Présidence
La commission entend M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018 (n° 1947).
Cette année, nous commençons à peu près une semaine plus tôt que l'année dernière l'examen du projet de loi de règlement. Cela offre un temps supplémentaire très précieux au rapporteur général, à ses services et aux rapporteurs spéciaux pour préparer leurs travaux. J'en remercie le Gouvernement.
Mercredi 22 mai prochain, le Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, également président du Haut Conseil des finances publiques, présentera l'avis du Haut Conseil relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement, ainsi que le rapport de la Cour relatif aux résultats de la gestion budgétaire de l'exercice 2018 et sur la certification des comptes de l'État.
Ce sera ensuite, du mardi 28 mai au jeudi 6 juin, le temps du deuxième « printemps de l'évaluation » des politiques publiques, qui commencera par les commissions d'évaluation des politiques publiques, dont la forme pourra être légèrement différente de l'an dernier, mais dont l'esprit reste le même. L'exercice requiert évidemment une présence active des membres de la commission des finances mais aussi des membres des commissions concernées – j'ai écrit à tous les présidents de commission à ce propos.
Le 5 juin, nous examinerons en commission les articles du projet de loi de règlement. Entre le lundi 17 et le mercredi 19 juin, en séance publique, nous entendrons le Premier président de la Cour des comptes ; suivront débats, questions et adoption de résolutions, avant que nous ne concluions par l'examen du projet de loi de règlement que M. Darmanin nous présente maintenant, à la suite du Conseil des ministres de ce matin.
En effet, j'ai présenté ce matin en Conseil des ministres le projet de loi de règlement qui sera soumis à l'approbation de l'Assemblée et du Sénat dans les prochaines semaines. Avant de me présenter cet après-midi devant la haute assemblée, j'ai plaisir à vous retrouver pour évoquer ces résultats définitifs de l'État qui, avec ces rapports annuels de performances que nous vous avons transmis le plus en amont possible, serviront de base à la deuxième édition – vous l'avez dit, monsieur le président – du printemps de l'évaluation, dont j'ai pu prendre connaissance du programme, extrêmement ambitieux. Vous avez bien voulu souligner le fait que nous avons avancé notre calendrier pour permettre aux parlementaires de travailler le plus en amont possible. Je tiens là une promesse faite devant votre commission l'année dernière. Je crois que c'est une bonne chose effectivement que d'avoir ces quinze jours d'avance pour que chacun, singulièrement le rapporteur général et ses services, puisse travailler dans de bonnes conditions.
La mise à disposition de la base de données « Chorus » permettra d'accompagner le renforcement de votre rôle d'évaluation des politiques publiques, tout spécifiquement dans sa dimension budgétaire et financière ; je m'y étais engagé. De la même manière, j'ai souhaité que soit mise à la disposition du grand public, en open data, pour la première fois un grand nombre de données détaillées de comptabilité générale. Cet effort de transparence s'ajoute ainsi à notre effort de sincérité de ces deux dernières années, aussi bien du point de vue de la budgétisation initiale que de notre endettement.
D'autres améliorations sont encore possibles à l'avenir. Je crois notamment qu'il serait opportun que la loi de règlement puisse également tenir compte des résultats de nos comptes sociaux. Je sais qu'il s'agit là d'une proposition que Didier Migaud à laquelle vous êtes naturellement sensible, monsieur le président – le ministre des comptes publics que je suis l'est aussi.
Même partiels, c'est-à-dire ne concernant que l'État, ces résultats concrets démontrent la crédibilité de la stratégie du Gouvernement et de la majorité parlementaire pour redresser nos comptes publics. En 2018, le déficit des administrations publiques s'élève ainsi à 2,5 % du produit intérieur brut (PIB), alors qu'en loi de finances l'objectif était de 2,8 % ; c'est la première fois depuis dix ans que notre pays parvient à contenir son déficit public sous le seuil de 3 % du PIB. Autre motif de satisfaction et de fierté : un déficit de 2,5 % en 2018, qui intègre celui du système ferroviaire – la Cour des Comptes l'a évoqué ce matin. C'est la preuve que les engagements du Gouvernement ont été tenus, et même au-delà.
Si les engagements ont été tenus, c'est d'abord grâce aux chantiers de transformation de l'action publique qui nous ont permis de mieux maîtriser la dépense publique. En 2018, pour la première fois depuis des décennies, celle-ci a décru en volume. Le ratio des dépenses publiques hors crédits d'impôt rapportées au PIB est ainsi passé de 55 % à 54,4 %. Cela rend d'autant plus crédible l'objectif d'une baisse de 3 points de ce ratio d'ici à la fin du quinquennat, que se sont fixés le Président de la République et la majorité parlementaire.
S'agissant précisément du budget général de l'État, vous me permettrez d'ajouter que nous sommes parvenus à respecter nos objectifs en dépit de mauvaises nouvelles sur lesquelles le Gouvernement n'a pas de prise. Je pense ici à la charge de la dette ainsi qu'au prélèvement au profit de l'Union européenne qui, par le passé, permettaient à nos gouvernements – y compris le nôtre en 2017, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités – de tenir peu ou prou leurs objectifs grâce à de bonnes nouvelles sur ces deux postes de dépenses. L'an passé, malgré une révision à la hausse en cours d'année de la charge de la dette comme de notre contribution au budget européen, le Gouvernement a strictement tenu l'objectif de dépenses qu'il s'était fixé en loi de finances initiale sur les dépenses totales de l'État, soit 425,4 milliards d'euros. Ce résultat n'a pu être obtenu que grâce aux efforts déployés par le Gouvernement, singulièrement par mon cabinet et mes services, sur la dépense dite « pilotable ». De fait, le Gouvernement fait mieux encore que les prévisions formulées à l'occasion du projet de loi de finances rectificative soumis à votre Assemblée au mois de novembre dernier puisque la dépense est inférieure non pas de 600 millions d'euros à la cible fixée en loi de finances initiale mais bien de 1,4 milliard d'euros. Vos questions, mesdames et messieurs les députés, me permettront sans doute de détailler cette moindre consommation des crédits.
J'ajoute que cette maîtrise de la dépense publique ne se limite pas à la dépense de l'État, mais également à la sphère sociale, puisque l'objectif national de dépenses d'assurance maladie a été respecté pour la neuvième année consécutive, ce qui a permis le redéploiement de 300 millions d'euros en faveur de l'hôpital – cela a désendetté les hôpitaux publics. De la même manière, la contractualisation financière avec les plus grandes collectivités, dont beaucoup, ici, prétendaient qu'elle n'était pas constitutionnelle ni ne serait respectée, ce qui donnerait à la Commission européenne matière à reproches, a fonctionné, et même très bien, puisque les dépenses de fonctionnement de celles-ci ont diminué de 0,2 %, bien en deçà de l'objectif fixé par le pacte de Cahors et sans aucune baisse des dotations aux collectivités locales – cela change des méthodes des dernières années. Le Gouvernement aura d'ailleurs l'occasion de dresser le bilan de l'application des dispositifs de maîtrise des dépenses locales pour l'année 2018 avant le débat d'orientation des finances publiques tandis qu'un second bilan développera bien les résultats obtenus par catégorie de collectivités avant l'examen du projet de loi de finances pour l'année 2020.
Si nos engagements ont été tenus, c'est aussi grâce une budgétisation prudente, sincère et plus respectueuse de l'autorisation parlementaire que par le passé. L'année 2018 a ainsi fait l'objet d'une gestion budgétaire moins heurtée que les précédentes, avec un faible taux de mise en réserve des crédits – 3 % contre 8 % les années précédentes, 4 milliards d'euros au lieu de 10 milliards d'euros les années précédentes – et l'absence de décret d'avance en fin d'année. Je crois, monsieur le président de la commission des finances, que, depuis votre première élection à l'Assemblée nationale, vous n'avez pas connu une année budgétaire sans décret d'avance – cela inclut les années où vous étiez membre du Gouvernement... C'est bien la première fois que cela arrive : promesse a été tenue – et est toujours tenue à cette date de l'année 2019 – de ne pas présenter de décret d'avance. Je rappelle que je n'ai procédé au dégel d'aucun crédit, à l'exception de ceux de la Cour des comptes. Cela montre que nous nous en tenons à notre démarche de sincérisation et de responsabilité budgétaires.
Pourquoi pas de décrets d'avance ? Parce que, désormais, aidés par les rapports de la Cour des comptes, les rapports des parlementaires et les évaluations de nos propres services, nous mettons les crédits nécessaires en face des dépenses que nous savons certaines. Nous ne sous-budgétisons pas et nous demandons ce qui est nécessaire, à l'euro près – si tant est que ce soit possible pour des budgets si importants –, au fonctionnement du service public.
Ainsi, pour la première fois depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances, l'intégralité des ouvertures et des annulations sur le budget général a été décidée par le Parlement et uniquement par le Parlement, que ce soit dans le cadre du projet de loi de finances initiale ou dans celui du projet de loi de finances rectificative. De la même manière, je le répète, aucun dégel de crédit n'a été rendu nécessaire au cours de ce premier semestre.
J'ajoute, pour répondre à une interrogation que je sais bien légitime de votre commission et de votre président, avec qui j'ai évoqué l'erreur d'imputation des droits de mutations aux collectivités locales, que le plan d'action mis en oeuvre pour éviter que celle-ci ne se reproduise a permis de réduire, au 31 décembre 2018, le solde du « compte de tiers » en matière de droits de mutation au niveau constaté à la fin de l'année 2016, soit son niveau résiduel. La direction générale des finances publiques (DGFiP) a par ailleurs, à ma demande – à la suite, notamment, de l'interpellation de M. le président de la commission des finances –, fait évoluer son système d'information afin de disposer, à la fin de chaque semestre, d'un suivi quotidien du compte de tiers, qui est à la disposition de M. le président de la commission des finances, et de simplifier la liquidation des droits de mutation. Cette erreur ne pourra donc pas se reproduire.
J'en viens à présent aux recettes de l'État, dont vous conviendrez aussi qu'elles sont conformes à nos prévisions. Elles sont même supérieures de 8,8 milliards d'euros à ce que nous avions prévu en loi de finances, et ce malgré les grèves de la SNCF et le mouvement dit des « gilets jaunes ». J'y vois là le signe de la solidité de notre économie, puisque ce dynamisme s'explique pour moitié par l'impôt sur les sociétés et pour moitié par la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Je me tiens à votre disposition, mesdames et messieurs les députés, pour détailler cela recette par recette.
Enfin – et logiquement, compte tenu des bons résultats obtenus tant en dépenses qu'en recettes –, le déficit budgétaire de l'État s'établit à 76 milliards d'euros, en amélioration de 10 milliards d'euros par rapport à celui prévu par la loi de finances rectificative présentée au mois novembre dernier. Ce résultat doit notamment être mis en regard des efforts budgétaires majeurs auxquels le Gouvernement et la majorité parlementaire ont consenti. Je pense bien entendu à l'augmentation substantielle des crédits de la mission Défense, pour 1,7 milliard d'euros par an, conformément à la loi de programmation militaire, mais également aux fortes consommations de crédits liées à la transition écologique, notamment le chèque énergie et la prime à la conversion.
Concrètement, pour la première fois depuis plus de dix ans, nous avons réussi à la fois à baisser les prélèvements obligatoires, de 0,2 point de PIB, soit 4 milliards d'euros, à baisser les dépenses publiques, de 0,6 point de PIB, soit 12 milliards d'euros, à baisser le déficit public, de 0,3 point, soit 6 milliards d'euros, et à stabiliser notre endettement à 98,4 % du PIB. Cela signifie que le cercle vertueux consistant à baisser les dépenses pour réduire les impôts et les taxes qui pèsent sur les Français est enclenché, qu'il a fonctionné l'année dernière et qu'il doit fonctionner cette année et – je le dis notamment au rapporteur général – l'année prochaine, dans la construction de notre loi de finances pour l'année 2020. Vous me permettrez également de remarquer que la situation patrimoniale de l'État s'améliore nettement ; je sais que M. le rapporteur général s'intéresse à ces questions. Le résultat patrimonial atteint même son meilleur niveau depuis 2008 : – 51,9 milliards d'euros contre – 61,1 milliards en 2007, en raison notamment de l'augmentation de la valeur de l'actif immobilisé de l'État ainsi que de l'apurement de dettes contractées au cours des exercices précédents.
Ainsi, si je puis me permettre, monsieur le président, ces résultats sont en tous points contraires à ceux que vous annonciez à l'occasion de mon audition devant votre commission le 20 février dernier. Vous indiquiez en effet que les dépenses publiques « augmentent », que le déficit « stagne » et que la charge de la dette serait « en augmentation ». Les dépenses publiques en 2018 – la loi de règlement et la Cour des comptes l'évoquent – ont baissé, le déficit également et la dette est stabilisée ; la charge de la dette a même baissé. Certains se rappellent peut-être la discussion que j'avais eue avec M. Jacob dans l'hémicycle, à une heure assez tardive. Ils sont la preuve vivante que l'assainissement de nos comptes publics est une priorité du Gouvernement comme de la majorité, et je sais que c'est aussi votre priorité, monsieur le président. Il est sûr que ces premiers résultats sont très encourageants, mais le quinquennat n'est pas terminé et il nous faut continuer.
Les résultats obtenus en 2018 sont le fruit du sérieux budgétaire et d'une politique économique qui donne des résultats en matière de croissance et d'emplois, fondée sur la baisse des impôts, pour les consommateurs comme pour les entreprises. Nous devons capitaliser sur ceux-ci pour financer les baisses supplémentaires d'impôts annoncées par le Président de la République – notamment 5 milliards d'euros d'impôt sur le revenu –, dont les Français ont besoin, sans pour autant alourdir la charge de notre endettement, qui n'est autre qu'un impôt différé ; c'est notre préoccupation commune avec le ministre de l'économie et des finances. Ce cap, cette trajectoire sont l'expression d'une volonté que ce débat nous donne l'occasion de réaffirmer devant vous aujourd'hui. Nous allons constater les résultats de 2018 pour mieux préparer l'été budgétaire et la discussion, à l'automne, du projet de loi de finances pour 2020. Il est sûr que la baisse de la dépense publique est un effort quotidien ; je m'y emploie quotidiennement.
Merci beaucoup, monsieur le ministre, mais permettez-moi une réaction « à chaud ». Je confirme ce que j'avais dit : les déficits augmentent, les dépenses augmentent et la dette de l'État augmente.
En 2018, le déficit de l'État se creuse de 8,3 milliards d'euros ; son montant est supérieur de 12 % à ce qu'il était l'année précédente. Certes, objectivement, c'est mieux que ce que vous aviez prévu – vous aviez prévu à peu près deux fois plus –, mais c'est quand même moins bien que l'exécution précédente. C'est d'ailleurs assez conforme avec la trajectoire présentée dans le programme de stabilité, qui ne prévoit pas d'effort particulier concernant l'État ; l'effort porte sur les comptes des administrations de sécurité sociale et les collectivités locales, et compense l'augmentation du déficit de de l'État.
S'il y a une bonne nouvelle par rapport aux prévisions, elle est due à un « effet base » en 2017, à l'augmentation des recettes fiscales en 2017, aux droits de mutation – nous avions bien noté que ce qui avait causé une erreur avait été corrigé, dont acte, bravo à l'administration de l'avoir fait et à vous-même qui avez permis que ce soit fait rapidement – et à une progression spontanée plus rapide des recettes fiscales. Je note d'ailleurs une forme de sous-estimation, depuis deux ans, de l'élasticité de la recette à la croissance. À quoi est-ce dû ? Cela tient-il à la méthode de calcul ? Nous constatons une surréaction des recettes fiscales à la croissance. Tant mieux du point de vue des recettes mais il y va aussi des prévisions et de leur sincérité, à laquelle je vous sais attaché. Quant à la dette de l'État, elle augmente parce qu'il faut bien financer ce qui doit l'être.
Quant aux recettes fiscales, elles sont à peu près stables par rapport à 2017. D'un côté, nous constatons une progression spontanée des recettes. De l'autre, le Gouvernement, au fil du temps, a fait voter des baisses de fiscalité.
La dépense augmente de 2,6 milliards d'euros en 2018, essentiellement à cause des problèmes de personnel. La masse salariale représente 2 milliards d'euros, sur un total – compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions compris – de 130 milliards d'euros de dépenses de personnel. J'ai cru comprendre que le Président de la République abandonnait l'objectif d'une réduction de 120 000 du nombre de fonctionnaires. L'article 10 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prévoit tout de même une réduction de 50 000 de ce nombre pour le périmètre de l'État. Le Gouvernement le respectera-t-il ? La masse salariale est l'un des paramètres-clefs pour la maîtrise des dépenses publiques. Certes, celles-ci sont mieux maîtrisées que par le passé mais le problème est qu'il nous faut changer de rythme et aller beaucoup plus vite.
En réalité, la France est le mauvais élève de l'Europe, et, en France, l'État est plus mauvais élève que les collectivités territoriales et que la sécurité sociale – même si on peut s'interroger sur la sécurité sociale en 2019. L'État, ce sont 33 % de la dépense publique et 120 % du déficit. Il y a là quelque chose à faire, car c'est la clef de la résolution de cette question lancinante de nos finances publiques. Les recettes couvrent neuf mois de dépenses de l'État. Il faut agir autrement.
La Cour des comptes considère que la démarche de maîtrise des dépenses fiscales est en déshérence. Partagez-vous cette idée, monsieur le ministre ? Depuis le rapport rendu par l'Inspection générale des finances en 2011, peu de choses ont changé. Le sujet est cependant revenu sur le devant de l'actualité à la suite du grand débat national. Le Gouvernement a-t-il l'intention de renouer avec cette démarche ?
J'ai le sentiment que le Gouvernement « surfe » sur la dette, ce qui est assez dangereux. Les vagues peuvent rapidement emporter le surfeur. Vous semblez considérer que la charge de la dette est vouée à diminuer tranquillement grâce aux taux d'intérêt, mais il n'en est pas vraiment ainsi.
Selon que l'on est dans la majorité ou dans l'opposition, on peut trouver le verre à moitié plein ou à moitié vide, mais il est tout de même des faits qui ne plaident pas en faveur des trajectoires et du projet de loi de règlement que vous présentez.
Merci, monsieur le président, pour vos questions, très claires, auxquelles je peux répondre tout de suite. Je me doutais que, malgré les bonnes nouvelles et votre honnêteté intellectuelle, vous souhaiteriez, c'est bien normal, mettre l'accent sur les quelques points noirs que présente la peau d'un visage tout de même très nettoyé... Je vais continuer à essayer de vous convaincre, sans revenir sur le constat, car le projet de loi de règlement le montre très bien : le déficit baisse et la dépense publique aussi, même si nous partageons une même inquiétude à propos de la dette, nonobstant sa sincérisation avec la dette de la SNCF.
Je ne partage pas votre opinion selon laquelle l'augmentation de 6 milliards d'euros des dépenses de l'État est essentiellement due aux dépenses de personnel. Il y a déjà 1,7 milliard d'euros d'augmentation pour les armées. En fait, si nous considérons les augmentations de crédits arrêtées, il ne reste que moins de 1 milliard d'euros sur lesquels nous pouvons discuter. Vous dites que ce sont les dépenses de personnel. Vous avez raison de dire qu'en 2017 elles ont été très dynamiques. Je rappelle les mesures prises sous la présidence de M. Hollande, notamment l'augmentation du point d'indice, par deux fois, pour les collectivités locales et pour l'État, de 0,6 %, la mise en place du protocole « parcours professionnels, carrières, rémunération » (PPCR), l'absence de jour de carence. En 2018, nous avons, en loi de finances, fait tout le contraire, pour freiner la progression de la masse salariale : mise en place de ce jour de carence, report du PPCR et non-augmentation du point d'indice.
Quant à la réduction du nombre de fonctionnaires et à la discussion que peut susciter l'article 10 de la loi de programmation, cette programmation ne jouait pas pour 2018 et pour 2019. Chacun sait – pour avoir été ministre de la fonction publique et des comptes publics vous le savez – que si vous arrêtez de recruter des agents publics, en ne remplaçant pas un départ à la retraite sur cinq, cela ne joue pas pendant les premières années sur le plan budgétaire. On ne peut pas se séparer d'agents publics ; par nature, ils ont un statut. La question est plutôt celle de la masse salariale, dont l'augmentation est difficile à freiner. Chaque élu local voit très bien l'effet du glissement vieillesse technicité sur le budget de sa commune.
La question des 120 000 – 70 000 du côté des collectivités, 50 000 pour l'État – est une autre question. Nous parviendrons à l'objectif de 70 000 grâce à la contractualisation financière, sans baisse des dotations aux collectivités locales, voire avec des augmentations pour certaines d'entre elles. Quant aux 50 000, nous travaillons à documenter cela. Le Président de la République a dit qu'il ne voulait pas que ce soit un objectif en soi : ce doit être la conséquence de la transformation. Si nous parvenons aux 120 000 en 2023 plutôt qu'en 2022, parce que c'est alors que telle belle transformation d'une administration – j'y oeuvre dans mon ministère, mes collègues en font de même dans les leurs – aura été menée à son terme, il ne faut pas s'arc-bouter sur le chiffre de 120 000, mais c'est toujours l'objectif du Gouvernement. Le Premier ministre, après un travail avec le Gouvernement, produira une documentation et dira ce qu'il en est de la traduction budgétaire.
Vous disiez, monsieur le président, que le déficit de l'État représentait 120 % du déficit, et les dépenses de l'État 30 % de la dépense. Je ne partage pas cette opinion. L'État est très vertueux, depuis longtemps, même s'il doit continuer à faire des réformes et de continuer à limiter son train de vie. Vous l'avez dit vous-même, monsieur le président : 30 % des dépenses sont le fait de l'État ; 50 % sont le fait des administrations de sécurité sociale, du social en général ; 20 % sont le fait des collectivités locales. Cependant, l'État assume toutes les charges pour lui : il transfère 10 milliards d'euros de TVA à la sécurité sociale, il compense 16 milliards d'euros de dégrèvements d'impôts locaux aux collectivités ; il subit toutes les baisses d'impôts décidées – tandis que c'est la sécurité sociale qui a bénéficié des recettes supplémentaires de contribution sociale généralisée (CSG) engrangées en 2018.
L'État fait des efforts très importants, et les crédits augmentent en effet de 2,7 milliards d'euros en 2018, et de 2 à 5 milliards d'euros chaque année selon les gouvernements, tandis que les dépenses des administrations sociales augmentent de 10 à 12 milliards d'euros par an. Il faut donc comparer ce qui est comparable.
Je ne partage donc pas votre opinion selon laquelle l'État est un mauvais élève, monsieur le président. Il essaye d'être meilleur élève, et doit continuer à faire des efforts, bien sûr, mais, si le déficit du budget de l'État augmente, c'est que celui-ci prend à sa charge les baisses d'impôts, non seulement la baisse des impôts dont il perçoit les recettes mais aussi la baisse des prélèvements dont bénéficient d'autres.
Que dit la Cour des comptes ? Je n'ai pas eu l'occasion de lire ce qu'elle écrit in extenso, mais je partage en très grande partie ce qu'elle exprime.
Je me suis toujours dit que la France n'était pas vraiment un pays libéral. Le patronat n'est pas tout à fait libéral, et ceux qui se disent libéraux ne le sont pas tout à fait non plus, si j'en crois certains débats parlementaires.
Les crédits et réductions d'impôts, au profit des particuliers ou des entreprises, représentent à peu près 100 milliards d'euros, et il existe 474 niches fiscales. Elles ont toutes leur intérêt, elles ont toutes, comme dirait Brassens, leur petit mérite. Cependant, si nous supprimions l'intégralité des niches fiscales dont bénéficient les entreprises – hypothèse absurde, nous ne le ferons pas –, nous pourrions abaisser le taux de l'impôt sur les sociétés à moins de 15 %. Simplement, depuis très longtemps, nous faisons un peu, quels que soient les gouvernements, de l'« idéologie fiscale ». Voulant corriger des inégalités par la fiscalité, nous avons prélevé des impôts très élevés, et, comme ils étaient peu acceptables, pour les entreprises comme pour les particuliers, nous avons multiplié les niches – comme s'il fallait faire des trous dans un gruyère trop dense. Et que voyons-nous maintenant ? Il faut continuer à supprimer des impôts mais on veut garder les niches. Comme dirait Coluche, on veut moins de gruyère, tout en gardant les trous. Cela a constitué une large part de nos discussions lors de la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Rappelez-vous : vous étiez nombreux à vouloir conserver les réductions d'impôts pour l'investissement dans les petites et moyennes entreprises (PME), le dispositif dit ISF-PME, parfois même des membres de la majorité !
Ce débat à propos des niches fiscales ne tient pas qu'à des questions de lisibilité, de manque de clarté, à des errements – mais je laisse les magistrats de la Cour des comptes faire leurs remarques. Les niches signifient – c'est un choix politique – que nous considérons que les acteurs économiques ne sont pas assez libres pour faire eux-mêmes leurs choix d'investissement ou de consommation puisque nous partons du principe qu'il faut les orienter. Peut-être le faut-il, et c'est une discussion économique très intéressante, peut-être l'homme économique n'est-il pas libre et ne prend-il pas de bonnes décisions. Avec 100 milliards d'euros, nous n'en arrivons pas moins à un montant très important, supérieur au produit de l'impôt sur le revenu, qui est de 73 milliards d'euros. Cela pose des questions... Je suis un peu seul à penser ainsi, monsieur le président, il faut bien l'avouer, mais je l'ai toujours pensé avec constance – et avec Joël Giraud... Même si les niches fiscales ont leur intérêt, elles ne sont malheureusement que la conséquence d'un impôt très élevé. Si nous baissons très fortement l'impôt, des niches méritent d'être réduites, voire supprimées – puisque vous m'interrogez personnellement, je vous réponds.
Quant à la charge de la dette, j'ai eu un échange très vif avec le président du groupe auquel vous appartenez, monsieur le président de la commission des finances. Il m'a traité de menteur dans l'hémicycle, alors qu'il s'était manifestement trompé. Ce n'est pas très grave, cela peut arriver. Ce qui m'a plus choqué, c'est qu'une fois que je le lui ai démontré, il ne s'est pas excusé, mais c'est un autre problème...
Effectivement, la charge de la dette diminue, parce que les taux d'intérêt ne sont pas ce que nous attendions. Nous le constatons. La dette s'est stabilisée, la Cour des comptes le dit, nous regrettons évidemment qu'elle ne diminue pas et qu'elle soit beaucoup trop élevée. La baisse de la charge de la dette doit-elle nous empêcher de faire des efforts ? Je ne le pense pas. Selon certaines tribunes très intéressantes que j'ai lues, il faudrait profiter de la faiblesse des taux pour continuer à emprunter et dépenser. Tout d'abord, cela n'est que très provisoire et, à chaque fois, cela veut dire s'endetter pour sept ou huit ans, risquer de porter la dette à un niveau insupportable, exposer le gouvernement qui nous succédera ou le suivant au risque de devoir augmenter les impôts et étrangler notre économie. Je remarque que la charge de la dette baisse. C'est le fait, d'une part, de la politique monétaire menée en Europe et ailleurs et, d'autre part, de l'action des fonctionnaires de l'Agence France Trésor et de Bercy, qui travaillent très bien – saluons leur action. Cette situation ne doit pas nous empêcher de voir le problème. Il faut profiter de cette charge de la dette en baisse non pour augmenter de nouveau notre dette mais pour faire des efforts sur nos dépenses et, pour les générations futures, rembourser notre dette.
Nous n'avons pas le temps d'un débat, monsieur le ministre. J'ai bien entendu que l'État, avec 30 % de la dépense et 120 % du déficit, était une sorte de lieu de convergence de dépenses et de recettes, mais c'est le choix politique de l'État, non celui des autres administrations publiques. Quant à la dette, si les taux sont très faibles, elle n'en est pas moins élevée, et vous avez raison de considérer qu'il faut être extrêmement prudent.
Nous avons effectivement, monsieur le ministre, un certain nombre de motifs de satisfaction.
Le déficit est très nettement inférieur à la prévision de la loi de finances, qu'il s'agisse du solde des administrations publiques en général ou du déficit de l'État. Nous pouvons quand même nous en satisfaire. Les comptes publics se rétablissent progressivement, comme l'a rappelé dans son avis le Haut Conseil des finances publiques. Le déficit structurel se situe à un niveau conforme à celui prévu en loi de programmation des finances publiques. Si cette tendance se poursuit, le projet de loi de finances pour l'année 2020 sera le meilleur en termes de solde public depuis plus de vingt ans. Ce sont là des éléments qui me semblent relativement objectifs, au-delà des querelles que la notion de déficit et ses interprétations peuvent susciter.
Je note aussi une amélioration en matière de sincérité budgétaire, conformément à nos souhaits initiaux. La Cour des comptes avait eu des mots très durs sur les « éléments d'insincérité » de l'exercice 2017 – dans le langage de la Cour, c'est un jugement extrêmement peu amène. Aujourd'hui, les objectifs de dépenses ont été respectés, il n'y a pas eu de décret d'avance en cours d'année, les mises en réserve de crédits ont été abaissées de 8 % à 3 %. En tant que rapporteur général, je ne peux que me féliciter qu'on ait mis fin à un certain nombre de pratiques et que l'on soit passé à celles qui ont actuellement cours.
Depuis que je suis rapporteur général, je souligne dans mes rapports que l'État porte l'essentiel du déficit public. C'est encore plus net cette année, effectivement, puisque le déficit de l'État est désormais supérieur au déficit public. Cela résulte du fait qu'il supporte seul, pour l'essentiel, les baisses de prélèvements obligatoires. Ne serait-il pas judicieux de revoir la répartition des prélèvements obligatoires entre l'État et les autres catégories d'administrations publiques ? Vous avez en particulier cité tout à l'heure, monsieur le ministre, la sécurité sociale. Pouvez-vous nous indiquer quelle proportion du déficit de l'État est due aux dégrèvements d'impôts locaux et aux compensations versées aux organismes de sécurité sociale en contrepartie des allégements de cotisations ? Cela nous permettrait de mieux appréhender ces deux notions de déficit public et de déficit de l'État.
Dans un autre registre, vous avez cité tout à l'heure la problématique des droits de mutation, avec l'erreur d'imputation des droits encaissés en 2017 et comptabilisés en 2018. J'aimerais connaître précisément le rendement des droits de succession et des droits de donation corrigés de cette erreur. Et sera-t-il possible, au cours des prochaines années, d'intégrer ces informations dans le tableau de synthèse présenté dans l'exposé général des motifs du projet de loi ? Il me semble que le rendement cumulé des droits de succession et de donation est désormais supérieur à celui de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques affectée à l'État ; l'enjeu est donc important.
Quant aux dépenses, les objectifs ont été tenus, les normes de dépense de l'État ont été respectées. C'est un motif de satisfaction, mais il reste toujours des marges de progrès, soit en termes de budgétisation des dépenses de l'État, soit dans la gestion des crédits qui sont mis en réserve à titre de précaution. Je pense par exemple à la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles. Il me semble qu'elle pourrait être d'un montant plus élevé. À la lumière de votre premier exercice budgétaire complet, quelles pistes d'amélioration de la gestion des dépenses de l'État identifiez-vous ?
Monsieur le ministre, vous êtes déjà venu nous parler des résultats de l'exercice 2018 il y a trois mois. Aujourd'hui, le leitmotiv est le même : sérieux et sincérité budgétaire caractérisent votre gestion du budget de l'État, même si, selon que l'on appartient à la majorité ou à l'opposition, on pourra retenir des termes différents – avec plus ou moins de sincérité, c'est le cas de le dire.
Les efforts dans l'exécution des dépenses transparaissent clairement dans les documents que vous nous avez transmis. Vous avez évoqué le déficit budgétaire, moindre que prévu, même si nous avons bien noté les remarques de M. le président à propos de l'évolution entre 2017 et 2018. Cette loi de règlement illustre également les politiques fortes que nous menons, qu'il s'agisse de l'accompagnement de la transition écologique, avec des crédits en hausse de 18 %, le chèque énergie et la prime à la conversion, du transport, avec une augmentation des investissements pour les routes, ou encore de l'emploi et du logement, avec des réformes structurelles majeures dès le début du quinquennat.
Dans la perspective du printemps de l'évaluation, quel bilan faites-vous des efforts de pilotage budgétaire fournis depuis 2018 ? Avez-vous identifié, de ce point de vue, des améliorations pour certaines missions ? D'autres justifient-elles encore des efforts majeurs ? Le CAS Transition énergétique inspire souvent des critiques à la Cour des comptes – ce fut notamment le cas dans le rapport qu'elle a adressé à la commission des finances du Sénat en 2018. De même, la Cour critique sévèrement le recours aux fonds sans personnalité juridique. Comment y répondez-vous ? Faut-il imaginer une rebudgétisation de ces fonds ? Le cas échéant, sous quelle forme ? Pouvez-vous éclairer la commission des finances pour qu'elle y réfléchisse avec vous ?
Il me paraît intéressant de resituer la France dans la zone euro. De 2017 à 2018, dette et déficit publics se sont réduits dans la zone euro. S'élevant à 87,1 % du PIB à la fin de l'année 2017, la dette a été ramenée à 85,1 %, le déficit de 1 % à 0,5 % du PIB.
Force est de constater que la France est un mauvais élève. Elle compte parmi les quatorze États dont la dette est supérieure à 60 % du PIB – le ratio autorisé par les traités ; atteignant 98,4 % du PIB, la dette française pèse lourd.
Quant aux prélèvements obligatoires, dont vous évoquez la baisse en 2018, ils avaient considérablement augmenté en 2017. De ce point de vue, la France se hissait, selon Eurostat et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), sur les premières marches du podium. Par ailleurs, selon le programme de stabilité, les prélèvements obligatoires seront encore de 44,8 % du PIB en 2022. En valeur absolue, ils auront augmenté de plus de 110 milliards d'euros.
Alors que la croissance du PIB va retomber à 1,4 %, nous ne pouvons que regretter que les années où elle était plus forte, atteignant 1,7 %, n'aient pas été mises à profit pour fournir les efforts nécessaires et réduire des dépenses publiques excessives.
Ma question portera sur le mouvement des « gilets jaunes ». Comment évaluez-vous son impact sur les recettes de l'État ?
En effet, monsieur le ministre, nous pouvons être satisfaits de l'évolution des finances de l'État au cours de l'année écoulée. C'est la résistance de la croissance française à un ralentissement international assez préoccupant qui a permis de contenir le déficit public dans certaines limites. Nous « tenons le coup » !
Ce qui me frappe, c'est que cette résistance est due à ce qu'on appelle parfois une politique de l'offre. Pour ma part, j'appellerai cela une dynamique de caractère barriste.
L'investissement des entreprises, favorisé notamment par une situation financière très favorable, est soutenu. La consommation des ménages, pour sa part, s'est plutôt tassée ; cela pose des problèmes sociaux, mais c'est quand même intéressant d'un point de vue économique. L'amélioration des exportations a été une composante essentielle, alors que les politiques de relance tendent plutôt à accentuer le déficit commercial. Vous avez rappelé nos beaux succès, pour ce qui est des matériels de transport – les commandes d'avions et, je suppose, d'armement – et des produits agricoles. Nous nous trouvons vraiment dans une configuration vertueuse.
Cependant, n'avons-nous pas changé de logiciel depuis quelques mois ? Ne sommes-nous pas, certes partiellement – je vois très bien les éléments de continuité que maintient le Président de la République –, passés d'un logiciel barriste à un logiciel keynésien ? Je me demande par conséquent dans quelle configuration nous nous trouverons demain. La réduction du déficit risque d'être remise en cause, et la balance commerciale dégradée. En cette année vertueuse, n'avez-vous pas, monsieur le ministre, entamé le chant du cygne de la politique de l'offre ? J'espère que vous me répondrez : « Non ! »...
Quant aux niches fiscales, il faut faire une distinction très importante entre celles attachées à l'impôt sur le revenu et les autres. Proportionnelles à l'impôt acquitté, les niches fiscales de l'impôt sur le revenu ne bénéficient pas également à tous leurs bénéficiaires. D'autre part, à moins que l'on ne recoure aux crédits d'impôt – une usine à gaz –, ceux qui ne paient pas l'impôt sur le revenu en sont tous exclus.
En revanche, certaines niches fiscales de l'impôt sur les sociétés doivent être « sacrées » – je le dis parce que je ne suis pas tout à fait d'accord avec le rapporteur général. Le crédit d'impôt recherche (CIR) est l'élément central d'une politique industrielle. L'outil de la politique industrielle d'avenir, c'est le CIR. Je crois qu'il nous faut bien méditer les différences de nature entre crédits d'impôt.
Nous n'allons pas revenir sur toute la politique économique et budgétaire du Gouvernement car l'objectif d'une loi de règlement est de savoir si la loi de finances a été correctement exécutée ou non.
Je m'attacherai d'abord aux emplois. Par rapport au plafond annoncé, nous constatons à la page 54 de votre exposé général que 26 000 postes n'ont pas été pourvus. Pour moitié, il s'agit de postes de l'éducation nationale, le reste se répartissant entre la justice, la police et la gendarmerie. Pouvez-vous nous en dire plus car les effectifs concernés sont importants ?
Autre point qui m'inquiète : vous avez annulé pour près de 7 milliards d'autorisations d'engagement comme nous le montre la page 82. Pour la mission Défense, ces annulations portent sur 1,2 milliard d'euros – vous pouvez donc difficilement dire que vous augmentez ce budget –, pour la mission Sécurités, sur 79 millions d'euros et sur 72 millions pour la mission Outre-mer, laquelle subit une annulation du même montant de ses crédits. N'y a-t-il pas une certaine hypocrisie à mettre en avant le fait que vous n'avez pas eu recours aux décrets d'avance quand vous procédez à une série d'annulations d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement, détaillés de la page 80 à la page 86, dans des proportions supérieures à celles des années précédentes ? N'est-ce pas une forme de pilotage caché qui permettrait de couper des dépenses sans le dire ?
Par ailleurs, le déficit de l'État augmente. Vous avez raison de souligner que l'État procède à de nombreuses compensations au profit de la sécurité sociale et des collectivités locales. Précisons toutefois que vous avez fait voter à votre majorité le fait que les nouveaux allégements de cotisations sociales ne seraient plus compensés par l'État à la sécurité sociale, ce qui entraînera une dégradation de ses soldes. Il importe de noter également que vous avez été aidés par les taux d'intérêt qui expliquent la majeure partie de la baisse du déficit public par rapport à vos prévisions initiales, à mettre en regard avec l'apparition de hausses ici et là.
Avec cette loi de règlement, nous disposons du premier bilan d'une année pleine et entière à imputer à l'action de votre gouvernement puisque l'année 2017 était partagée entre deux quinquennats. La lecture de l'exposé général pourrait laisser croire que 2018 a été une grande année pour la France, ce dont les Français, apparemment, ne se sont pas vraiment rendu compte. Les titres des différentes parties, pleins d'autosatisfaction, montrent qu'au moins, le Gouvernement est content de lui-même.
Nous avons des désaccords avec la plupart des groupes sur la politique que mène la majorité et j'aimerais croire que nous assistons à un chant du cygne de la politique de l'offre, compte tenu de ce qu'elle a coûté à notre pays et aux différents pays européens.
Votre petite musique, depuis le lancement du Grand débat, est qu'une baisse des dépenses publiques et des impôts est nécessaire. Le fait est qu'en 2018, il y a bien eu une baisse des dépenses publiques, de 1,8 %, si l'on tient compte de l'inflation et de l'augmentation de 0,3 % de la population entre 2017 et 2018. Nous contestons cette orientation car nous ne cessons de rappeler que les dépenses publiques non seulement sont utiles mais constituent des recettes pour le produit intérieur brut. Elles permettent de passer des caps difficiles quand l'économie de marché est atteinte par une crise. Or le revirement économique que l'on constate au niveau international nous laisse craindre la survenue d'une nouvelle crise. En outre, cette baisse a des impacts durables. Je ne sais pas si mes collègues le savent mais en dix ans, le ministère de l'écologie, qui devrait être sanctuarisé, compte tenu de l'importance de la transition écologique, a enregistré une baisse de ses effectifs de 24 000 personnes.
Dans le même temps, le déficit budgétaire a augmenté. Cette hausse est due à une baisse des prélèvements obligatoires, qui a bénéficié aux plus favorisés de nos concitoyens : suppression de l'ISF, création de l'impôt sur la fortune immobilière, instauration de la flat tax qui a coûté 300 millions d'euros de plus que prévu du fait de l'effet d'aubaine du transfert de revenus – honoraires, salaires – sur les dividendes, augmentation de 3,5 milliards d'euros du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, diminution du taux de l'impôt sur les sociétés et suppression de la taxe à 3 % sur les dividendes. Cette politique de baisse de recettes au profit des plus riches affaiblit l'État.
L'une des preuves qu'elle ne fonctionne pas est la diminution de la charge de la dette. Elle est liée à la baisse des taux d'intérêt mais aussi au fait que le mouvement des « gilets jaunes » vous a obligés à mettre 10 milliards de plus dans la consommation populaire – sous des formes que nous contestons –, ce qui explique les bons résultats de la France au premier trimestre 2019 par rapport à ses voisins européens. Cela montre que l'on peut faire une politique de relance de la consommation populaire sans que la charge de la dette en soit alourdie.
Monsieur le ministre, avec ce projet de loi de règlement et ce bel exercice d'autosatisfaction, nous soldons aujourd'hui définitivement le premier budget de ce quinquennat, ce funeste budget qui aura mis le feu aux poudres, organisant un transfert inédit de richesses de ceux qui avaient déjà peu vers ceux qui avaient déjà beaucoup.
En réalité, la seule question qui compte est la suivante : ce budget a-t-il permis d'améliorer la vie de la grande majorité des Français ? La réponse est malheureusement « non ».
La suppression de l'ISF a été le péché originel de ce quinquennat. Avec le Grand débat, vous disposiez d'une occasion de plus de tirer enfin les leçons de cette erreur politique. Nos concitoyens vous ont demandé plus de justice sociale et fiscale mais vous vous obstinez à rester sourds à ces attentes légitimes, défendant la suppression de l'ISF, tel un totem, et préférant à une baisse globale de la CSG ou de la TVA une baisse de l'impôt sur le revenu aux contours pour l'instant extrêmement flous. Qui en bénéficiera ? Les plus aisés, ceux qui sont imposés au taux marginal mais pour tous ceux qui ne s'acquittent pas de l'impôt sur le revenu, que prévoyez-vous ? A priori, rien et c'est bien ce qui nous inquiète, monsieur le ministre.
Mes questions visent à connaître le coût de vos mesures fiscales. À combien se chiffrent la suppression de l'ISF pour l'année 2018 et la mise en place de la fiscalité à taux unique sur les revenus du capital ? Dans la perspective du Printemps de l'évaluation, pourriez-vous nous indiquer le nombre de bénéficiaires de ces deux mesures, leurs profils ainsi que le gain fiscal obtenu ?
Monsieur le ministre, il y a deux points positifs dans cette loi de règlement.
Premièrement, vous avez tenu l'enveloppe des dépenses dans le cadre des autorisations budgétaires. Simplement, nous pouvons nous inquiéter de l'évolution des dépenses de personnel. Les effectifs de 2018 sont en effet exactement égaux à ceux de 2017 alors que la masse salariale augmente de 2 %. Il y a donc un problème puisque vous vous êtes fixé un objectif de réduction des effectifs de l'État de 50 000 sur cinq ans.
Deuxièmement, vous avez reçu 8,8 milliards d'euros de recettes supplémentaires – un petit peu moins si on retire le 1,4 milliard correspondant aux droits de mutation. Cela vous tombe du ciel : on ne peut pas dire que ce soit le résultat de votre action, c'est plutôt le fruit d'une conjoncture internationale favorable. Mais tant mieux car l'augmentation du déficit aurait été plus importante que les 78 milliards que nous constatons – j'ajoute les 2,8 milliards liés au rattachement erroné des droits de mutation.
Les recettes fiscales ont connu une baisse de 13,5 milliards mais elles ont aussi été augmentées de 5 milliards, du fait notamment de la fiscalité énergétique et de la TVA, ce qui fixe le solde à 8,5 milliards. En l'absence de mesures fiscales, nous aurions tout juste maintenu le déficit du budget de l'État puisque son augmentation est de 8,3 milliards.
La Cour des comptes – je partage son sentiment et j'aimerais avoir le vôtre – dit que « l'État n'est pas à même de réduire ses propres dépenses à due concurrence des baisses de prélèvements opérées sur l'ensemble des administrations publiques ». Le problème est en effet que vous n'avez pas le courage de réduire la dépense pour diminuer la recette. La loi de règlement le montre une nouvelle fois.
Quant aux dépenses fiscales, elles ont augmenté pour 6,7 % pour s'établir à 100,2 milliards, soit une progression de 6,8 milliards d'euros. La Cour des comptes, dont je partage encore le diagnostic, estime que « les dispositifs de plafonnement des dépenses fiscales sont aujourd'hui inopérants » – ne faudrait-il pas les durcir, monsieur le ministre ? – et conclut que « l'action menée pour évaluer et réduire les conséquences des dépenses fiscales doit être relancée ».
Dernier point : la Cour des comptes dénonce l'abandon des grands principes d'unité et d'universalité budgétaires et de non-affectation des recettes aux dépenses. Êtes-vous favorable à la solution qu'elle préconise, à savoir la rebudgétisation du Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII) ? Plus largement, comptez-vous effectuer une revue de l'ensemble des fonds sans personnalité juridique contrôlés par l'État ?
J'aimerais revenir sur la sous-exécution des crédits tant en autorisations d'engagements qu'en crédits de paiement. Ma double question, qui porte sur le fond et la forme, fera écho aux interrogations de ma collègue Bénédicte Peyrol.
Le Printemps de l'évaluation arrive et j'aimerais avoir votre avis, monsieur le ministre, sur la pertinence qu'il y a à proposer des ajustements de la dépense en volume pour la prochaine autorisation parlementaire, celle de l'année n +1, autrement dit le projet de loi de finances pour 2020. Verriez-vous d'un oeil favorable une proposition de résolution ou un autre texte allant en ce sens ?
Comme vous le savez, avec le rapporteur général et le président Woerth, nous menons une mission d'information sur la loi organique relative aux lois de finances et la sous-exécution est un motif d'interrogation. Vous paraît-il souhaitable d'envisager une plus grande souplesse de la gestion infra-annuelle des enveloppes de crédits avec pour contrepartie un contrôle plus aigu exercé par la commission des finances ? Pensez-vous qu'il en résulterait un meilleur pilotage ?
Monsieur le ministre, qu'il y ait eu une amélioration de 9,7 milliards d'euros, nous pouvons vous le concéder. Toutefois, le fait qu'il y ait eu 8,8 milliards de recettes supplémentaires atténue nettement cet effet d'annonce.
En 2018, le déficit budgétaire est de 76 milliards d'euros alors qu'en 2017, il était de 67,7 milliards d'euros : je n'appelle pas cela une amélioration d'autant qu'il y a eu ces recettes supplémentaires et que la dette a augmenté de façon inquiétante.
J'aimerais avoir une précision. À la page 19, dans le tableau intitulé « Bilan 2018 », on note une très forte progression des immobilisations incorporelles et corporelles ainsi que des immobilisations financières, qui représente près de 28 milliards d'euros au total. Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet ? Cette évolution a son importance car elle explique que le solde net entre l'actif et le passif s'améliore alors même que la dette et les intérêts continuent d'augmenter.
Je reviendrai d'abord sur la masse salariale. Il y a eu une diminution globale des effectifs, légère, de l'ordre de 1 000 postes, avec des suppressions pour certains ministères et des créations pour d'autres. Il y a quelques mois, je vous avais demandé si vous disposiez d'une ventilation par département de ces évolutions sur plusieurs années et votre cabinet m'avait répondu que les informations n'étaient pas disponibles. Pourriez-vous nous les fournir pour la seule année 2018 ?
S'agissant des collectivités, je remarque que la mission Relations avec les collectivités territoriales subit 131 millions d'euros d'annulations en autorisations d'engagement et 103 millions en crédits de paiement. Cela me choque car, en fin d'année, lorsque les collectivités font des demandes de versements de crédits au titre, par exemple, de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), les préfectures n'ont plus d'argent car il n'y a plus de délégations de crédits. Vous ne pouvez prétendre que les annulations sont justifiées par des non-consommations de crédits.
Enfin, j'aimerais avoir des précisions sur le FII, censé être financé par la privatisation d'Aéroports de Paris. La Cour des comptes évoque dans son rapport une « mécanique budgétaire complexe et injustifiée ». Elle suggère de prévoir une ligne budgétaire de 250 millions d'euros qui serait affectée à l'innovation, solution même qu'avait préconisée la présidente de notre groupe lors du débat sur la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises.
Depuis 2017, le Gouvernement et la majorité ont voulu renforcer l'évaluation des dispositifs fiscaux afin d'en apprécier l'efficacité. La commission des finances a d'ailleurs fait sien cet objectif en mettant en place le Printemps de l'évaluation.
C'est dans cette optique qu'avec ma collègue Olivia Gregoire, nous portons une attention particulière aux dépenses fiscales relevant de notre rapport spécial relatif à la mission Économie. La note sur l'exécution budgétaire de la Cour des comptes souligne que sur les soixante-dix-sept dépenses fiscales de cette mission, qui représentent plus de 28 milliards d'euros en 2018, vingt-sept ne sont pas évaluées, soit un tiers d'entre elles. L'exécution des crédits de cette mission suscite par ailleurs des interrogations puisque l'écart entre la prévision et l'exécution est de 7 % alors qu'il est de 0,4 % pour les 500 mesures fiscales de la loi de finances initiale de 2018.
Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre sentiment à ce sujet et savoir quels outils vous allez mettre en place pour opérer une évaluation plus performante des dépenses fiscales.
En octobre 2018, vous avez annoncé que le Gouvernement allait supprimer la CSG sur les revenus du capital des contribuables affiliés à un régime de sécurité sociale de l'Union européenne. À compter de 2020, le barème progressif s'appliquera automatiquement aux revenus français de ces non-résidents. C'est une première victoire pour les Français résidant à l'étranger. Cependant, les Français résidant hors de l'Union européenne ne sont pas concernés par cette exonération.
Après une vingtaine de réunions organisées dans le cadre du Grand débat, je peux vous dire que c'est un sujet sur lequel les participants sont revenus de manière récurrente. Dans ma circonscription, qui se trouve en dehors de l'Union européenne, nos concitoyens ne comprennent pas pourquoi ils doivent payer cet impôt qu'ils estiment injuste puisqu'ils ne bénéficient pas de la protection sociale française. Pensez-vous revenir sur cette injustice ?
Monsieur le ministre, comme cela fait longtemps que nous n'avons pas évoqué avec vous la question du prélèvement à la source – je sens que cela vous manque... Permettez-moi donc de vous poser une question sur cette réforme majeure qui recueille l'adhésion d'une très grande majorité de contribuables et qui s'est remarquablement bien passée. Avez-vous eu un retour d'expérience sur les moyens humains mobilisés, notamment à la DGFiP ? À combien évaluez-vous les économies générées ?
En 2018, les documents prévisionnels de gestion de la mission Enseignement scolaire ont établi dès le début de l'année qu'il serait nécessaire de dégeler l'intégralité de la réserve de précaution du titre 2 pour couvrir les besoins pourtant clairement identifiés avant même le vote de la loi de finances initiale. Il y a là un problème récurrent de pilotage de la masse salariale dont l'ensemble des acteurs a pourtant pleinement conscience. Comme l'année dernière, des crédits supplémentaires ont été ouverts en loi de finances rectificative pour pouvoir financer les payes de décembre.
Cela signifie concrètement que l'année où il y aurait un aléa qui exigerait une forte solidarité interministérielle en cours d'exercice, comme l'engagement des troupes françaises sur de nouveaux théâtres d'opérations, nos 881 000 enseignants se verraient amputer d'environ deux jours de rémunération sur leur paye de décembre. Les payes des enseignants, dont la rémunération est déjà inférieure à la moyenne des pays de l'OCDE, ne sauraient constituer une variable d'ajustement alors que l'heure est à la valorisation et à la reconnaissance de la profession. Se pose donc la question de la correcte budgétisation des besoins de l'enseignement scolaire lors de la préparation du projet de loi de finances (PLF).
Monsieur le ministre, je souhaite vivement qu'une attention particulière soit portée à la mission Enseignement scolaire lors de la préparation du prochain PLF afin que les dépenses de personnel récurrentes clairement identifiées et anticipées par le ministère de l'éducation nationale soient budgétées avec exactitude.
Permettez-moi également, monsieur le ministre, sous l'aimable pression de mes collègues, de vous féliciter pour le titre de champion de France de bandas remporté par Tourcoing ce week-end.
J'aimerais ajouter une question à laquelle vous répondrez peut-être une autre fois, monsieur le ministre : comment ont été consommés les crédits du Fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP) ? Quelles économies peut-on en attendre ?
Monsieur le président, j'espère pouvoir répondre à toutes les questions qui m'ont été posées. Si ce n'est pas le cas, j'apporterai des compléments par écrit.
Monsieur le rapporteur général, je vous remercie de vos encouragements. Nous les copartageons.
Le montant global des recettes liées aux successions et donations s'élève à 16,2 milliards d'euros. L'erreur d'imputation – autrement dit, les sommes perdus dans les tuyaux de la DGFiP – représente, quant à elle, 1,4 milliard d'euros. Il reste 200 millions d'euros sur le compte, qui correspondent, si j'ose dire, au frictionnel de fin d'année.
Nous intégrerons pour la prochaine fois les informations que vous nous demandez dans le tableau de synthèse afin que vous puissiez exercer au mieux votre contrôle.
S'agissant des pistes d'amélioration possibles dans la gestion des crédits de l'État, j'en vois plusieurs. Permettez-moi toutefois d'insister sur les difficultés que rencontre en ce moment le ministre des comptes publics sur les dépenses du titre 2 de certains ministères, plus particulièrement celles de l'éducation nationale et de l'intérieur qui sont chroniquement en augmentation malgré un effort important de « sincérisation ». Depuis notre arrivée, nous avons dû mettre 2 milliards de plus pour le ministère de l'éducation nationale et 600 millions de plus pour le ministère de l'intérieur et nous avons encore des discussions avec les ministres concernés. Cela montre qu'il existe des difficultés manifestes de suivi de ces dépenses. Nous avons pris des mesures en conséquence et avons décidé notamment de changer les directeurs en charge de ces sujets. L'Assemblée nationale pourrait s'intéresser utilement aux mauvais calculs de ces masses salariales qui démontrent un défaut d'organisation des ministères, d'autant que ces dérives sont ensuite financées sur le budget général parce qu'il faut bien trouver de l'argent pour payer les professeurs ou les policiers. Reste la solution de jouer sur les concours, qui est sans doute la façon la moins intelligente de piloter une masse salariale. Ces dépenses du titre 2 sont l'enjeu le plus important pour le ministre des comptes publics dans son travail de sincérisation, même s'il y a aussi le financement des opérations extérieures.
Des nombreux sujets évoqués par Mme Peyrol, je retiendrai plus particulièrement la rebudgétisation des fonds sans personnalité juridique. Vous connaissez mon avis sur les niches fiscales tant des particuliers que des entreprises et je vais être tout aussi clair au sujet des affectations : leur multiplication est une mauvaise chose tout comme la multiplication des agences, qui introduit de la complexité dans le suivi des finances publiques. Je constate toutefois qu'en la matière, il y a beaucoup de croyants et peu de pratiquants puisque chaque nouvel impôt appelle un débat sur son affectation. Ces dernières semaines, nous avons eu des discussions sur l'écologie qui me paraissent contradictoires avec ce que vous prônez. Vous êtes parfois les premiers à demander des affectations parce que l'impôt a une dimension manifestement pédagogique. Toutefois, si l'on affecte ce qui relève de l'écologie à l'écologie, de la culture à la culture, du sport au sport, il n'y aura plus d'argent pour faire face aux dépenses de l'éducation nationale, de l'armée ou de l'intérieur. Je ne crois pas que l'écologie gagnerait à cette logique des affectations.
Certains demandent une compensation pour le CAS Radars du fait qu'il y a eu moins d'amendes à cause des dégradations de radars. La logique de l'affectation consisteraitelle à réclamer la liberté quand il y a de d'argent et à demander une compensation de l'État quand il n'y en a plus ? De manière générale, je suis très défavorable aux affectations, même si l'on peut comprendre qu'il y ait ici ou là une ou deux exceptions. J'aimerais que le Parlement puisse nous aider, quel que soit le bord politique des députés.
S'agissant du FII, je lirai avec intérêt le rapport de la Cour des comptes. Je soulignerai toutefois qu'il a une spécificité par rapport aux autres fonds : placé auprès du Trésor, il est intégré dans les comptes publics et donc dans le calcul du déficit et de la dette, ce qui est une vertu – mais je ne sais pas si la Cour des comptes l'a prise en compte.
Je ne vais toutefois pas me contredire : je suis opposé à toute logique qui irait à l'encontre des principes d'unité et d'universalité du budget, ne serait-ce que parce que, mesdames, messieurs les députés, vous devez pouvoir le contrôler. La loi de programmation des finances publiques prévoit d'ailleurs la fin d'une partie des affectations et je vous encourage, madame Peyrol, à conforter ce processus en contraignant le Gouvernement à les limiter.
Madame Louwagie, je sais qu'une mission d'information de votre assemblée a été mise en place pour évaluer la répercussion du mouvement des « gilets jaunes » sur l'économie française. D'après les informations dont je dispose, je peux vous dire que nous estimons son incidence à 0,2 point de PIB, soit 4 milliards d'euros. Le chômage partiel de 70 000 personnes a engendré 38 millions d'euros de coût pour l'assurance chômage et les frais pour les assurances sont évalués à plus de 200 millions d'euros. En outre, on peut imaginer que nos recettes auraient été plus importantes s'il n'y avait pas eu ce mouvement à la fin de l'année dernière.
M. Bourlanges s'est interrogé sur l'avenir de la politique de l'offre. Il a comparé Édouard Philippe à Raymond Barre – je pense que c'était d'un point de vue intellectuel et non pas physique... – et il s'est demandé si nous ne devenions pas keynésiens.
Le Président de la République a annoncé des mesures à hauteur de 17 milliards d'euros. Cela représente en dépenses supplémentaires pour le budget un peu plus de 2 milliards au titre de l'extension de la prime d'activité et 1,4 milliard au titre de la réindexation des retraites de moins de 2 000 euros. Tout le reste relève de la baisse d'impôt ou de la non-imposition. S'il y a une relance par la demande, c'est donc une relance par la baisse d'impôt, ce qui n'est pas tout à fait une relance keynésienne.
Nous avons fait le choix de baisses d'impôt drastiques, en continuité avec le programme du Président de la République. Lors des deux premières années du quinquennat, elles ont davantage concerné les entreprises, à l'exception de la réforme de la taxe d'habitation. Les annonces récentes concernent davantage les particuliers : renonciation à la taxe carbone, défiscalisation des heures supplémentaires, prime « Macron », baisse de l'impôt sur le revenu. Les politiques keynésiennes mises en place principalement par des gouvernements de gauche ont surtout reposé sur une augmentation de la dépense publique – augmentation de prestations, hausse du SMIC. Je ne crois pas du tout que notre politique tourne le dos à l'offre. Bien au contraire puisque nous ne sommes revenus ni sur la suppression de l'ISF, ni sur la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU), ni sur la baisse de l'impôt sur les sociétés, au grand dam d'Éric Coquerel.
Je ne reviendrai que brièvement sur la question des niches. La moitié des 14 milliards d'euros qu'elles coûtent pour les particuliers redevables de l'impôt sur le revenu bénéficient au dernier décile, soit les Français les plus riches ou les moins pauvres. Elles ne sont donc pas justes du point de vue de la redistribution fiscale telle que nous la concevons.
Les niches fiscales pour les entreprises ne se réduisent pas au CIR. Le taux réduit de TVA pour la restauration est une niche fiscale, par exemple.
Le Président de la République a précisé qu'on n'y toucherait pas et telle est la position du Gouvernement. M. le ministre de l'économie et des finances aura l'occasion de le redire. Je sais que le rapporteur général est d'un avis différent et je respecte sa persévérance et sa conviction.
Je ne suis pas du tout d'accord avec les calculs de Mme Rabault. D'abord, il faut souligner que les annulations d'autorisations d'engagement touchent des crédits qui n'ont pas été consommés alors que les décrets d'avance constituent une coupe : c'est une grande différence. Quand Mme Rabault était rapporteure générale, en 2016, elle a non seulement accepté deux décrets d'avance mais le Gouvernement qu'elle soutenait a procédé à 9 milliards d'annulations d'autorisations d'engagement, soit 2 milliards de plus que les annulations auxquelles nous procédons !
Madame Pires Beaune, nous avons pensé à vous : j'ai à vous remettre une note qui retrace par département la proportion d'équivalents temps plein d'agents publics pour mille habitants en décembre 2018. Pour l'heure, je ne peux pas vous fournir les chiffres que vous demandez car les ministères ne me les ont pas transmis. J'essaierai d'améliorer ces informations.
Vous déplorez le fait que l'année dernière, des crédits DETR n'aient pas été octroyés par les préfectures. À ma connaissance, c'est tout à fait faux. Pour la première fois depuis longtemps, il n'y a pas eu de pilotage en cours d'année. Nous y avons tout particulièrement veillé. J'ai même fait rajouter 30 millions d'euros de crédits à la demande du rapporteur général pour permettre l'achèvement de certains projets. Vous ne nous faites pas le bon procès, à mon avis.
J'en viens aux taux d'intérêt et à la charge de la dette. M. de Courson affirme que les recettes supplémentaires sont tombées du ciel et que nous n'y sommes pour rien. Comme chacun sait, 2018 a été une année particulièrement calme : élections générales en Italie, Brexit, tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, mouvement des « gilets jaunes », grèves à la SNCF. C'est bien la raison pour laquelle M. de Courson s'est employé à prédire que la croissance allait s'effondrer.
Pour ma part, j'estime que ces recettes supplémentaires sont dues en partie à la politique économique du Gouvernement, qui produit des richesses. Désormais, la France est considérée comme un pays susceptible d'attirer les investissements étrangers. Elle a une croissance qui n'est pas la plus extraordinaire qu'elle ait connue mais qui est supérieure au taux moyen de la zone euro. Certains d'entre vous affirment que le niveau des taux d'intérêt nous a aidés mais il n'est que le reflet du jugement que les prêteurs portent sur notre capacité à les rembourser. En Italie, le gouvernement, qui compte certains de vos amis, monsieur Coquerel...
.. emprunte à 2,8 % alors que nous empruntons à 0,4 %. C'est la preuve que notre politique économique est jugée un peu meilleure que celle de certains de nos voisins. C'est la raison pour laquelle nous devons continuer à tenir les comptes publics pour mener la politique que nous voulons.
Monsieur Dufrègne, je ne dispose pas des informations sur les profils des contribuables concernés par la suppression de l'ISF et l'instauration du PFU ainsi que sur les montants en jeu mais je m'engage à vous les fournir avant l'examen du prochain projet de loi de finances.
Monsieur Saint-Martin, vous le savez, je suis tout à fait favorable à ce que la commission des finances puisse exercer davantage de contrôle en laissant plus de souplesse aux gestionnaires dans le cadre de l'autorisation votée par le Parlement. Nous préférons les sous-exécutions aux dépassements. Parfois, il faut constater que les prévisions étaient suffisantes et annuler le reste des crédits.
M. de Courson est parti parce que ma réponse ne lui a pas plu, et c'est bien dommage car j'aurais répondu à d'autres de ses questions.
Madame Osson, je suis d'accord avec vous : il faut poursuivre la « sincérisation » des crédits du ministère de l'éducation nationale. Il n'y a pas de dégels particuliers à faire. Il suffit que le ministère de l'éducation nationale et les rapporteurs en charge de son budget nous demandent d'inscrire de façon sincère les crédits correspondant au titre 2 et les professeurs seront dûment rémunérés. Nous examinerons avec attention cette question avec vous.
Madame Dalloz, je dois vous avouer n'avoir pas très compris votre démonstration. Les recettes supplémentaires dont vous parlez ne constituent pas une augmentation par rapport à l'année 2017 mais par rapport aux prévisions du projet de loi de finances rectificative. Nous pensons qu'elles sont liées à des rentrées un peu plus importantes que celles que nous prévoyions, notamment en termes d'impôts sur les sociétés et de TVA. À la fin de l'année dernière, nous pensions, comme à la fin de l'année 2017, que nous n'aurions pas autant de recettes l'année suivante. Je ne vais pas reprendre le débat que j'ai eu avec le président de la commission mais je considère que nous sommes au rendez-vous de la sincérité.
Je vous remercie, monsieur Le Vigoureux, d'avoir souligné que la réforme s'était bien déroulée. Cela est à mettre sur le compte du travail du Parlement et des agents de la DGFiP. Plus de 400 personnes s'y sont consacrées plus particulièrement au sein de cette direction et tous les agents des finances publiques ont contribué à l'expliquer et à la mettre en oeuvre. J'aurai l'occasion de faire une évaluation. Je ne connais pas pour l'instant le montant des économies que cette réforme a générées. On dit toujours que la première année, il faut accompagner et communiquer. Ce qui est certain, c'est que l'amélioration du recouvrement entraînera une augmentation des recettes, d'un point ou d'un point et demi. Nous envisagerons des transformations à la DGFiP qui passeront par une baisse des effectifs à la fin du quinquennat.
J'aurai l'occasion de revenir par écrit à l'interpellation de M. Roseren car j'attends d'autres informations sur ces évaluations. Qu'il sache que je partage ses exigences.
S'agissant du FTAP, monsieur le président, nous avons consommé les crédits pour les deux premières années et le deuxième appel à projets va être lancé. Il existe des éléments dans le projet de loi de règlement. M. Saint-Martin, qui est rapporteur spécial pour les missions liées à mon ministère, est parvenu à un équilibre dans le financement dès la première année. Pour 2018, sur les 200 millions, 120 millions d'euros, me semble-t-il, ont été apportés pour des projets qui concernent surtout l'administration centrale et peu l'administration territoriale, à l'exception de la préfecture de la région Occitanie. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Enfin, monsieur El Guerrab, nous avons eu longuement l'occasion d'évoquer la fiscalité des Français établis hors de France. Je constate qu'il y a des positions contradictoires entre ceux qui souhaitent que nous fondions la fiscalité sur la nationalité, ceux qui se battent en tant qu'« Américains accidentels », ceux qui mettent en regard exonération de CSG et financement de la protection sociale...
Oui, en Europe car, hormis la Suisse, les systèmes de protection sociale sont convergents. Pour l'instant, le Gouvernement ne souhaite pas modifier cette fiscalité.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 15 mai à 13 heures 30
Présents. – M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, M. Philippe Chassaing, M. Francis Chouat, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Benjamin Dirx, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. M'jid El Guerrab, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, Mme Olivia Gregoire, Mme Nadia Hai, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, Mme Patricia Lemoine, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, Mme Catherine Osson, Mme Valérie Petit, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Xavier Roseren, Mme Sabine Rubin, M. Laurent Saint-Martin, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth
Excusés. – M. François André, Mme Émilie Bonnivard, M. Daniel Labaronne, M. Marc Le Fur, M. Benoit Potterie, M. Olivier Serva, M. Philippe Vigier
Assistait également à la réunion. – Mme Caroline Janvier
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