La réunion débute à 21 heures 10.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, Présidente.
La Commission auditionne M. Stéphane Fratacci, directeur de cabinet du ministre d'État, ministre de l'Intérieur, dans le cadre des travaux menés pour « faire la lumière sur les événements survenus à l'occasion de la manifestation parisienne du 1er mai 2018 » (article 5 ter de l'ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958).
Mes chers collègues, nous abordons la troisième audition de la journée.
Comme vous le savez, nous sommes réunis pour faire la lumière sur les événements survenus à l'occasion de la manifestation parisienne du 1er mai 2018. Je vous rappelle que, pour ce faire, la commission des lois est dotée des prérogatives d'une commission d'enquête, conformément à l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958.
Nous souhaitons faire la lumière sur trois questions. S'agissant des événements qui ont eu lieu le 1er mai 2018, place de la Contrescarpe, des personnes extérieures aux forces de l'ordre ont-elles pu se joindre à elles et se livrer à des actes violents en dehors de tout cadre légal ? Comment cela a-t-il pu être possible et comment les choses ont-elles été gérées ?
Concernant le cadre général de notre travail, M. Stéphane Fratacci, directeur de cabinet du ministre d'État, ministre de l'intérieur, tiendra un propos liminaire après avoir prêté serment. Moi-même et le co-rapporteur lui poserons quelques questions. Le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur y répondra, et je laisserai ensuite un représentant de chaque groupe dans l'ordre d'importance poser une série de trois questions. Puis nous ferons tourner les prises de parole. Compte tenu de la moindre affluence que dans la journée, ce sera chose beaucoup plus aisée. Je crois que, grâce à cela, tous les députés présents dans cette salle pourront poser leur question.
Je vous précise que le travail qui nous réunit aujourd'hui est nécessairement limité par le principe de séparation des pouvoirs en vertu duquel il est interdit aux travaux d'une commission d'enquête de porter sur des faits donnant lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que celles-ci sont en cours. La garde des sceaux nous a fait savoir, le 23 juillet dernier, qu'une information judiciaire était ouverte, dans une lettre dont j'ai donné lecture dans les jours qui précèdent.
Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse, qu'elle est diffusée en direct sur la chaîne parlementaire et qu'elle fait l'objet d'une retransmission sur le site internet de l'Assemblée nationale.
Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relatif aux commissions d'enquête, je vous demande, monsieur le directeur de cabinet, de prêter le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.
M. Stéphane Fratacci prête serment.
Monsieur le directeur de cabinet, vous avez souhaité faire une déclaration liminaire. Je vous donne donc la parole.
Madame la présidente, monsieur le co-rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je souhaite commencer mon propos liminaire en saluant de manière républicaine l'ensemble de la représentation nationale présente ce soir à cette audition.
Après le ministre de l'intérieur que vous avez auditionné hier, je voudrais revenir sur la chronologie des 2 et 3 mai derniers, tels que je les ai vécus, ainsi que sur celle des 18 et 19 juillet derniers. Je conclurai mon propos par quelques considérations générales sur le rôle du directeur de cabinet du ministre dans l'animation du ministère de l'intérieur, ainsi que ses relations classiques, usuelles et fréquentes qu'il est de son devoir d'entretenir avec les autres directeurs de cabinet, avec les préfets et tout particulièrement avec le préfet de police à Paris, ainsi qu'avec le directeur de cabinet de la présidence de la République.
J'en viens d'abord à la chronologie des 1er, 2 et 3 mai.
Le 1er mai, j'ai consacré ma journée au suivi des différentes manifestations qui se déroulaient en France, à Paris en particulier, en relation régulière avec le préfet de police, les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationale et les responsables du centre de veille du ministère de l'intérieur qui assurent la synthèse de ces remontées d'informations.
S'il n'est pas dans les habitudes du directeur de cabinet du ministre de se déplacer sur le terrain, même à Paris, j'ai fait une exception à cette règle le 1er mai pour me rendre ce soir-là, avec le Premier ministre, le ministre de l'intérieur et le préfet de police, au commissariat du 13e arrondissement, à la rencontre des unités qui avaient été particulièrement engagées ce jour dans les opérations de maintien de l'ordre, dont vous savez – cela vous a été relaté à diverses reprises dans les auditions précédentes – combien elles avaient été difficiles et exigeantes pour elles.
S'agissant du 2 mai au matin, je me suis rendu à huit heures trente à la réunion dite d'état-major qui rassemble autour du ministre d'État etou de son directeur de cabinet les directeurs des forces de sécurité intérieure et, bien sûr, des représentants de la préfecture de police. Le ministre d'État a ouvert cette réunion afin de se faire préciser le bilan des événements du 1er mai sur l'ensemble du territoire avant de m'en laisser l'animation sur les autres points d'actualité du ministère. Cela explique que lorsque le préfet de police nous a rejoints, la réunion était à ce stade présidée par mes soins.
Après cette réunion d'état-major, je me suis rapproché du chef de cabinet du ministre de l'intérieur pour visionner une vidéo qu'il m'avait signalée plus tôt ce matin-là. J'ai pris connaissance de cette vidéo et il m'a indiqué que l'auteur des violences était un collaborateur de la présidence de la République, M. Alexandre Benalla. À ce moment-là, le chef de cabinet m'a indiqué qu'il avait eu connaissance de cette vidéo par un chargé de mission de la présidence de la République. C'est l'occasion pour moi de préciser que je ne connaissais pas personnellement M. Alexandre Benalla. J'avais eu l'occasion de le rencontrer à plusieurs reprises à l'Élysée, notamment lors de réceptions officielles. Il est possible qu'il ait été également présent à l'occasion d'une réunion au ministère de l'intérieur lorsque le Président de la République avait présidé une réunion de la cellule de crise après l'attentat de Trèbes. J'ai enfin rencontré M. Benalla pour la dernière fois le 16 juillet dernier devant la place Beauvau, en me rendant à la réception organisée dans les jardins de l'Élysée en l'honneur de l'équipe de France de football. Sur la base de ces rares contacts, je n'aurais pas, je crois, été en mesure d'identifier spontanément M. Benalla sur cette vidéo.
Après avoir regardé cette vidéo, je me suis, en accord avec M. Girier, chef de cabinet, mis en relation avec le directeur de cabinet du Président de la République pour m'assurer qu'il avait bien eu à son niveau connaissance de cette information, ce qu'il m'a confirmé. C'est à ce moment-là, et alors que je m'apprêtais à appeler le préfet de police pour partager avec lui cette information s'agissant d'un événement intervenu à l'occasion d'une opération de maintien de l'ordre placée sous sa responsabilité, que celui-ci m'a contacté au sujet de la vidéo comme il vous l'a indiqué. Il m'a dit avoir eu une conversation, qu'il vous a décrite, avec le conseiller aux affaires intérieures de la présidence, conversation qui a dû être concomitante à mon échange avec le directeur de cabinet du Président. Lors de mon échange avec le préfet de police, je me suis naturellement référé aux termes de ma conversation avec le directeur de cabinet du Président de la République. J'ai également abordé avec le préfet de police le souhait du ministre de se déplacer dès la fin de la matinée, comme il venait de me le demander, sur l'itinéraire de la manifestation et la nécessité pour lui de se rendre place Beauvau pour l'accompagner. Le ministre est parti pour ce déplacement sans que nous puissions faire avec lui un point d'actualité du jour, comme nous en avons l'habitude.
S'agissant des échanges avec le ministre, l'agenda qu'il vous a présenté hier l'a conduit à rentrer en milieu d'après-midi au ministère, sans doute vers quinze heures, quinze heures trente au plus tard. Dès son retour, nous avions prévu, avec le chef de cabinet, de faire justement un point avec lui pour lui présenter la vidéo. En la visionnant, il a considéré lui-même que le comportement de l'intéressé était, il vous l'a dit, particulièrement inacceptable. Nous lui avons indiqué qu'il s'agissait d'un collaborateur de la présidence de la République, M. Benalla, ce dont la présidence de la République était informée.
Plus tard dans la journée, ayant à nouveau le directeur de cabinet du Président de la République au téléphone, je me suis assuré que l'autorité hiérarchique de M. Benalla était en mesure et disposée à prendre toutes les suites appropriées. Comme je l'indiquais précédemment, je ne me souviens pas du détail de nos échanges successifs sur cet épisode, si ce n'est que j'ai fait valoir que ces violences étaient inacceptables. Il m'a indiqué avoir convoqué M. Benalla pour s'entretenir avec lui afin que l'intéressé s'explique sur son comportement et sur les circonstances de son intervention.
En toute fin de journée, j'ai à nouveau échangé avec le directeur de cabinet du Président de la République pour lui redemander quelles étaient les suites envisagées au vu du comportement de l'intéressé, et sans doute était-ce après l'entretien contradictoire avec M. Benalla qui vous a été décrit par le directeur de cabinet du Président de la République. Il m'a alors répondu que M. Benalla s'était rendu dans le cadre de ce maintien de l'ordre sans être missionné par l'Élysée, qu'il avait été doté par la préfecture de police d'un casque, conformément à une pratique que le préfet de police vous a décrite hier pour l'accompagnement des personnes admises en qualité d'observateur, et que les actes de violence commis par M. Benalla étaient inacceptables, enfin que la décision serait prise de sanctions disciplinaires.
C'est le 3 mai au matin que j'ai rendu compte au ministre des indications que m'avait données tard la veille le directeur de cabinet du Président de la République quant aux suites décidées à l'endroit de M. Benalla. Postérieurement à cela, nous n'avons pas réévoqué la situation de M. Benalla.
S'agissant des journées du 18 et du 19 juillet, j'ai été informé par la conseillère presse et communication du ministre et par le chef de cabinet, le 18 juillet après-midi, de ce que la Présidence de la République avait échangé avec une journaliste du journal Le Monde et que ce quotidien allait très prochainement publier un article relatif aux violences commises par M. Benalla. Le ministre en a également été informé. Comme trois fois par semaine, j'organise à dix-neuf heures des réunions dites de police avec le préfet de police, le directeur général de la police nationale (DGPN) et le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN). C'est à l'issue de cette réunion de travail que j'ai signalé au préfet de police la prochaine publication par Le Monde d'un article consacré à cette affaire, lequel a été mis en ligne dans la soirée.
Au vu de l'apparition de nouvelles images montrant M. Benalla pourvu d'un brassard « police » et d'équipements de radio, le ministre nous a demandé de préparer, comme il vous l'a exposé, une saisine de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) pour préciser les conditions dans lesquelles MM. Benalla et Crase – noms donnés dans d'autres auditions – ont pu être autorisés par la préfecture de police à assister à des opérations de maintien de l'ordre et de formuler toutes les recommandations nécessaires sur les conditions dans lesquelles des observateurs pouvaient être accueillis dans le cadre d'opérations de police pour remédier aux éventuels dysfonctionnements.
Avant de conclure mon propos, je voudrais faire part de trois considérations générales.
Je veux d'abord rappeler ce qu'est naturellement la place du directeur du cabinet du ministre de l'intérieur en interne au ministère, mais aussi dans la relation institutionnelle de ce ministère et dans les rapports avec les autres autorités exécutives.
Au sein du ministère de l'intérieur et du cabinet du ministre, il revient au directeur de cabinet de s'assurer de la meilleure consolidation possible des informations recueillies avant leur transmission au ministre. Par construction, le ministère de l'intérieur brasse une quantité relativement impressionnante d'informations en tout genre, certaines anecdotiques, d'autres d'ampleur allant de la bulle instantanée aux renseignements classifiés très « secret défense ». Pour d'évidentes raisons de confidentialité, les informations les plus sensibles peuvent remonter directement au directeur-adjoint ou au directeur de cabinet auxquels il incombe fréquemment de les confirmer, de s'assurer de leur exactitude, de les mettre en perspective avant la communication au ministre. Dans un ministère de l'urgence, ce rôle implique une priorisation de chaque instant et exclut la précipitation.
Par ailleurs, le directeur de cabinet joue un rôle tout particulier d'interlocution avec les autres représentants des autorités exécutives. Il est à cet égard l'interlocuteur habituel du directeur de cabinet du Président de la République, du directeur de cabinet du Premier ministre, des autres directeurs de cabinet de ministres. Dans sa responsabilité, il est un interlocuteur privilégié des préfets, et bien sûr du préfet de police, voire du directeur de cabinet du préfet de police.
Pour éclairer les contacts avec ces autorités ou entre ces autorités, je dois restituer la spécificité du rôle de la préfecture de police vis-à-vis des autorités gouvernementales que vous a d'ailleurs décrite le préfet de police.
L'histoire de la préfecture de police, comme il a pu vous le dire, est bicentenaire et ses rapports avec les pouvoirs publics exécutifs sont évidemment d'une nature particulière parce que la préfecture de police est chargée de l'organisation et du bon déroulement en matière de sécurité de toutes les grandes manifestations qui surviennent à Paris mais aussi, vous le savez, des déplacements du Président de la République à Paris et de la sécurité du périmètre de proximité de la présidence de la République. Ce rôle particulier conduit naturellement le préfet de police, fort d'une administration de plus de 40 000 policiers et fonctionnaires, à être très souvent à l'initiative de transmission d'informations ou de renseignements au directeur de cabinet du ministre, voire au ministre directement. Ainsi, il m'arrive chaque jour d'avoir en ligne une ou plusieurs fois le préfet de police qui me rend compte directement d'événements survenus à Paris ou en petite couronne dont il considère qu'ils justifient une information rapide. De fait, de tels appels ont été réguliers les 1er et 2 mai. Ils portaient pour l'essentiel sur les conséquences des manifestations du 1er mai, sur les dégâts constatés à Paris, notamment en vue de l'estimation des dégâts pour les commerces, sur les infrastructures ou le mobilier urbain qui avaient été concernés, situés à proximité de la place Valhubert et du boulevard de l'Hôpital, et sur les chiffres des interpellations et les procédures ou les suites qui avaient été données, ainsi que sur la préparation des déplacements du ministre le soir du 1er mai et dans la matinée du 2 mai.
Il en va de même pour des affaires ou des sujets qui, du point de vue de la préfecture de police, intéressent la présidence de la République. Le préfet de police entretient à ce sujet une relation directe avec la direction de cabinet de la présidence, ou encore avec d'autres interlocuteurs institutionnels de la présidence. Les échanges deux à deux et trilatéraux, dont le préfet de police, le directeur de cabinet du Président de la République et moi-même vous avons fait part, sont donc habituels dans le fonctionnement institutionnel et quasi quotidien que nous avons.
Enfin, à l'instar du préfet de police et du ministre d'État, je souhaite insister sur le contexte des événements mobilisant les forces de police auxquelles je voudrais moi-même rendre solennellement hommage au regard de leur engagement des semaines passées, qu'il s'agisse d'opérations de maintien de l'ordre ou d'évacuations complexes comme Notre-Dame-des-Landes, Bure, ou encore d'opérations de prévention de lutte contre le terrorisme dans lesquelles, dans mes fonctions de directeur de cabinet, je me suis globalement largement impliqué.
Je voudrais donc replacer ces faits dans le contexte de tension, de violence, de forte mobilisation de l'ensemble du ministère, contexte dans lequel l'urgence de notre journée du 2 mai fut d'établir le bilan des événements du 1er mai, d'assurer le contact avec les entreprises concernées, victimes de dégâts, et dans le même temps de se plonger dans la préparation de journées d'action ou de manifestations qui s'annonçaient dans les jours suivants, manifestation du 5 mai, préparation de la deuxième phase d'évacuation de Notre-Dame-des-Landes, évacuation projetée de certains sites universitaires occupés, le tout alors que continue à peser sur la France une menace terroriste qu'on peut qualifier d'intense. Le ministre d'État l'a mentionné, nous avions subi un attentat à Trèbes, à la fin du mois de mars, et dix jours après cette manifestation, Paris était à nouveau victime d'une attaque qui nous a de nouveau mobilisés et a appelé de notre part une exigence d'action et de réaction avec l'ensemble des services de police. Nous étions donc, et nous le sommes d'ailleurs toujours, dans un contexte où l'attention du ministre et de ses proches collaborateurs était tournée vers la protection des Français. C'est également le sens principal de la mobilisation des forces de l'ordre auxquelles je souhaite rendre tout particulièrement hommage.
Tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance.
Monsieur le directeur de cabinet, à titre liminaire, comme je l'ai fait hier auprès du préfet de police et tout à l'heure auprès du directeur de cabinet du Président de la République, je veux vous dire le respect qui est le nôtre, comme députés, pour les fonctions que vous exercez, et de manière générale pour les fonctions qui sont celles de tous les agents de l'État qui servent au sein du ministère de l'intérieur. Je m'associe à l'hommage que vous venez de rendre aux fonctionnaires de la police nationale et aux militaires de la gendarmerie nationale.
Ma première question concerne les éléments d'information portés à la connaissance du ministre de l'intérieur et de l'Élysée. Une note ou un rapport écrit relatif à M. Benalla et à ses agissements du 1er mai, a-t-il été produit en mai, en juin ou en juillet ? Cette note ou ce rapport écrit a-t-il été porté à la connaissance, d'une part du ministre de l'intérieur, d'autre part de l'Élysée ?
Monsieur le co-rapporteur, le cabinet du ministre a été informé pour la première fois de l'existence de ce rapport écrit non daté et non signé de la préfecture de police faisant un compte rendu des événements du 1er mai le 21 juillet. C'est l'indication qui a dû vous être donnée par le ministre. Il n'y a donc eu, avant cette date, aucune transmission de rapport écrit circonstancié sur les événements de la place de la Contrescarpe tels qu'ils ont été évoqués depuis.
Je relève que vous nous avez indiqué précédemment que vous aviez été informé le 2 mai de l'existence des faits concernant M. Benalla par le chef de cabinet du ministre de l'intérieur, M. Girier, qui vous a signalé l'existence d'une vidéo. Je note que c'est le chef de cabinet du ministre de l'intérieur, M. Girier, qui vous a indiqué qu'il identifiait dans cette vidéo M. Benalla, et que c'est lui encore qui vous a indiqué avoir eu connaissance de cette vidéo par un collaborateur du Président de la République. Je fais ces remarques à l'endroit de nos collègues membres de la commission des Lois pour réitérer mon souhait, comme co-rapporteur, d'entendre le chef de cabinet du ministre de l'intérieur lors de nos auditions.
Après ces questions de faits, j'ai deux questions qui portent sur le droit.
Les auditions font apparaître un débat sur la portée des termes de l'article 40 du code de procédure pénale, et pour l'essentiel sur le point de savoir quelle autorité est compétente s'agissant d'un agent de l'État pour faire application de ses dispositions. Quelle lecture faites-vous des termes de l'article 40 ?
Monsieur le co-rapporteur, vous me demandez quelle interprétation on peut faire de l'article 40 du code de procédure pénale pour signaler un comportement qui en relève. Beaucoup de choses ont déjà été dites à ce sujet par le ministre et le préfet de police. Pour ma part, je souhaiterais vous faire part de mon expérience au sein du ministère de l'intérieur, où j'ai occupé des fonctions préfectorales et des fonctions de direction, notamment comme directeur des libertés publiques et des affaires juridiques. Au cours de ces années, la doctrine que j'ai connue, mise en oeuvre durablement, a été celle que vous a décrite le ministre et qui se décline en trois axes.
En premier lieu, il est en principe de la responsabilité de l'autorité hiérarchique d'un fonctionnaire ou d'un agent public qui connaît un manquement passible de sanctions pénales d'enclencher les procédures administratives et de saisir l'autorité judiciaire, le cas échéant après avoir procédé à des investigations administratives nécessaires pour établir les faits. Le ministre d'État a d'ailleurs rappelé cette exigence à l'ensemble du ministère de l'intérieur dans une circulaire de 2018 à propos de l'action des forces de l'ordre.
Pour les faits qui ne concernent pas des agents du ministère de l'intérieur, à l'instar de ceux relatifs à de simples citoyens, il revient habituellement au préfet territorialement compétent de prendre l'initiative de faire un signalement ou de saisir le procureur de la République, ce qui se fait habituellement sans information ni a fortiori aval du cabinet du ministre, même si des préfets peuvent susciter des contacts avec les services pour étayer leur analyse d'une situation.
En tant qu'ancien directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère, je ne peux que confirmer par ailleurs que les cas dans lesquels de tels signalements émanent directement du ministre se cantonnent pour l'essentiel à des infractions procédant de la loi de 1881 sur la presse. Cela s'explique par les dispositions de cette loi qui ne permettent qu'au seul ministre de l'intérieur de saisir la justice en cas de diffamation ou d'injure adressée à l'ensemble de la police ou de la gendarmerie nationale. C'est d'ailleurs sur cette base qu'en 2018, le seul signalement fait par le ministre d'État concernait les propos haineux d'un rapport à l'encontre de la police.
Je me permets de compléter cette question.
Je crois qu'il est établi désormais de manière très claire que M. Benalla est, le 1er mai, un collaborateur du Président de la République, titulaire d'un contrat avec la présidence de la République. Lorsqu'un agent de l'État, qui n'est pas un agent du ministère de l'intérieur, est susceptible d'entrer dans le champ de l'article 40, quelle est l'autorité susceptible de faire application de ses dispositions ? Est-ce l'autorité hiérarchique de cet agent ?
Je crois que la question est complexe. Ce peut être l'autorité hiérarchique quand elle a des éléments directement exploitables et appréciables de la situation et des faits commis par cet agent. Cela relève aussi de l'appréciation de ces faits. Chacun fait évidemment une lecture de l'article 40 au regard des faits dont il peut avoir connaissance. Ce peut être aussi, je le disais tout à l'heure lorsqu'il ne s'agit pas d'un agent relevant de l'autorité concernée, l'autorité qui a connaissance des faits, autorité pouvant se décliner à diverses responsabilités hiérarchiques ayant connaissance de ces faits et donc en situation de les porter à la connaissance de l'autorité judiciaire.
L'autre individu impliqué dans les événements du 1er mai, M. Crase, a été présenté par le porte-parole du Président de la République comme, d'une part, employé du parti La République en Marche, et, d'autre part, gendarme de réserve mobilisé par le commandement militaire de la présidence de la République. Avez-vous connaissance d'une participation à des opérations de maintien de l'ordre par des individus, des personnels mobilisés par le commandement militaire de Paris ?
Je n'ai pas d'éléments me permettant de répondre à votre question.
J'apporterai deux précisions. Premièrement, à ma connaissance, le 1er mai M. Crase n'était pas dans une position d'engagement de réserve, c'est-à-dire employé par la gendarmerie nationale en qualité de réserviste. Deuxièmement, mais c'est une simple vision territoriale de préfet ayant exercé ces dernières années sur le terrain, les réservistes de la gendarmerie, lorsqu'ils sont employés, ne sont pas mobilisés, en tout cas à titre prioritaire, sur des fonctions de maintien de l'ordre ; ils le sont plutôt sur des missions de sécurisation, de patrouille, de plan anti-cambriolage ou alors pour des spécialités qui sont les leurs, quand ils relèvent de la spécialité. Je ne sais pas s'il arrive à Paris que l'on mobilise dans de telles circonstances des gendarmes. À Paris, en effet, l'ordre public est géré évidemment par les services de la préfecture de police, la direction de l'ordre public et de la circulation, et par les forces mobiles qui sont mises à disposition du préfet de police, qui peuvent être des compagnies républicaines de sécurité ou des unités d'escadrons de gendarmerie mobile selon les volumes et les circonstances de disponibilité de ces forces.
Le groupe de sécurité de la présidence de la République est, si nous avons bien compris, un service du service de la protection, lequel service de la protection est un service de la direction générale de la police nationale. Ce groupe de sécurité de la présidence de la République est-il sous l'autorité, d'une manière ou d'une autre, du ministre de l'intérieur ?
Comme vous l'a indiqué le ministre de l'intérieur, le groupe de protection de la sécurité de la présidence de la République, à l'instar d'ailleurs je suppose du groupe de protection du Premier ministre ou celui du ministre de l'intérieur, s'inscrit pleinement dans le service de la protection qui est lui-même un service de la direction générale de la police nationale à titre organique. Mais à titre fonctionnel, le groupe de protection de la présidence de la République est sous l'autorité hiérarchique du directeur de cabinet de la présidence de la République. Il appartient au service pour le déroulement de carrière des agents, pour leur position d'activité, mais il dépend hiérarchiquement pour ces missions de sécurité de la présidence de la République, et de la présidence de la République seulement.
Le ministre de l'intérieur a déclaré devant la commission des Lois que vous l'aviez informé de ces faits et qu'il vous avait chargé de porter cette information à la connaissance du cabinet du Président de la République. Mais finalement, de ce que je comprends, le cabinet du Président de la République était déjà informé de ces faits ?
Je me réfère à la chronologie que j'ai détaillée dans mon propos liminaire. Nous avons échangé en milieu de matinée avec le directeur de cabinet du Président de la République, qui était déjà informé de ces faits – je crois qu'il a eu l'occasion de vous le dire. J'ai échangé avec le préfet de police, et j'ai pu visionner en début d'après-midi avec le ministre de l'intérieur cette vidéo pour qu'il en prenne connaissance, qu'il apprécie, qu'il comprenne la situation décrite et la personne qui intervenait. Après cet entretien avec lui, j'ai échangé à nouveau avec le directeur de cabinet du Président de la République pour m'assurer, ainsi qu'il m'en avait fait part dans la matinée, qu'il avait non seulement l'information mais qu'il avait procédé – je crois qu'il vous l'a dit aussi dans son intervention – à des vérifications ou à des compléments d'information. Il s'est entretenu notamment avec M. Benalla qu'il avait convoqué. C'est ce qu'il m'avait indiqué dans l'après-midi lorsque je me suis à nouveau entretenu avec lui.
Les échanges avec la préfecture de police de Paris dont vous venez de faire état sont-ils à votre initiative ou à celle de la préfecture de police de Paris ?
Je parlais des échanges avec le directeur de cabinet du Président de la République…
J'ai dû m'égarer dans mon propos. Je répondais à votre question sur les échanges avec le directeur de cabinet du Président de la République.
Le premier échange que nous avons eu avec le préfet de police sur cette situation était, au moment où je venais d'échanger avec le Président de la République, que je m'apprêtais à appeler…
Je vous prie de m'excuser, je reformule mon propos.
Elle est attentive, et je l'en remercie.
Je reprends mon propos.
Après avoir échangé, comme je vous l'ai dit dans mon introduction à laquelle je me réfère, avec le directeur de cabinet du Président de la République, j'ai eu une conversation avec le préfet de police, à son initiative puisqu'il m'a appelée comme il vous l'a indiqué, alors que je m'apprêtais à le faire. Il est assez normal dans nos rapports, comme je vous le disais, que, l'un ou l'autre, nous nous appelions lorsque nous voulons partager une information.
Monsieur le directeur, je souhaite vous interroger sur le statut de M. Benalla et sur le rôle que vous auriez pu éventuellement jouer ou pas.
Est-ce vous qui avez accordé le statut d'observateur à M. Benalla ? L'auriez-vous fait ? Avez-vous joué un rôle à ce moment-là ? Lui avez-vous fourni ou avez-vous autorisé que lui soit fourni un brassard de police ?
Madame la députée, j'ai découvert le rôle d'observateur de M. Benalla à cette occasion. Il ne me revenait, ni de près ni de loin, de l'autoriser. Je crois que la procédure relevait de la préfecture de police, et il ne m'appartient pas de définir, au sein de la préfecture de police, à quelle autorité hiérarchique revenait d'inviter ou d'accepter la présence d'un tel observateur. Il relève évidemment de l'entité invitante, acceptante ou accueillante de gérer l'observateur et de lui remettre, ainsi que le préfet de police me l'a indiqué et vous l'a indiqué, les équipements ou l'équipement correspondant. Quand je dis l'équipement, je veux parler du casque dont il a été question.
Si j'ai bien compris votre propos liminaire, vous n'avez pas autorisé M. Benalla à se rendre en tant qu'observateur à la manifestation du 1er mai. Quelle est, d'après vous, la procédure d'autorisation qui doit s'appliquer dans une telle hypothèse ? Est-ce du niveau de la préfecture ?
Je crois qu'il est fréquent et souhaitable que des observateurs puissent être associés ou invités auprès des forces de l'ordre pour prendre connaissance de leur mission. C'est le cas des parlementaires. Il m'est arrivé également d'assister ou de connaître de telles missions dans des fonctions préfectorales. Ce peut être le cas d'observateurs relevant du monde universitaire ou de la recherche. Il peut s'agir aussi de magistrats, souvent à l'occasion d'une prise de fonctions, pour se familiariser avec les interlocuteurs et connaître les conditions d'intervention de ces forces.
S'agissant des observateurs, le ministre de l'intérieur a décidé de confier une inspection à l'inspection générale de la police nationale, afin qu'elle établisse à la fois les conditions dans lesquelles les deux personnes concernées ont été invitées, reçues ou accueillies à la préfecture de police le jour de cette manifestation du 1er mai au sein de la préfecture de police et de la direction de l'ordre public, et ont participé, en qualité d'observateurs, au suivi de ces opérations de maintien de l'ordre, et de définir également des recommandations si celles-ci sont nécessaires. J'attends ces recommandations de l'IGPN pour être certain – et le ministre se déterminera en fonction de ces dernières – que nous pouvons disposer de règles les plus claires possible et évidemment des précautions les plus adaptées à la fois pour que les observateurs restent dans leur statut d'observateur, ce que chacun peut convenir de souhaitable, que les conditions de leur accompagnement soient le mieux assurées et que l'identification de leur rôle ou de leur présence en qualité d'observateur n'offre pas de confusion s'il en était.
Monsieur le directeur, M. Alexandre Benalla a sollicité, à plusieurs reprises, l'octroi d'un port d'arme auprès du ministère de l'intérieur. Le prédécesseur du ministre de l'intérieur l'avait refusé, et M. Gérard Collomb également. Pourriez-vous nous indiquer quelles ont été les raisons qui ont conduit à ce refus ?
Par la suite, comme nous l'avons appris au cours de ces auditions, le préfet de police a accordé ce permis de port d'arme dans un cadre juridique évidemment différent. Pouvez-vous nous donner votre appréciation sur l'acceptation de cette demande ? Dans quelles conditions a-t-elle été formulée auprès du préfet de police ?
Madame la députée, la législation relative à la détention du port d'arme est, je vous l'accorde, technique et donc complexe. Par ailleurs, elle a évolué, pas nécessairement exclusivement dans cette période, mais au fil des années.
M. Benalla a sollicité en effet à plusieurs reprises les services du ministère de l'intérieur pour obtenir une autorisation de port d'arme : la première fois en 2013, puis en janvier 2017, enfin en juin 2017 auprès du cabinet. Toutes ces demandes ont été refusées parce que M. Benalla ne remplissait pas les conditions requises pour l'octroi d'une autorisation de port d'arme telle qu'elle est accordée par le ministère de l'intérieur, c'est-à-dire l'exposition à des risques exceptionnels d'atteinte à sa vie. Je précise qu'à chacune de ces reprises, en 2013 comme en 2017, ces demandes ont été instruites conformément à la procédure habituelle, c'est-à-dire une instruction par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques, avec l'avis de plusieurs services, le renseignement territorial et l'unité de coordination de la lutte antiterroriste, qui procèdent notamment à l'analyse du risque et qui permettent donc d'apprécier si l'on est en présence d'un risque exceptionnel d'atteinte à la vie. Cela donne lieu à un avis du DGPN. Les avis défavorables des services, en 2013 comme en 2017, ont évidemment abouti à un refus de délivrance d'une autorisation de port d'arme.
J'ai pris connaissance, comme le ministre, que par un arrêté du préfet de police du 13 octobre 2017, M. Benalla s'était vu délivrer une autorisation de port d'arme sur un autre fondement du code de la sécurité intérieure, et sans que le cabinet du ministre de l'intérieur n'en soit avisé. J'ai découvert cette autorisation de port d'arme la semaine dernière à l'occasion de la publication de différentes informations sur la situation de M. Benalla.
Comme vous l'a précisé, je crois, le ministre, et certainement le préfet de police, et comme je le mentionne à nouveau ici, cette autorisation relevait d'une autre réglementation, celle concernant les fonctionnaires et agents chargés d'une mission de police. Ce sont précisément les articles R. 312-24, R. 312-25 et R. 315-8 du code de la sécurité intérieure. Il importe d'apprécier s'il s'agit d'agents d'une administration publique et d'agents qui sont dans une mission de cette nature. Je précise, et c'est le sens des doutes que je peux avoir en tant que technicien, anciennement, du droit de la détention d'armes quand j'étais directeur des libertés publiques, que ces dispositions renvoient à des arrêtés conjoints du ministre de l'intérieur et des ministres intéressés pour déterminer si les catégories de personnels, fonctionnaires ou agents publics concernés, relèvent bien des conditions fixées par la réglementation. Il peut y avoir une interrogation ou un doute. Je constate que le préfet de police a lui-même abrogé son arrêté du 13 octobre 2017 ces jours derniers en s'appuyant sur l'absence de publication d'un arrêté interministériel tel que mentionné à l'article réglementaire que j'évoquais, l'article R. 312-25.
Monsieur le directeur, je voudrais revenir sur les procédures qui auraient dû permettre de saisir l'autorité judiciaire des faits délictueux qui sont reprochés à M. Benalla.
M. le co-rapporteur vous a interrogé sur la mobilisation de l'article 40 du code de procédure pénale. Nous sommes au deuxième jour de nos auditions. Nous avons entendu hier le ministre d'État, ministre de l'intérieur, et le préfet de police, et, cet après-midi, le directeur de cabinet du Président de la République. Une question simple se pose. En effet, l'article 40 aurait pu être mobilisé par les trois entités : par le directeur de cabinet du Président de la République, autorité hiérarchique de M. Benalla, par la préfecture de police qui a eu connaissance des faits, ou par le ministère de l'intérieur. Je prends acte à cet égard de votre argumentation juridique sur le ministère de l'intérieur qui me paraît recevable.
Il reste qu'une faute a manifestement été commise puisque l'autorité judiciaire n'a pas été saisie du 2 mai jusqu'au 19 juillet, date à laquelle l'enquête préliminaire a été ouverte par M. le procureur de la République de Paris après la publication, le 18 juillet au soir, d'un article dans le journal Le Monde. Du 2 mai au 19 juillet, l'autorité judiciaire n'a pas été saisie alors que plusieurs hauts responsables publics et des autorités politiques avaient connaissance de faits délictueux, comme le Président de la République vient encore de le confirmer dans sa déclaration ce soir devant le groupe La République en Marche. Alors, en conscience, monsieur le directeur de cabinet, où est la faute ? Selon vous, qui aurait dû activer l'article 40 du code de procédure pénale ?
Je vous ai restitué la lecture que je faisais, pour le ministère de l'intérieur, des conditions de mise en oeuvre de l'article 40. Pour celles ou ceux qui se trouvent confrontés à une situation que décrit cet article, et qui ont connaissance d'une telle situation, l'appréciation n'est pas simple et s'inscrit dans un contexte, et je ne me sens pas en mesure d'apprécier ce comportement dans des contextes spécifiques. Le directeur de cabinet du Président de la République vous a répondu pour ce qui le concerne. J'avoue ne pas me sentir en situation de me prononcer sur l'appréciation que d'autres ont pu porter quant aux conditions de mise en oeuvre de l'article 40.
Des membres de la police nationale et de sa hiérarchie ont dit avoir vu très régulièrement M. Benalla en salle de commandement ou sur des dispositifs, avec des attitudes de grande proximité vis-à-vis de vos équipes, de personnes de la police et parfois même du ministre. Vous-même ou des personnes de votre ministère avez-vous, avant le 1er mai, vu M. Benalla ou appris sa présence sur d'autres services d'ordre ou dispositifs de sécurité, et vous-même ou des personnes de votre ministère avez-vous vu M. Benalla ou détecté sa présence après le 1er mai lors de réunions organisationnelles, de manifestations ou de réunions interservices ? Si oui, quand, sur quels événements, avec quel rôle ?
Je ne peux répondre que pour ce qui me concerne. Je vous ai dit dans mon propos liminaire ce qu'étaient les occasions dans lesquelles j'ai croisé ou rencontré M. Benalla. Je n'ai jamais participé à des réunions de travail avec M. Benalla, ni eu avec lui de relations professionnelles. J'ai, comme vous, lu ou entendu ces derniers jours qu'il aurait été présent dans des salles de commandement. Je pense que votre question concerne la préfecture de police ; je ne suis pas en mesure d'y répondre, en tout cas je n'ai pas d'information en ce sens. Je suppose que, dans le cadre de la mission d'inspection, des informations seront apportées. Mes équipes ne m'ont jamais fait de remontées directes sur cette présence.
Comme le ministre vient de le rappeler au Sénat : « Je lis les journaux pour me tenir informé et il y a toute une partie de l'histoire de M. Benalla que je découvre comme vous. » Dans un article en ligne du Canard enchaîné intitulé La note confidentielle qui matraque Collomb, on peut lire qu'un enquêteur de la police des polices confie : Il est apparu que Benalla « avait accès à tous les télégrammes, à toutes les notes de service de la grande maison », c'est-à-dire le ministère de l'intérieur.
Monsieur le directeur, pensez-vous qu'il soit possible qu'un chargé de mission de la Présidence de la République, dont la mission, d'après le directeur de cabinet du Président, était de veiller à la coordination de tous les services qui concourent aux déplacements du chef de l'État, ait pu être destinataire des télégrammes et notes de service du ministère de l'intérieur ? Si cela est exact, qui a autorisé M. Benalla à obtenir les télégrammes et notes de service de votre ministère, et quel rôle avait-il réellement pour être le destinataire de ces documents ?
Je parcourrai l'article que vous évoquez, ce qui me permettra de prendre connaissance de ces informations. M. Benalla ne relevait pas de l'autorité du ministère de l'intérieur : je suis donc dans l'impossibilité de répondre à votre question sur ce à quoi il avait accès dans ses fonctions avant le 1er mai, ni sur ses conditions d'accès à ses informations.
Nous avons appris avec un certain étonnement que les services de la Présidence de la République étaient en relation avec la préfecture de police de Paris pour gérer l'invitation de M. Benalla aux manifestations du 1er mai sans que le ministre de l'intérieur, son cabinet, le préfet de police de Paris ou encore le directeur de l'ordre public et de la circulation de la préfecture en aient préalablement connaissance. Est-il d'usage que le secrétariat général de la Présidence de la République ou les membres du cabinet de la Présidence saisissent directement les services des administrations centrales, voire les services extérieurs de l'État, sans passer par l'intermédiaire du cabinet du ministre compétent ou au moins l'en informer ?
Comme je vous l'ai indiqué dans mon propos liminaire, la préfecture de police est une institution multiséculaire qui joue un rôle tout particulier à Paris de par ses responsabilités d'organisation d'événements et de gestion de l'ordre public, et de la sécurité du périmètre de sécurité de la Présidence de la République. Il existe donc des relations institutionnelles et directes entre la Présidence de la République et le préfet de police et son cabinet.
Votre question concerne les conditions d'invitation de M. Benalla en tant qu'observateur à l'occasion d'une opération de maintien de l'ordre dans le ressort de la préfecture de police. À l'instar de ce que j'évoquais en réponse à l'un de vos collègues concernant les invitations de parlementaires ou de personnalités du monde de la recherche sur le territoire national ailleurs qu'à Paris, elles ne donnent pas lieu, à ma connaissance – en tout cas je n'ai pas eu d'information à ce sujet depuis un peu plus d'un an que je suis en fonction – à un avis préalable du cabinet du ministre de l'intérieur. Elles sont gérées à l'échelon du préfet territorialement compétent.
Je pense que l'enquête confiée à l'IGPN permettra de clarifier précisément les conditions de la présence de M. Benalla et de M. Crase à cette manifestation. Pour ma part, au regard de ce que j'ai entendu, je n'ai pas une claire vision de cette présence en termes d'invitation. C'est pourquoi j'espère que l'inspection générale pourra clarifier qui a invité qui et qui a permis à qui d'être présent. Le préfet de police a hier évoqué des relations de proximité pour expliquer les conditions dans lesquelles cela s'est produit et a qualifiées ces relations ; je crois qu'il est meilleur juge. Je ne peux vous apporter d'éléments plus précis.
Puisque vous évoquez l'IGPN, permettez-moi de rebondir sur la réponse qui a été donnée par sa directrice à la question que je lui avais posée. Je lui avais demandé si le fonctionnement interne de la direction de l'ordre public et de la circulation de la préfecture de police de Paris qui a accueilli M. Benalla le 1er mai, l'a équipé et l'a placé dans un périmètre d'affrontements dans des conditions où il a pu faire ce qu'il a fait, ce fonctionnement interne qui a consisté en un véritable dysfonctionnement, ne méritait-il pas, dès le 2 mai, une saisine de l'IGPN, peu important que M. Benalla ne soit pas lui-même fonctionnaire de police puisque jusqu'à présent, que ce soit par le ministre de l'intérieur ou le préfet de police, il nous a été répondu que M. Benalla n'étant pas policier l'IGPN n'avait pas vocation à être saisie ?
À cette question, je crois comprendre, sans trahir sa réponse, mais il faudra que je la réécoute, qu'elle m'a répondu que de telles circonstances pouvaient justifier la saisine de l'IGPN. Je réitère donc ma question : pourquoi l'IGPN n'a-t-elle pas été saisie par le ministre, le préfet de police ou vous-même, dès le 2 ou 3 mai ?
Merci pour la restitution de votre question et de la réponse que vous a faite la cheffe du service de l'IGPN et que je n'ai pas entendue. Je préfèrerais vous répondre en ayant entendu sa réponse. Je ne conteste pas la restitution que vous m'en faites mais je serais plus certain, dans les conditions d'expression devant votre commission d'enquête, de m'exprimer sur la base de ses propres déclarations.
Je ne peux que vous dire ce que le ministre d'État vous a dit : c'est à la lecture des éléments d'information parus dans la presse à compter du 18 juillet que le ministre d'État a estimé nécessaire, notamment parce qu'étaient mentionnés non pas exclusivement les conditions d'invitation mais aussi les modalités selon lesquelles des équipements ont été mis à disposition des deux personnes présentes en qualité d'observateurs et le rôle de leurs accompagnateurs, de saisir l'IGPN dans une configuration plus large qui permettra de faire des recommandations pour la direction de l'ordre public et de la circulation de la préfecture de police et plus généralement, je suppose, pour l'accueil d'observateurs.
Cet après-midi, au Sénat, les syndicats de policiers ont eu des termes assez violents au sujet de M. Benalla, qui, je cite, « faisait régner la terreur », « allait jusqu'à l'insulte à l'encontre des gradés et des gardiens de la paix du groupe de sécurité de la Présidence de la République ». N'avez-vous jamais été alerté sur cette situation, qui dure apparemment depuis très longtemps ? À aucun moment, vous n'avez été alerté par des policiers pour vous dire que l'attitude de M. Benalla était injurieuse et qu'il semait la terreur ? Si vous n'avez pas été alerté, comment l'expliquez-vous ?
De telles informations ne me sont pas remontées. Je ne mets pas en doute ce qui est rapporté par les syndicats de police mais je n'ai pas eu de telles remontées, en provenance ni de ces organisations ni d'une hiérarchie en responsabilité des fonctions de sécurité. Je n'ai pas d'explication au moment où je vous parle ; je vais prendre connaissance de ces déclarations et je verrai si je peux recouper.
Cet après-midi, le directeur de cabinet du Président de la République nous a précisé que M. Benalla avait une mission de coordination de la sécurité du Président. Ne trouvez-vous pas étonnant qu'un homme qui a en charge de coordonner la sécurité du Président ne soit pas connu de vous et du ministre de l'intérieur ?
La nature des missions confiées à M. Benalla relevait de la compétence du directeur de cabinet du Président de la République. Il s'est exprimé sur cette question. J'apprends le contenu précis des fonctions de M. Benalla à cette occasion. Je n'avais pas de raison d'avoir des relations directes avec lui. Je n'ai pas d'autre commentaire.
Comme je l'ai dit en réponse à une question précédente, la sécurité du Président de la République est assurée par le GSPR formé de policiers et gendarmes très professionnels, qui assurent sa protection lors de ses déplacements, et par une unité de la garde républicaine placée sous l'autorité du commandement militaire de l'Élysée. Ce sont des unités ultra-professionnelles et très entraînées, qui veillent à la sécurité directe du Président de la République dans ses déplacements et au sein du Palais. S'agissant de personnels dont le déroulement de carrière se fait aussi au ministère de l'intérieur, j'ai tendance à considérer que cette sécurité est assurée.
Ne trouvez-vous pas incroyable cette histoire de dysfonctionnements à tous les niveaux ? Soyons clairs, sans les révélations du Monde, au moment où nous parlons M. Benalla serait encore en fonction. Or cette personne est en permanence, même en privé, avec le Président de la République, alors que la presse relate qu'il avait menacé des journalistes à La Mongie, à Marseille, qu'il avait demandé à plusieurs reprises des ports d'armes qui lui ont été refusés, qu'il se rend dans les salles opérationnelles, qu'il n'est pas policier mais assume en permanence des fonctions policières... Et une telle personne est en contact vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec celui qui a le doigt sur le bouton nucléaire en France !
Je vais vous parler d'un pays que je connais bien : Israël. Toutes les personnes qui, en Israël, sont en contact, de près ou de loin, avec le Premier ministre, voire le ministre de la défense, sont scannées au préalable, pour des raisons naturelles et légitimes.
M. Benalla avait également des relations avec quelqu'un de très sulfureux, M. Karim Achoui, et on en apprend encore tous les jours. Je trouve invraisemblable que quelqu'un qui exerce de telles fonctions, à un tel niveau, auprès de la personne qui est garante de nos institutions, n'ait pas fait l'objet d'une fiche minimum pour savoir qui il est, d'où il vient, ce qu'il a fait auparavant…
Je voudrais vous rassurer en disant une nouvelle fois que la sécurité du Président de la République est assurée par le GSPR et par le commandement militaire de l'Élysée, composés de plusieurs dizaines de fonctionnaires de police et de militaires de la gendarmerie ultra-professionnels, très entraînés, au meilleur standard de la sécurité et de la protection des personnalités. Je ne sais pas faire d'autre réponse que celle-là.
Nous sommes quelque peu surpris que M. Macron cherche à déstabiliser le fonctionnement de notre commission. Cet après-midi, j'ai demandé à M. le directeur de cabinet du Président de la République, M. Strzoda, s'il avait pris la sanction, s'il l'avait prise seul, s'il l'avait assumée tout au long de l'affaire jusqu'au mois de juillet. Il m'a répondu que oui, et M. Macron, ce soir, devant les députés de la majorité, revendique la sanction et prétend qu'elle a été prise par lui. (« Non ! » sur les bancs LREM.)
Je n'y étais pas et n'ai pas entendu les propos de notre Président. Veuillez poser votre question.
Vous me permettrez, madame la présidente, de dire aux députés de la majorité que nous nous sommes battus pour obtenir cette commission d'enquête, que la parole y est libre et que, lorsque je m'exprime ici, je n'entends pas être démenti par des vociférations. Le temps qui leur est accordé leur permet de s'exprimer.
Je reviens à mes questions. Monsieur le directeur, vous venez de dire, au sujet de la sécurité du Président de la République, que vous avez confiance. Nous avons nous aussi confiance en un certain nombre d'institutions en charge d'assurer cette protection. Depuis une semaine, nous apprenons que M. Benalla aurait travaillé à un projet de réorganisation de la sécurité du Président de la République. Avez-vous entendu parler de ce projet ? Cela a été évoqué par les journalistes et les organisations syndicales. Que savez-vous à ce sujet ?
J'ai été, comme le ministre, informé d'une réflexion engagée sur l'organisation de la sécurité de la Présidence de la République, qui se compose, ainsi que je vous l'ai indiqué, du GSPR, qui assure la protection du Président dans ses déplacements et est composé de personnels du service de la protection et de militaires de la gendarmerie, ainsi que du commandement militaire composé lui-même de gendarmes de la garde républicaine. Cette réflexion a été engagée à l'initiative et sous la responsabilité de la Présidence de la République. Le directeur de cabinet du Président évoquant cette réflexion auprès de moi et du ministre, nous avons fait valoir, sans avoir, évidemment, à nous immiscer dans l'organisation de la Présidence, notre préoccupation que les personnels de la police et de la gendarmerie affectés au GSPR et au commandement militaire conservent le lien d'appartenance dont je parlais tout à l'heure dans leur déroulement de carrière. Pour le reste, je n'ai pas de commentaire à faire, ni d'ailleurs d'informations particulières à évoquer.
Je souhaite ensuite évoquer la sanction. Vous avez dû savoir qu'une sanction avait été prononcée à l'égard de M. Benalla après le visionnage de la vidéo par M. le directeur de cabinet, M. Strzoda. Cette sanction, cela a longuement été évoqué, n'a pas empêché M. Benalla d'assister à des événements nationaux de la plus grande importance. Comme directeur de cabinet, il doit vous arriver à vous aussi de regarder la télévision, d'être informé. Quand vous avez su que M. Benalla assistait encore à de tels événements, alors que M. Bruno Roger-Petit avait annoncé que cette sanction consistait en une suspension et en une rétrogradation qui devait conduire M. Benalla à ne plus s'occuper de la sécurité du Président de la République en dehors du Palais de l'Élysée, en avez-vous informé M. le ministre de l'intérieur, avez-vous fait part de votre surprise ?
Je n'ai pas à participer à la tenue de manifestations qui sont organisées par la préfecture de police en lien avec la Présidence de la République sur le territoire parisien. Par conséquent, je n'ai pas connaissance des informations que vous relatez et qui, je crois, ont été débattues dans votre commission. Je n'ai en tout cas pas connaissance personnellement de la présence ou non de M. Benalla, dans une telle chronologie. Je ne suis donc pas en mesure de me forger une opinion et de faire des commentaires sur cette présence, ni, dès lors, d'en avoir fait une relation à qui que ce soit.
Vous êtes donc en train de me dire qu'alors qu'une sanction avait été prise à l'égard de M. Benalla, celui-ci pouvait assister à ces événements et vous n'en saviez rien, et vous ne vous êtes donc pas étonné de sa présence puisque vous n'étiez pas au courant.
N'ayant pas connaissance de sa présence, je ne vois pas comment je pourrais avoir une réponse à votre question.
N'êtes-vous pas surpris que le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur ne soit pas au courant de la présence de M. Benalla auprès du Président de la République dans des événements de la plus grande importance ?
Je pense vous avoir déjà répondu.
Dernier point. À deux reprises, les deux ministres de l'intérieur, M. Collomb et précédemment M. Cazeneuve, avaient refusé un permis de port d'arme à M. Benalla. Avez-vous été informé que ce permis avait été accordé par la préfecture de police ?
Je crois avoir répondu longuement et précisément à cette question précédemment.
Monsieur le directeur, vous pouvez être tout à fait à l'aise pour tout nous raconter puisque le Président de la République a, ce soir, pris l'entière responsabilité de cette affaire devant le groupe majoritaire. Sentez-vous donc parfaitement à l'aise, y compris pour nous dire des choses sur lesquelles on ne vous interroge pas, notamment sur les relations que peut avoir la Présidence de la République avec le ministère de l'intérieur.
Car, visiblement, il existe des liens parfois étranges entre des agents ou chargés de mission de la Présidence et des fonctionnaires de police au sein du ministère de l'intérieur, dont, notamment, un certain M. Girier. Quelles sont vos relations avec M. Girier, chef de cabinet ? Le voyez-vous quotidiennement, échangez-vous régulièrement avec lui ? Vu que c'est lui qui vous avertit qu'il existe une vidéo montrant M. Benalla, après avoir été contacté par un chargé de mission de la Présidence – si vous savez de qui il s'agit, cela nous intéresse –vous a-t-il expliqué qu'il avait lui-même supervisé l'embauche de M. Benalla dans l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle ?
Tout d'abord, monsieur le député, je témoigne dans les conditions d'une commission d'enquête et m'exprime comme je le dois devant cette commission d'enquête.
Les liens que peut avoir un directeur de cabinet au ministère de l'intérieur avec le chef de cabinet du ministre sont ceux que j'ai avec M. Girier, c'est-à-dire des relations professionnelles régulières, constantes et confiantes, chaque jour de chaque semaine, dans nos rôles respectifs qui ne sont pas homologues mais complémentaires au sein du cabinet du ministre.
Pour le reste, vous abordez des sujets sur lesquels je ne suis pas en situation de m'exprimer. En tout cas, je n'ai pas une connaissance de ces faits me permettant de répondre à la seconde partie de votre question, à savoir vos remarques à propos de M. Girier chef de cabinet du ministre.
Vous confirmez donc qu'à aucun moment, il ne vous a expliqué qu'il connaissait M. Benalla et avait déjà eu affaire à lui par le passé ?
Ce n'était pas le sens de votre question, vous ne l'avez pas exprimée ainsi. À la question de savoir si M. Girier connaissait ou avait rencontré M. Benalla, il ne m'a jamais caché qu'il le connaissait. Sur la nature de leur relation, ce n'est pas à moi de répondre.
Je constate donc qu'il ne vous a visiblement pas tout dit.
Pensez-vous que M. Benalla ait pu avoir des échanges directs avec un certain nombre de fonctionnaires du ministère de l'intérieur qui sont sous l'autorité du ministre et, quelque part, sous la vôtre aussi, car, comme on peut le lire dans la presse, « on ne dit pas non à un membre du cabinet de la Présidence de la République » ? Ce sentiment-là est-il vécu par vous-même et par les fonctionnaires et agents du ministère de l'intérieur, ce qui pourrait expliquer que les uns et les autres aient cédé aux pressions d'un agent sans rendre compte à leurs hiérarchies respectives ?
La relation qui peut exister sur le terrain entre un agent public avec une personne qui se prévaut d'une qualité éminente peut être complexe du point de vue de cet agent, mais il y a une hiérarchie, des conditions pour intervenir, et les choses peuvent être régulées, et je n'ai pas, je l'ai dit, eu de remontées en ce sens à mon niveau.
Je ne suis pas sûr de comprendre votre question.
Allez-vous prendre des sanctions à l'encontre de ceux qui auraient dû vous faire remonter les informations qui sont désormais connues et ne l'ont pas fait, c'est-à-dire de ceux qui n'ont pas rendu compte ? Je sais, car j'y ai travaillé, qu'au ministère de l'intérieur « rendre compte », c'est une culture.
Je vous laisse votre appréciation, monsieur le député. Je n'ai pas de commentaire à faire.
Vous avez confirmé qu'il existe un projet de réforme du GSPR. Ce projet est, croyons-nous, assez avancé car sa mise en oeuvre est prévue pour le début de 2019. Comment peut-il être accueilli par les fonctionnaires concernés qui relèvent du ministère de l'intérieur ?
Je crois avoir donné des indications sur la préoccupation qui était celle du ministre et de son cabinet de s'assurer que les personnels qui relèvent, dans leur déroulement de carrière, du ministère de l'intérieur, continuent, pour cette réforme dont les contours ne sont pas à ma connaissance arrêtés – le directeur de cabinet du Président a parlé tout à l'heure d'une « réflexion » –, d'entretenir la relation de déroulement de carrière statutaire qu'ils ont au sein du ministère de l'intérieur, qu'il s'agisse des policiers ou des gendarmes.
Pour ce qui est de leur perception de la réforme, je ne suis pas en mesure d'y répondre car je ne suis pas en responsabilité de cette réforme.
Ma première question, monsieur le directeur, vous paraîtra peut-être redondante mais je souhaite des précisions, que vous n'avez pas apportées, au sujet de M. Girier. En tant que directeur de cabinet, vous êtes l'autorité hiérarchique de M. Girier, chef de cabinet. J'ai posé la question au ministre lundi : le fait que M. Girier, dans des fonctions antérieures, comme directeur de campagne de M. Macron, ait lui-même recruté M. Benalla comme chargé de la sécurité du candidat Emmanuel Macron, ne pose-t-il pas problème, au regard de la situation d'aujourd'hui ? Le ministre, cet après-midi au Sénat, questionné sur le sujet, a été plus précis que lundi devant notre commission puisqu'il a dit que, s'il se révélait exact que M. Girier avait recruté M. Benalla quand il était directeur de campagne, « cela poserait une question de confiance ». Pour vous qui êtes l'autorité hiérarchique de M. Girier, cela poserait-il également une question de confiance ?
Dans des cabinets réduits comme ceux que nous connaissons, les liens hiérarchiques que vous évoquez ne sont pas aussi manifestes que dans une administration structurée. Un ordre protocolaire est établi, une direction est assurée par le directeur de cabinet, à laquelle participe le chef de cabinet. La vision de la hiérarchie, je le dis pour la bonne compréhension des choses, même si j'assume pleinement la responsabilité de la direction du cabinet, n'est pas celle d'une grande organisation structurée comme d'autres décrites précédemment.
S'agissant de M. Girier, j'ai, ayant fait sa connaissance en prenant mes fonctions au sein du cabinet du ministre d'État, appris à travailler avec lui. J'ai confiance dans son impartialité et son sens de l'État, des missions d'intérêt général et du service public. Les questions relatives à la campagne électorale me sont inconnues et étrangères puisque j'étais alors en poste préfectoral à Strasbourg et en responsabilité territoriale. Je n'ai pas connaissance des faits que vous évoquez et ne suis donc en situation de vous faire quelque déclaration que ce soit.
Au Sénat cet après-midi, plusieurs syndicats de policiers ont témoigné sous serment d'une multitude d'interventions de M. Benalla dans des opérations de maintien de l'ordre et de relations compliquées avec des commissaires de police et la hiérarchie policière. Vous entendez et lisez comme moi les déclarations des syndicats de policiers de toutes obédiences et de tous grades, y compris de commissaires, qui sont très en colère et se sentent touchés par cette affaire car elle jette l'opprobre sur une institution à laquelle nous sommes tous attachés. Comptez-vous, indépendamment des suites de l'enquête, poser des actes dans les jours à venir pour rassurer ces effectifs de police et leurs représentants ?
Le ministre de l'intérieur a fortement exprimé sa volonté de soutenir les policiers et gendarmes, de les assurer de sa reconnaissance pour le travail qu'ils accomplissent, ainsi que de sa présence à leur tête mais aussi à leurs côtés, et de sa volonté de rencontrer les organisations syndicales dans les prochains jours, c'est-à-dire à l'échelle d'une semaine ou deux.
Monsieur le directeur de cabinet, il ne nous appartient pas, au sein de cette commission de relayer des rumeurs ou des on-dit circulant sur les réseaux sociaux, ni de développer des thèses complotistes fondées sur l'existence d'une prétendue police parallèle. Il nous revient, au contraire, de permettre d'établir la réalité des faits et, en conséquence, de recueillir des éléments objectifs de la part des personnes que nous entendons.
M. le préfet de police nous a dit hier que la coopération entre la préfecture de police et la présidence de la République était nécessaire. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette coopération, depuis un an, depuis la prise de fonction du président de la République ? Comment la qualifieriez-vous ? Diriez-vous qu'elle est habituelle ou inappropriée ?
Pour les raisons que j'évoquais dans mon propos liminaire, je crois qu'il est naturel et même nécessaire que la préfecture de police, et, à sa tête, le préfet de police entretiennent, eu égard aux exigences de sécurité des déplacements du Président, de la protection du périmètre de la présidence de la République, et au fonctionnement de l'exécutif dans la capitale, des relations régulières, institutionnelles, et professionnelles confiantes. Ces relations, mais je n'ai pas de termes de comparaison – vous évoquiez vous-même les douze mois depuis lesquelles j'occupe mon poste –, me paraissent être de cette nature.
Ce dont nous parlons, devant votre commission d'enquête, peut permettre, mais c'est le rôle de la mission de l'IGPN, et celui de votre commission des Lois siégeant en formation d'enquête, d'identifier des dysfonctionnements ou des comportements particuliers qui auraient échappé à la nature de ces relations confiantes, institutionnelles, et régulées. Ces relations ne peuvent qu'exister dans notre capitale avec l'institution en charge d'assurer la sécurité à Paris, et par conséquent celle de la présidence de la République, mais aussi d'autres périmètres de lieux d'exercice des pouvoirs publics. Que ces relations existent, qu'elles soient stables, confiantes et professionnelles, cela me paraît une nécessité pour que chacun dans son rôle puisse concourir à la sécurité et au bon déroulement des manifestations républicaines qui peuvent être concernées.
Notre commission dispose finalement de peu d'informations sur les victimes des actes de M. Benalla le 1er mai 2018. Pouvez nous en dire plus sur les personnes qui ont été victimes de ces actes, place de la Contrescarpe, et sur celles qui ont filmé les vidéos qui ont circulé sur le net – qui ont donc été également, en quelque sorte, acteurs des faits ?
Ces deux points sont couverts par l'enquête judiciaire. Les deux personnes faisant l'objet de l'intervention que montre la vidéo qui a circulé le 2 mai ont été conduites dans un premier temps, comme le préfet de police vous l'a dit, au centre de la rue de l'Évangile, qui est le centre de traitement des procédures en grand nombre de la préfecture de police, notamment les jours de manifestations. Il n'y a pas eu de suite dans leur procédure, et il n'y a pas eu de plainte à ce moment-là. Cependant, ces personnes se sont fait connaître depuis qu'une information judiciaire est ouverte, et tout le reste est évidemment désormais entre les mains de l'autorité judiciaire. Une information judiciaire est ouverte. Non seulement je ne sais pas en parler, mais, par construction, je ne peux pas en parler.
Pouvez-vous nous communiquer des éléments d'information sur les vérifications et les contrôles qui sont réalisés, pour des raisons de sécurité, lors de l'embauche d'une personne qui travaille à proximité du Président de la République ? J'ai été relativement surprise par le fait que, alors que l'embauche d'un fonctionnaire ou même l'entrée d'un visiteur à l'Assemblée nationale ne peut se faire sans un certain nombre de vérifications, le recrutement de M. Benalla ne semble pas avoir donné lieu, en tout cas ce n'est pas une évidence, à des contrôles qui m'auraient pourtant paru essentiels étant donné le cercle auquel son domaine d'intervention lui donne accès.
Je conviens de votre question, madame la députée. Je comprends votre préoccupation, mais je ne pense pas être la personne qualifiée pour y apporter une réponse. C'est l'autorité de recrutement et d'emploi qui prend, en fonction des missions confiées à cette personne, et de la nature de son contrat de recrutement, les précautions nécessaires pour que ce recrutement soit vérifié, selon les enquêtes administratives éventuellement nécessaires.
Il peut aussi y avoir des procédures d'habilitation à raison de la nature des informations portées à la connaissance d'une personne recrutée. N'étant ni l'autorité de recrutement ni l'autorité d'emploi, le ministère de l'intérieur n'a, de toute façon, pas les éléments pour édicter les règles concernant ce type de recrutement, ni ceux nécessaires pour répondre à votre question.
Il n'y a pas une vérification supplémentaire effectuée par le ministère de l'intérieur en raison du type de poste occupé ?
Madame la députée, les services du ministère de l'intérieur peuvent être sollicités par l'employeur, dans certains cas de figure, lorsqu'une enquête d'habilitation est faite. Les habilitations qui relèvent des procédures d'accès à des informations classifiées au titre du secret de la défense nationale sont codifiées, avec des procédures établies, et les enquêtes sont conduites par des services qui relèvent du ministère de l'intérieur. En l'espèce, je ne sais pas vous dire le statut des habilitations ou des enquêtes concernant l'intéressé.
Après l'audition des syndicats de police au Sénat, il semblerait que pour assurer la sécurité du Président de la République, il y ait, aux côtés des forces de police et de gendarmerie, à l'Élysée, des personnels privés, voire que ces personnels donnent des ordres aux services de police et de gendarmerie chargés de la protection du Président.
Il semble d'ailleurs que, lors d'un séjour à Brégançon du Président de la République et de son épouse, les personnels privés ont été plus nombreux que ceux des services de sécurité de l'État. Avez-vous connaissance de cette situation ? Si elle n'existe pas, des personnels auraient-ils été intégrés aux forces de l'ordre qui assurent la sécurité du Président de la République d'une manière accélérée qui sorte du cadre ordinaire ?
Monsieur le député j'entends votre question. Je vais faire une réponse sobre.
Concernant le premier sujet, je n'ai pas pris connaissance des déclarations des syndicats de police devant la commission du Sénat. Je vais naturellement le faire pour en apprécier la portée et la précision. Pour répondre à votre question, je n'ai pas et n'ai pas eu connaissance de ces situations, elles n'ont pas été portées à ma connaissance, et je continue de considérer que le GSPR est en responsabilité pour assurer la sécurité du Président de la République lors de ses déplacements.
Je n'en ai pas connaissance. Le GSPR recrute sur les fonctions de sécurité et d'officiers de sécurité des personnels actifs de la police ou la gendarmerie, qui répondent en termes de qualifications et de compétences professionnelles à de hauts niveaux d'exigence compte tenu de la responsabilité qui est la leur.
Monsieur le préfet, il y a un an, vous ne connaissiez pas l'entourage d'Emmanuel Macron. Vous étiez à Strasbourg, chargé de la préfecture de région. Depuis un an, en tant que directeur de cabinet du ministre de l'intérieur, vous êtes au coeur du système qui a été mis en place par le nouveau Président de la République, et j'ai beaucoup de mal à comprendre ce que Gérard Collomb a déjà dit hier, et ce que vous répétez aujourd'hui : finalement, personne ne connaît M. Benalla qui était pourtant le seul à accompagner Emmanuel Macron, le soir de son élection, lorsqu'il a traversé la cour du Louvre.
Au plus haut niveau de l'État, personne ne connaît ce personnage, pourtant très visible, mais cet après-midi, les syndicats de police viennent de dire au Sénat qu'ils semblent bien le connaître. Ils semblent disposer de multiples témoignages d'incidents, de situations dans lesquelles M. Benalla a outrepassé les fonctions civiles qui sont les siennes dans des interventions d'ordre public.
Ma question est redondante, mais la réponse qui lui est apportée jusqu'à maintenant est tout simplement incompréhensible au regard du rôle joué par M. Benalla auprès du Président de la République. Quel lien entretient M. Benalla avec le chef de cabinet du ministre d'État, ministre de l'intérieur, chef de cabinet qui l'a recruté alors qu'il était directeur de campagne d'Emmanuel Macron pour occuper une fonction de sécurité au sein de la campagne du candidat Macron, puis au sein de l'Élysée ?
Je n'ai pas participé à la campagne pour l'élection présidentielle. Je l'ai suivi en tant qu'autorité territoriale participant à l'organisation du scrutin. Comme vous l'avez dit, j'étais à Strasbourg.
Il faut être réaliste et sortir des visions… Vous parlez du « coeur du système ». J'occupe des fonctions qui me mettent en contact, comme je vous l'ai dit dans mon propos liminaire, avec des directeurs de cabinet des ministres, des préfets, des préfets de région, des grands directeurs du ministère, le préfet de police, le directeur de cabinet du Président de la République. Nous participons à de nombreuses séquences de travail au ministère qui sont dédiées à la sécurité de nos concitoyens et à la lutte contre le terrorisme. Nous traitons également d'autres sujets qui peuvent concerner l'immigration, l'asile, ou les collectivités locales.
Mes interlocuteurs ont un assez haut niveau de responsabilité. Nous entretenons des liens professionnels. J'apprends à les connaître dans leurs responsabilités politiques, quand il s'agit de responsables de cabinet ou de responsables politiques que l'on peut être amené à rencontrer dans ces fonctions, et dans leurs responsabilités le plus souvent administratives et hiérarchiques. Je n'ai pas l'impression de participer d'un « système », mais plutôt de concourir, à mon niveau, au fonctionnement de l'État, et, au sein de la République, de jouer, à ma mesure, un rôle qui ne me fait pas beaucoup bouger du bureau que j'occupe. C'est un rôle de régulation au sein du ministère de l'intérieur, un rôle d'information, d'animation, de coordination des directions, qui amène parfois à traiter de sujets budgétaires plus arides, peut-être moins passionnants et moins excitants d'un point de vue extérieur, mais qui sont la structure de la vie quotidienne des ministères. À ce titre, il n'est pas anormal que M. Benalla n'ait jamais été l'un de mes interlocuteurs, quelle que soit la présentation que vous faites de son rôle.
Quant à ce qui concerne la campagne électorale qui a conduit à l'élection du Président de la République, je ne suis pas en mesure d'en parler puisque, comme je vous l'ai dit, je n'y ai participé ni de près ni de loin, et d'ailleurs ça n'est pas l'objet de mon expression devant votre commission d'enquête.
Le directeur de cabinet du Président de la République nous a aujourd'hui fait part d'une information sur laquelle des éclaircissements peuvent être nécessaires. Il me semble que vous pouvez nous les apporter.
Depuis le début de nos auditions, nous comprenons qu'il existe un lien légitime d'information entre la présidence de la République et le ministère de l'intérieur. Il nous semble, en tentant de démêler des va-et-vient qui ne sont objectivement pas très clairs si l'on considère les déclarations contradictoires qui se succèdent, que lorsque la présidence de la République a besoin d'informations, de vidéos, d'images, de détails, elle se tourne assez naturellement vers le ministère de l'intérieur.
Le directeur de cabinet du Président de la République a indiqué que, entre le jour où un courrier a été adressé à M. Benalla lui signifiant sa suspension pour quinze jours, et la mise en oeuvre de son licenciement, des faits nouveaux avaient été portés à sa connaissance. Or les seuls faits dont nous ayons véritablement connaissance aujourd'hui publiquement sont l'ensemble des faits, les vidéos, dont le directeur de cabinet du Président de la République avait déjà connaissance lorsqu'un courrier a été envoyé à M. Benalla.
Nous aimerions avoir des détails sur le contenu de ces « événements nouveaux » – je cite précisément le directeur de cabinet du Président de la République. Ces faits nouveaux semblent m'échapper, mais, en l'espèce, je n'ai pas de doute que les députés de la majorité ont beaucoup plus d'informations que nous en avons sur ces points.
Ma chère collègue, en l'espèce, ce n'est ni vous ni qui que ce soit d'autre que j'interroge, mais le directeur de cabinet du ministre. Lorsque vous serez directrice de cabinet du ministre, vous répondrez ; pour l'instant, vous êtes députée !
Ma seconde question, monsieur le…
Je vous ai entendue, madame la présidente. Je termine brièvement.
Nous auditionnons, depuis le début de nos travaux, de grands serviteurs de l'État, vous en êtes ; vous avez été préfet. Pouvez-vous m'indiquer, pour ma connaissance personnelle, si, lors de votre parcours préfectoral, vous avez eu à prendre des sanctions à l'égard de certains de vos agents pour des fautes qu'ils auraient pu commettre ? Pourriez-vous, pour ma connaissance personnelle, m'indiquer la plus grave sanction que vous ayez eu à prendre, et quelles étaient les circonstances d'une telle sanction ?
Je pense avoir déjà répondu en partie à votre première question. Mon propos liminaire et mes réponses à vos collègues comportent deux séries d'éléments nouveaux, connus postérieurement au 18 juillet, qui ont justifié, pour les uns, la saisine de l'IGPN – je pense en particulier à la connaissance du fait que les intéressés étaient dotés, ou l'un d'entre eux, d'équipements radio, et de brassards –, pour les autres, la suspension de trois personnels de la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) – je pense à l'extraction et l'exploitation d'enregistrements de vidéoprotection conservés par la DOPC, relatifs aux événements d'ordre public du 1er mai, en particulier à ceux de la Contrescarpe. Ces derniers faits ont également donné lieu à une saisine de l'autorité judiciaire.
L'extraction de la vidéo, son utilisation, son exploitation ou son recel – je ne vais pas qualifier les faits puisque ce n'est pas mon propos, et je ne connais pas les chefs exacts des poursuites et de l'information ouverte sur ce point – ont justifié, une fois connus de l'employeur, la Présidence de la République, la lettre de licenciement.
Sur la seconde question, je ne vois pas spontanément une réponse emblématique à vous donner, mais j'ai dû engager des procédures disciplinaires, soit comme préfet soit comme directeur. Je ne sais pas laquelle est la plus emblématique. Je connais l'échelle des sanctions. Il faut savoir à quel titre elles sont prises. En tant que responsable au sein du ministère, il m'arrive d'évoquer avec tel ou tel directeur général, parce qu'il le souhaite, des sanctions à prendre pour des personnels du ministère, notamment quand il s'agit de personnels d'encadrement – la plupart des autres ne sont pas portées à ma connaissance. Généralement, ce sont les suites de fautes disciplinaires qui ont donné lieu à la mise en oeuvre de telles procédures.
On apprend ce soir par la presse, et M. Ugo Bernalicis s'en est fait l'écho, que M. Macron a déclaré devant certains de ses ministres et les députés de sa majorité : « S'ils cherchent un responsable, le seul responsable, c'est moi et moi seul. C'est moi qui ai fait confiance à Alexandra Benalla, c'est moi qui ai confirmé la sanction. Qu'ils viennent me chercher. Je réponds au peuple français. »
Il met ainsi en porte-à-faux son directeur de cabinet qui nous a dit, cet après-midi, qu'il avait lui-même pris la décision de la sanction. Outre le fait que M. Macron ne s'exprime pas devant les Français, mais qu'il préfère visiblement les réunions privées, nous allons bien devoir l'entendre puisque aucun article de la Constitution ne l'interdit. L'article 67 interdit la convocation du Président devant un juge ou une autorité administrative, mais pas devant le Parlement.
Monsieur le directeur, au cours de son audition, le ministre de l'intérieur a affiché sa ligne de défense : il dit ne rien savoir et plaide le manque de connaissance totale. Pouvez-vous nous expliquer, étant son directeur de cabinet, comment un ministre d'État, réputé proche du président Macron peut vraiment ne pas connaître M. Benalla, dont on considère qu'il est omniprésent auprès du couple Macron, et même intime, et ce depuis avant même l'élection présidentielle, et alors qu'il est responsable de sa sécurité, ce qui est me semble-t-il dans votre sphère de compétences ?
Madame la députée, j'essaie de reprendre le fil de votre question. Il y a une partie de votre question…
Je l'ai parfaitement compris. Je ne vais pas raviver des discussions constitutionnelles. Par conséquent, je ne crois pas avoir de commentaire à faire. J'estime en tout cas ne pas avoir à en faire.
J'en viens à la deuxième partie de votre intervention, je crois avoir déjà répondu à la question posée, pour ce qui me concerne, et le ministre d'État y a également répondu devant votre commission, pour ce qui le concerne, en des termes d'ailleurs différents de la restitution que vous en faites s'agissant de la manière dont il avait croisé ou rencontré l'intéressé. Je n'ai pas d'autres commentaires à faire que de renvoyer à son audition, et je n'ai rien à ajouter s'agissant de mes contacts avec M. Benalla.
Si je puis me permettre, je voulais connaître votre appréciation de ses déclarations en tant que directeur de cabinet. Comment un ministre de l'intérieur peut-il expliquer qu'il n'est au courant de rien concernant la personne qui est chargée de la sécurité du Président de la République ?
Je crois, madame la députée, avoir répondu à votre question. Je répète que le ministre a fait des réponses très précises sur ce sujet devant votre commission. Je vous ai répondu ce qu'il avait dit, et je me réfère à ce qu'il vous a dit.
Avant que nous n'enchaînions sur quelques dernières questions, M. Guillaume Larrivé souhaiterait faire une déclaration.
Je voudrais préciser les choses s'agissant du Président de la République.
Comme différents collègues, j'ai pris connaissance, grâce à l'AFP, des déclarations du Président de la République, qui concernent l'objet de notre commission d'enquête. Le Président de la République a choisi de commenter un certain nombre de faits, c'est évidemment totalement sa liberté. Je tiens à dire qu'il n'appartient pas, de mon point de vue, à notre commission d'enquête de convoquer le Président de la République.
Je suis respectueux des institutions, et je considère que la lecture combinée des articles 67 et 18 de la Constitution s'oppose à ce que la commission d'enquête de l'Assemblée nationale convoque le Président de la République. Néanmoins je veux réaffirmer solennellement que je demande, et que nous sommes parfaitement fondés à le faire, la convocation du secrétaire général de la présidence de la République, M. Alexis Kohler, du porte-parole du président de la République, M. Bruno Roger-Petit, et des différents membres de cabinet ou collaborateurs civils ou militaires dont j'ai déjà donné les noms.
Monsieur le préfet, à ce stade, je voulais évoquer la situation des trois fonctionnaires suspendus, et celle du major. Ces gens n'ont pas le droit à l'erreur. J'ai cru comprendre que certains avaient des carrières et des notes brillantes. Nous évoquions tout à l'heure cette question avec la directrice de l'IGPN : imaginez, nous a-t-elle dit à propos du major, il était avec quelqu'un qui venait du « Château » ! Ces gens n'ont pas droit à l'erreur, ils ont une hiérarchie, ils sont soumis à un devoir de réserve, et, maintenant, ils sont sanctionnés.
Je voulais avoir une pensée pour eux. Cette situation est triste. Nous parlons de la carrière et de la vie de gens qui faisaient leur travail. Nous n'allons pas revenir sur M. Benalla : manifestement le Président prend ses responsabilités, et c'est tout à son honneur. Je voulais seulement avoir une pensée et même à ce stade parler d'indulgence à l'égard de fonctionnaires qui pensaient rendre service à ce qu'ils croyaient être leur hiérarchie.
Je ne sais pas si vous posez une question, monsieur le député. Je crois qu'il s'agissait plutôt d'une réflexion.
À ce stade, ces trois fonctionnaires sont suspendus dans le cadre d'une procédure administrative, ce qui ne préjuge pas de la suite qui sera donnée à cette suspension. Ils font l'objet d'une enquête dans le cadre de la procédure judiciaire. Deux aspects sont en jeu : le devoir d'exemplarité pour les fonctionnaires de police, en particulier pour ce qui concerne l'utilisation d'informations provenant de systèmes de vidéoprotection, et il y a aussi, pour d'autres, en pensant au major qui était accompagnateur des intéressés, une situation qui est sans doute complexe.
C'est pour cela que l'IGPN doit formuler des recommandations claires sur le statut des observateurs, et sur les conditions dans lesquelles leurs accompagnateurs peuvent être en situation de veiller à ce qu'ils restent des observateurs, et à ce qu'ils ne changent pas de statut.
Au-delà de tout cela, je veux dire que le ministre de l'intérieur – c'est lui qui s'exprime à travers mon propos – délivre un message de confiance aux forces de police et de gendarmerie qui sont engagées au service de nos concitoyens. Le fait que des procédures concernent tel ou tel ne signifie évidemment pas qu'il ne mesure pas l'intense implication et l'exigence qui pèse sur nos collègues de la police et la gendarmerie qui exercent leur mission difficile au service de nos concitoyens.
Notre préoccupation commune est d'avoir des autorités qui prennent des décisions fondées en droit, des décisions qui ne puissent pas faire l'objet d'une annulation. Or j'ai appris qu'au mois d'octobre 2017, un port d'arme a été attribué sans base légale à un collaborateur du Président de la République, collaborateur qui, d'après ce que l'on nous a dit, n'en avait nul besoin.
Je précise qu'il ne s'agit pas d'une autorisation de détention, mais bien d'une autorisation de port d'arme. Je crois que l'on ne peut pas banaliser cette situation extrêmement grave. Vous imaginez les recherches en responsabilité si un accident était survenu à cause de ce port d'arme ? Je pense qu'une disposition a été prise hors des règles de droit, et de façon exceptionnelle. Je n'en comprends pas bien les raisons, et je souhaiterais que nous puissions consulter le document délivrant cette autorisation afin d'au moins connaître les motivations qui y ont été portées par l'autorité qui l'a signé. Je sollicite de la présidente et du co-rapporteur la possibilité, s'ils en sont d'accord, de demander que l'on nous transmette ce document.
Madame la députée, je me suis longuement exprimé sur la réglementation, dont j'ai dit qu'elle était complexe et, en même temps, s'agissant des autorisations de port d'arme délivrées par le ministère de l'intérieur, comment dire… « malthusienne ».
Le nombre de ports d'arme délivrés au titre du risque exceptionnel pour la personne est limité. J'ai exercé pendant plusieurs années la fonction de directeur des libertés publiques en charge de l'instruction en la matière, et je retrouve, en tant que directeur de cabinet, la mise en oeuvre de cette réglementation qui est appliquée en conscience. Nous avons affaire à des situations individuelles à soupeser selon la situation des personnes, des fonctions… Elle est appliquée avec conscience.
L'autre terrain évoqué est celui de personnes qui, comme je vous l'ai dit, en raison des missions qu'elles accomplissent, et dans des conditions fixées par des textes, peuvent être attributaires d'un port d'arme.
La législation étant complexe, des doutes sont apparus rétrospectivement sur ce permis puisqu'il a été abrogé par l'autorité qui l'avait pris.
Pour le reste, les conditions de délivrance de ces ports d'armes sont couvertes par le champ d'investigation de l'IGPN.
On voit très bien depuis le début des auditions que M. Benalla était bénéficiaire d'autorisations, d'habilitations, de permis divers qui attestent de la fonction protéiforme qu'il paraissait occuper au sein des services de sécurité du cabinet de la présidence de la République. Nous avons eu du mal à comprendre qui était censé identifier et centraliser ces diverses missions, et s'il existait un pouvoir hiérarchique unique qui prenait ces activités sous son autorité. En la matière, rien ne nous semble certain.
À partir de votre importante expérience au service de l'État, pensez-vous qu'il y ait eu une insuffisance de la coordination entre les divers services, les différentes administrations de la présidence de la République ? Est-ce habituel et normal ? Au-delà des récentes déclarations du Président de la République, cette affaire doit nous permettre d'éviter que de telles situations se reproduisent, et de fixer un cadre pour la coordination.
Madame la députée, j'entends votre question et votre préoccupation. Je n'ai pas d'expérience du fonctionnement de la présidence de la République. Je n'ai jamais, à aucun moment, été amené à y servir, et je ne suis pas en situation d'avoir, encore une fois, un point de vue sur les améliorations à y apporter ou non. Je crois que vous avez reçu cet après-midi un interlocuteur qui était en responsabilité et qui est évidemment mieux fondé que moi pour répondre sur le sujet.
Il y a un point qui me trotte dans la tête depuis le début de cette affaire, période durant laquelle nous avons vu s'accumuler les révélations autour de plusieurs agents du ministère de l'intérieur et au-delà, qui attestent que les actes de M. Benalla n'étaient pas ceux d'un homme seul, puisqu'il a bénéficié de plusieurs soutiens.
Je voudrais avoir votre avis, monsieur le directeur de cabinet : vous semble-t-il possible, plausible que M. Benalla ait effectivement bénéficié d'une aide organisée à l'intérieur et à l'extérieur de votre ministère pour pouvoir profiter de toutes les formes de passe-droits qui lui ont permis de se trouver à la manifestation du 1er mai, place de la Contrescarpe ? Les précisions, les estimations, les appréciations que vous voudrez bien nous communiquer permettraient peut-être d'y voir plus clair sur l'idée qu'il y aurait un système parallèle, en dehors de toute hiérarchie, qui opérait entre l'Élysée, l'intérieur et peut-être d'autres services. Étant donné les faits que nous connaissons, et le nombre de personnes impliquées, l'existence de ce système organisé vous semble-elle possible, plausible ou complètement impossible ?
Nous sommes dans un État républicain. Comme vous l'avez dit, j'ai un peu d'expérience au sein du ministère de l'intérieur, et je n'ai ni de près ni de loin l'impression ni la connaissance de quelque réseau parallèle que ce soit.
Qu'il y ait, en raison du comportement d'une personne et des attributs qu'elle invoque ou de l'aura qu'elle se donne, des faiblesses ou des défaillances individuelles qui aient pu conduire à tel ou tel événement, je ne peux l'exclure. Le travail de votre commission d'enquête, de l'IGPN, et ce que nous en disait le préfet de police montrent que cela a pu se produire.
En se fondant sur l'ensemble de ces travaux, il faudra effectivement y remédier et prendre les précautions nécessaires concernant les observateurs, mais peut-être au-delà, pour que de tels phénomènes ne puissent pas se reproduire.
Monsieur le directeur nous avons quand même affaire à la mise en examen de trois policiers, en plus de celles de M. Benalla et de M. Crase. Le major Mizerski est entendu parce que, le jour J, il était l'accompagnateur de M. Benalla.
Nous savons maintenant que l'ancien chef de cabinet du préfet de police, M. Yann Drouet, a signé ou fait signer par le préfet de police le document autorisant M. Benalla à porter une arme. Il se pourrait même que l'arme de M. Benalla lui ait été fournie, et qu'il ne se la soit pas procurée par lui-même. Il y a aussi le talkie-walkie, et, à plusieurs étapes bien précises, des policiers qui ne communiquent rien. Je sais bien que des travaux de psychologie ont montré que 66 % d'un échantillon se soumet à l'autorité – il y a une fameuse expérience sur ce sujet, racontée dans un film. Il reste tout de même 34 % des gens. Soit M. Benalla est tombé systématiquement sur les 66 %, et personne n'a rien vu, rien entendu et personne ne sait rien, soit il y a un certain nombre de personnes relevant du ministère de l'intérieur qui savent des choses et qui ne veulent pas transmettre des informations sur les passe-droits accordés à des moments bien précis – sachant, par exemple, que M. Drouet travaille désormais à la présidence de la République. J'imagine que ce dernier doit être satisfait d'avoir fait signer ce permis de port d'arme pour M. Benalla. Tout cela m'interpelle et aurait dû vous interpeller non pas depuis quelques jours, mais depuis le 3 mai…
Depuis le 3 mai, avez-vous diligenté des enquêtes internes, vous, directeur de cabinet, pour faire la lumière sur cette affaire et prendre des mesures immédiates sur ce qui semblait être complètement en dehors des clous – ne serait-ce que concernant l'intervention de M. Benalla alors qu'il n'était qu'observateur ?
Monsieur le député, j'ai essayé de suivre avec précision le cheminement de votre question et sa formulation finale. Je fais trois constatations. Tout d'abord, je me suis déjà beaucoup exprimé pour répondre à des questions comparables. Ensuite, quatre ou cinq personnes, ce n'est pas un « système », puisque vous avez utilisé ce terme. Enfin, et surtout, je fais confiance à l'autorité judiciaire, qui est désormais pleinement investie s'agissant des différents protagonistes que vous avez cités, pour établir les faits et permettre, sur la base de ses investigations, d'établir la réalité des raisons pour lesquelles et dans lesquels sont intervenus les faits ainsi décrits au début de vos travaux. Voilà, je ne peux pas faire d'autres remarques sur ce sujet, et je m'en tiendrai donc là.
Je voudrais, si vous m'y autorisez, madame la présidente, finir mon intervention, en vous disant que, aujourd'hui comme les jours précédents, nous sommes conscients au ministère de l'intérieur que, naturellement, nous sommes à la pleine disposition de votre commission d'enquête, mais les hommes et les femmes qui font le ministère de l'intérieur ont aussi la responsabilité de la sécurité des Français, et nous devons y consacrer toute notre énergie.
Pour avoir vu le ministre exercer ses fonctions depuis maintenant quatorze mois, je sais qu'il ne compte pas ses heures pour soutenir les forces et dans sa volonté de conduire cette action au sein du ministère. C'est donc pour moi une fierté de travailler au ministère de l'intérieur. J'ai le sentiment de me consacrer à une oeuvre d'intérêt collectif. Ayant répondu à vos questions, je voulais simplement souligner le sens de la mission qui, au quotidien, m'anime, m'occupe et, je devrais même dire, m'obsède.
La réunion s'achève à 23 heures 15.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Laetitia Avia, Mme Huguette Bello, M. Ugo Bernalicis, Mme Yaël Braun-Pivet, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Élise Fajgeles, Mme Isabelle Florennes, Mme Paula Forteza, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, M. David Habib, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Larrivé, Mme Alexandra Louis, M. Jean-Louis Masson, M. Stéphane Mazars, M. Paul Molac, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Aurélien Pradié, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Maina Sage, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, Mme Cécile Untermaier, Mme Laurence Vichnievsky, Mme Hélène Zannier, M. Michel Zumkeller
Excusés. - M. Richard Ferrand, M. Marc Fesneau, Mme Marie Guévenoux, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Guillaume Vuilletet
Assistaient également à la réunion. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, M. Pierre Cordier, M. Fabien Di Filippo, M. Meyer Habib, M. Marc Le Fur, M. Gilles Lurton, Mme Emmanuelle Ménard, M. Patrice Verchère, M. Jean-Marc Zulesi