Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Réunion du mercredi 20 mai 2020 à 17h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 17 heures 50.

Présidence de M. Ugo Bernalicis, président.

La Commission d'enquête entend, en visioconférence, Mme Elise Van Beneden, présidente d'Anticor, et M. Eric Alt, vice-président.

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Nous recevons à présents les représentants d'Anticor : sa présidente, Mme Elise Van Beneden, et son vice-président, M. Eric Alt, dont l'audition avait été annulée à cause du confinement.

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vous invite, madame, monsieur, à prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mme Elise Van Beneden et M. Eric Alt prêtent successivement serment.)

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Elise Van Beneden, présidente d'Anticor

Anticor a été fondé en 2002 pour lutter contre la corruption, rétablir l'éthique en politique et restaurer le rapport de confiance entre les citoyens et leurs représentants. Transpartisane, l'association comptait, en avril dernier, 3 916 adhérents, citoyens et élus. Elle n'accepte aucune subvention ni aucun don d'entreprise. L'association agit par le plaidoyer, la formation dans les lycées et la voie judiciaire. Pour exercer cette dernière activité, la plus importante, nous avons deux agréments. L'un a été délivré par le ministère de la justice, l'autre par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Le premier permet à Anticor de représenter l'intérêt général en se portant partie civile quand des comportements traduisent un manquement au devoir de probité constituant une des infractions dont l'article 2-23 du code de procédure pénale dresse la liste. Cet agrément, remède à l'inertie du parquet dans certaines affaires politico-financières, n'abolit pas l'impératif de réformer le statut de certaines de nos institutions, en premier lieu celui du procureur de la République. Anticor est partie civile dans une soixantaine de procès en cours et a signalé à la justice des atteintes à la probité dans une quarantaine d'autre dossiers.

Parce que notre action permet d'orienter la justice vers des dossiers sur lesquels le procureur ne souhaite ou ne peut agir, nous agaçons le pouvoir et nous sommes vulnérables. Il est paradoxal que notre agrément, qui devra être renouvelé en 2021, soit délivré par le pouvoir exécutif alors qu'il nous arrive d'agir contre des membres du Gouvernement. Si le mécanisme était maintenu, il serait souhaitable que l'agrément soit délivré par la HATVP, qui a démontré son indépendance.

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

Faut-il reformuler l'article 64 de la Constitution, disposant que le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire, demandez-vous dans votre questionnaire écrit ? Oui, en prenant pour exemple l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne, et en rappelant que cet article contredit l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme, ce qui rend notre architecture constitutionnelle bancale.

Faut-il faire évoluer le rôle et la compétence du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ? Oui, puisque c'est le garde des Sceaux qui détermine ses choix. Une réforme beaucoup plus ambitieuse que celle qui est projetée est nécessaire, fondée sur l'avis rendu par le Conseil consultatif des juges européens auprès du Conseil de l'Europe, qui recommande l'installation d'un Haut conseil de la justice.

Faut-il faire évoluer le statut du parquet ? Oui, pour éliminer le venin du soupçon. La loi du 25 juillet 2013 a interdit au garde des Sceaux de donner des instructions individuelles mais n'a pas levé la suspicion – d'autant moins que le Premier ministre assume encore de vouloir nommer des procureurs en ligne avec le pouvoir. On justifie souvent le lien hiérarchique avec la Chancellerie par la nécessaire application de la politique pénale. Mais aux Pays-Bas, en Belgique, en Espagne, la politique pénale est déterminée par un collège d'avocats généraux, et sans doute y aura-t-il sous peu un collège des procureurs européens. Cela invite à relativiser cet argument, et nous sommes favorables à l'alignement du statut des magistrats du parquet sur celui du siège, sur le modèle italien. S'agissant du point particulier du secret partagé et donc de la remontée d'informations, M. Jean-Jacques Urvoas a donné un bon exemple des dérives possibles. On notera qu'il a transmis des informations sur une enquête le concernant à un membre de l'opposition ; on en déduit que les membres de la majorité bénéficient généreusement de cette pratique.

Le rattachement de la police judiciaire au ministère de l'Intérieur pose-t-il un problème ? Incontestablement. Eric Halphen, le magistrat qui allait être le fondateur d'Anticor, s'est vu en son temps refuser, dans une affaire célèbre, l'assistance d'un officier de police judiciaire pour une perquisition. Dans une affaire récente, des officiers de police judiciaire avaient tenté de perquisitionner l'appartement de M. Benalla ; ce ne sont pas des naïfs, et il est étrange qu'ils n'aient posé qu'un ruban alors qu'on pouvait se douter qu'il y avait quelque chose dans cet appartement. Les services spécialisés de la police judiciaire devraient, comme ils le sont en Italie, être rattachés au parquet indépendant pour garantir l'amont des décisions judiciaires.

La réforme prévue de la Cour de justice de la République est-elle satisfaisante ? Non : un hiatus subsistant entre volet ministériel et volet non-ministériel, il y aurait toujours une justice à deux vitesses. De plus, le ministre jugé ne pourrait faire appel, sauf à considérer que la Cour de cassation devienne une cour d'appel ; ce n'est vraiment pas son rôle.

Vous nous avez demandé de quels éléments votre commission devrait se saisir. J'insiste sur la dépendance de Tracfin à l'égard du pouvoir exécutif. Cette institution discrète est importante pour la justice. Nous considérons comme suspecte la chronologie du départ, le 10 juillet 2019, de Bruno Dalles, son directeur, dont le mandat avait pourtant été renouvelé jusqu'en 2021, alors qu'Anticor avait déposé plainte le 5 juin de la même année contre M. Benalla, au sujet des montages financiers qu'il avait réalisés pour dissimuler des contrats passés avec des sociétés russes alors qu'il était en poste à l'Élysée.

D'autre part, vous savez qu'en juillet 2019, la garde des Sceaux a demandé l'ouverture d'une enquête administrative me concernant, fondée sur deux griefs inconsistants. Le premier est d'avoir signé la confirmation de la constitution de partie civile d'Anticor dans l'affaire Ferrand en ma qualité de vice-président de l'association, au motif que j'étais à la fois plaignant et collègue du juge parisien qui instruisait l'affaire. Le deuxième est d'avoir publiquement et sévèrement critiqué les autorités de l'État qui, en Corse, avaient refusé de recevoir une plainte relative à des fraudes aux primes agricoles.

La garde des Sceaux savait pourtant, s'agissant du premier grief, qu'il n'y a pas matière à poursuite disciplinaire : la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 29 mai 2019, a jugé que mon appartenance au tribunal de Paris qui jugeait M. Balkany dans une affaire dans laquelle Anticor s'était constitué partie civile, n'était pas de nature à faire naître un doute sur l'impartialité du tribunal, dès lors que je n'étais pas chargé du jugement de l'affaire, n'exerçais aucune fonction pénale et que 300 magistrats sont affectés à cette juridiction. De plus, tout juriste sait que le problème de l'impartialité se pose du point de vue du juge qui reçoit la plainte, jamais du point de vue du plaignant ou de la victime. Ces éléments me laissent penser que la procédure engagée contre moi n'est pas tout-à-fait normale.

De même, concernant la Corse, la garde des Sceaux disposait d'une note de la présidente de la cour d'appel, aujourd'hui présidente de la Cour de cassation, concluant qu'il n'y avait matière ni à poursuite disciplinaire ni à rappel déontologique. Elle s'appuyait sur un jugement rendu par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), selon lequel l'obligation de réserve doit céder à la possibilité pour les magistrats de lancer l'alerte. Si j'ai tenu ces propos sévères, c'est que j'ai ressenti une souffrance de la population de l'île devant la situation très dégradée de la justice et de l'État de droit. Ce n'est pas sans raison qu'un collectif anti-mafia s'est constitué fin 2019 après l'assassinat d'un jeune homme, et mes propos tenaient de l'euphémisme au regard de ce qui a été dit depuis lors.

Je n'ai toujours pas eu communication du rapport d'inspection, et ce n'est pas faute de l'avoir demandé à la ministre, sur le fondement de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration.

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

J'indique en conclusion que le Groupe d'États contre la corruption du Conseil de l'Europe s'est interrogé sur la possibilité pour le garde des Sceaux d'engager des procédures administratives et disciplinaires concernant les magistrats. Mais peut-être cette affaire se situe-t-elle dans un autre cadre, dont notre présidente va vous entretenir.

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Elise Van Beneden, présidente d'Anticor

Vous nous avez demandé si notre association a été confrontée à des comportements portant atteinte à l'indépendance de la justice et nous souhaitons évoquer un dossier. Á la suite de révélations faites par Mediapart, Anticor avait déposé le 1er juin 2018 une plainte visant M. Alexis Kohler, secrétaire général de l'Élysée. Étaient en cause les fonctions successivement exercées au service de l'État et aux Chantiers de l'Atlantique par M. Kohler alors qu'une partie de sa famille est actionnaire de l'armateur MSC, très important client de cette société.

Cette situation nous semblant susceptible de recevoir une qualification pénale, nous avons déposé plainte auprès du parquet national financier (PNF), qui a saisi la brigade de répression de la délinquance économique en juin 2018. Le 7 juin 2019, un procès-verbal de synthèse relevant des éléments qui auraient pu justifier la saisine d'un juge d'instruction et la mise en examen de M. Kohler pour prise illégale intérêts et trafic d'influence a été adressé au parquet. Le 1er juillet 2019, une lettre sur papier libre signée par M. Emmanuel Macron a été annexée au dossier. C'était une note personnelle, adressée à M. Kohler, rappelant que celui-ci l'avait informé de ses liens familiaux avec l'armateur et qu'il avait demandé à ne pas traiter les dossiers concernant MSC. Le 18 juillet 2019, un nouveau procès-verbal de synthèse, dit « définitif », allégé d'une dizaine de pages et de tous les faits susceptibles d'être reprochés à M. Kohler, était envoyé au parquet. Le 21 août 2019, alors qu'il n'y avait pas d'urgence particulière et que le PNF était dirigé par une avocate générale assurant l'intérim, l'affaire était classée sans suite.

Étant donné ces éléments, il appartient, me semble-t-il, à votre commission d'établir si la décision d'ouvrir une enquête administrative visant M. Alt d'une part, la décision de mettre fin aux fonctions du chef de Tracfin et la présentation d'un procès-verbal de police tronqué dans l'affaire Kohler d'autre part relèvent du fonctionnement normal des institutions.

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Je demande à chaque magistrat auditionné s'il a eu connaissance, directement ou indirectement, de pressions ou d'obstacles à son indépendance ; les réponses sont sempiternellement négatives. Ce peut être très rassurant mais, en vous entendant, je m'interroge : les magistrats n'ont-ils pas intériorisé les obstacles ? Ainsi, comment expliquer que, pendant le mouvement des Gilets jaunes, la demande de sévérité faite aux parquets par une circulaire de politique pénale ait été aussi bien suivie par les formations de jugement ?

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

Les magistrats du siège sont indépendants et les jugements rendus diffèrent selon les formations et les lieux. Cela dit, il n'est pas satisfaisant que non seulement il y ait eu une circulaire de politique pénale mais que la ministre de la Justice se soit rendue au tribunal de Paris à cette occasion. C'était une pression manifeste sur les parquets, mais les magistrats du siège pouvaient résister.

La pression s'est allégée formellement depuis l'adoption de la loi de 2013 mais elle existe encore ; Mme Van Beneden vous a fait part de l'exemple emblématique d'un dossier dans lequel on peut soupçonner que la justice n'a pas eu un fonctionnement normal. Je ne pense pas qu'il soit dans la culture du PNF de classer un dossier quand il y a matière à poursuivre ; dans le cas cité, au minimum, un juge d'instruction aurait dû être saisi. Le magistrat concerné a fait preuve d'une sorte de résistance passive : je pense que l'on attendait de lui qu'il passe le premier rapport de synthèse à la broyeuse, mais il ne l'a pas fait. Le document était dans le dossier et nous pouvons vous en faire part.

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On voit la difficulté pour les magistrats eux-mêmes de rendre compte des dysfonctionnements dont ils ont connaissance. Comment font les justiciables ?

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Elise Van Beneden, présidente d'Anticor

S'agissant de l'intériorisation, il y a probablement une banalisation des interventions de l'exécutif. Alors que l'article 30 du code de procédure pénale interdit à la garde de Sceaux de donner des instructions individuelles, elle l'a fait de manière à peine voilée dans l'affaire Tapie et, un syndicat de magistrats excepté, il n'y a pas eu de fortes réactions, alors que c'est la séparation des pouvoirs qui est en jeu.

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Considérez-vous, monsieur Alt, que l'enquête administrative qui vous vise est la conséquence directe de ce que l'exécutif semble vous reprocher, ou que la relance de l'affaire du président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, a été un élément déclencheur ?

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

L'enquête administrative est terminée et la garde des Sceaux décidera, au vu du rapport d'inspection, si le CSM doit être saisi. J'ai dit pourquoi j'estime cette enquête anormale. L'affaire concernant la constitution de partie civile date d'un an avant la décision prise le 5 juillet 2019 d'engager cette enquête administrative. J'ai déposé plainte au nom d'Anticor dans l'affaire Ferrand en février 2018. L'« affaire » corse date de février 2019 ; or, beaucoup de magistrats tiennent des propos critiques, mais je suis le premier poursuivi pour cette raison. C'est pourquoi, à mon avis, ces deux griefs ne sont pas la réalité du dossier. En juillet 2019, peut-être en raison de l'affaire Kohler, peut-être en raison d'autres affaires dans lesquelles l'association avait déposé plainte, décision a été prise d'intimider et de discréditer Anticor ; c'est mon intime conviction, mais je n'ai pas les moyens de le démontrer. Cela n'a pas très bien marché puisque les collègues et deux syndicats de magistrats ont créé un comité de soutien. Je pense que l'on voulait intimider Anticor et, peut-être, tous les magistrats tentés de formuler des propos critiques à l'égard du pouvoir ou d'exercer leur liberté d'expression.

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Je n'ai pas le sentiment d'avoir eu connaissance de vos réponses écrites. J'ai aussi eu l'impression que vous répondiez à des questions que je n'avais pas posées, mais votre parole est libre. Anticor est donc une association habilitée à agir dans la lutte contre la corruption, comme le sont Transparency International et Sherpa, mais beaucoup d'autres associations agréées dans d'autres domaines peuvent mettre en cause le pouvoir exécutif. Pourquoi un agrément général devrait-il vous être spécifiquement délivré par la HATVP ? Vous n'avez aucune raison particulière de vous considérer à l'avance comme victime d'une procédure par laquelle votre agrément sera renouvelé en 2021.

Combien de signalements vous parviennent et combien en traitez-vous ? Il semble y avoir une grande différence entre les deux chiffres ; quels critères président aux choix d'Anticor ? Ne retenez-vous que les plaintes qui ont une incidence médiatique ou politique ?

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

Nous avons répondu au questionnaire que vous nous avez adressé et l'avons renvoyé en début d'après-midi.

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Elise Van Beneden, présidente d'Anticor

L'agrément a été créé en 2013 et nous n'avons eu de difficulté ni pour l'avoir ni pour le renouveler, c'est vrai. Mais l'association Sherpa n'a pas obtenu le renouvellement d'emblée ; il y a eu bataille à ce sujet devant le tribunal administratif et entre le début de cette bataille et l'obtention de l'agrément à la deuxième demande, sa participation à toutes les procédures judiciaires dans lesquelles elle intervenait a été remise en cause.

Transparency International fait peu de contentieux et Sherpa vise davantage l'international. Notre propre activité est en grande partie judiciaire et c'est nous qui, en France, portons les dossiers contre des personnalités politiques importantes, mais ce ne sont pas les seuls dossiers dans lesquels nous intervenons. Anticor a porté plainte ou est partie civile, je vous l'ai dit, dans une soixantaine de procès en cours et s'est limité à des signalements dans une quarantaine de dossiers. Nous menons aussi des batailles de fond devant le tribunal administratif : contre le secret des affaires par exemple, et maintenant contre le secret de la vie privée des personnes morales qui nous a été opposé lors d'une demande de documents administratifs. La sélection des dossiers se fait par deux voies. Pour ceux que retient notre conseil d'administration, notre critère principal est la plus-value que peut apporter Anticor en palliant l'inertie d'un procureur, mais ce n'est pas le seul ; nous choisissons également les dossiers que nous considérons comme emblématiques ou qui provoqueront un débat que nous jugeons intéressant. D'autre part, nos quatre-vingt-neuf groupes locaux font des signalements au procureur de la République ; s'il ne bouge pas, ces groupes nous font remonter ces signalements afin que nous décidions si nous épaulerons leur démarche.

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

Transparency International, Sherpa et Anticor sont agréés par la HATVP, mais cet agrément ne vaut que pour le champ de compétence de la Haute autorité. Il serait souhaitable de lui donner une portée plus générale, ce qui nous permettrait d'avoir à faire avec l'autorité dont les garanties d'indépendance sont plus importantes.

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Ne peut-il y avoir confusion de rôles entre l'exercice public de la magistrature et le militantisme exercé à titre privé, politique ? Vous avez mentionné le soutien que vous avez reçu, mais Olivier Beaud et Jean-Marie Denquin, professeurs de droit public, ont publié une tribune contestant votre approche pour des motifs juridiques, se référant à la jurisprudence de la CEDH. Comment envisagez-vous la séparation entre le militantisme et la fonction d'un magistrat qui intervient comme organe de l'État ?

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

Un justiciable a-t-il des raisons de penser que la décision qui sera prise à son sujet sera biaisée par le seul fait que le magistrat qui le juge en connaît un autre dans la même juridiction ? Selon la CEDH, l'impartialité s'apprécie au cas par cas. Au moment de prendre leurs fonctions, les magistrats ont un entretien déontologique avec le président du tribunal et nous déclarons nos intérêts. J'ai évidemment déclaré mes fonctions au sein d'Anticor et le fait que je siège au conseil d'administration de Sherpa. En conséquence, le président m'a dit que je ne pourrai bien sûr pas juger d'affaires pénales, et que mon souhait d'être départiteur prud'homal correspondait tout à fait à ma situation. L'entretien déontologique est important, et chacun doit apprécier la distance qu'il convient de prendre en raison de ses activités militantes. En revanche, je considère que la citoyenneté du magistrat ne s'arrête pas à la porte des tribunaux. D'ailleurs, certains magistrats sont élus et ont une carrière politique sans que cela ne pose aucun problème. Ce serait une vision périmée de la magistrature d'estimer que le militantisme associatif, voire le syndicalisme, ne serait pas admissible en juridiction.

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Je voulais connaître la suite donnée à l'enquête administrative mais j'ai entendu que vous n'avez toujours pas de réponse.

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En préambule, monsieur le juge, sachez que je partage l'essentiel de vos propos concernant la Corse. J'ai longtemps travaillé avec M. Émile Zuccarelli, qui a beaucoup fait pour essayer de mettre un terme à ce que vous avez à juste titre qualifié de corruption en Corse.

Les statuts d'Anticor prévoient-ils une obligation de déport pour ses membres avocats ou magistrats quand sont jugées des affaires qui pourraient avoir un lien, même ténu, avec celles dont vous pourriez être à l'origine par une plainte ou une constitution de partie civile ? La publicité de l'adhésion à Anticor, qui traduit le droit de tout magistrat à un engagement associatif, ne permettrait-elle pas d'échapper à toute éventuelle suspicion ? Plusieurs de vos dirigeants, notamment l'un de vos anciens présidents, se sont présentés plusieurs fois à des élections. Ce fut sans succès certes, mais l'engagement citoyen d'un magistrat ou d'un fonctionnaire territorial sollicitant le suffrage universel ne doit-il pas le conduire à ne pas occulter sa qualité d'ancien président d'Anticor ?

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

Anticor, association visant à réhabiliter la démocratie représentative, était à l'origine composée d'élus ou de candidats à une élection ; aussi, que des membres d'Anticor se soumettent au suffrage de leurs concitoyens ne me semble présenter aucun problème. Je me déporte quand le conseil d'administration de l'association prend des décisions concernant des affaires parisiennes.

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Que pouvez-vous nous dire de la publicité sur l'engagement associatif des membres d'Anticor qui se présentent à une élection ? D'autre part, quelle proportion des plaintes déposées par Anticor est classée sans suite ?

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

Anticor n'est pas simplement une machine à sortir des affaires, c'est l'expression d'un combat culturel pour tenter d'apporter plus de garanties aux citoyens victimes de manquements à la probité dans la vie publique. La publicité de l'association se situe dans ce cadre. Elle peut prendre la forme d'une intervention à la télévision, d'une université, de l'attribution annuelle de prix éthiques. Ma fonction de départiteur prud'hommal ne m'expose à aucun conflit d'intérêts, sauf à considérer que j'aurais une emprise sur les 300 magistrats du siège de Paris.

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Elise Van Beneden, présidente d'Anticor

La question du déport se pose davantage pour un magistrat que pour un avocat. Pour les magistrats, il y a les dispositions prévues par la loi, et, au sein d'Anticor, le cadre défini par nos statuts et par notre charte relative à l'organisation de l'association. Nous avons évidemment fixé des règles permettant de prévenir les conflits d'intérêts et des règles de déport. Pour ce qui me concerne, avocate exerçant dans le champ du droit social, il y a peu d'interférences.

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Ma question ne vous concerne pas seuls, chère consœur, elle porte sur un principe d'ordre général,

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Elise Van Beneden, présidente d'Anticor

Selon moi, un avocat exerce une activité éminemment militante et je ne vois aucune interférence gênante entre l'adhésion à Anticor et cette activité.

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

L'indignation provoquée par mon affaire a fait qu'Anticor compte désormais soixante magistrats parmi ses adhérents ; tous ne sont pas actifs et ce ne sont pas des pénalistes.

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Elise Van Beneden, présidente d'Anticor

Nous avons évidemment envisagé cette question et c'est pourquoi, à ma connaissance, il n'y a pas de magistrats pénalistes au sein de l'association.

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Est-ce à dire que si un magistrat pénaliste demandait à adhérer, vous refuseriez son adhésion ?

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Elise Van Beneden, présidente d'Anticor

La justice étant terriblement sous-financée, il n'y a pas énormément de juges d'instruction. Nous préférons donc éviter qu'ils adhèrent à l'association, de manière que des juges d'instruction puissent juger les dossiers que nous portons devant la justice. Nous n'avons pas compté le nombre de nos plaintes qui ont été classées sans suite, et il faut préciser ce que l'on entend par là : ainsi, il y a eu classements sans suite dans plusieurs affaires, l'affaire Ferrand par exemple, après quoi nous nous sommes constitués partie civile et il y a eu une mise en examen.

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Elise Van Beneden, présidente d'Anticor

Nous demandez-vous si beaucoup de nos actions n'aboutissent pas ?

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Je suis étonné que vous personnalisiez si fortement ces échanges. Vous êtes devant la représentation nationale et nous parlons de principes. Combien de plaintes déposez-vous chaque année, combien font l'objet d'une instruction, combien sont classées sans suite, et voyez-vous toujours là la main noire d'un cabinet noir qui irait à l'encontre de la probité, au détriment du fonctionnement de la démocratie que vous seriez seuls à défendre ? D'un point de vue républicain et d'organisation de la justice, le tableau que vous décrivez est assez sombre. J'aimerais donc savoir s'il y a beaucoup de classements sans suite – ce qui peut arriver – et si, parfois, ils vous semblent justifiés.

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Elise Van Beneden, présidente d'Anticor

Nous recevons entre quinze et vingt alertes par jour ; nous actionnons une vingtaine de plaintes par an et, je vous l'ai dit, nous n'avons pas établi de statistiques sur le nombre de classements sans suite. Si nous sommes en désaccord avec une décision de classement sans suite, nous estimons que la mission qui nous est confiée par la loi est de saisir un juge d'instruction, constitutionnellement indépendant, sans porter de jugement sur la motivation du procureur qui a classé l'affaire. Que le procureur décide de poursuivre ne signifie pas que nous n'avons plus de rôle à jouer : il arrive qu'Anticor se constitue partie civile pour accompagner sa démarche et porter la voix de la société civile pendant l'instruction et à l'audience. Ai-je répondu à votre question ?

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La compilation statistique est compliquée quand le classement sans suite peut intervenir trois ans après la date de dépôt de la plainte.

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

Le traitement des affaires financières est très long : six ans en moyenne, huit ans pour les affaires les plus importantes selon la Cour des comptes. L'affaire des sondages de l'Élysée, objet d'un classement sans suite à l'époque, est toujours en cours.

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Elise Van Beneden, présidente d'Anticor

Je ne peux inventer une statistique dont je ne dispose pas. Notre association n'a pas l'envergure de Transparency International : deux salariés exceptés, nous sommes tous bénévoles et nous avons souvent « la tête dans le guidon ». Mais nous réfléchissons à nos actions, et peut-être ce travail statistique serait-il intéressant à mener.

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L'agrément de Sherpa a été suspendu en raison du manque de transparence sur ses donateurs ; qu'en avez-vous pensé ? Estimez-vous que les règles doivent être modifiées pour protéger l'anonymat de vos donateurs ou qu'il faut jouer la pleine transparence puisque, par définition, vous n'avez rien à vous reprocher ?

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Elise Van Beneden, présidente d'Anticor

Les seuls dons que nous acceptons sont ceux de personnes physiques. Estimant que, comme l'adhésion, le don est un acte militant, nous ne communiquons pas leurs noms.

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

De même, aucun syndicat ne donne le nom de ses adhérents.

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Je ne parlais pas des adhérents mais des donateurs. Une association qui entend assainir le fonctionnement des institutions de la République ne doit-elle pas être soumise à la même obligation de transparence que les partis politiques, tenus de mettre sur la table l'ensemble de leurs financements ?

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Elise Van Beneden, présidente d'Anticor

Oui, il faut montrer l'exemple quand on demande aux autres d'être exemplaires, et nous publions nos comptes sur notre site internet sans y être obligés. Mais, comme un syndicat ou tout autre structure militante, nous ne publions pas la liste de nos donateurs pour protéger une activité militante et ne pas mettre nos donateurs et nos adhérents en porte-à-faux. De plus, le règlement général sur la protection des données (RGPD) nous empêcherait de publier ces noms.

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Cela vaut aussi pour les partis politiques : même si les noms des donateurs sont publics en temps de campagne électorale, leur publicité n'est pas si évidente que cela et celle des fichiers des adhérents encore moins.

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En 2013, nous avons progressé en matière de transparence en instaurant des collèges de déontologie ; que pensez-vous de ces collèges, notamment dans le domaine judiciaire ? Pour les juridictions commerciales et prud'homales, nous avions été alertés des difficultés qu'éprouve la défense à s'exprimer, faute de formation juridique. Quel est votre avis à ce sujet, et considérez-vous, d'autre part, que la question de la rupture de l'entre-soi reste à régler pour garantir l'indépendance de la justice ?

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

Un collège de déontologie des magistrats de l'ordre judiciaire siège auprès du CSM ; il peut être saisi par les magistrats pour toute affaire importante où se posent des questions déontologiques et son activité fait l'objet d'un rapport annuel intéressant. Ce collège est d'autant plus important que les personnalités qui y sont affectées ne sont pas celles qui sont affectées au contentieux disciplinaire, si bien que l'on peut s'entretenir de ces questions avec elles, le cas échéant.

Je me suis toujours demandé pourquoi des gens acceptent de devenir bénévolement juges commerciaux ; souvent, c'est parce qu'ils ont ainsi connaissance de l'activité des autres entreprises, et cela pose un vrai problème. Dans votre rapport d'information sur le rôle de la justice en matière commerciale, vous aviez souligné à juste titre que l'organisation française de la justice commerciale n'était pas un atout pour le pays ; les choses n'ont pas changé. Pour les juridictions du travail, l'impartialité de la formation de jugement résulte de la parité entre employeurs et salariés ; s'ils ne sont pas d'accord, le juge départiteur intervient. La question de l'impartialité se pose donc tout autrement. La formation obligatoire entrée en vigueur pour les prud'hommes nommés l'année dernière est peut-être encore insuffisante, mais au moins apprennent-ils les bases, et ils peuvent recourir à leurs organisations professionnelles pour compléter cette formation initiale. C'est en effet un enjeu de la légitimité des conseillers prud'homaux d'avoir une bonne formation. Ils apportent un point de vue concret, intéressant, sur la manière dont fonctionnent les entreprises.

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Votre association milite en faveur d'une plus grande exemplarité, intégrité et transparence dans la vie publique. Votre action aurait plus d'impact si vous vous appliquiez cette haute exigence en dévoilant l'identité de vos donateurs ; savoir qui ils sont nous permettrait d'apprécier votre degré d'indépendance. Vos adhérents sont pour partie des élus et vos comptes montrent des dons importants. Qu'est-ce qui vous empêche, précisément, de publier les noms de vos donateurs, comme le font les partis politiques ? D'autre part, avec quelles ressources rémunérez-vous vos avocats ?

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Elise Van Beneden, présidente d'Anticor

La rémunération de nos avocats est couverte par nos recettes, uniquement issues des cotisations des adhérents et des dons de personnes physiques. Nos dépenses sont principalement la rémunération de nos deux salariés et des avocats que nous payons pour mener les actions en justice. Un certain nombre d'avocats militants, qui soutiennent les combats de l'association, nous consentent des tarifs assez bas – de 1 500 à 3 000 euros pour une procédure qui peut durer dix ans. Pour ce qui est des adhérents et des donateurs, nous aurions pour commencer un problème légal de consentement à la publication : on ne peut soudainement publier une liste de noms de personnes à qui l'on n'en a pas demandé l'autorisation. Nous pourrions réfléchir à la question pour les prochaines adhésions, mais on peut penser que cela restreindra le nombre des personnes prêtes à apporter leur soutien financier à une association qui mène des actions contre des personnages très influents, ce qui peut effrayer.

Puisque c'est de l'indépendance d'Anticor qu'il est question maintenant, je vous ai indiqué que pour la garantir nous n'acceptons aucun don de personnes morales ni aucune subvention – sinon, un temps, une subvention indirecte par l'emploi de volontaires du service civique. Je ne connais pas l'identité de nos donateurs, qui sont uniquement des personnes physiques. Quand une somme reçue est supérieure au plafond déterminé par le conseil d'administration, la trésorière prévient le conseil d'administration qui débat de la question de savoir s'il est susceptible de remettre en cause notre indépendance. J'ai proposé récemment que l'on vérifie qui sont les auteurs de dons d'un montant exceptionnel et, surtout, que ces dons soient affectés à des actions spécifiques et non au budget général, pour que la cessation de ces versements ne nous mette pas en difficulté, en nous obligeant par exemple à licencier, ce qui pourrait influencer nos orientations stratégiques.

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Quel montant déclenche l'alerte de la trésorière ?

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

Nous sommes passés de 5 000 euros au début à 7 500 euros, en nous alignant sur le plafond retenu pour les élections. Mais des dons de tels montants sont assez rares.

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Elise Van Beneden, présidente d'Anticor

Et jamais les donateurs n'ont eu latitude de s'immiscer dans les choix du conseil d'administration ; ce serait inacceptable.

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Mme Nadia Hai souhaite poser une autre question ; si elle pouvait porter sur l'indépendance de la justice et non sur Anticor, ce serait parfait.

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Je partage les valeurs d'Anticor, mais il est bon de connaître son degré d'indépendance. Certains des avocats qui se saisissent des affaires dans lesquelles l'association s'est portée partie civile en sont-ils membres ? Si c'est le cas et s'ils sont rémunérés par Anticor, ne peut-il y avoir conflit d'intérêts ?

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Elise Van Beneden, présidente d'Anticor

Cela fut le cas un temps, quand Me Jérôme Karsenti, notre avocat « institutionnel », chargé de presque deux tiers de nos procédures, était l'un de nos adhérents ; il ne l'est plus. Maintenant, quand nous prenons langue avec de nouveaux avocats qui, pleins d'enthousiasme, nous disent qu'ils veulent adhérer à Anticor, nous leur expliquons que l'on ne peut mélanger les casquettes. Je pense qu'actuellement aucun de nos avocats n'est adhérent.

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Ayant appris beaucoup sur Anticor, je voudrais revenir sur l'indépendance de la justice. Notre Assemblée connaît une situation particulière, certains députés ayant été mis en examen au cours des derniers mois : Richard Ferrand, président de l'Assemblée nationale, Éric Woerth, président de la commission des finances, Marielle de Sarnez, présidente de la commission des affaires étrangères, Jean-Jacques Bridey, qui a quitté il y a peu la présidence de la commission de la défense. Or, la présidence d'une commission permanente donne des pouvoirs supplémentaires au député qui occupe cette fonction : il peut par exemple, dans le cadre d'une commission d'enquête, lever le secret sur un document classé confidentiel. Quel regard l'association Anticor porte-t-elle sur cette situation du point de vue de l'indépendance de la justice ? Avez-vous des propositions à faire à ce sujet ?

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

Nous avons apporté une réponse écrite à une question relative à la marge de manœuvre du parquet, au fait que le ministère public ait parfois pris, au sujet de personnalités politiques, des initiatives sur lesquelles on pouvait s'interroger. Nous considérons légitime que le parquet lance une enquête préliminaire mais, s'il a besoin de mesures de contrainte, mieux vaudrait, plutôt que de saisir un juge des libertés et de la détention – qui, d'ailleurs, ne peut apprécier l'exécution des mesures de contrainte –, en revenir aux dispositions du code de procédure pénale avant 2004 et saisir un juge d'instruction. Procéder ainsi permettrait de répondre à un certain nombre de vos questions, notamment à celles que vous posez au regard des initiatives du parquet que certains ont jugées particulièrement fortes dans certains domaines et un peu faibles dans d'autres.

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D'autres députés ont été condamnés définitivement, pour certains à des peines de prison avec sursis. Comment voyez-vous les choses en ce cas ?

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

Anticor considère que, comme pour les magistrats et les fonctionnaires, les personnes qui font l'objet d'une condamnation définitive ne devraient pas être autorisées à se présenter au suffrage universel – en tout cas, pas aussi longtemps que la condamnation figure au casier judiciaire. Cette position diffère un peu de l'approche qui a été retenue dans la loi pour la confiance dans la vie politique de septembre 2017.

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Une personne condamnée pendant son mandat doit-elle être démise de ses fonctions, quelles qu'elles soient, ou plus généralement privée de ses droits civiques ? Je suis ouvert à toute suggestion dans le cadre de nos réflexions.

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

La peine est décidée par le juge au cas par cas. Quand l'inéligibilité est prononcée, le député condamné doit se démettre : il n'y a pas d'autre solution.

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Il peut y avoir des interprétations diverses sur la rétroactivité de l'inéligibilité. Mais nous pourrions introduire dans la loi une disposition selon laquelle toute personne condamnée définitivement dans l'exercice de ses fonctions est considérée comme démissionnaire. Il me semble que notre collègue Questel voulait connaître votre avis sur l'éventuelle introduction dans la loi de l'automaticité de la démission en cas d'inéligibilité.

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C'est exact. Des noms ont été cités, ce que je n'ai pas voulu faire même si tout le monde a reconnu celui dont il s'agit, car je souhaite que l'on aborde la question de manière générale pour faire éventuellement des propositions visant à éviter des atermoiements, quelles que soient les personnes concernées.

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Je rappelle que notre commission d'enquête a l'interdiction absolue d'interférer dans des dossiers judiciaires en cours.

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Certes, mais un problème de fond se pose en raison des pouvoirs spécifiques dont disposent les députés présidents de commissions permanentes ; ils sont dans une situation particulière qu'il faut cerner exactement. Le cadre de la commission d'enquête est précisément défini, et je n'ai pas cité d'affaires dont nous ne pourrions débattre.

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Je ne me pose pas en donneur de leçon, je rappelle le droit.

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

Sur le fond, c'est certain, mais quand se pose un problème d'administration de la justice, le classement, par exemple, n'est pas une décision juridictionnelle. Peut-être y a-t-il là une marge, qu'il vous revient d'apprécier.

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Je pense en effet qu'il y a une marge. Avant de conclure cette audition, j'aimerais savoir si Anticor s'est saisi de cas de corruption au sein de la magistrature ou de la police judiciaire et si vous avez des pistes nous permettant d'améliorer le signalement au CSM de manquements déontologiques ou de cas de corruption.

Á ce propos, certains dossiers soumis à l'examen du CSM statuant comme conseil de discipline n'ont fait l'objet d'aucune sanction, alors que les faits étaient avérés et confirmés par cette formation. Certes, il y a eu publicité des débats et de la décision, mais on peut s'interroger. Je pense en particulier à l'ancien procureur de Nice, que notre commission entendra au sujet de l'affaire Geneviève Legay et qui avait expliqué s'être exprimé de manière à ce que sa version des faits ne diverge pas trop de celle du président de la République. Que faire pour améliorer l'indépendance de la magistrature ? Le classement sans suite est bien la décision de quelqu'un ! Comment la contester ?

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

Pour contester un classement sans suite, il n'y a guère de solution, sauf à se constituer partie civile, ce qui demande une certaine implication. On peut faire appel d'un classement devant le procureur général – lequel est rarement critique des classements prononcés par le procureur de première instance.

Globalement, la corruption n'est pas un problème important dans la justice judiciaire. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des exceptions. Je ne dis pas non plus que le cas de l'ancien procureur de Nice, qui n'était pas une question de corruption, ne pose pas un problème incontestable. On notera que ce procureur a été exfiltré de Nice pour être chargé d'un poste équivalent à Lyon : cela signifie que le fait de s'être prononcé sur une affaire et d'avoir mandaté comme officier de police judiciaire la femme du commissaire de police qui dirigeait le maintien de l'ordre lors de la manifestation aurait été considéré comme quasiment normal s'il n'y avait pas eu la presse.

Le justiciable peut saisir le CSM, mais le CSM n'a pas beaucoup de moyens d'investigation. L'affaire que vous citez n'est pas emblématique ; la question posée était de savoir s'il y avait eu conflit d'intérêts justifiant une sanction. Donner aux citoyens, s'ils ne peuvent pas se constituer partie civile, la possibilité de saisir le CSM, et donner au CSM les moyens de mieux instruire ces plaintes est une piste à creuser

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Si un fait que vous jugez critiquable se produit à l'audience dont vous êtes spectateur et que vous n'êtes pas partie au procès, vous n'avez aucun moyen de saisir le CSM pour un manquement du magistrat. Á quoi sert la publicité des débats si le citoyen qui constate un manquement ne peut le signaler ? Cela conduit à s'interroger sur la place du citoyen dans cette construction.

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Eric Alt, vice-président d'Anticor

J'en suis d'accord

La séance est levée à 19 heures 15.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Ugo Bernalicis, M. Fabien Gouttefarde, Mme Nadia Hai, Mme Naïma Moutchou, M. Sébastien Nadot, M. Didier Paris, M. Bruno Questel, Mme Cécile Untermaier