Commission des affaires européennes

Réunion du jeudi 17 septembre 2020 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Jeudi 17 septembre 2020

Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 9 h 30.

I. Audition de M. Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes

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Monsieur le ministre, cher Clément, permettez-moi de vous féliciter au nom de la commission pour votre récente nomination. Je forme le vœu que nos relations de travail soient efficaces et suivies car les échéances à venir sont nombreuses, qu'il s'agisse de la mise en œuvre du plan de relance, du lancement de la convention sur l'avenir de l'Europe ou de la présidence française de l'Union au premier semestre 2022 puisqu'un pont doit s'établir entre la présidence allemande actuelle et celle de la France. Pour avoir échangé avec vous sur ce sujet, je ne doute aucunement que nous saurons travailler ensemble avec toute la fluidité nécessaire.

Je remercie également nos collègues députés et membres du Parlement européen présents par visioconférence. Je crois nécessaire de resserrer les liens et de travailler ensemble autant que possible sur des sujets qui nous importent à tous.

L'actualité européenne est extrêmement riche. Nous l'avons constaté avec le discours prononcé hier par Ursula Von der Leyen sur l'état de l'Union, que j'ai personnellement beaucoup apprécié car il était empreint de fermeté tout en reflétant un véritable engagement. La souveraineté européenne est désormais d'actualité. Ce vocabulaire commence à trouver sa place : il s'agit désormais d'assumer notre autonomie et notre indépendance.

Deux sujets sont particulièrement urgents, à savoir le prochain cadre financier pluriannuel et le plan de relance, et le Brexit. Sur le premier point, les chefs d'État et de gouvernement sont parvenus à un accord politique en juillet, lequel, s'il ne peut satisfaire tout le monde, constitue un saut qualitatif pour la construction européenne. Il s'agit d'un pas décisif vers davantage de solidarité et vers le redressement durable de nos économies.

Toutefois, pour convertir cet accord politique en un cadre financier pluriannuel (CFP) et en un instrument de relance opérationnel au 1er janvier 2021, de nombreuses étapes restent à franchir dans un calendrier extrêmement contraint. La présidence allemande a entamé les négociations avec le Parlement européen dont l'accord est requis pour l'adoption du règlement CFP.

L'accord au Conseil européen étant le résultat de négociations longues et difficiles, quelles sont les marges de manœuvre réelles dans les discussions avec le Parlement européen, notamment sur les crédits de certains programmes budgétaires, la gouvernance ou les atteintes à l'État de droit ? Quelle est votre appréciation du risque que le Parlement européen mette à exécution sa menace de rejeter le CFP ?

Concernant les ressources propres du budget de l'Union, le Parlement européen a adopté sa position hier, ce qui ouvre la voie à l'adoption de la décision par le Conseil, puis à sa ratification par les Parlements nationaux. Pouvez-vous nous informer du calendrier envisagé pour la ratification de la décision par l'Assemblée nationale ?

Les conclusions du Conseil européen suscitent de nombreuses interrogations sur la possibilité de mettre en place de nouvelles ressources propres qui ne soient pas des transferts des budgets nationaux sous une forme ou une autre pour rembourser l'emprunt. Selon la presse, les ministres des Finances ont, à nouveau, affiché leurs divergences sur le sujet lors de la réunion informelle qui s'est tenue la semaine dernière. Par ailleurs, les économistes Jean Pisani-Ferry et Clemens Fuest ont publié une note assez critique sur les différentes pistes de ressources envisagées.

À court terme, quelles seraient les conséquences sur la contribution de la France au budget de l'Union de l'introduction d'une nouvelle contribution nationale pour les déchets d'emballages plastiques non recyclés ? À plus long terme, si l'Union échouait à mettre en place de nouvelles ressources, quelles seraient les conséquences du remboursement de l'emprunt sur la contribution française ?

S'agissant du Brexit, la décision du gouvernement britannique consistant à déposer un projet de loi revenant sur les dispositions de l'accord de retrait du 17 octobre 2010 a constitué un élément nouveau et perturbateur. Le fait qu'un grand ancien État membre comme le Royaume-Uni, qui, a priori, est attaché au respect des règles, s'en désiste, nous pose problème à tous.

Si le gouvernement britannique confirme qu'il n'a pas l'intention de mettre en œuvre dans son intégralité le protocole nord-irlandais, l'Union européenne peut-elle continuer à négocier, sachant que le gouvernement britannique n'est pas prêt à respecter les accords signés ?

La Turquie, qui est associée à l'Union européenne depuis 1963, est candidate officielle à l'adhésion depuis 1999 et notre alliée au sein de l'OTAN. Dans le même temps, elle occupe une partie du territoire d'un autre État membre, à savoir Chypre, et attise les tensions en Méditerranée orientale, en Libye et en Syrie. Par ailleurs, une forme d'instrumentalisation des réfugiés présents sur son territoire est peut-être à craindre. Sur le plan intérieur, les droits fondamentaux et les valeurs démocratiques, qui constituent le fondement de l'identité européenne, ont également connu une régression.

Dans ces conditions, comment rétablir une confiance avec un pays qui demeure incontournable et sans lequel l'Union européenne éprouverait peut-être des difficultés à résoudre les crises dans son voisinage ?

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Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des Affaires européennes

. Madame la présidente, chère Sabine Thillaye, Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs les députés européens qui suivez notre échange en visioconférence, je suis extrêmement heureux d'être parmi vous ce matin pour la première fois suite à ma récente nomination qui est intervenue avant la période estivale, ce qui explique le délai de passage devant votre commission. En ce début de rentrée, je suis heureux de pouvoir tenir ce premier échange et essayer de répondre aux questions de la présidente Thillaye, ainsi qu'aux autres interrogations.

L'accord relatif au plan de relance et au budget européen auquel sont parvenus les chefs d'État et de gouvernement après quatre longues nuits de négociation au mois de juillet est absolument essentiel. Nous l'avons largement qualifié d'historique. Je dirais qu'il est inédit, pas tant par son montant impressionnant de 750 milliards d'euros, dont 390 milliards d'euros de subventions budgétaires directes – dont j'espère le versement aussi rapide que possible afin de permettre aux États membres de cofinancer et de soutenir leur plan de relance – mais parce qu'il a levé un certain nombre de tabous et montré que l'Europe n‘était pas condamnée, comme elle l'a parfois été dans les crises précédentes, à agir trop peu ou trop tard.

Nous avons réussi en deux mois, depuis l'accord franco-allemand du 18 mai, à construire l'unanimité sur ce plan de relance ainsi que sur le projet de cadre financier pluriannuel dont l'adoption avait échoué lors du Conseil européen de février dernier. Il s'agit évidemment d'une avancée majeure du point de vue économique car ce plan sera financé de manière solidaire en Europe.

La mise en place d'un endettement commun ne fait pas forcément rêver en termes de perspectives européennes, mais est important car il montre que les Européens et ceux qui prêteront de l'argent à l'Europe ont confiance en l'avenir du projet européen. Je suis sûr que cet emprunt massif de 750 milliards d'euros sur trois ans, qui sera remboursé jusqu'en 2058, sera financé dans d'excellentes conditions.

Ce plan de relance constitue une avancée majeure pour la France. En effet, 40 % du plan de relance national sera financé par l'Union européenne. Le gouvernement aura à cœur de montrer comment chacun des projets est mis en œuvre et cofinancé par des fonds européens.

Un accord sur le cadre financier pluriannuel, qui engage l'Europe dans des politiques essentielles, a également été obtenu. Les intérêts français absolument majeurs ont été préservés puisque la politique agricole commune, qui était en baisse de 15 milliards d'euros dans les propositions initiales, a été stabilisée et même légèrement augmentée pour la période à venir, ce qui permet de garantir les revenus versés aux agriculteurs. La PAC n'est pas une politique du passé, ni une survivance historique dépassée. Si elle doit être réformée, elle constitue une politique moderne et essentielle à notre souveraineté alimentaire ainsi qu'à notre transition énergétique et climatique.

Autre exemple, les dotations obtenues pour les Outre-mers permettront d'augmenter les financements accordés à nos régions ultrapériphériques sur la période à venir.

Sur certains sujets, le gouvernement français espérait davantage, notamment en ce qui concerne la défense, la santé ou le financement de politiques importantes comme Erasmus et Horizon Europe, c'est-à-dire la recherche, le développement et l'innovation. Nous aurions souhaité aller au-delà. Pour certaines de ces politiques, le Parlement européen essaie de rehausser le niveau de l'ambition dans un cadre contraint et nous lui en sommes reconnaissants.

Toutefois, les moyens alloués à ces politiques, notamment en matière de santé, augmentent significativement. Le fonds européen de défense bénéficiera de 7 milliards d'euros de crédits. Nous espérions obtenir davantage jusqu'à la dernière heure du Conseil européen. Cependant, par rapport à la situation actuelle où aucune dotation n'est inscrite au budget, il s'agit d'un pas en avant très important.

Le cadre financier pluriannuel atteindra un montant total, sur la période 2021-2027, de 1 074 milliards d'euros auxquels s'ajoutent les 750 milliards d'euros du plan de relance, soit un total de 1 824 milliards d'euros. Si nous faisons masse du plan de relance et du budget de l'Union européenne pour les trois prochaines années, les moyens financiers de l'Union doubleront. Une telle avancée n'était pas envisageable voici encore quelques mois.

Le cadre financier pluriannuel, le plan de relance européen et la décision ressources propres doivent faire l'objet de votes séparés au Parlement européen selon des procédures distinctes.

Une fois l'approbation européenne finalisée, le Parlement français aura à examiner la décision ressources propres comme il le fait à l'occasion de chaque nouveau cadre financier pluriannuel. Toutefois, cette année, l'endettement commun sera intégré au volet financier puisqu'un nouveau mécanisme est créé permettant à l'Union européenne de lever de l'argent sur les marchés. Je serai évidemment présent, à l'Assemblée nationale et au Sénat, lors du débat sur la décision relative aux ressources propres qui sera l'occasion d'une discussion politique sur l'ensemble du plan de relance.

Si la ratification de la décision ressources propres prend habituellement du temps au niveau des États membres, nous ne pouvons nous le permettre dans le cas d'espèce car l'un des enjeux de ce plan de relance est de débloquer rapidement des fonds. L'ensemble des pays de l'Union européenne vont donc mener rapidement leur procédure avec pour objectif la finalisation des votes d'ici la fin de l'année. La discussion devrait se dérouler à l'Assemblée nationale, puis au Sénat, autour du mois de décembre.

Sur la question de l'État de droit, les conclusions du Conseil européen du 21 juillet indiquent de manière générale qu'un mécanisme de conditionnalité lié au respect de l'État de droit doit être mis en place. Nous aurions souhaité aller au-delà, mais ce point devra faire l'objet d'une discussion. En effet, un règlement proposé par la Commission voici un peu plus de deux ans et qui avait été bloqué l'an dernier au Conseil, sera à nouveau examiné. Le Parlement européen a insisté sur la nécessité de mettre en place un tel mécanisme et il en fait une condition de son accord au plan de relance. La France soutient sans ambiguïté cette demande.

Il m'est difficile de dire quel sera le contenu du compromis qui devra être trouvé entre le Conseil et le Parlement européen. Certains pays, notamment la Hongrie et la Pologne, sont très réticents vis-à-vis de ce mécanisme, mais j'ai bon espoir que nous aboutissions d'ici la fin de l'automne à un accord sur l'instauration d'un mécanisme législatif contraignant. Les points sensibles que sont le champ d'application, les mécanismes de déclenchement et les majorités de vote, sont en discussion.

S'agissant du Brexit, nous nous situons à un moment très difficile. La période de transition s'achèvera le 31 décembre puisque le Royaume-Uni n'a pas demandé sa prolongation. L'échéance est donc rapprochée et si nous devons parvenir à un accord, les négociations devront s'achever fin octobre ou début novembre au plus tard.

Une stratégie britannique, que je déplore, mais qui a été régulièrement utilisée, consiste à essayer de diviser les chefs d'État et de gouvernement et le négociateur Michel Barnier. Cette stratégie ne fonctionnera pas. En dépit de priorités ou d'intérêts pas toujours alignés, les vingt-sept ont toujours fait preuve de fermeté et d'unité.

Il est encore possible de parvenir à un accord sur le Brexit et la France le souhaite. Le Royaume-Uni a davantage besoin d'un accord que nous. Ce pays doit donc se rendre compte que tel est son intérêt.

En revanche, il est clair que nous n'accepterons pas un accord offrant des concessions trop importantes au Royaume-Uni. Une négociation implique nécessairement un certain nombre de compromis et de concessions mutuelles, mais il serait incompréhensible que le Royaume-Uni bénéficie d'un accès libre au marché intérieur tout en pouvant fixer les règles comme il le souhaite. Comment expliquer à nos concitoyens que l'Union européenne est un club politique et en même temps que l'on peut se situer à l'extérieur avec moins d'obligations et autant de droits ? Nous serons fermes et clairs sur ce point.

Une étape a déjà été franchie avec la signature et la ratification de l'accord de retrait par les vingt-sept et le Royaume-Uni. Il me paraît inconcevable que ce pays, qui est et restera un partenaire, un ami et un allié, et surtout, une grande démocratie engagée dans l'ordre international, puisse se défaire d'une obligation internationale, même si cette défection s'exerce uniquement « de manière spécifique et limitée » selon l'expression consacrée à Londres.

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le secrétaire d'État Clément Beaune

Un vote a effectivement eu lieu à la Chambre des Communes. Mais la Chambre de lords doit également se prononcer et le débat sera sans doute un peu moins consensuel.

En tout état de cause, les engagements pris doivent être tenus. Il ne faut pas tomber dans le piège, ce que notre négociateur Michel Barnier a soigneusement évité, consistant à quitter la table des négociations. Il faut continuer à discuter avec les Britanniques car certains, de l'autre côté de la Manche, peuvent tenter de nous pousser à la faute en affirmant que les Européens refusent l'accord en dépit des efforts fournis.

Pour éviter de tomber dans ce piège, il est nécessaire d'être ferme, calme et déterminé. Le Parlement européen n'approuverait pas un accord sur la relation future avec le Royaume-Uni s'il s'avérait que l'accord de retrait n'est pas respecté.

S'agissant de la crise en Méditerranée orientale, la situation est grave et évolutive. La Turquie mène une stratégie consistant à tester ses voisins immédiats, la Grèce et Chypre et, à travers eux, l'ensemble de l'Union européenne.

La position de la France a consisté à ne pas rester sans réaction lorsque deux États membres se voient menacés ou provoqués dans leurs eaux territoriales et leur espace aérien. C'est pourquoi le Président de la République a souhaité marquer une présence militaire en Méditerranée orientale et ne pas exclure de nouvelles sanctions. Nous n'excluons rien, pas même un dialogue avec la Turquie car notre souhait n'est pas un conflit ou une surenchère verbale ou militaire. Il faut néanmoins que l'Europe cesse de croire qu'elle défendra ses intérêts par la ruse ou la faiblesse.

Le Brexit, comme notre relation à la Turquie, à la Russie, à la Chine ou à d'autres doit suivre la même ligne d'unité, de fermeté et de défense de nos intérêts. Nous verrons au cours des prochains jours si la Turquie donne des signaux d'apaisement, ce qu'elle a fait en retirant un bateau des eaux grecques.

Ce sujet figurera à l'ordre du jour de la réunion des ministres des Affaires étrangères de lundi prochain, ainsi qu'au prochain Conseil européen de jeudi et vendredi prochains au cours duquel seront abordés le sujet de la Méditerranée orientale et la question biélorusse.

Je regrette publiquement devant la représentation nationale que les médias français, y compris le service public, n'aient pas donné d'écho au discours important de Mme Von der Leyen, présidente de la Commission européenne. D'aucuns peuvent considérer que les propositions ne sont pas satisfaisantes sur tel ou tel sujet. Il est cependant regrettable de considérer qu'il s'agit d'un non-événement. Ce discours contient de nombreuses propositions importantes concernant l'ambition climatique avec le relèvement des objectifs de l'Union pour 2030, le financement du plan de relance avec l'émission d'obligations vertes, la perspective d'une Europe de la santé, les questions migratoires ou la souveraineté numérique.

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La commission des Affaires européennes a souvent regretté le désintérêt des médias pour les questions européennes. Il nous faudra travailler sur ce sujet car, si nous ne disposons pas d'une information digne de ce nom dans les médias, nous ne parviendrons jamais à créer un espace public européen.

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Je vous présente mes félicitations pour le plan de relance dont vous avez été l'architecte, le maçon, l'électricien, le tailleur de pierre et le charpentier ; et vous en êtes aujourd'hui le visage.

Ce plan de relance est le reflet de la solidarité et de l'efficacité européenne. Nous évoquons souvent l'union économique et monétaire, l'union bancaire, des marchés des capitaux et de marché unique. En réalité, nous parlons d'économie européenne, ce qui sous-entend une certaine gestion en temps de crise européenne. Ce plan de relance y répond et il est essentiel dans le moment difficile que nous traversons. Je voudrais vous remercier et vous féliciter pour ce grand succès pour la France.

Je souhaite revenir sur le discours de l'État de l'Union qui reprend nombre de sujets essentiels qui touchent profondément les Français, comme la trajectoire carbone et les réformes du régime migratoire. Je partage le sentiment selon lequel il est désespérant, désolant et anormal qu'aucun média ne se fasse l'écho de ces engagements.

Je ne suis pas expert de l'audiovisuel public, mais je souhaite vous demander si vous évoquerez ce sujet avec les différents ministres pour tenter de corriger cette situation qui pose un problème fondamental de démocratie. Dans deux, trois, quatre ou cinq ans, les orientations proposées par la Présidente de la Commission européenne se transformeront en lois européennes, puis en lois françaises. Par conséquent, il nous faut avoir ce débat au moment adéquat, à savoir celui où ces annonces sont faites par la Commission. Agirez-vous sur le sujet pour tenter de faire en sorte que les médias se saisissent mieux et se fassent davantage l'écho de ces annonces fondamentales ?

Concernant le Brexit, j'aimerais dire toute mon inquiétude et celle de nos concitoyens qui vivent au Royaume-Uni pour lesquels la question des droits des citoyens, à laquelle vous avez toujours été très attentif, est essentielle. La remise en cause de l'accord de retrait pose le problème fondamental de savoir si le Royaume-Uni entend respecter les engagements pris dans le protocole nord-irlandais et, par extension, dans le reste de l'accord concernant les droits des citoyens.

Par ailleurs, quelles sont les mesures de rétorsion potentielles qui pourraient être mises en œuvre par l'Europe si le Royaume-Uni s'évertuait à ne pas respecter ses engagements ? Ayant pris connaissance dans la presse de l'évocation de chambres de compensation, je suis curieux de connaître votre avis sur la question.

En outre, pensez-vous que cet accord puisse être mixte ? En d'autres termes, pensez-vous qu'il existe une chance conséquente que cette assemblée soit amenée à ratifier l'accord sur le Brexit ?

J'ajoute une question de ma collègue Coralie Dubost qui ne pouvait être présente, mais qui tient beaucoup au sujet essentiel de la conditionnalité. Dans le texte adopté par le Conseil en juillet 2020, l'article 22 stipule qu' « Un régime de conditionnalité visant à protéger le budget et Next Generation EU sera introduit. La Commission proposera des mesures en cas de manquement qui seront adoptées par le Conseil statuant à majorité qualifiée ». À l'occasion de la réunion du Conseil européen d'octobre, quelles seront les positions françaises concernant le contenu de ces infractions ? Quelles seront les positions françaises concernant les sanctions, notamment sur leur caractère ex-ante ou ex-post relatif aux manquements constatés et à leur gradation ?

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Monsieur le ministre, au nom de mes collègues, je vous adresse nos félicitations pour votre nomination. Nous ne pouvons que souhaiter votre succès dans le cadre de votre mission, lequel se traduirait en un succès pour l'Europe et pour notre pays.

Je souhaite revenir sur la question turque, notamment sur la différence d'approche ou, plus exactement, les divergences existant sur cette question entre la France et l'Allemagne. D'une certaine manière, un peu étrangement, le Président de la République et vous-mêmes semblez même les revendiquer comme un nouvel axe de la politique, tout en affirmant que « le socle franco-allemand est la base de toute action européenne ».

Une vision optimiste consiste à évoquer un partage des rôles, mais vous savez que la vérité n'est pas celle-ci. En effet, il existe un réel désaccord, qui n'est pas le premier, entre l'Allemagne et la France à propos de l'attitude vis-à-vis de la Turquie. Celui-ci s'explique, en particulier, par la présence importante de la communauté turque en Allemagne. En outre, les relations économiques entre la Turquie et l'Allemagne sont beaucoup plus intenses qu'entre la France et la Turquie. À cet égard, les moyens d'action de l'Allemagne sont sans doute plus importants que ceux de la France, au-delà des manœuvres militaires en Méditerranée orientale. Nous avions constaté ces divergences lorsque, lors de la crise migratoire, la Chancelière avait rencontré le Président Erdoğan en Turquie sans en informer ses partenaires.

Comment envisagez-vous la sortie de crise dans ce contexte de désaccord entre la France et l'Allemagne ?

De façon plus globale, je souhaite vous interroger sur la politique européenne vis-à-vis de la Turquie. Mettra-t-on fin à ce cynisme réciproque de la part de l'Europe et de la Turquie à propos de l'adhésion potentielle de cette dernière alors que, comme indiqué par votre prédécesseur, les conditions d'élargissement ont été modifiées ?

Par ailleurs, comment pouvons-nous créer un consensus européen sur les grandes crises internationales, sauf à continuer à faire des incantations régulières sur la nécessité d'une politique étrangère de l'Europe ? Le Président Macron a quelque peu heurté les pays de l'Est en lançant son initiative de rapprochement avec la Russie, ce qui a aussi passablement agacé la Chancelière allemande.

J'en termine en vous citant : « Avec l'Allemagne, bien sûr, nos points de vue divergent. Je dirais même que nous sommes en désaccord chaque matin, mais l'important c'est qu'on soit d'accord à la fin de la journée ». S'agissant de la crise turque, êtes-vous bien sûr que votre temporalité ne sera pas mise en cause ?

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Je m'associe, en mon nom personnel et en celui des députés du MoDem, à l'expression de la satisfaction de vous voir arriver, cher Clément Beaune, à ces responsabilités, ce qui est très précieux pour les amis de la construction européenne.

Vous avez trois qualités essentielles dans ce poste, à savoir la compétence, qui est indiscutable et que vous montrez chaque jour, une très grande familiarité avec les sensibilités de nos partenaires sur les questions européennes - vous savez que l'Europe n'est pas simplement une France élargie et qu'il s'agit d'une construction à plusieurs – et une vision à long terme enracinée dans les réalisations européennes des premières années du mandat du Président de la République auxquelles vous avez puissamment contribué. Ces trois qualités, la compétence, la sensibilité et la vision à long terme sont tout à fait précieuses pour nous.

Aux questions sur le Brexit et la Turquie posées par nos collègues, je me permets d'ajouter un thème qui a le tort de ne pas tout à fait s'inscrire dans l'agenda, mais que le MoDem considère comme très important, à savoir le thème institutionnel. Le blocage institutionnel constitue un facteur commun à toutes les difficultés que nous rencontrons. Nous connaissons les positions de la France, notamment sur la question centrale de l'extension du vote à la majorité qualifiée. Toutefois, au-delà de ces positions, nous ne sentons pas de stratégie institutionnelle précise et orientée pour débloquer ce système.

Jusqu'à présent, les blocages provenaient du Royaume-Uni. Désormais, ils émanent plutôt des Pays-Bas ce qui, à la limite, est plus grave car nous avions l'habitude de traiter le Royaume-Uni à part. Nous n'avons pas de stratégie de contournement. Or il nous paraît absolument nécessaire d'agir.

Considérez-vous que la conférence européenne qui est envisagée avec nos collègues du Parlement européen pourrait se concentrer sur ce déblocage institutionnel qui me paraît tout à fait important ?

Par ailleurs, considérerez-vous que ce déblocage passe, comme indiqué ici même par M. Pascal Lamy, par une révision globale des traités ou, de façon plus modeste, par une mise en œuvre de la clause passerelle, ce qui correspond davantage à ma sensibilité ? La France est-elle prête à s'engager pour tenter de lever cet obstacle institutionnel que je considère comme étant le facteur commun de tous nos blocages ?

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Monsieur le ministre, force est de constater que l'Europe est entrée de manière plus positive dans la phase post-crise sanitaire qu'elle n'est entrée dans la crise sanitaire elle-même. Politiquement, le tandem franco-allemand semble être redevenu le moteur de l'Union et a permis d'initier un programme de relance très ambitieux. Le verrou du déficit a sauté, ce qui semble en avoir fait sauter beaucoup d'autres, et nous pouvons immédiatement en constater les effets. Je me garderai de penser que cette situation est formidable à long terme, mais elle a permis une plus large ouverture.

L'Union européenne semble aller mieux. Le désastre du Brexit et la communication hasardeuse de la Commission européenne durant les premiers temps de la crise sanitaire semblent avoir laissé place à de nouvelles ambitions. L'État de l'Union présenté hier par Ursula Von der Leyen et le programme que la Commission européenne entend mener semblent montrer qu'acte a été pris du nouveau monde sanitaire et social dans lequel nous entrons.

Pour le groupe EDS, je suis particulièrement sensible à l'ambition en matière de santé publique et concernant le Green Deal.

Alors que mes collègues du groupe EDS recevaient hier à Calais des amendes de la police nationale au seul motif de leur volonté d'aider des étrangers à vivre mieux leur migration, je me réjouis, au nom de mon groupe parlementaire, que la présidente de la Commission européenne ait annoncé son intention de mettre fin au sordide traitement réservé à ces femmes, ces hommes et ces enfants dans le cadre du règlement de Dublin.

La proposition faite par la présidente de la Commission de se plier à une ambition sur la réduction des gaz à effet de serre de moins 40 % à moins 55 % constitue une première mondiale : elle pourrait nous mettre sur la trajectoire du respect des accords de Paris. J'espère qu'il retiendra toute l'attention de votre gouvernement.

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le secrétaire d'État Clément Beaune

J'ai omis de répondre à une question précise que vous avez posée, Madame la présidente, dans votre intervention liminaire sur la contribution plastique. Nous menons ce combat, notamment avec le Parlement européen, pour création de nouvelles ressources propres qui permettraient au budget européen de rembourser plus aisément le plan de relance et l'emprunt commun. Une première étape, certes modeste, est à saluer avec l'institution de cette taxe plastique qui est une semi-ressource propre car elle constitue un mode de calcul de notre contribution au budget européen. Il ne s'agit pas de créer une nouvelle ressource fiscale ou spécifique au budget européen, mais de mettre en place un nouveau mode de calcul des contributions respectives des États membres qui prenne en compte les efforts de recyclage du plastique.

Pour la France, le coût net est estimé à 69 millions d'euros, ce qui n'induit pas de surcoût majeur. Plus nous nous montrerons vertueux dans le recyclage, et vous avez voté des textes le permettant, et moins le coût sera élevé pour la France dans une sorte de système de bonus-malus, de sorte que les États qui recyclent le plus le plastique paieront moins au budget européen. Il s'agit d'une étape modeste qui constitue une première évolution de notre système de ressources propres qui ne nous dispense néanmoins pas d'engager le débat sur la taxe numérique, le mécanisme carbone aux frontières, la taxe sur les transactions financières et d'autres ressources.

Monsieur Holroyd, vous évoquiez le rôle de nos médias. Dans leur cahier des charges, les chaînes publiques sont tenues d'évoquer l'Europe, mais cela ne fait l'objet ni de quantification ni de modalités explicites et spécifiques.

Nous nous trouvons à un peu plus d'un an de la présidence française de l'Union européenne qui donnera l'occasion d'accélérer un certain nombre de dossiers qui nous tiennent à cœur, et d'informer sur l'Europe. Dans cette perspective, je souhaite que nous renforcions les mécanismes qui conduisent nos chaînes publiques à évoquer davantage l'Europe.

Toute pression publique, notamment du Parlement, est absolument nécessaire. J'ai apprécié le discours de la présidente de la Commission européenne. D'autres peuvent penser le contraire, ce qui relève de la liberté politique et d'information ; mais ne pas en parler me semble constituer un problème démocratique. L'Europe n'est pas un hobby ou une lubie. Les règles européennes sont souvent liées au quotidien des Français sur le plan environnemental et financier. Nul ne peut vivre dans l'ignorance de l'information européenne

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Le conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) doit jouer son rôle.

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le secrétaire d'État Clément Beaune

Absolument. Je rencontrerai prochainement son président qui est engagé sur ces sujets. Je ne ferai pas de promesses que je ne peux tenir seul, mais il serait intéressant, et je m'engage à le proposer au Premier Ministre, qu'une mission parlementaire soit promptement lancée sur ce sujet en vue de la présidence française de l'Union européenne. L'argument selon lequel l'Europe n'intéresse pas est trop facile. Des enquêtes d'opinion récentes ont montré que les Français s'estiment insuffisamment informés sur l'Europe. Par conséquent, nous devrons faire jouer cet engagement de service public majeur ensemble au cours des mois à venir. L'échéance de la présidence française semble constituer une très bonne accroche pour renforcer cette idée. Ma prédécesseuse avait commencé à s'engager dans ce domaine. Il me semble qu'une mission parlementaire rapide serait un bon moyen de formuler des propositions et de mettre ce sujet sur la place publique.

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J'ai été parlementaire en mission auprès de Michel Barnier, ministre des Affaires étrangères, sur ce sujet. Une série de propositions ont été formulées car nous sommes tous responsables, y compris les parlementaires qui n'évoquent pas l'Europe dans leurs lettres de député, et les maires qui font de même dans leurs journaux municipaux. Au-delà du service public, tous les dirigeants politiques et publics sont responsables de la non-information de nos concitoyens sur l'Europe.

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le secrétaire d'État Clément Beaune

Vous avez tout à fait raison. Je sais que vous avez beaucoup travaillé sur le sujet de l'information et de l'influence sur la question européenne. Un certain nombre de propositions sont déjà disponibles. J'ai personnellement beaucoup insisté pour que soit soulignée la dimension européenne du plan de relance. L'Europe n'est pas seulement un tiroir-caisse, mais un projet politique et elle doit être visible. On ne peut s'approprier les bonnes nouvelles et dénoncer les mauvaises ou les contraintes. La question ne réside pas uniquement dans l'information sur un service public. Nous sommes tenus de souligner, à chaque fois que possible, les erreurs, qu'il ne faut pas cacher, et les succès européens.

Je crois beaucoup à la force de ces symboles. Nous souhaitons faire figurer des visages sur les billets en euros, ce qui fait partie de l'incarnation de l'Europe. Cette approche fait parfois ricaner, mais aucune puissance au monde ni communauté politique ne vit sans symbole, sans incarnation, sans image, ni pluralisme médiatique. Nous devons mener à nouveau ce combat en vue de la présidence française de l'Union européenne.

Sur le Royaume-Uni, les engagements pris doivent être tenus. Nous devons poursuivre la négociation sur la relation future tant que les Britanniques acceptent de négocier, ce qui est le cas en dépit de rodomontades et d'expressions publiques brutales. Les Européens commettraient une erreur en quittant la table des négociations. L'accord de retrait signé et ratifié doit être respecté.

Nous avons indiqué être disposés à activer des mécanismes juridiques comme le recours à un comité conjoint. Les Britanniques peuvent peut-être jouer la montre pour le mettre en place, mais il le sera d'ici la fin de l'année. Nous pourrions néanmoins l'activer dans la mesure où il est prévu par l'accord de retrait. Par ailleurs, nous n'excluons pas d'introduire un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne, qui s'appliquerait à l'accord de retrait si celui-ci n'était pas respecté par l'une des parties.

Le Parlement européen, qui aura à se prononcer sur l'accord portant sur la relation future, refusera de le voter si l'accord de retrait était remis en cause entre-temps. Nous n'accepterons pas de mettre en œuvre un accord sur la relation future si la première page du contrat était truffée de coups de canifs. Il s'agit d'une question de principe extrêmement grave. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies et en sa qualité de grande démocratie, le Royaume-Uni ne peut agir à la légère avec ses engagements internationaux. Je suis d'ailleurs plutôt satisfait des réactions politiques au Royaume-Uni dans la mesure où un certain nombre d'anciens Premiers Ministres et de députés, y compris de la majorité actuelle, ont manifesté une désapprobation légitime.

La mixité de l'accord est la perspective la plus probable et celle que nous souhaitons. Un accord de cette nature doit être examiné par le Parlement européen, mais aussi pour les Parlements nationaux.

La question posée par Coralie Dubosc sur l'État de droit est complexe. En cas d'atteinte à l'État de droit, il convient de pouvoir prendre des mesures de suspension, voire de remboursement de fonds européens.

Par ailleurs, un débat européen est en cours sur le champ d'application de la procédure. Les pays les plus réticents, notamment le Hongrie et la Pologne, demandent sa mise en œuvre dans des cas strictement financiers. La France et l'Allemagne souhaitent que les atteintes à l'État de droit puissent faire l'objet de sanctions financières. Il n'existe pas encore de consensus européen sur ce point, lequel est très difficile à atteindre, mais nous devons y tendre.

Plusieurs questions ont été posées par Michel Herbillon relatives à la situation internationale. Vous m'avez cité en évoquant entre la France et l'Allemagne un « désaccord chaque matin » et « des accords à la fin de la journée ». En pratique, je conviens que nous ne résolvons pas toujours le désaccord le jour même. Ce jour métaphorique est parfois un peu plus long, mais, au-delà de l'image, le couple franco-allemand ne saurait fonctionner en cachant ses désaccords.

Deux erreurs doivent être évitées dans la relation franco-allemande, à savoir la confrontation et la célébration. La première consiste à rejeter la faute sur l'Allemagne. Bruxelles n'est pas une sorte d'entité désincarnée ou d'instituteur malveillant qui distribuerait de mauvais points aux mauvais élèves. Je ne crois pas du tout en cette vision infantilisante de l'Europe que nous avons trop souvent utilisée et, au travers de celle-ci, à la posture un peu agressive ou confrontationnelle à l'égard de l'Allemagne.

Le second écueil est la célébration. Je n'affirme pas que notre relation n'est pas faite de symbole, bien au contraire. Depuis Charles de Gaulle et Konrad Adenauer, tous les couples franco-allemands ont été liés par des symboles. Sous ce mandat, le Président de la République l'a montré à travers la conclusion du traité d'Aix-la-Chapelle et l'invitation de la Chancelière Merkel à Rethondes.

Le rapport à la puissance et à l'engagement militaire diffère entre la France et l'Allemagne. Néanmoins, dans la crise avec la Turquie, je ne crois pas à une opposition franco-allemande, ni à une sorte de répartition des rôles entre le bon et le méchant. L'Allemagne est tout à fait consciente de l'existence d'un problème turc en Méditerranée orientale. Sur ce point, elle a fait mouvement vers la position française. La France ne cherche pas à créer des tensions, de la surenchère ou de l'escalade. Il existe plutôt une coordination des rôles et un rapprochement progressif des positions entre la France et l'Allemagne, mais également au niveau des vingt-sept. Les positions de l'Italie et de l'Espagne n'étaient initialement pas identiques à celle de la France.

Je n'ai aucun doute sur le fait que notre fermeté est nécessaire et que nous entraînons progressivement de nombreux pays sur cette ligne, dont l'Allemagne. Il est positif que cette dernière mène des efforts de médiation entre la Turquie et la Grèce, ce que nous soutenons depuis le premier jour.

La sortie de crise est malheureusement un sujet de long terme avec des épisodes et des pics de tension. Il existe un problème lié à la stratégie turque d'extension de son influence dans la région qui prend différentes formes comme constaté en Libye, en Syrie, à l'égard de Chypre et de la Grèce, ainsi que dans les Balkans.

À court terme, nous avons fait preuve de fermeté face aux provocations de la Turquie. Les Européens ont immédiatement fait part de leur soutien sans ambiguïté à la Grèce et souligné le caractère insupportable de l'instrumentalisation migratoire, ce qui, je crois, a fait reculer la Turquie. Nous n'excluons pas de nouvelles sanctions potentielles si la Turquie poursuit ses agissements de court terme.

Sur le long terme, un dialogue et une négociation sont nécessaires mais il faut auparavant que les provocations s'atténuent. Comme évoqué par le Président de la République en présence du Président Erdoğan à Paris, début janvier 2018, en matière énergétique et migratoire, nous avons besoin de discuter avec la Turquie.

À ce sujet, vous évoquiez « le cynisme réciproque dans la négociation entre l'Europe et la Turquie ». Si nous appelions à rompre les négociations, qui sont déjà gelées, cette position pourrait être instrumentalisée par certains en Turquie qui affirmeraient que les Européens n'ont jamais été honnêtes et francs dans cette négociation. Nous commettrions une erreur en allant jusqu'à la rupture. Cependant, comme indiqué publiquement par le Président de la République, ce qu'il a été le premier à faire au cours des dix dernières années, en présence du Président Erdoğan, la solution à long terme ne consiste pas en l'adhésion, mais en un partenariat étroit avec la Turquie. La négociation ne peut intervenir que dans un cadre apaisé qui n'existe pas aujourd'hui et qui doit inclure les questions commerciales, énergétiques, migratoires, la lutte contre le terrorisme, ainsi que les domaines culturel et éducatif.

Monsieur le député Bourlanges, je pense, effectivement, que nous ne devons pas considérer l'Europe comme une France élargie. J'assume complètement la défense d'une vision et d'une ambition française, et j'ai la faiblesse de penser que vous la partagez.

Toutefois, tout le monde ne pense pas comme nous. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons construit le projet européen. Si nous pensions spontanément de manière identique, nous n'aurions pas eu besoin de ce coup de génie de nos pères fondateurs qu'a été la réconciliation franco-allemande et européenne.

Depuis le début de ce mandat, nous nous employons, et le Président Macron en premier lieu, à parler à l'ensemble des acteurs européens, y compris et avant tout aux pays avec lesquels nous sommes en désaccord. C'est pourquoi le Président de la République s'est rendu à plusieurs reprises à La Haye, au Danemark et en Finlande, et qu'il se rendra prochainement dans les Pays baltes.

Vous évoquez, à juste titre, les blocages institutionnels. La séquence que nous avons connue dans les années 1980 et 1990, jusqu'au référendum constitutionnel, pendant laquelle il suffisait de réviser les traités et de donner d'avantage de compétences à l'Europe, n'est plus possible car les questions institutionnelles ne sont plus comprises par les citoyens. Ceci ne signifie pas que les changements de traités sont impossibles et ne sont pas souhaitables. Un certain nombre d'avancées supposent une révision des traités mais cela ne constitue pas un projet en soi. Le traité est la résultante des politiques que l'on souhaite mettre en œuvre. Il n'est pas le point d'entrée, mais il peut être le résultat d'un certain nombre de réformes qui sont nécessaires.

En outre, des sujets proprement institutionnels ne fonctionnent pas. L'unanimité est plus problématique en matière de fiscalité que de politique étrangère. La France est traditionnellement opposée à l'unanimité en politique étrangère. Lors de leur rencontre à Meseberg, voici deux ans, le Président et la Chancelière ont toutefois affirmé qu'ils étaient prêts à remettre en cause l'unanimité dans l'ensemble des domaines, notamment la fiscalité et la politique étrangère.

En pratique, le blocage de l'unanimité en politique étrangère est assez faible, mais nous sommes tout à fait ouverts à ce débat. En revanche, en matière de fiscalité, il s'agit d'un immense problème dans la mesure où les avancées concrètes et indispensables, notamment sur la fiscalité du numérique, se trouvent bloquées.

Nous pouvons faire avancer ce point sans changer le traité. Il existe une clause passerelle, laquelle est complexe car elle s'active à l'unanimité. Nous devons explorer cette voie à court terme plutôt que celle du changement de traité.

Au-delà du débat sur la fiscalité et la politique étrangère, nous pouvons conduire de nombreuses actions sans changer le traité. Une réduction de la taille de la Commission est indispensable mais complexe. De nombreux pays, notamment les plus petits, perçoivent la présence d'un commissaire de leur nationalité comme une garantie absolue d'être écouté, ce que je comprends car il s'agit d'une sorte d'attribut statutaire et de garantie de protection. Toutefois, ce fonctionnement conduit à une commission très lourde dont les portefeuilles sont de taille et d'ampleur inégales, et accrédite l'idée selon laquelle chaque commissaire est le porte-parole de son pays. Au Conseil, il est légitime que les ministres et le Président de la République français défendent les intérêts de la France, mais la Commission européenne incarne l'intérêt commun.

Je souhaite que ces questions puissent être abordées dans le cadre de la conférence sur l'avenir de l'Europe. Sur le plan institutionnel, je citerai également la proposition de liste transnationale pour les élections européennes dont la mise en œuvre ne nécessite pas de révision des traités.

Pour répondre à Mme de Courson, je dirais que l'action européenne n'a pas été à la hauteur au cours des premières semaines de la crise sanitaire. Des progrès ont ensuite été réalisés sur les vaccins. Nous avons décidé de passer des contrats de pré-réservation avec les grands laboratoires afin que les Européens accèdent collectivement au vaccin dès que celui-ci sera trouvé, sans être à la merci des Américains ou d'autres grandes puissances qui pourraient s'en réserver l'accès. Nous menons ce travail avec un financement européen et les achats de doses qui permettront de couvrir l'ensemble la population européenne.

Il reste néanmoins beaucoup d'actions à mener. Nous soutenons l'idée de mettre en place une agence européenne biomédicale destinée à financer des recherches ou à créer un autre vaccin. À plus court terme, se pose la question de l'harmonisation des critères sanitaires afin que les mesures que nous prenons dans le cadre de la reprise de l'épidémie soient cohérentes et harmonisées, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.

Vous évoquiez la question du climat. La présidente de la Commission a proposé de retenir un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % d'ici 2 030 contre 40 % aujourd'hui. Le Parlement européen a évoqué 60 % voici quelques jours. Nous aurons ce débat au Conseil européen du mois d'octobre. Du côté français, nous avons toujours fait part de notre souhait de rehausser l'ambition par rapport au taux de 40 %. Nous souhaitons le niveau d'ambition le plus élevé possible en tenant compte des implications, secteur par secteur. Tel est l'objet de l'étude d'impact produite par la Commission dont nous avons demandé l'accélération et qui sera publiée aujourd'hui.

Sur la question migratoire, nous avons besoin d'une réponse européenne commune et durable. La France a affirmé, avec l'Allemagne, qu'elle prendrait sa part de solidarité vis-à-vis de la Grèce. Il est de notre devoir d'accueillir un certain nombre de mineurs laissés à l'abandon à Lesbos et rapatriés en Grèce. Lorsque la Turquie a menacé la Grèce, nous avons pris l'engagement auprès du Premier Ministre grec d'accueillir quelques centaines de mineurs. Nous ferons de même dans le cadre de la réponse au drame de Lesbos. L'OFPRA est déjà sur place. Depuis le début de l'année, nous aurons pris en charge environ 1 000 personnes, notamment mineures, depuis la Grèce. Il s'agit d'un effort important fourni par la France et l'Allemagne qui est à notre honneur.

Un mécanisme durable de solidarité doit être mis en place au niveau européen. Telle est la proposition que devrait formuler la Commission la semaine prochaine. Elle reprendra l'idée défendue depuis deux ans par le Président de la République française d'un mécanisme de solidarité obligatoire au niveau européen selon des modalités plus flexibles que des quotas obligatoires qui constituent un point de blocage.

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En premier lieu, je m'associe aux félicitations qui vous ont été adressées.

Le plan de relance constitue un événement politique considérable que certains ont qualifié d'historique. Il s'agit d'une initiative refondatrice pour l'Europe car elle permet d'éviter le risque d'implosion de l'Union européenne. Cette initiative est refondatrice également par son financement. En effet, pour la première fois, les Européens émettront une dette commune. En matière politique, la solidarité est placée au cœur de la construction européenne, ce qui constitue une avancée importante. Il s'agit également d'un événement historique au travers du retour du couple franco-allemand. Nous devons ce plan de relance à la volonté inlassable du Président de la République depuis trois ans en faveur d'une Europe plus unie et solidaire.

D'autres décisions suivront, mais le signal envoyé était le bon. Le plan de relance vient supplanter les moments d'atermoiement survenus durant la crise, notamment vis-à-vis des frontières, même si des défis importants demeurent.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention le très bon discours d'ambition, de vision et de méthode prononcé hier par la présidente Von der Leyen. Les propositions sont à la hauteur de ce que le continent et les citoyens européens sont en droit d'attendre.

Toutefois, alors que nous nous félicitons des avancées européennes, il faut aussi les valoriser. Dans le propos de Mme Von der Leyen, de nombreux sujets sont posés sur la table depuis un certain nombre d'années. Vous évoquiez la question migratoire. La politique d'asile et d'immigration, et la tragédie du camp de Mória sur l'île de Lesbos la semaine passée où des femmes, des hommes et des enfants ont parfois perdu la vie en tentant cette traversée périlleuse, sont la conséquence d'une politique européenne et d'une incapacité des Européens à s'entendre sur la réforme de Dublin et la politique migratoire. Tant que nous ne serons pas parvenus à lever un certain nombre de blocages, notamment institutionnels, je crains que nous nous retrouvions dans la même situation. Il est pourtant urgent d'agir.

S'agissant de la règle de vote en matière de politique étrangère, un certain nombre de questions se posent lorsque l'on met plus d'un mois à réagir à la situation en Biélorussie et lorsque les sanctions ne sont pas appliquées alors que l'élection présidentielle a été manifestement volée au peuple. Nous pouvons également citer le cas de la Turquie qui fore actuellement dans les eaux territoriales grecques.

Si l'Europe souhaite assumer un certain leadership dans les années à venir en construisant une troisième voie entre les États-Unis d'Amérique et la Chine, il conviendra de confronter nos contradictions et nos difficultés de fonctionnement. C'est pourquoi la conférence pour l'avenir de l'Europe me semble absolument primordiale. J'ai proposé, ce matin en séance publique, le lancement dans les mois à venir d'une convention citoyenne sur l'Europe selon le modèle de celle qui concerne le climat, dans la perspective de la présidence française, de façon à associer les citoyens français à ce débat. J'aurais aimé avoir votre sentiment sur ce sujet.

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Monsieur le ministre, je tiens à vous féliciter une nouvelle fois pour votre nomination au gouvernement.

J'aimerais vous dire tout mon attachement à cette belle Europe, certes imparfaite.

Ma circonscription jouxte les frontières belges et luxembourgeoises, à une encablure des frontières allemandes. Elle compte 27 000 frontaliers, dont je connais bien la situation pour avoir été l'un des leurs durant une quinzaine d'années. Ils passent quotidiennement une frontière sans véritablement la voir, comme vous l'indiquiez ce matin sur les ondes radiographiques. Ces frontaliers souffrent et réclament davantage d'Europe et d'échanges en favorisant le co-développement et les co-financements de projets communs, lesquels sont aussi utiles aux Français qu'à nos amis luxembourgeois.

C'est pourquoi je caresse l'espoir que vous accepterez de vous rendre sur ce petit bout d'Europe qui est un véritable laboratoire à optimiser en raison de sa situation à mi-chemin entre Bruxelles et Strasbourg.

Je souhaiterais vous interroger sur le cadre financier pluriannuel et son articulation avec le plan de relance de 750 milliards d'euros. Ces deux budgets étant, a priori, distincts, j'aimerais savoir quel sera le pouvoir du Parlement européen sur le contrôle du fonds de relance et comment il pourrait être associé à sa mise en œuvre alors que ce mécanisme est externe au traité et à la procédure législative ordinaire.

En outre, la rubrique Environnement du CFP de 350 milliards d'euros vous semble-t-elle suffisante ? Pourrons-nous nous espérer que les financements complémentaires contribuent aux besoins évalués à 1 000 milliards d'euros dans le cadre du Green Deal de la Commission ?

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Dans la droite ligne des propos de Michel Herbillon, il est indispensable d'exprimer notre solidarité vis-à-vis de deux États membres de l'Union européenne, Grèce et Chypre. J'estime nécessaire que l'ensemble des pays de l'Union européenne expriment cette solidarité et soient parfaitement persuadés de la nécessité d'établir un rapport de force avec la Turquie. Comme vous l'indiquez, il reste un chemin à parcourir.

La semaine prochaine, la Commission européenne présentera son pacte pour l'asile et l'immigration. Dans son discours, Mme Von der Leyen a annoncé qu'elle proposerait une nouvelle stratégie pour l'avenir de Schengen. Pouvez-vous apporter des précisions sur les positions et les propositions défendues par les autorités françaises ?

S'agissant de la gestion de la crise sanitaire et de la pandémie de COVID-19, quid de l'établissement de règles communes en matière de gestion de nos frontières ? Nous avons pu comprendre, même si nous nous en sommes un peu désolés, qu'une véritable divergence d'appréciation était survenue avec l'établissement de règles assez disparates lorsque cette pandémie a éclaté, avec l'impression d'une certaine cacophonie. Nous souhaitons désormais une reprise de convergence, de cohérence et d'unité dans la gestion, notamment des frontières nationales et extérieures.

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Je souhaite revenir sur la question de la conditionnalité des fonds puisque j'ai établi un rapport sur ce sujet avec Coralie Dubosc. La difficulté ne réside pas dans le principe de la conditionnalité, mais dans son acceptation par les États.

Les opposants au dispositif envisagent, notamment en Hongrie, font valoir que des mesures de demandes de remboursement ou de suspension d'aide se retourneraient contre des régions défavorisées et des citoyens. Il s'agit donc d'une question extrêmement délicate.

Hier, la présidente de la Commission européenne a dit vouloir abolir le règlement de Dublin, lequel confie la responsabilité des demandes d'asile aux pays de première entrée des migrants. Comment voyez-vous l'après-Dublin et quelle est la position de la France à ce sujet ?

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Je m'associe avec plaisir aux félicitations adressées par mes collègues. Ma question est la suivante, Monsieur le ministre : et la pêche ?

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Je vous félicite pour votre nomination et vous remercie de vos propos toujours très éclairants sur la situation de l'Europe qui se situe à un tournant de son histoire.

Je suis députée du Finistère et co-présidente du groupe d'études Économie maritime, et je me permets d'intervenir également au nom de mon collègue qui traite de la pêche dans les négociations du Brexit. Le négociateur Michel Barnier a déclaré à plusieurs reprises qu'un accord commercial avec le Royaume-Uni n'était envisageable qu'en cas de compromis sur la pêche. Hier, la présidente Von der Leyen a indiqué dans son discours que plus les jours passent et plus les chances de trouver un accord s'amenuisent.

Dans ce contexte, l'inquiétude grandit dans ma circonscription finistérienne. Les pêcheurs du Guilvinec sont très pessimistes. À l'issue de cette commission, j'assisterai au Conseil du comité national des pêches maritimes. Monsieur le ministre, dans l'hypothèse d'un no deal, comment l'Union européenne compte-t-elle protéger les pêcheurs et tous les acteurs de la filière ? Il faut savoir qu'un emploi à bord est lié à quatre emplois à terre. Quelle sera la position soutenue par la France au niveau européen pour venir en aide à ces territoires littoraux dont l'économie locale, l'emploi et l'attractivité seront très touchés par un no deal dont le spectre pèse visiblement sur l'issue des négociations ?

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Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence parmi nous et de votre action.

La rentrée du Parlement européen en session plénière à Strasbourg devait intervenir ce lundi. En dépit des efforts fournis par les forces vives de Strasbourg et de son territoire pour accueillir les parlementaires dans les meilleures conditions malgré la crise COVID-19, le président du Parlement européen a finalement annoncé que les eurodéputés et les fonctionnaires ne reviendraient pas à Strasbourg en septembre, ce qui est, évidemment, une très mauvaise nouvelle.

Je vous remercie de votre soutien au siège du Parlement européen à Strasbourg au nom de l'ensemble des membres de cette commission. Strasbourg est le cœur battant de la démocratie européenne à laquelle nous sommes foncièrement attachés. Plus que jamais, il est essentiel pour la France de redoubler d'efforts pour s'assurer que le siège du Parlement européen soit conforté.

Pouvez-vous préciser les actions qui ont été engagées dans le cadre du nouveau contrat triennal en cours d'élaboration qui fédère l'action de l'État et des collectivités territoriales sur des questions aussi pratiques que celles de l'accessibilité et des conditions de travail et d'hébergement des eurodéputés et, sans doute de manière plus importante, pour le renforcement du rôle politique de capitale européenne de la démocratie que doit jouer Strasbourg ?

Je souhaite compléter cette question institutionnelle par une interrogation sur l'ambition européenne en matière de transition écologique. L'accord budgétaire européen s'est donné comme objectif de faire de l'Europe un champion du climatique. Cependant, l'évolution des métiers et des compétences est une condition sine qua non de la réussite de cette transition. À l'heure actuelle, la transition écologique est l'un des secteurs les plus porteurs en termes d'emploi et pourrait l'être davantage dans les années à venir.

Comment concrétiser cette promesse alors que le secteur de la transition écologique peine à recruter ? Comment voyez-vous les actions à mettre en œuvre au niveau de l'UE pour faire face à ce défi ?

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Monsieur le ministre, je me réjouis de votre nomination à cette fonction.

Il ne fait aucun doute que l'accord européen sur le plan de relance obtenu sous l'impulsion du Président de la République et de la Chancelière allemande est historique. Néanmoins, les conditions d'octroi des fonds demeurent confuses pour nombre de nos concitoyens.

La liberté d'expression, de presse et de réunion est aujourd'hui menacée dans certains États de l'Union. La réforme de la Constitution hongroise de 2011 a retiré à sa Cour constitutionnelle une large partie de ses prérogatives. Quelle image l'Union européenne donnerait-elle au monde si elle versait des aides à des États dont les gouvernements ne partagent pas ses valeurs fondatrices ?

Cet accord ne sera une véritable réussite que s'il parvient à endiguer ces mouvements illibéraux. Il en va de la survie de l'idée européenne en tant qu'espace politique. S'il est vrai que, pour la première fois, l'État de droit devient une condition pour l'octroi de fonds européens, il est encore tôt pour se réjouir. En effet, une éventuelle réduction ou suspension de fonds en raison d'une violation de l'État de droit devrait être approuvée par une majorité qualifiée des États membres.

Comment expliquer qu'à la sortie des négociations, Viktor Orban ait affirmé que : « Toutes les tentatives de lier l'État de droit au budget ont été stoppées » ? Pourriez-vous préciser la nature du mécanisme de conditionnalité retenu par le Conseil européen et son efficacité pour endiguer ces mouvements illibéraux ?

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le secrétaire d'État Clément Beaune

Monsieur le député Anglade, l'Europe était jusqu'à présent le seul échelon politique qui ne pouvait réagir aux variations du cycle économique et aux crises. Dans le cadre d'une crise, tout pays, y compris ceux qui sont considérés comme les plus vertueux, dépense de l'argent sans demander immédiatement la compensation de cet effort au travers d'un impôt, d'une contribution ou d'une réduction de dépenses publiques. Par conséquent, les déficits et la dette s'accroissent en période de crise et c'est bien normal. L'Europe n'était pas capable de cela pour la raison qu'elle n'était pas autorisée à s'endetter.

L'emprunt européen sera remboursé après 2027 pendant le prochain cadre financier pluriannuel. J'aimerais que ceux qui annoncent un coût de 60, 100 ou 115 milliards d'euros pour la France expliquent comment ils parviennent à un tel résultat, car les paramètres du futur cadre financier ne sont pas définis.

Je prends l'exemple des rabais qu'objectivement, nous ne sommes pas parvenus à supprimer. La France n'acceptera pas le maintien de rabais pendant le prochain cadre financier pluriannuel s'il n'y a pas d'avancée concernant la mise en place de nouvelles ressources propres. Il n'y a aucun sens à plaquer les paramètres du cadre financier pluriannuel actuel sur le prochain. Les compteurs seront remis à zéro.

Si le principe de nouvelles ressources propres est acté, ce n'est pas le cas pour ce qui est de leurs modalités, ni de leur montant. Pour la première fois dans l'accord du 21 juillet accepté à l'unanimité par les chefs d'États et de gouvernement, tous les pays, y compris l'Allemagne et les pays du nord qui avaient des réticences, ont accepté le principe de création de nouvelles ressources propres. Nous avons donné mandat à la Commission pour formuler des propositions législatives. Le Parlement européen insiste pour que ces propositions législatives soient faites le plus vite possible.

Si les pays dits « frugaux » avaient à choisir, ils préfèreront la mise en place de nouvelles ressources propres – qui pèseront sur les grandes entreprises du numérique échappant à l'impôt et les entreprises internationales qui exportent sans respecter nos règles environnementales – à une augmentation de leurs contributions au budget de l'Union. Les Pays-Bas et la Suède sont favorables à de nouvelles ressources propres de nature climatique ou environnementale, de type ETS ou mécanisme carbone aux frontières.

Un combat reste cependant à mener pour que cet argent devienne sonnant et trébuchant et que ces montants soient attribués au budget de l'Union européenne rapidement, et avec des montants aussi importants que possible.

Il convient donc d'évoquer les avancées réalisées et ne pas mentir en affirmant qu'une augmentation de la contribution française serait déjà gravée dans le marbre, ce qui n'est absolument pas le cas.

Sur les questions relatives aux migrations et à la situation en Méditerranée, la Commission, qui a accéléré son calendrier, formulera des propositions dans quelques jours pour présenter un pacte Asile-Migration dès le 23 septembre. Hier, la présidente Von der Leyen a été très offensive et claire sur la nécessité d'un débat sur ce pacte et, si possible, sur une adoption rapide par les États membres et le Parlement européen.

La position française est claire. Il s'agit d'un équilibre complètement refondé entre la solidarité et la responsabilité. Les règles de Dublin sont compliquées, voire excessives pour les pays de première entrée car elles ne sont pas accompagnées d'un mécanisme de solidarité. Face aux grands flux migratoires de 2015 et 2016, qui pourraient se reproduire, nous avons constaté que ce système n'était pas adapté. Par conséquent, il faut clarifier les règles de responsabilité, voire les renforcer. Il n'est pas question d'affirmer qu'un pays se trouvant en première ligne n'a aucun rôle. Il a une responsabilité à jouer en tant que point d'entrée de l'Europe. Il doit enregistrer de manière complète les personnes qui demandent l'asile et faire en sorte que les retours de ceux qui n'y ont pas droit soient exécutés le plus rapidement possible avec un soutien européen. La France a toujours été claire sur la nécessité de maintenir des règles de responsabilité.

Toutefois, ces règles ne seront justes, acceptées et mises en œuvre par des pays comme l'Italie, la Grèce et d'autres que si elles sont accompagnées d'un mécanisme de solidarité, qui fait défaut actuellement. Jusqu'à présent, la discussion a buté sur la question de quotas obligatoires. En 2015 et 2016, des mesures d'urgence ont été prises et une proposition a été formulée par la Commission visant à mettre en place des quotas obligatoires. Il convient de prendre acte que le débat est bloqué sur ce point. Certains pays de l'Est de l'Europe, comme la Slovaquie, ne s'opposent pas aux quotas obligatoires, mais estiment qu'il s'agit d'une fausse bonne idée dans la mesure où les personnes entrent dans le pays, puis le quittent.

Parmi les propositions qui seront formulées par la Commission, devrait figurer celle d'un mécanisme de solidarité obligatoire pour tous les pays. Toutefois, la France défend la règle de l'accueil de personnes en besoin de protection selon des types de contribution différents permettant de soutenir les pays de première entrée.

Si l'on retient ces paramètres, le débat sur le volet migratoire aura des chances de repartir sur de nouvelles bases, et je pense qu'un accord n'est pas impossible. La solidarité et la responsabilité constituent les paramètres d'un accord européen juste, efficace et pouvant trouver un débouché dans les prochains mois. Nous incitons fortement la présidence allemande à ce que ce débat s'engage dès à présent afin d'aboutir à un accord dans les prochains mois, même s'il s'agit d'un défi très important et du sujet le plus compliqué dans les discussions européennes. Néanmoins, nous avons vu, à l'occasion du plan de relance, que nous pouvions surmonter des tabous anciens.

Il faut se battre sur ce sujet car, même si des drames douloureux surviennent régulièrement comme à Lesbos récemment, l'Europe ne connaît pas actuellement de flux migratoires comparables à ceux de 2015 et 2016. Le moment est donc approprié. Nul ne sait de quoi l'avenir sera fait, mais il est plus difficile de trouver des solutions consensuelles face à l'urgence.

Traditionnellement, la France est réticente sur la question de l'unanimité en matière de politique étrangère estimant qu'il s'agit d'un sujet sensible et qu'elle ne doit pas se retrouver dépendante d'accords qui seraient contraires à ses positions. Dans la pratique, cela n'arrive pas de sorte que la question de l'unanimité est essentiellement symbolique. Toutefois, il existe quelques cas où des blocages surviennent ou des sujets sont « pris en otage » par certains États membres. Aujourd'hui, Chypre est très inquiet concernant la Turquie et utilise ce levier à l'égard de la question des sanctions contre la Biélorussie.

J'ai précisé que nous étions prêts à ouvrir ce débat, comme indiqué par le Président de la République voici deux ans à Meseberg dans une déclaration commune avec la Chancelière. L'idée est de passer à la majorité qualifiée dans l'ensemble des domaines susceptibles de connaître des blocages, à savoir essentiellement les questions de politique étrangère et de fiscalité, en particulier du numérique. Cela ne concernerait pas les sujets quasi-constitutionnels comme l'élargissement ou la révision des traités dont le mode d'adoption à l'unanimité est parfaitement justifié car il s'agit de la constitution même de notre club européen.

Vous évoquiez, Monsieur Anglade, la conférence sur l'avenir de l'Europe qui sera le lieu où se dérouleront ces débats institutionnels. Votre souhait est de mettre en place un exercice citoyen ouvert avec une convention citoyenne du type de celle que nous avons faite sur le climat. Comme indiqué la semaine dernière au Conseil économique, social et environnemental, je souhaite que nous puissions avoir ce type d'exercice en vue de la présidence française de l'Union européenne et dans le cadre de la conférence sur l'avenir de l'Europe. D'ailleurs, lors de la présentation de ses propositions pour cette conférence, en janvier dernier, la Commission européenne avait soutenu l'idée de panels citoyens qui puissent ouvrir le débat dans toute l'Europe.

Le pari de la conférence sur l'avenir de l'Europe consiste à moderniser le processus de révision des traités en faisant débattre les citoyens de manière ouverte : pas simplement en cliquant sur un questionnaire en ligne, mais sur la base d'une approche délibérative. Comme nous l'avons fait dans l'exercice sur le climat, les citoyens devront pouvoir débattre de manière approfondie en échangeant avec des experts, des parlementaires, des syndicalistes et des représentants de fédérations professionnelles pour se faire une idée et formuler des propositions dont nous devrons tenir compte. Il s'agira d'un exercice inédit, audacieux et dont la mise en place sera complexe en raison de son caractère innovant mais je rejoins votre proposition.

Monsieur le député Paluszkiewicz, je réponds à votre invitation amicale à me rendre dans les circonscriptions où se vivent ces questions transfrontalières. J'essaie de multiplier les déplacements de terrain dans un maximum de circonscriptions françaises pour parler d'Europe en France.

Je rappelle à ceux qui ont la passion de la fermeture des frontières que la France compte 350 000 travailleurs frontaliers. Les frontaliers gagnent leur vie en franchissant une frontière dont ils oublient parfois l'existence tant la démarche devrait être simple et l'est dans des circonstances normales. La crise du COVID a montré que cet acquis était fragile et donc précieux, et que le combat est quotidien pour le préserver. J'invite tous ceux qui défendent l'idée d'une fermeture des frontières à dire honnêtement ce que cela signifie pour nos frontaliers, lesquels ne sont ni des privilégiés ni des nomades qui « s'amusent » à se déplacer pour le plaisir. Il s'agit de familles parfois séparées lors des restrictions aux frontières et qui éprouvent des difficultés pour exercer leur travail.

Je ne veux pas que nous revivions la situation que nous avons connue au printemps. Heureusement, dans l'immense majorité des cas, il existait des facilités de passage, ce qui est la moindre des choses pour les travailleurs frontaliers, lesquels ont néanmoins rencontré des difficultés concrètes, y compris à la frontière franco-allemande qui est la plus symbolique. Avec les élus locaux, vous-mêmes, les Régions, les Conseils départementaux et les maires, nous faisons tout pour éviter de revivre cette situation dans les zones frontalières.

Hier, je m'entretenais avec le vice-président du Sarre et d'autres vice-présidents de Länder allemands, ainsi que des ministres européens pour éviter que d'éventuelles mesures restrictives pénalisent les travailleurs frontaliers. Nous devons défendre cette priorité et j'y serai très vigilant.

Le cadre financier pluriannuel doit faire l'objet d'un accord entre le Conseil européen et le Parlement européen. La décision sur les ressources propres relève d'une procédure différente avec une consultation du Parlement européen, puis une ratification dans chacun des États membres (selon leurs procédures constitutionnelles nationales).

Le plan de relance est un objet nouveau puisqu'il n'existera pas d'endettement commun si la décision sur les ressources propres n'entre pas en vigueur.

S'agissant des 750 milliards d'euros de dépenses supplémentaires relatives à des prêts et subventions budgétaires, je partage le souhait du Parlement européen d'exercer un droit de regard, dont les modalités sont en cours de définition dans la gouvernance de ce plan. D'un point de vue démocratique, il est justifié que le Parlement européen soit associé, ce qui nécessite de modifier le règlement financier de l'Union européenne. Ce débat est en cours au Parlement européen qui cherche à obtenir le maximum de pouvoir dans la définition de cette gouvernance ad hoc.

Vous avez évoqué la question du Green Deal. Le montant de 1 000 milliards correspond à une combinaison d'investissements publics et privés. La France a obtenu qu'au moins 30 % du plan de relance européen et 30 % du budget de l'Union soient consacrés au climat. Dans son discours, la présidente de la Commission européenne a indiqué que 37 % du plan de relance européen devrait être consacré à des dépenses de transition écologique et que 30 % des émissions des obligations souveraines seront des Green Bonds, ce qui signifie que nous serons le premier émetteur mondial d'obligations vertes sur les marchés financiers. Il s'agit d'un bon levier de souveraineté et d'influence européenne. La France a commencé pour sa propre dette.

L'un des leviers importants, qui est parfois sous-estimé, concerne la Banque européenne d'Investissement (BEI). La France s'est battue pour que celle-ci devienne la banque européenne du climat. Dans la stratégie adoptée fin 2019, les dépenses consacrées au climat passent de 25 à 50 % d'ici 2025, ce qui représente un effort de financement significatif de la transition écologique.

Madame la députée Le Grip, le pacte migratoire doit reposer sur un triptyque responsabilité, solidarité et protection de nos frontières. Ce que je décris ne relève pas du laxisme, mais de la solidarité européenne et de l'efficacité de notre dispositif migratoire qui n'est pas à la hauteur aujourd'hui.

La solidarité est un bon investissement puisque le manque de solidarité à l'égard de l'Italie, de la Grèce et de Malte, qui a accueilli de nombreux bateaux de migrants ces dernières années, ainsi que de Chypre, qui a connu un afflux migratoire important, a alimenté la montée des populismes. Le manque de solidarité aboutit parfois à des postures de fermeture de ces pays. Or il n'est pas dans notre intérêt de considérer qu'il ne s'agit pas de notre problème, comme nous avons pu le faire dans le passé en laissant l'Italie gérer seule cette crise. Il est de notre devoir et de notre intérêt de trouver cet équilibre entre responsabilité et solidarité. Nul n'a intérêt à ce que l'Italie et la Grèce décident de « laisser passer tout le monde ».

La protection des frontières est un élément très important pour lequel nous devons accomplir beaucoup de progrès en renforçant l'Agence européenne de protection des frontières dont la montée en puissance est trop lente. Un objectif de 10 000 milliards d'euros est financé dans le futur budget européen.

L'un des points de faiblesse réside dans la politique européenne de retour dont la mise en œuvre n'est pas suffisamment rapide. La solidarité doit concerner les personnes ayant une chance raisonnable d'obtenir l'asile et non celles qui ont vocation à retourner dans leur pays. Nous exerçons davantage de pressions sur les pays d'origine et de transit car la vraie difficulté des retours réside dans le fait que ceux-ci ne reconnaissent pas toujours leurs ressortissants. En l'absence d'accord ou de laissez-passer consulaire, nous ne pouvons renvoyer dans ces pays les personnes n'ayant pas le droit de rester en Europe. La démarche passe par des négociations complexes.

L'Europe a alterné entre le chacun pour soi et des négociations telles que tentées voici trois ou quatre ans, via la Haute représentante, qui étaient assez peu efficaces. Le principe des chefs de file est satisfaisant. L'Espagne, par exemple, a des relations anciennes dans l'organisation de ses flux migratoires avec le Maroc ou d'autres pays de la région. Elle peut être préfiguratrice de certains accords européens qui peuvent ensuite être étendus. Il en est de même pour des pays d'Afrique du Nord avec lesquels la France est en grande proximité. Nous devons utiliser davantage ce levier.

Vous avez évoqué la question du COVID et de l'absence de règles communes. Une différenciation légitime et nécessaire des mesures prises d'un territoire à l'autre est à opérer. En France, nous prenons des mesures différenciées en fonction des territoires. Nous n'imposons pas de mesures restrictives qui pénalisent la vie économique, sociale, culturelle ou autre dans un endroit exempt de circulation active du virus.

Cette différenciation légitime se retrouve au niveau européen. En revanche, nous voulons éviter les fermetures de frontières. Nous constatons encore des attitudes non-coopératives avec la Hongrie qui a régulièrement la tentation de fermeture complète de ses frontières ou lorsque la Pologne ferme les lignes aériennes sans information préalable. Nous ne disposons pas toujours des leviers nécessaires pour l'empêcher.

Au printemps, lorsque nous nous sommes trouvés dans des situations encore plus graves mais les interdictions de circuler entre États membres n'ont pas tenu longtemps car elles conduisent au blocage des économies et de la vie quotidienne. Tel a été le cas lorsque certains pays de l'Est de l'Europe ont rouvert leurs frontières, parfois sans en faire état, car ils se pénalisaient eux-mêmes en les gardant fermées. Quelques attitudes non-coopératives subsistent, ainsi que des approches divergentes des critères sanitaires notamment la définition des zones rouges.

Depuis quelques semaines, la France porte l'idée d'harmoniser ces critères sanitaires. La Commission nous a suivis et a formulé une proposition, voici dix jours, définissant des seuils communs. Ce débat sera porté à l'ordre du jour du Conseil Affaires générales et j'espère qu'un accord sera obtenu. Cela ne signifie pas que les mesures seront communes au territoire européen. Il est question de l'instauration d'une meilleure coopération et d'une plus grande clarté et crédibilité.

Les mesures s'appliquent parfois au jour le jour, notamment en Belgique où elles sont parfois trop rapides et moyennement anticipées. Nous essayons d'y remédier. La Commission européenne a formulé des propositions très concrètes consistant à définir des jours ou des durées fixes afin de ne pas se trouver chaque matin avec un département supplémentaire classé rouge, ce qui est actuellement le cas.

Il s'agit d'un réel changement. Accepterions-nous l'existence de critères sanitaires européens communs, lesquels ne sont même pas nationaux dans nombre de pays, comme en Allemagne où ils s'établissent au niveau régional ? Il s'agit d'une réelle avancée, mais elle doit être intégrée et harmonisée.

Monsieur le député Vincent Bru, vous évoquiez la conditionnalité des fonds et le fait de ne pas pénaliser les bénéficiaires finaux. En aucun cas, les bénéficiaires finaux ne doivent faire les frais d'éventuelles récupérations de fonds. Nous souhaitons intégrer ce point dans le règlement qui est en discussion.

La question conjointe de M. le député Jean-Pierre Pont et de Mme la députée Liliana Tanguy sur la pêche est essentielle et extrêmement sensible. S'il y a un accord, ce ne sera pas totalement le « monde d'aujourd'hui » car il est clair que le Brexit aura un impact. Mais nous nous engageons à défendre avec la plus grande fermeté le fait que la pêche n'est pas un sujet secondaire ou une variable d'ajustement dans la négociation. Nous formons actuellement un club de huit pays qui font de la pêche une priorité absolue dans la négociation. En l'absence de garanties, nous ne signerons pas d'accord qui sacrifie les intérêts de nos pêcheurs.

Il se peut que les négociations n'aboutissent pas à un accord, ce qui serait très lourd et grave pour nos pêcheurs. Mais nous n'accepterons pas un accord « à tout prix ». Si ce mauvais scénario devait se réaliser, nous avons prévu la mise en place de mécanismes d'accompagnement et de soutien afin de protéger les revenus des pêcheurs et de faire en sorte que ces derniers ne fassent pas les frais d'un non-accord.

Monsieur le député Thierry Michels, j'étais à vos côtés à Strasbourg en début de semaine. J'aurais préféré m'y trouver dans le cadre de la reprise de la session plénière au siège du Parlement européen. Au nom du Premier Ministre et du Président de la République, je confirme le soutien de l'État et de la France, dans ses composantes locales et nationales avec les élus, la représentation nationale et les députés, à la défense du rôle de Strasbourg.

Le Président de la République a demandé à M. Sassoli que, dès le mois d'octobre, les sessions parlementaires se tiennent à nouveau à Strasbourg. Les difficultés ne sont pas plus présentes à Strasbourg qu'à Bruxelles. Il ne faut pas utiliser de prétextes. L'objectif est de reprendre les sessions dans des conditions parfaitement sécurisées pour les parlementaires européens, l'ensemble du personnel et les Strasbourgeois sur la base d'un protocole strict que nous avons déjà préparé en lien avec l'ensemble des collectivités et le Parlement européen.

Il ne s'agit pas simplement de défendre ou de protéger Strasbourg comme siège du Parlement. Nous ne sommes pas dans une logique de contrainte. Nous nous battons pour que le Parlement européen se réunisse à Strasbourg car nous sommes heureux et fiers qu'il y ait son siège.

Je rappelle les moyens mis en place pour que l'accessibilité et l'accueil du Parlement européen à Strasbourg s'opèrent de la meilleure manière qui soit, à savoir le contrat triennal qui a été signé en présence du Président de la République en 2018 et qui s'achèvera en fin d'année pour 185 millions d'euros, dont 40 millions d'euros de l'État. Nous avons engagé la négociation, sous l‘égide de la préfète de région, d'un nouveau contrat triennal encore plus important en raison du moment difficile que nous vivons et de la présidence française de l'Union européenne qui interviendra au cours de celui-ci.

Je souhaite que ce contrat triennal, qui doit faire l'objet d'un exercice de concertation locale, soit ciblé sur les questions soulevées par le Parlement européen, notamment l'accessibilité à Strasbourg. Je souhaite que ce contrat triennal soit plus structurant afin de cibler davantage d'actions et moins saupoudrer les moyens. La présidence française, doit être l'occasion de valoriser la capitale européenne qu'est Strasbourg par l'organisation d'événements.

Ce sera l'occasion, au cours de cette présidence, de montrer qu'il ne s'agit pas uniquement du siège du Parlement européen, mais d'un lieu de vie et d'une capitale européenne des valeurs et de la démocratie. La présence de la Cour européenne des Droits de l'Homme et d'autres symboles concrets comme Arte en témoignent. Strasbourg reflète une richesse européenne que nous devons protéger de manière positive, offensive et ambitieuse. Elle n'est pas une survivante du passé.

Sur la question climatique, 35 milliards d'euros du plan de relance européen seront utilisés pour la reconversion professionnelle, notamment dans la transition écologique. La rénovation énergétique crée des emplois. Ces dispositifs accompagnent la demande, permettent de rénover, de changer de chaudière et d'isoler, mais il convient aussi de créer des emplois et des compétences des deux côtés du spectre.

M. le député Patrice Anato, s'agissant de la question des valeurs, il est très important que la présidente de la Commission européenne ait consacré une large partie de son discours à ce sujet. Je crois que la question des valeurs à l'intérieur et à l'extérieur de l'Union se rejoignent. Nous serons forts pour défendre nos valeurs sur la question des Ouïghours et d'autres sujets sensibles, si nous sommes fermes sur ce que représente l'Europe à l'intérieur de ses frontières.

La France est très engagée dans la dénonciation des dérapages et dérives. Avec notre soutien, la présidente de la Commission a pris ainsi une position très dure sur la question des zones dites « LGBT free » en Pologne. Des actions concrètes sont mises en œuvre pour suspendre les financements européens à destination de toutes les zones qui se déclarent « LGBT free ». Il est un scandale absolu que des lieux, en Europe, discriminent l'accès à des commerces et des quartiers en raison de l'orientation sexuelle, voire d'une religion.

Il ne s'agit nullement d'une opposition Est-Ouest. L'objectif n'est pas de stigmatiser un pays ou un gouvernement et l'Europe de l'Est n'est pas un bloc homogène. Les Polonais, les Hongrois, les Slovaques et les Bulgares n'évoquent pas l'Europe de l'Ouest comme si l'Espagne, la France et la Belgique ne faisaient qu'un. Par conséquent, je n'utilise pas cette simplification méprisante.

Nous devons aux citoyens de ces pays d'être fermes dans la mesure où ils se battent au quotidien pour défendre leurs droits et leurs valeurs, et considèrent à juste titre que défendre ces valeurs revient à être profondément européen. Souvent, lors des manifestations en faveur des droits démocratiques et des libertés fondamentales, qu'il s'agisse des minorités ou à la porte de nos frontières comme en Biélorussie, des drapeaux européens sont visibles. Dans ces régions d'Europe, chacun sait ce que signifie le non-respect des droits.

Vous m'avez interrogé sur le contenu de l'accord obtenu lors du Conseil européen en matière d'État de droit. Il ne règle pas tout, mais, pour la première fois et à l'unanimité, y compris avec l'accord de la Hongrie, de la Pologne et d'autres, y figure l'acceptation d'un mécanisme liant l'État de droit et l'octroi de financements européens selon une procédure de vote à la majorité qualifiée.

Des questions lourdes demeurent comme le champ d'application et la gouvernance de ce mécanisme. Nous voulons un champ d'application aussi large que possible pour que les violations de l'État de droit les plus variées puissent être identifiées et sanctionnées. Grâce à la pression du Parlement européen, j'ai bon espoir que nous y parvenions dans les prochaines semaines.

Nous ne réglerons pas toutes les questions cet automne. Je souhaite que le mécanisme qui sera mis en place soit le plus ambitieux possible et adopté rapidement, mais des combats resteront sans doute à mener et des étapes devront être franchies.

Ce combat s'opérera par étapes sur d'autres sujets comme la fiscalité. Nous avançons sur la fiscalité du numérique et je suis convaincu que le budget de l'Union disposera de nouvelles ressources propres dans les prochains mois, peut-être en deux ou trois étapes. Ce sujet est attendu par nos concitoyens pour montrer que l'Europe est forte et efficace, et qu'elle défend ses valeurs. Je serai pleinement engagé dans ce combat car nul ne comprendrait que l'Europe se prétende solidaire sans se préoccuper de ce qui est fait de l'argent, ni respecter les valeurs fondamentales.

Comme pour la question migratoire, notre projet européen repose sur la notion de solidarité et de responsabilité. Il s'agit d'une communauté politique et de valeurs avec des droits et des devoirs, et les moyens de les faire respecter. Nous n'y sommes pas encore au niveau européen, mais je m'y suis engagé et votre soutien m'est précieux. Je crois que nous avançons dans cette direction.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, Monsieur le ministre, d'avoir pris le temps de nous répondre. Je considère que les parlementaires nationaux ont toujours été le chaînon manquant dans cette construction européenne. Nous sommes proches de nos électeurs dans les circonscriptions et devons porter cette parole.

J'ai bien noté le souhait collectif de trouver des mécanismes pour que les chaînes d'information publique évoquent davantage l'Europe. Je formulerai des propositions en ce sens auprès de notre Bureau.

En tant que Franco-allemande, j'ai été très heureuse de vous entendre souligner la nécessité de dépasser le cadre de la confrontation et de la célébration. L'objectif de l'Assemblée parlementaire franco-allemande est d'instituer une instance de travail où les divergences seraient ouvertement mises sur la table, en essayant de trouver une complémentarité.

Je vous remercie pour le travail fourni. Il est vrai que de nombreuses questions se poseront comme celle des frontières de l'Europe et de la nécessité ou non de délimiter l'espace européen.

La séance est levée à 12 h 05.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Patrice Anato, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Aude Bono‑Vandorme, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Vincent Bru, Mme Yolaine de Courson, Mme Valérie Gomez-Bassac, M. Michel Herbillon, M. Alexandre Holroyd, Mme Caroline Janvier, Mme Chantal Jourdan, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Constance Le Grip, M. Thierry Michels, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-Pierre Pont, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye

Excusés. – M. Christophe Jerretie, Mme Nicole Le Peih, M. Christophe Naegelen