La séance est ouverte à huit heures trente.
Mes chers collègues, nous examinons ce matin les articles 7 à 19 du projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, que va nous présenter notre rapporteur pour avis, Jean-Michel Jacques.
Le projet de loi a été renvoyé au fond à la commission des lois, qui a auditionné hier le ministre de l'intérieur et le garde des Sceaux. Cette commission commencera l'examen des articles demain matin, à neuf heures, puis la discussion en séance publique aura lieu les 1er et 2 juin. Ce calendrier serré – il l'est d'autant plus qu'une partie des articles n'a été ajoutée au projet de loi initial par lettre rectificative que mercredi dernier – explique l'horaire quelque peu inhabituel de notre réunion.
J'ai souhaité que notre commission se saisisse des dispositions relatives au renseignement, car elle est au premier chef concernée par les enjeux de cette politique publique. Je tiens à le souligner en préambule : le seul objectif n'est pas la prévention d'actes de terrorisme. Cette politique vise aussi à garantir l'indépendance nationale, les intérêts majeurs de notre politique étrangère et les intérêts économiques, industriels et scientifiques essentiels de la France, mais aussi à assurer la prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, la prévention des violences collectives, de la criminalité et de la délinquance organisées, et enfin la prévention de la prolifération des armes de destruction massive.
Le ministère des armées contribue pleinement à cette politique, en s'appuyant sur trois services : la direction générale de la sécurité extérieure, la direction du renseignement et de la sécurité de la défense et la direction du renseignement militaire.
Notre commission suit de près l'action du ministère en matière de renseignement : nous avons remis l'an dernier, de concert avec la commission des lois – Loïc Kervran était alors notre rapporteur –, un rapport d'information sur l'évaluation de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Nous avons mené, par ailleurs, entre le mois de février et la semaine dernière, un cycle d'auditions préparatoires à l'examen du présent projet de loi. Cela nous a conduits à auditionner le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, Laurent Nuñez, les trois chefs des services de renseignement rattachés au ministère des armées que j'ai cités, le directeur général de la sécurité intérieure, le sous-directeur de l'anticipation opérationnelle de la gendarmerie nationale, la directrice des affaires juridiques du ministère des armées et, la semaine dernière, le président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Je crois pouvoir dire que notre commission est pleinement informée des enjeux de ce projet de loi.
Le travail de notre commission est complété par celui de la délégation parlementaire au renseignement (DPR), que je préside et qui comprend parmi ses membres plusieurs commissaires de la défense.
Le contrôle parlementaire sur la politique publique du renseignement est au cœur des préoccupations de la DPR. Les députés qui en sont membres ont déposé un amendement multipartisan qui vise à renforcer ses prérogatives en matière de contrôle. Je reviendrai plus en détail sur cet amendement au moment de son examen.
Je souhaite également rendre un hommage appuyé à tous nos agents, civils et militaires, des services de renseignement. Ils agissent dans l'ombre au service de la France, parfois jusqu'au sacrifice suprême. On ne leur rendra jamais trop hommage.
Deux autres thématiques entrent dans le cadre de notre saisine. L'une est relative à la lutte contre les drones présentant une menace, que je laisserai à notre rapporteur le soin de présenter, et l'autre à l'accès aux archives, qui nécessite de trouver un équilibre entre deux exigences légitimes : la liberté d'accès aux archives, qui est à mes yeux un élément constitutif de tout régime démocratique, mais aussi la nécessaire protection du secret de la défense nationale qui est, pour sa part, un élément constitutif indispensable de notre sécurité. L'équilibre proposé, au sujet duquel des chercheurs ont été consultés – j'en ai moi-même reçu beaucoup, pour écouter leurs préoccupations – me paraît un bon compromis allant dans le sens d'une libéralisation de l'accès aux archives tout en prenant en compte certains impératifs du secret de la défense nationale.
Nous examinons ce matin, pour avis, les chapitres II, III et IV du projet de loi relatif à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement, qui concernent respectivement la politique publique du renseignement, la lutte contre les drones présentant une menace et les archives intéressant la défense nationale.
Le contexte sécuritaire est bien connu de tous. C'est celui de la guerre hybride, qui fait du continuum sécurité-défense un enjeu plus que jamais crucial pour la sécurité de nos concitoyens. La ministre des armées le rappelait le 1er février dernier à Orléans : « Le terrorisme est la menace la plus meurtrière à laquelle nous faisons face aujourd'hui. »
L'ensemble du ministère des armées s'est mobilisé et adapté pour faire face à une menace terroriste globale, par son engagement dans les opérations extérieures – Chammal au Levant, Barkhane au Sahel – et intérieure – Sentinelle –, mais aussi dans les nouveaux champs de conflictualité, comme le cyber et la lutte informationnelle.
Si le terrorisme constitue la première des menaces, il importe de rappeler que la politique publique du renseignement n'a pas pour seule finalité la prévention d'actes de terrorisme. Vous l'avez souligné, Madame la présidente.
Il est important dans ce contexte, vous en conviendrez, que nos services de renseignement – ceux du ministère des armées mais aussi ceux des autres ministères, en particulier la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) – disposent de moyens efficaces pour mener leur action, surtout que les services d'autres États, ou proto-États, agissent, eux, sans cadre légal et d'une façon totalement désinhibée. Renforcer l'efficacité des services, tel est le sens du projet de loi.
Je commencerai par présenter brièvement les dispositions relatives à la politique publique du renseignement.
Le législateur a adopté le 24 juillet 2015 un texte novateur en la matière. Cette loi définit les modalités de recours aux techniques de renseignement. L'usage de ces dernières ne peut être autorisé que par le Premier ministre, après avis d'une autorité administrative créée en 2015, la CNCTR. La loi a également établi un contrôle juridictionnel, en instituant une formation spécialisée au sein du Conseil d'État. Enfin, la CNCTR exerce un contrôle a posteriori sur le respect, par les services de renseignement, des autorisations délivrées par le Premier ministre. C'est un cadre qui protège à la fois les libertés de nos concitoyens et les agents de nos services de renseignement puisque leur action est légitimée par la loi. Ce cadre légal équilibré a nécessité – il faut le souligner – que les services se réorganisent et mobilisent de la ressource humaine et financière pour se conformer à la loi.
La loi de 2015 est considérée aussi bien par le Gouvernement que par la CNCTR comme un cadre éprouvé et approuvé dont il importe – j'insiste beaucoup sur ce point – de maintenir l'architecture et l'équilibre, entre respect des libertés et garantie de l'efficacité de nos services au profit de la sécurité nationale. Les articles 7 à 17 maintiennent cet équilibre et le consolident. Ils apportent des compléments à la loi et visent à renforcer les moyens de nos services de même que le contrôle de la CNCTR. Je distinguerai trois types de dispositions.
Tout d'abord, le projet de loi apporte des ajustements aux dispositifs existants.
Un premier ensemble de mesures d'ajustement vise à encadrer, d'une part, les conditions dans lesquelles les services peuvent exploiter les renseignements pour une finalité différente de celle qui en a justifié le recueil et, d'autre part, le partage de renseignement.
L'article 7 favorise ainsi la coopération entre les services pour éviter tout « trou dans la raquette » et restreindre l'usage de techniques intrusives.
Dans le même ordre d'idées, l'article 17 organise les échanges d'information entre les services judiciaires et les services de renseignement dans le cadre de la lutte contre la cybercriminalité et la criminalité organisée, ainsi qu'entre les services judiciaires et l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information. Je me réjouis de cette mesure tendant à renforcer la synergie entre les enquêtes judiciaires et le renseignement administratif.
L'article 8, quant à lui, autorise la conservation de données collectées pendant une durée de cinq ans à de strictes fins de recherche et développement. Cette disposition permettra d'« entraîner » les programmes d'intelligence artificielle et ainsi de faire face à l'augmentation massive du volume de données captées dans un contexte de numérisation de la société.
L'article 9 harmonise les durées d'autorisation de recours aux techniques de recueil et de captation de données informatiques. C'est une mesure de simplification qui me paraît de bon sens.
L'article 10 étend les possibilités de réquisition des opérateurs de communications électroniques s'agissant du recueil et de la captation de données informatiques ainsi que des IMSI- catchers, compte tenu du déploiement en cours de la 5G.
L'article 12 vise à pérenniser la technique de l'algorithme, jusque-là expérimentale. Le Gouvernement a en effet présenté au Parlement, l'an dernier, un bilan concluant à l'efficacité de ce dispositif pour prévenir les actes terroristes.
L'article 13 étend cette technique algorithmique aux adresses internet. Actuellement, les trois algorithmes utilisés ne s'étendent qu'aux factures détaillées, les fameuses métadonnées. Une extension aux adresses internet me paraît indispensable car la communication s'effectue de plus en plus sur la toile et de moins en moins par téléphone. Cette extension aux URL est particulièrement utile pour détecter des menaces du bas du spectre, c'est-à-dire, concrètement, des signaux faibles de radicalisation chez des individus inconnus des services et qui passent très vite à l'acte, avec peu ou pas de moyens. Le dispositif est assorti de plusieurs garanties. Tout d'abord, la technique de l'algorithme se limite à la prévention du terrorisme. En outre, comme le prévoit le droit en vigueur, la levée de l'anonymat des personnes détectées n'est possible qu'en cas de menace caractérisée et après autorisation du Premier ministre, accordée après avis de la CNCTR. Le dispositif est donc sérieusement bordé.
Enfin, l'article 14 étend la possibilité de recueil de données en temps réel aux adresses internet. Ces données ne pourront être conservées que pendant 120 jours. Une telle mesure paraît cohérente avec l'extension du dispositif de l'algorithme à ces mêmes URL.
Le deuxième type de mesures vise à préparer l'avenir en adaptant la loi aux évolutions technologiques – en l'occurrence, à la technique des communications satellitaires. Vous savez sans doute que plusieurs opérateurs ont le projet de mettre en orbite des milliers de satellites de télécommunications. C'est pourquoi l'article 11 prévoit à titre expérimental la possibilité de procéder à des interceptions de sécurité sur les communications satellitaires, au même titre que sur les communications téléphoniques. Le dispositif retenu consiste à créer une nouvelle modalité d'interception de correspondances qui sera mise en œuvre directement à l'aide d'un dispositif ou d'un appareil de captation, sans que l'opérateur réponde à une réquisition d'interception.
Enfin, un troisième ensemble de mesures en matière de renseignement vise à tirer les conséquences de l'arrêt French Data Networks rendu par le Conseil d'État le 21 avril dernier, selon lequel la conservation généralisée des données est aujourd'hui justifiée par la menace grave pesant sur la sécurité nationale.
L'article 15 définit les modalités de conservation des données de connexion en cas de menace grave, actuelle ou prévisible sur la sécurité nationale. Il prévoit notamment une obligation de conservation généralisée et indifférenciée des données de connexion pour des motifs tenant à la sauvegarde de la sécurité nationale. Cette conservation sera strictement encadrée.
L'article 16 renforce le contrôle exercé par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Il prévoit que si le Premier ministre autorise le recours à une technique de renseignement en dépit d'un avis défavorable de la Commission, la formation spécialisée du Conseil d'État est immédiatement saisie par le président de la Commission. Le juge administratif doit alors se prononcer dans les vingt-quatre heures et l'autorisation du Premier ministre est suspendue, sauf cas d'urgence.
Le troisième chapitre concerne la lutte contre les drones présentant une menace. L'article 18 prévoit de rendre inopérant l'équipement radioélectrique des drones considérés comme malveillants par les services de l'État concourant à la sécurité intérieure, à la défense nationale et au service public de la justice. La neutralisation sera autorisée aux seules fins de prévenir les menaces pour la sécurité des personnes et des biens ou le survol d'une zone en violation d'une interdiction.
Le quatrième chapitre concerne les archives intéressant la défense nationale. Ce chapitre, constitué de l'article 19, modifie l'article L. 213-2 du code du patrimoine pour clarifier le régime de communicabilité des archives classifiées dans le sens d'une plus grande ouverture au bénéfice de l'ensemble des usagers des services d'archives, en particulier des chercheurs et des historiens. Le cadre proposé permet de garantir la protection des documents les plus sensibles pour la défense nationale, notamment ceux des services de renseignement, vis-à-vis des puissances étrangères ou des organisations qui seraient hostiles à notre pays.
Cette ouverture comporte trois avantages incontestables pour les services d'archives, pour les chercheurs et les historiens, pour les membres des services de renseignement et pour les citoyens et leur sécurité. Le premier est l'accès facilité aux archives. En rendant communicable l'écrasante majorité des documents classifiés datant de plus de cinquante ans, ce dispositif va alléger de manière considérable la charge pesant actuellement sur les services publics d'archives pour la préparation matérielle des demandes de déclassification, leur suivi et le démarquage des documents concernés.
En outre, la modification du code du patrimoine proposée par le projet de loi permettra aux agents des services publics d'archives d'écarter le risque pénal de compromission associé à la communication de documents portant un timbre de classification. Cette mesure aura pour conséquence une ouverture très importante des archives classifiées. Plusieurs centaines de milliers de documents seront ouverts, alors qu'actuellement leur communication n'est possible qu'après une déclassification formelle et un démarquage préalable. Le service historique de la défense estime que la mesure permettra l'ouverture de 650 000 dossiers.
C'est une réelle avancée car la situation actuelle obère les ressources des services d'archives et provoque la paralysie de nombre de travaux de recherches historiques portant sur la Seconde guerre mondiale, la guerre d'Algérie et la Guerre froide. En tant que rapporteur, je considère que la demande des historiens, des étudiants et du monde de la recherche a été ici pleinement prise en compte par le Gouvernement.
Le deuxième avantage est une protection plus grande pour les membres des services du renseignement.
Enfin, le troisième et dernier avantage n'est pas des moindres. Les nouvelles dispositions permettront une meilleure protection du citoyen, grâce à une mention explicite des documents dont la communication pourrait être préjudiciable à leur sécurité dans quatre cas : les plans de centrales nucléaires, de barrages hydrauliques, d'infrastructures militaires ; les matériels de guerre ; les procédures opérationnelles des services de renseignement ; le système de contrôle gouvernemental de la dissuasion nucléaire. Si la modification proposée du code du patrimoine est adoptée, les délais de consultation seront significativement réduits.
Cette modification est plus qu'une clarification juridique, elle permet de respecter deux principes de valeur constitutionnelle. Le secret de la défense nationale, qui contribue à l'exigence constitutionnelle de protection des intérêts fondamentaux de la nation, doit, dans le cas des archives, être concilié avec l'impératif constitutionnel du droit d'accès aux archives publiques. Dans ce projet de loi, le secret de la défense nationale reste un outil plus que jamais conciliable avec la démocratie et l'État de droit.
En conclusion, chers collègues, je souhaiterais rendre un hommage appuyé à nos agents des services de renseignement, civils et militaires. Ils agissent dans l'ombre et avec abnégation pour la sécurité de nos concitoyens. Soyons leur fervent défenseur et n'oublions jamais ceux morts pour la France, parfois dans l'anonymat.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre exposé exhaustif. Vous avez mis en valeur les instruments de prévention dont nous disposons, afin de lutter contre une menace terroriste qui demeure très élevée sur l'ensemble du territoire. Comme vous l'avez démontré, il est important de rappeler que le projet de loi vise à pérenniser et à compléter les dispositions de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, promulguée par le Président de la République en 2017. Le texte avait instauré de nouvelles mesures de police administrative, inspirées de l'état d'urgence. Ses dispositions ont démontré leur grande utilité opérationnelle, que ce soit en amont de l'ouverture d'une procédure judiciaire pour assurer le suivi d'une personne manifestant des signes de radicalisation ou à l'issue de la détention d'une personne condamnée pour une infraction à caractère terroriste. Le nombre mesuré de contrôles et les faibles taux de contestation des jugements justifient une telle pérennisation.
Malgré cela, il existe certaines réserves. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a ainsi estimé nécessaire d'encadrer plus strictement les dispositifs prévus par le projet de loi. Nombre de ses recommandations ont été prises en compte par le Gouvernement et il appartient désormais au législateur de définir les contours de cet équilibre au regard des exigences constitutionnelles et européennes. Quelles sont les mesures prévues pour garantir un équilibre entre les impératifs légitimes de sécurité et le respect de la vie privée de nos concitoyens ?
Ce projet de loi est l'aboutissement de différentes expérimentations instaurées par la loi relative au renseignement de 2015. Transcrire dans la loi la réalité du terrain était important, compte tenu notamment du besoin qu'ont les services de partager entre eux les informations qu'ils collectent, l'ennemi pouvant venir de l'extérieur comme de l'intérieur. De plus, l'évolution rapide des technologies de communication, accessibles à tout un chacun, comme la 5G ou les communications satellitaires, obligent nos services à s'adapter constamment afin de les intercepter. Rappelons que trente-trois projets d'attentat ont été déjoués depuis 2017. L'interception des communications permet de les tuer dans l'œuf, sauvant des vies et évitant à notre pays de sombrer un peu plus dans le séparatisme qui le secoue.
Par ailleurs, cette loi tire les conséquences de la bonne décision, rendue par le Conseil d'État le 21 avril dernier, confirmant que l'état de la menace pour la sécurité nationale justifiait le recours à une conservation généralisée des données. Il est capital que la France conserve toute sa souveraineté juridique en la matière et ne capitule pas face à la Cour de justice de l'Union européenne, démontrant que nous sommes tout à fait capables d'assurer les libertés fondamentales de nos concitoyens, tout en répondant à l'impératif de leur sûreté.
Enfin, pour ce qui est de la délégation parlementaire au renseignement, créée sous Nicolas Sarkozy et dont j'ai l'honneur de faire partie, je qualifierai l'amendement que nous présentons avec Mmes les présidentes des commissions de la défense et des lois et M. Loïc Kervran d'avancée majeure concernant le contrôle parlementaire dans le domaine du renseignement. En effet, si les services de renseignement ne peuvent pas être, par essence, transparents envers la population de manière générale, il est d'autant plus important qu'ils le soient pour quelques-uns de leurs représentants, par ailleurs dûment habilités. L'extension du domaine du renseignement et la complexification des techniques employées, qu'il nous appartiendra de voter, implique, pour rassurer les Français quant à d'éventuelles dérives, qu'un contrôle accru et approfondi soit assuré par le Parlement. J'espère que le Gouvernement lui apportera un avis favorable : c'est l'occasion, maintes fois ratée durant ce quinquennat, d'accorder au Parlement toute la place que la Constitution lui a conférée.
Pour conclure, je n'exprime aucune réserve particulière concernant les articles sur lesquels nous sommes saisis pour avis. J'ai pu constater le professionnalisme des hommes et des femmes des services protégeant nos concitoyens. C'est notre rôle de parlementaires de leur fournir les outils nécessaires à la bonne réussite de leur mission.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie d'avoir réaffirmé l'importance du sujet du projet de loi dans votre très instructif propos introductif. Je m'associe, au nom de mon groupe, aux félicitations et aux remerciements adressés aux agents du renseignement.
Il y a quelques jours, la CNIL a publié ses avis concernant le projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement. Elle y souligne la nécessité d'accompagner les moyens dont disposent nos services de renseignement de garanties contre les atteintes qui pourraient être portées à la vie privée des personnes concernées. Elle a également souligné l'impossibilité pour elle de se prononcer sur la pérennisation de la technique dite de l'algorithme, notamment abordée à l'article 12 du projet de loi, « le bilan détaillé étant couvert par le secret de la défense nationale et n'étant accessible qu'à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) et à la délégation parlementaire au renseignement ».
Elle poursuit ainsi, dans sa synthèse sur le projet de loi : « En 2015, une nouvelle technique de renseignement a été créée afin de détecter automatiquement les connexions téléphoniques ou sur internet susceptibles de révéler une menace terroriste. […] La CNIL a également souligné que l'extension de cette technique aux adresses des sites internet, les URL, en modifie fortement la portée. Elle a demandé qu'une telle extension fasse à nouveau l'objet d'une phase expérimentale, sans être suivie sur ce point par le Gouvernement. » Il s'agit en effet d'une technique pour le moins intrusive, qui analyse l'ensemble des données d'un groupe de personnes au détriment d'une surveillance ciblée.
Quel est votre avis, monsieur le rapporteur, sur la pérennisation de ce dispositif ? Les techniques traditionnelles ne sont-elles pas suffisantes ?
Je remercie M. le rapporteur pour le travail et pour la présentation qu'il vient de faire, ainsi que Mme la présidente pour la saisine pour avis de la commission de la défense, qui semble toute naturelle étant donné que, parmi les six services du premier cercle, trois dépendent du ministère des armées : DGSE, DRM et DRSD. On pourrait même imaginer un monde dans lequel la commission de la défense serait saisie au fond sur ce genre de texte qui concerne directement notre sécurité dans le cadre du continuum sécurité-défense. Dans cette attente, nous pouvons compter sur Loïc Kervran, qui nous représente dignement au sein de la commission des lois comme rapporteur.
Cela a été rappelé, trente-deux attentats ont été déjoués depuis 2017, ce qui nous rappelle que la menace terroriste se situe toujours à un niveau élevé, et que bien qu'étant la plus emblématique, elle n'est pas la seule. C'est dans ce contexte qu'il nous revient d'étudier le projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, et plus précisément ses chapitres « Dispositions relatives au renseignement », « Dispositions relatives à la lutte contre les aéronefs circulant sans personne à bord présentant une menace » et « Dispositions relatives aux archives intéressant la défense nationale ».
L'apport des nouveaux dispositifs autorisés par ce texte, tels que la technique algorithmique, l'intégration des URL dans le champ des données pouvant faire l'objet d'une détection en temps réel, l'évolution de la conservation des données ou le partage de l'information entre services sont autant d'outils devant figurer dans la palette de nos services.
Il est de notre responsabilité de donner à ceux qui travaillent dans l'ombre les moyens dont ils ont besoin pour protéger le territoire national ainsi que nos compatriotes et de sécuriser leurs usages.
Pour ces raisons, le groupe Agir ensemble votera sans réserve l'ensemble des articles dont nous sommes saisis.
Enfin, de plus en plus de textes, de données et de vidéos transitent par des messageries instantanées, le plus souvent cryptées. Monsieur le rapporteur, quel est votre avis sur le périmètre des données que nous sommes en mesure de collecter sur ces messageries puisque ceux qui veulent se cacher et ne pas dévoiler leurs projets utilisent de moins en moins des réseaux ouverts ? Pouvez-vous nous dresser un état des lieux de la manière dont nous sommes légalement en mesure de faire du renseignement sur ces messageries cryptées ?
Pour que nous nous saisissions au fond, il faudrait que la commission de la défense puisse aussi s'occuper de la sécurité intérieure, ce qui est un autre débat, qui nous dépasse largement. Nous avons cependant gentiment prêté à la commission des lois notre collègue Loïc Kervran, afin qu'il puisse mettre toutes ses compétences à son service.
Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, pour ce rapport très complet et me réjouis que notre commission ait été saisie pour avis de ce projet de loi.
Le groupe UDI et Indépendants considère qu'il s'agit d'un texte à la fois important et nécessaire qui permettra à la France de lutter plus efficacement contre la principale menace meurtrière qui guette notre pays : le terrorisme islamiste.
Nous le savons ici, et malheureusement plus que d'autres, la menace terroriste est particulièrement mouvante et de plus en plus difficile à détecter. Le ministre de l'intérieur l'a d'ailleurs rappelé hier après-midi en commission des lois : aucun des auteurs des neuf derniers attentats qui ont frappé la France n'était connu des services de renseignement français. Il est donc urgent de donner à nos services les moyens d'identifier plus précocement les signaux faibles, tout en renforçant leur capacité opérationnelle, afin de gagner en précision, en efficacité, et, bien sûr, en indépendance.
Les dispositions de ce projet de loi, telles que la pérennisation de l'autorisation de recourir à la technique de l'algorithme, l'extension de la surveillance algorithmique aux URL, l'échange de renseignements entre les différents services ou l'interception de correspondances émises ou reçues par la voie satellitaire permettront, à condition qu'elles soient bien encadrées et que tous les doutes soient levés quant à leur constitutionnalité, de répondre à l'évolution rapide des technologies et des comportements.
De même, le régime dérogatoire de conservation des données dont bénéficieront nos services de renseignement permettra d'améliorer les outils d'intelligence artificielle dont ils disposent. Si cela va assurément dans le bon sens, notre groupe considère que des garde-fous doivent être posés afin que ces dispositions, bien que nécessaires, malheureusement, ne se transforment pas un jour en armes contre toutes nos libertés.
Je me joins pour conclure à vos propos, Madame la présidente, ainsi qu'à ceux de notre rapporteur, pour remercier tous nos agents du renseignement pour leur engagement et pour leur dévouement, parfois au péril de leur vie. J'ai bien sûr une pensée toute particulière pour ceux qui y ont, justement, laissé la leur.
Je vous remercie tout d'abord, madame la présidente, monsieur le rapporteur, pour vos interventions préliminaires qui ont apporté des éclaircissements très intéressants, ce que je vous reproche d'ailleurs, car vous avez répondu par anticipation à des questions que je souhaitais poser.
Je précise que mon groupe n'a pas encore étudié le projet de loi : il le fera tout à l'heure. Je ne m'exprimerai donc pas sur son vote.
Une question de forme en préalable – même si vous n'y êtes pour rien, madame la présidente. Tout d'abord, le recours à la procédure accélérée évite un débat approfondi, ce que nous regrettons à chaque fois. En outre, nous n'avons eu connaissance de la lettre rectificative que le 12 mai au soir – et je ne l'ai découverte que le samedi suivant, après avoir travaillé sur le texte – et les amendements devaient être déposés avant dix-sept heures le vendredi, en plein week-end de l'Ascension ! Tout cela n'est pas très respectueux du travail parlementaire ni une bonne façon de travailler.
Sur le fond, je commencerai par poser une question qui ne concerne pas directement les articles qui sont soumis à notre analyse aujourd'hui : quelle est la définition des terroristes ? Ainsi, vers chez moi, trois gendarmes ont été tués par un loup plus ou moins solitaire, survivaliste et chrétien, allant à l'église tous les dimanches. Peut-on le considérer comme un terroriste ? Il faut éclaircir ce point car de plus en plus de gens peuvent être considérés comme dangereux dans notre pays, notamment dans les territoires ruraux. Il y a à cet égard des « trous dans la raquette ». Le problème du partage des renseignements entre différents services se pose très concrètement.
Il s'agit ici d'ancrer dans le droit commun des dispositifs de renforcement du pouvoir exécutif, avec l'extension des pouvoirs de police administrative et l'anticipation – on peut s'interroger sur ce point – de la répression de comportements que l'on considère comme potentiellement dangereux. On est donc sur le fil du rasoir entre, d'un côté, l'efficacité du renseignement et la lutte contre le terrorisme, et, de l'autre, les libertés individuelles et la protection de la vie privée. Je crois que cette préoccupation traverse tous les groupes. Il est bon d'en être conscient alors que les mesures proposées dans ce texte, à travers l'inclusion des adresses URL, permettront de voir les adresses web qui ont pu être consultées par des internautes.
Enfin, j'étais dans un premier temps interrogatif sur l'article 19 du projet de loi relatif à l'accès aux archives. Or il est vrai qu'il apparaît désormais globalement suffisant et de nature à lever certaines inquiétudes. Quelques amendements de précision semblent avoir été déposés de façon transpartisane. En tout cas, contrairement à ma première approche, je le crois à présent équilibré.
Effectivement, c'est un texte qui interroge beaucoup. Comme nous l'avons souvent souligné au sein de cette commission, le danger change et ne cesse de changer, et comme vient de le pointer André Chassaigne, comment définir un terroriste ? Le danger peut venir de partout et à n'importe quel moment. C'est vrai en France et dans le monde entier. Une telle situation s'explique par le manque de sens de nos vies, par la montée du désespoir et par l'absence de repères, qui se sont estompés progressivement.
En ce qui concerne la défense, l'espionnage et le contre-espionnage doivent être une priorité absolue, en attendant que le bon sens ait quelque chance de revenir – je pense qu'il reviendra. Mais comment y parvenir sans modifier un peu plus profondément notre manière de faire ? Peut-on le faire vraiment avec les Turcs ou avec les Russes ? Si j'en crois quelques agents qui ont fait ce travail et qui sont à la retraite, les mauvais coups viennent parfois autant des amis potentiels que des ennemis, car on attend ces derniers. Cela est vrai même des Américains, dont la ligne n'est pas très claire. En la matière, il y a une réflexion politique à conduire à un très haut niveau. Je ne sais pas vraiment qui sont les alliés sur lesquels on peut s'appuyer. Il faut par ailleurs – beaucoup d'efforts sont faits dans ce sens – renforcer les services et les faire travailler tous ensemble, en y associant les forces vives de la Nation.
Le projet de loi doit trouver ses équilibres et être bordé. Il renforce systématiquement la position de la CNCTR : si le Premier ministre ne suit pas les avis de la Commission, celle-ci doit saisir le Conseil d'État, qui statuera dans les vingt-quatre heures. Il importait, dans la construction du projet de loi, de trouver un équilibre entre l'efficacité et un contrôle, qui soit sérieusement bordé.
Claude de Ganay a mentionné que le texte recherchait l'efficacité tout en gardant le bon équilibre. Je le remercie pour son soutien, et ne suis pas étonné de sa position.
Les techniques traditionnelles ne suffisent pas. Il est donc nécessaire d'étendre les recherches aux URL, pour détecter les signaux faibles, qui passent souvent sous les radars. Cette nouvelle technique permet de déceler des signes d'une radicalisation, qui se produit parfois de manière discrète, sur internet, tant dans les recherches d'informations des auteurs d'actes terroristes que dans leur communication.
L'expérimentation a montré son utilité. Elle a fait l'objet d'un rapport au Parlement, l'année dernière ; un autre sera remis à la fin du mois de juin. La CNCTR assure un contrôle de l'algorithme : il faut compter sur son sérieux. Il semble nécessaire de pérenniser l'algorithme. L'étendre aux URL sera un gage d'efficacité.
Quant aux messageries cryptées – Whatsapp, Telegram, Signal – que Thomas Gassilloud a évoquées, elles représentent un problème technique majeur. Nos services de renseignement disposent de laboratoires de recherche et de développement, et améliorent continuellement leurs techniques d'investigation, de façon à se mettre au niveau de l'utilisation que des terroristes peuvent faire de ces messageries. À ce stade, cela n'appelle pas de réponse sur le plan juridique. La question est cependant d'actualité : nos services travaillent sur le sujet.
Le président Chassaigne l'a souligné, la définition du terrorisme est délicate. Dans les livres d'histoire, on voit que le terme a pu être utilisé pour caractériser des profils différents. En 2021, nos institutions, ceux qui nous protègent, examinent les actes et les intentions des personnes. Il faut se fonder sur les faits plutôt que regrouper des individus sous un terme élargi, dont on ne sait pas ce qu'il recouvre. Vous avez donc raison de rappeler qu'il faut être très prudent dans le maniement des mots. Il importe surtout de retrouver des éléments caractérisés, que l'on doit cibler.
L'article 7 renforce le partage de renseignements, comme vous le souhaitez. Je partage votre souci d'éviter tout « trou dans la raquette ». Les chefs des services de renseignement que nous avons pu auditionner ont pris en compte cette dimension.
L'extension des algorithmes aux URL est très encadrée, puisqu'elle comprend plusieurs phases. La consultation de la CNCTR constitue une première étape ; la désanonymisation suppose une nouvelle autorisation. Une telle consultation sera systématique. En cas d'avis négatif, on retrouve la procédure décrite précédemment, avec ses différentes étapes.
Vous avez beaucoup travaillé, ainsi que Mme la présidente, sur le sujet des archives. Vous avez notamment reçu les représentants de l'Association des archivistes français. On peut se féliciter de la contribution citoyenne qu'ils ont apportée à ce projet de loi car elle a nourri notre réflexion. Soyons fiers de la finalité du texte, qui ouvre très largement nos archives, tout en veillant à préserver les intérêts supérieurs de la Nation en termes de sécurité.
Monsieur Lassalle, vous avez évoqué la radicalisation de notre société, une partie de la population ayant perdu ses repères. Régler le problème du terrorisme suppose de traiter aussi les problématiques sociétales. Vous le dites, il faut aussi œuvrer au niveau international, pour former des synergies avec d'autres pays, qui s'alignent sur les mêmes valeurs que nous.
La ministre des Armées l'a redit à Orléans, le terrorisme est la menace la plus meurtrière à laquelle nous faisons face aujourd'hui. Il importe que nous y investissions tous nos moyens, dans notre pays comme sur le plan international. En ce sens, la saisine pour avis de notre commission sur le projet de loi est un bon signe car nos militaires sont aussi présents à l'extérieur de notre pays. On rejoint là l'idée d'un continuum de sécurité et de défense.
La définition que le dictionnaire Le Robert donne du terrorisme est exhaustive : « Emploi systématique de la violence pour atteindre un but politique (attentats, destructions, prises d'otages) ». Elle intègre les formes de terrorisme que vous avez malheureusement vécues dans votre territoire.
Certains ont évoqué la brièveté des délais impartis. Nous n'avions pas le choix, eu égard à la lettre rectificative du 12 mai, qui a complété le projet de loi dont nous nous sommes saisis. Il fallait aussi profiter de ce véhicule législatif pour répondre rapidement à la demande de certains historiens de résoudre le problème en ce qui concerne l'accès aux archives. À la suite du rapport Stora, le Président de la République s'était notamment engagé à répondre rapidement à cette demande et faciliter cet accès. Le texte se prêtait bien à ce débat car, à chaque fois que l'on restreint, on protège les libertés et on en ouvre d'autres.
Les délais ont été courts, mais vous aurez suffisamment de temps pour déposer et défendre des amendements en séance.
Le rapport d'information sur l'évaluation de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, que Guillaume Larrivé, Loïc Kervran et Jean-Michel Mis ont remis en juin 2020, mentionne le contingentement de toutes les mesures de renseignement. Le rapporteur l'a dit, il existe un contrôle non seulement qualitatif, par la CNCTR notamment, mais aussi quantitatif, car de nombreuses mesures de renseignement sont contingentées.
C'est le cas des interceptions de sécurité, qui, après les algorithmes et les mesures administratives de renseignement, visent à connaître le contenu des conversations. Le contingentement évolue dans le temps : en 1991, le ministère de la défense avait droit à 232 interceptions de sécurité – pourquoi pas 235 ou 240 ? Chaque année, comme tous les ministères, il demande de repousser ce seuil. En 2019, il était porté à 550 – c'est beaucoup plus pour le ministère de l'intérieur. Puisque la CNCTR exerce un contrôle qualitatif, en quoi le contrôle quantitatif est-il justifié ? Si le ministère de la défense devait faire face à une vague de terrorisme en 2019, pourquoi était-il contingenté ?
Ne pourrait-on pas décontingenter ces mesures, pour l'ensemble des ministères ?
Votre question est très intéressante : qu'est-ce qui justifie le contrôle quantitatif alors qu'il existe un contrôle qualitatif ? Votre exemple est parlant : un contingent de 232 pour le ministère de la défense en 1991, contre 550 actuellement. Pourquoi ?
Les techniques de renseignement évoluent, tout comme le spectre des menaces. La guerre est désormais hybride et les menaces multiformes – menaces économiques, menaces intérieures, contexte international, etc. Il faut donc relativiser les chiffres.
Le contingentement est tout simplement un garde-fou, des voyants s'allumant en tant que de besoin, ce qui permet d'alerter l'opinion publique, dans un objectif de préservation des libertés.
La commission en vient à l'examen des dispositions dont elle est saisie pour avis.
Chapitre II Dispositions relatives au renseignement
Article 7 : Transmission de renseignements entre services – communication d'informations aux services de renseignement
Amendement DN12 de M. Jacques Marilossian.
Les alinéas 16 à 19 permettent la mise à disposition de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) des relevés des transcriptions, extractions et transmissions effectuées pour une finalité différente de celle ayant justifié le recueil de renseignement. Dans sa délibération du 7 avril 2021, la CNCTR rappelle qu'elle ne dispose pas de la capacité à traiter l'ensemble des relevés lors des contrôles a posteriori auxquels elle procède habituellement. Pour un contrôle effectif, la CNCTR recommande que le dispositif soit revu afin que les relevés lui soient systématiquement et immédiatement transmis par les services de renseignement. Le présent amendement répond à cette demande, en réécrivant l'alinéa 19.
Vous soulevez un point intéressant, qui faisait l'objet d'une des propositions contenues dans la délibération de la CNCTR sur l'avant-projet de loi. À la suite de cette délibération, le Gouvernement a complété l'alinéa 19 pour prévoir que les relevés sont immédiatement transmis à la CNCTR lorsqu'il y a un changement de finalité. Cela me paraît suffisant. Laissons le temps aux services de s'approprier cette nouvelle disposition, qui va mobiliser beaucoup de ressources humaines supplémentaires. Je vous propose donc de retirer votre amendement.
L'amendement est retiré.
Amendement DN13 de M. Jacques Marilossian.
Il s'agissait d'un amendement de repli visant à ajouter l'adverbe « systématiquement » à l'adverbe « immédiatement », à l'alinéa 19.
Votre intention est louable mais je crains que cette précision n'alourdisse le dispositif.
L'amendement est retiré.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 7 sans modification.
Article 8 : Conservation de données pour les travaux de recherche et de développement
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 8 sans modification.
Après l'article 8
Amendement DN18 du rapporteur pour avis.
Aux termes de l'article L. 822-2 du code de la sécurité intérieure, les durées de conservation des données à compter de leur recueil sont de trente jours pour les interceptions de sécurité et pour les paroles captées et de cent vingt jours pour les fixations d'image, le recueil des données informatiques et leur captation.
La durée de trente jours, retenue pour les paroles, est inopérante s'agissant de vidéos contenant à la fois du son et de l'image. Les services sont ainsi contraints, au bout de trente jours, de supprimer l'audio et de garder des vidéos muettes.
Cet amendement vise à prévoir une durée maximale de conservation unique pour les données collectées par les dispositifs de captation de paroles et ceux de captation d'images : celle de cent vingt jours présente l'avantage d'harmoniser les durées de conservation s'agissant des techniques de recueil de renseignement du chapitre III – sonorisation, fixation d'image, recueil et captation de données informatiques.
La commission adopte l'amendement.
Article 9 : Harmonisation des durées d'autorisation pour les techniques de recueil et de captation de données informatiques
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 9 sans modification.
Après l'article 9
Amendement DN17 du rapporteur pour avis.
Dans le cadre de la surveillance des communications électroniques internationales, le code de la sécurité intérieure prévoit que le Premier ministre, après avis de la CNCTR, peut autoriser les exploitations des données de connexion et de communications de certaines zones géographiques, d'organisations, de groupes de personnes ou de personnes.
Ces autorisations sont délivrées pour une durée maximale de quatre mois et sont renouvelables. Or certaines sont renouvelées depuis plusieurs années sans discontinuer. C'est pourquoi il est proposé de porter la durée d'autorisation à six mois. Il s'agit de simplifier le travail des services et de la CNCTR.
La commission adopte l'amendement.
Article 10 : Extension des possibilités de réquisition des opérateurs de télécommunications pour la mise en œuvre des techniques de renseignement et des techniques spéciales d'enquête
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 10 sans modification.
Article 11 : Expérimentation d'une technique d'interception des communications empruntant la voie satellitaire
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 11 sans modification.
Article 12 : Pérennisation des dispositions relatives à l'algorithme
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 12 sans modification.
Article 13 : Modalités d'exécution des traitements automatisés et extension aux adresses complètes de ressource sur internet
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 13 sans modification.
Article 14 : Ajout des adresses complètes de ressource sur internet aux données susceptibles d'être recueillies en temps réel et définition de leur durée de conservation
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 14 sans modification.
Article 15 : Modalités de conservation des données de connexion en cas de menace grave, actuelle ou prévisible, pour la sécurité nationale
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 15 sans modification.
Article 16 : Procédure de contrôle préalable à la mise en œuvre des techniques de renseignement sur le territoire national
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 16 sans modification.
Après l'article 16
Amendement DN16 du rapporteur pour avis.
Le code de la sécurité intérieure prévoit que l'introduction d'agents de services de renseignement dans un lieu privé pour y mettre en place, utiliser ou retirer certains dispositifs de surveillance – balisage, captation de paroles et d'images, recueil et captation de données informatiques – doit être autorisée par le Premier ministre, après avis de la CNCTR. Cet avis doit être rendu en formation collégiale, restreinte ou plénière, lorsque le lieu concerné est à usage d'habitation.
S'il paraît justifié que les demandes d'introduction dans un lieu d'habitation pour y mettre en place et utiliser des dispositifs de surveillance fassent l'objet d'un examen en formation collégiale, la situation est différente s'agissant de la maintenance et du retrait de ces dispositifs. Ainsi, lorsqu'un service souhaite reprendre son matériel, la CNCTR ne peut qu'émettre un avis favorable puisque le retrait du dispositif de surveillance bénéficie à la protection de la vie privée de la personne intéressée.
C'est pourquoi cet amendement vise à prévoir qu'une introduction dans un lieu d'habitation à la seule fin de retirer ou d'assurer la maintenance d'un dispositif ayant servi à recueillir des renseignements puisse être autorisée par le Premier ministre au vu d'un avis rendu par un membre seul de la CNCTR. Ce membre seul est soit le président, soit un magistrat. Il s'agit encore une fois de soulager à la fois les services, et la CNCTR.
En l'état actuel du droit, la CNCTR doit donc se réunir en formation collégiale pour autoriser le retrait d'un dispositif. C'est bien cela ?
Oui, c'est bien cela, pour la mise en place d'un dispositif comme pour son retrait ou sa maintenance. Il s'agit donc simplement de fluidifier la procédure de retrait d'un dispositif d'un lieu privé, dans un but d'efficacité et de façon très encadrée. Cela répond à une demande du terrain.
Il faut saluer le travail et la mobilisation de la CNCTR, qui ne peut intervenir de manière ouverte, particulièrement en période d'épidémie. Cet amendement serait de nature à alléger un peu les contraintes qui pèsent sur elle et à faciliter l'exercice de la lourde charge qui lui incombe.
La commission adopte l'amendement.
Article 17 : Échanges d'information entre les services judiciaires et les services de renseignement dans le cadre de la lutte contre la cybercriminalité et la criminalité organisée et entre les services judiciaires et l'ANSSI dans le cadre de la lutte contre la cybercriminalité
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 17 sans modification.
Après l'article 17
Amendement DN14 de la présidente.
Instaurée par la loi du 9 octobre 2007, après de multiples tentatives avortées de création d'un organe parlementaire de contrôle des services de renseignement, la délégation parlementaire au renseignement (DPR) est aujourd'hui pleinement reconnue par la communauté du renseignement. Le temps semble venu de franchir une nouvelle étape du contrôle parlementaire de la politique publique du renseignement, conformément à l'engagement pris par le Gouvernement il y a trois ans, lors de l'examen de la loi de programmation militaire 2019-2025, et réitéré à l'occasion du colloque des dix ans de la délégation parlementaire au renseignement.
Le présent projet de loi est le véhicule législatif pertinent pour faire évoluer les compétences et les prérogatives de la DPR. Cet amendement propose un article additionnel après l'article 17 visant à modifier l'article 6 nonies de l'ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. En ma qualité de présidente de la délégation parlementaire au renseignement, j'ai en effet engagé ces dernières semaines un dialogue avec l'exécutif afin d'identifier les voies d'évolution souhaitables et possibles. Après un dialogue nourri, je suis en mesure de vous confirmer que cet amendement, cosigné par mes trois autres collègues députés de la délégation parlementaire au renseignement, recueille en l'état un avis favorable du Gouvernement. Les services concernés ont fait preuve d'une grande écoute et les discussions ont démontré l'existence d'une véritable volonté de faire progresser les responsabilités et les capacités de contrôle de la DPR.
L'amendement propose des avancées importantes. Le champ des compétences de la DPR sera élargi au suivi des enjeux d'actualité concernant la politique du renseignement. Elle devra désormais être destinataire, chaque semestre, de la liste des rapports d'inspection portant sur les services de renseignement. Il est en effet difficile de demander à consulter ces rapports si nous n'en avons pas connaissance.
La DPR pourra également demander communication de tous documents, informations et éléments d'appréciation nécessaires à l'accomplissement de sa mission. C'est une avancée significative car la DPR n'est actuellement destinataire que d'une liste limitative de documents. En revanche, ce droit à l'information élargi restera limité aux besoins d'en connaître de la DPR, ce qui exclut de facto les opérations en cours, les méthodes opérationnelles pour y parvenir et les relations des services avec leurs partenaires étrangers – c'est la condition sine qua non d'une relation de confiance et de réciprocité.
La DPR pourra également auditionner toute personne exerçant des fonctions de direction au sein des services du renseignement. Jusqu'à présent, seuls les directeurs des services et les personnes placées auprès d'eux et occupant un emploi pourvu en conseil des ministres pouvaient être auditionnés. Cet élargissement nous permettra d'avoir une vision plus concrète de la situation sur le terrain et de comprendre le contexte dans lequel nos services agissent.
Enfin, la DPR aura la possibilité, chaque année, de demander au coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme de lui présenter le plan national d'orientation du renseignement (PNOR).
Cet amendement reprend l'esprit de la proposition de loi déposée en 2018 par notre collègue sénateur Philippe Bas, tout en encadrant plus strictement les nouvelles prérogatives accordées à la DPR. Il aura d'autant plus de poids que nous le soutiendrons collectivement. Je peux vous assurer que les huit membres de la délégation parlementaire au renseignement travaillent dans la plus grande confiance et la plus grande collégialité. Il était important que cet amendement soit le fruit d'un travail avec nos collègues sénateurs, tous bords confondus. Je suis heureuse de pouvoir défendre devant vous cette avancée significative.
Avis très favorable à cet amendement, qui renforce la position de la DPR. Je tiens à saluer la qualité du travail mené par cette délégation, dont les membres éminents ont su se montrer à la hauteur de leurs responsabilités.
Renforcer le contrôle du Parlement va dans le sens d'une plus grande transparence dans les méthodes de travail des services de renseignement. Le fait de pouvoir auditionner non seulement les directeurs, mais également leurs collègues est de nature à améliorer notre compréhension des problèmes liés au renseignement.
Par ailleurs, l'élargissement des compétences de la DPR aux problèmes d'actualité lui permettra d'être informée au fur et à mesure de l'évolution des dossiers et de l'actualité, et non a posteriori.
La commission adopte l'amendement.
Chapitre III
Dispositions relatives à la lutte contre les aéronefs circulant sans personne à bord présentant une menace
Article 18 : Lutte contre les aéronefs circulant sans personne à bord présentant une menace
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 18 sans modification.
Chapitre IV
Dispositions relatives aux archives intéressant la défense nationale
Article 19 : Accès aux archives publiques
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 19 sans modification.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.
La séance est levée à dix heures.