La Commission des affaires économiques a auditionné, en visioconférence, conjointement avec la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, M. Jean-Pierre Cabrol et Mme Amandine Roggeman, membres de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), Mme Laurence Tubiana, coprésidente du comité de gouvernance, et M. Julien Blanchet, rapporteur général de la Convention citoyenne pour le climat.
Nous avons le plaisir d'accueillir, avec la Commission des affaires économiques, deux membres de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), M. Jean-Pierre Cabrol et Mme Amandine Roggeman, ainsi que Mme Laurence Tubiana, coprésidente du comité de gouvernance de la Convention citoyenne pour le climat, et M. Julien Blanchet, rapporteur général de cette Convention.
Vous être parmi nous pour nous présenter le bilan de votre expérience, ainsi que votre analyse sur la méthode de travail utilisée.
Au-delà, nous sommes bien sûr intéressés par le fond des propositions émises par la Convention. Pourriez-vous nous en présenter les grands axes, en mettant en lumière le fil directeur qui a guidé vos décisions ? S'agissant de la forme, la Convention citoyenne pour le climat a préconisé que certaines de ses propositions soient soumises à référendum. Pourriez-vous nous dire selon quels critères il a été opté pour cette procédure ?
Enfin, vous avez accompli un travail important qui constitue une première étape dans le processus normatif. Comment concevez-vous l'après ? Le principe d'une convention citoyenne doit-il selon vous perdurer, et comment les membres de la CCC envisagent-ils la relation de cette instance avec le Parlement ?
Bravo à tous les quatre, et à travers vous, bravo aux autres membres de la Convention. Il vous a été demandé d'élaborer une feuille de route, et vous l'avez fait dans des conditions particulièrement difficiles. Je pense évidemment au confinement, mais aussi à l'environnement économique et social qui prévalait à l'automne et à l'hiver.
Nous avons beaucoup parlé, la dernière fois que nous avons entendu le comité de gouvernance, de la manière de faire. Ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est ce que l'on va faire. Nous attendons que vous présentiez les propositions que vous faites, pourquoi vous les faites, pourquoi vous n'avez pas abordé certaines questions, et pourquoi vous avez souhaité aborder des sujets qui, de mon point de vue, n'étaient pas forcément liés directement à votre travail initial.
Nous attendons aussi que vous puissiez échanger avec les parlementaires pour élaborer la suite. Une première partie du travail s'est terminée dimanche dernier, et une deuxième partie commence aujourd'hui, notamment avec les échanges entre les représentants élus que nous sommes et les représentants tirés au sort que vous êtes.
Je voudrais juste vous dire pourquoi je me suis engagée, moi qui m'occupe de climat depuis de nombreuses années. J'avais vraiment la conviction qu'il fallait sortir de notre communauté de spécialistes qui travaillent sur le climat pour écouter ce que les citoyens avaient à dire et voulaient faire, en faisant l'hypothèse que la société était prête à avancer sans doute plus que les responsables politiques ne le pensent.
Par ailleurs, lorsqu'en plus de leur travail, des personnes se consacrent à une cause commune, à un bien commun, on obtient un dépassement des points de vue personnels et l'éclosion d'une vraie intelligence collective. C'était ce que nous cherchions pour traiter et résoudre des problèmes de bien commun.
Je trouve aussi que c'est un exemple formidable de dépassement de la défiance entre parlementaires, politiques et citoyens. Le choix fait dimanche était de dire que l'on dispose d'éléments, et qu'il revient maintenant au Parlement de travailler avec ces près de 150 mesures ; les premiers contacts que j'ai eus avec vous montrent que vous ne souhaitez pas refermer la parenthèse et que vous êtes favorables à un maintien du dialogue.
Cet échange constitue une forme d'accomplissement pour la Convention, car c'est en passant par vous que seront concrétisées et mises en œuvre certaines des propositions de notre rapport.
Avant de faire une présentation synthétique des différentes mesures, nous tenons, au nom des 150 citoyens, à saluer le travail qui avait déjà été accompli par certains d'entre vous et qui a ouvert la voie aux réflexions de la Convention. Tout au long de nos travaux, nous avons pris grand soin de nous appuyer sur des dispositions déjà existantes et des lois que vous avez portées. D'emblée, nous avons voulu un travail en complémentarité, et nous nous inscrivons dans cette dynamique d'échanges constructifs.
L'objectif de la Convention est la réduction d'au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l'horizon de 2030. La sélection des citoyens s'est voulue représentative, et les 150 citoyens sont issus de différentes régions, de différentes catégories socioprofessionnelles, et de différents âges et sexes.
Le rapport de la Convention comprend 149 propositions ayant des natures différentes en fonction de leur portée juridique. Cinq domaines thématiques ont structuré le travail : se nourrir, se loger, produire et travailler, se déplacer, et consommer. Le rapport contient également une réflexion sur la manière d'inscrire la question climatique dans la Constitution, ainsi qu'une annexe qui présente des pistes de financement.
Les mesures qui se rapportent à la thématique « consommer » recoupent cinq objectifs, qui englobent quatorze mesures, dont huit incluent une ou plusieurs propositions de transcription législative. Cela va de la création obligatoire d'un affichage de l'impact carbone des produits et services, à la régulation de la publicité pour réduire les incitations à la surconsommation.
L'ambition globale de ces propositions n'est pas une action à court terme, mais le changement des comportements sur le long terme. L'objectif est aussi que le consommateur ne subisse pas la transition écologique, et qu'il en soit un acteur important et un levier.
Les mesures proposées par le groupe « se nourrir » visent quatorze objectifs. Elles englobent au total quarante-deux mesures, dont vingt font l'objet de propositions de transcription législative. Elles visent à engager la restauration collective dans des pratiques plus vertueuses, à développer les pratiques agroécologiques et à proposer de légiférer par exemple sur le crime d'écocide.
J'appartenais au groupe « se loger », qui s'est fixé trois objectifs et a conçu quatorze mesures ou préconisations. Les principales sont l'obligation de rénovation globale des bâtiments par le biais d'un accompagnement complet des travaux des propriétaires.
L'autre mesure essentielle est la lutte contre l'artificialisation des sols et l'étalement urbain, l'objectif étant une restriction au maximum des terrains artificialisés, et surtout l'interdiction de toute artificialisation en présence de friches dans le secteur, pour préserver les terrains agricoles, les milieux naturels et les réserves foncières.
Les ambitions de ce groupe sont d'accélérer fortement la réduction des GES à court et moyen termes par une rénovation globale des habitats et de pouvoir établir un bilan des économies en termes de consommation énergétique.
Le groupe de travail « se déplacer » vise cinq objectifs et propose vingt-trois mesures, dont la plus essentielle est l'optimisation du transport de marchandises et le recours aux voies ferroviaires et fluviales, ainsi que la réduction impérative de la circulation des poids lourds sur de longues distances.
Le dernier groupe de travail s'est penché sur le thème « produire et travailler ». Ce groupe important poursuit neuf objectifs et propose vingt-quatre mesures. Les mesures essentielles visent notamment à favoriser le développement de filières de réparation et de recyclage, à augmenter la longévité des produits en rendant obligatoire le recyclage des objets en plastique et à supprimer à terme les emballages plastiques à usage unique. Elles consistent aussi en l'ajout d'un bilan carbone dans tous les bilans de toutes les structures, en actualisant les reportings existants, et en étendant ce bilan au secteur financier.
L'ambition de ce groupe était de favoriser au maximum une production responsable, en partant du principe qu'on ne peut plus concevoir et produire sans en mesurer pleinement les impacts sur notre environnement.
Nous avons mené l'exercice avec beaucoup de sincérité, et cette sincérité a conduit les citoyens à poursuivre leur investissement. J'étais vice-président d'une section du Conseil, économique, social et environnemental avant d'être rapporteur général, et j'étais convaincu que nous pouvions élargir notre équipe en institutionnalisant la parole citoyenne. Avec la démocratie participative, on peut aussi renforcer la démocratie représentative. Je crois que cela a été fait quand les citoyens ont dit qu'ils ont fait leur travail, et qu'il appartient désormais aux élus de faire le leur.
Le rapport est disponible en ligne sur le site de la Convention citoyenne pour le climat. Les 150 citoyens ont fondé une association, l'Association des 150, pour pouvoir suivre ce qu'il adviendra de leurs propositions. Le travail réalisé a apporté la preuve que la participation citoyenne est possible et qu'il est possible de l'institutionnaliser, pourvu que chaque légitimité soit respectée. Maintenant, c'est votre légitimité d'élus qui doit être à l'œuvre dans le cadre du travail qui reste à faire.
Je voudrais saluer le travail des membres et des organisateurs de la Convention, ainsi que leur engagement tout au long des neuf mois écoulés.
Je voudrais également saluer le choix audacieux qu'avait fait le Président de la République en instituant cette Convention citoyenne il y a plus d'un an. Démocratie participative et démocratie représentative ne s'opposent pas ; elles s'enrichissent et elles se complètent. Les 149 propositions que vous avez formulées constituent des pistes de progrès pour nos politiques publiques en faveur du climat et de la biodiversité.
Pourriez-vous partager avec nous les enseignements que vous tirez de cette expérience et de vos neuf mois de travaux ? Il est important, si on souhaite instaurer de nouvelles conventions sur d'autres thématiques, d'avoir votre retour d'expérience.
Depuis trois ans, notre majorité travaille à accélérer la transition écologique. Nous avons élaboré plusieurs lois et plusieurs textes fondateurs, et la Convention illustre aussi la volonté d'associer mieux et plus les citoyens aux débats et aux prises de décision. La conclusion de vos travaux ne doit pas être un aboutissement, mais le début d'un travail de partenariat essentiel entre les citoyens et les parlementaires.
Pourriez-vous aussi nous présenter un peu plus en détail l'Association des 150 que vous avez créée, le but qu'elle poursuit et ce que vous attendez de la relation avec les parlementaires ?
Je salue le travail qui a été fait par les citoyens dans le cadre de la Convention, mais je ne suis pas optimiste et je m'inquiète déjà de voir que certaines propositions ne répondent pas aux attentes de nos concitoyens. C'est le cas d'une proposition problématique : réduire la vitesse à 110 km/h sur l'autoroute.
Par ailleurs, j'aimerais savoir pendant combien de temps vous pensez être des « citoyens ». Considérez-vous que vous allez continuer à représenter nos concitoyens d'une façon durable, ou pensez-vous que votre travail est terminé, et qu'il faut passer au choix de 150 nouveaux citoyens ?
J'ai quelques questions sur la partie technique. D'abord, nous sommes d'accord sur la nécessité d'avoir des logements complètement isolés. Mais avez-vous abordé les problèmes de financement et de normes, notamment dans les centres-villes anciens ou dans le rural diffus ?
Sur l'objectif de zéro artificialisation, nous sommes également d'accord, mais il faut trouver des solutions pour pouvoir densifier les constructions.
Sur l'agriculture, je ne partage pas tout ce que vous dites et je me demande pourquoi vous n'avez pas abordé le sujet de l'agriculture de conservation, qui tend à la fois vers le biologique et vers la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Nous soutenons l'intérêt de la mobilisation citoyenne et nous saluons votre attachement à la démocratie représentative, à travers le Parlement. Nous devons préserver ce triptyque de la démocratie participative, de la démocratie délibérative et de la démocratie représentative dans les grandes décisions que nous sommes amenés à prendre. Ce triptyque devrait permettre d'éviter l'écueil du tirage au sort.
Vous semblez maîtriser parfaitement les enjeux environnementaux. Le hasard a bien fait les choses en ce qui vous concerne, mais n'avez-vous pas craint que le processus du tirage au sort sélectionne une majorité de citoyens qui n'auraient pas un bagage scientifique et technique suffisant pour proposer des mesures destinées à assurer la transition énergétique de notre pays et donc à transformer radicalement notre société ?
Je souhaiterais également vous interroger sur la méthodologie. Face à l'urgence climatique, une mobilisation générale est indispensable. La présentation des travaux de la Convention citoyenne pour le climat aurait par exemple nécessité d'expliquer aux Français les grandes orientations que vous indiquez, afin de vérifier que ces grandes orientations constituent bien un socle commun pour tous les Français.
Enfin, la question du référendum me semble être intéressante dans le prolongement de cet exercice. Ne craignez-vous pas qu'il soit associé à une coloration politique et qu'il perde ainsi l'exigence d'impartialité fixée en amont de vos travaux ?
Je reste assez circonspect sur la manière dont il convient d'accueillir vos préconisations. Sur le fond, on ne peut que saluer l'exercice qui consiste à donner directement la parole aux citoyens, ainsi que votre engagement et la somme de travail qu'il a nécessité.
J'en viens à mes interrogations. Quel poids la parole des experts a-t-elle pris dans vos préconisations, et pouvez-vous nous indiquer à quel moment vos réflexions se démarquent a minima de celles des spécialistes ?
J'ai du mal à imaginer que l'on puisse verser toutes vos préconisations dans un grand texte de loi ; il ne ressemblerait pas à un véritable projet construit. Et je vois mal comment on pourrait espérer faire adopter d'ici quelques mois des mesures qui ont déjà, pour beaucoup d'entre elles, été repoussées à maintes reprises dans notre hémicycle. N'aurait-il pas mieux valu, pour plus d'efficacité, que vous concentriez vos réflexions sur des points stratégiques qu'il nous aurait été sans doute plus facile de reprendre législativement ?
Je tiens d'abord à remercier les 150 Françaises et Français qui se sont mobilisé neuf mois durant pour relever ce défi. Ils ont pu formuler des propositions ambitieuses qui rejoignent les combats portés de longue date par les écologistes.
La Convention a adossé ses engagements sur des pistes de financement telles que la mise en œuvre d'un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) écologique ou la création d'une taxe sur le cannabis, qui serait légalisé.
Pourquoi avoir choisi cette piste de financement plutôt que la hausse de la taxe carbone, par exemple ? Souhaitez-vous que ces pistes de financement aboutissent rapidement à un ISF écologique ? Ces mesures doivent-elles être votées sans délai pour donner des moyens à la transition écologique ?
Par ailleurs, le rapport de la commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social dite « Stiglitz » a rappelé que le PIB ne donne qu'une vision partielle de la richesse. Or aujourd'hui, les évaluations de nos politiques publiques reposent en grande partie sur cet indicateur de croissance. Vous êtes-vous penchés sur ce rapport pour mettre en œuvre de nouveaux indicateurs de richesse publique ?
Enfin, le modèle de comptabilité intégrée Care permet au niveau des entreprises, des associations et des collectivités de mieux mesurer la préservation des capitaux de départ, c'est-à-dire les capitaux financiers, mais aussi les capitaux naturel et humain, grâce à l'utilisation de nouveaux référentiels. Avez-vous évoqué cette comptabilité intégrée dans vos débats ? Est-ce une piste sur laquelle nous devons travailler ?
Je salue le travail des 150 citoyennes et citoyens, dont les propositions vont dans le bon sens. Ce sont même des propositions de bon sens.
Pour autant, la feuille de route qui vous a été donnée au départ était insuffisante. Il s'agissait de réduire de 40 % seulement les émissions de GES d'ici 2030, alors qu'il faudrait viser 65 % de réduction pour être en conformité avec l'Accord de Paris.
J'aimerais savoir comment les citoyennes et citoyens se sentent face à une première supercherie. Alors qu'il s'était engagé à reprendre toutes leurs propositions sans filtre, le Président de la République a finalement annoncé qu'il les passera à un tamis assez fin, pour n'en garder que quelques-unes et les soumettre à un hypothétique référendum.
Je voudrais savoir par ailleurs si vous êtes résolus à soumettre dès lundi, lors de votre rendez-vous avec le Président de la République, votre proposition de référendum sur la reconnaissance du crime d'écocide, et quelles conclusions vous pourriez tirer d'un refus de ce référendum par le Président.
Très sincèrement, le travail que vous avez fait est un point d'appui extrêmement important pour tous ceux qui veulent que la France accomplisse sa transformation écologique, et un démenti cinglant à tous ceux qui opposent cette transformation et l'urgence climatique aux impératifs de justice sociale.
Je voudrais souligner que la qualité de votre travail s'exprime par le niveau d'ambition des propositions qui forment un ensemble cohérent : l'interdiction de la publicité, la réduction de la vitesse, la diminution du chauffage et de la climatisation, etc. Je voudrais également saluer la qualité technique de vos propositions qui sont « prêtes à l'emploi » et saluer aussi le débat que vous avez eu sur le référendum, ainsi que votre refus de tomber dans un piège référendaire, et le choix que vous avez fait de mettre l'exécutif et le Parlement devant leurs responsabilités.
J'ai deux questions. D'abord, comment vivez-vous, y compris personnellement, les réactions parfois un peu tranchées sur l'ensemble du rapport ou sur certaines de vos propositions ?
Par ailleurs, vous a-t-on donné les moyens de réaliser le chiffrage en empreinte carbone de vos propositions par rapport à l'objectif de diminuer cette empreinte de 40 %, sachant que cet objectif n'est pas cohérent avec le rapport du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) ?
À mon tour, je voudrais saluer le travail qui a été réalisé. Je constate que finalement, après quinze années de débats, en particulier depuis le Grenelle de l'environnement, ces sujets ont largement percolé dans la population.
Sur la question des transports, je suis d'avis qu'il faut inciter nos concitoyens à renoncer à la voiture. Cependant, les propositions que j'ai pu lire concernent essentiellement les centres urbains. En revanche, le grand problème reste le milieu rural. L'article 16 de la loi d'orientation des mobilités (LOM) demande aux collectivités de se saisir de la compétence « transports », d'établir un schéma des transports et de proposer des alternatives. Est-ce une proposition que vous auriez pu adopter ?
Au sujet de l'accord économique et commercial global conclu entre l'Union européenne et le Canada (CETA), je suis surpris par votre position. Dans le domaine des accords commerciaux, le CETA représente ce qui se fait de mieux en matière de prise en compte des exigences climatiques. Je crois que c'est un peu dommage de le jeter à la poubelle…
Par ailleurs, je ne trouve rien sur les achats en ligne. Or, à l'occasion de la crise du Covid, les achats en ligne se sont développés et cela pose la problématique de la livraison. Est-ce un sujet que vous avez abordé ?
J'ai cinq observations sur votre travail et vos propositions foisonnantes.
Sur le financement, les propositions montrent la prise de conscience que l'argent existe et que la mise à contribution des hauts revenus et de la finance est indispensable pour la transition sociale et écologique, une logique que le Gouvernement refuse d'envisager.
Dans votre travail, les systèmes de production, d'échanges et de services restent à défricher. Faut-il laisser faire le marché ou renforcer la maîtrise publique, notamment dans des champs stratégiques tels que la politique de l'énergie ou la politique de l'eau ?
Vous faites des propositions structurantes, par ailleurs portées par les syndicats et les associations, en matière de transports, de logement, d'urbanisme et d'agriculture. Ces propositions ont toutes fait l'objet de nombreuses initiatives parlementaires, dénaturées ou balayées par le pouvoir en place.
La quatrième observation porte sur deux focus manquants : les enjeux majeurs et spécifiques dans les territoires d'outre-mer et la réduction du temps de travail, à salaire égal.
Des propositions doivent être activées rapidement à l'échelle parlementaire. C'est désormais aux députés de trancher, mais la balle est aussi dans le camp présidentiel et dans celui de la majorité.
Ma première réaction est l'émotion à la simple pensée du parcours de vie de 150 citoyens français qui ont vécu une expérience assez extraordinaire et qui ont avancé des propositions qu'il faut prendre comme un tout extrêmement responsable, finançable, audacieux et à la hauteur des enjeux. Hommage à la démocratie, et hommage à ce que peut être l'éducation populaire qui fabrique une démocratie vivante comme ressource première d'une nation. Nous pouvons nous réjouir d'avoir désormais un horizon culturel commun, et cela aussi est bon pour le pays.
Je ne vais pas faire l'inventaire de toutes les propositions qui ressemblent mot pour mot à ce que nous avons défendues en vain face à la majorité et à l'exécutif depuis trois ans.
Puisque nous avons un horizon commun, je propose plutôt de suivre une logique de chemin à bâtir ensemble pour l'exécutif, pour le Parlement et pour notre pays, dans une démocratie apaisée.
Une des questions portait sur l'expérience humaine et sur les enseignements que nous tirons de cette aventure de neuf mois qui n'est pas encore terminée, puisque nous entrons dans une seconde phase. Cela pose des questions d'organisation pratique sur le niveau d'engagement que tout le monde peut ou ne peut pas continuer à fournir après la remise du rapport.
Je pense que l'exercice a été réussi. On nous demande ce que nous aurions fait si nous avions eu des citoyens moins réceptifs ou moins attentifs et compétents sur ces sujets. Je pense que ce n'est pas la vraie question. Nous sommes tous arrivés avec un niveau d'ignorance que nous revendiquons ouvertement, mais aussi avec des compétences personnelles de vie ou d'expertise en liaison avec nos métiers.
Sur la question climatique, nous sommes donc arrivés avec notre degré d'ignorance ; nous avons beaucoup appris et cet apprentissage a porté sur des questions scientifiques liées à la réalité des changements climatiques, mais a aussi été un apprentissage de la complexité. Nous avons acquis de la maturité et je suis très fière de pouvoir revendiquer cela comme un résultat positif de l'exercice et une énorme plus-value.
Concrètement, l'association des 150 a apporté aussi quelques questions. Une de ses premières missions est d'organiser les prises de parole. Il y a beaucoup de sollicitations, mais il faut un cadre et il faut que les 150 citoyens puissent continuer à s'exprimer sur tous les canaux et à toutes les échelles. Par ailleurs, il ne s'agit pas pour nous de continuer notre engagement et de « représenter » les Français. Ce que nous allons faire, c'est défendre des propositions et un bilan dans les territoires. Le travail de représentation des Français, c'est celui des élus.
Pour l'après, il faut organiser d'une manière ou d'une autre la pérennité de cet espace de parole pour les citoyens, avec une rotation des cohortes.
Pour ce qui est du poids de la parole des experts par rapport aux attentes des citoyens, les experts nous ont énormément apporté. Je ne nierai pas leur travail et leur apport à cette réflexion collective. De l'information scientifique nous a été apportée et tout le monde a eu le réflexe automatique de raccrocher cela à du vécu.
Je suis très content de vos interventions. Je perçois que d'une manière générale, tout le monde a bien reçu notre rapport et a bien compris la nécessité de préserver notre environnement.
Nous n'allons pas défendre pied à pied chacune des mesures et chacun de nos objectifs. Je crois qu'il est essentiel de comprendre que la nature se détériore et qu'il faut agir pour la préserver. Mais il faut prendre en considération le fait qu'une période de transition est nécessaire et que certaines mesures, même si elles ne font pas plaisir, sont essentielles dans un premier temps.
Je suis heureux de voir que vous avez tous salué l'exercice et l'engagement des Françaises et des Français qui y ont participé. Je suis aussi presque étonné de voir que vous êtes heureux de voir que beaucoup de vos propositions sont reprises dans notre rapport.
Je précise que ces citoyens ne représentent pas les Français. Ils n'en ont d'ailleurs pas l'envie. Je sens que certains sont encore mal à l'aise avec ce sujet. Il n'y a pas de quoi. Les 150 citoyens illustrent la diversité de la France et c'est ce qui leur confère une légitimité, qui n'est pas celle des élections. C'en est une autre et il ne s'agit pas de les hiérarchiser.
La valeur absolument exceptionnelle de la démarche que ces citoyens ont entreprise, ce n'est pas de remplacer les experts. Ils ont examiné toutes les propositions qui étaient sur la table et ils ont fait le constat malheureux qu'on n'y arrive pas et que la stratégie nationale bas carbone (SNBC) ne s'applique pas. Nous ne sommes pas en train de nous rapprocher des 40 % et j'ai l'impression que globalement, nous faisons comme si c'était important, mais qu'il y a un constat d'impossibilité.
Enfin, il est très compliqué de chiffrer les gains en émissions de GES, parce que beaucoup de mesures ont un impact les unes sur les autres. Nous ne sommes probablement pas exactement à 40 %, mais c'est très difficile de le vérifier et il faudrait mener une étude vraiment fine, parce que beaucoup de mesures ont surtout un impact décalé dans le temps.
J'ai créé dans ma circonscription, dès le mois de mars 2019, un conseil de citoyens tirés au sort qui m'accompagne dans tous mes travaux parlementaires. Hier soir, ils se sont réunis à Chartres pour débattre de vos propositions et ils adhèrent à beaucoup de celles que vous avez formulées. Ils aimeraient vous poser quelques questions en toute franchise. Ce sont les suivantes : Pourquoi n'avez-vous pas abordé la question du nucléaire ? Vous utilisez souvent les mots « taxe » et « obliger ». Ne peut-on pas faire de l'écologie par l'incitation et l'encouragement, plutôt que par des taxes ? Avez-vous pensé aux habitants de la ruralité, qui n'ont pas d'alternative à la voiture ? Vos préconisations ne vont-elles pas créer des règles limitatives de nos libertés ? Demain, un juge pourra-t-il limiter mes droits et libertés s'il considère que je ne fais pas assez pour préserver l'environnement ?
La réduction de l'impact du secteur du bâtiment sur les émissions de GES et la réduction de la facture énergétique pour chacun d'entre nous sont des objectifs auxquels on peut aisément souscrire. Vous appuyant sur le constat que l'incitation n'a pas permis d'atteindre les objectifs de rénovation des bâtiments, vous préconisez de rendre les travaux obligatoires et d'assortir cette obligation de contraintes.
Au-delà des incidences que cela pourrait avoir sur le marché de l'immobilier et le parc de logements locatifs, je souhaiterais savoir si vous avez évalué l'effort financier qu'il faudrait engager à l'horizon 2040, si les experts qui vous ont accompagnés ont évalué cet effort, et si vous avez évalué les moyens que l'État devra mobiliser pour accompagner les propriétaires, qu'ils soient publics ou privés, ainsi que les bailleurs sociaux ?
Consommer, se nourrir, se loger, se déplacer : vos travaux sont très axés sur le consommateur. D'autre part, dans le chapitre produire et travailler, vous n'insistez pas assez sur la restructuration des industries polluantes. Au sujet du financement, il faudrait arrêter les financements et les subventions aux énergies fossiles, pour les transférer aux énergies renouvelables, notamment l'hydrogène, qui n'a pas été suffisamment traité dans votre rapport.
Je salue votre formidable travail. C'est assez touchant de vous voir travailler sur les mêmes sujets que nous. Nous allons bien sûr nous appuyer sur vos travaux et même aller plus loin, notamment parce qu'on ne peut plus séparer agriculture, alimentation, santé globale humaine, animale et environnementale, et solidarités.
Qu'est-ce qui a le plus changé pour vous entre avant la Convention et après ? Vous avez constitué une association, et vous avez parlé des territoires. Vous avez plongé dans la politique en réfléchissant sur le vivre ensemble, sur le bien commun, sur la transformation de notre société. Pensez-vous que nous pourrions reproduire cette démarche localement, dans les territoires ? Comment voyez-vous votre rôle et votre mission avec les élus locaux et les parlementaires sur le terrain ?
Une dernière boutade : aimeriez-vous vous présenter aux prochaines élections législatives ou sénatoriales ou participer à la vie politique en tant qu'élus locaux ?
Quand il sera temps de faire un bilan du quinquennat, les députés de la majorité n'auront aucun mal à défendre leur bilan sur la transition écologique et les nombreuses avancées de ce quinquennat. L'accélération de la transition écologique est en marche avec cette majorité bien plus que sous n'importe quelle majorité jusqu'à maintenant, même quand il y avait des ministres dits écologistes au gouvernement. Il faut évidemment continuer cette accélération pour faire baisser les émissions de CO2.
Je regrette que vous ne soyez pas allés plus loin sur le financement. Nous savons tous que le principal problème de l'accélération de la transition est celui des moyens financiers que l'État peut dégager pour cette accélération.
Par ailleurs, avez-vous essayé de calculer l'impact de chaque mesure sur la réduction globale de nos émissions ? J'ai vu dans le rapport une logique d'« étoiles » pour donner l'indication de l'impact, mais c'est très imprécis et insuffisant.
Dans le cadre de la thématique « se loger », une de vos propositions est la lutte contre l'artificialisation des sols. Cet objectif n'est pas nouveau et d'emblée, il paraît vertueux. Pour autant, ne faudrait-il pas vérifier et surtout valider la pertinence de cette mesure ? Les facteurs « espace de vie » et « bien vivre ensemble » nous interrogent et remettent en cause la densification urbaine.
Comment appréciez-vous la notion d'organisation, qui cherche à desserrer, et qui est fondée sur la dimension qualitative de « se loger mieux », et son adéquation avec la lutte contre l'artificialisation des sols ?
Je tiens à saluer la qualité du travail que vous avez fourni. Comme vous le savez, nous avons voté des lois ambitieuses en matière de transition écologique depuis 2018. Je me suis particulièrement penchée sur votre proposition d'adopter une loi qui définit le crime d'écocide.
Seriez-vous prêts à travailler sur les textes juridiques constitutionnels qui pourraient engager une mesure proposant la création d'une qualification pénale de crime écologique ?
Je ne reviendrai pas sur le fond des mesures telles qu'elles ont été abordées ici, hormis pour demander à nos invités ce qu'ils pensent des réactions du Premier ministre à leurs propositions. Il a souligné le caractère liberticide de certaines d'entre elles, qu'il a jugées juridiquement impossibles, notamment la notion d'écocide.
J'aurais aimé savoir quel est le coût final total pour le contribuable de cette Convention citoyenne pour le climat, et quelle a été l'influence des lobbys que vous avez subie, directement ou indirectement. Nous avons bien compris l'influence importante de Mme Tubiana. Par quels moyens avez-vous été contactés, que ce soit dans le cadre de vos débats ou à titre personnel, sur quels sujets et par quelles organisations ?
J'ai deux petites questions. Pour le thème « se déplacer », vous avez énormément travaillé et fait des propositions sur les aéroports et les vols aériens. Je voudrais savoir si vous avez travaillé aussi sur les projets de LGV et sur l'impact des LGV sur la biodiversité et le réchauffement climatique, en comparaison avec le transport aérien.
Par ailleurs, je voudrais savoir si vous avez travaillé sur les enjeux environnementaux de l'économie sociale et solidaire, que j'ai tendance à appeler économie sociale, solidaire et environnementale. Ne pensez-vous pas que c'est aussi une source d'avenir pour les enjeux environnementaux que de développer cette économie ?
Concernant notre réaction aux propos du Premier ministre, je souhaite souligner qu'il n'y a eu aucune communication officielle en ce sens. Ses propos étant rapportés par Le Canard enchaîné, nous attendrons d'avoir une clarification à ce sujet et je crois que nous l'aurons très vite avec la visite à l'Élysée lundi.
Sur la question du chiffrage et de l'impact de nos propositions, vous savez comme nous à quel point la question de l'étude d'impact est complexe, surtout s'agissant du sujet qui nous préoccupe. Nous espérons qu'une partie du travail a été faite avec ce système d'appréciations et de petites étoiles que vous jugez insatisfaisant. Nous espérons aussi que vous, parlementaires, pourrez aller plus loin.
La question des financements est un peu transversale. Un des intervenants a cité l'annexe à notre rapport. Elle inclut plusieurs propositions, dont certaines ont suscité plus de consensus que d'autres au sein des 150. C'est le cas du soutien de la France au Green Deal européen, du soutien de la France à la proposition de pacte Finance-Climat au niveau européen et du développement d'un dispositif de financement des innovations dans une logique de sortie du carbone, etc.
Il y a donc plusieurs pistes. Contrairement à ce qui a été dit, tout n'est pas basé sur un système de taxes et nous ne sommes pas dans une logique d'écologie punitive. Beaucoup de mesures sont incitatives et visent à aider le consommateur, telles que la réduction de la TVA sur les produits de proximité pour favoriser le développement des circuits courts. La TVA devient ainsi un levier incitatif plus vertueux.
La finance ne faisait pas partie de notre mission. Si nous sommes parvenus à des propositions, c'est qu'il paraissait parfois nécessaire de trouver des pistes de financement. Le deuxième élément essentiel qui fait que nous n'avons pas insisté sur la partie relative au financement, c'est que nous avons manqué de temps.
M. Jean-Pierre Cabrol a posé le cadre dans lequel nous avons fait des propositions en matière de financement. Nous savions ce que nos propositions allaient coûter et nous voulions nous placer dans une dynamique de responsabilité. Des études ont commencé à paraître sur l'évaluation de ce que nos propositions coûteraient et ce coût est estimé à près de 6 milliards d'euros.
Quant à la rénovation globale des bâtiments, une estimation globale suggère qu'il faudrait 11 milliards d'euros d'aides financières par an. Ce montant est à mettre en rapport avec le planning de rénovation et avec les catégories des bâtiments.
Je crois qu'il faut aborder les questions sur le lien avec l'extérieur, les lobbys, etc., et sur les démarches et la méthode suivies.
Les citoyens n'ont pas été mis sous cloche. Ils sont dans la société. Qu'est-ce qu'un lobby ? Ce sont des personnes qui défendent un intérêt ou un groupe d'intérêts. Les citoyens ont entendu des représentants d'entreprises, des représentants de salariés, des représentants d'organisations non gouvernementales (ONG), etc. Au sujet de la question de la nourriture par exemple, ils ont entendu en même temps la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et Greenpeace. Sur le logement, ils ont pu entendre à la fois NégaWatt et la Fédération du bâtiment. Ils ont aussi entendu des scientifiques.
Je crois que la transparence est intéressante pour les élus et pour tous ceux qui participent aux processus décisionnaires.
J'aimerais vous entendre encore une fois et je vous donne simplement rendez-vous une fois que vos propositions auront été examinées par les parlementaires et par le Gouvernement. Je serai alors très curieux et ravi de connaître vos réactions par rapport à ce qui sera le résultat final de votre travail.
J'ai regardé vos propositions avec beaucoup d'attention. Ce qui m'a intéressé, c'est de voir quelles sont les approches, plus particulièrement en ce qui concerne le bois et la forêt. Quand je lis vos propositions, elles sont un peu en contradiction avec ce que l'on peut constater sur le terrain. Il faut protéger la forêt, mais il y a aussi l'aspect économique, et écologique, à prendre en compte, pour favoriser l'utilisation du bois. Si je lis vos mesures aujourd'hui, la conséquence est simple : il faudrait limiter les prélèvements, mais en continuant paradoxalement à importer énormément de bois d'autres pays, avec un bilan carbone qui sera catastrophique. Je voudrais savoir quelle est cette approche et comment vous avez conduit votre analyse.
La liste de tous les experts qui ont été auditionnés est publique. Quand on regarde les statistiques, il y a une légère surreprésentation des experts venant du monde des entreprises, suivis par les ONG qui regroupent principalement les organisations qui traitent de questions d'environnement et de questions de pauvreté. À cela s'ajoutent les interlocuteurs classiques : experts, think tanks, universitaires, etc.
Le collège des garants est évidemment très attentif à ce que le comité de gouvernance soit bien d'accord sur les experts qui sont invités. Il assure donc la transparence. Nous avons tous rempli des déclarations d'intérêt.
Sur la question dj financement, plusieurs économistes ont participé. Mais le dossier financier n'est pas intégré dans les 150 propositions. C'est un avis complémentaire sur lequel les citoyens ne se sont pas prononcés dans le détail.
Le sujet du nucléaire n'a pas été abordé. Je n'ai pas fait partie de ce groupe de travail, mais je vais essayer d'exprimer le ressenti de ce groupe. La Convention n'a pas parlé non plus des centrales à charbon et des différents types de centrales de production d'énergie. Je pense que ce groupe de travail s'est vraiment préoccupé de réfléchir à des solutions immédiates. Nous avons plutôt travaillé sur ce qui est le plus efficace à plus ou moins court terme, et le nucléaire n'en fait pas partie.
Par ailleurs, il a été proposé d'opter pour une écologie par participation plutôt que par le biais de taxes. Je pense que c'est le souhait de tous les citoyens de la Convention de voir les gens se mettre à respecter l'environnement et essayer de l'impacter le moins possible. Malheureusement, ce n'est pas le cas et je crois que la taxation est parfois une obligation.
Je pense qu'il reste encore beaucoup de questions très précises auxquelles je n'ai pas le temps de répondre. J'avais envie de transmettre deux messages pour la suite. L'énergie est en effet un sujet que la Convention n'a pas pu traiter avec toute l'ampleur qu'il nécessite.
Vous avez parlé aussi du temps de travail. Il y a eu débat, mais ce sujet n'a pas pu être tranché, parce qu'il appelle une réflexion également beaucoup plus vaste.
L'énergie et le travail peuvent constituer de futurs sujets de conventions.