–– Audition de M. Jacques MÉZARD, Ministre de la Cohésion des territoires…. 2
La réunion débute à 18 heures 15.
Présidence de M. Jean-René Cazeneuve, président,
Nous recevons aujourd'hui Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, pour une audition très attendue par les membres de la délégation, ce sujet étant au coeur de nos préoccupations comme de celles de nos concitoyens.
Monsieur le ministre, vous êtes un élu du Cantal, un amoureux et un grand spécialiste des territoires, je suis donc certain que vous allez nous en parler avec passion. Nous sommes impatients de vous entendre sur un certain nombre de points, notamment sur ceux qui ont trait à votre bilan au ministère depuis un an : le plan « Action coeur de ville », l'état d'avancement de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) – avec le rapport Morvan –, la politique de la ville, le phénomène de métropolisation.
Quels sont, selon vous, les meilleurs outils qui permettront aux métropoles d'irradier les territoires qui les entourent ?
Je rappelle aux membres de la délégation que cette audition est ouverte à la presse et retransmise en direct sur le site internet de l'Assemblée.
Je vous laisse la parole pour un exposé liminaire, puis nous vous poserons des questions.
Je vous remercie, monsieur le président. Je serai concis afin de garder du temps pour répondre aux questions des membres de la délégation.
Il me semble que l'intitulé de mon ministère, « Cohésion des territoires », se suffit à lui-même pour expliquer mes fonctions. Le Président de la République a eu la volonté de créer un ministère plus particulièrement chargé de rétablir l'équilibre entre les territoires, sachant que, si l'égalité est souhaitable, une politique équitable est indispensable.
Nous avons, les uns et les autres, la conviction que tous nos territoires disposent de fortes potentialités et qu'il est du devoir de l'État de les faciliter dans un cadre non pas d'opposition, mais de coopération. Que ce soit comme élu local ou comme parlementaire – j'ai siégé plusieurs années à la délégation aux collectivités territoriales du Sénat –, j'ai toujours eu le sentiment que nous avions, dans ce pays, une difficulté à mettre en adéquation les évolutions sociétales et technologiques – qui se sont accélérées ces dernières années comme jamais auparavant –, avec les dispositions législatives et réglementaires.
Certains territoires ont un sentiment d'abandon, même si parfois, comme le froid, le ressenti est plus fort que la réalité. Il n'en reste pas moins que le ressenti est particulièrement flagrant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), notamment dans une dizaine d'entre eux, et dans certains territoires ruraux – je n'oppose jamais l'urbain et le rural, la diversité existe partout. Ce clivage entre l'urbain et le rural est aujourd'hui complètement déconnecté des réalités : dans certains départements – y compris dans les territoires ruraux – la situation est positive, et dans d'autres, le sentiment d'abandon est prononcé.
Aujourd'hui, nombre de nos concitoyens se sentent éloignés du pouvoir central. Est-ce – je ne voudrais pas être iconoclaste – la conséquence de la décentralisation ? Ont-ils le sentiment qu'un certain nombre de sujets ont été insuffisamment traités ?
Je disais tout à l'heure, en répondant à une question d'actualité au Sénat, que dans certains territoires, les fusions autoritaires des régions et des intercommunalités n'ont pas facilité les choses. Je suis bien placé pour le savoir, puisque je suis élu d'un département où la capitale régionale est à neuf heures de route aller-retour et à onze heures par le train. Par ailleurs, nous constatons aujourd'hui une volonté de faire éclater ou évoluer les intercommunalités « XXL ».
Je tiens donc, tout d'abord, à rappeler que le Gouvernement ne souhaite pas un nouveau big bang territorial. Des réflexions sont en cours, notamment en ce qui concerne les « métropoles-départements » – pour cinq ou six métropoles –, mais il n'est pas question d'un nouveau big bang territorial au cours de ce quinquennat. Nombre d'élus locaux en ont assez de la multiplication des changements et je suis de ceux qui considèrent que l'existence de nos communes – la proximité – est un atout. Cela ne veut pas dire que nous leur interdisons de fusionner, mais une volonté doit être exprimée, tant par nos concitoyens que par les conseils municipaux. Je le dis très clairement, je suis opposé aux fusions autoritaires – même si je ne suis pas le ministre des collectivités locales.
Je suis là et nous faisons évoluer, me semble-t-il, la question de l'aménagement du territoire.
Nous avons le devoir d'élaborer des politiques permettant de pallier les disparités, les déséquilibres. Or un certain nombre de quartiers urbains Politique de la ville – les quartiers prioritaires – connaissent des difficultés importantes, les citoyens qui y habitent ayant le sentiment de ne plus être dans la République. Nous avons même parfois le sentiment que c'est la République qui s'est retirée de ces quartiers, et ce sentiment ne remonte pas à quinze mois. Il est patent dans plusieurs dizaines de quartiers et justifie que nous menions des politiques spécifiques.
Cela ne veut pas dire que tout se passe bien dans les autres quartiers. Je vous rappelle que 1 500 quartiers ont été classés QPV et que chaque quartier connaît une situation différente : tous ne sont pas dans une situation explosive.
Selon le Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), 200 quartiers sont classés d'intérêt national, 200 autres d'intérêt régional, et parmi ces quartiers, quelques dizaines justifient des politiques spécifiques. Et tout d'abord, en ce qui concerne la sécurité – même si la sécurité ne relève pas de ma compétence, il m'appartient d'en parler. Nous allons donc lancer, avec le ministère de l'intérieur, une politique de reconquête républicaine. Je n'ai pas besoin de vous décrire la situation de certains quartiers, je me contenterai de vous dire que la première chose que réclament nos concitoyens, c'est de la sécurité.
Ensuite, si pour un certain nombre de politiques les résultats ne seront visibles qu'à long terme, d'autres, je l'espère, porteront leurs fruits plus rapidement. Le dédoublement des classes de CP et de CE1, par exemple, est une bonne politique pour les établissements classés « réseau d'éducation prioritaire » (REP) ou REP+, mais les effets ne se feront durablement sentir que dans plusieurs années.
De même, la scolarisation obligatoire dès trois ans et l'augmentation du nombre de crèches dans ces quartiers sont des mesures dont les résultats ne seront visibles que dans plusieurs années.
En 2019, le budget de la politique de la ville sera en augmentation de 20 % ; c'est l'augmentation la plus forte jamais réalisée depuis quarante ans qu'existe la politique de la ville. Bien entendu, elle ne résoudra pas tous les problèmes, mais elle nous permettra, dans un certain nombre de domaines, de mener une politique plus forte. Je pense, par exemple, aux 15 millions d'euros qui seront alloués aux grandes associations pour leur permettre de dupliquer leur travail sur le terrain.
Nous avons également conclu un accord avec Action Logement et les bailleurs sociaux pour doubler le financement du NPNRU, passant ainsi de 5 à 10 milliards d'euros. D'aucuns diront que c'est insuffisant, mais c'est le montant nécessaire au démarrage des travaux. L'engagement de l'État, d'un montant d'un milliard d'euros, sera tenu d'ici à 2031, en fonction du déblocage des projets.
Nous avons également adopté des mesures fortes visant à accélérer l'instruction des dossiers et à faciliter le travail des élus et des collectivités locales. D'ailleurs, dès le conseil d'administration de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) du 25 mai dernier, un certain nombre de dossier ont été traités.
Il est vrai que les procédures étaient trop lourdes ; les élus locaux avaient l'impression de passer un examen. Dorénavant, les dossiers d'intérêt régional et certains dossiers d'intérêt national – les plus simples – seront traités au niveau départemental, avec possibilité d'évocation en cas de conflit. L'objectif est de ramener le temps moyen d'instruction de 28 mois à moins d'un an. Nous espérons que des chantiers s'ouvriront le plus rapidement possible.
Je déclinerai maintenant la politique de la ville pour les « villes moyennes » – je sais que le terme « villes moyennes » ne plaît pas beaucoup à la présidente de la région Ile-de-France, ses villes étant évidemment excellentes et non moyennes... Mais nous n'avons pas encore trouvé de qualificatif de substitution.
J'ai présidé une agglomération moyenne durant seize ans, jusqu'au mois de juillet 2017, je sais donc que les villes moyennes ont souvent le sentiment de ne pas bénéficier de la dynamique des métropoles, d'autant qu'aucun dispositif spécifique aux villes moyennes n'a été mis en place depuis le septennat de Valéry Giscard d'Estaing.
Nous avons donc mis en place le dispositif « Action coeur de ville », avec l'objectif de créer un dispositif aussi simple d'emploi que possible. Pour cela, nous avons regroupé les moyens de différents partenaires : Action logement pour 1,5 milliard d'euros, la Caisse des dépôts et consignations pour un milliard d'euros en fonds propres et pour 700 millions sous forme de prêts, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour 1,2 milliard d'euros. À cela s'ajoute la possibilité, pour les préfets, d'utiliser la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).
Nous avons, non pas défini un seuil – certains en souhaitaient un entre 20 000 et 100 000 – mais choisi de retenir les villes qui sont des pôles de centralité, et qui ont pour caractéristique d'irriguer les territoires ruraux autour d'elles. 222 villes ont été retenues. Les conventions doivent être signées par la ville-centre et l'intercommunalité. Pratiquement toutes les conventions auront été signées d'ici à la fin de ce mois.
De très beaux projets ont été présentés par ces villes moyennes, qui affichent un volontarisme fort. Ce dispositif, facile d'utilisation, a bien entendu pour objectif de faciliter la réalisation des projets. Les collectivités pourront même modifier leur projet en fonction de l'évolution de leur situation.
La présidence du comité de projets, dans chacune des villes, est confiée au maire, pas au préfet, dont le rôle est de faciliter la réalisation des projets. Mesdames et messieurs les députés, si vous constatez, sur le terrain, un dysfonctionnement, n'hésitez pas à nous le signaler, l'objectif étant de faire confiance aux collectivités locales. J'entends souvent parler de recentralisation ; vous avez là la démonstration que nous faisons confiance à l'intelligence territoriale.
Le plan « Action coeur de ville » concerne à la fois la métropole et l'outre-mer. Je reviens des Antilles, où j'ai accompagné le Président de la République, et puis donc vous affirmer que ce dispositif a retenu toute l'attention de nos collègues de ces départements et territoires.
Bien entendu, il n'y aura pas que des succès. S'il y a de très bons dossiers, la situation est différente selon les collectivités. Dans certaines, le projet avancera moins bien et moins vite que dans d'autres, mais il ne faudra pas dire que c'est la faute de l'État ! Il appartient aux collectivités de faire avancer leur dossier.
Nous avons également beaucoup travaillé, ces derniers mois, avec le secrétaire d'État Julien Denormandie, sur la question du numérique – la téléphonie mobile et la desserte numérique sur l'ensemble des territoires –, appelée aussi le new deal – mais je n'aime pas trop cette expression. L'accord que nous avons conclu avec les 4 opérateurs est un élément important de la politique que nous mettons en place, puisqu'il doit permettre à tous les territoires d'accéder à la 4G, et ainsi de résorber les zones blanches.
Il s'agit d'un accord gagnantgagnant. L'État fait un effort significatif en accordant aux quatre opérateurs le renouvellement de leurs fréquences. Les opérateurs, quant à eux, doivent tenir leurs engagements et intervenir, chacun, sur 5 000 sites. Des travaux ont commencé sur des pylônes existants pour passer à la 4G. Sur d'autres sites les opérateurs sont en situation de mutualisation.
Tout cela doit permettre une accélération très forte en matière de téléphonie mobile et d'accès à internet. De la même manière, pour la fibre optique, nous avons engagé un processus d'accélération, en partenariat avec les collectivités locales.
La téléphonie un sujet très important pour nos concitoyens et les élus locaux, la fracture entre les territoires sur cette question étant particulièrement visible. Je suis allé inaugurer l'arrivée de la fibre dans deux communes de mon département, j'ai ainsi pu constater le plaisir des uns et le mécontentement des autres, c'est-à-dire des élus des communes voisines qui n'en bénéficiaient pas. S'il existe des disparités territoriales entre les départements et un certain nombre d'agglomérations, il en existe aussi à l'intérieur même des territoires.
Je suis également très attentif à la question de la téléphonie fixe. Dans un certain nombre de départements où le cuivre est en panne, des communes entières peuvent être privées de téléphone. Or, bien entendu, ces territoires n'ont pas accès à la téléphonie mobile. Et souvent, Orange met des mois à les dépanner ; ce n'est pas acceptable. J'interviens régulièrement auprès d'Orange, pour lui rappeler son obligation de service universel. Le défenseur des droits lui-même le lui a rappelé. Sachez que je suis très attentif à ce sujet. Si vous constatez des dysfonctionnements, si un certain nombre de nos concitoyens n'ont plus accès à la téléphonie fixe, n'hésitez pas à nous faire remonter l'information, nous interviendrons toujours de manière très réactive.
J'ai appris, depuis que je suis ministre, que le cuivre papier prenait l'eau au fil des années. Il est donc indispensable de veiller à ce que tous nos concitoyens aient le téléphone. Car s'ils peuvent accepter que les choses n'avancent pas assez vite, ils ne peuvent pas accepter qu'elles reculent.
Concernant le développement économique des territoires, le Premier ministre a annoncé le lancement de diverses initiatives, telles que la démarche « Territoires industrie » du Laboratoire territorial, qui vise à faciliter le développement d'activités de production dans l'ensemble des territoires. Nous sommes bien conscients des difficultés que rencontrent nos PMI par rapport à leurs concurrentes, notamment allemandes.
Enfin, nous avons une forte volonté de développer les maisons de service au public (MSAP).
Monsieur le ministre, votre ministère traite tellement de sujets et de problématiques rencontrées sur le terrain que nous n'aurons pas suffisamment de notre soirée pour vous poser toutes nos questions.
Je suis co-rapporteure, avec ma collègue Véronique Louwagie, d'une mission flash portant sur l'évaluation du dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR), en fonction de la future politique de cohésion européenne.
Ce dispositif concerne plus de 15 000 communes françaises et a déjà fait l'objet d'un certain nombre d'évaluations depuis sa mise en place en 1995. Depuis 2015, c'est le zonage à l'échelle intercommunale qui est pris en compte.
Dans le cadre de cette mission, nous avons mené un certain nombre d'auditions et sommes allées sur le terrain – nous étions hier dans l'Orne et lundi dernier dans l'Aveyron ; nous allons également nous rendre à Bruxelles. Sans dévoiler les résultats définitifs de notre rapport final, nous pressentons fortement que ce dispositif des zones de revitalisation rurale est psychologiquement extrêmement important pour les territoires et leurs élus.
Concernant les objectifs attendus, nous avons constaté, notamment en discutant avec les professionnels concernés et les chambres consulaires, que les attentes concernant le potentiel d'installation et d'attractivité n'étaient pas au rendez-vous. Nous avons même appris que le dispositif ZRR n'avait jamais été le premier levier déclencheur d'une installation, le critère le plus important étant son attractivité – infrastructures, services, dessertes.
Nous avons également pu constater que les ZRR étaient en concurrence avec un certain nombre d'autres dispositifs et zonages. Dans l'Orne, par exemple, la mise en place de la zone franche urbaine (ZFU) à Alençon a entraîné le déplacement d'un grand nombre de professionnels au détriment des territoires en zone de revitalisation rurale.
Par ailleurs, le zonage en zone de revitalisation rurale est parfois la condition pour bénéficier d'autres dispositifs. Enfin, dernier constat, les fonds mobilisés annuellement pour l'ensemble du dispositif restent relativement modestes – entre 200 et 300 millions d'euros.
L'une des questions que nous nous posons est la suivante : comment parvenir, tout en maintenant ce dispositif utile pour les territoires, à rediriger des fonds vers les territoires qui ont besoin de travailler leur attractivité, plutôt que de les allouer à des activités qui perdureraient sans eux ?
Monsieur le ministre, je vous sais fin connaisseur des territoires ruraux, y compris ceux qui avoisinent l'Aveyron.
Le constat des difficultés territoriales est celui d'un triple étau qui contraint lourdement le développement et les dynamiques territoriales. Tout d'abord, un étau financier et budgétaire : la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) depuis de nombreuses années a considérablement pesé sur les dynamiques territoriales ; des questions se posent aujourd'hui sur la suppression de la taxe d'habitation et ses conséquences au niveau territorial ; enfin, les conséquences de la réduction des crédits des agences de l'eau, notamment sur la gestion de l'entretien des cours d'eau et sur les politiques d'assainissement, sont importantes.
Ensuite, un étau législatif, avec une loi NOTRe dont les effets continuent de se faire ressentir, et l'arrivée des dispositions relatives à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations (GEMAPI) qui impactent lourdement la façon dont les territoires sont administrés. Et par endroit, le double effet de certaines lois, comme la loi « Littoral » s'appliquant dans des zones pourvues de grands lacs qui sont comme des mers intérieures, ou la loi « Montagne », qui a été revisitée mais qui continue d'être perçue parfois comme trop contraignante.
Enfin, un étau fonctionnel. Pendant très longtemps, les territoires ont eu du mal à accéder à la dynamique d'appel à projets faute d'ingénierie suffisante. Vous citiez l'exemple du programme « Action coeur de ville », qui ressort de l'appel à projets et s'avère être relativement lourd pour les candidats en matière de montage de dossiers, mais qui, nous l'espérons, sera satisfaisant, notamment quant aux délais de mise en oeuvre – n'oublions pas que les mandats municipaux s'achèvent bientôt…
Par ailleurs, la modification des compétences en matière d'économie, avec le retrait des conseils départementaux, a eu des effets sur la perception qu'ont les territoires de leur développement.
Dans cette délégation, nous nous efforçons de dépasser les différences de perception pour imaginer des solutions ; je rends pour cela hommage à notre président. Un certain nombre d'entre nous travaillent sur le volet budgétaire et nous sommes en train d'imaginer comment nous pourrions, demain, contribuer à la réflexion portant sur les finances des territoires. Nous avons mené une mission flash – au moment où nous étions dans l'expectative de la réforme constitutionnelle – sur les notions d'adaptation et d'expérimentation et nous vous avons adressé nos conclusions ; que pensez-vous des dispositifs que nous proposons pour desserrer l'étau législatif sur les dynamiques territoriales ?
Nous souhaitons également faire des propositions en matière de gouvernance. Où en est la fameuse Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), dont nous attendons beaucoup ? J'ai également contribué à une réflexion dans le cadre d'une mission sur la décentralisation et des propositions ont été formulées quant à l'organisation possible de cette future ANCT.
Je me réjouis, monsieur le ministre, de votre venue prochaine en Aveyron pour le congrès de l'association Familles rurales. Je me réjouis un peu moins que, sur les trois contrats aveyronnais « Action coeur de ville », seuls deux seront signés. La ville de Millau est déçue de ne pas être logée à la même enseigne.
Au moment où nous sommes entrés dans cette salle, nous ne disposions pas des bleus budgétaires. Pouvez-vous nous dire à quoi correspond l'augmentation de 20 % des crédits de la politique de la ville ?
Vous avez évoqué le new deal et la téléphonie fixe, qui, je vous le confirme, est un vrai problème. Des personnes âgées peuvent rester des mois sans téléphone, alors même qu'elles bénéficient d'un système de téléassistance. Je vous laisse imaginer les conséquences.
Si le service universel est assuré par l'opérateur Orange, c'est bien parce que les autres opérateurs n'en ont pas voulu. Ce service universel est-il rémunéré à sa juste valeur ou Orange nous raconte-t-il des boniments ?
S'agissant des MSAP, vous avez indiqué votre volonté de les développer. Avec quel financement ? Je vais peut-être vous surprendre, mais j'ai l'impression qu'elles ne fonctionnent pas forcément très bien. Une évaluation a-t-elle été menée ? Car je ne vois pas l'intérêt de les maintenir si personne ne les fréquente.
Chère Anne Blanc, je suis très heureux d'apprendre que vous menez une réflexion sur les ZRR ; vous allez ainsi pouvoir nous proposer un certain nombre de solutions !
Vous l'avez rappelé, les ZRR concernent un peu plus de 15 000 communes sur 36 000 ; c'est, selon moi, déraisonnable, car le dispositif entraîne une dilution de l'action. Certes, il a bonne presse et les communes qui n'en font pas partie ont envie d'y entrer. Mais ce système est en bout de course et a besoin d'être remodelé – comme beaucoup de dispositifs particuliers.
Le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2015 prévoyait de faire sortir 4 074 communes du dispositif pour en faire entrer 3 700 – au 1er juillet 2017 – sur des critères qui sont apparus, au niveau du terrain, complètement farfelus ; je m'y étais opposé avec force au Sénat, en tant que président de groupe. En effet, dans mon propre territoire, c'étaient les communes les plus rurales, situées en haut de la moyenne montagne, qui devaient sortir du dispositif ! Dans le même temps, des dizaines de communes des départements de l'Ouest y entraient, alors qu'elles n'en avaient pas particulièrement besoin.
Nous avons donc pris la décision de ne faire sortir personne et de prolonger le dispositif jusqu'au 30 juin 2020. D'ici là, nous devons trouver des solutions plus adéquates. Cela ne veut pas dire qu'il n'a servi à rien, mais je ne suis pas certain, quand nous en ferons le bilan, que le côté positif soit à la hauteur des ambitions. Par ailleurs, il ne sera pas facile d'expliquer aux communes qui en bénéficient qu'elles ne seront pas retenues dans le nouveau dispositif.
M. Viala a souligné que les membres de cette délégation faisaient abstraction des sensibilités politiques, je compte donc sur vous tous pour expliquer aux communes qui sortiront du dispositif qu'elles ne doivent pas se lamenter – j'ai l'habitude de dire ce que je pense. J'attends donc avec intérêt vos propositions.
Vous avez également noté la distorsion qui existe entre le ressenti des collectivités et celui des entreprises et du monde économique. C'est une constatation qui correspond à la réalité du terrain.
Monsieur Viala, vous avez dénoncé les étaux qui étranglent nos collectivités. Les dispositions qui ont été prises depuis un an n'ont pas entraîné de baisse globale de la DGF. Certes, des communes ont subi des baisses de DGF en fonction des applications techniques, et certaines d'entre elles ont même été importantes, ce qui pose une vraie question. Mais ce n'est pas à Mme Pires Beaune, qui est une spécialiste de la DGF, que je donnerai des leçons : il est extrêmement difficile de trouver un dispositif permettant de corriger toutes les disparités. Des propositions avaient été formulées, qui étaient plutôt positives – je n'ai pas douté de leur application. J'avais cependant noté avec regret que deux départements parmi les plus ruraux en étaient victimes, la Lozère et le Cantal. Il est extrêmement difficile de faire évoluer le système. Cela étant dit, je ne pense pas que les mesures que nous avons adoptées soient pénalisantes.
Concernant l'« étau législatif » et la loi NOTRe, je suis assez tranquille parce que je ne l'ai pas votée ; à chacun ses responsabilités ! Elle a d'ailleurs été votée par des députés de sensibilités différentes. Nous observons aujourd'hui ses conséquences sur l'eau et l'assainissement, mais je n'en dirai pas plus.
Les lois « Littoral » et « Montagne » sont un vrai sujet que nous avons commencé à aborder dans la loi ELAN. La Corse a la particularité de compter la plus grande quantité, et de très loin, de communes concernées à la fois par la loi « Littoral » et par la loi « Montagne ». Or, quand une commune est soumise à deux législations, c'est la loi la plus dure qui s'applique. D'où une forte volonté de faire évoluer les choses. Nous ne pourrons donc qu'être sensibles à des propositions de lois.
Concernant le dispositif « Action coeur de ville », il ne s'agit pas d'un appel à projets. Pratiquement toutes les villes dites moyennes qui étaient candidates ont été retenues. Nous n'avons pas établi de seuil, mais il est clair que les communes de 1 400 ou 1 600 habitants ne correspondent pas au coeur de cible. Pour le reste, il s'agit des projets des collectivités. Si vous avez, en Aveyron, un préfet qui complique les choses, il conviendra de nous le dire.
Concernant la future ANCT, une proposition de loi sera incessamment sous peu déposée au Sénat, après un travail considérable du commissaire général à l'égalité des territoires, Serge Morvan, présent aujourd'hui.
L'objectif est de disposer d'une structure permettant de donner un coup de main aux collectivités, et en particulier aux collectivités les plus fragiles. Cependant, quand une métropole est puissante, je ne suis pas convaincu que les communes aux alentours aient besoin d'ingénierie territoriale.
Une coordination entre un certain nombre d'établissements publics et d'agences de l'État m'a paru utile, sans forcément procéder à des fusions. Nous tentons de construire une structure souple, avec la présence de représentants des collectivités locales. Le débat législatif commencera au Sénat au mois de novembre.
La proposition de loi sera-t-elle fondée sur les conclusions du rapport Morvan, ou sera-t-elle différente ?
Elle sera différente puisqu'elle est portée par un groupe parlementaire qui a la responsabilité de la rédaction ; et le débat permettra de l'enrichir.
Je propose, monsieur le président, que Serge Morvan puisse nous donner quelques explications en fin d'audition.
Une partie des collectivités locales a besoin d'ingénierie territoriale. Mais il faut éviter de dire que l'on va « recentraliser ». Il s'agit d'un double discours que j'ai pu tenir en tant qu'élu : nous voulons plus d'État, mais pas de recentralisation. Il s'agit d'un exercice d'équilibre difficile à réaliser.
Notre objectif est de coordonner les instruments de l'État, afin de pouvoir donner un coup de main aux collectivités locales. Cela ne résoudra pas tous les problèmes, mais un tel dispositif est réclamé par un certain nombre de collectivités. C'est la raison pour laquelle la mise en place de l'Agence, en 2019, sera bénéfique pour tous les territoires.
Bien sûr, se pose la question de la coordination des différentes structures : le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), l'ANRU, l'ANAH, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Certains suggèrent de fusionner l'ANAH et l'ADEME, mais ce n'est pas ma position. Je ne doute pas que le débat législatif sera volumineux.
Madame Pires Beaune, l'augmentation de 20 % du budget de la politique de la ville correspond à 81 millions d'euros, qui seront employés – sous réserve du vote du Parlement – comme suit : 15 millions d'euros seront alloués au partenariat avec les grandes associations ; il est prévu de mettre deux adultes par classe de maternelle ; 30 000 stages de troisième seront financés ; 12 millions d'euros seront alloués aux cités éducatives ; 3 millions d'euros sont prévus pour le doublement des actions de parrainage vers l'emploi et l'éducation ; 20 millions d'euros viendront financer 1 000 postes supplémentaires d'adultes relais ; 7 millions d'euros permettront le doublement de postes du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP) dans les quartiers.
Il était important, pour moi, de conforter ce budget. C'est aussi un message très clair que nous adressons.
S'agissant des MSAP, je partage votre remarque ; ce n'est pas merveilleux partout. Nous sommes en train de faire un point d'étape avec un certain nombre d'opérateurs concernés – La Poste, par exemple, qui est très impliquée –, car, effectivement, nous ne souhaitons pas les multiplier pour le plaisir de les multiplier ; nous voulons aboutir à un vrai maillage du territoire. Nous n'allons donc pas accélérer, sur le budget 2019, l'ouverture de nouvelles MSAP.
Par ailleurs, il ne s'agit pas, que les choses soient claires, de substituer les MSAP aux sous-préfectures. Pour mener cette réflexion, nous mettrons en place des groupes de travail pilotés par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET). Je reste convaincu que le développement des MSAP est une bonne politique, à condition qu'elles apportent un plus à nos concitoyens.
Je prendrai pour exemple l'utilisation du numérique : si tous les Français ne sont pas formés, un grand nombre de problèmes ne seront pas résolus. En plus de l'illettrisme, nous parlerons d'« illectronisme ».
Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous remercier pour vos propos liminaires concernant l'importance de la proximité et des communes, car nous avons assisté à des fusions, à la hache, de communes et d'agglomérations. Vos paroles sages sont à mon sens indispensables.
Ma question concerne le pacte de confiance entre l'État et les collectivités territoriales, pour lequel bon nombre de discussions ont été menées avec les départements.
Quelle est votre position sur la prise en considération, dans le cadre de la contractualisation financière, de dépenses fonctionnement des départements qui sont subies ? Je prendrai l'exemple des allocations individuelles de solidarité (AIS) : les départements ne maîtrisent ni l'allocation de la prestation de compensation du handicap (PCH), ni l'allocation de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), ni l'allocation du revenu de solidarité active (RSA).
Des discussions sur cette problématique vont-elles reprendre ?
Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous remercier pour vos propos concernant « la déconnection du clivage ruralurbain » que je partage complètement, notamment en ce qui concerne la question de la fibre et de l'accès au numérique, qui est une réalité – je le constate tous les jours dans la métropole bordelaise.
Nous avons, dans ma circonscription, une antenne du CEREMA, et il se trouve que le président de l'ADEME est un girondin que je connais bien. Or les représentants de ces deux structures me faisaient part du rapport Morvan et de leurs inquiétudes quant à la création de l'ANCT.
Je me félicite de votre volonté d'aller plutôt vers une logique de coordination, c'est-à-dire de souplesse et de respect de l'ensemble des acteurs, plutôt que vers une fusion autoritaire.
Par ailleurs, comment tout cela va-t-il se coordonner avec les bureaux d'études privés ?
Monsieur le ministre, vous avez évoqué, dans vos propos liminaires, la politique de la ville. Pouvez-vous nous faire un point rapide sur l'expérimentation des emplois francs ? Nous sommes en effet nombreux à attendre son extension à l'ensemble du territoire. L'échéance initialement fixée, à savoir 2020, est-elle toujours d'actualité ?
La question du pacte de confiance avec les collectivités territoriales, et les relations avec les conseils départementaux, ne relèvent pas de mes compétences. Mais vous le savez tous, je suis très attaché à l'échelon départemental.
Dans son exposé des motifs, la loi NOTRe prévoyait la disparition des conseils départementaux en 2021. Or le combat que j'ai mené au Sénat visait à préserver l'existence des départements, peut-être pas partout, les situations étant très différentes d'un département à l'autre, mais sur une grande majorité du territoire national.
Je souhaite qu'une solution soit trouvée, car, effectivement, certaines dépenses des départements sont automatiques. Dans certains départements, la question du revenu social d'activité (RSA) est problématique, mais dans d'autres, c'est celle de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) qui est préoccupante. Les choses devraient s'améliorer dans les semaines qui viennent. Nous ne pouvons pas rester dans une situation conflictuelle entre l'exécutif et les conseils départementaux, mais je ne peux pas aller au-delà de mes responsabilités. Sachez en tout cas que je suis attentif à ce que les conseils départementaux puissent mener une politique territoriale. Les territoires qui n'ont pas de métropole ont besoin des conseils départementaux.
Vous aurez noté que la circulaire du Premier ministre – qui correspond au souhait de l'exécutif d'aller vers davantage de déconcentration – n'est pas neutre, en précisant que l'échelon pertinent est le département.
S'agissant de l'ANCT, je propose que Serge Morvan décrive les orientations souhaitées.
Concernant les bureaux d'études privés, il ne s'agit pas de leur faire concurrence. Mais si l'action des bureaux d'études privés répondait à la demande de toutes les collectivités, nous ne serions pas soumis à cette demande d'ingénierie territoriale.
Cette question s'est posée il y a plusieurs années, lorsque les conseils généraux ont mis en place les agences techniques départementales. J'ai le souvenir d'un bureau d'études privé nous disant « vous allez nous enlever le pain de la bouche » ; or cela n'a pas été le cas.
En revanche, si nous voulons être cohérents – mais j'ai du mal à obtenir satisfaction – les agences techniques départementales doivent pourvoir travailler avec l'ensemble des collectivités ; ce qui nécessite de ne pas mettre de seuil.
Concernant les emplois francs, je serai sincère avec vous, cela patine. Le démarrage est plus lent que prévu et nous sommes en train d'en tirer des leçons. Ils sont plus simples que les anciens emplois francs, mais pas encore suffisamment.
Nous en avons discuté avec la ministre du travail, Muriel Pénicaud, et nous allons prendre des initiatives. Nous avons décidé de mener une expérimentation dans sept territoires – qui englobent plus de 20 % de la population des quartiers prioritaires –, que nous étendrons en cas de succès.
Non, il n'y en a pas seulement en banlieue parisienne. Il y en a à Angers, par exemple. Nous veillons à l'équilibre territorial.
Monsieur le ministre, lorsque votre ministère a été créé, nous nous demandions, et moi le premier, quelles seraient les fonctions du ministère de la cohésion des territoires. Or je trouve que vous avez pris la place qu'il fallait prendre. Mais nous en attendons beaucoup, puisque « la cohésion des territoires » comprend l'ensemble des politiques qui peuvent avoir une influence forte sur les métropoles et les territoires eux-mêmes.
Ma première question concerne les organismes HLM. Des négociations sont en cours pour des fusions, des mutualisations ou des réorganisations. Or certains regroupements se font davantage par affinités que par structures territoriales ; je pense que, à terme, cela posera des questions de management territorial.
Comment envisagez-vous de suivre cette stratégie de territorialisation des futurs offices HLM ou organismes ?
Ma deuxième question concerne le Grand Paris. Nous en parlons peu, mais il s'agit d'un sujet important, car si nous ratons la politique du Grand Paris, nous raterons beaucoup de choses en France.
J'ai lu le rapport de Gilles Carrez et je reçois régulièrement des éléments relatifs à la métropole du Grand Paris, au sens structurel – mais ce n'est pas de votre compétence. Un sujet ressort du rapport Carrez : le manque d'outils disponibles pour constituer la réserve foncière et assurer l'opérationnalité des gares. Il me semble que votre ministère pourrait prendre en charge cette logique, le Grand Paris Express n'étant pas uniquement un « tube » de transport, mais le futur outil d'aménagement des trente prochaines années pour le territoire parisien.
Il s'agit là d'une question importante à travailler avec le ministère des Transports, car cet « outil gare », dont on connaît le potentiel économique, permettra de financer l'urbanisme futur.
Enfin, ma troisième question concerne la planification urbaine. J'ai sollicité Serge Morvan à ce sujet, et je pense qu'il est nécessaire d'aller vers une planification urbaine encore plus simplifiée.
Une réflexion est-elle menée à ce sujet ? Avez-vous des éléments à avancer ? Les parlementaires peuvent-ils en proposer ?
Je me concentrerai sur un seul sujet, la téléphonie mobile.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué l'accord conclu avec les quatre opérateurs, le qualifiant de « gagnantgagnant » ; mais nous ne sommes sûrs de rien. Il sera gagnant pour l'État quand les opérateurs auront rempli leurs engagements.
Il s'agit d'un pari un peu audacieux, puisqu'il a été décidé de ne pas remettre aux enchères les licences correspondantes aux fréquences de téléphonie mobile. Les dernières enchères, en 2015, ont amené à l'État une recette de 2,8 milliards d'euros. Si nous mettons en perspective les engagements des opérateurs, à savoir 5 000 sites 4G à réaliser, on peut considérer qu'il s'agit d'un gros cadeau pour un petit retour, puisque les 5 000 sites en 4G ne couvriront pas le territoire national.
Dans le même temps, Orange, opérateur historique, a annoncé la fin des abonnements en téléphonie fixe pour ce mois-ci, et l'extinction progressive de son réseau cuivre à partir de 2023. Chacun comprendra qu'une entreprise n'a aucun intérêt à investir et à maintenir un réseau qui a vocation à disparaître.
Nous allons donc nous retrouver dans une situation absolument intenable, où la téléphonie mobile ne sera pas déployée comme nous le souhaitons tous et où la téléphonie fixe sera de plus en plus en situation de dysfonctionner, avec d'ores et déjà des pylônes et des kilomètres de câble par terre.
Comment pensez-vous obliger Orange à tenir son engagement d'assurer un service universel jusqu'au bout et à ne pas abandonner son réseau, avant que la fibre ne soit installée partout ? La révolte gronde dans certains territoires.
S'agissant des MSAP, nous avons observé une réduction des moyens publics qui leur sont alloués, alors même que leurs tâches sont de plus en plus vastes. Les personnes voulant faire une demande de permis sont adressées, par les préfectures, aux MSAP. Lorsqu'une trésorerie publique ferme, les usagers sont également adressés aux MSAP pour faire leur déclaration. De sorte que nous arrivons à une situation intenable, les MSAP étant débordées alors même que le soutien de l'État et des différentes structures censées les financer est moindre. Pour fonctionner, les MSAP ont besoin de moyens.
Concernant la politique de la ville, pouvez-vous nous donner le détail – peut-être par écrit – de cette augmentation ? En effet, des élus de mon territoire ont le sentiment qu'il s'agit de transferts d'enveloppes vers la politique de la ville.
Enfin, s'agissant de la réorganisation territoriale, des territoires tels que le Maine-et-Loire, où beaucoup de communes nouvelles et de communautés de communes ont été créées, ont été bouleversés. Nous avons rencontré Mme la ministre Jacqueline Gourault à plusieurs reprises sur ce sujet, mais il est aussi important que vous soyez au courant des difficultés et des attentes de ces territoires, en termes d'adaptation tant pour la représentativité des communes que pour des dispositifs comme la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), puisque nous assistons à des effets de bord : les territoires ruraux et les communes rurales, hors agglomérations, se voient pénaliser au vu de la législation actuelle.
Je reviendrai tout d'abord sur les zones de revitalisation rurale, créées en 1995, qui connaissent des problèmes de zonage, avec tous les impacts du dispositif dérogatoire et les problèmes de sortie d'un tel dispositif.
Je partage votre idée selon laquelle les territoires sont peut-être trop nombreux et qu'il conviendrait de mieux les cibler. Si vous étiez à la manoeuvre, quels critères retiendriez-vous ? Redonner la main aux élus pour redistribuer des flux, avec des dispositifs tels que le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC), nous paraît être une solution acceptable.
S'agissant du programme « Action coeur de ville », quatre villes de l'Orne étaient candidates. Or, seules trois ont été retenues – Alençon, Flers et Argenton –, au grand désespoir de tout le monde, y compris de Mmes les préfètes du département et de la région. Il nous avait été indiqué qu'un second dispositif équivalent serait mis en place ? Qu'en est-il ?
Monsieur Jerretie, concernant la loi ELAN et la restructuration des organismes HLM, j'ai tenu à ce que l'on puisse conserver la possibilité de la proximité, en faisant en sorte qu'il y ait toujours au moins un organisme par département – ou ayant son siège dans le département.
S'agissant des négociations par affinités plutôt que par besoins territoriaux, sachez que si nous avions imposé, dans le cadre législatif, un carcan – un étau –, nous en aurions entendu parler. Dans ce pays, et c'est normal, nous voulons à la fois de la liberté et de la contrainte ; or les deux ne sont pas toujours compatibles.
La contrainte est que les organismes ont trois ans pour se restructurer et qu'ils doivent respecter le critère de proximité. Maintenant, se regroupent-ils par affinités ? Je ne sais pas, mais les élus doivent faire entendre leur voix dans tous les territoires.
Nous voulons une mutualisation et non pas forcément une fusion, celle-ci n'étant obligatoire que dans certaines intercommunalités. Des économies doivent être faites. Lors de mon déplacement aux Antilles, j'ai pu noter que des organismes responsables de logements sociaux fonctionnaient de façon particulière. Quand une direction générale bénéficie d'une rémunération de 1,2 million d'euros par an, on peut penser qu'il y a encore des efforts de restructuration à réaliser dans ce domaine. Heureusement, c'est très peu fréquent.
Concernant le Grand Paris Express et la gare comme outil d'aménagement, je suis d'accord avec vous, mais il ne s'agit pas d'une compétence exclusive du ministère de la cohésion des territoires. De nombreuses choses sont à faire pour le Grand Paris, et pas seulement le Grand Paris Express.
S'agissant de la planification urbaine, je suis là aussi d'accord avec vous, nous devons aller vers plus de simplification. Nous avons un peu avancé dans le cadre de la loi ELAN, mais beaucoup de travail reste à réaliser.
En ce qui concerne la téléphonie mobile, monsieur Saulignac, je ne partage pas forcément votre approche calamiteuse de la situation. D'abord, il s'agit de 5 000 sites par opérateur ; et la mécanique est déjà entrée en application sur des décisions de 2018.
On reproche souvent à l'État de ne pas faire assez d'efforts pour accélérer les choses mais quand il en fait – et vous l'avez noté, il s'agit d'un effort financier – on lui reproche d'être trop gentil avec les opérateurs. Il existe une différence avec ce qui s'est passé auparavant : les opérateurs ont accepté des obligations contraignantes. Et nous allons veiller à ce qu'ils les respectent – et ils le savent –, notamment à travers une pression financière.
Concernant le réseau cuivre et le service universel, je considère que la situation actuelle est scandaleuse et je l'ai dit au président-directeur général d'Orange. Nos concitoyens demandent simplement leur dû : avoir accès à la téléphonie.
Les annonces concernant la fin de la téléphonie fixe ne correspondent pas à la réalité, nous faisons donc passer des messages rassurants.
S'agissant des MSAP, 5 millions d'euros leur seront alloués. Je souhaite que nous fassions le point, au cours des prochains mois, pour déterminer comment améliorer la réalisation des MSAP.
Mme Dupont, concernant les 20 % d'augmentation du budget de la politique de la Ville, j'ai été clair : 81 millions d'euros – dont j'ai détaillé la répartition – seront ajoutés à ce budget – et il ne s'agit pas de transferts d'enveloppes. Je ne peux rien vous dire de plus, sinon que cette augmentation devra être confirmée par le vote du Parlement.
Je ne connais pas la situation du Maine-et-Loire, je ne sais pas s'il y a de très grandes intercommunalités, mais il existe souvent un problème de représentativité des communes. Sur le terrain, quand les intercommunalités sont grandes, les maires des communes ont le sentiment, quand ils assistent aux réunions, d'être laissés à l'écart. Il n'y a pas de petits maires, mais des maires de petites communes.
Pour avoir présidé un exécutif de communauté d'agglomérations pendant seize ans, je sais que la solution réside dans la manière dont l'exécutif travaille avec les maires. Mais nous ne pouvons pas, à ce sujet, tout demander à l'État. Il y a des endroits où cela fonctionne et d'autres où cela fonctionne moins bien.
Je crois à l'intercommunalité. Beaucoup de choses ont été réalisées dans nos territoires grâce à la montée en puissance de l'intercommunalité. Je suis aussi attaché à l'échelon communal, mais l'une de ses chances est l'intercommunalité. Si nous opposons communes et intercommunalités, nous nous tirons une balle dans le pied.
Madame Louwagie, j'attends vos propositions concernant les ZRR ; vous ne pouvez pas demander au Gouvernement d'écrire la conclusion de votre rapport. J'étudierai avec intérêt vos propositions. Je vous ai dit ce que je pensais. Quand les dispositifs concernent la moitié de nos communes et que le financement n'est pas important, il y a un problème.
S'agissant du plan « Action coeur de ville », seules trois villes de votre département ont été retenues, mais vous savez aussi que dans certains départements, il n'y en a eu qu'une.
Dans l'Orne, la commune qui n'a pas été retenue compte 8 000 habitants. J'ai fait le même choix dans mon département. Nous ne pouvons pas mettre en place un dispositif pour les villes moyennes et l'étendre à toutes les villes moyennes et petites. Il existe d'autres dispositifs – je pense à l'opération « Centres-bourgs ».
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos réponses très claires.
Je vais maintenant laisser la parole à Serge Morvan, commissaire général à l'égalité des territoires.
La création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) doit répondre à un constat douloureux : trop souvent, les élus des territoires portent des projets qu'ils n'arrivent pas à faire aboutir. Et ce, malgré les avancées et les engagements de la décentralisation et l'engagement résolu des collectivités locales au profit de ces projets de territoires. Il n'existe pas de main invisible qui mettrait en accord les besoins des uns avec les capacités des autres.
Pourquoi nous n'y arrivons pas toujours ? D'abord, par manque de moyens locaux permettant de transformer des projets politiques en actions sur le territoire. Mais aussi par manque de moyens financiers et d'ingénierie. Une ingénierie qui peut être stratégique, technique, financière, et qui peut aller de l'émergence du projet jusqu'à l'assistance de la maîtrise d'ouvrage.
Par ailleurs, les rapports entre l'État et les collectivités territoriales sont trop souvent descendants – si vous me permettez cette expression –, trop souvent peu respectueux des projets locaux. Le recours trop fréquent aux appels à projets nationaux qui, finalement, sont trop souvent remportés par les mêmes collectivités ; et personne n'aide celles qui n'ont pas les moyens d'y répondre.
Parmi les autres raisons de ces échecs, je citerai le maquis indéfrichable des règles, notamment de l'État, qui empêche les élus de s'y retrouver pour faire aboutir leurs projets. Trop d'interlocuteurs différents. Trop de règles différentes entre les divers opérateurs et les divers services ; des difficultés à concilier les règles des uns avec celles des autres, et des préfets qui n'ont pas toujours les moyens de coordonner l'action des différents opérateurs sur le territoire départemental ou régional. Malgré leurs efforts, nombreux sont les conflits.
Il convient donc de modifier le paradigme et de faire en sorte que les projets de territoires soient la règle, la référence et ne soient pas revus par l'État avant de donner satisfaction à ceux qui les présentent.
L'ANCT souhaite partir des projets des élus, des territoires ; elle souhaite que ce soit eux qui soient aidés, et non pas un projet local modifié par les services de l'État au fur et à mesure des réunions de telle sorte qu'à la fin, le projet local devienne le projet de l'État.
Pour ce faire, il convient de donner aux préfets et aux sous-préfets, voire aux services de l'État, les moyens de répondre à ces constats. L'ANCT sera une agence déconcentrée au niveau des préfets de département et de région ; des préfets qui devront, au plus près des projets des élus locaux, déterminer les moyens nécessaires pour les faire aboutir. En s'appuyant d'abord sur l'ingénierie locale, car elle existe, même si parfois on ne sait pas comment en faire bénéficier les projets.
Près de 70 départements disposent d'une agence technique départementale, et là où il n'y en pas, les départements s'engagent quand même au bénéfice de leurs territoires. Il y a également les agences d'urbanisme. Ainsi que l'ingénierie de l'État, même si, malheureusement, les services des directions départementales des territoires (DDT) ont connu une baisse significative et ne disposent pas suffisamment de cadres A et B pour aider les territoires.
Il existe aussi, souvent au niveau de la maîtrise d'oeuvre et de l'assistance de la maîtrise d'oeuvre, une ingénierie privée qui doit faire partie du « paquet global » – si vous me permettez cette expression – et que l'ANCT devra, via le préfet, mettre à disposition des projets.
Certains projets nécessitent des ingénieries spécialisées. Des ingénieries que l'on retrouve parfois au niveau régional ou au niveau central – vous parliez du CEREMA, un vivier de spécialistes en ingénierie, notamment en matière de mobilité et d'environnement.
C'est à partir de tout cela que nous devons déterminer un plan d'action, un contrat de cohésion territoriale, qui soit global et qui ne doit pas attendre le dernier bouton de guêtre pour être mis en oeuvre.
L'ANCT doit permettre à un territoire isolé, qui porte un projet, d'être aidé, notamment par la mobilisation générale des collectivités territoriales et de l'État. D'autres territoires peuvent porter un projet allant dans le sens des programmes nationaux, tels que la politique de la ville : 1 514 quartiers prioritaires ; 222 villes moyennes sélectionnées pour le plan « Action coeur de ville » ; 53 expérimentations de centres-bourgs ; ou encore des projets pour lesquels une action renforcée doit être mise en oeuvre à destination des départements qui en ont besoin.
L'ANCT a vocation à mener ces programmes, au service des élus et des projets locaux, et à offrir, via les préfets, un point d'entrée unique. L'ANCT est, finalement, une agence d'opérateurs. Mais elle est aussi un opérateur d'opérateurs qui doit coordonner les opérateurs qui agissent sur les territoires.
Comment les coordonner ? En créant une sutructure faîtière, l'ANCT, et en s'appuyant sur des structures telles que l'ANRU, l'ANAH, l'ADEME et le CEREMA qui, mènent des actions territorialisées avec des conventions d'objectifs, des moyens et des parts de budget.
Aujourd'hui, 90 % des actions du CEREMA sont réalisés au profit des services centraux de l'État et seulement 10 % au bénéfice des collectivités territoriales. Or celles-ci réalisent 75 % de l'investissement public national. Cette répartition est dommageable et les membres du CEREMA en souffrent. Cette répartition doit être modifiée au profit des collectivités territoriales – 60-40 ou 40-60 – et l'ingénierie, en matière de mobilité et d'environnement, doit bénéficier plutôt aux collectivités territoriales qui investissent.
L'ANCT doit accompagner les territoires dans les grandes transitions qui touchent notre pays. Elle doit intégrer la dimension territoriale comme une dimension prioritaire de l'action publique, y compris dans les grandes transitions : transition écologique, transition numérique, transition démographique – vieillissement et accès aux soins –, et transition économique.
L'ANCT jouera donc un rôle majeur s'agissant de la couverture numérique du territoire – new deal mobile, France très haut débit et inclusion numérique. La question de la couverture numérique, qui n'est pas encore assurée partout, étant l'une des premières inégalités dans les territoires.
Par ailleurs, l'ANCT doit intégrer l'accès aux soins parmi ses missions prioritaires. Et même si le plan d'accès aux soins prévu est remarquable, l'ANCT en est la caution territoriale.
Monsieur le ministre, monsieur le commissaire général, je vous remercie. Je vous conseille, chers collègues, de lire le rapport Morvan, qui est excellent !
La réunion s'est achevée à 19 heures 55.
Membres présents ou excusés
Présents. – M. Thibault Bazin, Mme Anne Blanc, M. Jean-René Cazeneuve, Mme Stella Dupont, MM. Olivier Gaillard et Christophe Jerretie, Mmes Catherine Kamowski et Valérie Lacroute, MM. Didier Le Gac et Jean-Claude Leclabart, Mmes Véronique Louwagie et Christine Pires Beaune, MM. Bernard Perrut, Éric Poulliat, Hervé Saulignac, Arnaud Viala et Guillaume Vuilletet.
Excusés. – MM. Paul Christophe et Bruno Millienne.