Jeudi 22 mars 2018
Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission
La séance est ouverte à 10 h 10.
I. Audition de M. Thomas von Danwitz, Président de Chambre à la Cour de Justice de l'Union européenne (à huis clos)
Le premier point de notre ordre du jour concerne l'audition de M. Thomas von Danwitz, président de la 4ème Chambre de la Cour de Justice de l'Union européenne, en charge du contentieux du commerce international.
Je remercie M. von Danwitz d'avoir bien voulu répondre à notre invitation de participer à cette audition qui conclut le cycle de nos réunions consacrées au commerce international :
- nous avons d'ores et déjà examiné le rapport de MM. Patrice Anato et Vincent Bru sur la politique commerciale de l'Union européenne et son articulation avec le cadre multilatéral de l'OMC il y a deux semaines ;
- nous avons entendu le ministre en charge du commerce international, M. Jean-Baptiste Lemoyne, au cours de notre précédente réunion ;
- je me réjouis de pouvoir entendre un magistrat de la Cour de Justice nous présenter aujourd'hui la position de la Cour sur le commerce international.
Nous connaissons tous le rôle éminent joué par la Cour de Justice dans la construction européenne : en affirmant les principes de primauté et d'effet direct du droit communautaire et en unifiant la jurisprudence applicable dans les États membres, elle a contribué de manière décisive au processus d'intégration européenne.
Pendant trop longtemps, les législateurs que nous sommes n'ont pas voulu tirer les conséquences de la jurisprudence de la Cour de Justice. L'articulation entre la législation européenne et la législation nationale est aujourd'hui clarifiée. Il est donc essentiel que la Cour et les parlements nationaux dialoguent et c'est pour cette raison que nous avons souhaité vous entendre.
Vous le savez, les accords de libre-échange conclus par l'Union européenne soulèvent des inquiétudes et des oppositions dans de nombreux États membres. Jusqu'à présent, bien que la négociation des accords de commerce par l'Union européenne relève de sa compétence exclusive, le processus de ratification relevait quant à lui d'une compétence partagée entre l'Union européenne et les États membres. Chacun a en mémoire les vicissitudes de la ratification du CETA devant le parlement wallon.
La Cour a été amenée à clarifier cette situation dans son avis rendu le 16 mai 2017 sur l'accord de libre-échange avec Singapour en précisant de manière très claire, les points relevant de la compétence exclusive de l'Union européenne et ceux relevant de la compétence partagée nécessitant un double processus de ratification.
Ce point est fondamental pour les parlementaires que nous sommes, car il pose la question du contrôle que nous serons amenés à exercer à l'avenir sur les accords commerciaux conclus par l'Union européenne au nom des États membres. Nous souhaitons donc vous entendre sur cette question.
Je terminerai par les nombreuses questions que soulève le Brexit pour la Cour de Justice. Le Conseil européen des 22 et 23 mars doit acter l'état d'avancement des négociations et la mise en place d'une phase de transition courant jusqu'au 31 décembre 2020. La question de la compétence de la Cour de Justice vis-à-vis des ressortissants britanniques ou des ressortissants européens vivant au Royaume-Uni s'est posée de manière récurrente dans les négociations. Mais les sujets de contentieux possibles entre le Royaume-Uni et l'Union pour l'avenir peuvent potentiellement toucher de très nombreuses matières.
L'articulation future entre les juridictions britanniques et la Cour doit par conséquent être clarifiée. Dans le même temps, la Cour de Justice fait l'objet d'une véritable campagne de dénigrement dans certains médias britanniques. Comment envisagez-vous les relations futures entre la Cour de Justice et le Royaume-Uni ? Comment concilier la sortie du Royaume-Uni et la nécessité d'éviter les conflits de juridiction ?
Je vous remercie.
Merci beaucoup, Mme la présidente, de l'honneur que vous me faites avec cette invitation. Je parlerai essentiellement des accords de libre-échange, mais je suis disposé à répondre à des questions d'ordre plus général, comme celles du Brexit ou celles qui sont relatives aux questions préjudicielles.
Les accords de libre-échange « nouvelle génération » négociés à l'heure actuelle par l'Union européenne représentent un volet de l'action extérieure de l'Union méritant toute l'attention qui lui est accordée par les institutions politiques de l'Union et celles des États membres, ainsi que par l'opinion publique en général. C'est dans cet esprit que je me réjouis de l'intérêt que porte la Commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale française à la contribution de la Cour de Justice de l'Union européenne à la conclusion et à la mise en oeuvre de tels accords, de sorte que j'ai bien volontiers répondu à votre invitation.
Aux termes de l'article 207, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), la politique commerciale commune doit être menée dans le cadre des principes et objectifs de l'action extérieure de l'Union. S'agissant de ces principes et objectifs, l'article 3, paragraphe 5, du Traité sur l'Union européenne, prévoit que « dans ses relations avec le reste du monde, l'Union affirme et promeut ses valeurs et ses intérêts et contribue à la protection de ses citoyens. Elle contribue à la paix (…), au développement durable de la planète, à la solidarité (…), au commerce libre et équitable, à l'élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l'homme, en particulier ceux de l'enfant, ainsi qu'au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect des principes de la charte des Nations Unies ».
L'objectif de promouvoir les principes et valeurs de l'Union dans le cadre de la politique commerciale commune est ainsi inscrit dans les traités, qui constituent « la charte constitutionnelle de base », au respect de laquelle la Cour de Justice de l'Union européenne doit veiller. Composée de vingt-huit juges et onze avocats généraux, la Cour de Justice a pour mission, d'une part, d'assurer le respect de la légalité par les institutions de l'Union dans l'exercice de leurs pouvoirs importants. À cette mission s'ajoute un véritable contrôle de « constitutionnalité » de la législation de l'Union élaborée par les institutions et, notamment, par le Parlement et le Conseil, contrôle qui s'exerce au regard des dispositions des traités, des principes généraux qui résultent des traditions communes des États membres et, en particulier, des droits fondamentaux. C'est cette dernière tâche, consistant à assurer la protection des droits fondamentaux, qui a été couronnée par l'entrée en vigueur, avec le Traité de Lisbonne, de la Charte des droits fondamentaux.
D'autre part, la Cour de Justice a également pour mission d'assurer le respect par les États membres de leurs obligations communautaires, notamment par le biais du recours en manquement intenté par la Commission européenne. En parallèle, la vigilance des particuliers quant au respect des droits que leur confère l'Union s'est avérée, au fil des années, constituer un outil particulièrement important pour assurer la bonne application du droit de l'Union à l'intérieur des États membres. C'est par l'instrument du renvoi préjudiciel que, en cas de doute sur l'interprétation d'un acte de l'Union ou même sur sa validité, toute juridiction nationale peut, ou doit, s'adresser à la Cour de Justice, ce qui permet de parvenir à l'interprétation définitive et uniforme du droit de l'Union. Ce dialogue de juge à juge constitue la voie royale d'accès à la Cour de Justice, plus de la moitié des 700 affaires traitées en 2017 correspondant à des questions préjudicielles (environ 450), le reste étant principalement des pourvois contre des arrêts du Tribunal (194).
Or, parmi les voies d'accès à la Cour de Justice, figure la possibilité, rarement utilisée plus d'une fois par an, de recueillir son avis sur la compatibilité d'un accord international envisagé par l'Union européenne avec les traités. C'est, pourtant, par cette procédure que la Cour de Justice est le plus souvent amenée à connaître des accords externes de l'Union en matière commerciale, comme c'est le cas pour les accords de libre-échange « nouvelle génération » de l'Union, tels que ceux avec Singapour ou avec le Canada, dit « CETA ». Ceci s'explique par les spécificités de la matière et de cette procédure. J'en dirai quelques mots avant d'aborder les thématiques récentes que la Cour de Justice a pu élaborer à l'occasion de l'examen des accords commerciaux, en l'occurrence concernant l'aménagement des compétences de l'Union dans le cadre des relations extérieures et les mécanismes de règlement des conflits en matière d'investissement.
Avant tout en raison du caractère moniste de l'ordre juridique de l'Union, selon lequel les dispositions d'un accord international conclu par l'Union forment partie intégrante de l'ordre juridique de celle-ci, à partir de son entrée en vigueur, la procédure d'avis constitue le mode privilégié de saisine de la Cour de Justice pour ce qui est des accords externes en matière commerciale. Il s'agit notamment de prévenir les complications qui résulteraient de contestations en justice, relatives à la compatibilité avec les traités, d'accords internationaux engageant l'Union. En effet, si la Cour de Justice peut également être saisie de recours contre les actes d'autorisation de signature et de conclusion des accords, voire dans le cadre de leur exécution, une décision judiciaire d'incompatibilité à ce stade ne manquerait pas de créer, sur le plan non seulement interne de l'Union, mais également des relations internationales, des difficultés sérieuses et risquerait de porter préjudice à toutes les parties intéressées, y compris les États tiers. La responsabilité de l'Union pourrait même, le cas échéant, être engagée pour non-respect de ses obligations internationales.
Intervenant en dehors d'un litige, la demande d'avis relève de la collaboration interinstitutionnelle et donne lieu à un contrôle ex ante ressemblant, dans ses grandes lignes, à la fonction consultative pratiquée par les Conseils d'État dans les États membres qui adhèrent à cette belle tradition française. Réservée aux États membres, au Parlement européen, au Conseil et à la Commission, qui eux-mêmes ne l'utilisent que pour des questions d'une importance interinstitutionnelle particulière, la procédure d'avis a permis à la Cour, au fil du temps, de rendre des décisions de grande importance pour l'évolution du droit de l'Union. Consciente de cette importance, la Cour statue toujours sur les demandes d'avis en assemblée plénière ou en formation de grande chambre, composée de quinze juges, alors que la majorité des affaires juridictionnelles au sens strict est traitée par des chambres à cinq ou trois juges. En outre, la Cour de Justice se montre particulièrement soucieuse de veiller au respect de la cohérence du droit de l'Union et de son évolution future dans le cadre de cette procédure.
La question de la politique commerciale commune et des accords de libre-échange « nouvelle génération » revêt sans conteste, à l'heure actuelle, une grande importance. Face à l'inquiétude inspirée par la mondialisation, aux défis du Brexit et à la nouvelle stratégie commerciale des États-Unis, la Cour est consciente des enjeux que de tels accords représentent pour l'Union, pour la croissance économique et la prospérité, ainsi que de la nécessité de permettre, par des instruments juridiques, une régulation pourtant cruciale des différents intérêts économiques, sociaux et politiques auxquels l'Europe se trouve confrontée. C'est pourquoi elle a rendu son avis 215, relatif à l'accord avec Singapour, en assemblée plénière et siégera, probablement, également en formation plénière pour l'avis 117 concernant le CETA. En cas d'avis négatif, l'accord envisagé ne peut entrer en vigueur, sauf modification de celui-ci ou révision des traités. La révision du droit primaire étant une hypothèse à caractère exceptionnel, un avis négatif conduit soit à l'abandon du projet, soit à une modification permettant de neutraliser l'incompatibilité avec les traités constatée par la Cour. En cas d'avis positif, en revanche, l'accord pourra être conclu et sera intégré au bloc de légalité de l'Union dès son entrée en vigueur, liant les institutions de l'Union et les États membres et pouvant même être invoqué directement, sous des conditions bien précises, par les particuliers.
Je terminerai cette première partie de ces observations en soulignant que, en matière d'accords commerciaux, jusqu'à présent, la Cour de Justice a essentiellement été saisie de questions de compétences, de procédure ou d'organisation institutionnelle de l'Union, alors que des questions matérielles peuvent également lui être posées, pour autant qu'elles soient de nature à provoquer des doutes quant à la compatibilité de l'accord envisagé au regard des traités. L'avis 115 relatif à l'accord PNR entre l'Union et le Canada lui a permis, pour la première fois, de se prononcer sur la compatibilité d'un projet d'accord international avec la Charte, en particulier avec le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données à caractère personnel, cette demande d'avis constituant, d'ailleurs, la première émanant du Parlement européen. Si des questions relatives aux droits fondamentaux peuvent également être posées en matière d'accords commerciaux extérieurs, tels que le démontre la demande d'avis 117 de la Belgique portant sur le CETA, il convient d'observer que les dispositions de la Charte relatives, notamment, à la liberté d'entreprise, au droit de propriété et aux droits sociaux, sont rédigées de telle manière qu'elles peuvent permettre, le cas échéant, de tenir compte du contexte spécifique des accords commerciaux dans lequel leur interprétation interviendrait.
La première thématique que la Cour a pu élaborer dans le domaine des accords externes en matière commerciale, essentiellement dans le cadre de la procédure d'avis, concerne la nature et la répartition des compétences de l'Union. Si, dans son avis 194, la Cour s'était prononcée concernant la compétence de la Communauté pour conclure les divers accords annexés à l'accord instituant l'OMC, l'avis 215 revêt une grande importance en ce qu'il traite de l'étendue des compétences exclusives de l'Union en matière de commerce extérieur, suite à la nouvelle définition de la politique commerciale commune élargie par le Traité de Lisbonne en 2009, question soulevée pour la première fois par l'accord de libre-échange avec Singapour. Cet avis comporte des enseignements précieux pour le projet d'accord « CETA », ainsi que d'autres projets en matière de commerce extérieur.
L'avis 215 permet d'abord de clarifier les contours de la politique commerciale commune, selon cette nouvelle définition, pour laquelle l'Union dispose d'une compétence externe exclusive en vertu de l'article 3, paragraphe 1, sous e), TFUE, en exigeant un lien spécifique avec les échanges. En relèvent les stipulations de l'accord envisagé relatives à l'accès au marché de l'Union et de Singapour concernant les marchandises et les services, y compris dans le secteur des marchés publics, aux aspects commerciaux de la propriété intellectuelle, aux investissements étrangers directs, c'est-à-dire aux investissements qui donnent la possibilité de participer effectivement à la gestion ou au contrôle d'une société exerçant une activité économique en matière de concurrence et de développement durable.
Sur la question du développement durable, la Cour de Justice a constaté que suite à l'évolution du droit primaire, l'objectif de développement durable, dont la protection sociale des travailleurs et la protection de l'environnement sont des composantes, fait désormais partie intégrante de la politique commerciale commune de l'Union. À cet égard, outre les éléments classiques des accords de commerce, tels que la réduction des obstacles tant tarifaires que non tarifaires aux échanges de marchandises et de services, cet accord « nouvelle génération » comporte des dispositions portant sur d'autres aspects considérés comme pertinents, voire indispensables pour ces échanges.
À titre d'exemple, l'Union et Singapour se sont engagés à assurer que leurs échanges commerciaux aient lieu dans le respect des obligations découlant des conventions internationales en matière de protection des travailleurs et de protection de l'environnement auxquelles elles sont parties, telles que l'Organisation internationale du travail. Ainsi, certaines dispositions prévoient l'obligation d'appliquer de manière effective les principes concernant les droits fondamentaux au travail, comme la liberté d'association, la reconnaissance effective du droit de négociation collective, l'élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire, l'abolition effective du travail des enfants ainsi que l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession. D'autres portent sur l'obligation de lutter contre le commerce du bois et des produits dérivés issus d'une récolte illégale, de pratiquer une exploitation durable des stocks halieutiques ou de lutter contre la pêche illicite.
La Cour de Justice estime que ces dispositions régissent les échanges commerciaux et sont de nature à avoir des effets directs et immédiats sur eux, ces effets résultant de l'engagement des parties, d'une part, à ne pas encourager le commerce en abaissant le niveau de protection sociale et environnementale sur leur territoire respectif en dessous des standards prévus par les engagements internationaux et, d'autre part, à ne pas mettre en oeuvre ces standards de manière protectionniste. En outre, il serait peu cohérent de considérer que les dispositions libéralisant les échanges entre l'Union et un État tiers relèvent de la politique commerciale commune et que celles qui visent à assurer que cette libéralisation des échanges s'opère dans le respect du développement durable n'en relèvent pas. Dans ces conditions, ces dispositions, ayant pour objet de régir les échanges commerciaux conformément à l'objectif de développement durable, et non pas de réglementer les niveaux de protection sociale et environnementale sur le territoire respectif des parties, relèvent bien de la politique commerciale commune.
Il ressort par ailleurs de l'avis 215 que l'Union dispose également d'une compétence externe exclusive pour les dispositions de l'accord portant sur les services de transport maritime, ferroviaire ou par route, qui relèvent de la politique commune des transports, en vertu de l'article 3, paragraphe 2, TFUE, dans la mesure où ledit domaine est déjà couvert en grande partie par des règles communes de l'Union et où les engagements contenus à ce sujet dans ledit accord sont susceptibles d'affecter ou d'altérer la portée de ces règles. À cet égard, la Cour s'est référée à sa jurisprudence relative au parallélisme des compétences internes et externes.
Au final, deux volets de l'accord relèvent d'une compétence partagée avec les États membres. Le premier constitue le domaine des investissements étrangers autres que directs, correspondant aux investissements dits « de portefeuille », dans l'intention de réaliser un placement sans influer sur la gestion et le contrôle de l'entreprise. L'accord vise par exemple certaines catégories d'investissements immobiliers ou de recours à l'emprunt, pouvant, à l'instar d'une acquisition de titres de société, impliquer des mouvements de capitaux ou des paiements. S'il s'agit de mouvements de capitaux au sens de l'article 63 TFUE, la Cour rejette notamment l'argument de la Commission proposant de faire jouer le principe d'affectation vis-à-vis de cette disposition du traité.
Le second volet de l'accord avec Singapour échappant à la compétence exclusive de l'Union constitue le régime de règlement des différends entre investisseurs et États. À cet égard, s'agissant du mécanisme en cause dans cet accord, la Cour de Justice a constaté que non seulement l'Union, mais également les États membres, sont susceptibles d'être soumis à une procédure d'arbitrage en tant que parties adverses par des investisseurs singapouriens. Elle est ainsi d'avis qu'un tel régime, qui soustrait des différends à la compétence juridictionnelle des États membres pour les soumettre à une telle procédure d'arbitrage, ne saurait revêtir un caractère purement auxiliaire aux échanges commerciaux, ni dès lors, être instauré sans le consentement de ceux-ci.
La Cour est appelée à examiner cette dernière question plus en détail dans la mesure où la Belgique vient de la saisir d'une demande d'avis portant sur la compatibilité avec les traités, y compris les droits fondamentaux, des dispositions du CETA portant sur le règlement des différends relatifs aux investissements entre investisseurs et États, dit « ICS ». Si les dispositions « commerciales » du CETA sont déjà entrées en vigueur à titre provisoire, tel n'est pas le cas de ces dispositions. À cet égard, la Cour a précisé dans l'avis 215, que ledit avis ne préjugeait pas de la question de savoir si le contenu des dispositions de l'accord envisagé avec Singapour est compatible avec le droit de l'Union, ni si le régime de règlement des différends remplit les critères énoncés par ses avis précédents. La Cour devra se prononcer, en particulier, sur la compatibilité de l'ICS avec la compétence des juridictions nationales et de la Cour de Justice de l'Union européenne pour interpréter le droit de l'Union, et, notamment, avec les exigences résultant du principe de l'autonomie de l'ordre juridique de l'Union, le principe général d'égalité de traitement et l'exigence d'effectivité du droit de l'Union, ainsi que le droit à un tribunal indépendant et impartial consacré par l'article 47 de la Charte. Elle devra examiner, en particulier, les dispositions du CETA concernant la rémunération, la nomination et les règles d'éthique des membres des tribunaux qu'il prévoit. Bien évidemment, il n'est pas possible d'en dire plus à ce stade.
Depuis l'avis 215, la Cour de Justice a encore rendu un arrêt important, le 6 mars dernier, sur la question de l'arbitrage entre investisseurs et États membres, qui ne préjuge cependant pas de l'avis 117 puisqu'il s'agit en l'occurrence d'une clause d'arbitrage prévue par un traité bilatéral d'investissement, dit TBI, conclu entre deux États membres. Dans cet arrêt Achmea, la Cour a jugé que la clause du traité bilatéral sur la protection des investissements entre les Pays-Bas et la Slovaquie, permettant à un investisseur de l'un de ces États membres d'attraire, en cas de litige concernant des investissements dans l'autre État membre, ce dernier État membre obligatoirement devant un tribunal arbitral, portait atteinte à l'autonomie du droit de l'Union et n'était pas compatible avec les traités.
La Cour de Justice rappelle qu'un accord international ne saurait porter atteinte à l'autonomie du système juridique dont elle assure le respect, ainsi que le principe inscrit dans les traités, selon lequel les États membres ne peuvent soumettre un différend relatif à l'interprétation ou à l'application desdits traités à un mode de règlement autre que ceux qu'ils prévoient. En outre, le droit de l'Union repose sur la prémisse fondamentale que les États membres partagent les valeurs communes sur lesquelles l'Union est fondée, impliquant qu'ils doivent, sauf cas exceptionnels, se faire mutuellement confiance pour reconnaître les décisions des institutions judiciaires de chaque État membre dans le cadre de l'espace de liberté, de sécurité et de justice et selon les principes de confiance mutuelle et coopération loyale. C'est pourquoi l'autonomie du droit de l'Union doit être garantie dans le cadre du système juridictionnel institué par les traités, notamment pour assurer son application uniforme et la protection effective des droits qu'il confère aux justiciables.
Or, le tribunal arbitral institué par le TBI en cause dans l'affaire Achmea était appelé, le cas échéant, à interpréter, voire à appliquer le droit de l'Union et, en particulier, ses dispositions relatives aux libertés fondamentales, puisqu'il fait partie du droit en vigueur dans l'État membre concerné. Toutefois, un tel tribunal, statuant notamment en dernier ressort, ne constitue pas une juridiction habilitée à saisir la Cour d'une question préjudicielle, ses sentences ne sont pas soumises à un véritable contrôle d'une telle juridiction et elles n'interviennent donc pas d'une manière assurant le plein respect du droit de l'Union.
En revanche, l'arbitrage commercial trouve son origine dans l'autonomie et la volonté des parties en cause et concerne essentiellement les dispositions de l'accord commercial conclu entre elles. Plus important encore, la Cour distingue les débits en cours dans ces affaires, des accords internationaux conclus par l'Union elle-même dans la mesure où sa compétence et sa capacité à conclure de tels accords comportent nécessairement, ainsi que la Cour de Justice de l'Union européenne l'a reconnu à plusieurs reprises, la faculté de se soumettre à des décisions d'une juridiction créée ou désignée par lesdits accords, pourvu que l'autonomie de l'Union et de son ordre juridique soit respectée. Compte tenu des nombreux traités bilatéraux d'investissement encore en vigueur entre les États membres qui comportent une clause d'arbitrage comparable à celle en cause dans l'arrêt Achmea, cette jurisprudence devrait dans son champ d'application propre avoir des répercussions importantes.
En conclusion, il ressort de cette présentation que les accords commerciaux de nouvelle génération constituent un outil important de régulation dans le cadre de la mondialisation, permettant à l'Union européenne de faire face aux défis résultant des différences de protections sociale et environnementale, sans pour autant recourir à des moyens unilatéraux. C'est notamment par ce biais que l'Union peut éviter le retour d'une ère protectionniste dans laquelle le chantage politique et militaire pourrait se voir subitement réinstallé en force en dépit des leçons historiques que les Européens ont dû vivre. Plus important encore, la conclusion de tels accords permet de prémunir le modèle social de nos sociétés occidentales contre toute tentative d'entrer dans une « race to the bottom », la fameuse « course vers le bas ». La Cour de Justice de l'Union européenne est tout à fait consciente des défis auxquels l'Europe doit faire face à l'ère de la mondialisation et elle est prête à assumer ses responsabilités en exerçant ses compétences juridictionnelles sans toutefois sortir des limites du rôle qui lui est attribué et de sa mission de veiller au respect des objectifs fixés par les traités.
Merci pour cet exposé assez technique mais néanmoins intéressant. Le souhait du Président Macron d'organiser des consultations citoyennes dans l'ensemble de l'Union européenne a été accueilli positivement. Des consultations vont avoir lieu dans tous les États membres, sauf la Hongrie, entre mars et décembre 2018. La question des différentes institutions européennes ne manquera pas d'être posée. Quelle réponse simple pourriez-vous faire aux citoyens qui s'interrogent sur les compétences et l'action concrète de la Cour de Justice de l'Union européenne ?
Comment la question du Brexit est-elle appréhendée par la Cour de Justice de l'Union européenne ?
Pourriez-vous nous donner deux ou trois exemples de décisions de la Cour de Justice de l'Union européenne ayant eu des conséquences concrètes sur le quotidien des citoyens européens ?
Bien qu'impliquant la maîtrise d'une technicité juridique, l'action de la Cour de Justice de l'Union européenne concerne en fait des aspects très ordinaires de la vie des citoyens européens. Cela s'explique par le fait qu'il s'agit de litiges émanant de juridictions nationales traitant de sujets très concrets.
Pour citer une action concernant un grand nombre de citoyens, je souhaiterais évoquer une jurisprudence sur les prêts hypothécaires récemment établie par la Cour de Justice de l'Union européenne. Lors de la crise immobilière qui a sévi en Espagne, les changements de taux d'intérêt ont plongé un grand nombre de citoyens dans des situations très difficiles. Les juridictions nationales avaient interprété les directives européennes relatives à la protection des consommateurs d'une manière qui permettaient aux banques d'imposer des conditions de prêts difficiles aux clients. La Cour de Justice de l'Union européenne a tranché en faveur des consommateurs.
Je citerai comme autre exemple, la saisine de la Cour de Justice de l'Union européenne par le Conseil d'État sur la question des organismes génétiquement modifiés. Ces exemples illustrent le fait que les décisions de la Cour de Justice de l'Union européenne ont des répercussions sur la vie quotidienne des citoyens.
Le Brexit est un sujet compliqué mais il semble assez clair que le droit de l'Union européenne devra s'appliquer entièrement jusqu'à l'entrée en vigueur du Brexit.
Merci pour cet exposé. Pensez-vous envisageable qu'un organe juridictionnel commun à l'Union européenne et au Royaume-Uni, qui pourrait être un tribunal mixte comprenant à la fois la Cour de Justice de l'Union européenne et une instance britannique, soit mis en place après le Brexit ?
Vous avez souvent employé l'expression « accords commerciaux de nouvelle génération ». Pouvez-vous nous préciser que ce que vous entendez par là en matière juridique ? Je comprends qu'il s'agit d'accords commerciaux mixtes englobant, en plus du volet commercial, d'autres volets, traitant par exemple d'investissements, et ayant des implications sociales, environnementales ou autres. Cela entraîne-t-il ipso facto des conséquences juridiques précises ? Le fait de lier ces différents aspects et d'établir une solidarité entre eux vous semble-t-il relever d'un abus de pouvoir de la part des États membres ou de l'Union européenne ?
Sur la question de la future relation avec le Royaume-Uni et du règlement des différends, la Cour a eu l'occasion d'exprimer sa position, avec l'avis 191 du 14 décembre 1991.
À l'occasion des discussions sur la création de l'Espace économique européen (EEE), la Cour a en effet été saisie par la Commission européenne d'une demande d'avis sur la compatibilité du projet d'accord. Ce dernier prévoyait un système de contrôle juridictionnel pour interpréter les dispositions du traité EEE, qui étaient largement analogues au droit de l'Union.
La Cour a alors estimé que le mécanisme proposé conditionnait l'interprétation future des règles communautaires, portant ainsi atteinte à l'article 164 du traité CEE et, plus généralement, aux fondements mêmes de la Communauté, ce qui le rendait incompatible avec le droit communautaire.
La Cour n'utilise pas les termes de « nouvelle » et « ancienne » génération ; ce sont des accords qui vont au-delà de la pratique antérieure. En outre, la Cour n'a pas encore été amenée à trancher la question de la délimitation entre le domaine des accords commerciaux et les autres politiques.
Par qui la Cour est-elle le plus sollicitée ? Quelles sont les interrelations entre les juges européens et français ? Les décisions de la Cour entraînent-elles des ajustements stratégiques de la politique commerciale européenne ou bien seulement des changements juridiques mineurs ?
La Cour ne tranche que des questions juridiques. Elle veille au respect de toutes les dispositions que les États membres ont voulu inscrire dans le droit européen, et notamment dans le droit primaire.
Quant aux saisines, leur nombre est variable selon les années, et selon les États membres. Les relations avec les juridictions françaises sont excellentes.
La Cour a-t-elle déjà été consultée sur les projets d'accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Australie, d'une part, et la Nouvelle-Zélande, d'autre part ? D'une façon plus générale, a-t-elle été saisie par les régions ultrapériphériques et les pays et territoires d'outre-mer ?
La CJUE vient de condamner la Pologne en matière de qualité de l'air. Sur ces sujets environnementaux, de fortes divergences existent entre États membres – le sujet de la pêche électrique l'a mis en lumière récemment… – et cela donne le sentiment d'une justice à plusieurs vitesses. Quel est votre regard sur la justice climatique, sujet particulièrement important en Polynésie Française où je suis élue, et où l'on a parfois l'impression de ne pas être pris en compte faute d'appartenir géographiquement à l'Europe ?
La Cour n'a pas encore été impliquée dans les accords concernant la Nouvelle-Zélande. Nous sommes une juridiction : il faut que nous soyons saisis pour connaître d'un sujet, nous n'en avons pas l'initiative. Si les départements et territoires se trouvent dans l'espace couvert par les traités de l'Union, toute juridiction de ces territoires peut nous saisir dans un dialogue de juge à juge ; que la juridiction qui saisit se trouve à la Réunion ou dans les Yvelines est pour nous du pareil au même, et la seule chose qui compte est de savoir si le litige concerne substantiellement un droit que confère l'Union dans les Traités ou dans le droit dérivé.
Pour des sujets aussi importants que la protection de l'environnement et du climat, le mécanisme est le suivant. La Commission introduit un recours en manquement contre l'État membre qui éventuellement ne s'est pas mis à temps en conformité avec le droit européen. Lorsque la Cour constate un manquement aux obligations découlant de la directive sur la protection de l'environnement, par exemple quant à la qualité de l'air et le respect des limites de particules fines dans l'air, et dit le droit, la Commission négocie avec l'État pour savoir comment celui-ci entend se mettre en conformité avec l'arrêt de la Cour. C'est la Commission qui juge en opportunité du temps qu'elle laisse à l'État concerné pour se mettre en conformité au droit. Si l'État ne veut pas négocier ou ne prend pas les mesures adéquates dans le temps imparti par la Commission, celle-ci saisit alors à nouveau la Cour qui, cette fois, met en place une astreinte, assise sur le PIB de l'État concerné.
Merci Monsieur le Président pour votre riche exposé, informatif et formateur pour quelqu'un qui comme moi n'est pas juriste. Vous avez indiqué avoir été saisi sur une question de respect de la vie privée en rapport avec le PNR (« passenger name record ») et le Canada. Nous sommes justement en train en France de transposer en ce moment le règlement général européen sur la protection des données personnelles qui comprend des clauses d'application extraterritoriale. J'aimerais savoir comment, selon vous, ce règlement va pouvoir s'appliquer notamment face aux États-Unis ou d'autres pays qui ont aussi des droits forts qui pourraient nous être opposés.
Voilà un grand sujet, qui est également une question difficile. Tout d'abord, le règlement sera d'application directe à partir de fin mai dans tous les États membres avec il est vrai quelques exceptions et des clauses limitées nécessitant une transposition de la part des États membres.
Reste le problème mondial : que fait-on avec tout transfert extra-européen ? Le règlement prévoit en principe, comme le prévoyait l'ancienne directive, que les données sont européennes et doivent être protégées substantiellement de la même manière en Europe et hors de l'Europe.
Merci pour votre brillant exposé sur les compétences exclusives ou partagées en matière commerciale, après lequel je me permets de poser une question plus triviale. J'aimerais parler des conditions de recours par les citoyens contre les actes des organes de l'Union. Il me semble que vous n'avez à en connaître que par le système du pourvoi et non de l'appel, ce qui vous interdit me semble-t-il de revoir au fond les arguments des parties. Je me demande s'il n'y a pas quand même un peu de complaisance de la part de la juridiction européenne à l'égard des administrations de l'Union. Permettez-moi d'évoquer mon expérience personnelle. Je suis parlementaire européen, et l'administration du Parlement européen, contrairement à l'administration de l'Assemblée nationale, est, au moins dans les hauts niveaux, politisée. L'administration du Parlement européen, qui n'est pas une fonction publique parlementaire soumise à une obligation de neutralité, risque donc par nature d'être un peu discriminante à l'égard de la minorité. Je me souviens de divers recours intentés par un certain nombre de collègues, par exemple contre des actes qui leur semblaient empreints de partialité de la part du Secrétaire général du Parlement, où il leur a été répondu que celui-ci était nécessairement impartial car il a prêté serment de l'être : c'est tout de même un peu léger comme motivation. Par ailleurs, il est curieux que ce genre de recours ne soit recevable que si le requérant est personnellement et directement concerné par un acte de l'Union. Je l'ai éprouvé à mon détriment. J'étais député non-inscrit, et les députés non-inscrits bénéficiaient de deux voix au bureau du Parlement. Cela a été réduit à une voix, puis il a été décidé, toujours par la majorité du Parlement, que le représentant des non-inscrits ne serait plus élu par ceux-ci mais désigné par le président du parlement, à qui cela n'est pas faire injure que de dire qu'il est généralement un de leurs adversaires politiques. J'ai formé un recours contre cette décision, déclaré irrecevable au motif qu'il y avait plusieurs députés non-inscrits et que je n'étais donc pas personnellement et directement concerné par la mesure en question. Ceci est quand même à rapprocher de la jurisprudence administrative française, qui conçoit l'intérêt à agir, et partant la recevabilité, d'une façon infiniment plus large. Monsieur le Président, je souhaite vous interroger sur une difficulté relative à l'appréciation qui est faite par la Cour de Justice de l'Union européenne de l'intérêt à agir des citoyens.
Au cours des dernières années, on a pu constater une évolution de la législation dans l'Union européenne. En effet, dans les années 60, 70 et 80, la législation européenne intervenant essentiellement dans la régulation de l'économie, elle n'affectait pas directement les citoyens mais seulement les entreprises. En revanche, avec la création de l'espace de liberté, de justice et de sécurité, la situation a profondément changé. Les individus peuvent désormais être directement concernés par la législation, par exemple, le mandat d'arrêt européen. Et la Cour de Justice de l'Union européenne doit prendre très au sérieux le contrôle de légalité.
La Cour s'est prononcée pour la première fois au sujet de l'intérêt à agir en 1963, dans l'arrêt Plaumann, et elle l'a interprété de manière restrictive. La protection judiciaire doit être considérée dans son ensemble. Il faut en particulier mettre en perspective l'articulation de l'intervention de la Cour de Justice de l'Union européenne avec celle des juridictions nationales. La saisine de la Cour de Justice de l'Union européenne ne peut intervenir, en principe, que par le biais d'une question préjudicielle, posée par une juridiction nationale, lesquelles jugent de la pertinence des questions relatives au droit de l'Union. À la suite d'une question préjudicielle, la Cour de Justice de l'Union européenne statue, en moyenne, dans un délai de quinze mois.
Comme vous le savez, le Traité de Lisbonne a cependant modifié le paragraphe 4 relatif à l'intérêt à agir (article 263 du TFUE), en permettant à toute personne physique ou morale de former, dans certaines conditions, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d'exécution. Depuis, la Cour de Justice de l'Union européenne est régulièrement saisie de l'interprétation de cette disposition qui a créé une nouvelle catégorie de recours.
J'ai reçu une question de la part de deux collègues, qui ne peuvent malheureusement pas assister à la réunion du fait des grèves de transport. Mmes Coralie Dubost et Marietta Karamanli souhaiteraient ainsi savoir si un État membre peut recueillir l'avis de la Cour de Justice de l'Union européenne sur un projet d'accord entre l'Union et un État tiers dans le domaine de la protection des données personnelles, afin qu'elle se prononce sur sa conformité à la Charte des droits fondamentaux.
La réponse est affirmative dans l'hypothèse d'un traité conclu entre l'Union et un État tiers, tel que cela a été le cas avec l'avis rendu par la Cour de Justice de l'Union européenne à propos de l'accord PNR Union européenne-Canada sur le transfert des données personnelles des passagers.
S'agissant de la défense de l'État de droit dans l'Union européenne, plusieurs États membres semblent malheureusement s'affranchir du respect des valeurs qui constituent le socle de l'Union européenne. Que pensez-vous, à cet égard, de la proposition de conditionner le versement de certains fonds européens tels que les fonds de cohésion au respect de l'État de droit ? Une telle initiative en faveur de la conditionnalité de ces aides est-elle compatible avec l'état actuel du droit ?
En tant que juge, je ne suis pas sûr de pouvoir porter une appréciation sur une telle pratique sauf à me demander si elle serait contraire aux traités. Il conviendrait alors d'examiner les critères sur lesquels sont accordées les aides à tel ou tel État membre.
En réalité, une fois l'article 7 du Traité mis en oeuvre, il ne reste que peu de moyens de pression.
Le recours à l'article 7 se heurte à un problème de majorité. En revanche, la procédure de recours en manquement est prévue par le Traité dans l'hypothèse où un État membre est défaillant vis-à-vis d'une obligation communautaire. Lorsque le recours en manquement fait l'objet d'une procédure accélérée, la Cour statue dans un bref délai. La Commission a alors la faculté d'accorder un délai à l'État visé pour voir s'il est disposé à accepter le jugement et, dans le cas contraire, d'engager une deuxième procédure, le cas échéant en accélérée, qui pourrait se conclure, le cas échéant, par une astreinte à laquelle cet État ne pourra se dérober. Cette procédure est incontestable car elle est régulièrement inscrite dans les Traités. Elle ne peut pas être considérée comme un choix subjectif lié à la situation de tel ou tel État.
Dans la mesure où le cadre financier pluriannuel relève d'une décision à l'unanimité, il est difficile de l'utiliser comme un instrument de contrainte vis-à-vis d'un État et d'en escompter sur ce point une réelle efficacité, à l'inverse de la procédure juridictionnelle, plus facile à mettre en oeuvre bien qu'elle puisse nous paraître un peu longue.
II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application des articles 88-4 et 88-6 de la Constitution
l Textes « actés »
Aucune observation n'ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :
Ø COMMERCE EXTÉRIEUR
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) nº 9522013 afin de prolonger l'utilisation transitoire de moyens autres que les procédés informatiques de traitement des données prévus par le code des douanes de l'Union (COM(2018) 85 final – E 12842).
Ø MARCHÉ INTÉRIEUR - LA POSTE
- Règlement de la Commission modifiant l'annexe VI du règlement (CE) nº 12232009 du Parlement européen et du Conseil relatif aux produits cosmétiques (D04987402 – E 12843).
- Règlement (UE) de la Commission modifiant, aux fins de son adaptation au progrès technique et scientifique, le règlement (CE) n° 12722008 du Parlement européen et du Conseil relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges et corrigeant le règlement (UE) 2017776 de la Commission (D05435403 – E 12852).
l Textes « actés » de manière tacite
Accords tacites de la Commission, du fait de la nature du texte
En application de la procédure d'approbation tacite, dite procédure 72 heures, adoptée par la Commission, celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :
Ø FISCALITÉ
- Proposition de décision d'exécution du Conseil autorisant la Hongrie à introduire une mesure particulière dérogatoire à l'article 193 de la directive 2006112CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (COM(2018) 126 final – E 12889).
Accords tacites de la Commission liés au calendrier d'adoption par le Conseil
La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :
Ø POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ COMMUNE (PESC
- Décision du Conseil portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s'appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001931PESC relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 20171426 (681918 LIMITE – E 12871).
- Règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre l'article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 25802001 concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d'exécution (UE) 20171420 (682118 LIMITE – E 12872).
- Décision d'exécution du Conseil mettant en oeuvre la décision 2013255PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Syrie (694418 LIMITE – E 12873).
- Règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre le règlement (UE) n° 362012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (694718 LIMITE – E 12874).
- Décision d'exécution du Conseil mettant en oeuvre la décision 2010231PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Somalie (701218 LIMITE – E 12875).
- Décision d'exécution du Conseil mettant en oeuvre la décision 2010231PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Somalie-Annexe (701218 ADD 1 LIMITE – E 12876).
- Règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre l'article 12 du règlement (UE) n° 3562010 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes physiques ou morales, entités ou organismes, en raison de la situation en Somalie (701518 LIMITE – E 12877).
- Règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre l'article 12 du règlement (UE) n° 3562010 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes physiques ou morales, entités ou organismes, en raison de la situation en Somalie-Annexe (701518 ADD 1 LIMITE - E 12878).
- Décision du Conseil modifiant la décision 2011172PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (694918 LIMITE – E 12885).
- Règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre le règlement (UE) n° 2702011 concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (695118 LIMITE – E 12886).
- Décision du Conseil modifiant la décision (PESC) 20151333 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (682618 LIMITE – E 12887).
- Mesures restrictives en vue de lutter contre le terrorisme - Position commune 2001931PESC - réexamen (684818 ADD 1 LIMITE – E 12888).
Sur le rapport de la Présidente Sabine Thillaye, la Commission a déclaré conforme au principe de subsidiarité le texte suivant transmis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-6 de la Constitution :
Ø RELATIONS EXTÉRIEURES
- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil accordant une assistance macrofinancière supplémentaire à l'Ukraine (COM(2018) 127 final – E 12867)
La séance est levée à 11 h 56.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Fannette Charvier, Mme Valérie Gomez-Bassac, Mme Christine Hennion, M. Michel Herbillon, M. Christophe Jerretie, Mme Constance Le Grip, M. Damien Pichereau, M. Didier Quentin, Mme Maina Sage, Mme Sabine Thillaye
Excusés. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Sophie Auconie, Mme Yolaine de Courson, Mme Françoise Dumas, M. Alexandre Freschi, M. Alexandre Holroyd, Mme Nicole Le Peih, M. Joaquim Pueyo, M. Benoit Simian, Mme Liliana Tanguy
Assistait également à la réunion. – M. Bruno Gollnisch, membre du Parlement européen