. Or, avec cet article, ce sont les salariés du privé qui, à partir de 2025, vont financer le différentiel, et c'est profondément injuste. Les alinéas 4, 5 et 6 ne sont pas acceptables.

J'en viens à la première partie de l'article, qui prévoit de ramener de 2,1 milliards à 1,45 milliard d'euros le financement de la CADES par le FRR. Pourquoi ce choix ? Il reste 24 milliards dans le FRR : en dix ans, on l'aura épuisé pour rembourser la dette sociale. Il est vrai que ce n'était pas sa vocation première, mais ce n'est pas ce texte qui l'en a détourné...

Pour ces deux raisons, je demande la suppression de l'article 3.

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S'agissant, premièrement, de la part de la soulte des IEG gérée par le FRR, il était déjà prévu qu'elle soit rétrocédée à partir de 2020 : nous ne faisons donc qu'avancer cette rétrocession. D'un montant initial de 3,06 milliards d'euros, elle atteint désormais 4,9 milliards d'euros, après une valorisation, sur quinze ans, d'environ 3,4 %, ce qui souligne la dynamique de l'investissement du FRR.

Ce versement anticipé permettra, comme les mesures examinées à l'article 1er, de soulager la trésorerie de l'ACOSS. Je vous rappelle qu'à l'heure où nous examinons ce projet de loi, le plafond d'endettement de cette agence, qui ne peut émettre des titres qu'à une maturité infra-annuelle, a été relevé à hauteur de 95 milliards : ce niveau d'endettement historique expose l'agence à un risque de liquidité ou de hausse des taux sur des marchés financiers parfois volatiles, qu'il nous faut absolument parer.

S'agissant de la contribution du FRR à la CADES, nous pourrons effectivement en revoir le montant en PLFSS, si les conditions s'y prêtent. Je fais toutefois crédit au Gouvernement de prévoir un plan de financement crédible pour la CADES jusqu'en 2033, cohérent avec le montant des réserves du FRR, qui s'élèvent aujourd'hui à 30 milliards d'euros environ.

La suppression de cet article entraînerait des risques financiers réels pour la sécurité sociale et le versement des pensions et prestations : j'émettrai donc un avis défavorable sur votre amendement.

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Adrien Taquet, secrétaire d'État

Même avis.

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Il était effectivement prévu que la soulte soit utilisée à partir de 2021, mais pas dans les conditions que prévoit l'article 3 ! Là, vous brûlez vos cartouches ! Le différentiel démographique était étalé dans le temps et le versement devrait correspondre au différentiel démographique, année après année, jusqu'à extinction de la soulte, puisque c'est ainsi qu'elle avait été calculée. Or ce n'est pas en 2025 que la dégradation du rapport démographique du régime général lié au basculement des IEG prendra fin.

Que vous versiez cette somme à l'ACOSS pour soulager sa trésorerie, pourquoi pas ? Mais le reversement par cinquièmes entre 2020 et 2025 fait qu'à partir de 2026, ce sont les salariés du privé qui supporteront le différentiel démographique.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel n° 62 du rapporteur.

L'amendement n° 48 de M. Belkhir Belhaddad est retiré.

La commission adopte l'amendement de coordination n° 63 du rapporteur.

Puis elle adopte l'article 3 modifié.

Article 4 – Rapport au Parlement sur la création d'un cinquième risque ou d'une cinquième branche en projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021

La commission examine, en discussion commune, l'amendement n° 53 de Mme Delphine Bagarry, les amendements identiques n° 45 du rapporteur, n° 56 de M. Cyrille Isaac-Sibille, n° 57 de M. Paul Christophe et n° 58 de Mme Audrey Dufeu Schubert, qui font l'objet des sous-amendements n° 64 de M. Brindeau et n° 65 de M. Belkhir Belhaddad, ainsi que les amendements n° 50 de Mme Delphine Bagarry et n° 40 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

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Avec l'amendement n° 53, nous entendons prendre acte de la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale en modifiant l'article L. 111‑1 du code de la sécurité sociale pour y introduire la notion de « service de prestation pour l'autonomie ».

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C'est un honneur, sur le premier texte que je rapporte après avoir été élu rapporteur général de la commission des affaires sociales, que de présenter l'amendement n° 45.

Il tend à modifier l'architecture de la sécurité sociale du XXe siècle pour y adjoindre une cinquième branche, gérant la couverture d'un cinquième risque : la perte d'autonomie. Cette nouvelle branche doit garantir la prise en charge optimale de nos aînés, ainsi que des personnes en situation de handicap. La création de cette branche est en discussion depuis longtemps – on a rappelé les promesses faites en 2007, puis en 2012 –, mais jamais le législateur n'avait franchi le pas. Je suis fier d'appartenir à la majorité qui aura inscrit l'effort de la sécurité sociale en faveur de l'autonomie dans le marbre de la loi.

Que va apporter la création d'une branche et la reconnaissance d'un risque ?

En premier lieu, une meilleure identification de l'effort national réalisé par la puissance publique en faveur de cette prise en charge. Nous connaissons tous la complexité du financement de ce qu'on appelle communément la dépendance, qui associe l'État, la sécurité sociale, notamment la CNSA et, bien sûr, les départements. La branche « autonomie » se caractérisera par un ensemble de dépenses et de recettes, et donc par la construction d'un solde, qui permettra au législateur, chaque année, d'estimer l'effort de la sécurité sociale en faveur de l'autonomie.

La construction d'une branche, ensuite, impliquera une nouvelle architecture. Si le champ du financement comme des dépenses reste inchangé, il nous reviendra d'imaginer la forme que pourra prendre la couverture du risque de dépendance. Sans empiéter sur la compétence des départements, qui concilie expertise et proximité, la création d'une nouvelle branche suppose, à tout le moins, l'identification d'une tête de réseau, vraisemblablement la CNSA, et d'un circuit de financement unifié et autonome.

C'est le sens du rapport que nous demandons au Gouvernement, parallèlement à la consultation des partenaires sociaux qui a lieu en ce moment même. Un chantier important nous attend pour les mois qui viennent, puisque nous devrons définir le périmètre et le fonctionnement de cette cinquième branche de la sécurité sociale.

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Comme le rapporteur, je suis ému de présenter l'amendement n° 56, au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés.

Je souhaite vivement que la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale soit votée à l'unanimité. Certains collègues ont posé la question de son financement, mais il reste beaucoup d'autres choses à définir : l'organisation de la branche, la prise en charge de la prévention, la gouvernance, les métiers, le regard que l'on pose sur les personnes âgées... Pour moi, ce serait un symbole très fort si tous les groupes votaient la création de cette cinquième branche, si nous retrouvions l'unanimité qui, en 1945, allait des communistes aux gaullistes. Nous n'en votons que le principe ce soir, mais ce serait un message fort si nous le faisions ensemble.

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L'amendement n° 57 est l'aboutissement d'un long travail : il s'appuie sur les rapports Libault et El Khomri et sur les auditions que nous avons menées autour de ce projet de loi. Pour la première fois depuis 1944, une loi vient créer une nouvelle branche dans le code de la sécurité sociale : c'est un acte fort. Maintes fois promise, et toujours repoussée, la création d'une branche en faveur des personnes en situation de dépendance sera enfin gravée dans le marbre. Elle obligera le Gouvernement à trouver des moyens de financement à la hauteur des enjeux. Ce projet de loi est une première pierre et nous devrons poursuivre cet effort en faveur de l'autonomie. Pour l'heure, nous pouvons nous réjouir que cet engagement maintes fois repoussé soit enfin tenu.

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L'amendement n° 58 est beaucoup plus qu'un amendement : c'est un acte politique fort, un acte historique. Nous allons par notre vote – que j'espère unanime – inscrire au sein du régime général de la sécurité sociale une cinquième branche qui couvrira les besoins d'autonomie des personnes âgées ou porteuses d'un handicap.

Lorsque la sécurité sociale est née en France en 1945, dans le contexte de l'immédiat après-guerre, il s'agissait de satisfaire les besoins élémentaires des Français. La Constitution de 1946, dans son préambule, rappelle que le devoir d'un État est d'assumer la « protection de la santé ». En 1962, Pierre Laroque se préoccupait déjà des risques liés à l'avancée en âge. Depuis lors, les prestations se sont accumulées et, avec elles, les modes de gouvernance, jusqu'à la création de la CNSA, après la canicule de 2003. Il est temps de revoir l'ensemble du système : la crise du covid-19 a montré la nécessité de disposer, pour le grand âge et l'autonomie, d'un nouveau régime offrant une plus grande visibilité et un véritable pilotage.

Inscrire la politique du grand âge dans la branche « maladie », c'est véhiculer l'idée que la vieillesse serait une maladie. La majorité pense au contraire que la longévité de notre société est une chance. Et c'est par la volonté infaillible de notre majorité que, soixante‑quinze ans après la création de la sécurité sociale, nous allons créer ce soir une cinquième branche de la sécurité sociale, pour l'autonomie. Je rappelle qu'Olivier Véran, au lendemain de sa nomination au ministère des solidarités et de la santé, a débloqué une enveloppe à destination des départements pour renforcer l'approche domiciliaire : c'était un signal fort. Moi qui viens du monde maritime, je peux vous dire que quand le vent tourne, on le sent, et c'est le cas en ce moment !

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Le sous-amendement n° 64 vise à avancer au 15 septembre la date limite de remise par le Gouvernement du rapport sur les modalités de mise en œuvre de cette cinquième branche. Il importe que l'ensemble des parlementaires et des acteurs de la politique de l'autonomie puissent examiner les propositions du Gouvernement avant le dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

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Le sous-amendement n° 65 vise également à avancer la date de remise du rapport du Gouvernement, afin que la nécessaire concertation puisse se faire dans de bonnes conditions, avant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

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Nous pensons qu'il faut davantage qu'un rapport : pour reprendre les mots de M. Bernard Perrut, nous voulons savoir qui fait quoi, qui paie quoi et pourquoi. Nous proposons donc par notre amendement n° 50 d'inscrire dans la loi que « le Gouvernement organise une concertation pour la mise en œuvre d'une cinquième branche de la sécurité sociale sur la dépendance, rassemblant l'ensemble des acteurs concernés et pilotée par les organismes gestionnaires des différentes banches de la sécurité sociale ». La démocratie sociale est une caractéristique importante de la gestion de notre sécurité sociale : elle doit pouvoir s'exprimer, non seulement sur son financement, mais sur tous les aspects de son fonctionnement.

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L'amendement n° 56 était celui du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés. Mon amendement n° 40 avait été déposé à titre personnel et je tiens à remercier les collaborateurs qui m'ont aidé à le rédiger.

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Je suis favorable aux deux sous-amendements identiques et aux amendements nos 45 et identiques, et défavorable aux amendements concurrents.

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Adrien Taquet, secrétaire d'État

Nous attendions tous ce moment, nous nous sommes tous battus et, ce soir, nous créons enfin la cinquième branche de la sécurité sociale, qui va apporter plusieurs avancées.

Premièrement, nous envoyons un signal fort aux Français : la perte d'autonomie entre dans le champ des risques reconnus par la sécurité sociale. C'est un signe de l'adaptabilité de notre État social : il n'est pas figé, il évolue avec son temps et avec les besoins de nos concitoyens.

Deuxièmement, nous allons sécuriser le financement de la perte d'autonomie en créant une nouvelle recette. Celle-ci ne sera pas suffisante pour faire face au mur démographique qui se profile devant nous et nous devrons définir un « mix » de financement public, nécessairement complexe et évolutif. Mais nous aurons un financement autonome et sécurisé. Le Gouvernement est ouvert à toutes les options et il en débattra avec vous dans les semaines qui viennent.

Troisièmement, nous allons améliorer considérablement l'information des Français et des parlementaires sur les montants en jeu et sur leur affectation. Chaque année, nous produirons une information consolidée, normée, dans le cadre de l'examen du PLFSS. C'est un enjeu démocratique que je voulais souligner.

Pour l'ensemble de ces raisons, je suivrai l'avis émis par le rapporteur.

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Je précise que l'adoption des amendements n° 45 et identiques fera tomber tous les autres amendements déposés sur l'article 4.

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Nous sommes le 8 juin 2020 : cette date va marquer l'histoire de la sécurité sociale, puisque nous sommes sur le point – à l'unanimité, je l'espère – de voter l'amendement du rapporteur, qui va créer une cinquième branche et un cinquième risque. Il augure et témoigne de la volonté du Gouvernement et de notre commission de présenter une loi ambitieuse sur le grand âge.

Il y a deux ans, je concluais un rapport sur l'évolution de la démarche qualité au sein des EHPAD en disant que toutes les mesures que nous pouvons prendre n'auront de sens que lorsque nous changerons notre regard sur les personnes âgées – ma collègue Audrey Dufeu Schubert a elle aussi rédigé un excellent rapport sur ce sujet. Ce soir, avec l'adoption de ces amendements, nous montrons que nous sommes capables de changer le regard que nous posons sur les personnes âgées. C'est un message très fort que nous adressons à nos concitoyens.

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J'avais déposé un amendement qui va tomber et qui visait également à avancer la date de remise du rapport. Le Gouvernement se ménage toujours des délais très confortables, alors que les partenaires sociaux et les parlementaires doivent généralement travailler dans des délais très contraints – c'est encore le cas pour l'examen de ce texte. L'Assemblée des départements de France avait demandé que la date de remise du rapport soit avancée et le sous-amendement de Pascal Brindeau va dans le bon sens.

Mais je voudrais inciter mes chers collègues de la majorité à faire preuve d'un peu plus de modestie et de retenue. Vous dites que ce texte est historique mais vous devriez tirer les leçons des expériences passées : nos concitoyens ne sont pas dupes des effets d'annonce et de l'affichage. Quand ils vont apprendre que pas un euro de plus ne sera versé avant 2024, leur enthousiasme va faiblir. Quand ils vont constater que vous ne répondez à aucune des questions posées par Bernard Perrut – qui fait quoi, qui paie quoi et pourquoi ? –, vos grands discours sur la date historique du 8 juin vont faire un flop. Cela fait des années que nous avançons sur ce chemin difficile, plusieurs d'entre nous ont fait des propositions et nous souhaitons tous y arriver. Mais de grâce, arrêtez vos envolées lyriques !

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Dans le texte gouvernemental, il était question des « modalités de structuration financière d'un risque ou d'une branche ». L'amendement du rapporteur a remplacé « ou » par « et », puisqu'il y est question d'un nouveau risque « et d'une nouvelle branche de sécurité sociale ». Que signifie ce changement du « ou » en « et » ?

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La question de notre collègue est un peu symptomatique de la précipitation ambiante... J'ai un peu l'impression que vous vous faites un film et que vous vous faites plaisir ; mais sur le fond, vous en restez à des slogans dont j'ai appris, tant ils sont discutables, à me méfier. Comment en effet vous faire confiance lorsque vous annoncez une révolution sociale attendue alors que vous avez plusieurs fois mis à l'ordre du jour la dégradation de la protection sociale ?

Au-delà, ce projet soulève des questions touchant à la philosophie même de l'organisation de nos dispositifs sociaux entre ce qui relève de la solidarité nationale et ce qui relève de la protection sociale.

Comment la prise en charge de la perte d'autonomie sera-t-elle financée ? Jusqu'ici, elle l'a plutôt été, dans le cadre du droit à la santé – au sens de l'Organisation mondiale de la santé, c'est-à-dire un état de complet bien-être physique, mental, et social –, au travers de l'assurance maladie. Quelle sera par ailleurs la part de l'investissement public, qui pourrait relever d'une autre logique de financement ?

La création d'une nouvelle branche pose en fait deux questions, celle du type de droits garantis et de leurs différences avec les droits actuels, à laquelle nous n'avons pour l'instant pas obtenu de réponse, et celle du mode de financement, chaque branche de la sécurité sociale ayant chacune sa propre logique en la matière. Or où allez-vous chercher l'argent ? Nous n'en savons rien. L'assurance maladie, on sait comment elle est financée...

Nos débats de ce soir mériteraient d'être approfondis, et tout le monde s'accordera à reconnaître que nous ne sommes pas au rendez-vous : les choses ne peuvent rester en l'état. Les personnels, comme les familles, l'ont dit et répété, il faut faire autrement et beaucoup plus que ce que nous avons fait jusqu'ici.

Quelle est en outre la raison d'être du rapport prévu par l'amendement du rapporteur ? Je ne comprends pas pourquoi vous décidez sans en disposer. Le changement introduit dans la loi n'a rien de mineur : il mériterait à tout le moins d'être un peu plus instruit.

L'amendement n° 6 que j'ai déposé, mais qui ne sera pas examiné, suggérait d'étudier l'ensemble des hypothèses qui nous permettraient de faire face à ces besoins et à ces enjeux et d'y répondre correctement. Mais visiblement, ce n'est pas l'orientation que vous prenez.

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Il ne faut pas, à côté des personnes âgées, oublier les personnes handicapées. Jusqu'à présent avait prévalu une théorie causaliste ; nous revenons à la théorie finaliste : il s'agit d'aider toutes les personnes en situation de dépendance.

Si j'entends, chers collègues, le problème financier, pensez-vous qu'au moment de voter les ordonnances de 1945 portant organisation de la sécurité sociale, nos prédécesseurs se doutaient que, quelques décennies plus tard, 470 milliards d'euros seraient dépensés tous les ans ? Non. Sans un peu de folie et d'imagination, on ne ferait rien.

S'il nous faudra construire cet édifice ensemble, nous en avons, ce soir, posé la première pierre.

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J'ai l'impression d'assister à un mauvais procès en paternité... Ne faites pas semblant de ne pas avoir compris : nous inscrivons dans le code de la sécurité sociale quelque chose de fort, qui va nous obliger à la fois à réfléchir tant aux financements, et pas uniquement à l'horizon de 2024, qu'à l'organisation et aux champs de compétences.

Tout cela nous engage et figurera au compte rendu : nous ne pourrons donc pas nous dérober, d'autant plus que les échéances, qu'il s'agisse du 15 septembre ou du PLFSS, vont arriver très rapidement et nous mettront au pied du mur dès avant la fin de 2020. J'accepterai alors que l'on nous fasse un tel procès si nous ne sommes pas au rendez-vous.

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Monsieur le rapporteur, je regrette que le II de votre amendement ait repris la notion de prise en charge de la perte d'autonomie et non celle qui avait été retenue dans le texte originel du projet de loi : l'aide à l'autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. Ou bien on parle de prise en charge de la dépendance, ou bien on parle d'aide à l'autonomie, mais pas de prise en charge de la perte d'autonomie ! Cela revient à dire que vous voulez prendre en charge la perte d'un droit. J'invite tout le monde à regarder ce qu'est la définition de l'autonomie.

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Monsieur de Courson, la création d'une branche implique de facto la création d'un risque à prendre en charge : les deux vont de pair.

Nous serions, selon la droite et la gauche, en train de nous faire des films : or en matière de films, nous n'avons vu, en 2007 puis en 2012, que les bandes-annonces... Avec le financement et la gouvernance, nous aurons probablement une trilogie à écrire, et qui m'est chère... Nous en écrivons le premier opus ce soir, qui commence par un nouvel espoir.

La commission rejette l'amendement n° 53.

Puis elle adopte les sous-amendements identiques n° 64 et n° 65.

Ensuite de quoi, elle adopte les amendements n° 45, n° 56, n° 57 et n° 58 sous‑amendés.

En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé et les amendements n° 50, n° 40, n° 35, n° 29, n° 41, n° 2, n° 30, n° 44, n° 31, n° 26, n° 6, n° 3, n° 13, n° 32 et n° 37 tombent.

Après l'article 4

La commission est saisie, en présentation commune, des amendements n° 43 et n° 42 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

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Je retire l'amendement n° 43. L'amendement n° 42 répond à un souci de parallélisme des formes avec le dispositif adopté en 1945 en précisant que « la Nation affirme son souhait de soutenir, par la Sécurité sociale, la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap ». Si c'est bien de le faire, c'est également bien de le dire.

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L'amendement n° 42 propose d'insérer après le I de l'article L. 111‑2‑1 du code de la sécurité sociale, un de ses articles principiels, un I bis rappelant l'attachement de la nation à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.

Cet ajout est plutôt bienvenu, à ceci près que l'article L. 111‑2‑1 ne couvre pas tous les risques, et notamment pas le risque accidents du travail et maladies professionnelles ni le risque famille. La rédaction appellerait par ailleurs quelques précisions. Je vous propose donc, cher collègue, de le retirer à titre provisoire afin que nous puissions d'ici à la séance mettre au point avec vous-même et votre groupe une rédaction exhaustive.

Les amendements nos 43 e n° 42 sont retirés.

La commission adopte l'ensemble du projet de loi modifié.

La séance est levée à 23 heures 10.

Présences en réunion

Réunion du lundi 8 juin 2020 à 21 heures 30

Présents. – Mme Delphine Bagarry, M. Jean-Noël Barrot, M. Belkhir Belhaddad, M. Julien Borowczyk, M. Xavier Breton, M. Pascal Brindeau, M. Paul Christophe, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Stella Dupont, Mme Caroline Fiat, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Véronique Hammerer, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Daniel Labaronne, M. Jean-Paul Mattei, M. Thomas Mesnier, Mme Cendra Motin, M. Bernard Perrut, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. Bruno Questel, M. Alain Ramadier, M. Laurent Saint-Martin, M. Boris Vallaud, Mme Annie Vidal

Excusée. – Mme Brigitte Bourguignon

Assistait également à la réunion. – M. Charles de Courson