Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Réunion du lundi 1er mars 2021 à 11h30

Résumé de la réunion

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La commission spéciale a auditionné Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement.

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Mes chers collègues, dans le cadre de nos travaux préparatoires à l'examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, nous avons le plaisir d'accueillir Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement. Cette audition prendra, comme celle des autres membres du Gouvernement, la forme de questions cribles.

Il nous a semblé important de vous entendre, madame la ministre déléguée, compte tenu de l'importance du secteur du logement au regard de l'enjeu de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Le titre IV du projet de loi, intitulé « Se loger », est d'ailleurs particulièrement fourni, d'autant qu'il comporte aussi des dispositions relatives à la lutte contre l'artificialisation des sols et à l'adaptation des territoires.

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Une partie très importante du projet de loi est consacrée à la rénovation des logements et à la lutte contre l'artificialisation des sols : elle relève donc de vos attributions, madame la ministre déléguée.

La rénovation énergétique des logements est fondamentale pour accélérer la décarbonation et diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Néanmoins, je ne peux m'empêcher de nourrir une certaine inquiétude. Dès 2012, lors du précédent quinquennat, le Président de la République François Hollande avait fixé un objectif de rénovation énergétique de 500 000 logements par an, dont 120 000 logements sociaux. Le bilan est aujourd'hui difficile à établir avec certitude, mais nous avons atteint un ordre de grandeur de 105 000 rénovations annuelles : nous sommes donc très loin d'avoir trouvé le rythme qui nous permettrait de résoudre le problème des passoires thermiques, dont l'étude d'impact évalue le nombre à 4,8 millions. Quel sera l'objectif annuel de logements rénovés, une fois la loi promulguée ? Quelle sera la méthode qui nous permettra d'augmenter drastiquement le nombre de ces rénovations ? Comment accompagner le formidable effort de formation à ces nouveaux métiers ? Comment et quand dégager les aides pour les ménages les plus modestes ? Par ailleurs, la politique de rénovation devra-t-elle s'appliquer de manière uniforme sur le territoire national ou tenir compte de spécificités régionales ? Je pense en particulier à nos amis des régions d'outre-mer et à l'impulsion que l'on pourrait donner au développement de l'énergie solaire.

Les dispositions relatives à la lutte contre l'artificialisation des sols répondent à une préoccupation exprimée avec force par le Président de la République devant la Convention citoyenne pour le climat. Il est très ambitieux de vouloir réduire de moitié le rythme de cette artificialisation. La logique décentralisatrice du dispositif que vous proposez, et qui réunira autour de la table toutes les collectivités d'une région pour qu'elles décident un objectif commun, suscite de leur part un certain nombre d'interrogations. Il faut rassurer tout le monde : c'est bien la différenciation, c'est-à-dire l'adaptation à chaque réalité locale, qui va prévaloir. Il n'y aura pas de mesure décidée en haut lieu et appliquée de manière uniforme. Cette question est toutefois liée à l'objectif général de décarbonation que fixe le projet de loi. Aussi, la diminution des émissions de gaz à effet de serre progressivement permise par le ralentissement de l'artificialisation des sols a-t-elle été estimée ? À quelle échéance la reconquête d'espaces naturels aura-t-elle des conséquences positives pour nos émissions ?

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Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement

Ces questions sont fondamentales. Nous avons évidemment l'ambition de décarboner le secteur du logement. Grâce à ce projet de loi, à plusieurs mesures contenues dans le plan de relance et à d'autres dispositions relevant du domaine réglementaire, nous atteindrons les objectifs fixés par la stratégie nationale bas-carbone en matière de réduction des gaz à effet de serre émis par le secteur du logement. Nous visons une réduction, d'ici à 2030, de 26 millions de tonnes de CO2 annuelles pour les passoires thermiques, de 7 millions de tonnes pour les logements ne relevant pas de cette catégorie et de 16 millions de tonnes pour le tertiaire. La décarbonation passe bien sûr par un certain nombre de rénovations, mais le but est bien de réduire les émissions de CO2 et, ce faisant, de lutter contre le réchauffement climatique.

S'agissant du secteur tertiaire, les choses sont assez largement engagées depuis la publication du décret du 23 juillet 2019, dit « décret tertiaire », qui impose des obligations aux grands acteurs de ce secteur. Nous accompagnons par ailleurs les acteurs publics dans le cadre du plan de relance.

Le dispositif MaPrimeRénov' s'applique à 150 000 logements cette année ; notre objectif est d'en faire bénéficier 400 000 à 500 000 logements l'année prochaine. De plus, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) accorde l'aide Habiter Mieux Sérénité à quelque 50 000 logements par an. À cela s'ajoutent les 2 millions de gestes simples réalisés en deux ans dans le cadre des certificats d'économies d'énergie (CEE).

La difficulté est de déterminer une unité de mesure commune. J'ai mis en place un Observatoire national de la rénovation énergétique chargé de compter les « équivalents-rénovation » pour que nous puissions nous situer par rapport à cet objectif de 500 000 rénovations par an. Nous sommes probablement autour de 350 000 à 400 000 équivalents-rénovation – nous aurons des chiffres plus précis à la fin du mois de mars, et j'espère pouvoir vous les communiquer en séance publique.

Les dispositions du projet de loi relatives aux passoires thermiques – l'interdiction à la location, les mesures applicables aux copropriétés et l'audit obligatoire à la mutation – doivent nous permettre de remplir l'objectif de rénovation de toutes ces passoires d'ici à 2030 et, ce faisant, de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 26 millions de tonnes de CO2 par an.

Nous vous proposons donc un projet de loi volontariste, qui prévoit notamment l'interdiction de location des passoires énergétiques. Associé au dispositif MaPrimeRénov', aux aides du plan de relance, à l'interdiction des chaudières au fioul et à la généralisation des diagnostics de performance énergétique (DPE), il doit nous permettre d'atteindre nos objectifs.

Je voudrais vous rassurer s'agissant de la nécessaire différenciation des mesures relatives à la lutte contre l'artificialisation des sols. Le projet de loi prévoit l'élaboration, à l'échelle de chaque région, d'une stratégie visant à réduire cette artificialisation de 50 % au cours de la prochaine décennie ; toutefois, cette stratégie a vocation à être différenciée. Des amendements pourraient être déposés afin de bien préciser que ces dispositions, qui doivent être négociées entre la région et les autres collectivités, doivent tenir compte des spécificités locales et donc être différenciées à l'échelle infrarégionale.

La lutte contre l'artificialisation des sols vise à la fois à combattre le dérèglement climatique et à préserver la biodiversité. Pour l'instant, contrairement à ce que nous avons fait en matière de rénovation énergétique des logements, nous n'avons pas évalué l'impact de cette artificialisation sur les émissions de CO2.

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La réussite d'une rénovation énergétique dépend de trois facteurs : une bonne information disponible sur l'ensemble du territoire, un plan de financement le plus clair possible – c'est évidemment l'une des questions que se pose tout particulier quand il envisage de rénover son logement –, et un accompagnement par des professionnels tout au long de ce parcours difficile.

Vous l'avez rappelé, madame la ministre déléguée : le projet de loi fixe l'objectif d'une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport à 1990 d'ici à 2030. Le bâtiment, qu'il soit résidentiel ou tertiaire, produit 25 % de ces émissions dans notre pays. Pensez-vous que les mesures contenues dans le projet de loi sont suffisantes pour atteindre cet objectif ? Des membres de la Convention citoyenne pour le climat nous ont dit que nous n'allions pas assez loin. D'autres personnes, dans nos circonscriptions, nous disent que nous allons trop loin. Comment envisagez-vous de concilier les aspirations contradictoires de nos concitoyens en matière de rénovation énergétique ?

Pourriez-vous également nous apporter quelques précisions s'agissant des travaux de la mission confiée à M. Olivier Sichel ? La remise de ses préconisations est prévue avant la séance publique, mais un éclairage pourrait nous permettre de fixer des objectifs à la fois ambitieux et réalistes dans ce texte dès son examen en commission.

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Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

Je partage les propos de Mickael Nogal sur l'importance du triptyque information - plan de financement - accompagnement. C'est ce que nous avons commencé à faire.

Le projet de loi contient un article relatif aux guichets uniques et à l'accompagnement des Français en matière de rénovation énergétique. Nous avons contractualisé avec les régions dans le cadre du programme SARE (service d'accompagnement à la rénovation énergétique), qui mobilise des certificats d'économies d'énergie. Ce matin, juste avant mon audition, je participais justement à un comité de pilotage de ce programme avec les régions. Toutes les régions métropolitaines, à l'exception de la Corse, ont déjà signé une convention avec l'État. La moitié des régions ultramarines ont fait de même. Ainsi, 97 % du territoire national est couvert par ces guichets d'information, qui apportent à nos concitoyens des informations, des conseils et leur assurent un accompagnement. Nous sommes passés de 750 conseillers l'année dernière à 1 000 conseillers cette année, et la montée en charge va se poursuivre. Nous en avons absolument besoin pour que chacun puisse avoir accès, non loin de son domicile, à un conseil physique ou téléphonique en complément des plateformes internet telles que www.faire.gouv.fr ou www.maprimerenov.gouv.fr.

S'agissant des plans de financement, nous avons beaucoup augmenté les aides et ouvert le dispositif MaPrimeRénov' à tous les ménages, aux propriétaires bailleurs et aux copropriétés. Nous devons prendre un engagement pluriannuel en matière de financement ; la rénovation énergétique des logements doit être cofinancée par l'État en limitant le reste à charge des ménages et en permettant à chacun de mener des travaux selon un plan de financement qui correspond à ses besoins.

Enfin, l'accompagnement est indispensable, notamment pour les travaux lourds. Je ne suis pas sûre que l'on ait besoin d'être accompagné quand on veut simplement changer une chaudière, notamment si l'on fait partie des ménages les plus favorisés. En revanche, on a besoin d'accompagnement quand on se lance dans une rénovation globale de son logement ; or notre objectif est bien de soutenir le plus possible de rénovations globales. La systématisation de l'accompagnement pour les rénovations ambitieuses, qu'elles soient globales ou multi-gestes, me paraît aussi être une piste intéressante.

Vous le savez, nous avons demandé à M. Olivier Sichel de réunir une task force pour nous faire des propositions s'agissant de l'accompagnement des opérations de rénovation énergétique, des plans de financement, de la limitation du reste à charge privé et du financement de ce dernier. Ses conclusions nous seront remises entre le 10 et le 15 mars : ce sera un peu juste pour vos travaux en commission, mais cela nous permettra de poursuivre nos discussions en séance publique. Je pense que la mission Sichel formulera des propositions en matière de financement du reste à charge, qu'elle proposera de systématiser l'accompagnement et, probablement, d'accroître la visibilité s'agissant des moyens budgétaires pluriannuels – c'est un sujet important.

Ces mesures sont-elles suffisantes ? Les Français attendent un système simple, qui leur permette de passer à l'acte. Par ailleurs, nous vous proposons d'interdire, à partir de 2028, la location des passoires thermiques : il s'agit là d'une mesure très forte car 1,8 million de logements pourraient être concernés. Tout cela me semble constituer un bon compromis. C'est une position d'équilibre que nous vous proposons d'adopter en aidant tous les Français, propriétaires occupants comme propriétaires bailleurs, à rénover leur logement, à commencer par les passoires thermiques – ces opérations de rénovation seront les plus utiles pour le climat, pour la justice sociale et pour la santé des Français –, tout en votant une interdiction d'ordre commercial plutôt que d'imposer des obligations aux occupants.

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La volonté de décarboner la France implique de s'attaquer en priorité aux questions relatives à la consommation énergétique et aux usages de l'énergie dans les logements. Il faut baisser drastiquement et rapidement nos consommations : voilà la mère des batailles.

Mais cette mère des batailles est d'abord budgétaire. Il n'y a pas d'autre moyen d'agir que de soutenir à grande vitesse la rénovation thermique globale du parc de logements et de bâtiments publics – je pense à l'isolation des combles, des fenêtres et des murs et au remplacement des chaudières au fioul ou au gaz par des pompes à chaleur pour fournir chauffage et eau chaude sanitaire. Tout le monde sait que de telles rénovations globales nécessitent la mobilisation de moyens de soutien considérables, car les coûts peuvent atteindre 30 000 à 50 000 euros par logement. Les travaux doivent être pris en charge à 100 % pour les foyers les plus modestes, faute de quoi ces derniers ne les engageront jamais. Le rapporteur général a cité le chiffre de 70 000 logements rénovés en moyenne chaque année ; pour ma part, j'avais le chiffre de 50 000 logements. Depuis plusieurs années, les aides budgétées s'élèvent à 1 à 2 milliards d'euros en moyenne, alors qu'il faudrait dix fois plus de moyens annuels pour tenir le cap de nos engagements climatiques pour 2030 et de la stratégie nationale bas-carbone. Le Gouvernement est-il prêt à dégager, dès le prochain budget, les crédits nécessaires ? Pour soutenir efficacement la rénovation thermique globale de 700 000 logements et bâtiments publics par an, 10 à 15 milliards d'euros annuels seraient nécessaires.

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Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

Nous sommes d'accord s'agissant de la mère des batailles. Je suis convaincue qu'il faut commencer par rénover les passoires thermiques, les logements très mal isolés, classés F ou G. C'est la raison pour laquelle nous avons passé beaucoup de temps à refonder le diagnostic de performance énergétique, qui a fait l'objet d'une réforme réglementaire ; dans le cadre de ce projet de loi, nous vous proposons de voter un article visant à préciser une bonne fois pour toutes à quoi correspondent les différentes tranches de ce diagnostic et ce qu'est une passoire thermique. Ce n'était pas évident, mais nous nous sommes accordés sur une définition consensuelle. Si nous avons besoin d'insérer cette définition dans la loi, c'est parce que cela nous permettra, progressivement, de traiter les logements classés F ou G différemment des autres logements.

Je suis aussi d'accord avec vous : le budget est la mère de toutes les batailles. Je vous ai déjà dit spontanément que nous mettions les moyens à la hauteur de l'enjeu : en 2021 et en 2022, nous consacrerons 2,5 milliards d'euros à la rénovation des logements des ménages, 500 millions d'euros à la rénovation des logements sociaux et quelque 2,5 milliards d'euros aux certificats d'économies d'énergie. Au total, l'État allouera donc une enveloppe de 5 à 5,5 milliards d'euros de crédits budgétaires et extrabudgétaires à la rénovation des logements. C'est beaucoup plus que nous ne l'avons jamais fait, car les montants consacrés au crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), auquel ont succédé les certificats d'économies d'énergie, n'ont jamais dépassé 2,5 à 3 milliards d'euros.

Le gouvernement actuel et ceux du prochain quinquennat devront se poser la question de la prolongation de cette trajectoire au-delà de 2022. Je suis convaincue de la nécessité de garantir aux acteurs du secteur que l'État sera toujours au rendez-vous pour financer la rénovation, qu'il mènera une politique redistributive en soutenant plus ceux qui ont moins, et qu'il financera davantage les rénovations les plus lourdes, qui peuvent coûter 20 000, 30 000 voire 40 000 euros et nécessitent un tour de table. Restera alors la question du reste à charge : dans un certain nombre de cas, quelques milliers d'euros ne sont pas financés. Par ailleurs, les dispositifs à 1 euro atteignent leurs limites, dans la mesure où les opérations sans reste à charge font l'objet de nombreuses fraudes et escroqueries. Le financement du reste à charge privé fait partie des sujets sur lesquels la mission conduite par Olivier Sichel doit formuler des propositions. Elles pourront porter sur le financement bancaire, éventuellement étalé sur une durée très longue, ou sur le financement lié au bien, qui permet un refinancement du reste à charge au moment de la cession. Ces travaux ne sont pas encore complètement aboutis, mais ils le seront dans les jours qui viennent.

Oui, Monsieur Chassaigne, le Gouvernement peut s'engager sur le volume des crédits. Nous avons financé 2 millions de gestes simples en deux ans dans le cadre des certificats d'économies d'énergie. L'an dernier, nous avons validé et engagé les crédits relatifs à 150 000 dossiers MaPrimeRénov' et versé 50 000 aides Habiter Mieux Sérénité, soit 200 000 primes accordées uniquement aux ménages modestes – nous n'en avions jamais fait autant dans les périodes précédentes. Nous ne sommes pas encore à la maille, mais nous sommes en train de monter en puissance.

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Lors de l'examen de ce projet de loi, je serai attentive aux conflits qui peuvent surgir entre nos objectifs en matière de lutte contre le dérèglement climatique et ceux que nous nous fixons pour préserver la biodiversité. L'artificialisation des sols soulève parfois de tels conflits.

À mon sens, la lutte contre l'artificialisation des sols a pour but de préserver – voire de restaurer – des ressources naturelles qui peuvent rendre un certain nombre de services, notamment pour lutter contre le réchauffement climatique. Viser une artificialisation zéro doit être un moyen, en aucun cas une fin. C'est pourtant parfois le cas.

L'article 51 impose une densité minimale dans les grandes opérations d'urbanisme. Cette densification ne risque-t-elle pas de se faire au détriment de la restauration de la biodiversité, de la renaturation et de la végétalisation ? La même question se pose au sujet de la reconversion et de la mobilisation des friches pour le logement. La finalité est bien de faire revenir la biodiversité et la nature en ville, pas uniquement de réduire l'emprise au sol.

Il est dommage que les mécanismes de compensation n'aient pas été plus développés pour atteindre l'objectif de zéro artificialisation nette, c'est pourtant une demande forte des collectivités et des entreprises. Le groupe Agir ensemble proposera d'améliorer ces mécanismes pour atteindre le bel objectif fixé par le texte dans ce domaine.

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Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

L'artificialisation des sols est une des principales causes de perte de biodiversité. La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques connue sous le sigle IPBES, pour Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services – est la grande entité scientifique qui fait consensus sur ce sujet. Dans ses rapports, elle identifie cinq causes de perte de biodiversité, dont l'artificialisation. C'est aussi un facteur de réchauffement climatique car le sol naturel séquestre du carbone.

La lutte contre l'artificialisation est donc un moyen, comme la décarbonation des bâtiments ou leur rénovation, au service de deux objectifs : préserver la nature et la biodiversité et lutter contre le réchauffement climatique.

Tout le chapitre III du titre IV dessine une trajectoire progressive vers l'objectif de zéro artificialisation nette. Ce dernier terme est important : nous sommes conscients que des projets de développement imposeront toujours d'artificialiser en certains lieux, mais nous souhaitons diviser par deux le rythme d'artificialisation au cours des prochaines années, et surtout la compenser.

Je partage donc votre point de vue sur la compensation. Le principe « éviter, réduire, compenser », consacré par la loi pour la reconquête de la biodiversité de 2016, peut s'appliquer à l'artificialisation. Nous sommes ainsi ouverts à des amendements aux articles 47, 48 et 49 pour expliciter que l'objectif de réduction de l'artificialisation nette peut être atteint au moyen de la compensation, notamment à l'échelle des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des plans locaux d'urbanisme (PLU). La compensation est d'ailleurs explicitement citée à l'article 52, consacré aux centres commerciaux.

La compensation est donc un moyen de réduire l'artificialisation de façon importante, mais elle doit être précisément définie. Si son échelle est bien déterminée dans le cadre des SCOT, nous devrons y travailler au sujet de l'implantation de nouveaux centres commerciaux.

Les grandes opérations d'urbanisme sont attachées à des programmes partenariaux d'aménagement (PPA) ; elles sont en général cofinancées par l'État et font application de dispositifs juridiques dérogatoires, dont le permis d'innover. Il est important qu'elles prennent en compte la question de la préservation du sol et des espaces naturels, et qu'une densité minimale soit fixée. Ces opérations – soutenues, subventionnées et permises par le recours à des moyens juridiques extraordinaires – ne peuvent se réaliser sans déterminer la juste densité, garante de la préservation du sol. Cette exigence pourrait être étendue aux opérations d'intérêt national (OIN), pilotées par l'État, lorsqu'elles prévoient la construction de logements et d'aménagements. Nous ne devons plus investir de ressources, du temps et de l'énergie dans des opérations qui n'ont pas fait de la préservation des sols un objectif en soi, ni les faire bénéficier de dérogations juridiques.

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Ces derniers jours, à de nombreuses occasions, des représentants de la majorité ont affirmé que ce texte interdit la location des passoires thermiques. Pourriez-vous préciser quel article du texte contient cette disposition ? L'article 41 ne porte que sur l'évolution des loyers lors du renouvellement d'un bail ou de la remise en location. Le Gouvernement compte-t-il avancer sur ce point lors de nos débats ?

Les divers avis et rapports sur les bâtiments publics et privés démontrent la nécessité de prendre à bras-le-corps la question de la rénovation thermique pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Selon de nombreux organismes, il faudrait rénover 700 000 logements par an pour tenir nos engagements. Cette ambition ne peut aboutir qu'avec des aides de l'État, et si le parcours de rénovation est bien construit : audit sérieux ; plan de travaux cohérent répondant à une rénovation globale et performante ; montage financier tenable et accompagnement du suivi des travaux. Ces outils existent en partie, mais ils sont difficilement accessibles et l'organisation est insuffisante. L'examen du texte offre l'occasion de définir les rénovations globales et performantes et de fixer un calendrier pour sortir de l'action par gestes, peu efficace.

Nous manquons de visibilité sur les étapes nécessaires pour adapter les capacités professionnelles aux besoins de rénovation. Selon Dominique Méda, alors que le secteur du bâtiment a perdu 250 000 emplois en dix ans et que 140 000 salariés sont partis à la retraite en 2019, il est nécessaire de penser à un grand plan de formation orienté vers la transition écologique pour assurer chaque année les nombreuses rénovations thermiques requises. Le projet de loi ne prévoit que très peu de choses à ce sujet : comment envisagez-vous de le faire évoluer ?

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Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

L'interdiction de louer des passoires thermiques est inscrite à l'article 42, alinéa 5, qui prévoit qu'à compter 1er janvier 2028, le niveau de performance d'un logement décent ne peut être inférieur au niveau « très peu performant » au sens du code de la construction et de l'habitation, que le projet de loi définit comme les tranches F et G. Le dispositif retenu applique aux passoires thermiques les dispositions relatives à la décence des logements. Si un bail porte sur un logement indécent, le locataire est en droit d'en réclamer la mise aux normes au propriétaire. Il peut saisir une commission départementale de conciliation, avant de faire appel au juge. Les loyers et les aides au logement peuvent être séquestrés. Les mécanismes juridiques existants permettent donc d'assurer l'effectivité de cette interdiction.

La question des aides, des parcours de rénovation, de l'audit et des montages financiers a déjà été abordée. Pour la cession d'un bien classé comme passoire thermique, nous instaurons l'obligation de réaliser un audit énergétique indiquant le plan de travaux requis pour sortir de cette catégorie. On ne pourra acheter une passoire thermique sans cet audit, qui permettra d'établir le montant des travaux et d'éclairer la transaction. S'agissant des parcours de rénovation, nous avons augmenté significativement les crédits que l'État engage dans la généralisation des plateformes d'information, de conseil et d'accompagnement et l'accompagnement des rénovations les plus lourdes, et nous sommes prêts à aller plus loin.

Je n'oppose pas rénovation globale et rénovation par gestes. Des logements qui ne sont pas des passoires thermiques peuvent faire l'objet de rénovations par gestes, c'est bénéfique à la planète et aux propriétaires. Il y aura toujours des chaudières à changer : à cette occasion, il faut encourager le choix de modèles à très basse consommation fonctionnant aux énergies renouvelables. Mais il faut également faire monter en puissance la rénovation globale, et je ne suis pas fermée à un travail de définition de ce concept.

S'agissant des capacités professionnelles dans la filière du bâtiment, nous avons lancé il y a deux ans le plan d'investissement dans les compétences, qui a bénéficié d'un investissement d'une dizaine de milliards d'euros, contractualisé avec les régions ; le plan France relance abonde également ce plan. Des tensions apparaissent sur le marché par manque d'entreprises ayant les capacités de faire. Il faut donc continuer à recruter. Les jeunes, dans ce secteur, souhaitent d'ailleurs se consacrer à la construction écoresponsable ou la rénovation. Le travail avec les branches professionnelles et les régions est bien engagé, et les moyens sont là.

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Deux points sur lesquels je me bats depuis longtemps – la rénovation globale et le reste à charge zéro pour les ménages modestes – ont été mis en exergue par le rapport de la mission d'information parlementaire sur la rénovation thermique des bâtiments. Je remercie d'ailleurs nos collègues pour ce travail très intéressant. Au sein du groupe MoDem et Démocrates apparentés, nous considérons que des améliorations peuvent encore être apportées au projet de loi.

Pour atteindre les objectifs fixés, les rénovations globales doivent être déployées à beaucoup plus grande échelle. L'interdiction de louer des passoires thermiques est une bonne chose, mais quel sera le gain réel à long terme si leurs propriétaires n'engagent que des rénovations a minima, pour difficilement atteindre un niveau E ou D ? C'est pourquoi nous souhaitons mettre l'accent sur l'accompagnement des ménages les plus modestes dans la rénovation de leur logement. Si de grands progrès ont été constatés ces dernières années s'agissant de la disponibilité et de la lisibilité des aides, le reste à charge pour ces ménages demeure un frein persistant. Nous nous interrogeons sur la possibilité de recourir à un tiers financeur, comme le Président de la République l'a évoqué en début d'année. Quelles sont les pistes envisagées en ce sens ?

Nous partageons avec la Convention citoyenne pour le climat l'objectif premier de ce projet de loi : la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La baisse de la consommation énergétique n'est pas systématiquement synonyme d'une baisse de ces émissions. Nous souhaitons y apporter une attention particulière et connaître votre sentiment sur ce point.

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Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

Permettez-moi de saluer à mon tour la mission d'information sur la rénovation thermique des bâtiments, dont les travaux éclairent nos débats.

À propos de la rénovation globale, je pense que le mieux est l'ennemi du bien. Il faut distinguer les biens en très mauvais état, très mal isolés, et les biens courants.

S'agissant des biens très mal isolés – appartenant aux catégories F et G – l'important est de démarrer des travaux et d'aller le plus loin possible. Les travaux doivent être suffisamment ambitieux, car ils coûtent cher et quitte à subventionner, il faut que l'ambition soit élevée. Mais pour avoir rencontré beaucoup de familles qui se sont lancées dans ces travaux, je sais qu'il est parfois très ambitieux d'amener un bâtiment classé G aux niveaux E ou D. Il n'est pas toujours possible ou souhaitable de ne financer que les travaux qui permettent d'aboutir à des classements très élevés, A ou B. Ces travaux ne sont pas toujours finançables par les ménages, même avec beaucoup de subventions.

Selon moi, la solution est l'accompagnement systématique pour les travaux dont les montants sont importants, ou qui concernent des biens extrêmement consommateurs d'énergie ou émetteurs de gaz à effet de serre. Il ne faut pas laisser des ménages se lancer dans des travaux d'un montant de 15 000 ou 30 000 euros sans accompagnement. La mission Sichel nous fera des propositions et nous pourrons travailler ensemble à leur traduction législative.

Conditionner l'octroi des aides à l'atteinte des niveaux A ou B me semble difficile. Dans de nombreux cas, ce résultat n'est pas possible, ou requiert un parcours de rénovation par étapes.

Quant aux biens moyens – étiquettes E ou D –, l'accompagnement est nécessaire dans certains cas. Il est toujours indispensable de changer de chaudière lorsque la précédente nous lâche, et il est bon d'accompagner les familles qui font un effort pour remplacer les chaudières à gaz par des pompes à chaleur ou des chaudières à granulés. Si ce n'est pas suffisant pour amener le bien au niveau basse consommation, ce n'est pas un problème, et je ne crois pas nécessaire de conditionner les aides à une rénovation globale car de toute façon, le rachat de chaudière aura lieu dans un bref délai.

Il faut inciter les rénovations les plus ambitieuses possible, et systématiser l'accompagnement des rénovations des passoires énergétiques, ou les plus coûteuses. Et nous pourrions nous interroger sur l'opportunité de les rendre obligatoires, sous certaines conditions.

Je partage l'objectif d'augmenter progressivement la part des rénovations globales par rapport aux rénovations par gestes, et de mieux les accompagner.

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Le texte complète, clarifie ou renforce des dispositifs déjà votés dans la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), la loi relative à l'énergie et au climat et les différentes lois de finances. Je rappelle d'ailleurs que le dispositif dit « Denormandie », qui s'applique dans le cadre des opérations de revitalisation du territoire (ORT), peut s'avérer très intéressant dans le cadre des rénovations.

S'agissant du financement de la rénovation, nous attendons avec impatience le rapport d'Olivier Sichel, qui viendra enrichir nos débats.

Autre point important, la qualité des travaux soulève deux questions. Tout d'abord, les dispositifs à 1 euro sont sujets à fraudes. Ensuite, le label RGE – « reconnu garant de l'environnement » – doit être accordé à suffisamment d'entreprises capables de réaliser des travaux de qualité. Vous avez évoqué l'accompagnement des entreprises sous l'angle de la formation ; il faut aussi nous intéresser au contrôle et à l'analyse des résultats, comme nous le faisons dans le cadre de la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs – RE 2020 –, qui s'attache à l'obligation de résultat plutôt qu'à l'obligation de moyens.

Comment préparer les contrôles pour garantir que les subventions que verse l'État contribuent aux objectifs fixés ?

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Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

En ce qui concerne le financement, nous attendons effectivement les résultats des travaux d'Olivier Sichel, qui devraient être connus rapidement.

Favoriser la qualité des travaux est un objectif important. Les dispositifs à 1 euro ont eu le mérite de faire décoller la rénovation. Ils ont permis la réalisation de nombreuses opérations. Si la majeure partie d'entre elles se sont bien passées, il n'en demeure pas moins – je le reconnais volontiers – que nous avons été confrontés à un certain nombre d'escroqueries et de fraudes. Pour y remédier, nous avons engagé plusieurs actions.

Premièrement, nous avons renforcé nos capacités de contrôle. Au niveau du ministère de la transition écologique, un pôle dédié a été créé. Nous avons également mobilisé la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour traquer sur le terrain les entreprises fraudeuses.

Deuxièmement, nous avons ajusté les montants des certificats d'économies d'énergie pour éviter que certains actes, trop généreusement payés, ne deviennent des sources de fraude.

Nous arrêtons progressivement, d'ici à la fin de l'année, les dispositifs à 1 euro, notamment pour l'isolation des combles. MaPrimeRénov', qui prendra le relais, est beaucoup plus sécurisée. Ces dispositifs ont certes permis de faire décoller la rénovation, mais ils ont atteint leurs limites.

Enfin, le démarchage téléphonique est désormais interdit et passible de poursuites. Il existe toujours, malheureusement, mais dans des proportions plus limitées.

Je continue à défendre l'existence d'un lien entre l'octroi de subventions et la détention du label RGE. Il ne me paraît pas responsable de subventionner des entreprises qui n'ont pas été qualifiées ou dont la capacité à réaliser des travaux de rénovation énergétique de bonne qualité n'a pas été vérifiée. Cela dit, nous pouvons sans doute simplifier le label RGE : les artisans dénoncent le caractère paperassier des démarches.

Un plus grand nombre d'artisans doivent recevoir la qualification RGE. C'est la raison pour laquelle j'ai accepté l'ouverture du label au coup par coup : les artisans réalisant un petit nombre de chantiers pourront recevoir la qualification pour le chantier en cours, au lieu de devoir la posséder au préalable. Cela suppose, bien entendu, de mener un audit sur chacun des chantiers. D'une manière générale, d'ailleurs, Qualibat va intensifier les audits pour s'assurer de la qualité des travaux effectués par les artisans possédant le label RGE.

Nous devons donc continuer à mener une politique de contrôle ambitieuse, car certaines entreprises ayant pour seul objectif de chasser les subventions laissent les particuliers en carafe, avec des travaux mal faits. Par ailleurs, il faut accompagner la montée en compétences des artisans français, lesquels sont demandeurs de qualifications de ce type. Ils veulent être reconnus et souhaitent que l'on trouve le bon équilibre entre examen ex ante, contrôle et suivi ex post. Nous y travaillons avec la Fédération française du bâtiment (FFB) et la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB).

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Je salue le fait que l'interdiction des passoires énergétiques soit intégrée dans le mécanisme visant à définir ce qu'est un logement décent. Mais, sur le terrain, comment cela va-t-il se mettre en place ? Faire appliquer ces dispositions nécessite des moyens considérables. Actuellement, cela ne fonctionne pas très bien, comme nous l'avons constaté à l'occasion du drame de la rue d'Aubagne, à Marseille. Les démarches sont longues, le temps passe et, de l'indécence, on en arrive au péril.

Ne pourrait-on pas développer des mécanismes agissant plus en amont, tel le permis de louer, découlant de la loi ELAN, encore trop peu utilisé ? Celui-ci pourrait intégrer la question des passoires énergétiques, par exemple en conditionnant la délivrance de l'autorisation à la réalisation d'un DPE. Il faudrait également mieux prendre en compte les éléments influant sur la santé des occupants : les diagnostics techniques sont bien trop limités à cet égard. Mesurer l'humidité, par exemple, permet de s'intéresser à la qualité de l'air dans un logement.

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Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

Je vous rejoins, Madame Pitollat : pour l'instant, assez peu de logements entrent dans le champ du décret relatif aux caractéristiques d'un logement décent. Il faut étayer le dispositif, mais aussi le faire connaître davantage pour que les locataires y aient recours. Les associations de locataires, les associations départementales d'information sur le logement (ADIL) ou encore les agences immobilières doivent être mobilisées. Des campagnes de communication et d'information sont nécessaires.

Par ailleurs, le caractère opposable du DPE sera désormais inscrit dans le bail. En outre, à compter du 1er janvier 2028, on ne pourra plus signer de bail pour des logements classés F ou G. Cela suppose que les locataires en soient informés, ainsi que les propriétaires – certains pensent de bonne foi qu'ils peuvent proposer de tels logements. Les conditions de recours doivent elles aussi être connues. Dans la mesure où les DPE sont répertoriés par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), on pourrait d'ailleurs imaginer d'informer très largement les propriétaires de ce type de logements que leurs biens ne pourront plus être loués.

Votre question, Madame Pitollat, portait plus précisément sur les logements indignes et insalubres et sur les marchands de sommeil. Je suis très favorable au permis de louer : c'est un bon outil, que l'on doit s'approprier progressivement au niveau local. Par ailleurs, les maires doivent pouvoir travailler, par quartier, sur des arrêtés de péril et d'insalubrité faisant ensuite l'objet d'un suivi. Le drame de la rue d'Aubagne, à Marseille, a déclenché de très nombreux arrêtés de péril et d'insalubrité. Par la suite, un travail considérable a été engagé pour reloger les locataires concernés, provisoirement ou de façon pérenne. Quoi qu'il en soit, le permis de louer peut permettre, plutôt à l'échelle du quartier qu'à celle de la commune, dans des zones où l'on sait qu'il y a beaucoup de logements insalubres et que des marchands de sommeil sévissent, d'arrêter la mise en location de certains biens. À côté des outils de communication et d'information, peut-être faut-il effectivement permettre aux mairies, dans les quartiers où les DPE sont très mauvais, de s'appuyer sur cet élément pour instaurer des permis de louer.

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S'agissant de la rénovation énergétique des bâtiments, les dispositions des articles 41 et 42 ne s'appliquent pas aux propriétaires occupants, ce qu'a critiqué le Haut Conseil pour le climat (HCC). Quelle est la raison de ce choix ?

Étant rapporteure de la commission des affaires européennes, je voulais également vous demander si vous pensez réellement que les objectifs fixés par le texte en matière climatique sont à la hauteur de la stratégie européenne pour une vague de rénovations, qui est très ambitieuse. Il me semble que nous peinons à répondre aux objectifs climatiques européens.

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Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

Les obligations qui doivent peser sur les propriétaires occupants sont un des éléments sur lesquels nous différons par rapport aux conclusions de la Convention citoyenne pour le climat. Pour les propriétaires bailleurs, le mécanisme proposé consiste à interdire la location. Il paraît difficile, en revanche, d'interdire du jour au lendemain aux propriétaires occupants de vivre dans leur logement au motif qu'il s'agit d'une passoire thermique et qu'ils n'ont pas engagé de travaux.

La Convention citoyenne envisageait d'infliger une sanction aux propriétaires occupants. Ce mécanisme ne me paraît pas adapté : une telle sanction, fût-elle symbolique, serait extrêmement mal perçue, car les personnes visées sont les premières à souffrir du fait de vivre dans une passoire thermique, et si elles ne font pas de travaux, c'est en général parce qu'elles ne sont pas suffisamment aidées et accompagnées. Améliorer les aides, l'accompagnement, l'information et limiter le reste à charge me paraît donc être la meilleure approche en ce qui concerne les propriétaires occupants. On voit bien, avec MaPrimeRénov', qui n'était ouverte jusqu'en 2020 qu'aux 50 % de propriétaires occupants les plus modestes, que l'accompagnement permet de déclencher des rénovations.

Dans quelques années, quand le système aura fait ses preuves, on pourra envisager de prévoir des conséquences pour les propriétaires occupants qui n'y ont pas recours. À ce stade, cela me paraît tout à fait prématuré. Nous avons donc choisi d'établir une différence entre les propriétaires bailleurs et les propriétaires occupants. Louer un logement est un geste commercial et économique, et c'est le locataire, pas le propriétaire bailleur, qui souffre du fait que le logement est une passoire.

En ce qui concerne la trajectoire, nous tablons, pour la partie bâtiment, sur une réduction de 40 %, d'ici à 2030, des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. Ces calculs englobent non seulement les dispositions du projet de loi, mais aussi l'ensemble des actions mises en place pour respecter la stratégie nationale bas-carbone, qui est la traduction française des objectifs de la conférence des parties (COP) de Paris et des objectifs européens. Le dernier chiffre connu, à savoir celui de l'année 2019, montre un recul de 2,9 % des émissions de gaz à effet de serre dans les bâtiments, ce qui est relativement encourageant. Atteindre l'objectif ne sera pas facile, mais c'est faisable. La Renovation Wave traduit elle aussi l'ambition européenne d'aller vers cet objectif, en s'en donnant les moyens. D'après ce que je comprends, les actions françaises en la matière sont considérées par la Commission européenne comme un modèle d'action possible, susceptible d'être partagé par les autres États, même si ce n'est pas le seul et que ce qui est prévu n'est peut-être pas suffisant.

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Arrêter d'artificialiser est une chose, mais pour rafraîchir les villes et lutter contre le réchauffement climatique, il faut aussi désartificialiser les centres urbains denses. Quelles sont vos idées en la matière ? J'aurai quant à moi une proposition à vous faire.

La pollution aux particules fines n'est que peu abordée dans le texte, voire pas du tout, alors qu'il s'agit d'un problème de santé publique majeur. Il faut faire en sorte que le chauffage au bois soit plus performant et valoriser cette filière de la biomasse. De nombreux dispositifs devraient être introduits dans le texte à cette fin. Quel est votre sentiment sur ce point ?

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Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

S'agissant de la désartificialisation des centres urbains, je partage votre objectif. C'est l'une des raisons pour lesquelles, dans le cadre de la stratégie de lutte contre l'artificialisation, nous proposons une nouvelle définition. Jusqu'à présent, l'artificialisation était conçue comme la consommation de terres naturelles et agricoles. Le fait de désartificialiser la ville, par exemple en recréant des parcs, n'était pas pris en compte en positif. Désormais, ce sera bien le cas. Il s'agira d'une incitation forte pour les collectivités. Celles-ci devront mettre en œuvre la stratégie de réduction de l'artificialisation nette, ce qui suppose à la fois de consommer moins de surfaces en périphérie des villes et d'opérer un retour à la nature à l'intérieur de ces dernières, ce qui rend beaucoup de services aux habitants et correspond à une demande très forte.

En ce qui concerne les particules fines, il est question, à un autre endroit du texte, des zones à faibles émissions mobilité. Pour ce qui est du chauffage en lui-même, je suis prête à m'assurer que les aides financent l'achat d'appareils de chauffage à la biomasse vertueux. À ma connaissance, c'est le cas : pour être éligibles à une subvention, les chaudières à bois, à granulés ou autres doivent avoir reçu un label spécifique du type « flamme verte ». Quoi qu'il en soit, je me tiens à votre disposition pour en discuter.

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Merci, madame la ministre déléguée, pour le temps que vous nous avez consacré. Nous resterons en contact avec vous ainsi qu'avec vos services et votre cabinet d'ici au début de l'examen du projet de loi.