Mission d'information sur l'évaluation de la concrétisation des lois

Réunion du mardi 14 janvier 2020 à 18h10

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • concrétisation
  • delivery
  • unit
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  PS et divers gauche    En Marche    MoDem  

La réunion

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La séance est ouverte à 18 heures 10.

Présidence de Mme Cécile Untermaier, présidente

La mission d'information sur la concrétisation des lois entend M. Djellil Bouzidi, co‑responsable du pôle économie et finances de Terra Nova, et M. Nicolas Molfessis, professeur, secrétaire général du Club des juristes.

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Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Djellil Bouzidi, co-responsable du pôle économie et finances de Terra Nova, et le professeur Nicolas Molfessis, secrétaire général du Club des juristes.

Nos travaux visent à mieux comprendre les difficultés que pose l'application juridique – mais aussi la mise en œuvre sur le terrain – des lois que nous votons, afin de proposer des voies d'amélioration. Nous réfléchissons aussi au rôle que les parlementaires devraient jouer pour veiller plus étroitement au respect de la volonté du législateur, et aux moyens supplémentaires dont ils pourraient avoir besoin pour ce faire.

Notre attention a été retenue notamment par une note publiée en juin 2017 par Terra Nova, intitulée « Vers une delivery unit à la française ? » qui soulignait la nécessité « de démontrer que la politique a bel et bien des résultats et qu'elle est aussi un art d'exécution ». Nous partageons ce souci et souhaitons progresser dans cette direction.

Cette audition est ouverte à la presse, retransmise en direct sur le site internet de l'Assemblée nationale et elle fera l'objet d'un compte rendu.

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Nicolas Molfessis, professeur, secrétaire général du Club des juristes

La notion de « concrétisation » n'est d'usage fréquent ni dans le langage courant ni dans le langage juridique. On parle plus classiquement de l'effet des lois et, dans une perspective de sociologie juridique, on s'intéresse à leurs éventuels effets pervers ou à leur ineffectivité.

Ces phénomènes législatifs pathologiques ont été étudiés par le passé par le doyen Carbonnier et des sociologues du droit. L'ineffectivité des lois, c'est l'écart plus ou moins important entre la règle et son application. On étudie alors les facteurs pouvant l'expliquer : impuissance ou naïveté législatives. Ainsi, l'infraction récente d'outrage sexiste dans la rue créée par la loi du 3 août 2018 constituera probablement un cas d'ineffectivité car il sera difficile de poursuivre une telle infraction. Il en est de même de l'interdiction des rassemblements dans les halls d'immeuble ou encore de celle de la fessée – devra-t-on installer des caméras dans les appartements et les maisons ?

La concrétisation, c'est probablement l'action de rendre la loi concrète. Qu'est-ce que rendre une loi concrète ? On se situe alors en aval de sa promulgation, après son entrée en vigueur. Traditionnellement, en France, le législateur ne s'intéresse pas aux effets de la loi après sa promulgation. Les juristes, quant à eux, étudient son application en analysant la jurisprudence, et non sa réception par le corps social.

Les quelques expériences qui ont précédé l'installation de votre mission n'ont d'ailleurs pas toujours été très fructueuses – je pense par exemple à l'Office parlementaire d'évaluation de la législation créé en 1996.

Si la concrétisation de la loi renvoie à son application et à son effectivité, elle renvoie aussi à son efficacité. Son efficacité, c'est d'abord la publication des décrets nécessaires à sa mise en œuvre. Le sujet a été sensible entre les années 1980 et la première décennie des années 2000. Il a animé les travaux du Sénat pendant de longues années. Mais, à l'heure actuelle, 95 % des décrets sont publiés moins de six mois après l'entrée en vigueur de la loi – le secrétaire général du Gouvernement a récemment évoqué une proportion de plus de 90 %. Même si cela n'inclut pas les circulaires, ce sujet ne me semble plus prioritaire.

À l'inverse, l'effectivité des lois renvoie à plusieurs paramètres : pour être effective, une loi doit remplir plusieurs conditions. La première, indispensable, est la connaissance et la compréhension de la loi par les citoyens administrés. Les obstacles sont majeurs : incompréhension des mécanismes juridiques, opacité des textes, vitesse de rotation trop importante, inflation législative entravent l'acculturation juridique. Le Conseil d'État parle même de « stroboscope législatif » pour dénoncer la trop importante rotation de certaines dispositions sociales ou fiscales.

Pour être effective, la loi doit également être efficace au regard de ses objectifs. Le principe paraît évident, mais sa mise en œuvre est complexe car il faut savoir déterminer ces objectifs. Certes, les études d'impact commencent à y contribuer, mais encore faut-il les garder en tête au cours des débats parlementaires. Le dépôt et l'adoption d'amendements pléthoriques, par des parlementaires qui ne connaissent ou n'analysent pas toujours bien ces objectifs, conduisant au doublement, au triplement, voire au quadruplement du volume de la loi, n'y contribuent pas.

La mesure de ces objectifs pose d'autres difficultés. En la matière, les textes sont très hétérogènes. Pourtant, il ne faut pas la négliger. Certes, en droit, tout n'est pas quantifiable – la majorité des dispositions législatives ne l'est pas. Ainsi, en matière de procréation médicalement assistée, vous aurez probablement des difficultés à déterminer des objectifs. Restreindre le droit à de telles mesures chiffrées serait extrêmement réducteur, même si on peut analyser sous cet angle le recouvrement des pensions alimentaires, les consommations d'énergie, les émissions de gaz à effet de serre, etc.

C'est donc la détermination de bons indicateurs qui permet de mesurer l'effet concret des textes. Il serait intéressant de travailler dans cette direction, me semble-t-il : comment les déterminer ? Qui les déterminent ? Comment les évaluer ? À quel moment ? Quelle mesure prendre si la disposition adoptée ne produit pas les effets recherchés ?

En amont, les études de droit comparé ne sont pas encore suffisamment fiables pour nourrir notre expérience et nous aider dans la détermination des objectifs. En la matière, le travail du Parlement est remarquable, mais la culture de droit comparé des juristes français est très insuffisante. Nous gagnerions probablement à disposer d'un véritable service de droit comparé, qui pourrait réaliser des études à la demande.

Enfin, en aval, il faut mieux associer les administrations, le Parlement et les structures intermédiaires à la concrétisation des lois. Vos pistes de réflexion me semblent fécondes. La direction interministérielle de la transformation publique (DITP) est désormais un rouage indispensable. De même, le concept de delivery unit que Terra Nova a popularisé en France et le onzième conseiller ministériel sont intéressants. Mais il conviendrait de renforcer le dialogue entre le Parlement et le Gouvernement, sur un modèle déjà évoqué devant vous – le modèle australien. Le Parlement devrait pouvoir interpeller le Gouvernement pour améliorer la concrétisation des lois et vérifier que les administrations prennent les mesures permettant d'atteindre les objectifs fixés. En effet, l'administration est la plupart du temps efficace, mais elle freine aussi parfois la réalisation des objectifs.

Enfin, associez également davantage les structures intermédiaires – associations, fédérations, syndicats et, permettez-moi de prêcher pour ma paroisse, think tanks. Cela permettrait de mieux diffuser la culture juridique et de mieux comprendre la législation et ses objectifs.

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Nous vous remercions. Vos propos correspondent parfaitement à nos préoccupations.

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Djellil Bouzidi, co-responsable du pôle économie et finances de Terra Nova

Je vous remercie pour cette invitation. Je suis très heureux de représenter Terra Nova et de m'exprimer sur le sujet stratégique de l'exécution et de la concrétisation des lois. Dès le mois de juin 2017, dans la foulée de l'élection présidentielle, nous avions plaidé pour la création d'une delivery unit à la française : un outil visant à démontrer que la politique a bel et bien des résultats et qu'elle est aussi un art d'exécution, dont l'objectif est de créer un mode de gouvernance nouveau pour bâtir des passerelles entre les usagers et les administrations et consolider le respect et la confiance mutuels.

Partant du triple constat de l'urgence de franchir un cap dans la maturité de nos politiques publiques, du sentiment que les promesses ne sont souvent pas tenues et que les responsables politiques ne sont pas comptables des résultats de leurs actions, nous avions perçu que les déceptions et les colères, coûteuses pour la vie démocratique et la cohésion nationale, risquaient d'être alimentées par ce manque de concrétisation des réformes pour les citoyens.

Loin d'être le produit d'un emballement simpliste ou un projet gadget, la delivery unit bénéficie d'atouts essentiels s'agissant d'une proposition de politique publique : le recul du temps – la toute première delivery unit a vu le jour en 2001 au Royaume-Uni – ; l'analyse critique – la littérature concernant la performance de l'action publique est abondante, alimentant à la fois notre modestie et notre rigueur, afin de ne pas tomber dans un fanatisme de la donnée – ; la dimension comparative – une trentaine de pays ont adopté différentes architectures organisationnelles en fonction de leur contexte politique –, qui permet de tirer les leçons de ce qui fonctionne et de ce qui ne marche pas. Plusieurs unités ont été fermées à la suite de transitions politiques – au Chili, aux Pays-Bas – ou à une perte d'efficacité ou d'utilité – en Australie ou en Tanzanie –, et parfois rouvertes, ce qui démontre une forme de résilience.

Quels sont les facteurs clés pour concrétiser les réformes et les lois qui en sont la traduction ? Alain Ducasse, célèbre chef français, résume son succès en trois principes : « savoir faire », « faire faire » et « faire savoir ». Dans le cas d'une delivery unit, le « savoir faire » consiste à décliner des objectifs quantifiables. Certes, tout n'est pas quantifiable, mais je suis économiste – je m'en excuse – et j'aime les chiffres ! Lorsque l'exercice s'y prête, il faut donner une dimension quantitative aux lois car elles sont la traduction de réformes visant au progrès et il peut difficilement y avoir progrès sans mesures chiffrées. Le simple fait de suivre des indications chiffrées augmente la probabilité que les changements soient positifs.

Le « savoir faire » réside également dans la capacité à prioriser les actions. Il ne s'agit pas de faire plus, mais mieux. Il faut répondre à une question qui peut paraître basique : par où et par quoi commencer ? En effet, savoir prioriser indique que l'on est capable d'appréhender finement les éventuelles difficultés de mise en œuvre et donc de séquencer les différentes actions à réaliser. À ce stade, on a déjà parcouru la moitié du chemin !

Ensuite, il faut « faire faire », c'est-à-dire recruter à la fois des profils venant du privé et des fonctionnaires capables de résoudre les problèmes out of the box – en dehors du cadre connu – en utilisant des méthodes souvent issues du privé et des pratiques du marché. Ces profils doivent combiner des capacités analytiques, statistiques, juridiques avec des connaissances économiques. D'ailleurs, vous avez débattu du potentiel recrutement d'économistes au sein de votre assemblée.

Enfin, il faut « faire savoir », car la capacité à communiquer en interne et en externe est stratégique, a fortiori à l'ère de la surcharge informationnelle, de l'épuisement attentionnel et de la multiplication des colères individuelles. En outre, la fixation d'objectifs chiffrés ne dispense pas de l'effort de narration autour des objectifs qu'une delivery unit doit remplir.

Vous nous interrogez sur les mesures prises récemment par le Gouvernement pour améliorer la concrétisation des lois. Dans la note de juin 2017 que vous citez, nous avions suggéré qu'un représentant soit nommé au sein de chaque cabinet ministériel – le fameux « onzième conseiller » – et devienne l'interlocuteur privilégié de la delivery unit. La mise en œuvre de cette proposition nous semble aller dans le bon sens. Nous saluons l'effort de rationalisation de l'action publique ainsi réalisé, avec la création institutionnelle de cette forme de delivery unit – des logiques plus culturelles étaient déjà à l'œuvre.

Nous pourrions toutefois débattre du choix des objets de la vie quotidienne (OVQ) retenus par le Gouvernement : sont-ils suffisamment axés sur l'usager consommateur de services publics ; ne le sont-ils pas davantage sur le producteur ? Les parlementaires ont-ils été associés ou pourraient-ils être plus ou mieux associés à leur définition ? On pourrait parfaitement imaginer que les députés soient un relais permettant, à terme, d'enrichir ces objets.

Pour conclure, s'il n'est pas la panacée, le concept de delivery unit semble être une piste intéressante pour replacer les citoyens au centre des politiques publiques – objectif prioritaire – et consolider la confiance entre administrations et usagers.

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Merci pour cette intervention. Monsieur Molfessis, vous avez évoqué la connaissance de la loi par les citoyens, estimant qu'elle est primordiale pour que cette dernière soit effective. Pensez-vous que les parlementaires, en particulier les députés, pourraient également transmettre cette connaissance ? Ce n'est actuellement pas le cas.

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Nicolas Molfessis, professeur, secrétaire général du Club des juristes

Votre question est extrêmement complexe, car elle en implique une autre : quelles mesures pourraient être prises pour renforcer la connaissance des textes de ceux à qui ils sont destinés ? Même si la loi est publiée, cela ne change rien car, à ma connaissance, très peu de gens – sinon des névrosés – lisent le Journal officiel tous les matins, d'autant qu'il est désormais dématérialisé…

Certaines mesures de publicité sont portées par les médias classiques. Ainsi, nous pouvons entendre parler de la création d'une nouvelle prime au logement, ou de son extension, à la télévision. Mais comment faire pour que l'information atteigne les bénéficiaires ? La question risque de se poser pour un nombre extrêmement important de dispositions !

En outre, il s'agit d'argent public. Son utilisation est encadrée, notamment en période de campagne électorale : la publicité doit porter les informations à la connaissance des citoyens, les inciter à utiliser les dispositifs, et non faire la promotion d'une action à un moment précis.

Dans ce cadre, comment les parlementaires pourraient-ils y contribuer ? Je ne vous cache pas que je m'interroge… Dans leur circonscription, peut-être, à l'aide d'outils visant à renforcer la diffusion des textes ou grâce à un soutien budgétaire ? Je ne suis pas sûr que ce soit très réaliste.

À l'inverse, à la lecture des précédentes auditions, j'ai trouvé que les enquêtes de terrain réalisées par les députés étaient extrêmement fécondes. C'est peut-être une voie plus réaliste à explorer. Les parlementaires doivent davantage se saisir de leur mission de contrôle de l'application de la loi, et plus uniquement se focaliser sur son élaboration. L'interdiction du cumul des mandats et l'évolution du regard sur la législation doivent impérativement conduire les parlementaires à considérer que l'alpha et l'oméga du travail législatif n'est pas l'élaboration des lois, le dépôt d'un amendement ou, éventuellement, la nomination en tant que rapporteur sur un projet, qui créent beaucoup de frustration. L'évaluation de l'application de la loi doit devenir une mission noble et essentielle. Elle doit impérativement être encouragée, notamment par la mise à disposition de ressources humaines, afin que les parlementaires soient valorisés lorsqu'ils réalisent des enquêtes de terrain ou des rapports sur l'application de la loi. Il faudrait même éventuellement mettre à leur disposition des mécanismes d'interpellation du Gouvernement et de l'administration lorsqu'ils constatent des biais ou des dysfonctionnements.

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Sans vouloir parler au nom de mes collègues, je suis on ne peut plus d'accord avec vos derniers propos, qui s'inscrivent parfaitement dans ce que nous essayons de faire.

J'ai une question pour chacun d'entre vous mais je tiens tout d'abord à répondre à votre interrogation, monsieur Molfessis, concernant notre choix, délibéré, du terme de « concrétisation », qui implique en effet une dimension plus politique et moins juridique.

Tout d'abord, nous avions pensé à l'« application » des lois mais nous avons préféré le terme finalement retenu parce que pour nous, élus des territoires, la « concrétisation » suppose le « ressenti » de celui à qui la loi est destinée – depuis le non-cumul des mandats, nous vivons en effet une dualité permanente, difficile, qui explique aussi la création de cette mission d'information. Un ménage, un particulier, une entreprise, une collectivité, tous les acteurs économiques d'un territoire concernés de près ou de loin par une loi doivent en ressentir la concrétisation, d'où la grande importance de ce terme selon nous. Je ne sais si, désormais, vous l'entendez mieux et si vous le jugez pertinent.

Pour ce qui est du « savoir faire », je trouve que la direction interministérielle de la transformation publique, la DITP, accomplit plutôt bien sa mission visant à fixer des objectifs qualitatifs et quantitatifs à travers ce qu'elle appelle les plans de transformation ministériels ou les objets de la vie quotidienne. Les cadres de lecture, d'analyse de l'application des lois me semblent plutôt bien ficelés. La difficulté, pour reprendre une partie de votre triptyque, c'est le « faire faire » – le « faire savoir » étant encore une autre dimension qui n'est pas propre à notre problématique.

Monsieur Bouzidi, pour ne rien vous cacher, c'est la note de juin 2017 de Terra Nova qui nous a donné envie de créer cette mission d'information. Elle nous a montré qu'il était possible, en France, de créer, entre le Parlement et le Gouvernement, une voie pour le suivi de l'application des lois. Mais il faut savoir où placer cette delivery unit, les relations entre les pouvoirs exécutif et législatif n'étant pas les mêmes que celles qui existent au Royaume-Uni.

Que cela impliquerait-il si nous changions de paradigme et que nous situions intégralement la delivery unit au sein du législatif ? Comme l'a dit Madame la présidente, le rôle du parlementaire n'est-il pas de devenir législateur delivery unit ? Depuis le non-cumul des mandats, ne faudrait-il pas explorer cette voie ?

Quant au « onzième conseiller », il est encore un peu tôt pour savoir ce que cela donnera, mais nous voyons bien qu'avec la réduction des effectifs dans les cabinets ministériels et la charge de travail, il ne sera pas exclusivement affecté au suivi de l'application des plans ministériels et des objets de la vie quotidienne ! Il sera avant tout un conseiller supplémentaire pour le ministre, ce qui est tout à fait légitime.

Le rôle des think tanks m'intéresse beaucoup – j'en ai moi-même été membre. J'aimerais qu'ils participent activement au suivi de l'application des lois, avec les parlementaires, car ils lui confèreraient une dimension plus objective et intellectuelle. Je vous renvoie la balle : comment faire en sorte que les think tanks soient plus proches des territoires, moins parisiens et que, sur le terrain, ils fassent bénéficier les parlementaires de leurs préconisations ? Une forme de partenariat me paraît une bonne idée.

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Nicolas Molfessis, professeur, secrétaire général du Club des juristes

En effet, la « concrétisation » n'est pas un terme juridique mais si vous l'avez choisi à dessein pour opérer une distinction avec l'« application » de la loi, c'est une très bonne idée. La question de l'application de la loi n'a que peu d'intérêt et est même devenue secondaire par rapport à ce que j'ai appelé pompeusement « la réception des lois par le corps social ». En évoquant la perception, vous mettez l'accent sur une dimension finalement assez psychologique et subjective ; cela renvoie à la connaissance de la loi, à la manière dont elle est reçue par les administrés ou les citoyens. À mon sens, c'est bien de l'effectivité des textes qu'il s'agit – les économistes parleraient peut-être d'efficacité – lorsque l'on évoque la concrétisation, la mise en œuvre des lois par les citoyens.

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Nicolas Molfessis, professeur, secrétaire général du Club des juristes

J'ai bien compris qu'il y avait une dimension psychologique. Je ne sais pas comment le ressenti peut être analysé mais peut-être que, dans ce domaine, les think tanks peuvent être complémentaires ?

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Djellil Bouzidi, co-responsable du pôle économie et finances de Terra Nova

Le rattachement d'une delivery unit au Parlement est une option. Généralement, ces instances sont rattachées au plus haut niveau – président de la République, premier ministre – mais à ma connaissance, pas au Parlement. Pourquoi ne pas inventer un modèle à la française ? L'important est d'avoir à l'esprit que les parlementaires sont les gardiens du temple et que, liés aux citoyens, ils doivent faire des allers-retours afin, par exemple, de mieux définir les objets de la vie quotidienne.

Je sais qu'il a été question de rattacher France Stratégie – une sorte de think tank gouvernemental – au Parlement, ce qui serait une bonne chose car France Stratégie dispose de pas mal de moyens. On s'est demandé aussi si les experts de la delivery unit ne pourraient pas être logés dans un organe de ce type. L'option est donc sur la table. Habituellement, les delivery unit relèvent plutôt d'une approche « top-down » – pardonnez cet anglicisme sans équivalent français –, elles se montrent dirigistes pour court-circuiter les inerties administratives traditionnelles. Les administrations, comme l'a dit Tony Blair, sont beaucoup plus douées pour gérer le statu quo que pour transformer.

La question du positionnement est importante – le rattachement doit être noble, de haut niveau –, mais elle n'est pas stratégique. La clé réside dans les profils qui composent ce type d'unités, dans la fixation des priorités – les objectifs doivent être chiffrés, mesurables, avec des limites temporelles. Enfin, les responsabilités doivent être définies, comme c'est le cas dans les pratiques de marché ou dans le secteur privé.

Comme pour les recettes de cuisine, il faut des ingrédients. Tout l'art, ensuite, est de les accommoder, de connaître les temps de cuisson et de créer des plats digestes dans le contexte français.

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Nicolas Molfessis, professeur, secrétaire général du Club des juristes

Ces propos, très justes, renvoient à une question fondamentale : il faut savoir déterminer les objectifs en amont. La question de la concrétisation, pour une très grande partie, se règle dans l'étude d'impact : la manière dont l'effectivité du texte sera analysée – mesures quantitatives ou qualitatives, items, variables – doit y être définie très clairement. De ce point de vue, une amélioration des études d'impact est possible.

Nous n'avons pas parlé des ordonnances. Il faudrait que le Parlement, souvent dépossédé de ses prérogatives par la législation par ordonnances, puisse poser la question de la concrétisation au moment de l'habilitation du Gouvernement ou de la ratification. Dans le cas contraire, c'est la moitié du droit qui ne serait pas traitée.

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Djellil Bouzidi, co-responsable du pôle économie et finances de Terra Nova

Si vous le permettez, une réponse rapide sur la question des think tanks.

Même si Terra Nova peut suivre spécifiquement certaines lois, nous envisageons plus notre rôle en termes d'impulsions d'idées qu'en termes de suivi de la concrétisation des réformes. Néanmoins, nous serions ravis que des think tanks aux avis contradictoires puissent être saisis sur des missions ou des sujets particuliers par l'Assemblée nationale. Vous disposeriez ainsi d'un maximum d'options.

S'agissant des relations avec les territoires, vous avez tout à fait raison : nous devons nous améliorer.

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Nicolas Molfessis, professeur, secrétaire général du Club des juristes

Il va de soi que le Club des juristes, qui a vocation à procéder à un certain nombre d'analyses et à élaborer une littérature grise, des rapports sur les questions problématiques qui méritent une évolution de la législation, a également vocation à travailler sur l'application et la concrétisation de la loi, par les administrés et les administrations.

Nous observons également dans un certain nombre de travaux en cours que les instituts de sondages peuvent être très utiles et précieux pour mesurer qualitativement et quantitativement la bonne compréhension des textes et la façon dont ils sont appliqués. Le problème qui se pose est évidemment celui du coût, car les think tanks n'ont pas vocation à faire des bénéfices, contrairement aux instituts de sondages… Il faudrait trouver le moyen de travailler plus fréquemment avec ces structures ad hoc qui permettent, par voies téléphonique, d'entretiens, de questionnaires, de mieux comprendre et de percevoir ce que les administrés et les citoyens entendent de la loi. Les parlementaires peuvent mesurer le ressenti, monsieur le rapporteur, mais, à plus grande échelle, les questionnaires et les entretiens peuvent y contribuer.

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Monsieur Molfessis, c'est en effet dans le contrôle de l'application des lois que le travail parlementaire doit retrouver une certaine noblesse. Mais malheureusement, cela ne se décrète pas.

Vous avez raison de considérer que c'est en leur confiant des moyens et la capacité d'interpeller le Gouvernement – qui est responsable de l'administration – que l'on incitera les députés à s'investir dans ce type de missions. Il faudra leur donner la garantie que leur travail aura un effet, c'est-à-dire qu'il sera entendu de l'exécutif.

Vous avez été soucieux de parler d'interpellation plutôt que d'injonction car nous nous situons sur la ligne de crête de la séparation des pouvoirs. Vous avez aussi évoqué les vertus du droit comparé. Avez-vous pu observer dans d'autres pays, dans d'autres systèmes juridiques, comment les parlementaires jouent ce rôle de contrôleurs de l'application des lois ? Est-il possible d'aller plus loin que ce que nous pouvons faire aujourd'hui en matière d'interpellation du Gouvernement ? Comment faire évoluer le niveau des normes – constitutionnelles, organiques, simples – pour y parvenir ?

Monsieur Bouzidi, la delivery unit doit se positionner au plus haut niveau car, d'une certaine manière, c'est là où se trouvent l'impulsion politique et tous les leviers. Même si les parlementaires, pour certaines missions, disposent d'un accès quasi illimité à l'administration, il est toujours plus compliqué de contrôler de l'extérieur que de l'intérieur.

Cela étant, la question de l'indépendance se pose : pour contrôler d'une manière impartiale – même si ce n'est pas le seul objectif de la delivery unit – nous avons tendance à penser qu'un peu de distance et d'indépendance permettent d'arriver à ses fins plus efficacement. Autrement dit, si la delivery unit est trop proche du lieu de la décision, ne risque‑t‑elle pas d'arranger ses conclusions de façon à ce que, d'une manière ou d'une autre, on parvienne au résultat escompté ?

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Nicolas Molfessis, professeur, secrétaire général du Club des juristes

Monsieur le rapporteur, votre question est d'autant plus difficile que j'ai pris le soin de dire que nous étions ignares en droit comparé !

Je songe aux États-Unis, où le contrôle de l'application des lois est beaucoup plus généralisé que chez nous, au Canada – même s'il est un peu différent, l'exemple canadien présente l'intérêt de faire une boucle entre l'étude d'impact et l'évaluation de l'application de la loi, ce qui correspond exactement à ce que nous cherchons à faire – ; j'ai également mentionné l'Australie.

Vous avez indirectement évoqué une forme de rescrit qui permettrait aux parlementaires d'interroger les administrations et, éventuellement, le Gouvernement. Quel type de procédures conviendrait-il d'instaurer en la matière ? Faut-il une procédure d'interpellation particulière et créer, sur le modèle des commissions d'enquête, des commissions chargées de l'application des textes ?

Il serait également possible de concevoir qu'en aval, une fois le texte promulgué, les rapporteurs des textes parlementaires restent saisis. Poursuivre ainsi le travail comporterait pour le coup une forme de noblesse dès lors que les moyens seraient au rendez-vous puisqu'il faudrait que plusieurs de vos collègues soient mobilisés, cette question nécessitant beaucoup d'énergie et de ressources humaines.

Cette forme de saisine continue se justifierait-elle pareillement pour des projets et propositions de loi, pour des dispositions adoptées par voie d'amendements ou exclusivement issues du Gouvernement ? Sans doute faut-il faire abstraction de l'origine gouvernementale ou non des textes. Une loi, c'est un texte adopté par le Parlement : peu importe son origine, ni même le pouvoir politique qui en a été à la source, ne fût-il plus aux affaires.

Le Club des juristes pourrait se saisir de la question que vous avez posée et essayer de formuler un certain nombre de préconisations pour contribuer utilement à ce débat fondamental.

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Il serait en effet très intéressant de se pencher plus concrètement sur les procédés d'interpellation suite au constat qu'un député effectuerait in situ.

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Djellil Bouzidi, co-responsable du pôle économie et finances de Terra Nova

Votre question sur la distance, monsieur le rapporteur, est à la fois pertinente et difficile. Pour éviter les problèmes éventuels que vous avez évoqués, il faut autant que possible s'inscrire dans le temps réel : des reporting tous les six ou neuf mois seulement permettent de jouer sur les chiffres et de montrer que les objectifs ont été atteints !

Je songe également à une solide définition de ces objectifs, quantitative et chiffrée, sur laquelle il convient de passer beaucoup de temps. Ces derniers doivent être rendus publics, mesurables, suivis en temps réel, peut-être en impliquant davantage les professionnels du chiffre. En France, nous disposons avec l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) de statisticiens de très grande qualité dont l'indépendance est de surcroît garantie par un organe indépendant, l'Autorité de la statistique publique.

J'en suis membre et j'ai participé il y a quelques jours à l'audition des responsables de l'INSEE et du CNIS, le Conseil national de l'information statistique. J'ai posé des questions sur les objets de la vie quotidienne : le premier n'en avait pas même entendu parler et l'autre, s'il voyait parfaitement de quoi il s'agissait, n'avait pas l'air d'avoir été impliqué – ce qui est normal puisque ces réflexions commencent à peine.

Il convient donc d'afficher des objectifs beaucoup plus faciles à suivre, et pourquoi pas en temps réel. Les journalistes n'ont d'ailleurs retenu du concept de delivery unit que l'implication du Président.

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Merci pour la qualité et la précision de vos réponses. Au sein de cette mission, nous avons souvent évoqué la complexité croissante de la loi et l'inflation législative vertigineuse qui y est liée. Est-il encore possible en 2020 d'être législateur sans avoir un minimum de formation juridique et sans disposer d'un outil d'autonomie et d'expertise ?

Ma question vous semblera provocante mais, comme Laurent Saint-Martin, je ne pense pas qu'il faille rattacher cet outil à l'exécutif. Si l'on fait un peu de philosophie politique, le législateur peut prétendre savoir ce qu'il veut, mais encore faut-il qu'il soit en capacité de l'exprimer ! Pour remplir leur mission – examiner les propositions du Gouvernement, fabriquer la loi, veiller à sa concrétisation –, les parlementaires ont besoin d'un outil qui leur confère compétence et autonomie, leur donne à voir en toute indépendance ce qui se passe de façon concrète, en s'appuyant au besoin sur les observations des instituts de sondage. De fait, nous pouvons considérer aujourd'hui que, pour ce qui est de la maîtrise de la complexité des lois déjà en vigueur, le législateur est une assemblée de personnes globalement incompétentes.

De leur côté, les cabinets ministériels jouent désormais un rôle de relais ; ils ne sont plus le levier du pouvoir législatif sur l'outil exécutif. Alors qu'ils étaient initialement pensés pour contrôler l'administration publique – en quelque sorte la main qui tient la main qui tient la plume –, leur rôle a changé dans les années 1980 sous l'impulsion de Michel Rocard, et ils travaillent aujourd'hui main dans la main avec elle. La majorité a pris le parti de réduire les effectifs des cabinets, précisément pour renforcer ce lien direct avec l'administration. La mission doit s'interroger sur la nature de ce lien, qui, dans la confiance, ne doit pas empêcher l'émulation, ou la vigilance. Qu'en pensez-vous ?

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Nicolas Molfessis, professeur, secrétaire général du Club des juristes

Mettez-vous en cause la connaissance par les parlementaires du corpus législatif existant ou leur compétence dans l'art législatif, c'est‑à‑dire dans l'écriture des textes ?

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Nicolas Molfessis, professeur, secrétaire général du Club des juristes

Il est assez inquiétant que vous pointiez cette situation. Faut‑il en déduire que les candidats à la députation doivent être formés avant de se présenter aux élections ? Je m'interroge.

Il ne fait pas de doute que la question de l'art législatif et de l'utilisation des notions juridiques se pose aujourd'hui dans le droit contemporain : le langage courant l'emporte de plus en plus sur le respect des concepts au nom de la simplification, par ailleurs souhaitable. Plus personne, aujourd'hui, ne s'attache à lire une loi dans sa totalité. J'ai interrogé les étudiants du master 2 de droit de Panthéon Assas, que je tiens pour les plus brillants de France : aucun n'a jamais lu une loi en entier ! Les textes sont longs, indigestes, et pratiquement illisibles pour des raisons de consolidation. Si personne, parmi les meilleurs des juristes, ne peut lire les lois, on se demande comment les parlementaires parviennent à les écrire ! Je dois dire que je suis très admiratif de la manière dont les amendements sont élaborés, tant il est ardu de les rédiger en langage non consolidé.

L'ENA et quelques universités délivrent des enseignements de légistique, on trouve sur le site de légifrance un ouvrage de référence qui ne doit pas être beaucoup lu, les spécialistes sont peu nombreux. D'autres pays francophones, comme le Canada et la Belgique, sont davantage versés dans cette matière. Vous avez raison de dire que, de la même manière que les médecins ont intérêt à connaître la médecine, les parlementaires devraient connaître la légistique.

Permettez-moi de compléter cette réponse par une autre question : de quels moyens financiers, de quel temps les parlementaires disposent-ils pour réaliser des études de terrain, travailler sur la concrétisation ?

Votre mission doit examiner dans quelle mesure les parlementaires peuvent libérer du temps pour se rendre dans les territoires, procéder à des enquêtes, disposer d'outils et d'assistants. Peut-être les laboratoires de recherche des universités pourraient-ils être associés ? Ils représentent une main d'œuvre peu coûteuse, qui s'enrichirait à travailler avec des parlementaires de haut niveau.

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Djellil Bouzidi, co-responsable du pôle économie et finances de Terra Nova

La question de la delivery unit est devenue d'autant plus centrale que l'heure était à la réduction des effectifs des cabinets ministériels. L'idée était de mettre en place un spoil system à la française, avec des administrations davantage alignées sur les objectifs politiques du Gouvernement. Qu'elle soit rattachée au Gouvernement ou au Parlement, c'est à cela que devrait aider la delivery unit. Avec le recul, on constate que le taux de renouvellement des hauts fonctionnaires n'est pas si élevé. Quant au conseiller ministériel supplémentaire, il faut se réjouir qu'il existe, mais rester réaliste : il est fort à parier qu'il ne s'occupe pas que de la concrétisation.

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Nicolas Molfessis, professeur, secrétaire général du Club des juristes

Que ce « onzième conseiller » soit happé par d'autres fonctions est un biais français : on recrute une personne chargée d'évaluer l'application de la loi, mais comme cette question n'est que secondaire aux yeux des ministères, la ressource humaine est utilisée à d'autres fins. Il faut faire évoluer la tradition juridique française qui veut que l'on ne s'intéresse pas à ce qui se passe une fois la loi promulguée, et changer l'ordre des priorités. De ce point de vue, vous avez un rôle essentiel pour renforcer la culture de l'évaluation législative et valoriser la concrétisation de la loi.

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Absolument et, sur ce sujet, nous pourrions trouver un point de connexion avec les universitaires.

On nous oppose toujours la séparation des pouvoirs. Est-il selon vous inenvisageable que le député fasse sienne la question de l'évaluation, aille travailler sur le terrain de manière indépendante et tire ses propres conclusions ?

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Nicolas Molfessis, professeur, secrétaire général du Club des juristes

La séparation des pouvoirs, ce n'est pas la question ; il faudrait en réalité que l'administration soit du même côté que vous. Une fois le texte en vigueur, tout le monde a intérêt à ce qu'il soit bien appliqué et qu'il ait des effets concrets. De ce point de vue, le Parlement et l'administration ne doivent pas s'opposer mais au contraire collaborer. Il faudrait mettre en place des mécanismes d'interpellation qui soient, au fond, des mécanismes d'interaction.

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Je ne suis pas convaincu que les députés doivent être des spécialistes de la légistique. S'il faut être expert pour être élu, notre République deviendra une technocratie où le président de la République et le Premier ministre seront aussi des experts de la conduite d'un gouvernement… Certes, la tâche d'un député peut se révéler compliquée s'il ne peut comprendre les textes législatifs, mais je ne pense pas qu'il faille même une formation accélérée. Le rôle du député est d'avoir des priorités politiques, un agenda politique ; c'est le travail de ses collaborateurs et surtout des administrateurs de l'Assemblée que de traduire ce qu'il veut en termes juridiques.

Nous n'avons pas abordé la question des collectivités, qui ont beaucoup de poids en France : dans les domaines des transports ou de la petite enfance, par exemple, rien ne se fait sans elles. Comment percevez-vous la concrétisation dans le cadre de la décentralisation, avec différents acteurs et des compétences diverses ? Quel est le rôle du parlementaire dans cette articulation ?

En matière de concrétisation des lois, certains ministères sont-ils plus vertueux ou plus efficaces? Cela tient-il à l'impulsion politique ou à un mode d'organisation plus favorable, autour d'agences par exemple ? De la même manière, existe-t-il des régions plus vertueuses ? On sait que les disparités peuvent être grandes, notamment pour ce qui est de l'utilisation des aides de la politique agricole commune.

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Djellil Bouzidi, co-responsable du pôle économie et finances de Terra Nova

Rien n'empêche de décliner l'idée de delivery unit dans les territoires : elle travaillerait sur des objectifs qui seraient de la compétence des collectivités, inclurait les parlementaires, les experts et pourquoi pas le préfet. C'est une piste tout à fait envisageable.

J'ai l'intention d'effectuer un data crushing pour mettre en lumière le degré de corrélation entre les quarante objectifs de la vie quotidienne fixés par le Gouvernement et les résultats du Grand débat. Je ne préjuge pas du résultat, mais s'ils ne correspondent pas, ce pourrait être traité dans le cadre d'une delivery unit territoriale.

Je ne suis pas en mesure de répondre à votre question concernant les ministères.

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Nicolas Molfessis, professeur, secrétaire général du Club des juristes

Le Club des juristes, les universitaires en général, travaillent fréquemment avec la chancellerie. Le ministère de la Justice dispose de statistiques fort précises et précieuses, qui donnent des informations de nature quasi sociologique sur le fonctionnement des juridictions. Lorsque l'on planche sur des textes de procédure civile, par exemple, ces instruments très concrets permettent de comprendre la manière dont les choses se passent dans les territoires. J'imagine que les autres administrations disposent d'informations qui pourraient être utiles dans une interaction vertueuse avec le Parlement.

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Djellil Bouzidi, co-responsable du pôle économie et finances de Terra Nova

Ces informations pourraient être rendues publiques dans le cadre d'une campagne de name and promote, sur le modèle du name and shame, cela s'est avéré très utile pour les retards de paiement. Il faudrait pouvoir classer les ministères et les administrations dans ce domaine, même si c'est là la prérogative du secrétariat général du Gouvernement.

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Madame la présidente, vous avez très justement évoqué la séparation des pouvoirs. On nous l'a beaucoup opposée lors du débat sur le projet de loi de révision constitutionnelle, ce qui était quelque peu fallacieux : alors que sous la Cinquième République, l'initiative législative revient au Parlement, 95 % de ce que nous votons aujourd'hui est proposé par l'exécutif ! Lorsque nous nous rendrons auprès d'une administration centrale ou décentralisée, en formation restreinte souple, députés de la majorité comme députés de l'opposition, pour examiner un objet précis, cela ne fera pas de nous les patrons de l'administration en question ! Nous accomplirons une mission d'audit, au terme de laquelle, et sur la base de nos constats, nous pourrons faire des suggestions au Gouvernement. Il n'est pas question de prendre la main sur une autorité quelconque, les ministres resteront les patrons de leurs administrations.

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Messieurs, il me reste à vous remercier pour cette audition très riche.

La séance est levée à 19 heures 15

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Noël Barrot, M. Hervé Berville, M. Frédéric Descrozaille, M. Régis Juanico, M. Michel Lauzzana, Mme Cendra Motin, M. Laurent Saint-Martin, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Vincent Thiébaut, Mme Cécile Untermaier, Mme Alexandra Valetta Ardisson, Mme Corinne Vignon