La séance est ouverte à neuf heures trente.
Mes chers collègues, l'heure est à l'innovation, ce matin, avec la présentation par Jean-Pierre Cubertafon et Jean-Jacques Ferrara des conclusions de la première mission d'information « flash » créée par notre commission.
Une lourde responsabilité pèse sur les épaules de nos rapporteurs ; il leur faut maintenant nous démontrer que n'avons pas fait fausse route en décidant, le 10 juin dernier, de la création de trois missions de ce type. D'après moi, avec les missions flash nous disposons d'un outil simple et agile, à même de nous permettre de réagir à l'actualité et nous ne pouvons que nous réjouir de voir que la qualité de la relation qui s'est nouée entre nos deux rapporteurs contribue au renforcement de la cohésion au sein de notre commission.
Celles-ci devront bien entendu perdurer, mais je crois qu'à l'avenir, nous pourrions définir ensemble un juste équilibre entre ces deux types de travaux d'information et de contrôle, à la fois des missions longues, et d'autres plus brèves, qui permettent de se focaliser sur les principaux enjeux d'une problématique resserrée, en assumant de ne pas prétendre à l'exhaustivité. De telles missions peuvent nous permettre de traiter davantage de sujets et, aussi, de nous adapter à l'actualité de la Défense, avec rigueur et réactivité.
De ce point de vue, consacrer l'une des premières missions de ce type aux hélicoptères des armées paraissait presque une évidence. Les quelques 430 hélicoptères de l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT), de l'armée de l'air et de l'aéronautique, sont intensément engagés en opérations, sur le territoire national comme en opérations extérieures (OPEX). Ils ont apporté une aide précieuse dans la lutte contre l'épidémie de Coronavirus, en contribuant au désengorgement des régions les plus sévèrement touchées. Je tiens d'ailleurs à saluer les forces comme nos industriels pour leur forte réactivité, ayant permis d'adapter rapidement machines et procédures pour autoriser le transfert par voie aérienne de patients lourds, sous respirateur et intubés.
En outre, depuis un an, la composante héliportée a fait l'objet de plusieurs annonces importantes, de l'accélération du programme Guépard à, plus récemment, la commande de huit Caracal dans le cadre du plan de relance. Malgré la réforme du maintien en condition opérationnelle (MCO) de l'aéronautique engagée par la ministre en 2017, la disponibilité des appareils demeure toutefois problématique. C'est d'ailleurs à ces deux questions – cohérence capacitaire et performance du MCO, que vous avez décidé de consacrer vos travaux.
Avant de vous laisser la parole, je ne peux m'empêcher de penser aux familles et aux proches des nombreux – trop nombreux – militaires qui ont perdu la vie au cours de l'année écoulée à la suite d'accidents d'hélicoptères, en OPEX comme sur le territoire national en mission d'entraînement.
Monsieur Cubertafon, je vous cède la parole.
Madame la présidente, chers collègues, Jean-Jacques Ferrara et moi sommes très heureux de nous trouver devant vous, ce matin, afin de vous présenter les conclusions de notre mission d'information « flash » sur les hélicoptères des armées. Je dois d'abord dire, Madame la présidente, que nous avons tous les deux apprécié le format de cette mission. La brièveté du temps qui nous a été imparti – à peine un mois – ne nous a pas paru constituer une difficulté particulière.
Nous avons ainsi pu conduire une dizaine d'auditions, dans le cadre desquelles nous avons entendu des représentants de l'état-major des armées et des trois états-majors d'armée, la directrice de la maintenance aéronautique, des représentants de la direction générale de l'armement ainsi que les deux principaux industriels investis sur la composante héliportée : Airbus Helicopters et Safran Helicopters Engines.
Nous nous sommes également déplacés auprès des forces, à Cazaux et à Pau, étape qui nous a également permis de nous rendre au siège de SHE à Bordes.
Bien sûr, une mission d'information plus classique nous aurait sans doute permis d'affiner nos investigations. Disposant tous les deux d'autres expériences de rapporteur, nous croyons d'ailleurs nécessaire, pour la commission, de maintenir des missions longues, lorsque le sujet impose de conduire de nombreuses auditions ou apparaît d'une particulière complexité.
J'en viens désormais au cœur de notre sujet : les hélicoptères des armées.
Véritables couteaux suisses – voire couteaux nontronnais – les hélicoptères sont au cœur de toutes les opérations des forces armées, tant sur le territoire national qu'en opérations extérieures, et contribuent à l'ensemble des fonctions stratégiques : connaissance et anticipation, prévention, intervention, protection et dissuasion.
En outre, la spécificité de la composante héliportée tient à sa dualité, les mêmes appareils et les mêmes équipages pouvant étant susceptibles d'effectuer des missions civiles comme des missions militaires, y compris au profit des forces spéciales par exemple.
Sans revenir en détail sur le cadre d'emploi des hélicoptères, je rappellerai que sur le territoire national, les hélicoptères sont avant tout mobilisés pour la protection du territoire et des populations, par leur insertion dans les dispositifs de police du ciel ou de protection des approches maritimes. Y compris dans le cadre de dispositifs particuliers de sûreté aérienne ou de sauvegarde maritime.
Ils appuient également l'action des forces de sécurité intérieure, notamment depuis Villacoublay, où sont stationnés les hélicoptères PUMA de l'ALAT et de l'armée de l'air du Groupe interarmées d'hélicoptères.
Les hélicoptères sont également fortement employés sur le territoire national dans le cadre d'opérations de sécurité civile, de protection et d'assistance aux populations.
À titre d'exemple, les hélicoptères de la marine remplissent ainsi des missions de secours en mer, avec six hélicoptères et détachements tenant l'alerte en permanence, à même de décoller en moins d'une heure de jour et de deux heures de nuit, depuis les sites du Touquet, de La Rochelle, de Hyères, de Brest et de Cherbourg.
De même, l'armée de l'air réalise des opérations de recherche et de sauvetage ( search and rescue, ou SAR), en cas d'accident d'aéronefs, dans le cadre du déclenchement d'un plan de sauvetage aéroterrestre (SATER), d'une opération de recherche initiée par le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), ou d'opérations de secours maritime mises en œuvre par les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS), sous la responsabilité des préfets maritimes, depuis les bases aériennes de Cazaux, dans les Landes, et Solenzara, en Haute-Corse. De manière générale, les hélicoptères constituent un moyen d'intervention précieux dans le cadre de l'action de l'État en mer.
Les hélicoptères des armées participent également à des opérations d'évacuation sanitaire, en complément des moyens de la sécurité civile et des SAMU, pour l'évacuation de civils ou de militaires.
À ce stade, il nous semble important de nous arrêter un instant sur l'apport décisif apporté par les hélicoptères des armées dans le cadre de l'opération Résilience, qui a mis en lumière la polyvalence des hélicoptères et la réactivité des armées. Celles-ci ont rapidement adapté les appareils pour leur permettre de transporter des patients intubés et sous respirateurs et ainsi désengorger les régions les plus touchées par l'épidémie de Covid-19.
La coordination entre les forces, la DGA et les acteurs industriels a, de ce point de vue, été d'une remarquable efficacité.
Au total, trois Caracal et deux Puma de l'armée de l'air ont été déployés à Villacoublay, début avril, afin d'évacuer des patients lourdement médicalisés des hôpitaux parisiens vers la province – 22 patients transportés en 13 missions – ; et cinq hélicoptères des 1er et 3e régiments d'hélicoptères de combat de Phalsbourg et Étain ont participé au désengorgement des hôpitaux du Grand Est.
En outre, plusieurs hélicoptères des armées ont été embarqués à bord des bâtiments porte-hélicoptères Dixmude et Mistral déployés aux Antilles et à Mayotte, et ont procédé à de nombreuses évacuations.
Hors situation de crise, les hélicoptères des armées sont également déployés dans le cadre de missions de service public, telle l'opération Héphaïstos de lutte contre les feux de forêts, déclenchée chaque année sur le pourtour méditerranéen.
Ils interviennent aussi dans le cadre de la dissuasion, en soutien de la force océanique stratégique, ou dans le cadre des missions intérieures, en particulier au sein de l'opération Harpie en Guyane.
En opérations extérieures, il est désormais rare qu'une action de combat soit entreprise sans l'appui d'un hélicoptère, qu'il s'agisse d'un appui-feu, d'un appui renseignement, d'un appui logistique ou d'un appui sanitaire en vue d'une évacuation, ou d'une récupération de personnels.
Depuis 2017, l'engagement des hélicoptères de l'ALAT est essentiellement concentré sur le théâtre sahélien.
Les hélicoptères de l'armée de l'air ont été engagés au Sahel depuis le lancement de l'opération Serval en 2013, des Puma ayant notamment effectué des évacuations médicalisées, des missions logistiques, d'appui-feu, de reconnaissance, d'aérotransport ou encore d'aérolargage au profit des forces engagées dans le Nord-Mali.
Aujourd'hui, la participation des hélicoptères de l'armée de l'air aux OPEX est essentiellement le fait de l'escadron 1/67 Pyrénées de Cazaux, déployé depuis l'automne 2017, au profit des forces spéciales.
Au-delà des OPEX, les hélicoptères participent à l'ensemble des opérations conduites à l'étranger, qu'il s'agisse des missions maritimes de la marine ou des opérations multilatérales.
En 2020, les Caïman de la flotille 31F ont ainsi été engagés dans le golfe d'Oman depuis la frégate multi-missions (FREMM) Langedoc dans le cadre de l'opération Agénor, ainsi que dans le Golfe de Guinée depuis le porte-hélicoptères Tonnerre dans le cadre de l'opération Corymbe.
Enfin, des hélicoptères de l'ALAT et de l'armée de l'air sont également pré-positionnés, notamment à Djibouti, où sont stationnés un détachement de l'ALAT, composé de quatre Puma et deux Gazelle, ainsi que deux Puma de l'armée de l'air.
L'évolution du contexte opérationnel et stratégique comme les leçons retirées de nos engagements récents, ou en cours, soulignent l'exigence de disposer d'une composante héliportée robuste et performante, offrant notamment de nouvelles capacités de protection, de rayon d'action et de vitesse.
Premièrement, sur les théâtres d'opérations, il ne fait guère de doute que l'emploi des hélicoptères, complémentaire de celui des avions de chasse et de transport tactiques, permet une bascule d'effort rapide, à même de déséquilibrer le rapport de force et de surprendre, voire de sidérer l'adversaire. D'autant plus que les théâtres d'intervention sont toujours plus vastes et les affrontements plus durs.
Deuxièmement, le renforcement constant des stratégies de déni d'accès des espaces maritimes, aériens et terrestres, s'accompagne d'une évolution des missions vers le haut du spectre. Celle-ci rend indispensable le rehaussement des capacités de la flotte, notamment en matière d'auto-protection et d'intégration dans les réseaux de liaisons de données tactiques.
Troisièmement, l'affaiblissement de la supériorité aérienne qui en découle conforte la nécessité de disposer, sur le théâtre d'opérations, d'une capacité d'évacuation au combat, actuellement mis en œuvre par l'armée de l'air (RESCo) et l'ALAT (IMEX).
Quatrièmement, la défense du territoire national revêt une importance accrue du fait de la diversification des menaces et de leur renforcement, en raison notamment de la démocratisation de l'usage des drones, de la persistance de la menace terroriste et du retour des États-puissances.
Dans ce contexte, il est plus que nécessaire de s'assurer de la cohérence du parc et de son adaptation à nos ambitions. D'autant que la faible disponibilité des appareils constitue une difficulté persistante.
L'intensification de la modernisation de la flotte et son renouvellement constituent ainsi notre premier point d'attention. Au 1er juin 2020, le parc des hélicoptères des armées est composé de 438 appareils, dont 293 au sein de l'armée de terre, 75 au sein de l'armée de l'air et 70 dans la marine nationale.
Le parc s'illustre par sa grande diversité, tant en type – douze appareils différents, et jusqu'à 27 micro-parcs du fait des multiples standards – qu'en âge, des appareils de dernière génération (Tigre, NH 90 Caïman, Caracal, Cougar rénové) côtoyant des appareils entrés en service il y a plusieurs décennies (Alouette III, Gazelle, Puma).
Le parc actuel est en effet hétérogène et vieillissant et l'intensité de nos engagements a révélé ses fragilités, tant en quantité – le format de la flotte est taillé au plus juste au regard des contrats opérationnels – qu'en qualité, en raison du vieillissement de la flotte et de l'obsolescence technique des appareils les plus anciens.
D'abord, pour rappel, il convient de rappeler que le relatif manque d'ambition de la LPM a été corrigé par la ministre au printemps 2019, avec l'annonce de l'accélération du programme d'hélicoptère interarmées léger (HIL), baptisé Guépard. En outre, le Gouvernement a d'ores et déjà annoncé la commande de huit hélicoptères Caracal neufs dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique.
En outre, au titre de la programmation, la marine recevra d'ici 2022 les derniers Caïman NH90 NFH lui permettant d'atteindre la cible de 27 appareils, tandis que l'armée de terre recevra d'ici 2026 la dernière tranche des 74 Caïman NH90 TTH – les dix derniers appareils seront adaptés aux besoins des forces spéciales – la flotte de 67 Tigre passant, quant à elle, au standard appui-destruction (HAD) en 2025. Du fait de retards, seuls quatre appareils ont été livrés à ce jour et un nouveau calendrier est en cours d'établissement.
La LPM prévoit également le lancement, à l'été 2021, de la modernisation du Tigre vers le standard MkIII, intégrant un nouveau viseur de casque, une nouvelle avionique et de nouveaux capteurs.
Il nous semble néanmoins urgent d'accélérer la modernisation et le renouvellement de la flotte, d'autant que le plan de relance et la perspective de l'actualisation de la programmation représentent une opportunité qu'il nous faut saisir.
Plusieurs points ont retenu notre attention.
Premièrement, le respect du calendrier de lancement du Guépard, prévu mi-2021, afin de ne pas accentuer les retards déjà constatés dans le renouvellement des cinq flottes qu'il doit remplacer : Fennec, Gazelle, Panther, Alouette III et Dauphin.
D'ici là, il convient encore de déterminer quelles spécifications seront retenues pour chaque armée. S'il ne nous appartient pas de nous prononcer sur ces options, il nous semble qu'il serait inopportun d'abaisser nos ambitions au moment du lancement d'un programme majeur pour la rénovation de la composante héliportée. Il en va notamment, des roquettes guidées laser pour les versions terre et marine, de la liaison L22 pour cette dernière, de la capacité de ravitaillement en vol et de la liaison tactique L16 pour la version air, du radar AESA pour les versions air et marine ou encore de l'insertion dans le dispositif Scorpion pour la version terre.
Deuxièmement, le remplacement des Puma de l'armée de l'air par des appareils neufs. La flotte Puma présente des fragilités criantes, en particulier au sein de l'armée de l'air, où le nombre de faits techniques signalés sur les 20 appareils ne cesse de croître. Le Gouvernement a engagé la première étape du renouvellement de la flotte dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique : huit Caracal neufs seront ainsi commandés d'ici la fin de l'année.
Si cette décision va dans le bon sens, elle appelle néanmoins deux commentaires.
D'une part, il conviendra de s'assurer que les appareils commandés et livrés seront dotés de l'ensemble des capacités – fixes et missionnels – nécessaires à l'accomplissement des missions. D'autre part, une gestion de « bon père de famille » devrait en fait nous conduire à ne commander non pas 8, mais 20 appareils neufs. En effet, nous savons d'ores et déjà qu'il nous faudra renouveler l'ensemble de la flotte. Actuellement, il est envisagé de procéder à une location-vente de douze appareils d'occasion afin de retirer du service l'ensemble de la flotte Puma. Nous risquerions de nous retrouver avec une flotte hétérogène, chère à rétrofiter et à entretenir, et peu adaptée à nos opérations. En outre, une telle commande permettrait d'accentuer le soutien à Airbus helicopters, dont la survie est indispensable à la préservation de notre souveraineté. Il nous semble d'ailleurs qu'une commande plus importante permettrait de réduire le coût unitaire de chaque appareil.
Troisièmement, il nous semble indispensable d'intensifier le processus d'homogénéisation du parc d'hélicoptères de manœuvre, de poursuivre leur modernisation et de prendre en compte l'attrition.
Cela supposerait d'abord de procéder au remplacement des trois hélicoptères détruits en opérations ou à l'entraînement : un Caïman, deux Cougar.
Ensuite au regard de l'évolution du contexte stratégique, la question de l'augmentation du nombre de Caïman, tant terre que marine, mérite d'être posée.
Enfin, si le rétrofit des hélicoptères Cougar est sur le point d'être achevé, des opérations de modernisation des hélicoptères Caïman et Caracal doivent également être envisagées.
Si vous le souhaitez, je pourrais exposer en détail ces enjeux lors de la phase de questions-réponses.
Quatrièmement, enfin, alors que la question des hélicoptères de transport lourd revient régulièrement dans les débats, nous pensons qu'il est temps d'acter que la France ne disposera pas d'une telle capacité de manière patrimoniale. Il ne fait aucun doute que le besoin est avéré, notamment pour les forces spéciales. Pour autant, l'acquisition d'appareils ne semble pas soutenable, en raison du coût d'acquisition, de mise en œuvre et d'entretien de tels appareils C'est donc au niveau européen qu'une telle question doit être traitée, même si une telle solution ne répond pas au besoin du commandement des opérations spéciales, en raison de la discrétion inhérente aux opérations spéciales.
Enfin, outre les opérations de rétrofit des appareils, l'actualisation de la programmation devra être l'occasion d'envisager la modernisation d'équipements associés aux hélicoptères, à l'instar du sonar et des détecteurs d'émissions électromagnétiques du Caïman NFH, de la caméra thermique des Fennec de l'armée de l'air ou encore de la nouvelle capacité de roquette à précision métrique pour le Tigre, qui ne cesse de prendre du retard.
Si le renouvellement du parc constitue un enjeu majeur, il est tout autant indispensable d'assurer sa disponibilité. Aussi, la disponibilité de la flotte et son maintien en condition opérationnelle a constitué notre second point d'attention majeur.
À ce jour, seul un tiers de la flotte est en état de vol.
Si elle n'est pas satisfaisante, la faible disponibilité de la flotte s'explique toutefois par plusieurs facteurs objectifs. Premièrement, une large part du parc est immobilisée de manière structurelle, en raison des opérations de maintenance liées au cycle de vie des appareils (visites périodiques, grandes visites, rétrofit, etc.) et des chantiers de mise à niveau capacitaire. Deuxièmement, l'hétérogénéité de la flotte nuit à son entretien, d'autant plus que le parc est composé, pour sa plus grande partie, d'appareils vieillissants rencontrant de nombreuses pannes et d'appareils de nouvelle génération encore immatures. Troisièmement, le soutien industriel dispose de larges marges de progression, notamment au regard de la maîtrise et du respect des délais contractuels. Quatrièmement, le soutien opérationnel pâtit d'un manque criant de personnels – déficit de près de 200 mécaniciens au sein de l'ALAT –, d'autant que les mécaniciens, avant tout soldats, ne consacrent pas 100 % de leur temps aux opérations de maintenance. Cinquièmement, la sévérité des conditions d'emploi en OPEX et outre-mer contribue à user prématurément les appareils, qui souffrent toujours des fortes amplitudes thermiques, de la poussière et des effets abrasifs du sable, de la salinité de l'air ou encore de l'humidité.
Deux points méritent d'ailleurs une attention particulière : les pales, pour lesquels la pose d'un revêtement supplémentaire de protection est en cours d'expérimentation ; les pare-brises, qui ont tendance à fêler, et pour lesquels un film protecteur à effet hydrofuge a été conçu sans donner entière satisfaction.
Pour autant, la situation reste préoccupante, car la faible disponibilité des appareils pèse sur la tenue des contrats opérationnels et nuit à la préparation opérationnelle.
À titre d'exemple, en 2017 et 2018, 40 % des porte-hélicoptères en mer ont navigué sans hélicoptère détaché à bord, ce taux grimpant à 50 % en 2019.
De même, nous avons constaté plusieurs points de tension s'agissant de la préparation opérationnelle : l'acquisition des compétences pour les plus jeunes équipages s'allonge inexorablement, malgré l'apport majeur de la simulation ; l'expertise globale du haut du spectre s'érode ; des trous générationnels se creusent.
Dans ce contexte, il convient de noter que la réforme du MCO aéronautique engagée par la ministre en 2017 commence à produire ses premiers effets, même s'ils restent trop peu visibles à ce stade. À ce jour, trois contrats ont été signés afin d'améliorer le soutien des hélicoptères.
Pour la flotte des 18 Fennec de l'armée de terre stationnés à l'école de l'aviation légère de l'armée de terre du Luc, un contrat a été notifié en janvier 2019 à la société Hélidax. Ce contrat, d'une durée de dix ans, donne entière satisfaction à l'ALAT, avec 1 000 heures de vol supplémentaires offertes au second semestre 2019 par rapport à l'ensemble de l'année 2018.
Pour la flotte des Cougar, des Caracal et des EC225, un contrat pour les hélicoptères lourds et de manœuvre, dit CHELEM, a été notifié à Airbus Helicopters et Heli-Union en novembre 2019, pour une durée de 11,5 ans. Ce contrat porte, d'une part, sur le renforcement de la disponibilité des pièces au guichet et, d'autre part, sur l'externalisation complète de la maintenance de cinq Cougar, dont trois sont déjà confiés à l'industriel ;
Pour la flotte des Dauphin et Panther, un marché verticalisé de soutien a été notifié au service industriel de l'aéronautique (SIAé) en mai 2020, pour une durée de neuf ans.
De l'avis de l'ensemble des acteurs, la réforme va dans le bon sens, et nul ne doute qu'elle aboutira, à terme, à une amélioration globale de la disponibilité des appareils.
Toutefois, quatre points ont retenu notre attention.
Premièrement, il nous faut rester vigilants face à l'évolution des crédits d'entretien programmé du matériel (EPM), en raison du vieillissement des flottes et de l'entrée en service de nouveaux matériels, plus coûteux à entretenir en raison de leur complexité technologique et, pour l'heure, de leur manque de maturité. En outre, l'amélioration de la disponibilité des matériels s'accompagnera mécaniquement d'une évolution à la hausse des crédits d'EPM. Il convient donc de veiller à ce que l'accroissement des coûts d'EPM ne s'accompagne pas d'un effet d'éviction au détriment de l'activité générale des forces.
Deuxièmement, afin de pallier les insuffisances de disponibilité et de réduire l'impact du manque d'appareils sur la formation et la préparation opérationnelle, il est nécessaire de favoriser l'accroissement du recours à la simulation. Cela suppose d'assurer la constante modernisation des simulateurs existants, notamment au sein du remarquable centre de simulation de Pau, mais également d'acquérir de nouveaux simulateurs. De ce point de vue, nous estimons que les commandes de Caracal neuf auprès d'Airbus pourraient être l'occasion d'installer à Cazaux un simulateur H225.
Troisièmement, malgré la forte réactivité des acteurs industriels, la crise sanitaire n'a pas été sans impact sur l'activité des chaînes de production. Un certain nombre de chantiers ont d'ores et déjà pris du retard, qu'il conviendra de maîtriser pour ne pas pénaliser davantage les forces.
Quatrièmement, enfin, de la juste définition du schéma d'organisation du MCO du Guépard dépendra sa performance. Si le principe de contrats verticaux ne fait guère de doutes, la recherche d'une absolue concentration ne doit pas être érigée en principe indépassable, mais étudiée au regard de la performance d'un dispositif associant plusieurs acteurs, intervenant de manière complémentaire selon un schéma de co-traitance. La verticalisation des contrats s'effectuerait alors par sous-système cohérent – cellule, équipement, moteur –, ce qui permettrait de ne pas remettre en cause ce qui donne actuellement pleine satisfaction, comme c'est le cas aujourd'hui pour l'entretien des moteurs, confié à Safran Helicopters Engines. Il conviendrait également de réfléchir à l'association du SIAé, service industriel d'État, dès le début du contrat.
Voilà, chers collègues, ce que nous retenons de nos travaux. Nous nous tenons à votre disposition pour répondre à vos questions. Merci de votre attention.
Merci, chers collègues, pour ce travail étayé et précis. Je ne doute pas que les questions seront nombreuses.
Merci, chers collègues, pour cette présentation complète de la composante héliportée des armées. Vous avez évoqué à plusieurs reprises la faible disponibilité des appareils, alors même que leur utilité n'est plus à démontrer en opérations, notamment pour les forces spéciales, pour des évacuations sanitaires ou des opérations de secours en mer. C'est pourquoi vous avez indiqué que, selon vous, le renouvellement et la modernisation de la flotte apparaissent indispensables. En 2021, la base aérienne 105 d'Evreux-Fauville verra l'implantation d'un escadron de transport tactique franco-allemand et d'un centre de formation et d'entraînement commun qui lui sera attaché. D'autres coopérations bilatérales pourraient être envisagées, notamment dans le domaine des hélicoptères lourds, sous la forme par exemple d'un « Evreux-inversé », scénario évoqué devant nous par le général Lavigne, chef d'état-major de l'armée de l'air. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
Toutes mes félicitations à nos deux collègues pour cette mission flash sur les hélicoptères des armées. Je note notamment la constance de notre collègue Jean-Jacques Ferrara sur les thèmes qui lui sont chers, et je crois en effet que la répétition des messages est toujours efficace. Plus généralement, votre rapport nous montre qu'il faut revoir la copie de manière globale afin d'être en mesure de répondre aux besoins et de conduire l'ensemble des missions. Permettez-moi de vous interroger sur les missions conduites sur le territoire national : alors que d'autres services publics, au premier rang desquels la gendarmerie nationale, disposent de capacités héliportées, pensez-vous qu'une réflexion doive être menée sur l'articulation des missions entre les armées, la gendarmerie ou encore la sécurité civile, et que les moyens de l'ensemble de ces acteurs doivent être étudiés de manière cohérente, notamment au stade des arbitrages budgétaires. J'ai bien conscience que le thème de ma question est plus large que celui de votre rapport mais votre avis m'intéresse.
Merci pour votre question, cher collègue, qui ne manquera sans doute pas d'être aussi abordée dans le cadre des travaux de la mission flash sur les relations entre les autorités civiles et les autorités militaires.
À mon tour de remercier les rapporteurs pour leurs travaux, d'autant que la base aérienne de Cazaux et ses hélicoptères me sont chers. Je vous interrogerai d'abord sur les conséquences de la mobilisation des hélicoptères dans la lutte contre l'épidémie de COVID-19 : y a-t-il eu un impact sur la disponibilité des hélicoptères en OPEX ? Ensuite, à plus long terme, s'agissant du MCO et de la rationalisation des flottes, pensez-vous que le transfert des hélicoptères Caracal de l'armée de terre vers l'armée de l'air pourra être effectué et, le cas échéant, en préservant les intérêts opérationnels de chacune des armées ?
Bravo aux rapporteurs pour leur travail pointu et intéressant. Merci, d'abord, d'avoir souligné le rôle des hélicoptères pendant la crise sanitaire ainsi que celui des hélicoptères de la marine, dont vous avez rappelé l'insertion dans le dispositif d'action de l'État en mer, sous la responsabilité des préfets maritimes, et le lien avec les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage. Je reviens sur le théâtre sahélien et le rôle des hélicoptères de transport lourd. Entre janvier et mars 2020, les cinq hélicoptères lourds déployés par les Britanniques – les Chinook – et par les Danois – les Merlin – ont effectué près de 600 heures de vol et transporté près de 300 tonnes de fret au profit des forces françaises engagées dans l'opération Barkhane. C'est dire que ces appareils sont incontournables, y compris parfois pour des opérations plus discrètes. Plusieurs options ont été évoquées devant notre commission : une obtention de capacité par crédit-bail afin de les tester avant de les acquérir, option que vous semblez rejeter ; la création d'une unité franco-allemande, évoquée par notre collègue Gipson, sur le modèle de l'unité de C130J qui s'installera à Évreux ; ou encore une mutualisation plus large, peut-être dans le cadre du commandement européen du transport aérien (EATC). Pourriez-vous revenir sur ces différentes options et nous indiquer les pistes qui vous semblent prioritaires ?
En outre, s'agissant de la disponibilité des appareils, vous avez relevé combien les hélicoptères sont des objets complexes, sophistiqués, et évoqué notamment leur sensibilité à des conditions difficiles et abrasives. Il arrive parfois que soit envisagé de les remplacer par des appareils à voilure fixe, du type des Pilatus, et je souhaitais savoir si une telle option avait été discutée dans le cadre de vos travaux.
D'abord, merci à Séverine Gipson d'avoir évoqué l'escadron bilatéral de C130-J d'Évreux, qui m'est tout aussi cher qu'à elle. J'ai eu l'occasion d'en parler longuement dans le cadre de précédents rapports. Alors qu'en est-il d'un escadron inversé d'hélicoptères de transport lourd et plus largement, de cette question du HTL ? Il s'agit d'un sujet qui nous tient à cœur et je vais tenter de vous répondre, ainsi qu'à M. Larsonneur, aussi clairement et brièvement que possible. Notre conviction est qu'il faut en finir avec ce serpent de mer car nous tournons en rond et perdons un temps précieux. M. Larsonneur l'a rappelé, le besoin est réel et avéré. Du reste, il a publiquement été exprimé par le commandement des opérations spéciales. Sur le théâtre sahélien, nous bénéficions aujourd'hui de la mise à disposition d'appareils par nos alliés, et nous constatons quotidiennement combien cette aide est précieuse ; nous ne pouvons d'ailleurs qu'espérer qu'elle perdure dans le temps.
Pour autant, voilà la situation aujourd'hui : notre industriel national ne souhaite pas se lancer dans la construction de tels appareils, constatant l'hégémonie de ses concurrents américains sur ce segment ; le COS a donc manifesté un besoin opérationnel ; l'armée de l'air se dit prête à envisager la constitution d'un escadron d'HTL ; quant à l'ALAT – et je vous parle franchement à partir de ce qui nous a été dit – la situation est plus complexe et certains semblent douter de la nécessité de disposer d'une telle capacité. En ce qui me concerne, je trouve cela un peu surprenant compte tenu, vous l'avez dit, des services rendus par ces appareils sur les théâtres d'opérations. Faut-il également rappeler que les affrontements sont de plus en plus intenses et que les soldats sont de plus en plus lourds, car davantage équipés qu'auparavant ?
Un jour, rapidement, il va falloir se décider et exprimer clairement et fermement les choses. Au terme de notre rapport, nous pensons qu'il est temps d'envisager la mise en place d'un partenariat européen. Pour rappel, on retrouve une telle capacité en Allemagne, cela a été dit, au Royaume-Uni et au Danemark, bien sûr, mais également en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, en Espagne et en Grèce ! Une telle coopération pourrait d'ailleurs tout à fait être mise en place dans le cadre de l'EATC. Ces solutions ne permettront toutefois pas de répondre entièrement aux besoins du COS, dont les opérations nécessitent une certaine discussion. Notre message est simple : il faut arrêter de se raconter des histoires. Nous n'aurons sans doute jamais de flotte patrimoniale d'HTL, alors que nous en avons besoin : que fait-on ?
En réponse à Fabien Lainé, l'opération Résilience, a mis en lumière la polyvalence des hélicoptères et la réactivité des armées – nous en avons parlé – mais il n'y a pas eu d'impact sur les OPEX. S'agissant du transfert des Caracal vers l'armée de l'air, je tiens à rappeler que celui-ci est conditionné par la commande, au profit de l'ALAT, d'autant d'hélicoptères NH 90 Caïman pour ne pas handicaper les capacités de l'armée de terre.
Si une telle commande a lieu, le regroupement pourrait intervenir d'ici la fin de la décennie.
Monsieur Bazin, avec Christophe Lejeune, nous avions évoqué l'an dernier, dans le cadre de notre mission sur l'action de l'État en l'air, la question des hélicoptères de service public et de la cohérence de leurs missions et de leur implantation. Les hélicoptères de la gendarmerie, les Dragons de la sécurité civile ou les « blancs » des SAMU participent bien sûr tous à des missions de sécurité civile et intérieure sur le territoire national. Ces hélicoptères ne disposent toutefois pas des mêmes capacités – je pense ainsi au treuil ou au vol de nuit – et il est donc logique de compter une flotte diversifiée. S'agissant d'une éventuelle rationalisation de la répartition des missions, j'ai pour ma part été frappé par ce que j'ai pu constater en Guyane. Les Puma de l'armée de l'air y sont indispensables, d'autant que le seul Dragon qui y était déployé a, un temps, failli être retiré. Or, au regard de la complexité du territoire, l'existence d'une flotte complémentaire est indispensable : les hélicoptères interviennent tout autant pour des missions d'évacuation sanitaire qu'en appui de l'opération Harpie. La coopération entre les armées et les capacités civiles y est très poussée et je n'ai pas de raison de penser qu'au niveau interministériel, les choses soient faites pour garantir une action complémentaire et efficace.
Toutefois, il convient de veiller à la cohérence du maillage territorial des hélicoptères de service public. J'ai évoqué la Guyane et les craintes sur l'avenir du Dragon. Il nous avait également été dit que le retrait d'un hélicoptère de la sécurité civile du Doubs avait eu pour conséquence de priver la Franche-Comté de toute capacité héliportée. En Corse, nous constatons quotidiennement la complémentarité entre les Puma de Solenzara et les capacités de la sécurité civile, voire de la gendarmerie.
Je reviens un instant sur la question des HTL. Si j'évoquais les réticences de l'ALAT, il me semble important de dire que si nous avions les moyens de nos ambitions, l'ALAT serait évidemment preneuse d'HTL, mais, en l'état, au vu des contraintes budgétaires qui sont les nôtre, l'heure est aux arbitrages et leur priorité semble plutôt un accroissement du nombre de Caïman.
Messieurs les rapporteurs, merci pour votre rapport précis et dense, malgré le temps imparti. Je voudrais revenir sur un reportage diffusé samedi à 13 h 15 sur France Télévisions, qui traite de l'évacuation d'un équipage d'hélicoptères dont l'appareil s'est écrasé au Sahel, en plein milieu d'une mission. Quelles leçons faut-il en retirer ?
Ce reportage m'a d'ailleurs rappelé un autre documentaire que j'avais vu sur les soldats américains ayant participé à l'opération ayant conduit à la neutralisation d'Oussama Ben Laden. Pour rappel, un des trois hélicoptères s'était écrasé et sur l'ensemble des hommes présents, près de la moitié avait vécu un accident d'hélicoptère.
Les crash d'hélicoptères apparaissent donc fréquents. Auriez-vous des chiffres sur les appareils abîmés ou détruits depuis 2017 ? Avez-vous identifié des pistes pour renforcer la sécurité des équipages ?
Je m'associe aux félicitations adressées aux rapporteurs par les précédents intervenants. Il s'agit là d'un rapport remarquable, réalisé en très peu de temps. Pour ma part, je crois qu'il ne faut pas se voiler la face. La plupart, voire toutes, les préconisations de nos collègues, vont se traduire par des dépenses budgétaires supplémentaires. C'est notamment le cas lorsque vous proposez de passer de huit à vingt le nombre d'hélicoptères Caracal à commander. D'après moi, il faudrait mettre les pieds dans le plat et expliquer, en introduction ou en conclusion de votre rapport, que les dépenses supplémentaires que nous proposons répondent à deux objectifs : d'abord, évidemment, augmenter les capacités de nos flottes d'hélicoptères ; ensuite, vous l'avez d'ailleurs dit, sauvegarder nos industries aéronautiques, pour des raisons sociales, économiques et de souveraineté. C'est ce qui nous conduit à anticiper et à augmenter les commandes d'appareils par rapport à ce qui est prévu dans la LPM.
Il s'agit inévitablement de dépenses supplémentaires mais qui me paraissent plus vertueuses que des subventions à fonds perdus. L'État fera en effet d'une pierre deux coups : accroître nos capacités militaires et participer à la relance.
Qu'on le dise franchement ! J'y suis favorable.
Merci, Madame la présidente, pour la création de cette mission flash. Dans la continuité de ce que vient de dire Charles de la Verpillière, il me semble important de rappeler que la LPM prévoit effectivement une remontée en puissance capacitaire adaptée à un temps de paix, comme l'a dit devant nous le chef d'état-major des armées. Toutefois, des questions se posent au regard de la dégradation du climat international et de l'intensification de nos opérations extérieures. Un appareil peut être détruit en quelques minutes en opérations, alors que le temps de construction d'un nouvel hélicoptère est très long. En outre, les sites industriels intervenant sur les hélicoptères sont pour la plupart localisés en France ou en Europe – Airbus Helicopters est d'ailleurs très présent dans ma région. Dès lors, soutenir l'accroissement des capacités de la composante héliportée, c'est abonder une industrie nationale ou européenne, et soutenir les emplois. Notre commission, qui semble relativement unanime en la matière, pourrait ainsi être à l'origine d'une résolution soulignant l'exigence de soutenir notre industrie de souveraineté. Je ne doute pas qu'une telle piste pourrait également être évoquée dans le cadre des travaux de la mission confiée à MM. Griveaux et Thiériot.
En effet, votre proposition pourrait aussi être abordée dans le cadre des travaux des autres missions flash, toutes liées, de près ou de loin, à l'actualité du plan de relance.
Dans le cadre de mes précédents rapports budgétaires, j'avais attiré l'attention, dès 2018, sur la nécessité de remplacer au plus vite les hélicoptères légers de la marine compte tenu de l'âge avancé de certains d'entre eux, dont les Alouette III. Au printemps 2019, la ministre des Armées a annoncé avoir trouvé un accord avec Airbus pour accélérer les livraisons du programme HIL, rebaptisé Guépard. Pourtant, en 2020, j'avais souligné que le calendrier du HIL n'était pas accéléré pour la marine. L'amiral Prazuck, avec sa bienveillance naturelle, avait relevé qu'un tel décalage permettrait d'éviter les rétrofit s en disposant d'une flotte homogène, livrée au dernier standard. Afin de tenir jusqu'aux premières livraisons, la DGA a notifié, en février, un contrat de location d'une flotte intérimaire de quatre H160 neuf auprès d'Airbus, de Safran et de Babcock pour la maintenance, ainsi que de douze Dauphin. J'aurai deux questions : pensez-vous que ces appareils permettront de combler la lacune capacitaire engagée depuis de nombreuses années ? pensez-vous que l'actualisation de la programmation puisse être l'occasion d'accélérer encore les livraisons de Guépard ?
Merci pour ce rapport intéressant. En ce qui me concerne, je me pose des questions sur l'augmentation mécanique du coût à l'heure de vol des appareils, notamment depuis la mise en place des nouveaux contrats. Aujourd'hui, nous avons presque atteint 23 000 euros l'heure de vol de Caïman, alors qu'Airbus s'était engagé à ce qu'il ne faille compter que quatre heures de maintenance pour une heure de vol, et que nous en sommes à vingt heures. Si je partage la préoccupation de Charles de la Verpillière et de Philippe Michel-Kleisbauer de donner les moyens à Airbus de passer cette crise, je m'interroge sur la capacité de l'industriel d'expliquer ces engagements non tenus et ces dérives des coûts. Je me demande si dans le cadre de notre commission, nous ne devrions pas envisager de conduire un audit pour mieux comprendre ce qu'il se passe et les difficultés de l'industriel à répondre aux besoins de l'État.
Tout d'abord, pour répondre à Fabien Gouttefarde, si je ne dispose pas de liste exhaustive des accidents survenus ces dernières années, je rappellerai que le haut niveau d'engagement des hélicoptères s'est traduit d'ailleurs par des pertes conséquentes sur le terrain : la collision d'un Tigre et d'un Cougar lors d'une opération de combat, le 25 novembre 2019, a causé la mort de treize militaires ; celle de deux Gazelle de l'École de l'aviation légère de l'armée de terre, le 2 février 2018, a causé la mort de cinq personnels ; un crash d'un Cougar lors d'une mission d'entraînement au nord de Tarbes, le 15 avril 2020, a fait 2 morts ; de même qu'un accident à Biscarosse lors d'un exercice de treuillage à partir d'un Caracal, 29 avril 2020. En outre, nous avons perdu une Gazelle en juin dernier, comme vous l'évoquiez. Dans ce contexte, il est indispensable de compter sur des capacités d'évacuation au combat (RESCo ou IMEX) robustes et au plus haut niveau.
Merci, en effet, d'avoir évoqué ce reportage, et je vous invite tous à le regarder. Nous avons eu un retour direct sur cette évacuation, et nous devons son succès à l'héroïsme des hommes. Ils vont bien aujourd'hui mais si certains sont rentrés avec de sérieuses blessures, notamment au niveau des vertèbres. Au-delà de nos capacités techniques, il y aura toujours le facteur humain.
Je tiens également à dire à Charles de la Verpillière combien je suis d'accord avec lui. Il s'agit d'ailleurs de l'une de nos recommandations puisque notre rapport fait directement référence au plan de relance et à la nécessité de soutenir notre industrie par la défense. La commande de vingt Caracal plutôt que huit vise ainsi à soutenir l'industrie française, puisqu'il s'agit d'un appareil totalement français, dont le moteur est construit à Bordes et la cellule à Marignane. Au niveau européen, le plan de relance pourrait permettre de commander des hélicoptères Caïman supplémentaires !
S'agissant du coût, une gestion de bon père de famille me semble toujours préférable. En l'état, il est envisagé de procéder à la location d'appareils de douze Caracal d'occasion qui, pour la plupart, étaient auparavant employés sur les plateformes pétrolières et sont de générations différentes. Il faudrait donc les militariser, les moderniser, et les envoyer en grande visite au bout de cinq ans, alors que nous aurions quinze ans devant nous avec des appareils neufs. Bref, en commandant vingt appareils, nous ferions des économies !
L'industriel rencontre des difficultés, et nous estimons qu'il serait raisonnable de le soutenir en commandant un appareil strictement français. En outre, il me semble que nous pourrions alors compter sur l'industriel pour fournir un effort sur le prix – sans le contraindre outre-mesure évidemment – et mettre à disposition de la base aérienne de Cazaux un simulateur, comme le concessionnaire automobile vous offre un porte-clés.
Monsieur Michel-Kleisbauer, il est évidemment essentiel de nous accorder avec nos collègues Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot, et je crois comprendre de nos premiers échanges que c'est bien le cas.
M. Marilossian a évoqué la flotte intérimaire de la marine. En effet, une solution intérimaire de location de douze appareils Dauphins et de quatre H160 a été mise en place afin d'attendre les premières livraisons de Guépard. Les premières livraisons de Guépard pourraient intervenir dès 2027. La solution intérimaire présente l'avantage d'amoindrir la rupture temporaire de capacité à laquelle fait face la marine. Au final, on en revient toujours à la même question : avons-nous les moyens de nos ambitions ou les ambitions de nos moyens ? Nous avons reçu la garantie que les contrats opérationnels parvenaient, tant bien que mal, à être tenus, et que le socle de la préparation opérationnelle était maintenu. Les choses sont plus difficiles dans le haut du spectre.
Enfin, comment ne pas être d'accord avec Mme Mauborgne s'agissant des marges de progression de l'industriel ! Toutefois, ne nous voilons pas la face, les crédits d'entretien programmé du matériel vont continuer d'augmenter car les flottes sont vieillissantes et les appareils les plus récents sont très complexes. En outre, si la réforme engagée par la ministre porte ses fruits – ce dont nous ne doutons pas – les appareils voleront plus, il faudra donc les entretenir davantage, ce qui coûtera plus cher. Vous avez évoqué le cas du NH 90 : en effet, près de vingt mécaniciens doivent être mobilisés contre deux envisagés initialement, ce qui n'est pas sans conséquence sur la pénurie de personnels que rencontre l'ALAT, par exemple ; le MCO y est également plus complexe car il s'agit d'un appareil conçu en coopération, ce qui ne simplifie jamais les choses. Le coût à l'heure de vol, en revanche, semble se maintenir, même s'il est figé à un haut niveau. La démarche initiée par la ministre – globalisation et verticalisation des contrats – va dans le bon sens : elle renforce la responsabilité des acteurs industriels, prévoit des pénalités financières en cas de dépassement des délais – ce qui me semble de nature à les motiver – et elle commence à porter ses fruits.
Avec plus de temps, nous aurions sans doute pu comparer plus finalement l'évolution du coût à l'heure de vol avant et après la mise en place de la réforme. En revanche, je confirme que l'ensemble de nos interlocuteurs nous ont dit que cette réforme allait dans le bon sens.
Je reviens sur la proposition formulée par Mme Mauborgne de conduire un audit : c'est la responsabilité de la DGA et de la direction de la maintenance aéronautique de s'assurer que les industriels respectent leurs contrats, et nous leur faisons confiance !
Enfin, il me semble important de préciser qu'au-delà de la réforme en tant que tel, il nous paraît important, au regard de l'expérience de la crise sanitaire, de disposer d'un stock stratégique suffisant de pièces de rechange pour renforcer la résilience des forces. D'autant que l'accroissement de l'intensité des affrontements peut laisser penser que les hélicoptères seront de plus en plus en tension.
Je vous remercie et vous félicite pour ce beau travail. Nous devons aux militaires qui ont perdu la vie lors d'accidents d'hélicoptères et à celles et ceux qui chaque jour la risquent au service de la France de disposer de moyens performants et toujours plus adaptés aux besoins opérationnels.
La commission autorise à l'unanimité la publication du rapport.
La séance est levée à onze heures cinq.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Xavier Batut, M. Stéphane Baudu, M. Thibault Bazin, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Philippe Chalumeau, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Françoise Dumas, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Claude de Ganay, Mme Séverine Gipson, M. Fabien Gouttefarde, M. Fabien Lainé, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Florence Morlighem, M. Jean-François Parigi, Mme Nathalie Serre, M. Jean-Louis Thiériot, M. Charles de la Verpillière
Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Olivier Becht, M. Sylvain Brial, M. André Chassaigne, M. Alexis Corbière, M. Olivier Faure, M. Yannick Favennec Becot, M. Richard Ferrand, M. Benjamin Griveaux, M. Stanislas Guerini, M. Christian Jacob, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Gilles Le Gendre, Mme Monica Michel, Mme Josy Poueyto, M. Joaquim Pueyo, M. Bernard Reynès, M. Joachim Son-Forget, M. Aurélien Taché