GROUPE DE TRAVAIL N°1 – LE STATUT DES DÉPUTÉS ET LEURS MOYENS DE TRAVAIL
Jeudi 19 avril 2018
Présidence de Mme Virginie Duby-Muller, présidente du groupe de travail
– Audition de Mme Elsa Foucraut, responsable du plaidoyer de Transparency International
La réunion commence à neuf heures dix.
Je remercie Transparency International d'avoir accepté notre invitation. Notre groupe de travail a pour objet de faciliter, pour les députés, le retour à une activité professionnelle à l'issue de leur mandat. La question revêt une importance particulière, compte tenu de l'annonce qui a été faite concernant le cumul des mandats dans le temps.
Madame Foucraut, pensez-vous que faciliter le retour à une activité professionnelle permettrait d'encourager un recrutement plus diversifié des députés ? Est-il bon qu'un député garde une activité annexe pendant son mandat ? Enfin, comment faciliter le retour à une activité professionnelle ? Telles sont les questions qui intéressent notre groupe de travail.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre invitation. Je me permets d'excuser notre président, M. Marc-André Feffer, qui ne peut être présent aujourd'hui. Nous nous sommes déjà rencontrés à l'automne. Il ne m'est donc pas nécessaire de présenter Transparency International, organisation non gouvernementale (ONG) dont le siège est à Berlin. Je représente aujourd'hui la section française. Notre mission est de lutter contre la corruption, et plus généralement, notamment pour la section française, d'agir pour la transparence de la vie publique.
Nous vous avons présenté, à l'automne, notre rapport Pour un Parlement exemplaire, que je serais ravie de vous transmettre à nouveau. Ce rapport contient un certain nombre de recommandations sur le cumul d'activités des parlementaires pendant leur mandat.
Madame la présidente, vous avez cité dans votre introduction un lien possible entre le non-cumul des mandats dans le temps et la question de la reconversion professionnelle. Nous sommes très attachés au non-cumul ; au cours de la prochaine réforme constitutionnelle, nous resterons vigilants pour que cette mesure entre pleinement en vigueur. Cependant, pour relativiser le lien entre les deux thèmes, je me permettrai quelques remarques générales.
Nous disposons de peu d'informations sur le devenir des parlementaires après leur mandat. Certaines études de sociologie ou de sciences politiques portent sur l'origine des parlementaires et les activités antérieures à leur mandat, mais les éléments sur leurs activités ultérieures sont rares. Le flou règne. Nous disposons de peu de données objectives pour étayer nos points de vue, quels qu'ils soient : absence de problème ou, a contrario, réel problème de reconversion. Un laboratoire de recherches nantais travaille en ce moment sur cette problématique émergente qui souffre d'un manque de données.
Les difficultés de reconversion des parlementaires et des élus en général existent, mais elles ne sont pas forcément liées au nombre de mandats successifs. Par exemple, certains parlementaires élus pour la première fois en 2007 et non réélus en 2012 peinent à se reconvertir professionnellement, après un seul mandat ; la presse en a parlé. Par ailleurs, aujourd'hui, seuls 14 % des parlementaires seraient concernés par la limitation à trois mandats successifs. Autant la problématique de l'après-mandat concerne tous les parlementaires, et plus généralement tous les élus, autant, dans la réalité, ceux qui sont concernés par ces mesures sont assez peu nombreux, du moins pour cette législature.
Je souhaite maintenant entrer plus avant dans le vif du sujet. Notre problématique, en tant qu'ONG luttant contre la corruption, est celle des conflits d'intérêts. Comment trouver un équilibre entre le statut des élus, qui contribue au bon fonctionnement de la démocratie, et la prévention des conflits d'intérêts ? Cela suppose des mesures pendant et après le mandat, mesures qui doivent être liées.
Premièrement, les élus doivent disposer de moyens pour exercer leurs fonctions et remplir leurs missions. La formation en fait partie, qu'il s'agisse d'une formation pendant le mandat ou d'une formation après celui-ci, pour faciliter la reconversion professionnelle. Ce droit à la formation est utile aux élus dans l'exercice de leurs fonctions. Je parle des élus au sens large ! élus locaux et parlementaires, même si les premiers ont une offre de formation beaucoup plus large que les seconds. Les élus, grâce à la formation, acquièrent des compétences qu'ils peuvent ensuite faire valoir a posteriori ; après le mandat, il serait envisageable de développer des dispositifs d'accompagnement vers le retour à l'emploi, des formations de reconversion, etc. Toutefois, il ne revient pas à Transparency International de définir ces dispositifs. Lors de l'examen de la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat, nous avions fait des recommandations en ce sens ; elles portaient sur le statut de l'élu et la problématique des droits et devoirs.
Deuxièmement, la problématique du cumul d'activités pendant le mandat est quelque peu épineuse, notamment pour les professions qui estiment que continuer à exercer est nécessaire – cela est présenté comme tel par les personnes concernées. L'exemple type est celui des médecins qui, s'ils n'exercent pas pendant cinq, dix ou quinze ans, ne sont plus en mesure de reprendre leur profession à l'issue de leur mandat. Aujourd'hui, les incompatibilités ont été renforcées, ou sont en passe de l'être avec le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance, pour les professions où les risques de conflits d'intérêts sont les plus manifestes, telles que les activités de conseil et d'avocat-conseil.
Nous préconisons, pour notre part, le plafonnement des revenus annexes. Voilà une solution pragmatique : en dehors des cas d'incompatibilité stricte définis par la loi, les parlementaires pourraient conserver une activité – c'est déjà le cas dans le cadre actuel – mais les revenus de cette activité seraient plafonnés. Si un parlementaire a une activité annexe et un lien d'intérêt avec une entreprise, les conséquences en matière de conflits d'intérêts ne sont pas les mêmes s'il touche 500 euros ou 500 000 euros. À cette notion de pondération s'ajoute une notion de temps consacré au mandat, en proportion du temps consacré à l'activité annexe. Nous croyons beaucoup à cette mesure de plafonnement. Cependant, nous n'avons ni recommandations arrêtées ni religion concernant le ratio. À titre indicatif, il a été question, dans les débats parlementaires précédents, d'un taux de 25 % ou de 50 %. Il est de 15 % aux États-Unis. Ce ne sont là que des indications : ce qui nous importe, c'est plus le principe du plafonnement que le taux effectif.
Afin d'alimenter votre réflexion, je souhaite vous communiquer un troisième élément, qui porte sur les questions européennes. Le bureau de Transparency International de Bruxelles a publié au mois de janvier dernier un rapport – je vous le transmettrai avec plaisir – sur le pantouflage des anciens commissaires, des anciens eurodéputés, des anciens fonctionnaires européens ou collaborateurs parlementaires. Aujourd'hui, 30 % des anciens eurodéputés et 50 % des anciens commissaires qui ont quitté le monde politique travaillent pour des organisations inscrites sur le registre des représentants d'intérêts, le registre commun de transparence. Un nombre non négligeable d'entre eux exerce directement des fonctions de représentation d'intérêts, et 26 anciens eurodéputés ont été embauchés par les plus importantes sociétés de conseil en lobbying à Bruxelles : du lobbying pur et dur ! Le risque de conflit d'intérêts est manifeste. Ces situations problématiques défraient régulièrement la chronique, et alimentent la défiance des Français à l'égard de leurs élus.
Les recommandations de notre rapport sont assez similaires aux dispositions applicables en France au pantouflage des fonctionnaires. Nous proposons donc d'introduire une période de carence, dont la durée varie de six à vingt-quatre mois en fonction des mandats. Au cours de cette période, les anciens eurodéputés ou commissaires percevraient une indemnité de transition, l'équivalent d'une assurance chômage, en échange de quoi ils n'auraient pas le droit d'exercer directement ou indirectement une activité de représentation d'intérêts ni une profession sensible aux conflits d'intérêts. Sauf erreur de ma part, une telle indemnité est déjà prévue pour les parlementaires, mais son versement n'est pas soumis au respect d'un délai de carence ou de dispositions visant à éviter les conflits d'intérêts. Pour suivre le devenir des anciens parlementaires, nous recommandons d'obliger les eurodéputés à notifier au Parlement européen leurs évolutions professionnelles pendant la période de carence, à charge pour le Parlement de publier ces données. Nous recommandons aussi de renforcer les pouvoirs et l'indépendance des organes déontologiques, conséquence nécessaire des deux recommandations précédentes. Enfin, les collaborateurs des eurodéputés doivent être soumis aux mêmes règles. Nous recommandons donc de créer un statut des collaborateurs parlementaires. Votre groupe de travail aborde la question sous un angle social, mais il s'agit aussi d'une question déontologique. Un statut permettrait de fixer des règles communes à l'ensemble de cette profession.
Je terminerai ma présentation par la remarque suivante : la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) remplit déjà des missions de ce type, notamment lorsque des ministres rejoignent le secteur privé. Ainsi, la Haute Autorité a rendu des avis sur les départs de M. Cazeneuve, de Mme El Khomri et de M. Sirugue. Une fiche personnelle est associée à chacun de ces ministres. Il s'agit non pas d'empêcher leur retour à l'emploi, mais d'émettre un avis et éventuellement de prévenir des conflits d'intérêts par certaines restrictions.
Nous manquons effectivement d'éléments statistiques sur l'activité professionnelle des députés à l'issue de leur mandat. Nous avons pris l'initiative d'adresser un questionnaire à nos anciens collègues et nous auditionnerons bientôt les associations d'anciens députés. Nous pourrons ainsi comprendre les difficultés qu'ils rencontrent à l'issue de leur mandat et les secteurs d'activité vers lesquels ils se sont orientés.
Concernant l'activité des parlementaires au cours du leur mandat, nous devons recevoir bientôt M. Nadal, président de la HATVP. Il dispose en effet de données objectives grâce aux déclarations obligatoires. Il pourra ainsi nous éclairer sur le nombre de députés qui ont pu conserver leur activité professionnelle et sur la nature de cette activité.
Madame, nous vous remercions pour l'ensemble de vos recommandations.
Nous n'avons envisagé pour l'instant que la situation de députés qui conserveraient un emploi salarié. Or notre assemblée, aujourd'hui, est sociologiquement plus variée qu'elle ne le fut. Elle compte un certain nombre de chefs d'entreprise, qui se retrouvent dans des situations abracadabrantesques : certains sont obligés de fermer leur entreprise. Nous ne sommes pourtant pas députés à vie ! Beaucoup sont déchirés par les préconisations de la Haute Autorité : les conflits d'intérêts semblent se loger n'importe où, dès lors que les députés ont des clients. La situation est très difficile, et vient contredire le souhait affiché d'une représentation parlementaire qui serait le juste reflet de la société...
Les activités non salariées sont une question plus technique. C'est l'objet de notre recommandation sur le plafonnement des revenus annexes. Certes, nous proposons de les plafonner, mais il ne faut pas oublier que nous prenons aussi en compte le temps de travail du parlementaire, temps qui doit être consacré à son mandat. Concernant le monde des entreprises, il faudra inventer : des dispositifs de mise sous gestion, par exemple ? Cela excède le champ de notre mission. Quoi qu'il en soit, la question ne nous paraît pas indépassable, malgré la complexité de certains cas.
La déontologue nous a confirmé qu'elle est davantage sollicitée de manière spontanée, ce qui prouve que la question déontologique est désormais prise en compte par les parlementaires eux-mêmes. Je vais d'ailleurs me permettre la réflexion suivante, sous votre contrôle : des situations qui, hier, présentaient le même risque de conflit d'intérêts n'étaient pas forcément appréhendées comme telles par les parlementaires. Ils sont aujourd'hui davantage conscients de ces risques et s'interrogent. Ces questions ne sont pas nouvelles dans l'absolu, mais elles étaient alors moins identifiées, tout comme certaines questions de déontologie.
Je vous entends bien lorsque vous parlez du plafonnement des revenus. Plafonner les revenus d'un salarié ne pose pas de problème. Mais comment plafonner ceux d'un actionnaire ? On ne peut interdire à une entreprise de distribuer des dividendes, tout comme on ne peut interdire à un parlementaire d'avoir créé une entreprise, d'en être donc actionnaire, et de continuer à percevoir les fruits de son travail durant sa vie de parlementaire, même s'il n'est plus salarié de cette même entreprise. Voilà un vrai sujet ! Comment pourrions-nous interdire, d'une part, à une entreprise de distribuer des dividendes et, d'autre part, à un parlementaire d'en percevoir ? Comment apprécier, dans ce cas, la notion de conflit d'intérêts ? Je pense aujourd'hui à des situations très concrètes où, selon moi, la question ne se pose pas, mais qui voit le mal partout peut effectivement se la poser.
Nous manquons de données pour la présente législature, mais elles sont disponibles pour la précédente, notamment sur le niveau des activités annexes : peu de parlementaires avaient alors des revenus annexes supérieurs à 100 000 euros par an. Je n'ai pas les chiffres précis en tête, mais je pourrai vous les transmettre. L'outil en question s'appelle Integrity Watch, et sert à visualiser les déclarations d'intérêt des parlementaires. Aujourd'hui, cette donnée sur le montant des revenus annexes, et, de manière générale, sur les activités conservées par les parlementaires, nous ne l'avons plus.
La loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a été promulguée à mi-mandat. Les premières déclarations d'intérêt furent donc rédigées en 2014, et portaient sur les revenus des cinq dernières années précédant la date de déclaration, ce qui veut dire qu'une seule année parlementaire pleine, celle de 2013, était incluse dans ces déclarations. Nous avions donc à disposition une image juste, sur une année, des activités conservées par les parlementaires et du niveau de rémunération. Nous n'avons plus cette donnée. Les dernières déclarations ont été remplies en 2017, dans les mois suivant l'élection, ce qui signifie que, pour les nouveaux parlementaires, nous ne connaissons que leurs activités de 2012 à 2017. Nous connaissons leur origine sociologique, ce qui nous permet de pondérer les conflits d'intérêts, mais nous ne savons plus quelles sont les activités conservées et le niveau des revenus annexes. Nous sommes donc dans le flou.
Je pourrai néanmoins vous fournir les données sur la précédente législature. Les quelques parlementaires qui présentaient des revenus supérieurs à 100 000 euros sont d'ailleurs associés à des affaires judiciaires en cours : les deux sujets ne sont donc pas sans lien. Disposer de données objectives sur les activités annexes des parlementaires nous permettrait d'éviter des discours vagues. Les enjeux sont clairs : le souhait de diversité professionnelle est réel, mais fait l'objet de nombreux commentaires assez subjectifs. De plus, il y a une nette différence, par exemple, entre un ancien avocat, qui n'appartient plus au barreau, et un avocat encore en activité. Ne plus avoir de données sur les activités en cours est tout à fait préjudiciable.
Les déclarations d'intérêts des députés médecins, pour prendre un exemple précis, ne comportent aucune information sur les revenus actuels de ceux qui continuent d'exercer. En revanche, nous savons quels revenus ont perçu, au cours de la précédente législature, les députés médecins réélus l'an dernier qui continuaient d'exercer. Voilà la donnée intéressante.
On cite souvent l'exemple des professions libérales, mais nous pourrions pousser le raisonnement jusqu'au bout. Un député médecin verrait donc ses actes remboursés par la sécurité sociale dont il vote le budget ?
Le débat sur les incompatibilités est réel, d'où notre solution pragmatique. Nous pourrions aller très loin dans la notion d'incompatibilité, et poser une incompatibilité de principe : le député ne se consacrerait qu'à son mandat. Il nous semble plus pragmatique de plafonner les revenus. Concernant les revenus du patrimoine et de l'actionnariat, M. Nadal pourra peut-être vous éclairer sur la manière dont la Haute Autorité agit envers les ministres, qui, s'ils possèdent un portefeuille d'actions, doivent le mettre sous gestion. Ces dispositifs pourraient facilement être appliqués aux parlementaires. Ils pourraient répondre à la question des conflits d'intérêts, sans empêcher une entreprise de verser des dividendes à un actionnaire donné – cette interdiction serait très hasardeuse juridiquement.
Je pense qu'à trop formuler d'exigences, nous risquons d'assécher le recrutement de la vie politique. Que penser de M. Sarkozy, qui intègre le conseil d'administration du groupe Accor ? N'utilise-t-il pas sa situation antérieure ? Est-ce critiquable ? Pour moi, ce ne l'est pas, mais nous pourrions aussi lui reprocher de monnayer ses anciennes fonctions. Que penser de M. Montebourg, qui travaille chez Habitat, alors qu'il a été ministre de l'industrie ?
La solution consiste à imposer le respect d'un délai de carence et à prévoir qu'un avis déontologique soit rendu. C'est déjà le cas pour les fonctionnaires, et cela n'empêche pas les allers-retours entre le privé et le public.
Pour partir dans le privé, les ministres ont aujourd'hui l'obligation de demander un avis de la Haute Autorité. De fait, cela n'empêche pas ces départs : voyez le gouvernement précédent.
Ils sont contraignants, mais indiquent surtout des restrictions. Dans le cadre de leurs fonctions, les ministres ne peuvent s'intéresser à tel ou tel sujet.
Votre groupe de travail a trait au statut des députés, mais ces questions concernent tous les élus, au sens large. L'argument du recrutement qui pourrait s'assécher, nous l'entendons depuis longtemps pour les élections locales, notamment pour les communes. Or il n'en est rien. Reste que nous manquons de données objectives. La question est celle de la place que la société veut accorder à la politique et aux militants, au-delà des règles juridiques. Il ne faut cependant pas renoncer à l'exigence de probité, pour restaurer l'image des parlementaires auprès des Français, image injustement dégradée par des soupçons de corruption. En effet, les chiffres sont alarmants.
Nous saluons la dynamique instaurée au Parlement en faveur de la prévention des conflits d'intérêts, depuis le vote du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance et la mise en place des groupes de travail. Nous suivons de très près cette évolution particulièrement intéressante.
L'audition s'achève à neuf heures quarante.
– Table ronde avec des représentants de collectivités territoriales
La réunion commence à neuf heures quarante-cinq.
Mesdames, je vous remercie d'avoir accepté de participer à cette table ronde organisée par notre groupe de travail, qui s'intéresse à la manière de faciliter le retour des députés à une activité professionnelle à l'issue de leur mandat. La diversité du recrutement des élus locaux et nationaux est en jeu. S'adresser aux collectivités territoriales nous semblait logique, pour comprendre la façon dont elles abordent la question et les solutions qu'elles prévoient.
Nos réflexions portent notamment sur la formation. Existe-t-il des formations avant la fin du mandat ou après celui-ci, pour aider les élus locaux à retrouver une activité professionnelle ? Si rien n'est organisé de manière systématique, des formations peuvent-elles être financées à la demande des élus ? Par ailleurs, existe-t-il, au sein des collectivités territoriales, des financements pour des actions de type outplacement, coaching ou bilan de compétences ? Organisez-vous des séances de sensibilisation destinées aux élus locaux pour les informer de leurs droits ? Certaines collectivités prévoient-elles des aides spécifiques à la reconversion des élus ? De manière plus générale, auriez-vous des préconisations ou des conseils à nous adresser ?
Je propose de commencer par un tour de table des organismes présents. Un échange suivra.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, j'interviens en tant que cheffe du bureau des élus locaux, de la formation et du recrutement des personnels territoriaux à la direction générale des collectivités locales (DGCL). La DGCL connaît bien la question de la formation des élus locaux, qui a fortement évolué au cours des dernières années. Jusqu'à l'année dernière, un dispositif complet de formation permettait à l'élu local, pour lequel aucune qualification préalable à son élection n'est prévue, de se former au cours de la première année de son mandat ; à la collectivité de mettre en œuvre son droit à la formation dans les trois mois qui suivent son renouvellement.
Les organismes de formation sont obligatoirement agréés par le ministère de l'Intérieur ; ils déposent leur dossier devant le Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL), créé en 1992. Nous comptons aujourd'hui environ 200 organismes agréés sur le territoire français. Le CNFEL juge les organismes candidats selon trois critères : la formation doit être adaptée aux besoins des élus locaux, les tarifs intéressants pour la collectivité, en fonction de sa taille, et les modalités de formation doivent permettre à l'élu d'être le moins absent possible de sa collectivité. Le CNFEL joue donc un rôle de régulateur du marché de la formation. Il se réunit cinq fois par an ; son activité est soutenue et va croissant.
L'élu local peut se former soit pour l'exercice de son mandat, soit, depuis peu, pour sa reconversion professionnelle, grâce à la mise en place du droit individuel à la formation (DIF) des élus. Ce nouveau dispositif permet à l'élu de faire appel à des organismes agréés si la formation est en lien avec le mandat, ou non agréés s'il s'agit d'une formation de reconversion professionnelle. Ce DIF des élus voit une augmentation du nombre de demandes : nous en comptons plus de 200 pour le seul mois d'avril. Ce droit est exercé individuellement, et permet de mobiliser un fonds constitué par un prélèvement obligatoire de 1 % des indemnités de fonction des 200 000 élus indemnisés. Ce système mutualisé bénéficie cependant à l'ensemble des élus, indemnisés ou non, puisque les élus non indemnisés peuvent également bénéficier du DIF pour se former. Chaque élu acquiert 20 heures de formation par année de mandat – ce ratio dérive de l'ancien DIF des salariés ou des agents publics, qui devient aujourd'hui le compte personnel de formation (CPF) –, ce qui représente 120 heures pour l'ensemble du mandat. Elles peuvent être utilisées jusqu'à six mois après la perte du mandat, pour envisager plus sereinement la reconversion. La Caisse des dépôts et consignations (CDC) gère ce fonds, dont la première mission consultative doit avoir lieu en mai. Il est donc encore un peu tôt pour faire un bilan du DIF des élus, puisque le dispositif fonctionne depuis moins d'un an. Un bilan d'étape de la CDC, devant le CNFEL, est prévu en juin.
Les collectivités territoriales ont pour obligation de consacrer à la formation un minimum de 2 % et un maximum de 20 % du total des indemnités des élus. Les budgets formation sont peu utilisés, voire moins que ce que prévoit la loi. Les élus des petites collectivités se forment moins que ceux des plus grandes, pour des raisons de disponibilité des élus et de budget. Le souhait du Gouvernement est que les élus embrassent complètement le dispositif offert. Cependant, il est parfaitement conscient du fait que la disponibilité est un des éléments primordiaux pour l'élu qui souhaite se former, mais ne souhaite pas s'absenter de sa collectivité trop longuement. Le DIF des élus est un élément qui permet d'envisager, contrairement à ce qui existait auparavant, un dispositif de reconversion tout à fait nouveau, et qui mérite d'être encouragé.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, je représente M. François Deluga, président du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). J'évoquerai tout d'abord la vocation première du CNFPT, puis le développement de partenariats via des conventions et des protocoles d'accord – développement qui dépasse la mission initiale du CNFPT – et enfin un certain nombre de propositions. Le président du CNFPT a participé le 29 mars dernier à une table ronde au Sénat, qui portait sur la reconversion et le retour à l'emploi des élus locaux. Il y a fait des propositions dont pourraient s'inspirer les parlementaires, puisque les problématiques sont proches.
Le CNFPT est un établissement public administratif au service de l'ensemble des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des 1,8 million d'agents publics territoriaux. Très territorialisée, cette organisation compte 29 délégations régionales – y compris outre-mer –, quatre instituts nationaux spécialisés d'études territoriales (INSET) et l'Institut national d'études territoriales (INET), qui est un peu l'équivalent de l'École nationale d'administration (ENA) pour la haute fonction publique territoriale.
Le CNFPT organise les concours et la formation à ces concours ; il propose aussi des formations d'intégration et de perfectionnement, et organise la formation continue des agents territoriaux. Il participe à la construction et à l'animation de ces formations par le biais d'intervenants extérieurs, très nombreux et très spécialisés. Ses missions comprennent l'organisation des concours des cadres de direction, l'ensemble des formations statutaires réglementaires des agents publics territoriaux et l'ensemble des missions de professionnalisation tout au long de la vie professionnelle pour les 234 métiers de la fonction publique territoriale.
Le CNFPT inclut aussi l'Observatoire des métiers de l'emploi public, la constitution d'un répertoire des métiers et des éléments de prospective. Le CNFPT souhaite se moderniser et être innovant : l'établissement évolue en matière numérique et développe la pédagogie à distance, des séminaires en ligne, accessibles à tous, des formations en ligne ouvertes à tous – massive open online courses (MOOC) –, vidéos, webradios et webtélés, et propose des ressources libres d'accès pour tous les agents, un « wiki territorial », qui est une plateforme de toutes ces ressources, et des bases de données, d'informations et de connaissances dans tous les domaines de compétence des collectivités territoriales.
Mon deuxième point porte sur le développement de partenariats pour la formation, par le biais de protocoles d'accord. Notre volonté est de partager et d'améliorer continuellement l'offre de service public du CNFPT. Nous coopérons avec de nombreux acteurs, dont des ministères, des établissements publics nationaux, des universités, des collectivités d'outre-mer, des associations, des agences, ainsi que l'Assemblée nationale et le Sénat. Hors domaine international, 50 conventions sont actives. Elles permettent au CNFPT de développer des synergies complémentaires et d'apporter une réponse collective aux enjeux de la formation des trois fonctions publiques, tant à l'échelle nationale que locale grâce à la grande territorialisation des délégations. Nous élargissons l'offre de formation à de nouveaux publics, nous nous appuyons sur une expertise externe reconnue, nous facilitons la mobilité professionnelle et accompagnons les collectivités d'outre-mer dans leurs projets d'évolution professionnelle et de professionnalisation de leurs agents.
Ces conventions proposent des modalités pédagogiques diversifiées. C'est ainsi que le CNFPT a passé en 1998 avec l'Assemblée nationale une convention, renouvelée en 2017, pour la formation des collaborateurs parlementaires. Ce protocole offre un accès national et régional à l'offre du CNFPT, un accès à l'offre de formation à distance, des modules spécifiques, un accès à la préparation à distance du concours d'attaché territorial ou d'autres concours, tels que celui d'administrateur territorial, et un accès aux formations professionnalisantes. L'année 2017 a été une année de renouvellement politique, et donc une année creuse. En revanche, sur les trois années 2014, 2015 et 2016, 138 collaborateurs parlementaires ont pu suivre des formations du CNFPT. Pour l'année 2018, les inscriptions sont reparties à la hausse.
Mon troisième point porte sur les propositions formulées par le président du CNFPT lors de la table ronde organisée au Sénat portant sur le retour à l'emploi des élus locaux. Le dispositif de formation des élus a été expliqué, ainsi que le DIF. Cependant, le dispositif actuel souffre de quelques défauts : il s'adresse aux élus qui sont en cours de mandat, et ne permet pas d'accompagner le parcours d'un ex-élu qui souhaiterait s'adapter et retrouver une activité professionnelle. Voilà un problème majeur. Au cours de son mandat, un élu ne songe pas à l'après-élection, même quand il sait qu'il ne se représentera pas : à ses yeux, seule compte l'exécution des missions. Ce n'est qu'ensuite qu'il s'intéresse au retour à l'emploi. Le problème est encore plus aigu pour les parlementaires, puisqu'il n'existe pas de DIF qui leur soit destiné. Le président du CNFPT a proposé, lors de la table ronde au Sénat, de créer de nouvelles modalités d'accès à la formation pour les élus locaux. Des élus ayant abandonné une activité professionnelle pour se consacrer à leur mandat pourraient suivre une formation au cours de l'année qui suit la fin du mandat, notamment suivre les préparations aux concours de la fonction publique territoriale – c'est déjà possible pour les parlementaires –, mais aussi bénéficier de modalités de reconversion particulières : itinéraire d'accompagnement composé de plusieurs modules – bilan de compétences, stages de remise à niveau, accès aux formations internes du CNFPT – ou de formations spécifiques pour lesquelles une organisation multipartite pourrait être envisagée.
La modalité de financement que représente le DIF est destinée aux élus locaux. Les crédits existent. Il conviendrait modifier la loi pour que ces financements soient assurés après la fin du mandat. Il est aussi possible de trouver une passerelle avec les dispositifs existant pour les élus nationaux, grâce à un financement adéquat, par des biais spécifiques ou des biais complètement intégrés, à toutes les modalités proposées par le CNFPT, et ce dans le cadre des formations proposées, sur les supports les plus modernes, hors présentiel.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et monsieur, je représente aujourd'hui l'Association des maires de France (AMF), et je suis accompagnée de Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement. Concernant les dispositions sur le retour à l'emploi, je crains que nous nous répétions ! C'est d'ailleurs assez rassurant. En son temps, la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux avait repris, pour les élus locaux, des dispositions applicables aux parlementaires : la possibilité de suspendre son contrat de travail après un an d'ancienneté, et, au moment de la reprise de l'activité professionnelle, la garantie d'obtenir un emploi analogue et une rémunération équivalente, grâce à quelques outils de réadaptation professionnelle. Ces points, qui figurent dans le code du travail, étaient applicables aux parlementaires ; ils furent alors appliqués aux élus locaux. Cependant – l'expérience le prouve – il n'en va pas si simplement. Après deux mandats, il est parfois impossible de reprendre son métier. Pour ma part, j'ai le souvenir d'élus qui se retrouvaient en grande difficulté. Dans le domaine de l'électronique, au bout de douze ans d'absence, qui sait encore comment exercer son métier ?
Assez vite, les élus ont demandé que l'on puisse leur octroyer la validation des acquis de l'expérience. La loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice par les élus locaux de leur mandat l'a fait. Il s'agissait d'une demande récurrente, et le code de l'éducation n'en faisait pas mention : le fait que des élus locaux puissent valider des acquis de l'expérience ne semblait pas susciter l'enthousiasme. Les esprits ont évolué, et c'est une bonne chose ! Cette validation des acquis peut se faire par le biais du DIF, ce qui nous renvoie à la question de la formation. Le DIF est l'instrument, très nouveau, qui offrira les modalités adéquates de reconversion et d'accompagnement pour le retour à l'emploi, puisque le droit à la formation classique instauré en 1992 concerne exclusivement le mandat, et ne s'intéresse pas à la vie de l'élu après son retour à la vie civile et professionnelle.
Le droit à la formation classique des élus n'est pas suffisamment mis en œuvre. Nous le regrettons profondément ! Les préfets ne font pas suffisamment pression auprès des élus pour que les budgets formation soient utilisés. Voilà un message que nous passons régulièrement. Je vois certains opiner de la tête ! On constate des dispositions assez drôles dans la loi de 2015. L'intention, plutôt sympathique, était de dire qu'il faudrait que les élus, lors de la première année du mandat, puissent suivre une formation. Ce dispositif sera mis en œuvre en 2020 pour la première fois. Or cette formation, obligatoire lors de la première année, est réservée aux communes de plus de 3 500 habitants – pourquoi 3 500 ? – et ne s'adresse pas du tout aux maires ! Nous connaissons de tout nouveaux maires qui sont extrêmement demandeurs d'une formation rapide, dès le début de leur mandat. Le dispositif ne le prévoit pas, cela nous paraît très étrange… Malgré nos questions réitérées, nous n'avons jamais obtenu de réponse satisfaisante ; pour être plus exacte, nous n'avons jamais obtenu une quelconque réponse. Le dispositif va exister, et il est très perfectible.
L'AMF organise des universités des nouveaux maires à chaque début de mandat municipal : nous savons bien que les nouveaux maires sont souvent perdus, ce qui est tout à fait naturel. Ils seraient extrêmement désireux de pouvoir suivre des formations très rapidement, par exemple sur les bases de la gestion. Nous nous intéressons aussi – et l'AMF ne peut s'en charger – à une formation préalable au mandat. La seule fois où des citoyens – des citoyennes en l'occurrence – m'ont contactée par téléphone pour me demander où se former préalablement au mandat, c'était au moment où l'on recrutait des femmes pour les inscrire sur les listes municipales. À part leur conseiller quelques livres, il n'y avait rien à leur offrir. Les partis politiques font quelques propositions, mais, compte tenu de la masse de candidats aux municipales, ces actions sont peu probantes et de nombreux candidats ne sont pas encartés. Les instruments désormais à disposition, tels que des MOOC sur le fonctionnement d'un conseil municipal, communautaire ou métropolitain, etc., devraient être offerts à des citoyens susceptibles de se présenter. Ce manque est réel, et ce sont des femmes qui me l'ont signalé !
Concernant la reconversion professionnelle, le dispositif applicable, le DIF, n'est en place que depuis six mois. Il est donc un peu tôt pour juger de son fonctionnement. Mais je pense que les élus vont se l'approprier comme un outil efficace de reconversion. Je n'en vois pas d'autres à l'heure actuelle, et je ne pense pas que les collectivités territoriales aient mis en place des aides à la reconversion professionnelle ; cette tâche dépasse leur champ de compétences.
Mesdames, nous vous remercions pour vos interventions. Notre collègue Maurice Leroy nous a rejoints. Nous lui donnons la parole.
Mesdames, avez-vous, en tant qu'associations d'élus, un retour des élus et des collectivités ? Si tel n'est pas le cas, cela signifie que nous n'avons aucune visibilité. La DGCL, comme les associations d'élus, ne peut mesurer ces questions de reconversion. Et il ne s'agit pas d'un reproche !
En l'occurrence, nous connaissons les catégories socioprofessionnelles des élus, mais nous n'avons aucune idée du nombre d'élus qui suspendent leur activité professionnelle pendant leur mandat ! Concernant le statut de l'élu, nous faisons une pédagogie constante, depuis toujours. Nous leur parlons souvent au téléphone. Je vous ai d'ailleurs apporté notre brochure sur le statut de l'élu, mise à jour régulièrement sur notre site. Téléchargée par milliers d'exemplaires tous les mois, elle répond donc à un besoin. Certains élus ont cessé leur activité professionnelle, car nous les avons conseillés, par exemple, quant à leur protection sociale. Nous veillons à ne pas les fragiliser, au moment où ils font le choix de se présenter. D'autres élus n'ont d'ailleurs pas le droit de suspendre leur activité professionnelle. Cependant, aucun chiffre n'est à disposition. Aucune enquête n'existe. Peut-être aurons-nous une vision empirique par le biais des élus qui vont faire appel au DIF.
J'ai été vice-président de l'Association des départements de France (ADF) jusqu'en juillet dernier, et j'ai été maire d'une commune rurale. Je ne parlerai pas des formations obligatoires. Cependant, il faut déjà exclure toutes les communes rurales de moins de 9 000 habitants, où les maires et adjoints ne reçoivent même pas l'indemnité totale à laquelle ils peuvent prétendre ! C'est pourquoi l'AMF fait œuvre de pédagogie, combat mené depuis longtemps, et que je salue. Dans les départements, d'après les retours de terrain, il semble que le congé, la suspension d'activité, ne fonctionne pas trop mal. Quant à la reconversion pour des maires, de quoi s'agit-il réellement ? Nous sommes des élus de terrain – pour quelque temps encore, je l'espère – et nous savons que les retours ne sont pas positifs. Un vrai statut de l'élu, voilà la question ! C'est d'ailleurs celle qui nous occupe aujourd'hui. Et je ne parle pas que du statut du député, mais aussi de celui du maire, de l'élu départemental, etc.
Nous avons pris la question par le biais de la parité. Mais nous savons tous que, pour les femmes, la question est encore plus complexe. J'ai été d'ailleurs ravi que l'on s'intéresse à la parité, et que l'on s'attaque au problème. Ces questions de formation et de reconversion sont essentielles. Toutefois la parité ne fait pas tout : je parle, par exemple, de l'exclusion de certaines catégories socioprofessionnelles. Récemment, à l'Assemblée, quand toutes les femmes se sont levées pour saluer la parité, j'ai dit : « Maintenant, aux ouvriers de se lever ! » Qui aurait pu se lever ? La question est donc bien celle d'un vrai statut de l'élu.
Quel est l'avis des associations sur cette question du statut ? Il me revient en mémoire la proposition de loi déposée au Sénat par une vice-présidente et un vice-président de l'AMF .
([1])
Le Sénat a commencé à organiser des tables rondes sur ce sujet tout à fait passionnant. Certains voudraient que l'on n'utilise pas le terme de statut, il s'agirait de « conditions d'exercice ». Ce sont là des arguties. Quoi qu'il en soit – et je nierai avoir tenu les propos qui vont suivre ! –, compte tenu du nombre de communes…
(Sourires.)
, Je le sais bien, et je nierai cependant ! (Sourires.) Compte tenu du nombre de communes, je vois mal comment la société française pourrait rémunérer de façon correcte, avec un vrai traitement, nos 36 000 maires, qui sont cependant indispensables au bien-être du pays. Ne me faites pas dire que, pour mieux rémunérer les maires, je souhaite qu'il y ait moins de communes. Surtout pas !
. Je souhaite aller dans le sens des propos de Mme Cerf-Casau sur le DIF, qui sera peut-être utilisé par les élus pour leur reconversion. Cela concerne 20 heures par an sur la durée du mandat. Les formations liées au mandat sont très peu demandées, et les 2 % ne sont qu'un plancher prévisionnel. Dans la mission du Sénat de 2012, un plancher réellement obligatoire avait été prévu. Toujours est-il que les élus, dans le cadre des formations liées au mandat, peuvent acquérir des compétences et des connaissances qu'ils peuvent aussi mettre en œuvre dans le cadre d'un exercice professionnel futur. Le CNFPT pense qu'il faudrait prendre en compte les années passées à piloter et à diriger des collectivités comme des équivalences d'années d'ancienneté, par exemple lors d'un concours interne dans la fonction publique territoriale. Ces idées sont donc lancées pour réfléchir aux possibilités de reconversion des élus. Après avoir exercé comme élu, il est envisageable d'exercer en tant que cadre dans les collectivités territoriales.
Madame, concernant les députés, pourriez-vous nous décrire les mécanismes actuels ? Si mes souvenirs sont exacts, toutes les collectivités territoriales sont obligées de cotiser au titre de la formation des élus.
Ces budgets sont bien en inscription obligatoire, n'est-ce pas ? Ces dépenses sont collectées par la Caisse des dépôts ?
Pour le DIF.
Il est reporté.
Dans tous les cas, il n'y a pas de sanction.
Qu'il s'agisse d'une commune, d'un département ou d'une région, cette ligne budgétaire est obligatoire. Elle est donc inscrite au budget initial, qu'elle soit consommée ou non. Ce sont ensuite les élus qui demandent à bénéficier de telle ou telle formation.
Par ailleurs, nous savons tous comment, grâce à la formation, d'autres financements sont réalisés ! Si le budget n'est pas consommé, il tombe dans le budget général. Connaissons-nous le volume annuel de la dépense budgétée et son évolution ?
Nous avons établi des statistiques pour l'année 2016, dans le cadre de la table ronde du Sénat. En 2016, sur l'examen des comptes administratifs des collectivités, le montant total des crédits consacrés à la formation des élus est de 18 millions d'euros – il s'agit du budget consommé –, soit 5,3 millions d'euros pour les régions, 1,75 million pour les départements, 1,6 million pour les EPCI à fiscalité propre et 9,58 millions pour les communes. Le budget formation représente 8,84 % du budget des régions et 0,83 % des communes. Concernant les communes, on constate que celles de moins de 500 habitants consacrent 0,32 % de leur budget à la formation, soit bien en-dessous du plancher de 2 %, et celles de plus de 50 000 habitants autour de 2 %, au niveau du plancher fixé par la loi.
Le nombre d'élus formés pour l'exercice de leur mandat, d'après les chiffres du CNFEL, est de 5 000 en 2015 et de 4 860 en 2016, nombre très faible par rapport au nombre total d'élus locaux. Cependant, ces chiffres doivent être mis en rapport avec les montants alloués à la formation. Toutefois, nous manquons aujourd'hui de recul suffisant sur le DIF pour évaluer la formation à la reconversion. Nous ne connaissons ni le nombre d'élus formés ni le volume d'heures, pas plus que les intitulés des formations suivies.
. Non, mais nous pouvons le rechercher.
. Absolument.
Nous connaissons le budget consommé, mais non le budget prévisionnel. La dépense obligatoire n'est inscrite qu'au budget prévisionnel. Si des modifications législatives devaient avoir lieu, le plancher devrait devenir obligatoire. Quant au DIF collecté par la CDC, la ressource est globale et n'est affectée qu'à la formation des élus. Dans un premier temps, elle est automatiquement ponctionnée, mais elle n'est pas consommée immédiatement. Il s'agit donc d'une somme importante qui va se cumulant. C'est la raison pour laquelle elle est véritablement utile pour la reconversion, si une modification législative permet son utilisation après la fin du mandat. Tel est bien le problème : même s'il s'agit d'un DIF, dispositif de formation qui concerne une formation en dehors de la vie du mandat, ce DIF ouvre des droits seulement pendant l'exercice du mandat.
Dès lors, quel est le montant annuel de la cagnotte DIF, quel est le montant dépensé, et quel est le montant cumulé ?
. Le montant collecté est actuellement de 14 millions d'euros. Pour la consommation, nous n'avons pas encore suffisamment de recul, même pour dresser un bilan à mi-étape. Le dispositif est à ses débuts, et connaît un certain succès.
Je pense que, pour les élus, le DIF est plus simple. Ils le financent eux-mêmes et, s'ils ont besoin d'une formation, ils l'adressent à la CDC, sans passer par le budget, le conseil, le maire, etc. Le droit à la formation de 1992, qui pourtant était assez bien conçu, va finir par perdre face au DIF, car le rapport est plus simple, plus direct. Nous regrettons vivement que le budget formation ne soit pas plus mis en œuvre et plus suivi. Nous regrettons que les informations sur son caractère obligatoire, ou encore sur l'impossibilité de s'opposer à une formation pour un conseiller de l'opposition ne soient pas relayées. C'est pourquoi la brochure de l'AMF est systématiquement en accès libre. Nous voulons que tous les conseillers jouissent de ce droit à la formation. Ce droit de 1992 est un droit individuel. De plus, au début du mandat municipal, un débat doit avoir lieu au sein du conseil sur l'utilisation de ce budget. Est-ce fait ? Nous ne pouvons le vérifier dans les 36 000 communes. Cependant, nous expliquons les bonnes pratiques : les conseillers ne partent pas tous en même temps en formation ; le maire et les premiers adjoints sont prioritaires la première année, etc.
Oui, tout à fait ! Il y a des lourdeurs, le dispositif se grippe, et je pense que le DIF va prendre le dessus pour la formation, grâce à un rapport direct avec la CDC.
Cette formule est probablement mieux adaptée. Madame, je vais profondément vous attrister : bien que maire pendant quinze ans, je ne connaissais pas cette obligation.
Je le sais, je l'ai vu dans vos yeux !
(Sourires.)
On peut effectivement comprendre que le DIF soit mieux adapté. Le catalogue de formation est par nature contraignant, en termes d'emploi du temps, de dates, etc.
Absolument. Mais que faire de toutes ces sommes inscrites au budget formation ? Il va falloir se poser la question.
La limitation à six mois après la fin du mandat me paraît être une stupidité. Un CPF adapté aux élus a-t-il été envisagé ?
Non, pas vraiment.
Pour le moment, nous disposons d'un CPF propre aux agents publics, pour les trois fonctions publiques, qui va certainement évoluer avec la monétisation du CPF des agents privés. L'appellation DIF n'existe que pour les élus locaux. Nous pouvons imaginer que le DIF des élus locaux va évoluer vers la même facilité d'utilisation que celle du CPF, même si rien n'est prévu dans l'immédiat. L'idée est de faciliter l'entrée en formation de toutes les personnes, quel que soit leur statut.
Pour les agents publics, le DIF a été intégré dans le CPF, alors que pour les élus locaux l'appellation est restée la même.
. Le DIF des élus locaux n'est pas portable, contrairement au DIF des salariés et des agents publics ; le CPF, lui, est un droit portable, ce qui constitue une grande différence.
Le DIF n'étant pas portable, il ne peut être mis en œuvre après la fin du mandat. Il semble toutefois plus facile d'utilisation, car le droit à la formation paraît encore plus individuel. Des élus se formeront probablement dans le cadre du DIF pour acquérir des compétences en lien avec leur mandat, au lieu de le faire dans le cadre traditionnel. Cette question de la formation dans son ensemble pour les élus doit être l'objet d'une évaluation de politique publique, et entre donc dans le cadre des missions des parlementaires.
La réunion s'achève à dix heures cinquante-cinq.