La commission entend M. Éric Lombard, dont la nomination en qualité de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations est envisagée par M. le Président de la République, puis vote sur cette proposition de nomination.
Par courrier en date du 21 novembre dernier, M. le président de l'Assemblée nationale m'a fait savoir que M. le Premier ministre, par lettre du 16 novembre, l'avait informé que le Président de la République envisageait de proposer la nomination de M. Éric Lombard aux fonctions de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.
En vertu du premier alinéa de l'article R. 518-2 du code monétaire et financier, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations est nommé par décret. Ces fonctions figurent sur la liste des emplois et fonctions annexée à la loi organique du 23 juillet 2010, pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce dans les conditions fixées au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution, c'est-à-dire « après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée ».
L'annexe de l'article 1er de la loi ordinaire du même 23 juillet 2010 confie à la « commission compétente en matière d'activités financières » le soin d'émettre cet avis. Il dispose que cet avis est précédé d'une audition de la personne dont la nomination est envisagée. Nous avions ainsi auditionné M. Robert Ophèle, en juillet dernier, avant sa nomination en qualité de président de l'Autorité des marchés financiers, et je souhaite aujourd'hui la bienvenue à M. Éric Lombard. Cette audition est publique, sous réserve de la préservation du secret professionnel ou du secret de la défense nationale, et ne peut avoir lieu moins de huit jours après que le nom de la personne dont la nomination est envisagée a été rendu public.
Conformément à l'usage, M. Lombard a préparé un curriculum vitae, qui vous a été adressé par courriel la semaine dernière et qui est à votre disposition dans cette salle. Son audition sera suivie d'un scrutin. En application du quatrième alinéa de l'article 29-1 du Règlement de notre assemblée, ce scrutin est secret et aura lieu hors la présence de M. Lombard.
Nos collègues de la commission des finances du Sénat ont auditionné ce matin M. Lombard. La tradition est plutôt que l'Assemblée soit la première des deux assemblées à procéder à ces auditions ; en l'occurrence, il en est autrement pour des raisons d'agenda, mais cela ne soulève pas de difficultés. Le dépouillement du scrutin doit intervenir au même moment dans nos deux commissions. Je demanderai aux scrutateurs que nous désignerons tout à l'heure d'être disponibles pour participer à ces opérations, étant entendu que les autres collègues pourront y assister s'ils le souhaitent. Aux termes du dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution, « le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions ».
La Caisse des dépôts et consignations est un établissement public occupant une place singulière dans les institutions françaises, en raison de son objet, qui est explicitement de « servir l'intérêt général et le développement économique du pays », et de sa gouvernance, puisqu'elle est placée, depuis sa création en 1816, « de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative ». Des membres de notre commission siègent donc à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, et c'est aussi un membre de notre commission qui la préside. La commission de surveillance est indépendante, et le directeur général est lui-même autonome.
Je donne la parole à M. Lombard, pour qu'il nous présente la manière dont il conçoit sa fonction à la tête de la Caisse des dépôts et consignations.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, c'est évidemment pour moi un honneur de présenter devant vous ma candidature au poste de directeur général de la Caisse des dépôts. Je suis heureux non seulement de saluer l'ensemble des membres de la commission des finances mais d'adresser un salut particulier aux membres de la commission de surveillance, son président Gilles Le Gendre, Gilles Carrez et Jacques Savatier, qui ont déjà su donner un nouvel élan à ses travaux. Pour avoir rencontré depuis quelques jours les équipes de la Caisse des dépôts, je peux vous dire que le rythme donné aux travaux suscite l'intérêt des collaborateurs de la Caisse qui ont pu travailler avec vous – ils y prennent même plaisir.
Comme vient de le rappeler le président Woerth, la Caisse des dépôts est placée sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative. Ce lien particulier fait depuis un peu plus de 200 ans la force de l'institution : si vous m'accordez votre confiance, je m'attacherai à faire vivre ce lien, d'une part en travaillant étroitement avec la commission de surveillance, d'autre part, en venant régulièrement vous présenter l'évolution des activités de la Caisse.
Je rends tout d'abord hommage à Pierre-René Lemas, qui a mené d'importantes transformations. Il s'est engagé avec passion au service de l'institution, et je partage tout à fait l'objectif qui a été le sien de renforcer l'ancrage territorial du groupe – il en a fait un axe majeur de son mandat. Je compte poursuivre et amplifier cet engagement si vous m'accordez votre confiance.
En effet, réinvestir les territoires de la République sera ma préoccupation quotidienne. Je sais à quel point le Président de la République, le Gouvernement et, bien évidemment, les élus que vous êtes sont sensibles à cette urgence nationale. Après avoir préparé, depuis quelques mois, ma candidature à ce poste, je suis encore plus convaincu que je ne l'étais du fait que la lutte contre la fracture territoriale est vraiment une mission majeure pour la Caisse. J'y reviendrai en vous présentant les lignes de force des transformations et des continuités que je soumettrai à la commission de surveillance si je suis nommé.
C'est ma deuxième intervention publique de candidat, après celle de ce matin, au Sénat. Comme cette réunion est retransmise, je souhaite en profiter, si vous le permettez, pour adresser un message chaleureux aux femmes et aux hommes qui, au sein de la Caisse des dépôts, contribuent chaque jour à faire vivre cette grande maison. Je sais que certains d'entre eux nous écoutent cet après-midi. Je voudrais leur dire que je connais leur engagement, leur professionnalisme, leur sens de l'intérêt général. Un directeur général est responsable tout autant des personnes placées sous son autorité que du développement de l'institution qui lui est confiée. Je veux donc assurer les hommes et les femmes de la Caisse des dépôts que je m'inscrirai, si je suis nommé, dans la continuité de l'histoire de cette grande et belle maison.
Il faut de la continuité mais aussi une vision, et je conduirai les changements nécessaires, car il faut continuer à préparer la Caisse au monde qui vient. Je le ferai avec détermination, je le ferai dans la concertation et l'écoute. En effet, j'ai pu vérifier tout au long de ma vie professionnelle que c'est par l'écoute et le dialogue, au bénéfice des ambitions partagées, que l'on peut transformer et faire avancer une institution.
Avant d'y revenir, je voudrais évoquer devant vous mon parcours, puisque nous nous connaissons peu. Je commencerai par évoquer la mémoire de mon grand-père, de qui je tiens le vif intérêt pour la chose publique qui m'anime. Pierre Levy est né en 1907, à Guebwiller, en Alsace. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, à laquelle sa famille a payé un lourd tribut, il a bâti à partir de Troyes, en Champagne, un groupe industriel qui a réuni des activités textiles et de grande distribution. Dans le même temps, il a constitué une importante collection de tableaux, aujourd'hui réunis dans le musée qui porte son nom à Troyes. Il voulait que les Troyens, qui avaient, indirectement, contribué à l'achat de ces tableaux, puissent en bénéficier. Il a donc voulu les leur rendre. J'y vois un signe important, dans ma vision du monde. Ami de Léon Blum, il voyait dans son entreprise le moyen de développer l'économie de la région qui l'avait accueilli.
C'est sous l'égide de ce personnage que j'ai construit une bonne partie de ma vie professionnelle.
Dans le privé, d'abord. J'ai commencé ma carrière en 1981 à la Banque de Paris et des Pays-Bas, devenue par la suite BNP Paribas, dans le financement export, puis à la gestion financière et au suivi des grandes participations. En 1993, j'ai été nommé responsable des fusions et acquisitions dans les secteurs de la banque et de l'assurance. Dans ce cadre, j'ai été confronté à quelques grandes crises. J'en citerai deux devant vous : la crise du Crédit Lyonnais, la dérive d'une grande institution – il a fallu des années de travail pour corriger les conséquences de cet échec –, et la crise du Crédit foncier, certes moins grave, mais néanmoins importante.
Je tire une leçon essentielle de ces expériences : dans une institution financière, la responsabilité personnelle du dirigeant est centrale, et la pérennité d'une maison dépend tout autant du pouvoir de dire « oui » que du courage de dire « non » quand il le faut. Le pilotage d'une institution financière – la Caisse des dépôts est l'une des plus importantes – demande avant tout une bonne compréhension de son bilan, c'est-à-dire de ses engagements, de ses actifs, de la façon dont un bilan se déforme avec le temps et des risques qu'il porte. Les échecs dont je viens de parler, ce sont avant tout des erreurs dans la conduite de l'ensemble du bilan plutôt que des sujets d'opérations quotidiennes.
Après cette période dans le conseil, j'ai assumé ensuite des fonctions plus opérationnelles, en pilotant le suivi des grands clients de BNP Paribas dans le monde. Dans ce cadre, j'ai eu la responsabilité de l'activité de financement des collectivités locales et des établissements publics. Là encore, j'ai pu mesurer la responsabilité des métiers de la finance. Pour ma part j'ai toujours veillé à ne proposer aux clients, notamment aux collectivités locales, que des opérations conformes à leur intérêt. Comme vous le savez, cela n'a, hélas, pas toujours été le cas ; il y a eu des dérives condamnables.
Absolument.
Dans ce domaine, une concurrence nouvelle apparaît. Les banques commerciales, qui s'étaient retirées du secteur, y reviennent, mais, même aujourd'hui, seule la Caisse des dépôts s'intéresse encore aux petits projets des petites communes et propose des prêts de très long terme. La Caisse est là où les autres ne sont pas, et il est fondamental qu'elle y reste.
À partir de 2004, j'ai assumé des responsabilités dans le domaine de l'assurance.
Dans le contexte de la création de BNP Paribas, j'ai piloté la fusion de Cardif et de Natio Vie, deux filiales aux cultures très différentes. J'ai fédéré les équipes autour d'un projet commun, puis dirigé pendant dix ans BNP Paribas Cardif, fruit de cette fusion. Pendant cette période, la taille de l'entreprise a triplé et quinze nouvelles implantations ont été créées hors de France. J'ai tenu à réaliser ces transformations avec le plein engagement de l'ensemble des salariés, dans un dialogue constructif et fécond avec leurs organisations représentatives. Je suis absolument convaincu que la marche d'une entreprise est plus efficace dans le dialogue, et les représentants des salariés sont évidemment légitimes pour animer ce dialogue.
En 2013, j'ai quitté BNP Paribas pour diriger Generali France, tout en étant membre du comité exécutif du groupe Generali. Au mois de juin dernier, à l'issue de quatre années intenses qui ont permis un retour à une croissance rentable, j'ai quitté Generali France.
J'ai aussi exercé des responsabilités au niveau européen, comme président du comité économique et financier d'Insurance Europe, qui regroupe trente-quatre fédérations européennes d'assurance et de réassurance, un poste d'observation et d'action au moment d'évolutions majeures de la réglementation européenne.
Au-delà de mes activités en entreprise, depuis plus de trente ans, mon intérêt pour l'action publique est resté constant. Cet engagement a été encore renforcé après quatre ans de participation à la vie gouvernementale. En effet, au début de ma carrière, j'ai été associé à plusieurs cabinets ministériels. De 1989 à 1991, j'ai membre du cabinet de Louis Le Pensec, ministre des départements et territoires d'Outre-mer, comme on les appelait alors, et porte-parole du Gouvernement. Depuis cette époque, je demeure très attentif aux spécificités de nos territoires ultramarins. Je souhaite, à ce moment de mon intervention, adresser un message de solidarité aux populations sinistrées par les événements récents. Je sais d'ailleurs que les équipes de la Caisse des dépôts sont très présentes dans ces territoires, mobilisées au service de tous.
J'ai également été conseiller auprès du ministre délégué à la justice, puis ministre de l'économie et des finances, Michel Sapin. Pendant cette période, j'ai travaillé étroitement avec les parlementaires, à l'occasion du débat qui a abouti au vote de la loi dite « Sapin 1 ». C'est une période de ma vie tout à fait passionnante dont je garde un souvenir ému.
Enfin, je souhaite faire mention d'un engagement qui m'est cher : celui de conseiller municipal de Fontenay-sous-Bois de 1995 à 2001. J'ai vu les difficultés quotidiennes des élus de terrain, leur dévouement, la difficulté de leur tâche. C'est une raison supplémentaire pour placer, si vous me faites confiance, la Caisse des dépôts à leurs côtés.
Après cette présentation de mon parcours, j'en viens à la mission de la Caisse des dépôts. Je suis convaincu que la France d'aujourd'hui a besoin d'une Caisse des dépôts forte. Le coeur de ma mission sera de la renforcer au service de l'intérêt général. En effet, la Caisse des dépôts doit soutenir la transformation de notre économie et de notre modèle social. Le patrimoine de la Caisse représente l'épargne accumulée par la sagesse collective de nos concitoyens. Cette richesse collective est un bien commun qui doit travailler plus encore pour le pays.
Le bilan du groupe Caisse des dépôts, si l'on fait la somme de la section générale et des fonds d'épargne, représente plus de 420 milliards d'euros. Cela permet à la Caisse d'être l'investisseur et le prêteur public de référence. Dans ce bilan, l'encours de prêts des fonds d'épargne représente plus de 180 milliards d'euros.
Comment ces fonds sont-ils utilisés ?
Première utilisation, le financement du logement social et intermédiaire est, de loin, le premier domaine d'intervention de la Caisse, au travers des prêts des fonds d'épargne. Le sujet est très important et fait aujourd'hui débat. La Caisse sera naturellement un acteur engagé du plan logement présenté par le Gouvernement – elle doit l'être –, à travers non seulement les fonds d'épargne mais aussi sa filiale la Société nationale immobilière (SNI), spécialisée dans le logement social et intermédiaire. Construire de nouveaux logements, rénover les logements vieillissants, assurer la rénovation thermique des bâtiments… il y a là une priorité nationale, pour laquelle des financements compétitifs doivent être mis à la disposition des organismes de logement social et d'autres organismes qui y contribuent.
Par ailleurs, la Caisse des dépôts doit contribuer à la consolidation du secteur du logement social, afin qu'il soit plus efficace au service de la population. Elle a les outils pour le faire.
Au-delà du logement, la lutte contre la fracture territoriale constitue le coeur des missions de la Caisse. Nos territoires ont besoin de la Caisse.
Il faut être plus présent dans les quartiers en difficulté, auprès de ceux de nos concitoyens qui sont loin des centres des grandes métropoles, donc, loin de l'emploi, qui y est concentré. Il faut être près des petites collectivités territoriales, dans les syndicats d'économie mixte à qui leur dimension ne permet pas d'avoir les expertises nécessaires à leur action.
Pour mener à bien ces missions, il faut aussi renforcer les mobilités du quotidien. L'une des raisons du chômage est la difficulté, pour des personnes qui cherchent un emploi, d'accéder à telle entreprise, tel service ou telle administration qui en proposent. Faciliter les mobilités du quotidien est un travail très concret mais très important. C'est d'ailleurs la mission de Transdev, une des grandes filiales de la Caisse des dépôts, qui travaille de façon intensive.
Quant à l'accès au numérique, les territoires qui ne sont pas couverts par le haut débit sont plus loin de l'emploi et du développement. Le déploiement du très haut débit est l'une des missions de la Caisse. Il s'agit de désenclaver les territoires, notamment dans les zones d'habitation non denses.
J'ai bien conscience que, pour atteindre ces objectifs, la Caisse des dépôts doit renforcer et surtout mieux faire connaître ses offres. J'ai trop souvent rencontré des élus qui n'avaient pas une bonne compréhension de ce que la Caisse pouvait leur apporter, et ne recouraient donc pas à ses services comme ils auraient pu le faire. Il faudra donc probablement modifier la façon de travailler avec les entités publiques et le réseau de la Caisse. Par exemple, le projet a été présenté d'une Agence nationale pour la cohésion des territoires, qui vise à développer plus près du terrain l'ensemble des dispositifs publics. La Caisse devra travailler en lien étroit avec cette agence.
De la même façon, il me semble que la Caisse doit être très engagée dans le déploiement du Grand plan d'investissement présenté par le Gouvernement, notamment en matière de transition environnementale et de rénovation énergétique des bâtiments publics et des organismes de logement social.
La recherche d'une plus grande efficacité dans l'aide aux projets impliquera une meilleure intégration de l'Agence France Entrepreneur (AFE) dans le dispositif en faveur des quartiers de la politique de la ville.
En résumé, face à l'urgence sociale, une action plus unie et plus convergente de l'État et de la Caisse des dépôts et consignations me semble absolument nécessaire, pour éviter les dispersions inutiles.
L'accompagnement des politiques publiques pour réduire la fracture territoriale passe aussi par le rapprochement des centres de décision des projets de financement auxquels la Caisse des dépôts contribue. Dans cette perspective, et pour plus d'agilité, je souhaite amplifier le mouvement de décentralisation du réseau de la Caisse, un réseau important, professionnel, mais encore trop loin de ses clients publics.
Afin de donner plus de poids aux réseaux de proximité et d'accroître leur efficacité, je proposerai aussi de réfléchir à une meilleure répartition des rôles entre le réseau de la Caisse, celui de Bpifrance et celui de La Poste. Chacun est indispensable, chacun a son rôle à jouer, mais des synergies peuvent être instaurées comme celles qui existent aujourd'hui entre Bpifrance et La Banque postale pour les très petites entreprises, ou entre les fonds d'épargne, la Société de financement local (SFIL) et La Banque postale pour le financement des collectivités locales, mais une des façons de rapprocher l'offre de la Caisse des dépôts du terrain est probablement d'améliorer les coopérations, notamment avec La Poste.
En troisième lieu, la Caisse des dépôts est le premier investisseur institutionnel de France. Elle investit sur le long terme et représente un actionnaire de référence pour la plupart des entreprises françaises cotées. Les marchés financiers sont volatils par essence, et la préservation de l'épargne des Français est une mission tout à fait essentielle de la Caisse. C'est un domaine que j'ai suivi directement pendant les quinze années durant lesquelles j'ai dirigé des compagnies d'assurance et j'y serai bien entendu particulièrement attentif. Je connais l'excellence des équipes de la Caisse qui exercent cette responsabilité, elles trouveront en moi un interlocuteur engagé.
De plus, Bpifrance est, à côté de l'Agence des participations de l'État et de la Caisse des dépôts, l'actionnaire stratégique et actif dont notre place a besoin. La Caisse doit soutenir les missions de financement des entreprises et de l'innovation exercées par Bpifrance.
Autre point important, la Caisse des dépôts, ce sont aussi des filiales de dimensions nationales et internationales, notamment Egis, CNP Assurances, Icade, Transdev et la Compagnie des Alpes. Certaines sont cotées, toutes jouent un rôle important dans leur secteur. La presse évoque régulièrement telle ou telle opération financière touchant au périmètre du groupe. Je ne révélerai pas de scoop aujourd'hui, car il faut travailler avant de décider, mais il me semble que les évolutions devront être étudiées dans le calme et la sérénité, en gardant à l'esprit trois critères essentiels : premier critère, l'intérêt patrimonial de la Caisse, deuxième critère, l'intérêt à long terme des entreprises concernées, de leurs clients et de leurs collaborateurs, car une entreprise ce sont d'abord des clients et des collaborateurs, troisième critère, bien évidemment, l'intérêt général. Je ne proposerai pas d'évolution qui ne les respecte. La Caisse devra jouer plus activement son rôle d'actionnaire. J'ai l'intention, si je suis nommé, de faire vivre ce portefeuille dans le respect des trois critères que je viens d'indiquer, et dans ce but, de conduire dès mon arrivée une revue des participations.
Enfin je n'oublie pas les métiers historiques qui ont construit la réputation de la Caisse des dépôts au service de la confiance que lui font les Français, de cette foi publique qui figure sur son blason. Ces métiers sont la banque du service public de la justice et de la sécurité sociale et la gestion des régimes de retraite et de solidarité publics et semi-publics. Il y a aussi des mandats plus récents comme le lancement très réussi du compte personnel d'activité qui poursuivra sa mutation, ou la gestion des fonds issus de comptes bancaires inactifs et des contrats d'assurance vie non réclamés, sujet que j'ai pu suivre « de l'autre côté de la rivière », si j'ose dire.
Oui, la Caisse des dépôts demeurera un tiers de confiance fiable et scrupuleux au service de l'État et de tous les Français.
Comment opérer ?
La Caisse doit d'abord poursuivre la modernisation, engagée, de sa gestion afin de s'assurer que chaque euro dépensé est utilisé de la manière la plus utile.
L'action de la Caisse doit se concentrer sur les domaines où la nécessité d'une intervention publique pérenne est avérée. Je passerai en revue l'ensemble du périmètre d'intervention actuel de la Caisse des dépôts, afin de m'assurer qu'il est pleinement cohérent avec le mandat donné par le législateur à l'institution et qu'il s'inscrit dans l'accompagnement des politiques publiques.
Je souhaite aussi, dans ce cadre, mener les réorganisations nécessaires afin de renforcer l'efficacité de l'institution au service de ses clients publics.
Enfin, si vous m'accordez votre confiance, je pense que l'on peut dégager des marges de manoeuvre financières supplémentaires au service de l'économie et de l'investissement, tout en garantissant la sécurité des dépôts et consignations qui sont confiés à la Caisse.
Le plus important naturellement, ce sont les femmes et les hommes qui sont le coeur de l'institution. En tant que responsable d'institution, d'entreprises, je crois en l'intelligence collective. Je crois que la communauté des femmes et des hommes qui servent la Caisse des dépôts est une communauté aux capacités exceptionnelles. Je suis convaincu que la coopération décuple l'efficacité, et que la confiance est un levier magnifique.
Aussi, si je suis nommé, je commencerai par rencontrer les collaborateurs à Paris et en région, par écouter, apprendre, comprendre. Puis, avec l'équipe dirigeante, nous élaborerons une feuille de route détaillée sur la base de laquelle je proposerai une réflexion sur les transformations à conduire, auxquelles il faudra, je pense, associer l'ensemble des collaborateurs de l'établissement.
Pour conduire une telle institution, il faut un projet et des valeurs, valeurs que j'ai tenté de vous exposer. La mission est claire : je souhaite que la Caisse des dépôts soit le partenaire des zones rurales, des villes petites et moyennes, des métropoles et, bien entendu, du Grand Paris. Je souhaite qu'elle soit un acteur-clef de la résolution de la crise du logement. Je souhaite qu'elle contribue au développement d'entreprises françaises et européennes fortes. Je souhaite qu'elle mette sa force au service de notre économie.
C'est la mobilisation de tous, au travers d'un projet partagé par tous, qui permettra de progresser vers notre objectif : une Caisse des dépôts plus forte au service des territoires de la République.
Merci beaucoup. Vous avez abordé beaucoup de sujets.
Si votre nomination est confirmée, vous serez cinq ans à la tête de ce grand navire qu'est la Caisse des dépôts. Quelles transformations vous paraissent nécessaires ? Sur quoi doit porter l'essentiel de l'action ? Et, puisque c'est le Président de la République qui vous a choisi, quelle feuille de route vous a-t-il donnée ? Cela nous permettrait de mieux comprendre le rôle que vous souhaitez jouer, même si votre propos liminaire était déjà riche.
Puisqu'on parle beaucoup de la CNP et de La Poste, comment envisagez-vous l'avenir de CNP Assurances ?
Enfin, s'agissant de la territorialisation de l'action de la Caisse, celle-ci doit contribuer au développement économique du pays, en faisant surtout en sorte qu'il n'y ait pas d'« oubliés de la croissance ». Vous évoquez le très haut débit, la mobilité, Transdev, des outils importants de la Caisse, et l'Agence nationale de la cohésion des territoires, mais n'y a-t-il pas d'autres outils ? Comment montrer la capacité de la Caisse à agir différemment, pour apporter du développement économique à des territoires parfois qualifiés d'« oubliés de la République » ?
Monsieur Lombard, j'ai apprécié votre discours sur la résorption des fractures territoriales et l'action de la Caisse dans les territoires. Mais la Caisse des dépôts, qui est un outil exceptionnel, a parfois de ceux-ci une vision quelque peu féodale et régionaliste. Je m'explique – et d'aucuns reconnaîtront peut-être le président du Conseil national de la montagne dans ces propos. Il arrive que la politique publique de la Caisse soit différente d'une région à l'autre alors qu'elle concerne, par exemple, un même massif. La réponse qu'elle donne à Saint-Jean-de-Maurienne doit être la même que celle qu'elle donne à Briançon, même si les deux communes n'appartiennent pas à la même région administrative. À l'instar de l'État, qui a su se structurer grâce aux préfets coordonnateurs, il convient, que, sur certaines thématiques, la Caisse mène des actions transversales qui ne soient pas simplement régionalisées, afin de mieux répondre aux besoins d'un territoire. J'ai évoqué un sujet que je connais bien, mais c'est sans doute vrai dans d'autres domaines.
Je m'étonne également que la Caisse ou ses filiales se préoccupent beaucoup de secteurs à forte solvabilité alors qu'on les attendrait plutôt dans des secteurs d'économie mixte. Pour citer, là encore, un sujet que je connais bien, à quoi sert-il que la Caisse gère, via la Compagnie des Alpes (CDA), le « top 10 » des stations de sports d'hiver françaises si elle ne participe pas à la restructuration de l'économie montagnarde ? La solvabilité de ces secteurs est, certes, restreinte, mais je regrette qu'on ne les tire pas vers le haut pour que le petit équilibre devienne le grand équilibre en incluant les investissements. Une telle action pourrait être salutaire pour nos territoires.
Par ailleurs, le fonds d'épargne assure la liquidité et la sécurité de l'épargne réglementée, collectée par les réseaux bancaires et centralisée par la Caisse, et la transforme en prêts de long terme dans le cadre d'investissements d'intérêt général. Actuellement, les banques doivent centraliser à la Caisse au moins 59,5 % de l'épargne collectée et peuvent conserver le reste. La Caisse leur verse alors une rémunération qui correspond à celle des livrets et l'État apporte sa garantie. En 2016, 764 millions ont été prélevés au titre de cette garantie. Actuellement, 120 milliards de dépôts sont conservés par les établissements bancaires. Compte tenu de la faiblesse des taux, le risque existait que les banques centralisent encore davantage les fonds de cette épargne réglementée à la Caisse, de façon à percevoir un intérêt supérieur à celui du marché. Le Gouvernement a donc déposé, sur la mission Économie, un amendement que nous n'avons pas pu, hélas ! examiner en commission et qui vise à empêcher cette sur-centralisation. Il estime en effet que celle-ci exposait la Caisse à des risques de dégradation de son résultat, car elle aurait dû rémunérer une part bien plus élevée de l'épargne réglementée ; or, au regard des règles prudentielles, l'augmentation du passif aurait nécessité d'accroître le niveau de ses fonds propres pour faire face à l'augmentation des risques financiers.
Je souhaiterais donc connaître votre avis sur l'amendement que nous avons adopté et, d'une manière générale, sur la gestion de l'épargne réglementée, le niveau de la rémunération et la centralisation des fonds. Que pensez-vous, compte tenu de votre parcours dans le secteur bancaire, de la gestion de ces fonds par les banques ? Un article des Échos du 25 novembre dernier indique que La Banque postale ne pourra sur-centraliser une somme de 27 milliards, pour laquelle elle chercherait des emplois suffisamment rémunérateurs afin de couvrir le taux du livret A.
Monsieur Lombard, au nom du groupe La République en Marche, je vous remercie pour votre exposé liminaire.
Je suis, moi aussi, élue de la grande ruralité et, en tant que telle, j'attends des engagements clairs quant au rôle de la Caisse des dépôts dans l'aménagement du territoire, que ce soit dans le domaine du numérique, du logement ou des mobilités. Le groupe Caisse des dépôts est attendu sur ces enjeux cruciaux ; il s'agit de recréer de l'emploi en France et d'arrêter la logique folle qui consiste à renforcer les grandes métropoles régionales sans réfléchir au développement économique de tous les territoires de la République. Certes, on peut penser que la croissance relancera certains d'entre eux, notamment en augmentant les recettes fiscales des collectivités territoriales. Mais, dans les territoires ruraux très éloignés des métropoles régionales, ce ne sera pas le cas : seule, une action publique volontariste pourra y relancer l'investissement. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?
Ma deuxième question porte sur le financement de l'économie. Le projet de loi de finances pour 2018 se caractérise par un important investissement dans la relance des outils productifs, afin de faciliter l'activité économique, de mobiliser l'ensemble des forces économiques et de stimuler la création d'emploi. Quel cap entendez-vous fixer à la Caisse des dépôts en matière de création d'entreprises et d'emplois, qui est la priorité du quinquennat ? Je pense en particulier aux TPE et aux PME, qui manquent trop souvent de financements. Selon la directrice générale du Trésor, que nous avons auditionnée récemment, on observe une relance du financement des PME, mais le segment des TPE décroche toujours, en particulier dans les territoires ruraux. Estimez-vous que la Caisse des dépôts a un rôle à jouer dans ce domaine ? Comment entendez-vous articuler son action avec celle de Bpifrance et élaborer une véritable stratégie concernant les TPE, notamment dans les territoires ruraux ?
Enfin, en 2013, la décision a été prise d'affecter 20 milliards du fonds d'épargne au financement du très haut débit. Or, pour l'instant, ces crédits n'irriguent que difficilement les territoires : dans ma région, les travaux vont seulement être lancés ! Et encore, une fois que nous avons l'argent, nous ne savons pas si nous avons les ressources humaines nécessaires pour les réaliser. Comment la Caisse des dépôts peut-elle aider les décideurs publics à structurer leur action de manière beaucoup plus rapide ? Est-il possible, selon vous, de confier au fonds d'épargne d'autres missions structurantes pour les territoires que celles qui lui sont assignées actuellement ?
Monsieur Lombard, votre parcours impressionnant a suscité des interrogations dans les médias en raison des fonctions que vous avez assumées à la commission exécutive de la Fédération française de l'assurance (FFA) et au comité d'audit et des risques de Bpifrance, dont on connaît les liens avec la Caisse des dépôts. Certains ont voulu y voir un handicap, d'autres une collusion. Selon vous, quel avantage ce parcours vous donnerait-il dans l'exercice des fonctions de directeur général de la Caisse des dépôts ?
Par ailleurs, quel avenir envisagez-vous pour la Caisse nationale de prévoyance (CNP) et pour La Poste, dont la Caisse des dépôts détient 26 % du capital et dont on connaît les difficultés ?
Quelle politique la Caisse des dépôts mènera-t-elle en matière de financement du logement, que ce soit par l'intermédiaire des bailleurs sociaux, avec le livret A, ou de ses filiales, notamment la SNI ?
Enfin, vous avez évoqué la territorialisation de la Caisse des dépôts et son action en faveur des territoires en difficulté. C'est bien d'en parler, mais c'est encore mieux d'orienter les financements vers ces territoires qui se sentent oubliés. Comment faire en sorte qu'ils aient accès aux mêmes financements que les autres et bénéficient des mêmes effets de levier ?
Monsieur Lombard, on a rappelé votre belle carrière dans la finance, commencée en 1981. La Caisse des dépôts, qui emploie 120 000 personnes, est le bras armé financier de l'État. Le patron d'une telle maison doit être capable de dire non au pouvoir politique quand cela est nécessaire. Serez-vous celui-là ? Vos anciennes fonctions à Generali sont-elles compatibles avec votre futur poste ? Enfin, quelle mesure mettriez-vous en oeuvre dans les douze premiers mois ? Telles sont les questions que je souhaitais vous poser au nom du groupe Mouvement Démocrate et apparentés.
Monsieur Lombard, trois questions, au nom du groupe Les Constructifs. Premièrement, pourriez-vous préciser les raisons qui ont pu vous inciter à être candidat à cette fonction alors que de nombreux prétendants potentiels se retiraient ? Deuxièmement, estimez-vous que votre carrière dans les banques et les assurances pourrait vous placer dans une situation de conflit d'intérêts si vous étiez nommé directeur général de la Caisse des dépôts ? Enfin, compte tenu des trois critères que vous avez rappelés, êtes-vous favorable à une participation à l'augmentation, souhaitée par le directeur général, du capital du groupe La Poste, dont la Caisse est un actionnaire important ?
Merci, monsieur Lombard, pour votre exposé liminaire. On l'a dit avant moi, il est nécessaire d'améliorer la visibilité de l'action de la Caisse dans les territoires, qui n'est pas optimale aujourd'hui. À cette fin, j'avais suggéré au directeur de la Bpifrance de ma région d'établir un tableau de bord qu'il pourrait communiquer aux élus et d'élaborer un indicateur qui pourrait être le suivant : le rapport du financement assuré dans un département divisé par le financement total dans la région doit être au moins équivalent au rapport du PIB de ce département divisé par le PIB régional. Un tel indicateur permettrait d'identifier les territoires qui bénéficient des efforts de la Caisse. Dans ma région, l'Occitanie, les territoires autres que Toulouse, qui bénéficie de manière importante des financements de la Bpifrance, sont en deça de ce ratio. Que vous inspire cette proposition ?
Deuxièmement, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre vision de la problématique de la sur-centralisation, dont les effets pourraient provoquer une déflagration pour le bilan de La Poste ?
Troisièmement, l'an dernier, j'ai tenté de savoir, en tant que rapporteure générale, quelle part du plan annoncé de 20 milliards en faveur du très haut débit avait été dépensée. La question ne paraît pas saugrenue. Pourtant, figurez-vous que nous ne sommes pas parvenus à obtenir de réponse ! Il est tout de même incroyable que l'on ne puisse pas le savoir, et pas davantage si l'argent provient d'un prêt ou de crédits de l'État !
Sur toutes ces questions, nous manquons de visibilité pour appréhender l'action de la Caisse des dépôts dans les territoires, voire au niveau national. En conclusion, monsieur Lombard, que pensez-vous – mais ne vous sentez pas obligé de répondre – du prélèvement de l'État sur le fonds d'épargne avant que cela ne passe par le compte de résultat ? C'est un débat que nous avons eu très souvent au sein de la commission, et pour l'instant, nous n'avons pas de réponse.
Il n'y a pas de raison que vous disposiez d'un temps de parole plus long que les autres intervenants.
Vous ne nous avez pas indiqué de temps de parole : mieux vaut fixer les règles au début de la réunion.
La règle est annoncée : le temps de parole est toujours de deux minutes. On l'applique avec souplesse – je ne veux pas jouer le rôle d'un instituteur –, mais efforcez-vous de la respecter : votre intervention a déjà duré trois minutes cinquante, soit plus que la mienne…
Monsieur Lombard, une observation et trois questions.
Tout d'abord, certains de mes collègues vous ont demandé si le fait de passer rapidement de la direction d'une banque privée à une fonction publique ne vous posait pas de problème. Nous, nous ne vous poserons pas la question – et je ne juge pas l'homme, que je ne connais pas –, car nous estimons que de tels allers-retours sans même respecter un délai de carence sont préjudiciables à la chose publique.
Ma première question porte sur le logement social, qui va pâtir de la politique du Gouvernement ; je pense notamment à la baisse de l'aide personnalisée au logement. Quelle serait la politique de la Caisse des dépôts dans ce domaine ?
Deuxièmement, la Caisse joue un rôle important dans l'accompagnement des universités dans leurs projets et le financement de leur autonomie. Or, non seulement le rapport entre les universités est de fait très inégal, mais le budget par étudiant baisse. Comment envisagez-vous cet accompagnement par la Caisse de dépôts ?
Enfin, lors du débat sur les ordonnances, un amendement de M. Sylvain Maillard, voté au dernier moment avec l'accord du Gouvernement, vise à instituer un comité social et économique tel que prévu par les ordonnances en lieu et place du comité technique national. Cela, vous le savez, suscite l'inquiétude des syndicats, d'une part, quant au statut de fonctionnaire au sein de la Caisse, puisque le pilier de la fonction publique d'État demeure le comité technique national, d'autre part, quant à la situation des salariés sous convention collective. Par ailleurs, les syndicats soulignent le risque que présente le fait de soumettre au seul pouvoir réglementaire du directeur général la possibilité de conclure des accords collectifs communs à l'ensemble des personnels. Cet amendement de dernière minute nous a beaucoup inquiétés, et nous souhaiterions que vous rassuriez les personnels sur ce point ou, à tout le moins, que vous nous indiquiez comment vous comptez traiter cette question.
Je rejoins les préoccupations de Joël Giraud et Émilie Cariou quant à l'implication de la Caisse des dépôts dans les territoires ruraux. La Caisse est une institution qui dispose de fonds propres importants. Elle gère le livret A ainsi que quarante-quatre régimes publics de retraite, dont l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (IRCANTEC) et la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Elle finance le logement social et elle est l'un des principaux financeurs des infrastructures d'intérêt général ; je pense au numérique mais aussi à l'accompagnement de la transition énergétique et écologique.
Pour ma part, je plaide en faveur d'une grande loi d'orientation pour les territoires ruraux. Dans un tel contexte, seriez-vous favorable à la création, pour les centres-bourgs et les centres-villes, d'un fonds national de revitalisation des territoires alimenté de manière pluriannuelle ? Par ailleurs, le Syndicat national unitaire des personnels du groupe de la Caisse des dépôts et consignations – Fédération syndicale unitaire (SNUP-CDC-FSU) redoute la parution d'une ordonnance ou d'un projet de loi venant modifier le statut public de la Caisse des dépôts et entériner son démantèlement, d'autant que le Conseil constitutionnel a demandé qu'un texte précise, avant le 31 décembre 2017, les règles de représentativité dans le groupe Caisse des dépôts. Cette injonction tombe à point nommé pour qui veut la démanteler. Ces craintes sont-elles fondées ?
Merci pour ces questions très riches.
Je commencerai par vous exposer ma vision de ce que serait la réussite de la Caisse des dépôts dans cinq ans, ce qui me permettra de répondre à de nombreuses questions, notamment celles relatives à la présence de la Caisse dans les territoires. Dans le monde actuel, l'élément important pour qui exerce une activité économique est, me semble-t-il, la relation entre le bénéficiaire des services et l'entreprise, l'institution financière, qui les offre. C'est une difficulté que la nouvelle économie a résolue de manière très brillante et novatrice, mais que les acteurs plus traditionnels peinent à résoudre. Pour être concret, la Caisse des dépôts dispose des savoir-faire et des produits qui permettent de régler beaucoup des problèmes dont nous parlons – que ce soit en matière d'investissement, de financement ou de conseil, pour le dire simplement –, mais ces capacités ne sont pas connues des entités qui pourraient en bénéficier, notamment dans les territoires ruraux. Nous avons donc un problème de communication et de mise à disposition.
Il me semble que deux séries de moyens permettent de traiter ce problème. Les premiers sont ceux offerts par l'économie digitale, qui sont insuffisamment utilisés. En effet, les sites internet de la Caisse des dépôts, très bien conçus, sont cependant encore un peu trop divers. Il faudrait trouver une façon de présenter l'offre de la Caisse de sorte qu'une petite collectivité puisse connaître les services auxquels elle a accès. Parallèlement, la livraison de ces services doit être rapprochée du terrain. De fait, l'institution est actuellement trop centralisée. Les équipes techniques sont à Paris et en région parisienne et les délégations régionales sont, pour l'essentiel, dans les capitales régionales, donc très éloignées de certains départements. Nous devons donc opérer un double mouvement afin, d'une part, que les offres de la Caisse soient plus facilement mises à disposition, d'autre part, que les professionnels compétents – et ils sont nombreux à la Caisse des dépôts – se trouvent là où nous souhaiterions qu'ils soient, plus proches du terrain. Ce travail de régionalisation, voire de départementalisation, prend du temps, mais il est nécessaire.
Par ailleurs, piloter un investissement, c'est un métier ; monter un financement pour un organisme de logement social, c'est un autre métier. La personne qui est sur le terrain doit connaître suffisamment l'ensemble de ces métiers pour être un interlocuteur efficace des collectivités locales et pouvoir faire appel à l'expertise spécialisée appropriée. Il nous faut donc rapprocher le contact et les services des clients publics de la Caisse. C'est un enjeu que je qualifierai d'industriel et c'est, me semble-t-il, le grand chantier que nous avons à réaliser, le plus important et le plus complexe car il suppose un effort de formation et de mobilité. Mais si nous parvenons à améliorer la façon dont l'offre est apportée aux clients publics de la Caisse, nous aurons réussi.
Monsieur le président, ma feuille de route, c'est le projet que je vous ai présenté. Le processus de sélection décidé par le Gouvernement et le Président de la République, qui aboutit à ma présence devant vous aujourd'hui, leur a permis de choisir une personne et un projet. De la personne, je vous laisse juge. Quant au projet, je vous l'ai décrit. J'y ai travaillé pendant le mois d'août ; je l'ai présenté avec beaucoup d'énergie et de détermination au ministère des finances, au Premier ministre et au Président de la République, et il s'est enrichi de ce dialogue.
La question des conflits d'intérêts est une véritable question. J'y répondrai d'un point de vue technique et sur le fond. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, que le Gouvernement a saisie de ma situation, a rendu un avis très clair : le fait que j'ai été pendant quatre ans PDG de Generali France ne présente pas, ou seulement à la marge, d'inconvénients quant à mon éventuelle capacité à diriger un groupe qui est le principal actionnaire de la CNP, puisque c'est le seul domaine où les deux activités se recouvrent. Du reste, ceux qui connaissent l'assurance savent que le modèle économique et les réseaux de distribution de la CNP n'ont à peu près rien à voir avec ceux de Generali.
Mais je voudrais élargir le propos. Le fait, pour un haut fonctionnaire qui occupe une position d'autorité d'être embauché par une entreprise qu'il supervisait pose un problème que, du reste, la commission de déontologie sanctionne ou interdit systématiquement. Mais lorsqu'on est issu du monde de l'entreprise, on n'occupe pas un poste d'autorité : on exerce son activité dans le cadre d'une compétition naturelle, sans avoir d'influence sur ce que font ses concurrents. Dès lors, je ne crois pas que le fait pour un acteur du privé, comme je l'ai été pendant plusieurs années, de travailler pour un acteur public soulève, de manière générale, un problème de conformité. Ensuite, il faut examiner les cas d'espèce : dans quelle mesure le fait que j'ai été employé dans telle entreprise par le passé limitera ma capacité à faire au mieux pour développer la Caisse des dépôts ? Mon mandat, si vous le confirmez, sera d'une importance considérable pour le pays ; il sera de développer cette institution et j'y consacrerai toute mon énergie. Penser que je pourrais vouloir protéger d'anciens employeurs ne correspond pas à ce qui existe dans la vraie vie. En tout cas, la Haute Autorité a décidé que tel n'était pas le cas ; mais chacun est libre de son avis.
Après avoir souligné la nécessité de rapprocher les décisions du terrain, M. le rapporteur général a évoqué les décisions pouvant concerner plusieurs directions régionales. Des échanges que j'ai eus jusqu'à présent – en ma simple qualité de candidat, je le rappelle –, il ressort qu'il existe des coordinations permettant de traiter un sujet relatif à un massif montagneux, par exemple, et impliquant plusieurs régions. Au-delà, de telles situations ont vocation à être réglées par des solutions de management.
J'en viens aux questions plus techniques que m'a posées M. Giraud, à commencer par celles portant sur la centralisation. Sans vouloir me lancer dans un long développement macro-économique, je rappellerai que lorsqu'une banque ou une institution effectue un dépôt en banque centrale, cela lui coûte 40 centimes d'euro par an, alors qu'une ressource comme le livret A coûte 75 centimes par an. On le voit, la marge est orientée à l'envers : dès lors, on va assister à un jeu de mistigri où chacun s'efforce de transférer ses liquidités à d'autres. Même si l'économie semble repartir, il n'est pas évident de trouver 10 milliards d'euros d'investissements !
Cette situation a eu une conséquence immédiate, résultant de la possibilité dont disposaient les banques de recourir, quand elles avaient trop de cash, à une option gratuite de surcentralisation – d'abord au bénéfice des autres banques, et revenant ensuite à la Caisse des dépôts quand les banques étaient déjà saturées. Un accord de place a été conclu l'année dernière : tout le monde s'est montré raisonnable, ce qui fait qu'il n'y a pas eu de transferts trop massifs de liquidités. Compte tenu de l'aggravation de l'écart entre les taux courts, le taux de livret A et les taux longs, il a paru prudent d'éviter que des masses trop importantes de liquidités circulent. Il est effectivement inconfortable pour les banques d'avoir trop de liquidités, et un article paru hier dans Les Échos indiquait que l'inconvénient était plus important pour La Banque postale, une banque très liquide, que pour d'autres banques ne présentant pas cette particularité. C'est également un inconvénient pour la Caisse des dépôts, qui gère environ 150 milliards d'investissement si l'on se réfère à la somme du fonds d'épargne et de la section générale – certes, il s'agit par définition de sommes investies, mais si 20 milliards devaient arriver demain, cela nuirait certainement à la rentabilité de la Caisse, donc à sa capacité à verser à l'État le prélèvement sur ses bénéfices et à participer ainsi à l'effort budgétaire commun. Nous sommes ici dans un domaine très technique, où les choses s'équilibrent, et j'estime que le Parlement a été sage de voter l'amendement du Gouvernement, qui représente une disposition protectrice pour le bien commun en général et pour la Caisse en particulier.
Pour ce qui est des très petites entreprises, je rappelle que, selon l'organisation actuelle, tout ce qui se rapporte aux entreprises est suivi par Bpifrance. À ce sujet, Mme Rabault a souligné que la répartition des crédits ne correspondait pas forcément à la répartition du PIB des régions ; tout ce que je peux vous dire sur ce point actuellement, c'est que s'il existe effectivement un déséquilibre, ce n'est pas normal – bien entendu, si je suis nommé directeur général de la Caisse des dépôts, j'aurai l'honneur de prendre également la présidence de Bpifrance, et je serai alors en mesure de vous répondre plus complètement.
En tout état de cause, on constate un grand dynamisme de l'offre de crédit de Bpifrance – de mémoire, il a été question, lors du dernier conseil, d'une hausse de 19 % des crédits d'équipement par rapport à l'année dernière –, qui profite également aux petites entreprises. C'est pour que les très petites entreprises puissent également en bénéficier que cet accord a été passé avec La Poste, qui a plus facilement accès aux très petites entreprises que Bpifrance. En termes de structure, les choses me paraissent devoir bien fonctionner et, si ce n'était pas le cas, cela ne serait sans doute qu'une question de réglage de l'outil qui, lui, est bien en place.
En réponse à Mme Cariou, je précise que le montant de l'enveloppe allouée au haut débit n'était pas de 20 milliards, mais de 2 milliards, sur lesquels 350 millions ont déjà été engagés. Cela dit, vous avez raison de souligner que le retard pris – pour de multiples raisons – en matière de déploiement du très haut débit est extrêmement préoccupant, et je porterai une attention particulière à ce problème. Il en résulte une situation très dommageable pour l'information diffusée aux Français résidant dans les territoires les plus éloignés, mais aussi pour l'emploi.
Si je dois absolument parler de la CNP, une société cotée au sujet de laquelle il m'est difficile de m'exprimer, je me contenterai de dire deux choses. Premièrement, la CNP – qui est toujours, en volume, le premier assureur français de personnes, devant le Crédit Agricole Assurances – est une très belle maison qui peut se prévaloir de partenariats et de savoir-faire de grande qualité, en France et à l'étranger, notamment au Brésil et en Italie. À ma connaissance, sa situation ne suscite donc pas d'inquiétude particulière. La CNP représente la participation la plus importante de la Caisse des dépôts, et elle génère un tiers de ses résultats. Des opérations plus intéressantes – pour la collectivité, pour la CNP et pour la Caisse – pourraient-elles être menées ? J'étudierai cette question comme celles relatives à l'ensemble des participations de la Caisse. En dépit de tout ce que j'ai pu lire dans la presse, la CNP n'a aucun statut particulier et, si je suis nommé, je m'autoriserai à revisiter l'ensemble des sujets avec un oeil neuf, selon les trois critères que j'ai évoqués précédemment.
Pour ce qui est de ma mission durant les douze premiers mois, je veux commencer par me mettre au travail pour rapprocher la Caisse des territoires : c'est pour moi une priorité majeure. Je veux également travailler sur le périmètre d'intervention de la Caisse, afin qu'elle concentre ses forces là où il est nécessaire de le faire. Enfin, comme je viens de vous le dire, j'entends procéder à une revue complète du portefeuille de participations de la Caisse.
M. Coquerel, je pense avoir déjà répondu au sujet de ce que vous appelez les allers-retours entre le public et privé. Pour ce qui est du logement social, vous avez tout à fait raison. La Caisse a dans ce domaine un rôle très important à jouer pour aider le secteur à surmonter les difficultés résultant non seulement des modifications de l'environnement, mais aussi de la situation créée par les taux d'intérêt actuels. Si le taux du livret A peut être considéré comme modeste par les épargnants – même si ce placement liquide se situe au niveau de l'inflation, ce qui n'est pas si mal –, il s'agit d'une ressource assez onéreuse en termes de crédits pour ce qui est des fonds prêtés au logement social. Les fonds d'épargne ont mis en place certaines innovations, notamment les prêts de haut de bilan, qui sont des prêts subventionnés, mais je pense que nous devrons engager une réflexion avec le secteur du logement social sur de nouveaux modes de financement permettant, sur des durées longues, d'aboutir à des conditions moins onéreuses que celles produites par le recyclage du livret A. J'ai quelques idées sur ce point mais, avant d'en parler, je souhaite vérifier qu'elles sont techniquement faisables.
Le financement des universités me semble, à l'évidence, faire partie de la vocation de la Caisse des dépôts.
L'amendement dont vous parlez, et au sujet duquel des syndicats de la Caisse se sont émus, n'a pas les intentions assassines que certains lui prêtent : il ne s'agit en aucune façon de remettre en cause le statut des fonctionnaires et des personnels de droit privé de la Caisse. Il se trouve simplement qu'il y avait un vide juridique, résultant du fait que les ordonnances, telles qu'elles ont été rédigées – et approuvées définitivement aujourd'hui – proposaient un nouvel état des lieux ne prenant pas la Caisse en compte. Cette situation interdisait le dialogue social, ce qui, vous en conviendrez, était préoccupant, car le dialogue social est décisif pour la bonne marche d'une entreprise. Constatant cette situation, nous avons souhaité replacer la Caisse des dépôts dans le cadre de la nouvelle organisation sociale résultant des ordonnances – mais je vous rassure : nous avons à coeur de permettre le fonctionnement de la Caisse dans le cadre d'un dialogue très étroit avec les organisations syndicales. Il n'y a aucune arrière-pensée dans cette démarche, en particulier aucune intention de démantèlement. Comme je m'évertue à le dire, le projet que je porte à pour objet de renforcer la Caisse des dépôts, dont nous avons besoin, et non de la démanteler.
Il n'est pas question de toucher au statut des fonctionnaires, ni à celui des salariés de droit privé. Ce n'est sans doute pas l'intention du Gouvernement, et certainement pas la mienne.
Monsieur Lombard, vous nous avez fait part de vos engagements pour la transformation de notre société et de notre modèle économique et social, en ciblant notamment, en matière de cohésion des territoires, la mise en oeuvre du plan logement du Gouvernement, la consolidation du secteur du logement social et la lutte contre la fracture territoriale, dans le cadre desquelles vous avez priorisé les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Or, je n'ai pas eu l'impression d'entendre une réponse très claire de votre part à la question que vous avait posée Mme Cariou au sujet du rôle de la Caisse des dépôts dans la mise en oeuvre de la politique d'aménagement du territoire.
Quand vous observerez, dans le cadre de vos futures attributions, les comptes des collectivités territoriales et des établissements publics avec lesquels la Caisse des dépôts travaille, vous constaterez que certaines collectivités sont amenées à déconstruire leurs logements, à fermer leurs écoles et d'autres équipements publics, tandis que d'autres cités – que l'on appelle métropoles depuis la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) – ne parviennent plus à construire les logements, les routes et les équipements publics. Par ailleurs, la notion d'aménagement du territoire n'est plus du tout portée par la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR), et la Caisse des dépôts est sans doute bien placée pour observer cette politique de riches, consistant à concentrer les efforts de développement sur une quinzaine d'endroits en France. J'aimerais savoir quelle doit être, pour vous, la place de la Caisse des dépôts dans la politique d'aménagement du territoire, et ce que seront son engagement et ses actions dans ce domaine.
Par ailleurs, pouvez-vous nous préciser si vous souhaitez développer des outils d'ingénierie ? Si ces outils existent, notamment au sein du réseau de la Société centrale d'équipement du territoire (SCET), l'ingénierie n'est jamais gratuite et les territoires, notamment ruraux, se trouvent souvent dans l'incapacité de faire face aux financements proposés par les structures aujourd'hui filiales. J'aimerais donc savoir quels mécanismes d'aides, voire de subventions, peuvent être envisagés, et en quoi votre action, tenant compte des difficultés auxquelles sont actuellement confrontées les collectivités territoriales, pourra donner une nouvelle inflexion à la politique d'aménagement du territoire.
Si la Caisse des dépôts accompagne les territoires dans leur développement en intervenant par des investissements directs dans des fonds propres ou par des prêts à taux zéro, elle peut aussi financer les études en amont des projets des contrats de ruralité. Vous le savez, ces contrats sont des outils de mise en valeur et de coordination des structures des politiques publiques. Ainsi, alors que 216 millions du Fonds de soutien à l'investissement local (FSIL) sont dédiés aux contrats de ruralité, 411 millions sont destinés aux contrats de ville pour développer l'emploi dans les quartiers et pour poursuivre la rénovation urbaine.
Au regard des besoins colossaux – je pèse mes mots – des territoires ruraux, notamment en matière d'accès au service public et pour le développement du numérique, envisagez-vous d'apporter un concours financier beaucoup plus important en zone rurale et d'éviter de concentrer l'action de la Caisse sur les grandes métropoles ?
Monsieur Lombard, je dois avouer que j'ai été un peu étonné de vous entendre hiérarchiser vos priorités en indiquant vouloir défendre d'abord l'intérêt de la Caisse, ensuite celui des clients, enfin l'intérêt général, ce qui donne le sentiment d'une présentation extraordinairement corporatiste : le plus important est ce qui rapporte de l'argent à la Caisse, mais elle essaie aussi de faire plaisir aux gens qui s'adressent à elle… et tant mieux si l'intérêt général y trouve également son compte ! Il me paraît un peu dangereux de raisonner suivant ce principe.
Par ailleurs, l'un des grands problèmes que nous avons en tant qu'élus nationaux consiste à être en mesure d'apprécier ce qu'ont été la nature, la qualité et le volume des investissements réalisés par le secteur local au cours des quinze dernières années. Alors que les élus locaux ont le sentiment d'avoir été les seuls à investir et de n'être plus en mesure de le faire, on entend aussi des voix s'élever pour affirmer que les investissements effectués au niveau local sont la plupart du temps inutiles – une idée souvent illustrée par l'exemple des ronds-points dont on ne voit pas toujours la nécessité. Dans la mesure où la Caisse des dépôts est le poumon de l'effort d'équipement du territoire par les collectivités locales, j'aimerais savoir comment vous appréciez, qualitativement et quantitativement, la nature des investissements réalisés par le secteur territorial depuis une vingtaine d'années, et quelles sont les orientations prioritaires que, dans l'intérêt général, vous avez l'intention de soutenir dans ce domaine.
Si la Caisse des dépôts est une institution républicaine représentant une force incontournable pour notre pays, de lourds enjeux pèsent sur l'avenir du groupe. Je pense tout d'abord au livret A, qui va être gelé pendant deux ans au taux de 0,75 %, c'est-à-dire en dessous du taux de l'inflation, ce qui risque d'assécher l'une des principales ressources des fonds d'épargne. Il s'y ajoute la baisse des APL et son impact sur l'équilibre des opérations de logement social, qui vont se traduire par une sollicitation encore plus forte des fonds d'épargne à destination des organismes de logement social. Ne craignez-vous pas une baisse des encours des fonds d'épargne, et quelle sera pour vous l'offre bancaire – peut-être différente – à destination des organismes de logement social ?
Par ailleurs, les directions régionales, qui représentent les forces territoriales, ont déjà été réorganisées au sein de la Caisse des dépôts au cours des dernières années. La plupart sont maintenant territorialisées et représentent les trois métiers de la Caisse des dépôts, à savoir le métier de prêteur sur fonds d'épargne, le métier d'investisseur – dans l'intérêt général –, et le métier de banquier à destination des professions juridiques, englobant ce qui a trait à la consignation. Pour ce qui est de l'activité bancaire, de quelle manière envisagez-vous le partenariat entre la Caisse des dépôts et la Direction générale des finances publiques (DGFiP), qui est son préposé historique ? Comment comptez-vous rapprocher, puisque telle est votre intention, la Caisse des dépôts des territoires, et quels seraient pour vous les territoires prioritaires ?
J'ai trois remarques et deux questions sur le métier d'investisseur de long terme d'intérêt général de la Caisse. Comme cela a été dit, nous attendons beaucoup du rôle de la Caisse comme aménageur du territoire – sans doute davantage aujourd'hui qu'hier – et nous estimons nécessaire que cette mission prenne de l'ampleur. Si la Caisse dispose pour cela de nombreux outils et d'un grand savoir-faire, elle semble manquer de forces vives et d'ingénierie territoriale. Les acteurs locaux, qui ont besoin d'accompagnement et d'expertise pour monter les projets et parvenir à monter les tours de table – c'est le cas des projets dans le secteur du tourisme –, manquent aujourd'hui d'ingénierie territoriale, une compétence dont la Caisse dispose, mais qu'elle n'arrive pas à déployer dans le territoire.
Par ailleurs, il me semble que les directions régionales devraient être dotées d'une plus grande autonomie par rapport au siège et au comité national d'engagement, notamment pour ce qui relève du métier d'investisseur. J'ai souvent vu des projets d'investissement dans lesquels les directions régionales se sont beaucoup impliquées durant des mois, voire des années, peiner à trouver une concrétisation lorsque vient la phase de présentation des projets au siège national, ce qui est dommage : pour éviter cela, il faudrait faire un peu plus confiance aux experts investisseurs des directions régionales.
Enfin, pour ce qui est de l'organisation des directions régionales, j'ai l'intime conviction qu'on ne peut pas exercer correctement deux métiers très différents l'un de l'autre en même temps : en l'occurrence, prêteur et investisseur. Si l'on veut que le métier d'investisseur monte en puissance, il faut en revenir à une spécialisation, surtout au sein de certaines directions régionales, car la spécialisation est particulièrement nécessaire pour certains territoires.
J'en viens à mes deux questions. Premièrement, pour ce qui est de votre stratégie en matière de prises de participation dans les entreprises d'énergie renouvelable sur les territoires, pensez-vous intervenir suffisamment ou estimez-vous pouvoir faire davantage, comme je le crois nécessaire ? Deuxièmement, si la Caisse est actionnaire de la Compagnie des Alpes (CDA), qu'en est-il des autres stations de sports d'hiver françaises ? Le parc français est en train de perdre du terrain – il est désormais devancé par les États-Unis et l'Autriche – et il serait bon que la Caisse investisse dans la modernisation de nos domaines ailleurs que dans la CDA.
Ma question porte sur Bpifrance : selon vous, son rôle consiste-t-il à résoudre les défaillances de marché – auquel cas, on se demande pourquoi la part de marché de Bpifrance, notamment en matière de crédit, a augmenté pendant les quatre dernières années alors qu'on était plutôt dans une phase haussière du cycle – ou consiste-t-il à être un acteur compétitif du financement en France – auquel cas, pouvez-vous nous indiquer pourquoi il revient à un acteur public de jouer ce rôle-là, et quels doivent être ses objectifs de rentabilité ?
Par ses filiales, notamment Egis et Transdev, la Caisse intervient en dehors de la France. Quelle est sa politique en la matière ?
Depuis quelques années, on parle d'une possible intervention de la Caisse ou de Bpifrance sur les fonds en matière agricole, notamment en trésorerie et en investissement. On a également évoqué des projets fondés sur le principe du « bénéfice carbone », engagés dans le cadre d'un portefeuille spécifique. Ce sont là des pistes intéressantes : pouvez-vous nous dire où nous en sommes ?
Enfin, en matière de réforme du logement, on sait que certains offices et organismes de logements sociaux se voient appliquer des plans de redressement – qui, avec la réforme, vont avoir un impact encore plus important. Étant précisé que la plupart des prêts sont consentis par la Caisse, quelle va être votre politique pour permettre à ces plans de redressement de produire leurs effets dans le cadre de la réforme, au travers de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) et de la Caisse des dépôts ?
Monsieur Lombard, si votre parcours me semble assez impressionnant, je m'interroge quant au fait que vous soyez président du comité des risques de Bpifrance. En effet, Bpifrance et la Caisse des dépôts ont souvent le dernier mot lors des tours de table : on dit souvent que si la Caisse n'y va pas, personne n'y va. Sous votre direction, la Caisse va-t-elle oser s'aventurer en dehors des domaines hyper-sécurisés ?
Par ailleurs, j'ai moi-même pu constater une certaine lourdeur du processus décisionnel dans nombre de dossiers comportant un montage avec une société d'économie mixte ou des structures privées, impliquant des délais incompatibles avec la réactivité nécessaire. J'espère qu'il sera remédié à cela.
Je conclurai par deux questions. Premièrement, alors que certains hôpitaux rencontrent des difficultés pour se financer auprès des banques commerciales, la CDC va-t-elle continuer à intervenir dans ce secteur ? Deuxièmement, la Caisse a beaucoup de filiales dans des domaines très variés, ce qui peut conduire à s'interroger sur l'intérêt général de ces participations : quels sont vos projets en la matière, et est-il prévu que la Caisse se désengage dans certains domaines, en se séparant des filiales concernées ?
Je me félicite de constater que la Caisse des dépôts suscite un tel intérêt auprès des députés.
Pour répondre à M. Bourlanges, dont la question était sans doute volontairement provocatrice, je précise que je n'ai pas hiérarchisé les priorités que j'ai citées, et que si j'ai évoqué l'intérêt des entreprises et le fait que la Caisse soit garante de la bonne évolution des entreprises où elle a des participations, c'est parce qu'une entreprise n'est pas constituée que d'actionnaires : pour moi, il faut aussi prendre en compte les personnes qui y travaillent, ainsi que les clients – sans doute faut-il y voir mon côté militant.
Vous m'avez demandé quel jugement je porte sur les investissements effectués depuis vingt ans, ce qui va me permettre de répondre également aux questions portant sur les investissements effectués dans les territoires ruraux et de montagne. J'estime que la Caisse ne doit pas se substituer à la libre administration des collectivités locales, des sociétés d'économie mixte et des établissements publics, à qui il revient de proposer des plans de développement pour leur région. Bien sûr – et sur ce point, je vous rejoins totalement –, le rôle de la Caisse est de conseiller en donnant son avis, et éventuellement en proposant d'autres idées, mais toujours dans le cadre de projets portés par les responsables politiques.
L'organisation qui permet cela implique la répartition en trois métiers, évoquée par plusieurs d'entre vous, bons connaisseurs de la Caisse. Cette répartition correspond à une problématique très classique au sein des établissements financiers, où l'on assiste à une distinction entre, d'une part, les spécialistes du financement, de l'investissement et de la structuration, d'autre part, les spécialistes des relations avec les clients. Dans les entreprises modernes, on appelle « orientation client » le fait que certaines personnes soient spécifiquement chargées de suivre les collectivités locales – avec un niveau de compétence élevé, mais plutôt généraliste – tandis que d'autres métiers sont plus spécialisés.
Toute la difficulté consiste à modifier l'organisation de la Caisse en ce sens, d'autant que cela implique d'intégrer une dimension d'organisation territoriale. Si la Caisse a fait l'objet d'une réorganisation territoriale de son réseau, il me semble que son maillage est encore très épars en comparaison de celui d'autres grands réseaux bancaires. De ce fait, dans certaines régions, les équipes, si talentueuses soient-elles, sont loin des clients. Il conviendrait de conduire une réflexion portant sur la décentralisation du réseau afin de le rapprocher des clients, et sur les délégations pouvant être données à des réseaux amis – je pense à La Poste et à son maillage très fin, avec ses 17 000 points de vente. C'est sur ces points-là, me semble-t-il, que nous pouvons apporter de l'expertise aux collectivités locales afin de les aider à mener à bien leurs projets d'investissement et de développement – et le faire de manière plus efficace.
Qu'en est-il de la répartition entre zones rurales et autres zones ? Étant un établissement sans actionnaire, la CDC n'a que ses résultats comme ressource pour se développer. Elle doit donc nécessairement être bénéficiaire. En outre, elle doit protéger les fonds qui lui sont confiés par les Français dans le cadre du livret A, et aussi par les notaires dont les dépôts s'élèvent à quelque 45 milliards d'euros. Cette mission l'oblige à faire preuve d'une extrême prudence par rapport aux risques dont vous parlez. Le risque sera calculé de façon à ne jamais mettre en danger ce patrimoine confié par les Français.
La prise de risque doit être limitée et tout investissement doit être récupéré. Dans ces conditions, quelle rentabilité faut-il rechercher ? La Caisse n'évolue évidemment pas dans le secteur privé. Elle doit rechercher une rentabilité en tenant compte de trois critères et obligations : soutenir les territoires ; récupérer les fonds engagés car ses prêts futurs – donc son avenir – en dépendent ; apporter sa contribution au budget de l'État. Voilà l'équation qui la distingue radicalement d'une entreprise privée.
Quand on s'intéresse aux missions de la Caisse et de son réseau, il faut être très attentif à la solvabilité des acteurs. Elle n'octroie pas des dons ou des aides. Rappelons que les emprunts toxiques ont mis en danger beaucoup de collectivités locales qui se sont retrouvées lourdement surendettées. Pour ce qui la concerne, la Caisse doit veiller à ce que cela n'arrive pas. Les opérations des entreprises du secteur privé relèvent d'une autre sphère.
Vous m'avez aussi interrogé sur le rôle de Bpifrance. Il faut admettre que Bpifrance a joué un rôle absolument décisif après la grande crise financière : à un moment où les banques commerciales se sont mises en retrait, elle a permis à beaucoup d'entreprises de trouver les financements qui leur faisaient défaut. En ce moment, ça va mieux. On se demande alors légitimement ce que fait cette entreprise publique qui est en concurrence avec des banques privées. N'oublions pas qu'il y a des cycles dans l'économie, quoi que nous fassions. À un moment donné, quand ça ira moins bien de nouveau, on aura encore besoin de Bpifrance. Entre deux périodes difficiles, elle doit donc continuer à fonctionner.
Comme elle a une rentabilité moindre que les banques commerciales, on pourrait croire qu'elle prête à des conditions un peu plus agressives. En réalité, ce n'est même pas le cas en termes de tarification car elle travaille toujours conjointement avec une banque privée ou mutualiste. En revanche, elle fait des choses que ne font pas les autres banques. Elle octroie, par exemple, des prêts sans garantie, qui représentent une innovation utile pour le marché français.
Pour avoir été, pendant trois ans, président de son comité des risques, je peux vous dire que le profil de risques de Bpifrance est excellent. C'est aussi une très bonne banque qui essaie d'éviter de soutenir des entreprises en grande difficulté car ce n'est plus son rôle. Quand une entreprise est en grande difficulté, elle peut faire appel à d'autres mécanismes publics. Sans vous citer des exemples concrets, je vous dirais que Bpifrance a pu prendre des risques un peu plus importants que ne l'aurait fait une banque dans des entreprises dont les membres de son conseil pensaient qu'elles avaient un avenir.
Si je n'ai pas parlé des énergies renouvelables et de la transition énergétique, c'est parce que le sujet est si immense que j'aimerais le mettre au coeur des priorités de la Caisse. Le réchauffement climatique et la soutenabilité du développement économique pour la planète sont sans doute les problèmes les plus graves que nous ayons à traiter. Même si ce n'est pas le mandat central de la Caisse, le financement de la transition énergétique a été lancé par Pierre-René Lemas. Je ne connais pas en détail l'entité CDC Biodiversité, mais son seul nom me réjouit parce qu'il s'agit à l'évidence d'un sujet extrêmement important. Il va de soi que ces initiatives doivent être poursuivies.
Monsieur Jolivet, certes la DATAR n'existe plus, mais le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) lui a succédé. Il est aussi question de créer une Agence nationale de la cohésion des territoires. À mon avis, l'action coordonnée de l'État et de la Caisse est un gage de non-dispersion et d'efficacité. Au sein de la Caisse, la SCET doit être mise à la disposition des collectivités. Il est vrai que ses services ne sont pas gratuits. Quitte à me répéter, je souligne que l'établissement doit gagner un peu d'argent.
Peut-on la mettre à la disposition des communes rurales dans le cadre d'une politique de soutien ? Je ne sais pas. Je connais mieux Bpifrance dont j'ai été administrateur. Bpifrance a développé des services gratuits afin d'aider les PME à se développer, notamment à l'international, considérant que cela faisait partie de son mandat. Pour ma part, j'éprouve beaucoup de sympathie à l'égard d'une institution financière qui prête et qui investit mais qui offre aussi des services. Dans le modèle de fonctionnement de la Caisse, c'est probablement une dimension à laquelle il faudrait travailler. En la matière, la SCET peut fournir les ressources nécessaires.
Les domaines évoqués sont si vastes que je pourrais continuer pendant des heures mais je vais m'en tenir là.
À l'issue de cette audition, je crois qu'il est bon de rappeler que les cinq parlementaires – trois députés et deux sénateurs – qui sont membres de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts, ne jouent pas un rôle différent des autres commissaires dans le choix du directeur général.
Le Parlement se doit de protéger la Caisse, comme cela a été souligné à maintes reprises par Éric Lombard. Mes collègues Gilles Carrez et Jacques Savatier qui sont, eux aussi, membres de la commission de surveillance, voudront peut-être intervenir à ce sujet.
Ce rôle du Parlement est absolument essentiel et nos discussions montrent qu'il mériterait peut-être d'être renforcé. Au moment où un nouveau directeur général va prendre ses fonctions, avec ce que cela implique de changements, nous pourrions mener une réflexion collective sur la manière concrète dont le Parlement doit exercer son action au sein de la Caisse. Après nos prédécesseurs parlementaires, nous avons rempli cette mission depuis quelques mois, en attendant le nouveau directeur général. En tant que président de la commission de surveillance, je tiens à dire que nous entendons exercer pleinement cette responsabilité.
Merci beaucoup, monsieur Lombard. Nous aurons l'occasion de vous auditionner régulièrement si le scrutin vous est favorable.
J'invite les membres de la commission à rester dans la salle pendant que je raccompagne M. Lombard, afin que nous puissions procéder au vote.
Délibérant à huis clos, la commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l'article 29-1 du Règlement, sur la nomination envisagée de M. Éric Lombard aux fonctions de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.
La commission procède au dépouillement du scrutin, simultanément au dépouillement du scrutin sur cette nomination opéré par la commission des finances du Sénat.
Les résultats du scrutin auquel il a été procédé sont les suivants :
Nombre de votants : 26
Bulletins blancs ou nuls : 2
Suffrages exprimés : 24
Avis favorables : 19
Avis défavorables : 5
La commission a émis un avis favorable à la nomination de M. Éric Lombard aux fonctions de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 28 novembre 2017 à 17 heures
Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Sarah El Haïry, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Stanislas Guerini, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, Mme Aina Kuric, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Gilles Le Gendre, Mme Marie-Ange Magne, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, Mme Cécile Muschotti, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Jean-Pierre Vigier, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Jean-René Cazeneuve, M. Marc Le Fur, M. Napole Polutele, Mme Muriel Ressiguier, M. Olivier Serva
Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Frédérique Tuffnell