Mission d'information sur l'application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse

Réunion du mercredi 15 décembre 2021 à 13h30

Résumé de la réunion

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MISSION D'INFORMATION SUR L'APPLICATION DU DROIT VOISIN AU BÉNÉFICE DES AGENCES, ÉDITEURS ET PROFESSIONNELS DU SECTEUR DE LA PRESSE

Mercredi 15 décembre 2021

La séance est ouverte à treize heures trente.

(Présidence de Mme Virginie Duby-Muller)

La mission d'information auditionne :

• M. Benoit Tabaka, directeur des relations institutionnelles et politiques publiques de Google France, et Mme Floriane Fay, responsable des relations institutionnelles et politiques publiques ;

• M. Martin Signoux, responsable affaires publiques de Meta (anciennement Facebook) ;

• Mme Corinne Lejbowicj, présidente de Qwant, et M. Raphaël Auphan, directeur général.

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Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation à cette table ronde dans le cadre de la mission d'information sur l'application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse. Avec mon collègue Laurent Garcia et d'autres élus, nous vous avions déjà auditionnés à huis clos sur ce sujet. Par souci de transparence, nous avons souhaité que vous puissiez refaire l'exercice dans un cadre public. Nous vous donnerons la parole durant une dizaine de minutes chacun, avant de vous poser une série de questions, notamment celles des internautes qui nous ont saisis.

Le rapport sera présenté le 12 janvier 2022 à l'ensemble des membres de la mission d'information, qui, le cas échéant, en valideront les propositions. Elles seront ensuite rendues publiques lors d'une conférence de presse.

Cette audition est la trentième de notre mission, qui s'est également déplacée à Bruxelles. Nous avons été en contact avec la presse allemande et différentes ambassades de France dans le monde, pour mener une approche comparative du sujet.

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Je salue les orateurs, dont la parole est attendue. L'actualité nous rattrape, puisqu'une proposition d'engagements de Google a été diffusée aujourd'hui. Nous ne nous permettons pas de penser que la mission d'information a joué un rôle d'accélérateur – magie ou hasard du calendrier – et vous aurez sans doute à cœur de nous présenter cette proposition, qui sera naturellement intégrée à notre rapport.

Mme la présidente l'a dit, nous avons également reçu des demandes par voie dématérialisée, qui nourriront nos échanges. L'audition était attendue : nous vous remercions d'avoir accepté qu'elle soit publique.

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Benoît Tabaka, directeur des relations institutionnelles et politiques publiques de Google France

Nous vous remercions pour cette nouvelle invitation : nous étions en effet présents il y a une quinzaine de jours, pour échanger sur les discussions en cours s'agissant de l'application de la loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse.

Les échanges de Google avec la presse ne sont pas nouveaux : ils ont débuté il y a plus de dix ans. Les premières discussions se sont conclues par un accord sur la création du fonds Google pour l'innovation numérique de la presse. Loin de traiter des droits voisins, il visait à aider financièrement la presse à développer de nouveaux modèles d'innovation et, partant, de nouveaux modèles économiques, notamment pour recevoir des revenus complémentaires – abonnements ou autres types de monétisation. L'initiative a rencontré un grand intérêt en France, ainsi qu'auprès de nombreux éditeurs européens. Elle s'est muée en une structure européenne puis internationale, car le sujet de l'accompagnement de la presse en matière d'innovation est mondial. En France, Google dispose d'une équipe dédiée d'une vingtaine de personnes, qui discutent quotidiennement avec les éditeurs de presse, dans trois domaines.

Le premier est le métier historique de Google, la publicité. Nous offrons des solutions publicitaires aux éditeurs de presse pour les aider à développer la modélisation de leur inventaire.

Le deuxième est le déploiement de nouveaux modèles économiques, notamment autour des abonnements. Le premier acteur européen avec lequel nous avons travaillé a été Le Monde. Aujourd'hui, environ 40 % des nouveaux abonnés numériques du quotidien sont le fruit de cette collaboration.

Enfin, une équipe dédiée engage un travail avec les éditeurs pour signer des accords de licences de contenus. Depuis deux ans, elle est mobilisée sur l'application de la loi française relative au droit voisin.

Vous le savez, la France a été la première à transposer la directive sur le droit d'auteur, en juillet 2019. Nous avons été le premier acteur vers lequel les éditeurs de presse se sont tournés, le premier à devoir réfléchir avec eux sur la manière dont la loi devait être appliquée. Nous disposions pour cela de deux sources – les débats parlementaires au niveau européen et les débats législatifs, au niveau français –, afin de comprendre les interrogations et y répondre.

Les interrogations et la complexité étaient de trois ordres. Elles expliquent le temps qui a été nécessaire à ces avancées.

D'abord, s'est posée la question du périmètre en matière de contenus. La loi fait référence à des « courts extraits » d'une publication de presse qui ne dispensent pas de consulter le contenu ou d'accéder aux sites. Il faut déterminer ce qu'ils recouvrent, par exemple, un titre et une image qui apparaissent lors d'une recherche sur Google. Nous n'avons pas voulu entrer dans cette discussion, car personne, hormis le juge, ne pouvait nous apporter de réponse. L'interrogation subsiste, et votre mission d'information permettra peut-être d'apporter davantage de certitude sur ce sujet.

Le deuxième élément de complexité est le périmètre des bénéficiaires du droit voisin. La question peut paraître étonnante car la France a une longue tradition de définition juridique des éditeurs de presse. Elle dispose notamment d'agréments et de labellisation, en particulier les différentes catégories de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), comme l'information politique et générale (IPG). La loi française fait explicitement référence à ce concept. C'était un premier élément de certitude, sur lequel nous nous sommes appuyés : il fallait tenir compte de la contribution des publications à l'information politique et générale.

Nous avons donc d'abord travaillé autour de l'IPG, ce qui explique pourquoi le premier accord-cadre, conclu en janvier 2021, a été négocié avec l'association qui représente ces éditeurs, la fameuse Alliance de la presse d'information générale (APIG).

En discutant avec les éditeurs et l'Autorité de la concurrence, nous sommes toutefois parvenus à la conclusion que ce critère n'était pas le seul. La question qui se pose à présent est de définir la publication de presse, qui peut regrouper tous les titres qui ont fait l'objet d'une labellisation par la CPPAP, ou être d'un autre ordre. Or les définitions varient selon les interlocuteurs avec lesquels nous échangeons, ce qui fait que, dans certains cas, nous rencontrons une difficulté à avancer. Certains disent que le champ se limite à l'ensemble des éditeurs de la CPPAP, sans aller au-delà. D'autres, sans donner de définition claire et précise, estiment que la loi ne se limite pas à ce champ et que les périmètres ne se recoupent pas.

Dans ses décisions relatives à cette question et à notre entreprise, l'Autorité de la concurrence a insisté sur la nécessité de s'assurer que des critères non discriminatoires et objectifs sont utilisés. On ne peut pas décider arbitrairement d'inclure ou de ne pas inclure un acteur dans le périmètre de la discussion sur le droit voisin. C'est pourquoi nous nous sommes toujours attachés à recourir à des éléments juridiques, notamment aux définitions que nous connaissons.

La dernière difficulté porte sur les agences de presse, auxquelles la loi fait explicitement référence. La directive les évoque également, ainsi que les débats parlementaires français. Une question pratique se pose alors, celle de savoir à qui va la rémunération si un éditeur de presse réutilise une dépêche rédigée par une agence – Agence France-Presse (AFP), Reuters, Associated Press (AP), entre autres acteurs présents sur le marché français –, indexée par le moteur de recherche et dont le contenu apparaît dans ses résultats. La rémunération va-t-elle à l'éditeur, qui devra retraiter avec l'agence ou les agences qui ont fourni le contenu pour rédiger l'article ? Devons-nous contractualiser directement avec les différentes agences ? Le débat juridique reste ouvert, mais nous avons posé la question dans le cadre des discussions devant la cour d'appel. Dans le cas d'agences B to B, de professionnel à professionnel, doit-on contractualiser avec l'agence, avec l'éditeur ou avec les deux ?

Nous avons fait le choix d'avancer, et avons abouti au récent accord avec l'AFP.

Ainsi, nous avons franchi plusieurs étapes : d'abord, la conclusion de l'accord-cadre avec l'APIG, qui prévoyait à la fois le paiement de licences au titre du droit voisin et des nouveaux usages que nous souhaitons développer avec Google News Showcase, qui existe dans plusieurs pays européens. L'accord-cadre a ensuite été décliné en accords individuels avec certains des éditeurs que vous avez pu recevoir.

Au cours de l'été, l'Autorité de la concurrence nous a demandé d'apporter des précisions et des changements à l'accord-cadre, qui a été suspendu pour être réajusté. Les discussions sont toujours en cours avec l'APIG sur ce sujet. Elles sont d'ailleurs bien avancées.

La deuxième étape est l'accord avec l'AFP, qui couvre le droit voisin sur l'ensemble des pays de l'Union européenne. L'AFP a une dimension internationale ; elle est présente dans de nombreux pays européens. Au travers d'un accord sur un montant forfaitaire c'est-à-dire une évaluation, que permet aujourd'hui la loi, nous avons fait le choix de couvrir le paiement de l'ensemble des droits voisins, pour une durée initiale de cinq ans.

Les autres discussions, principalement avec le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM), progressent. La question du périmètre des bénéficiaires subsiste, puisque, aujourd'hui, seule une cinquantaine de membres du SEPM est labellisée par la CPPAP, ce qui représente une part relativement faible du syndicat. En parallèle, nous poursuivons les discussions avec l'ensemble des acteurs qui nous contactent, qu'il s'agisse de la Fédération française des agences de presse (FFAP), du Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL), la Fédération nationale de la presse d'information spécialisée (FNPS), ou de certains éditeurs, qui souhaitent avoir une discussion directe avec nous.

Après cette phase de complexité et de compréhension mutuelle avec les éditeurs, nous essayons d'avancer. Le flou subsiste sur certains éléments, mais nous tentons de trouver des solutions, au travers de discussions avec des acteurs extérieurs. C'est le sens des engagements que nous avons proposés à l'Autorité de la concurrence – leur publication, aujourd'hui, est un hasard : l'Autorité décide seule de son calendrier.

Nos engagements sont destinés à pérenniser les injonctions que l'Autorité nous a adressées, notamment pour bien séparer la question du droit voisin des autres types de licences ; pour communiquer certaines données – l'Autorité en donne le détail –, et pour apporter des garanties additionnelles aux éditeurs et aux agences de presse, à travers un mécanisme d'arbitrage, dans les discussions et les problèmes qui peuvent apparaître entre nous et les éditeurs, et un mécanisme de supervision, par un mandataire, du respect par Google de ses engagements envers les éditeurs et les agences de presse.

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Martin Signoux, responsable affaires publiques de Meta (anciennement Facebook)

Je vous remercie de votre invitation à échanger sur le sujet important du droit voisin au profit des éditeurs de presse, en France. Nous avions déjà eu l'occasion d'en discuter il y a un peu plus d'un mois ensemble. Nous sommes ravis de participer à cette table ronde pour élargir le débat.

Facebook est une plateforme de partage de contenus, qui permet aux utilisateurs, dont les éditeurs de presse, d'accroître leur visibilité et de toucher de nouveaux publics. Elle fait donc partie intégrante de leur stratégie visant à adapter leur modèle économique aux nouvelles réalités numériques. L'utilisation que les éditeurs font de notre plateforme présente trois caractéristiques.

D'abord, les outils et les services auxquels ces utilisateurs ont accès sont gratuits. En plus des fonctionnalités que chacun peut utiliser sur la plateforme, ils ont accès à certains outils et programmes d'accompagnement, fournis gratuitement.

Ensuite, les éditeurs de presse utilisent nos services de manière volontaire : ce sont eux qui viennent poster leurs contenus sur nos services, parce qu'ils peuvent en tirer un bénéfice. Le caractère volontaire différencie notre entreprise d'autres plateformes, notamment les moteurs de recherche, qui agrègent unilatéralement les contenus.

S'agissant du bénéfice retiré, le contenu de l'actualité n'est pas lu et consommé sur nos plateformes mais sur le site de l'éditeur de presse. L'éditeur poste un lien, qui redirige l'utilisateur vers son site. Une fois l'internaute redirigé, l'éditeur peut en profiter, en proposant des abonnements ou de la publicité. Aujourd'hui, les sites internet de la quasi-totalité des éditeurs de presse proposent de la publicité. En 2020, le fil d'actualité de Facebook a permis de rediriger 180 milliards de clics vers les sites des éditeurs de presse, ce qui représente une création de valeur de 9 milliards de dollars, au bénéficié des éditeurs de presse.

Enfin, l'application du droit voisin en France, que votre mission a pour objectif d'évaluer, est en cours. Dans notre entreprise, elle est effective, comme le démontrent les accords que nous avons récemment signés avec plusieurs éditeurs de presse. Le principal, conclu en octobre avec l'Alliance de la presse d'information générale, rend effectif la rémunération du droit voisin. Ce n'est qu'une étape, qui sera suivie par d'autres dans les mois qui viennent. Nous restons en effet engagés dans les négociations avec tous les éditeurs de presse et leurs représentants éligibles en France. Le cadre qui a été fixé par la loi de 2019 permet une application effective du droit voisin, en France, au bénéfice des éditeurs de presse.

La lenteur des négociations a régulièrement été évoquée dans les débats concernant le droit voisin. On a souvent laissé entendre que la mauvaise volonté des plateformes freinait les négociations.

Ce n'est pas le cas en ce qui nous concerne : dès 2019, nous avons négocié de bonne foi et avons toujours été engagés dans ces négociations. Aucune procédure contentieuse n'a d'ailleurs été ouverte à notre encontre. Lors de la conclusion de notre accord, les représentants de l'Alliance de la presse d'information générale ont salué les échanges francs et fructueux qui ont eu lieu avec Facebook.

La lenteur des négociations s'explique par le fait que le droit voisin est un élément nouveau – M. Tabaka a souligné différents éléments de complexité. La loi de 2019 a créé ce droit au bénéfice des agences et éditeurs de presse, mais elle n'a pas fixé de guide ni donné de méthode. Nous avons dû travailler avec les éditeurs de presse pour définir comment l'appliquer, de manière à ce qu'elle soit juste et équitable, et à rendre effectif le droit voisin en France. Ces discussions ont été longues mais nous sommes parvenus à une solution avec la presse IPG, et avons bon espoir d'aboutir dans les mois qui viennent à un accord de cette ampleur avec les autres familles d'éditeurs de presse.

Pour élargir le débat à un sujet sous-jacent, rappelons que le droit voisin a été créé dans l'objectif de soutenir la presse et une information de qualité, dans un contexte de transformation numérique. Avec l'avènement d'internet et le développement de nouveaux usages du numérique, les éditeurs de presse ont besoin de repenser leur modèle et leur stratégie pour s'y adapter. Le droit voisin est une solution, mais elle n'est pas la seule : d'autres mécanismes sont mis en place. Benoît Tabaka a par exemple souligné certains des engagements pris par Google. Dès 2017, Facebook a créé plusieurs programmes d'accompagnement à destination de la presse et des éditeurs de presse, pour qu'ils tirent des bénéfices des opportunités du numérique.

Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples français.

En 2019, nous avons lancé un programme d'accélération à destination de la presse quotidienne régionale (PQR), qui consistait à accompagner, avec des experts internationaux qui avaient participé à la transformation numérique de très grands quotidiens, onze rédactions dans la définition d'une nouvelle stratégie d'acquisition d'abonnés et de visibilité en ligne. Au bout d'un an, notre programme a permis à ces onze titres de la PQR d'augmenter leur nombre d'abonnés payants, d'abonnés à leurs newsletters et de diffuser davantage leurs contenus, pour une création de valeur estimée à 8 millions d'euros.

Par ailleurs, dans le cadre des accords que nous avons conclus avec l'APIG et que nous négocions avec les autres éditeurs de presse, nous avons créé sur Facebook un nouvel espace dédié à l'actualité. Aujourd'hui, en effet, Facebook n'est pas un lieu de référence en matière d'information : lorsqu'un utilisateur consulte son fil d'actualité, les contenus de ce type sont très minoritaires, si bien qu'un internaute désireux de s'informer se tournera plutôt vers les sites des éditeurs de presse, dont il lira les newsletters. Aussi allons-nous lancer, au début de l'année prochaine, le service Facebook News : cet espace dédié à l'information de qualité permettra aux éditeurs de presse de diffuser leurs contenus tout en étant rémunérés.

Au-delà de ces deux exemples, 800 millions de dollars ont été investis depuis 2018 pour soutenir les éditeurs de presse dans leur transformation numérique, et nous prévoyons d'investir un milliard de dollars supplémentaires au cours des trois prochaines années. Notre contribution est souvent négligée alors qu'elle participe au même objectif que le droit voisin, qui reste essentiel et que nous continuerons à appliquer. Hier, Le Monde a annoncé avoir franchi le cap des 500 000 abonnés – c'est deux fois plus qu'il y a cinq ans. On voit donc que les éditeurs de presse qui se saisissent de la transformation numérique et adaptent leur modèle arrivent à prospérer malgré tous les bouleversements économiques que cela implique.

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Raphaël Auphan, directeur général de Qwant

Lancé en France il y a quelques années, Qwant est utilisé chaque mois par 4,2 à 4,5 millions de personnes dans notre pays, selon les chiffres de Médiamétrie. Notre moteur de recherche respecte la vie privée dans la mesure où il ne conserve aucune donnée de ses utilisateurs.

Les « news » et autres éléments d'actualité sont présents à plusieurs endroits sur notre produit. Lorsqu'un utilisateur arrive sur la page d'accueil de Qwant, un fil d'actualités du jour lui est proposé. S'il lance une recherche avec des mots clés particuliers, il peut arriver que certains articles soient mis en avant. Il existe enfin un onglet spécifique présentant les dernières actualités.

La différence de Qwant par rapport aux autres acteurs du secteur tient d'abord à sa taille. Nous comptons une centaine de collaborateurs en France, répartis sur différents sites comme Paris, Nice et Rouen. Nous n'avons pas d'équipe dédiée aux éditeurs de presse ni aux affaires publiques. Notre différence tient également à notre modèle : dans la mesure où notre moteur de recherche respecte la vie privée de ses utilisateurs, nous ne collectons aucune donnée sur ces derniers et ne percevons donc aucun revenu, même indirect, lié à la navigation sur notre site. Nos seuls revenus directs sont liés à des clics sur des contenus publicitaires proposés par notre site.

Nous voulons bien sûr nous conformer à la législation relative au droit voisin. Pour respecter le droit, nous sommes en contact avec toutes les autorités concernées par les différents sujets auxquels nous sommes confrontés, telles que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ou l'Autorité nationale des jeux (ANJ). Aussi avons-nous accueilli de manière très positive la mise en place d'un organisme de gestion collective (OGC) – vu notre taille, il aurait été compliqué pour nous d'entamer des discussions avec des centaines d'interlocuteurs sur les sujets relatifs à la presse. Bien que l'OGC présidé par Jean-Marie Cavada ait été créé, tous les acteurs concernés n'ont pas encore été embarqués : il reste donc encore un peu de chemin à parcourir.

Au niveau européen, le Digital Markets Act tient compte des seuils d'audience pour l'application de certaines obligations. Un principe similaire pourrait être défini en France en matière de droit voisin.

Lorsque nous envoyons des clics vers un éditeur de presse, ce dernier dispose d'un plus grand nombre de données utilisateurs que nous puisque, compte tenu de notre différence de modèle, nous n'en détenons aucune. Le rapport entre les éditeurs ou les groupements d'éditeurs et Qwant est donc, de ce point de vue, très équilibré.

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Monsieur Signoux, vous avez évoqué 180 milliards de clics ayant dégagé 9 milliards de dollars de revenus. Pourriez-vous nous expliquer ce mécanisme ?

Lors des auditions à huis clos, les plateformes nous ont fait part de leur difficulté à évaluer les revenus indirects issus de leurs activités – une difficulté qui explique peut-être la lenteur des négociations que l'un d'entre vous a soulignée. M. Auphan a expliqué qu'à la différence des autres plateformes, Qwant ne détenait pas de données relatives à ses utilisateurs. Aussi ma question ne s'adresse-t-elle qu'aux représentants de Google et Meta : accepteriez-vous d'ouvrir à une autorité publique un accès à vos serveurs afin qu'elle vous aide à estimer la valeur des données susceptibles de générer des revenus ?

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Martin Signoux, responsable affaires publiques de Meta (anciennement Facebook)

Les 180 milliards de clics ayant généré 9 milliards de revenus concernent les éditeurs de presse qui reçoivent du trafic de la part de Facebook. Ceux-ci ont en effet accès à toute une palette d'outils leur fournissant des données très précises relatives à la quantité de contenus diffusés sur nos plateformes, à l'audience réalisée et aux différentes interactions observées. Il a été estimé qu'un clic permettait aux éditeurs de presse de recevoir un certain montant de revenus publicitaires ; c'est ce qui nous a permis d'avancer le chiffre de 9 milliards de dollars de revenus produits par 180 milliards de clics.

En revanche, pour l'évaluation des revenus indirects, l'ensemble des plateformes qui négocient les droits voisins se heurtent à une véritable difficulté : de par la nature même de notre modèle publicitaire, il ne nous est pas possible d'identifier le revenu généré par un contenu. Ainsi, le fil d'actualité de Facebook présente à la fois des contenus publiés par les utilisateurs et des publicités qui nous permettent de nous rémunérer ; or ces publicités sont personnalisées en fonction du profil et des intérêts de chaque utilisateur, et non en fonction d'un contexte, ce qui nous empêche d'établir un lien direct entre un contenu et un revenu publicitaire. Certains utilisateurs de nos plateformes ne voient apparaître aucun contenu d'actualité car cela ne correspond pas à leurs intérêts. Si les éditeurs de presse décidaient de ne plus rien publier sur Facebook, les revenus publicitaires resteraient à peu près inchangés, puisque les contenus de nos plateformes sont substituables. Ce problème, qui dépasse largement la question des droits voisins, ne se pose pas uniquement à Facebook, mais à l'ensemble de l'industrie des plateformes numériques.

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Benoît Tabaka, directeur des relations institutionnelles et politiques publiques de Google France

Nous avons souvent discuté de la question de la valeur du clic avec les éditeurs de presse et l'autorité publique. Elle n'est plus du tout sur la table, l'autorité ayant clairement expliqué que la monétisation potentielle du clic était déjà intégrée dans l'équilibre économique fixé par la loi. En d'autres termes, la loi ne nie pas que le trafic envoyé vers les éditeurs de presse a une valeur pour ces derniers, mais elle considère que cette valeur est prise en compte dans les discussions économiques entre les éditeurs et les plateformes. Nous restons convaincus de la nécessité de mieux prendre en compte la valeur apportée par le moteur de recherche qui envoie du trafic vers les éditeurs de presse, mais nous avons voulu avancer.

La loi prévoit que les revenus directs et indirects doivent être partagés avec les éditeurs de presse. Classiquement, en matière de droits d'auteur et de droits voisins, un revenu direct est un revenu tiré de la commercialisation directe d'une œuvre ; par exemple, lorsqu'une plateforme de streaming disposant d'une licence vend un morceau de musique, elle perçoit un revenu pour avoir communiqué au public l'intégralité d'un contenu. Mais qu'est-ce qu'un revenu direct pour un moteur de recherche, dont le modèle est principalement fondé sur la publicité ? Pour mémoire, la publicité n'est pas liée au contenu mais aux mots clés saisis par l'internaute ; à chaque fois qu'une personne clique sur un lien publicitaire affiché en tête des résultats de recherche, cela génère un revenu. Ainsi, nous avons beaucoup discuté avec les éditeurs de presse de la façon dont nous pourrions identifier ces revenus directs et indirects. Nous avons cherché à évaluer les revenus produits par Google dans les différents résultats de recherche où peuvent apparaître des liens pointant vers des éditeurs de presse ; nous avons intégré à notre modèle d'autres éléments de revenus annexes afin de tenir compte du plus grand nombre d'éléments indirects. Nos discussions avec les éditeurs sont permanentes, car la loi fixe des grands principes sans entrer dans le détail – ce qui serait, à vrai dire, très compliqué puisque les modalités de calcul dépendent des modèles économiques de chaque plateforme, qui présentent des différences majeures même entre deux moteurs de recherche, entre deux réseaux sociaux ou entre deux plateformes d'agrégation.

Vous avez évoqué l'idée de faire intervenir un tiers, en l'occurrence une autorité publique ; vous pensez probablement au pôle d'expertise de la régulation numérique (PEREN), une structure logée à Bercy et réunissant plusieurs administrations, qui pourrait jouer le rôle de support technique dans ces discussions. Pourquoi pas ? Faut-il le faire dès maintenant, au risque de tirer un trait sur toutes les avancées obtenues lors des discussions, puisqu'il faudrait repartir de zéro pour de nombreux mois d'échanges entre nos techniciens et le PEREN ? Ou faut-il le faire de manière plus progressive, dans le cadre des engagements que nous avons pris auprès de l'Autorité de la concurrence ? Nous avons accepté de faire intervenir à la fois une structure d'arbitrage et une autre structure chargée de superviser la mise en œuvre de nos engagements, sur laquelle pourrait aussi s'appuyer l'organisme de gestion collective. En somme, nous pouvons imaginer qu'une structure vienne apporter une expertise technique dans le domaine de l'analyse des données. Nous avions compris que l'OGC souhaitait plutôt s'appuyer sur l'expertise de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), mais préfèrerait-il mobiliser celle du PEREN ? Ce choix revient aux éditeurs. Quant à nous, notre objectif à court terme est d'avancer et de finaliser les discussions en cours avec les principales associations avant de nous pencher plus avant sur le schéma qui pourrait être mis en place.

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Compte tenu de l'enjeu démocratique qui sous-tend notre problématique, du soutien public à la presse et de la future redistribution de ces revenus aux auteurs, que pensez-vous de la suggestion formulée notamment par Edwy Plenel consistant à rendre publics les accords de rémunération ?

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Martin Signoux, responsable affaires publiques de Meta (anciennement Facebook)

Ces accords sont soumis à une règle de confidentialité décidée par les deux parties. La piste est intéressante mais elle doit faire l'objet d'une réflexion avec les éditeurs de presse. Or, dans le cadre des discussions que nous avons engagées depuis 2019, nous avons constaté que tous les éditeurs n'ont pas les mêmes attentes ; je doute donc qu'ils soient tous favorables à la publicité des accords de rémunération.

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Benoît Tabaka, directeur des relations institutionnelles et politiques publiques de Google France

Ces accords commerciaux sont habituellement soumis au secret des affaires. En ce qui nous concerne, nous sommes attachés et tenus au principe d'un traitement non discriminatoire de nos cocontractants – autrement dit, les éditeurs de presse et leurs associations ne peuvent être traités différemment. Edwy Plenel craint que nous concluions des accords favorisant certains médias plutôt que d'autres et qu'il en résulte une iniquité entre les médias en fonction de leur nature voire de leur orientation politique, ce qui constituerait une atteinte à la démocratie. L'obligation de non-discrimination et d'objectivation à laquelle nous sommes tenus et qui nous engage à la plus grande prudence sur les questions de périmètre rend ce risque tout à fait irréaliste. Cette garantie sera d'autant plus forte que nous avons pris l'engagement, devant l'Autorité de la concurrence, de toujours adopter une approche non discriminatoire entre les différents éditeurs, et que cet engagement fera l'objet d'une supervision.

Dernier élément, en termes de publicité, ces sommes apparaîtront dans les comptes des éditeurs. Pour la bonne application du droit voisin, elles devront être communiquées d'une manière ou d'une autre aux journalistes, puisque des dispositions prévoient le partage des revenus générés avec ces derniers. Une autre question est de savoir s'il faut publier tous les contrats sur un site internet. Pour parvenir à l'équité de traitement et éviter qu'un acteur du numérique ne confère un avantage à un éditeur, il faut s'assurer que les plateformes appliquent le principe de non-discrimination. Pour ce qui nous concerne, l'Autorité de la concurrence y veille de manière très stricte.

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Martin Signoux, responsable affaires publiques de Meta (anciennement Facebook)

Au-delà des recours devant l'Autorité de la concurrence – aucune procédure contentieuse n'a d'ailleurs été engagée contre Facebook ou Meta –, la question de l'équité est essentielle. Tous les accords que nous négocions sont suivis selon des critères justes, objectifs et équitables qui permettent de s'assurer que les éditeurs bénéficieront de ces accords de manière non discriminatoire. On aurait pu craindre que certains gros titres de presse bénéficient d'un traitement de faveur par rapport aux petits. Or, le président de l'APIG a précisé que tous les éditeurs, y compris les plus petits, bénéficieraient de manière équitable des dispositions de l'accord-cadre.

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Monsieur Signoux, vous avez évoqué un nouvel espace de Meta dédié à l'actualité, sur lequel les éditeurs de presse seraient rémunérés. La rémunération sera-t-elle assurée de manière forfaitaire ou sur la base d'un pourcentage ? L'ensemble des éditeurs de l'APIG sera-t-il concerné ou s'agira-t-il seulement d'une partie d'entre eux ?

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Martin Signoux, responsable affaires publiques de Meta (anciennement Facebook)

Nous avons veillé à dissocier ce programme du droit voisin. Les accords que nous proposons aux éditeurs contiennent deux licences distinctes. Les éditeurs peuvent choisir l'une ou l'autre, ou les deux. L'accord de licence porte sur l'utilisation des contenus dans l'espace Facebook News. S'ils acceptent la licence, les éditeurs choisissent quel type de contenus ils veulent y publier. L'accord-cadre signé avec l'APIG permet à tous les éditeurs membres de l'alliance qui lui avaient donné un mandat de négociation de choisir de participer ou non à Facebook News. Nous avons la volonté, dans un souci de pluralisme et d'équité dans le traitement de l'information, d'ouvrir l'accès de Facebook News à l'ensemble des éditeurs de presse. Nous en discutons avec les entreprises ou leurs représentants.

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Je suppose que la rémunération est définie par l'accord-cadre, au terme de la négociation, et couverte par le secret des affaires.

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Martin Signoux, responsable affaires publiques de Meta (anciennement Facebook)

Le montant est en effet confidentiel. Les éléments sont dissociés.

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Quel est l'état de vos discussions avec l'organisme de gestion collective ?

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Martin Signoux, responsable affaires publiques de Meta (anciennement Facebook)

L'OGC « droits voisins de la presse » a été constitué il y a un mois environ. À ma connaissance, cette instance ne nous a pas encore proposé de prendre rendez-vous. Nous avons bien entendu l'intention d'engager des négociations avec tous les acteurs éligibles, et nous le ferons dès que nous serons contactés par l'OGC.

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Benoît Tabaka, directeur des relations institutionnelles et politiques publiques de Google France

Pour notre part, nous avons échangé à plusieurs reprises, de manière informelle, avec M. Jean-Marie Cavada. Les discussions menées avec l'OGC s'appuient sur l'expertise technique de la SACEM, qui participe à certains échanges que nous avons avec des associations ayant annoncé qu'elles rejoignaient ou souhaitaient rejoindre l'OGC. Nous discutons avec les structures désignées par les éditeurs. Les associations continuent à avoir des échanges en tête à tête avec nous, mais, d'ores et déjà, la SACEM est présente aux côtés de l'une de ces structures. On verra comment les choses évoluent à mesure que l'OGC se met en place.

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Corinne Lejbowicz, présidente de Qwant

Nous avons eu récemment une discussion approfondie avec M. Jean-Marie Cavada. L'OGC est d'autant plus important que nous ne pouvons pas, matériellement, logistiquement, négocier avec des centaines ou des milliers d'éditeurs. Nous sommes encore une petite entreprise. Nous avons échangé sans attendre l'autorité de supervision. M. Cavada a évoqué la SACEM comme étant une possibilité mais pas encore un choix. Qu'il s'agisse de la SACEM ou d'un autre organisme, cela nous permettra de nous organiser, et cela fera gagner du temps à tout le monde – en particulier aux plateformes émergentes, comme la nôtre, ou aux éditeurs de presse, quelle que soit leur taille et leur nature. Nous nous tenons à la disposition de M. Cavada, dès qu'il aura avancé sur la mise en œuvre technique de la collecte et du traitement des droits voisins, pour continuer ces discussions. Nous avons discuté des moyens de construire quelque chose de simple, d'efficace et de relativement rapide.

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Depuis l'adoption de la loi, il y a deux ans, on ne peut pas dire que les accords se soient multipliés. Toutefois, depuis que des autorités et des tribunaux regardent la question d'un peu plus près, on a l'impression que les choses s'accélèrent. Si le législateur adoptait des dispositions très contraignantes, cela vous aiderait-il à contractualiser plus rapidement ?

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Martin Signoux, responsable affaires publiques de Meta (anciennement Facebook)

Le cadre juridique français offre des possibilités de recours et prévoit d'ores et déjà des sanctions. Je ne sais pas ce qu'il en est des autres plateformes que vous avez auditionnées mais, à l'échelle des entreprises ici représentées, j'ai l'impression que les accords progressent, que les discussions avancent et que la loi s'applique effectivement. Je ne pense pas qu'une modification du cadre législatif soit nécessaire. La présidente de l'Autorité de la concurrence, que vous avez auditionnée, estimait qu'il serait prématuré de faire évoluer la loi. Le système actuel permet de progresser. En faisant évoluer le cadre législatif, on prend le risque de rebattre les cartes, d'ajouter de la complexité et de ralentir l'application du droit voisin. On a tous intérêt à ce que ce droit soit appliqué le plus rapidement possible.

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Benoît Tabaka, directeur des relations institutionnelles et politiques publiques de Google France

La France a été le premier pays à transposer la directive européenne ; la loi est entrée en application dès le 24 octobre 2019. Il a fallu tout de suite identifier le périmètre, évaluer les droits, etc. Au cours des dix dernières années, nous avons eu des discussions avec les éditeurs de presse, individuellement ou collectivement, mais nous ne pensions pas que nous devrions nous réunir autour d'une table pour négocier, de but en blanc, un accord de licence concernant le droit voisin. Cela explique que la mise en place des discussions ait pris du temps. L'Autorité de la concurrence a prononcé un certain nombre d'injonctions, notamment l'obligation de négocier dans un délai de trois mois. Nous étions alors en pleine pandémie. Devoir tenir, en visioconférence, des discussions commerciales sur ce nouvel univers a complexifié les choses et a contribué à ralentir le processus. Nos équipes, qui avaient entre deux et trois échanges par jour avec les éditeurs de presse, doivent en avoir aujourd'hui une dizaine. C'est dire l'intensité des discussions !

Après nous être beaucoup interrogés, nous avons fait le choix d'un accord de licence avec l'APIG couvrant des droits existants et futurs. Mais trois semaines après la conclusion de l'accord, l'Autorité de la concurrence nous a dit que ça n'allait pas, sans nous donner cependant plus d'explications. Il a fallu attendre la décision de juillet dernier pour obtenir des précisions que nous n'avions pas eues auparavant, sur des sujets tels que la liste des données à partager, la manière dont la formalisation contractuelle devait avoir lieu, etc.

Nous avons dû en permanence réajuster nos propositions. En août, nos équipes ont recherché, dans les logs du moteur de recherche, sur les douze mois écoulés, toutes les données concernant les éditeurs de presse. En septembre, nous avons adressé plusieurs centaines de rapports individuels. Chaque éditeur de presse a ainsi reçu un rapport de trente à trente-cinq pages indiquant, dans le détail, l'ensemble des données. Il a fallu vérifier toutes ces informations. Ce temps était incompressible. À présent, les choses s'accélèrent : on est entré de plain-pied dans la négociation.

Quel mécanisme peut-on imaginer pour permettre aux parties de se rapprocher ? Comme nous l'avons suggéré dans nos engagements envers l'Autorité, nous nous sommes fixé un délai de trois mois de négociation, en prévoyant la possibilité de faire appel à un mécanisme d'arbitrage. Ce dernier n'est pas contraignant en soi. L'arbitre aide à la discussion, mais ne force pas la conclusion d'un accord. Il est possible qu'à l'avenir, on ait besoin de cette procédure dans le cadre de certains échanges.

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Si l'une des deux parties conteste l'arbitrage, on réemprunte la voie contentieuse, ce qui retarde le processus. Si tout le monde est de bonne foi, cela peut fonctionner, mais l'arbitrage a ses limites.

Quelle est, selon vous, la martingale pour s'assurer qu'il n'y a pas eu de discrimination dans le cadre d'un accord forfaitaire ?

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Martin Signoux, responsable affaires publiques de Meta (anciennement Facebook)

Il est nécessaire de s'accorder sur les données et les critères utilisés. Certaines données proviennent de l'utilisation de nos services. Les éditeurs de presse ont accès à énormément d'informations précises et de qualité concernant la diffusion de leurs contenus sur nos plateformes. Dans le cadre des négociations, d'autres données leur ont été communiquées. Il faut utiliser des informations objectives, parfois émanant de tiers. Par ailleurs, les éditeurs peuvent avoir des attentes différentes. La loi en tient compte, qui laisse une marge de négociation. La non-discrimination ne signifie pas l'égalité absolue dans les termes de chaque accord.

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Benoît Tabaka, directeur des relations institutionnelles et politiques publiques de Google France

Nous discutons avec les associations des accords-cadres, qui se déclinent sous la forme d'accords individuels sur la base de critères objectifs. L'évaluation forfaitaire est envisagée si l'on n'est pas en mesure de procéder à une estimation réaliste du partage de la valeur. Par exemple, nous nous sommes demandé comment retrouver, techniquement, tous les contenus d'une agence dédiée, telle l'Agence France-Presse, apparaissant dans les résultats de recherche. S'agissant des images, il existe un certain nombre de métadonnées. Lorsqu'un éditeur utilise une image, les métadonnées peuvent sauter, ce qui empêche la traçabilité. Cette complexité peut conduire, exceptionnellement, à basculer vers le mode forfaitaire, mais la norme est de partir des données. Pour assurer la non-discrimination, il ne s'agit pas d'accorder une somme forfaitaire à un certain nombre d'acteurs. Il faut évaluer la valeur, discuter du partage et le mettre en œuvre selon des critères non discriminatoires.

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Vous avez assez peu évoqué les agences de presse, alors qu'elles sont à l'origine de nombreux contenus sur les plateformes. Est-ce plus difficile de formaliser un contrat avec elles ?

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Martin Signoux, responsable affaires publiques de Meta (anciennement Facebook)

Les agences de presse sont éligibles à l'accord-cadre mais la difficulté est de définir le périmètre des contenus. Lorsque l'éditeur de presse utilise le contenu d'une agence après avoir acheté une licence, la question est de savoir s'il faut rémunérer ce contenu.

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Benoît Tabaka, directeur des relations institutionnelles et politiques publiques de Google France

Nous avions commencé à discuter avec les éditeurs de presse, notamment les membres de l'APIG. La référence, faite par la loi, à la « contribution à l'information politique et générale » nous envoyait un signal : il fallait accorder la priorité à ce secteur. Par ailleurs, nous devions assurer l'articulation entre le droit voisin de l'agence de presse et celui de l'éditeur de presse qui réutilise le contenu d'une agence. Nous pensions qu'en avançant avec les éditeurs, nous pourrions progresser sur cette question, notamment dans le cadre de la relation unissant les éditeurs aux agences. Nous avons fait le choix d'avoir des discussions séparées. Nous avons conclu un accord avec l'Agence France-Presse, nous avions signé auparavant un accord avec Reuters, et nous avons des discussions régulières avec la Fédération française des agences de presse.

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Nous vous remercions pour vos réponses très complètes.

La réunion se termine à quatorze heures quarante.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse

Réunion du mercredi 15 décembre 2021 à 13 h 30

Présents. – Mme Céline Calvez, Mme Virginie Duby-Muller, M. Laurent Garcia, Mme Michèle Victory

Excusé. - Mme Catherine Daufès-Roux