Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Réunion du mercredi 29 avril 2020 à 15h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Mission d'information de la conférence des Présidents sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19

Mercredi 29 avril 2020

La séance est ouverte à 15 heures.

Présidence de M. Boris Vallaud, vice-président de la mission d'information.

La mission d'information procède à l'audition, en visioconférence, de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

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Madame la ministre, je vous remercie, au nom de tous mes collègues, d'avoir répondu à notre sollicitation.

Avant toute chose, je voudrais saluer les chercheurs, les doctorants et les étudiants mobilisés dans nos hôpitaux et nos laboratoires publics depuis plusieurs semaines. Même si la recherche enregistre des avancées chaque jour, grâce à l'intense mobilisation de la communauté scientifique partout dans le monde, chacun sait que la gravité de cette crise sanitaire tient pour beaucoup aux inconnues que recèle toujours cette maladie épidémique : sa contagiosité, sa diffusion géographique, ses signes et son évolution cliniques, les facteurs de risque individuels, etc. Espérons que la recherche nous permettra bientôt de disposer d'un traitement et d'un vaccin, dont nous devrons veiller à ce qu'ils bénéficient à toutes et à tous, partout dans le monde. Quant au succès de la stratégie de déconfinement annoncée par le Premier ministre, il dépendra pour beaucoup de notre capacité à mettre au point et à produire des tests de dépistage et des tests sérologiques. Or la France est en retard dans ce domaine.

Nous examinerons lors de l'audition suivante avec les chercheurs, ces questions sous l'angle scientifique et prospectif ; avec vous, madame la ministre, nous voulons aborder deux thématiques.

Premièrement, la façon dont s'est opérée la mobilisation massive des chercheurs face à ce défi majeur. Pouvez-vous dresser un panorama des projets de recherche en cours et de ce que l'on peut en attendre, à court et à moyen terme ? Les moyens financiers dégagés, notamment le fonds d'urgence pour la recherche sur le Covid-9, d'un montant de 50 millions, vous semblent-ils suffisants, quand le Canada annonce y consacrer 1 milliard d'euros ?

Pendant ce temps, d'autres pans de la recherche fonctionnent au ralenti ou sont à l'arrêt ; certains laboratoires s'inquiètent du retard qu'ils prennent dans des domaines tout aussi essentiels. Comment soutenez-vous les laboratoires, comment prolongez-vous les contrats de recherche, sachant que les contractuels n'ont pas droit au chômage partiel ? Pourquoi les deux projets de loi de finances rectificative n'ont-ils pas accordé des moyens supplémentaires à la recherche ? Les chercheurs engagés dans la lutte contre le Covid-19 et tous les autres chercheurs n'en auraient-ils pas besoin ?

Deuxièmement, la façon dont s'organise la fin de l'année universitaire. De quels moyens disposent les universités pour maintenir des cours à distance, assurer la continuité pédagogique, garantir la bonne tenue des examens et des concours, mais aussi préparer la prochaine rentrée, dont il se murmure qu'elle pourrait n'avoir lieu qu'en janvier ? Que faites-vous pour lutter contre la précarité étudiante, sachant que 20 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté ? Quelles sont les perspectives d'insertion professionnelle des jeunes diplômés dans le contexte difficile que nous connaissons, alors que l'aide à la recherche du premier emploi a été supprimée le 1er janvier 2019 ?

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, mes pensées vont d'abord à toutes celles et à tous ceux qui, parmi vos collègues et vos collaborateurs, sont ou ont été atteints par le Covid-19.

Nous vivons une crise sans précédent, mais j'ai la conviction que c'est ensemble que nous parviendrons à vaincre le virus et à revenir à une vie normale. Et je remercie tous les députés qui ont partagé avec moi les remontées du terrain, qu'il s'agisse de projets de recherche en quête de financement, du signalement d'étudiants en difficulté ou de problèmes spécifiques à telle formation ou tel territoire. C'est un apport indispensable pour mon action de ministre et c'est de cette manière que nous pourrons travailler efficacement au service de nos chercheurs, de nos enseignants-chercheurs, de nos personnels et surtout de nos étudiants.

Surmonter cette crise est, plus qu'une responsabilité, un impératif qui nous oblige tous. La communauté de l'enseignement supérieur et de la recherche s'est pleinement mobilisée, sous l'égide de mon ministère, dans trois directions principales : soutenir la recherche, plus que jamais en première ligne, dans toutes ses dimensions et toutes ses composantes, garantir la continuité du service public de l'enseignement supérieur, protéger et accompagner nos étudiants sur le plan pédagogique, comme sur le plan sanitaire et social.

Dans la guerre que le Gouvernement mène contre le virus, notre recherche est montée au front dès le mois de janvier et les efforts de nos chercheurs ne cessent de gagner en intensité. La France est une grande nation scientifique, avec une tradition d'excellence dans les domaines de la virologie et de l'infectiologie mondialement reconnue. Ceux de nos chercheurs qui travaillent sur le Covid-19 ont été formés par ceux-là mêmes qui ont identifié le HIV et ils ont déjà travaillé sur le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), le MERS (Middle East respiratory syndrome), le virus Zika ou le chikungunya.

Il y a encore quelques mois, nous ne savions rien du virus SARS-Cov-2. Le 24 janvier, le ministère des solidarités et de la santé confirmait les trois premiers cas de patients touchés. Dès le 29 janvier, l'Institut Pasteur, en charge de la surveillance des virus respiratoires en France, avait séquencé intégralement le génome de ce nouveau coronavirus, ce qui était une première en Europe. Aujourd'hui, partout en France, plus d'une centaine d'équipes de recherche étudient l'histoire naturelle et les modes de transmission de ce virus et tentent d'identifier ses faiblesses, particulièrement au sein du réseau REACTING (REsearch and ACTion targeting emerging infectious diseases), piloté par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et l'Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN). Ce consortium multidisciplinaire réunissant des équipes et des laboratoires d'excellence est notre bras armé contre le virus : créé lors des premières épidémies à risque pandémique, en 2013, il prépare et coordonne la recherche pour faire face à des crises sanitaires liées aux maladies infectieuses émergentes.

Dès le mois de février, une vingtaine de projets de recherche sélectionnés par REACTING ont pu être lancés. D'emblée, nous avons mobilisé 8 millions d'euros à cette fin, auxquels se sont ajoutés 50 millions pour financer tous les projets susceptibles de mettre fin à cette crise sanitaire. REACTING travaille en étroite collaboration avec l'ensemble des équipes mobilisées au sein de l'Union européenne. L'Europe a d'ailleurs joué son rôle, en mettant 90 millions à la disposition des chercheurs dès la fin du mois de mars.

Les travaux en cours sont très variés : s'ils visent avant tout à trouver un traitement contre le Covid-19, ils visent aussi à aider les pouvoirs publics à prendre des décisions. D'une manière générale, toutes les disciplines scientifiques sont concernées. Plusieurs des projets menés dans le cadre de REACTING ont vocation à étudier et comprendre le virus qui provoque le Covid-19, ses modes de transmission de l'animal vers l'homme et au sein de la population. D'autres équipes, en sciences sociales, travaillent sur la diffusion territoriale du virus ou sur la propagation des fausses informations, dont les conséquences sanitaires peuvent être lourdes. Mais l'implication de la recherche s'étend bien au-delà : les mathématiciens sont mobilisés pour modéliser l'épidémie, les informaticiens travaillent au projet StopCovid, piloté par l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA), les économistes à la modélisation des sorties de crise, les chercheurs en sciences environnementales cherchent à comprendre l'impact de la modification des écosystèmes sur les zoonoses…

Pour ce qui est des traitements, trouver une nouvelle molécule prend nécessairement du temps. C'est pourquoi les chercheurs ont principalement travaillé, dans un premier temps, à réorienter des médicaments existants, c'est-à-dire les tester selon des procédures rigoureuses, pour vérifier leur potentielle efficacité contre ce virus. C'est dans ce cadre que s'inscrit le premier essai clinique européen, Discovery, dans lequel nous testons différents produits ; parallèlement, d'autres laboratoires travaillent, soit in vitro, soit in silico, à la recherche de nouvelles molécules.

Nous avons appris que les formes les plus graves de Covid-19 entraînent des réactions immunitaires très fortes, comme l'effet « poumon blanc ». L'essai clinique CORIMUNO-19, qui vise à mettre au point un médicament immunomodulateur, commence à donner des résultats : l'usage du tocilizumab réduit le risque, pour un patient atteint, d'être placé sous ventilation ou de succomber. S'agissant de Discovery, la première analyse intermédiaire menée sur 128 patients pendant quinze jours a été présentée le 20 avril et a conclu que l'étude pouvait se poursuivre. Au total, 38 essais cliniques sont en cours en France. Tout l'enjeu est de permettre aux soignants de trouver la meilleure stratégie thérapeutique, sur la base d'un éclairage scientifique le moins contestable possible. Il y a des protocoles internationaux à respecter, des consensus scientifiques à établir : tout cela prend du temps, mais soyez assurés que nos chercheurs y consacrent toute leur énergie : les résultats et les connaissances accumulés en quelques semaines en témoignent.

Les scientifiques contribuent également, à la demande du Gouvernement, à éclairer la décision publique. Un comité scientifique a été installé, présidé par le professeur Jean‑François Delfraissy, ainsi qu'un comité d'experts, le CARE (comité analyse, recherche et expertise), présidé par la professeure Françoise Barré-Sinoussi, en lien avec la cellule de crise, pour éclairer le Gouvernement, à la fois sur les projets de recherche et sur les développements technologiques susceptibles de nous aider à surmonter la crise.

Le monde de la recherche est également engagé dans la course mondiale au vaccin, qu'il s'agisse de l'Institut Pasteur, des laboratoires de l'INSERM, des autres laboratoires en sciences de la vie et de la santé ou des nombreuses entreprises du secteur des biotechnologies. Nous espérons obtenir un vaccin en essai de phase 1 dans les prochains mois pour un développement à l'horizon du premier trimestre de 2021. C'est un élément essentiel, à la fois pour notre souveraineté sanitaire et pour que la France contribue à juguler la diffusion du virus partout dans le monde, notamment dans les continents africain et sud-américain.

Cette crise sanitaire montre combien il est nécessaire de renforcer les liens entre la science et la société et d'avoir une politique ambitieuse en matière de recherche scientifique. C'est pourquoi le Président de la République a annoncé, le 19 mars, un effort budgétaire de 25 milliards pour la recherche sur les dix prochaines années. Cette trajectoire nous permettra de consolider la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES) et de la faire passer de 15 à 20 milliards d'euros en crédits de paiement.

Sur le présent quinquennat, le projet de loi de finances pour 2021 inscrira 400 millions supplémentaires, puis 400 millions l'année suivante, soit 800 millions sur deux ans. À titre de comparaison, durant une période récente, le programme 172 avait été abondé de 50 millions sur cinq ans… S'il importe de soutenir les équipes qui travaillent directement ou indirectement sur le Covid-19, il ne faut pas que la recherche s'arrête dans d'autres domaines : personne ne peut prédire de quelles connaissances nous aurons besoin dans les années à venir.

Je tiens à rendre hommage aux personnels de la Direction générale de la recherche et de l'innovation et à son directeur pour leur travail de veille et de coordination, ainsi qu'à nos chercheurs et personnels de laboratoire et à l'ensemble des personnels administratifs essentiels à la recherche, à toutes celles et tous ceux qui, sans compter leurs heures et leurs efforts, travaillent pour nous fournir les armes qui nous permettront de vaincre ce virus. Parce que leur engagement est total, ils bénéficieront de la prime exceptionnelle prévue dans le projet de loi de finances rectificative.

Ma deuxième responsabilité, en tant que ministre, est de veiller à la continuité du service public de l'enseignement supérieur. Dès le 13 février, nous avons travaillé avec les conférences d'établissement, les représentants des personnels et les organisations étudiantes pour permettre aux étudiants de poursuivre leur formation à distance. Pour l'essentiel, les établissements ont mobilisé leur environnement numérique de travail afin que les enseignants restent en mesure de poursuivre leurs cours, d'envoyer du contenu par écrit et de préserver le lien, essentiel, avec leurs étudiants, parfois à un rythme soutenu. Nous avons également mis à leur disposition la plateforme Fun MOOC, où enseignants et étudiants peuvent trouver des contenus utiles, et qui peut héberger des cours en ligne. Un intense travail a été mené par la Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle pour accompagner les établissements et leur apporter des réponses en temps réel. Je tiens à l'en remercier, ainsi que tous les enseignants, enseignants-chercheurs et personnels en charge de l'innovation pédagogique et des environnements numériques.

De nombreux enseignements pourront être tirés de cette crise pour améliorer encore l'accès de tous les étudiants aux formations. Les équipes de gouvernance ont su se mobiliser de façon exemplaire ; les remontées des conférences d'établissements indiquent que la bascule du présentiel vers le distanciel s'est, dans son ensemble, bien déroulée. Parce que les étudiants ne doivent pas être pénalisés par la crise, nous tâchons, avec les universités et les écoles, de maintenir les grandes articulations du calendrier universitaire. À cette fin, vous avez, dans la loi d'urgence, habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures, notamment pour permettre aux universités et aux écoles de changer leurs modalités de contrôle des connaissances, grâce à un assouplissement du cadre procédural, et de proposer des examens en ligne ou en contrôle continu. Les notes de stage pourront également être neutralisées ou reportées sur le prochain semestre.

De nombreux députés m'ont interpellée sur les questions liées aux examens nationaux, aux concours et au calendrier de Parcoursup. Ce dernier a été maintenu pour éviter toute confusion supplémentaire. Le 2 avril, nous avons clos la phase de finalisation des vœux. Les résultats sont satisfaisants, puisqu'un peu plus de 90 % d'entre eux ont été validés par les candidats dont le nombre est en augmentation – contre 88 % l'an dernier. Si le confinement semble ne pas avoir eu d'effet majeur sur la procédure, j'ai demandé aux équipes du ministère en charge de Parcoursup de traiter avec beaucoup de bienveillance les dossiers qui n'auraient pas pu être validés à la date prévue, soit qu'ils résidaient en zone blanche, soit qu'ils étaient dépourvus d'outil informatique : nous avons contacté les candidats de façon à saisir leurs vœux.

S'agissant des concours post‑bac, j'ai décidé, dans les tout premiers jours du confinement, en concertation avec les conférences d'établissements, de les transformer en examens sur dossier. Les équipes dans les écoles et les universités savent examiner les vœux sur dossier et peuvent réunir les commissions à distance. Le calendrier de préparation de la prochaine rentrée sera tenu. Une nouvelle fois, je remercie toutes les personnes qui, jour après jour, nous l'ont permis.

Concernant les concours post‑classes préparatoires aux grandes écoles et ceux organisés par les formations en santé, qui nécessitent de passer des épreuves écrites, nous avons travaillé à un report. J'ai confié à Caroline Pascal, la doyenne de notre inspection générale, la présidence d'un comité de pilotage interministériel, pour réorganiser le calendrier et les modalités d'organisation de ces concours aux mois de juin et de juillet. Je remercie tous ceux, notamment à la direction générale de l'enseignement supérieur, qui ont participé à ce travail particulièrement compliqué et je salue l'esprit de coopération qui a présidé aux échanges. Un nouveau calendrier a été mis en ligne sur le site du ministère. Les établissements travaillent depuis lors à notifier aux candidats les nouvelles modalités d'organisation, pour garantir le calendrier de la rentrée universitaire.

S'il était indispensable de nous donner les moyens de lutter contre le virus et de préserver la continuité des formations, il était aussi fondamental de protéger les étudiants. Les accompagner sur le plan sanitaire et social a été le troisième chantier prioritaire mis en œuvre par mon ministère. Le 12 mars, le Président de la République a annoncé la fermeture au public des établissements d'enseignement supérieur ; dès le 13 mars, nous avons invité les étudiants qui le pouvaient à regagner leur domicile familial. Néanmoins, plus de 62 000 ont dû rester confinés au sein de leurs résidences. Pour faire face à cette situation, notamment sur le plan sanitaire, j'ai pris sans délai un décret permettant aux services de santé des universités, en lien avec les CROUS, les rectorats, les agences régionales de santé et les centres de santé de proximité, d'assurer le suivi sanitaire des étudiants en résidence, afin de les informer et d'identifier ceux d'entre eux qui seraient atteints par le virus ou qui rencontreraient d'autres problèmes de santé. Nous avons aussi mobilisé les organisations étudiantes et les étudiants en médecine. Une attention particulière a été apportée à la prévention des risques psychosociaux.

À ce jour, quelques centaines de cas de Covid‑19 ont été recensés chez les étudiants. Néanmoins, aucune résidence étudiante n'est devenue un cluster, grâce à leur civisme, au respect des gestes barrières et du confinement, ainsi qu'à l'engagement des personnels des CROUS, des services de santé universitaires et des bénévoles associatifs, que je remercie chaleureusement. Ils bénéficieront, eux aussi, bien évidemment, d'une reconnaissance financière sous forme de prime de la part du Gouvernement.

Sur le plan social, des mesures ont été prises pour accompagner les étudiants. Les étudiants salariés dont l'activité est suspendue peuvent bénéficier du chômage partiel ; les autoentrepreneurs sont éligibles au dispositif de soutien du ministère de l'économie et des finances. Pour les attachés temporaires d'enseignement et de recherche, qui sont souvent des doctorants, au nombre de 20 000, les contrats et les paies ont été maintenus. Les bourses sur critères sociaux l'ont également été. Nous avons décidé de prolonger les contrats doctoraux et post‑doctoraux, ainsi que leurs financements, pour que les futurs docteurs puissent mener à bien leurs travaux, contribuer à notre recherche et obtenir leur diplôme.

Avec les conférences d'établissements, nous avons décidé d'utiliser le produit de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) à destination des étudiants en difficulté, qu'ils soient boursiers ou non. Cela représente une première tranche de 80 millions d'euros, qui pourra être abondée. Que ce soit par la distribution de bons d'achat électroniques ou par des aides financières directes, mon engagement est de permettre à tous les étudiants qui en ont besoin de trouver un appui pendant la crise. Aussi avons-nous également déplafonné la part du fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE) pouvant financer les aides sociales et redéployé 10 millions d'euros à destination des aides d'urgence opérées par les CROUS, ouvertes aux étudiants qui ont perdu leur gratification de stage ou qui ne sont pas concernés par le chômage partiel. Nous tâchons de travailler sur le périmètre le plus large possible avec les établissements, puisque notre objectif est clair : aucun étudiant ne doit être laissé de côté.

Le dispositif est opérationnel depuis deux semaines. Selon les premiers chiffres, les établissements distribuent près de 4 millions d'euros d'aides par semaine, majoritairement sous forme d'aides alimentaires. Le réseau des œuvres universitaires est tout autant mobilisé. S'agissant des aides d'urgence, pour la seule semaine du 20 au 26 avril, plus de 3 300 aides ont été versées. Près de 50 % d'entre elles visaient des besoins alimentaires. La demande d'aides pour les loyers est le second poste des demandes ; elle représente 40 % des versements. Au-delà des aides d'urgence, les CROUS sont également mobilisés par le biais d'autres dispositifs, notamment en distribuant des cartes d'achat au bénéfice d'un peu plus de 6 000 étudiants.

Enfin, les actions solidaires se multiplient, à l'initiative notamment des épiceries sociales et solidaires dans les universités. Je tiens à saluer cette formidable mobilisation des associations et l'esprit d'entraide qui président en cette époque troublée, et je remercie tous les étudiants des formations médicales et paramédicales qui se sont retrouvés plongés au cœur des dispositifs. Parfois, les crises révèlent le meilleur de notre humanité. Conformément à l'engagement pris par le Président de la République le 13 avril, nous travaillons à une aide exceptionnelle, que je vous présenterai bientôt, pour répondre aux besoins de certains publics spécifiques, comme les étudiants ultramarins.

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La recherche est au ralenti, sinon à l'arrêt. Les laboratoires s'interrogent sur le calendrier et les modalités de leur reprise. Certains mettent des mois à constituer leur matière et ont besoin d'être sur le terrain. Les contrats de recherche seront-ils prolongés ? Qui, de l'État ou des établissements, financera la prolongation des contrats doctoraux ? Qu'en sera-t-il pour les contractuels internationaux ? Disposez-vous de moyens suffisants pour garantir la continuité de la recherche tout en luttant contre le Covid‑19, alors que rien n'a été prévu en ce sens dans les deux projets de loi de finances rectificative ?

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Madame la ministre, quel sera le rôle de l'INRIA dans le développement de l'application « Stop Covid » ? Quel calendrier suit-elle ? Alors que nous avons l'impression que les Européens avancent en ordre dispersé sur ce sujet, nous aimerions être certains que ce n'est pas le cas pour la recherche sur les vaccins et les traitements. Vous nous avez parlé de REACTING ; au moment où l'OMS connaît une crise de légitimité sans précédent, il est plus que jamais temps de nous interroger sur la capacité de la recherche européenne et mondiale à se coordonner.

De nombreux essais cliniques ont été lancés en quelques jours, quand il fallait auparavant souvent plusieurs mois. Quelles leçons tirez-vous de cette expérience pour la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche ? Quand est-il prévu de l'examiner ? Sera‑t‑elle le véhicule pour débloquer les 25 milliards d'euros annoncés par le Président de la République ?

Le 13 avril, il a également annoncé un plan d'aides exceptionnelles pour les étudiants. Quels en sont le calendrier, les modalités et les destinataires ?

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Frédérique Vidal, ministre

L'immense majorité des laboratoires mis à l'arrêt avaient des plans de cessation d'activité et disposent donc du nécessaire pour redémarrer leurs recherches. Nous sommes en train de préparer, pour le 11 mai, un plan de reprise d'activité qui devra être très précisément coordonné entre les organismes, les universités et les écoles, afin que les dispositifs soient les mêmes, quel que soit l'employeur – n'oublions pas que les laboratoires de recherche accueillent des personnels de différents statuts, y compris sous statut privé.

Il va sans dire que si j'autorise les établissements à prolonger les contrats doctoraux, c'est qu'ils auront les moyens de le faire. Les financements seront intégrés aux subventions pour charges de service public que reçoivent les établissements du ministère. Il en sera de même pour tous les financements qui permettent de recruter les personnels sur contrat de l'Agence nationale de la recherche (ANR). Tout cela a évidemment été chiffré, mais sans atteindre des montants qui exigeraient d'être détaillés dans les projets de loi de finances rectificative. Dans le dernier, une enveloppe de 2,5 milliards d'euros a été prévue pour équilibrer les crédits des différents ministères ; au-delà du financement de la recherche, il faudra également compenser les pertes d'exploitation des CROUS. Tout cela s'équilibrera en fin de gestion. La prolongation des contrats de recherche se double de la possibilité d'utiliser leurs financements plus tard, puisque les commandes se sont interrompues, en faisant en sorte que ces crédits passent l'année budgétaire.

Les moyens ont été prévus à la bonne hauteur. Les systèmes de financement canadien et allemand sont très différents du nôtre : il est difficile de faire des comparaisons faciales. Nos financements viennent de mon ministère, de celui des solidarités et de la santé, qui va recevoir 4 milliards d'euros, ou encore de la Banque publique d'investissement (BPI) ; qui plus est, nous n'y intégrons jamais les salaires. Preuve s'il en fallait que nous sommes au bon niveau, nous sommes capables de répondre à tous les projets de recherche validés et nous avons injecté des financements directement dans les laboratoires, par le biais de REACTING, sans avoir encore épuisé les 50 millions d'euros. Et si cela était nécessaire, comme l'a rappelé le Président de la République, nous soutiendrions les efforts de recherche, quoi qu'il en coûte.

En ce qui concerne la coordination européenne, REACTING travaille en lien avec des équipes européennes, et nous avons répondu à de très nombreux appels d'offres de la Commission. Plus globalement, c'est au niveau mondial que les équipes de recherche partagent actuellement leurs résultats. J'ai demandé à ce que, les résultats de recherche fondamentale obtenus par nos équipes françaises soient tous en open source, pour qu'ils puissent être immédiatement partagés ; d'autres pays, on fait le même choix. Nous sommes donc dans un système extrêmement coopératif, sachant par ailleurs que, dans le domaine de la recherche, toutes les équipes se connaissent et ont l'habitude de travailler ensemble depuis de nombreuses années.

À titre d'exemple de cette coordination, nous suivons l'ensemble des essais cliniques au niveau mondial, et nous demandons parfois à nos équipes, pour leurs propres essais, de se caler sur les mêmes protocoles afin de faciliter le traitement et la comparaison des résultats. C'est le comité CARE qui est en charge de cette veille internationale, assisté dans cette tâche par la Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP).

En ce qui concerne le dispositif Stop Covid, les travaux de recherche sont encore en cours. L'idée de cette application est partie de la demande des personnels soignants, qui, lorsque les premiers cas de contamination ont été observés aux Contamines-Montjoie, ont souhaité disposer d'un outil facilitant le suivi des personnes contacts, dont les malades n'étaient pas nécessairement en mesure de leur fournir l'identité.

Pour élaborer cet outil numérique d'aide aux enquêtes sanitaires, le ministère de la santé et le secrétariat d'État au numérique ont sollicité l'INRIA et lui ont demandé de réfléchir à un prototype qui soit respectueux des libertés individuelles tout en préservant notre souveraineté sanitaire. La trentaine de chercheurs mobilisés sur ce projet ont choisi d'utiliser un protocole générique appelé le protocole ROBERT, qui a été soumis à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), laquelle a indiqué qu'il ne contrevenait pas au respect des libertés individuelles. L'objectif est désormais d'obtenir une version bêta qui, aux dires de l'INRIA, pourrait être disponible vers la mi-mai. Elle vous sera évidemment soumise, afin que vous puissiez en débattre et décider de son usage ou non comme outil pour les enquêtes sanitaires à conduire après le 11 mai.

Il s'agit d'un projet collaboratif, sur lequel les équipes de l'INRIA ont travaillé avec des équipes allemandes et des chercheurs suisses de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), dans le cadre de la recherche fondamentale, c'est-à-dire sans envisager les fonctions particulières de cette application mais dans la perspective de mettre au point, dans un environnement donné, un dispositif de reconnaissance des appareils en Bluetooth compatible avec un système d'exploitation donné.

La loi de programmation pluriannuelle de la recherche est une loi essentielle. Le Président de la République est en effet convaincu qu'il faut davantage investir dans la recherche, beaucoup plus que ces dernières années. Si nous sommes toujours une grande nation scientifique, le défaut d'investissement commence à se ressentir et exige donc de nouveaux efforts massifs, et dans tous les domaines. C'est ainsi que l'engagement de l'État devrait atteindre 25 milliards d'euros sur les dix prochaines années. Nous espérons évidemment que le Parlement pourra se saisir de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche dès que possible.

L'aide aux étudiants annoncée par le Président de la République doit être mise en œuvre à l'échelle nationale. Nous avions dès le départ opté pour un dispositif le plus décentralisé possible, convaincus que c'est au plan local que la détection des étudiants en difficulté est la plus efficace et la réponse apportée la plus opérante. Construire un dispositif national prend du temps ; or nous ne souhaitions pas que les étudiants aient à attendre plusieurs semaines, alors que la situation de certains d'entre eux appelait une réponse immédiate. Dans les cas les plus critiques, l'immense majorité des demandes portaient sur de l'aide alimentaire ou sur des aides au prêt et à l'achat d'outils informatiques permettant de suivre les enseignements à distance. C'est ainsi que, dès le 13 mars, les établissements se sont mobilisés pour répondre à ces demandes, qui représentent entre 3 et 5 % des étudiants.

Au-delà de ces interventions d'urgence, nous travaillons à des dispositifs nationaux plus spécifiques, en ciblant notamment les besoins des étudiants ultramarins. Douze mille d'entre eux ont choisi de rester en métropole, ne sachant pas selon quelles modalités allaient se dérouler leurs examens. Certains passeront ici leurs examens en présentiel, d'autres préfèrent rejoindre leurs familles et les passer à distance. Il nous faut donc organiser cela, ce qui inclut la mise en place de quatorzaines afin d'éviter d'importer le virus dans les territoires ultramarins qui ont la chance d'avoir été très peu contaminés. Nous sommes pratiquement au bout du processus.

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La recherche française est pleinement mobilisée pour lutter contre l'épidémie de Covid-19 et relever les défis scientifiques de demain. La pression est très forte sur les épaules de nos chercheurs post-doctorants et doctorants, et nous devons leur donner les moyens de travailler. Vous avez annoncé la mise en place d'un fonds d'urgence de 50 millions d'euros pour les recherches engagées contre l'épidémie de Covid 19 : où en sommes-nous du déblocage de ces fonds ? Prévoyez-vous la revalorisation financière des bourses et des contrats doctoraux ? Celle-ci me semble primordiale pour aider et redonner une perspective à toute une génération de jeunes scientifiques, qui nous aideront demain à éviter les crises ou à y faire face. Que pouvez-vous nous dire, par ailleurs, du calendrier de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche ?

De nombreux essais cliniques sont en cours. Ils portent entre autres sur le tocilizumab, la chloroquine ou l'avdoralimab. Des subventions sont-elles prévues pour ces essais ? Pourriez-vous nous faire un point précis sur leur état d'avancement ? Quand peut-on espérer en avoir les résultats ?

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En matière de recherche, la coopération européenne et internationale est une nécessité vitale ; c'est aussi, et c'est très heureux, une tradition bien ancrée chez les chercheurs.

La mobilisation internationale fonctionne ; en témoignent notamment l'essai clinique européen Discovery, ou le projet de recherche vaccinale contre le Covid 19 porté par l'institut Pasteur, en coopération avec l'université de Pittsburgh et la biotech autrichienne Themis.

À la lumière de la crise sanitaire, nous devons encore renforcer la coopération au sein de notre espace européen de recherche, en nous fixant des objectifs très concrets et très lisibles. Je pense par exemple à l'harmonisation des données, aux études épidémiologiques, indispensables pour mesurer et comprendre l'impact d'un virus. Mais cela vaut aussi pour l'approvisionnement en équipements ou en molécules nécessaires à la fabrication de médicaments et de vaccins. Cette coopération doit également concerner les pays en développement, dont il faut renforcer les capacités sanitaires et scientifiques.

Sur toutes ces questions, je souhaite que la France prenne l'initiative et manifeste concrètement sa volonté de faire plus et de faire mieux ensemble, pour que l'Europe de la recherche puisse devenir une réalité.

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Pouvez-vous nous confirmer que, compte tenu de la crise sanitaire, les processus de rapprochement et de fusion entre universités – la fusion engagée entre Lyon I et Lyon III ou entre l'École normale supérieure et l'université Jean-Monnet de Saint-Étienne – sont bien gelés, et que les discussions ne se poursuivent pas sans que les élus locaux ou nationaux en soient informés ?

Vous nous avez assuré que la crise sanitaire n'avait pas eu d'incidence sur le déroulement de la phase de confirmation des vœux dans le cadre de Parcoursup, qui s'est achevée le 2 avril. Il faut en féliciter toutes les équipes éducatives et d'orientation, en particulier les chefs d'établissement. Nous sommes passés à la phase suivante, où les commissions examinent ces vœux et auxquels elles devront répondre à partir du 19 mai. Dans la mesure où la plupart de ces commissions se tiendront par visioconférence, ne va-t-on pas privilégier l'usage des algorithmes sur l'examen individuel des dossiers ? Comment comptez-vous donner suite à la décision du Conseil constitutionnel du 3 avril dernier qui, en réponse à deux questions prioritaires de constitutionnalité, vous demande de rendre publics les critères retenus et, le cas échéant, les algorithmes utilisés pour classer les candidatures ?

Je me fais enfin le relais des étudiants de l'Association nationale des étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives (ANESTAPS), qui se proposent, lors du déconfinement, à un moment où l'activité physique individuelle va être essentielle, de venir animer des activités dans les clubs sportifs et les écoles : qu'en pensez-vous ?

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De nombreux vacataires de l'enseignement supérieur vivent dans des conditions souvent difficiles. Depuis le début de la crise sanitaire, certains se sont retrouvés du jour au lendemain dans des situations particulièrement délicates. Ils déplorent non seulement le manque de matériel à leur disposition pour garantir le maintien des cours à distance mais également – et c'est plus grave – des retards de paiement pouvant aller jusqu'à six mois.

Pourtant, toutes ces personnes sont essentielles à la qualité de notre enseignement supérieur et de notre recherche. Ils mériteraient un bien meilleur traitement. Pouvez-vous donc nous préciser si ces enseignants vacataires ont pu bénéficier de matériel leur permettant d'assurer une continuité pédagogique ? Pouvez-vous nous apporter des réponses sur ces retards de traitement, qui rendent leur situation insoutenable dans cette période pleine d'incertitudes ?

Plus largement, dans le monde de demain que nous devons dessiner ensemble, quelles solutions votre ministère envisage-t-il de mettre en place afin d'éviter à ces vacataires une précarité qui serait jugée intolérable dans le secteur privé ?

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Frédérique Vidal, ministre

Outre les 8 millions immédiatement débloqués en faveur de REACTING, dont la moitié a été consacrée aux essais cliniques, l'enveloppe de 50 millions a été répartie de la manière suivante : 16 millions ont été confiés à l'Agence nationale de la recherche pour financer, à parts égales, des programmes de recherche à très court terme et des programmes à moyen et long terme ; le consortium REACTING a été réabondé à hauteur de 1,75 million ; 4 millions ont été consacrés à un appel à projets spécifique orienté vers les pays du Sud et des partenariats européens ayant pour objet la réalisation d'essais cliniques dans les pays du Sud ont été financés à hauteur de 1 million. Un peu plus de 22 millions restent ainsi disponibles pour répondre au fil de l'eau aux demandes de financement des programmes de recherche.

En ce qui concerne le calendrier et le financement des essais cliniques, je vous communiquerai le tableau de suivi de ces essais, afin que vous disposiez de l'ensemble des informations. Nous arrivons à la fin des premières phases d'étude de certains d'entre eux – c'est notamment le cas de CORIMMUNO.

Madame de Sarnez, le réseau des universités européennes où des équipes se sont constituées est financé à la fois par la Commission européenne et par chacun des pays où ces universités sont implantées ; un peu plus de 100 millions leur sont consacrés. De leur côté, l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) participent à des appels à projets spécifiques pour les pays du sud. Nous contribuons également à tous les consortiums internationaux consacrés notamment au développement des vaccins. Enfin, nous construisons notamment avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, en utilisant le plus possible les campus des établissements français déployés à l'étranger, une véritable offre de formation à distance pour les étudiants internationaux, car leur accueil sera un véritable enjeu du premier semestre de l'année universitaire 2020-2021.

Monsieur Juanico, j'ai prolongé, dans le cadre de l'état d'urgence, les mandats des conseils d'administration des établissements qui arrivaient à échéance afin qu'ils puissent gérer les affaires courantes, notamment la modification des modalités du contrôle des connaissances. Dans les autres établissements, les conseils d'administration et les présidents ont toute légitimité pour exercer leur mission et les instances universitaires fonctionnent, certes en mode dégradé. Je n'ai pas d'informations particulières à propos de ce qui se passe à Lyon.

Par ailleurs, les membres des commissions d'examen des vœux exprimés dans le cadre de Parcoursup travaillent sur des documents dématérialisés, qu'ils peuvent donc examiner depuis leur lieu de travail ou leur domicile ; la crise sanitaire ne change donc strictement rien. En revanche, l'admission des étudiants étrangers en premier cycle repose sur l'examen de dossiers papier, mais cette procédure intervient plus tard. À l'instar des jurys de thèse, les jurys d'admission peuvent se réunir. J'ai toute confiance dans les équipes pédagogiques à cet égard.

Quant aux critères d'admission, nous avons beaucoup progressé depuis deux ans : ils sont de plus en plus précis. Les établissements se préparent à répondre aux demandes de ceux des candidats qui souhaiteraient connaître ces critères a posteriori. En tout état de cause, le principe du secret de la délibération des jurys a été consacré.

J'ai bien reçu le courrier des étudiants de l'ANESTAPS. Je suis bien entendu très favorable à leur offre de services, qui témoigne de la merveilleuse solidarité des étudiants. J'ai donc demandé à la direction générale de l'enseignement supérieur de répondre en ce sens à leur sollicitation. Mais, si leur action s'inscrit dans un cadre périscolaire, elle est du ressort des collectivités territoriales, auxquelles j'ai naturellement transmis leur proposition. Les discussions sont en cours ; si elles aboutissent, j'en serai ravie.

Madame Auconie, j'ai demandé que les paies des vacataires soient systématiquement reportées du mois de mars au mois d'avril et, si l'on ne parvient pas à établir correctement celles d'avril, du mois d'avril au mois de mai, afin que tous soient payés. J'ai suspendu l'obligation de vérifier le service fait, difficile à appliquer dans les conditions actuelles dès lors qu'aucun enseignement n'est assuré en présentiel. Il arrive, hélas, que des vacataires soient payés à six mois : ce délai n'est pas lié à la situation sanitaire, mais aux modalités de paiement des vacataires par les établissements. Je travaille avec eux à faire en sorte que cette pratique, qui n'est heureusement pas une généralité, devienne marginale. La plupart du temps, les enseignants titulaires sont tout à fait conscients de l'importance du rôle des vacataires, qui sont souvent des étudiants en doctorat. Je souhaite du reste augmenter très fortement, dans le cadre du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche, les capacités de contrats doctoraux. De fait, il me paraît problématique de demander à des étudiants de s'engager dans un doctorat sans être capable de les financer.

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S'agissant de l'organisation de la recherche, je souhaiterais savoir à combien s'élèvent les besoins de financement des différents projets et comment ces projets ont été sélectionnés. De nouveaux partenariats ont-ils été conclus avec des industriels ? Comment serons-nous en mesure, le moment venu, de produire de façon sécurisée la quantité de vaccins nécessaire ?

Par ailleurs, un décret du 5 avril autorise les préfets à réquisitionner, dans le cadre du dépistage, les laboratoires de recherche publique. Avez-vous évalué les capacités de la cinquantaine de laboratoires recensés et quelle sera leur contribution au dépistage ?

Le magnifique projet Discovery témoigne du rayonnement de la coopération européenne. Un bilan intermédiaire devrait pouvoir être dressé prochainement. De nombreux patients l'attendent, car il permettrait de repositionner un certain nombre de traitements. Quand les soignants pourront-ils utiliser ce premier bilan ?

Enfin, allez-vous, dans le cadre du projet de loi de programmation, modifier la stratégie de recherche à la lumière de la crise terrible qui nous frappe ? Un grand pays comme le nôtre se doit de développer, certes en coopération étroite avec l'Europe, une véritable capacité de recherche, faute de quoi nous risquons de connaître de douloureuses déconvenues.

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La crise renforce les inégalités et aggrave les situations déjà dégradées, notamment celle des étudiants. Or, je m'étonne que le Premier ministre ne les ait pas mentionnés hier dans la liste des personnes qui souffrent de la crise au plan social. Il me semble, du reste, qu'aucune ligne budgétaire ne leur a été consacrée dans le projet de loi de finances rectificative. Pourtant, l'insalubrité des conditions de logement dans certains CROUS a été dénoncée. Vous avez indiqué que les étudiants salariés pourraient bénéficier du dispositif de chômage partiel, mais qu'en est-il de ceux qui occupent des emplois « ubérisés » et des étudiants étrangers dont la situation est encore plus précaire ? Les loyers perçus par les CROUS seront suspendus en avril ; j'estime qu'ils auraient dû l'être dès mars et qu'ils devront l'être également en mai et en juin. Qu'en pensez-vous ?

Il est temps enfin de nous interroger sur le crédit d'impôt recherche, dont le montant s'élève à plusieurs milliards et que des entreprises utilisent, grâce à diverses astuces, pour bénéficier d'une exonération fiscale. Quoi qu'il en soit, cet argent manque à la recherche publique française. Sanofi va donner 100 millions aux hôpitaux, mais versera 4 milliards de dividendes et a annoncé 300 suppressions d'emplois… Ces chiffres illustrent bien le problème soulevé par le crédit d'impôt recherche.

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Depuis le début du confinement, la situation des étudiantes et des étudiants précaires est alarmante, qu'il s'agisse de leur isolement, de leur accès aux outils numériques ou du manque de nourriture. Avant la crise, plus de 20 % des étudiants vivaient déjà en dessous du seuil de pauvreté et leur accès aux soins et aux examens médicaux était problématique. Des annonces ont, certes, été faites, notamment par le Président de la République le 13 avril, mais leur traduction dans les faits tarde et elles sont largement insuffisantes. Les CROUS ont indiqué que, depuis le début du confinement, les aides avaient augmenté de 79 %. Les aides sociales versées au titre de la Contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), auxquelles vous avez fait allusion, ne peuvent suffire : elles dépendent non seulement du bon vouloir de chaque établissement mais aussi des fonds restants de la CVEC. Une aide nationale, spécifique et importante, est donc nécessaire et urgente. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la date à laquelle les aides seront versées ?

Des mesures ont été annoncées en matière d'exonération des loyers, mais elles ne concernent que ceux qui ont pu quitter leur logement en cité U. Qu'en est-il de ceux qui ont dû y rester ? Cette exonération vaut-elle pour toute la durée du confinement ?

Enfin, cette crise vous amène peut-être à réfléchir différemment à la condition des étudiantes et des étudiants. Le groupe GDR devait défendre, dans le cadre de sa journée d'initiative parlementaire, une proposition de loi créant un revenu étudiant inconditionnel, au motif qu'étudier est un travail. Quel regard portez-vous sur une telle proposition ?

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Je veux tout d'abord saluer les aides au logement étudiant qui ont été annoncées. Si le logement est la première dépense des Français, il représente une charge particulièrement lourde pour les étudiants. Ceux d'entre eux qui sont logés par les CROUS bénéficieront d'une exonération de loyer. Êtes-vous en discussion avec le secteur privé pour que les étudiants logés dans des résidences universitaires privées puissent en bénéficier également pour la période pendant laquelle ils n'ont pas occupé leur logement ?

Par ailleurs, en tant que ministre de la recherche, vous siégez au sein du Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC), qui regroupe notamment Airbus, Safran, Thales, Dassault et bien d'autres. Dans un contexte de guerre économique et dans un monde marqué par une concurrence accrue et des défis environnementaux majeurs, nous devons rester leader dans ce secteur. Le Président de la République a rappelé que certaines productions devaient échapper aux lois du marché et ne pouvaient être confiées à d'autres pays ; je pense à la Chine ou aux États-Unis, qui apportent du reste, et de façon moins transparente, un soutien massif à leur industrie aéronautique. Le triplement des crédits du CORAC sera-t-il maintenu ? Qu'en est-il des crédits de la recherche industrielle dans le cadre de la transition et de la relance ?

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Frédérique Vidal, ministre

La répartition des financements que j'ai évoquée vaut pour l'ensemble de la recherche, publique et privée. Des essais cliniques sont par exemple réalisés à la fois par des CHU et par des groupes pharmaceutiques ; tout le monde est mobilisé ; Et dès qu'un vaccin aura été trouvé, il faudra le produire, ce qui n'est pas du ressort de la recherche publique.

Si le vaccin sur lequel travaille l'Institut Pasteur devait s'avérer efficace, sa production serait aisée car le véhicule utilisé est déjà connu. À défaut, l'État se mobilisera pour anticiper les besoins et identifier les sources de production.

L'ensemble des laboratoires sont à la disposition du ministère des solidarités et de la santé pour la mise en œuvre des dépistages – les actes administratifs nécessaires ont été pris – et les préfets pourront les réquisitionner. Toutefois, les personnels des laboratoires vétérinaires ou de recherche ne peuvent prendre en charge les prélèvements et le rendu des résultats, lequel requiert un médecin biologiste. La chaîne s'organise donc pour éviter les goulots d'étranglement.

De nombreuses autres actions de recherche sont menées qui, bien que peu visibles, n'en sont pas moins utiles : ainsi, les laboratoires de chimie fabriquent du gel hydroalcoolique, les laboratoires du CEA ont testé la possibilité de réutiliser les masques.

Concernant l'essai clinique Discovery, je vous transmettrai par écrit le détail des analyses intermédiaires.

Toutes les formes de recherche doivent être soutenues, parce qu'on ne sait jamais d'où peuvent venir les solutions, et il importe d'assurer une certaine continuité entre les connaissances produites par la recherche académique et la recherche et développement menée au sein des grands groupes. Des start-up issues de laboratoires s'associent avec des groupes habituellement concurrents pour trouver des solutions, ce qui démontre la force de la recherche dans notre pays.

La précarité chez les étudiants est un sujet dont je me préoccupe depuis longtemps, bien avant la crise.

Soyons clairs : les loyers des CROUS n'ont pas été annulés, il a seulement été annoncé que, contrairement à ce que prévoit la règle de préavis usuelle, le paiement du mois d'avril ne serait pas dû pour ceux qui auront quitté leur logement courant mars. Pour les autres, le loyer n'est pas suspendu. Nous tâchons néanmoins d'accompagner les étudiants restés dans les résidences universitaires, dont les travaux de réhabilitation ont par ailleurs bien avancé.

Pas moins de 80 millions d'euros ont ainsi été versés aux établissements et aux CROUS pour aider directement les étudiants, boursiers ou non, notamment pour leur alimentation, leur équipement informatique ou le paiement de leur loyer. La précarité et la fragilité psychologique de ce public sont bien prises en compte, en particulier grâce aux enseignants, enseignants-chercheurs et aux personnels des CROUS, qui sont les plus à même d'identifier les besoins.

Le travail engagé avec les associations sur la question du revenu étudiant, beaucoup moins simple qu'il n'y paraît, va évidemment se poursuivre.

Quant aux résidences privées, dont la plupart se sont vidées de leurs occupants, elles sont elles-mêmes en grande difficulté financière. Nous faisons en sorte que les locataires encore présents soient contactés et aidés aussi efficacement que possible.

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Bien que la France puisse s'enorgueillir d'être la patrie de plusieurs prix Nobel, elle a toutefois rétrogradé à la sixième ou septième place du classement européen. Votre mobilisation pour la recherche est donc plus que nécessaire si nous voulons voir notre pays revenir à l'avant-garde. À cette fin, plusieurs députés du groupe Les Républicains ont déposé une proposition de résolution invitant le Gouvernement à faire de la recherche médicale une grande priorité nationale, et je ne doute pas que vous y serez favorable.

Le budget annoncé de 25 milliards d'euros sur dix ans a-t-il pour visée le Graal des 3 % du PIB, objectif fixé au sommet de Lisbonne voilà quelques années ? Pensez-vous que ce soit réaliste ? Comment ce montant sera-t-il partagé entre public et privé ?

Enfin, concernant les études médicales, les concours de la première année commune aux études de santé (PACES) et les épreuves classantes nationales informatisées (ECNI) pour l'accès au troisième cycle pourront-ils bien avoir lieu ? Je crois savoir en effet que l'association des étudiants en médecine et l'intersyndicale des internes ont demandé un report d'un an.

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Les étudiants des programmes ERASMUS rentrés en France sur les conseils de leur ambassade auront-ils la possibilité de regagner leur université européenne d'accueil ? Un dispositif particulier est-il prévu pour leur permettre de valider leur année ?

S'agissant des candidats aux BTS en alternance, pour lesquels un contrat d'apprentissage est nécessaire à la validation de leur candidature sur Parcoursup, bon nombre attendent toujours une réponse des collectivités ou des entreprises qu'ils ont sollicitées, ce qui est fort compréhensible au vu de la situation. Les dates limites d'inscription seront-elles reportées ? Comment résoudre cette difficulté ?

Avez-vous déjà évalué les besoins financiers des universités pour adapter durablement leurs modes d'enseignement à distance et dans les locaux et les mesures d'accompagnement nécessaires ?

Dès le début des années 2000, les études sur le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en Chine et le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) en Arabie saoudite avaient révélé les modes d'action et les clés d'entrée dans les cellules de ce type de virus ; les publications récentes sur le Covid-19 confirment un mode d'action identique. Malheureusement, la faiblesse toute relative des épidémies antérieures semble avoir interrompu les recherches de l'époque pour les outils de diagnostic, de traitement et de vaccination. N'est-ce pas là une incitation à réviser notre politique, de manière à préserver une recherche tous azimuts, qui peut s'avérer décisive à court, moyen ou long terme, au lieu de réagir seulement à l'actualité brûlante ?

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La contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) serait utile pour aider les étudiants les plus en difficulté, mais il y a des disparités d'une région à l'autre, et entre les universités d'une même région. Entendez-vous appliquer des dispositifs de correction pour y remédier ?

Vous avez pris trois dispositions d'ordre réglementaire – le décret du 18 mars 2020 élargissant aux enseignants-chercheurs hors statut l'accès aux primes destinées aux enseignants titulaires et l'arrêté et le décret du 3 avril 2020 instituant l'obligation pour les candidats aux diplômes de licence, de licence professionnelle, et au diplôme universitaire de technologie (DUT), ainsi qu'au BTS de passer une certification en langue anglaise délivrée par des entreprises privées étrangères – qui sont perçues par beaucoup comme allant dans le sens de la privatisation, ce qui n'est probablement pas le souhait des universitaires. Pouvez-vous vous engager à informer l'Assemblée sur la nature de ces dispositions et à tenir un débat de fond avec les universitaires à l'issue de la crise ?

Pouvez-vous nous dire avec certitude à quel moment aura lieu la rentrée universitaire ?

Enfin, vous avez dit que le défaut d'investissement dans la recherche commençait à se ressentir ; faut-il y voir une forme d'autocritique ? Ces propos pourront avoir une résonance importante quand viendra l'heure d'évaluer la qualité des efforts accomplis pour nous prémunir contre les difficultés actuelles.

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Les tests, annoncés comme un des piliers de la stratégie de déconfinement, seront coordonnés par votre ministère. L'objectif de 500 000 tests par semaine est ambitieux, mais ce chiffre semble peu élevé au regard des plus de 50 millions de Français qui pourraient y être soumis régulièrement pour juguler l'épidémie.

Ma question porte sur l'articulation entre tests virologiques et tests sérologiques. Ces derniers permettent de détecter les anticorps spécifiques d'une infection récente – IGM – ou plus ancienne – IGG. Une campagne de tests a été menée dans plusieurs EHPAD d'Alsace. Des individus chez lesquels les tests sérologiques ont détecté la présence d'IGM ont été soumis à des tests PCR qui ont parfois montré qu'ils étaient porteurs du virus bien qu'asymptomatiques. Les tests sérologiques étant réalisables en plus grande quantité que les tests PCR, ne pourrait-on envisager de les développer de façon plus ambitieuse au service d'une politique de détection primaire incluant les sujets asymptomatiques ?

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Frédérique Vidal, ministre

Le Président de la République a souhaité que sur les 5 milliards d'euros supplémentaires consacrés à la recherche, 1 milliard aille à la « santé globale ». Celle-ci inclut la recherche médicale mais aussi les disciplines fondamentales qui produisent et font circuler les connaissances que la recherche médicale met en application. Parfois, dans le cadre de la « recherche action », on mobilise toutes les intelligences pour parvenir à des résultats rapidement mais ce n'est pas le fonctionnement normal de la recherche.

Il s'agit bien d'investir 25 milliards d'euros ces dix prochaines années, en portant l'investissement public annuel de 15 à 20 milliards. En France, comme dans la plupart des pays, l'investissement public représente environ un tiers de l'investissement global en matière de recherche, les deux autres tiers relevant du privé. Nous souhaitons que cette répartition soit maintenue malgré l'accroissement de l'effort public, ce qui suppose de faire passer l'investissement privé de 30 à 40 milliards.

L'État n'a pas conduit de façon continue une politique suffisamment ambitieuse d'investissement dans les laboratoires, les équipements, les infrastructures de recherche. Ne nous étonnons pas que cela soit compliqué quand, après l'avoir désinvestie, on se retourne vers la recherche en lui demandant de tels efforts ! La France a la chance de figurer encore parmi les grands pays de recherche, avec des disciplines d'excellence comme l'infectiologie, la virologie et l'épidémiologie. Il est important que nous réinvestissions dans la recherche, en faisant évoluer, par exemple, le programme 172 de 800 millions d'euros sur deux ans pour atteindre 25 milliards d'euros dans dix ans, alors qu'il n'a progressé que de 50 millions durant les cinq dernières années.

En matière d'évaluation des participants aux programmes d'échanges internationaux, les décisions devront être prises de manière à favoriser les étudiants. Nous sommes convenus que leur deuxième semestre serait évalué par leur établissement d'origine ou par l'université partenaire, sans qu'ils aient à voyager pour passer les examens en présentiel : la majorité des universités les ont d'ailleurs annulés. Ou bien l'établissement d'origine de l'étudiant évalue son semestre, ou bien l'université partenaire lui fait passer des évaluations ; dans tous les cas, tout devra être fait pour jouer au bénéfice des étudiants.

L'absence de contrat d'apprentissage ne doit pas bloquer l'inscription au cursus. Cela n'a d'ailleurs jamais été un facteur bloquant, il appartient généralement à l'étudiant d'en faire la preuve ultérieurement, mais nous appelons les établissements à faire preuve de bienveillance.

Nous tirerons les leçons de cette crise, mais l'enseignement à distance est un mode de formation très particulier qui ne peut en aucun cas se substituer à l'interaction humaine, au fondement de tout enseignement. Ainsi, nous veillons sur les campus connectés à ce qu'une personne accompagne systématiquement les étudiants, les motive, vérifie qu'ils travaillent, répondent à leurs questions. La relation entre l'enseignant et son étudiant reste primordiale.

La CVEC est reversée en fonction du nombre d'étudiants inscrits : c'est une simple règle de trois. Il n'y a donc pas de disparités.

Tous les étudiants du supérieur doivent maîtriser une langue étrangère et cette maîtrise doit être certifiée. C'est précisément pour que le CLES accède aux standards internationaux et soit reconnu internationalement que nous nous le finançons, au même titre que le TOEFL et le TOEIC. Nous ne recommandons pas de certification privée étrangère.

Les stratégies sont différentes selon que l'on utilise des tests virologiques ou sérologiques. Si le dépistage massif dans les EHPAD alsaciens avait dû débuter avec un test sérologique, il est fort à parier qu'un nombre équivalent de porteurs asymptomatiques auraient été détectés, d'autant que les IGM n'apparaissent que six à sept jours après l'infection, alors qu'un test virologique détecte la présence du virus dès l'apparition de l'infection. Ce dont il faut être conscient, c'est qu'une immunité acquise ne dispense pas d'observer les gestes barrière : une personne protégée par ses propres anticorps peut être vectrice du virus. Ces tests sont en cours de validation par le centre national de référence. Ils sont tous suivis avec beaucoup d'attention, et surtout utilisés avec toutes les garanties de sécurité afin d'éviter qu'ils ne produisent de faux résultats : on imagine les conséquences catastrophiques qui pourraient en résulter.

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Les 20 % d'étudiants qui vivaient en dessous du seuil de pauvreté, privés des petits boulots ou des jobs d'été qui leur permettaient de subsister, connaissent des situations parfois dramatiques. Le service national universel, souvent contesté, coûte 2 milliards d'euros. Pourquoi ne pas destiner aux étudiants la moitié de ces crédits, et l'autre aux associations, elles-mêmes en grande difficulté ?

Des inégalités de traitement sont dénoncées, certaines universités soumettant leurs étudiants à des examens, d'autres non. N'est-il pas possible d'adopter, pour toutes les universités de France, une même ligne ?

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Pourquoi avoir tant tardé à entendre les alertes sur le risque pandémique et sur la faiblesse des moyens investis dans la recherche, lancées notamment par Bruno Canard en 2015 ou la section 27 du CNRS ? En recherche fondamentale, le retard est préjudiciable et se rattrape difficilement. À la dégradation de la recherche publique répondent les insuffisances de la recherche privée – quand il n'y a pas de marché, il n'y a pas de crédits. Le groupe Sanofi distribue des dividendes, supprime des emplois, notamment dans la recherche, et perçoit le crédit d'impôt recherche. Quelles dispositions avez-vous prises pour éviter que le reste de la recherche ne pâtisse des investissements consentis pour la lutte contre le Covid ?

N'avez-vous pas le sentiment que l'on a tardé à lancer les essais cliniques visant à valider ou à invalider des hypothèses thérapeutiques ?

Pouvez-vous nous indiquer de façon transparente la ventilation des crédits par structure ? Peut-on s'assurer que les résultats des recherches ne seront pas privatisés ?

Enfin, dans sa motion du 6 avril, la section 27 du CNRS souhaite contribuer activement à la création d'un plan national Covid-19 et pathogènes respiratoires émergents de grande ampleur visant deux objectifs : premièrement, accélérer de façon inédite les recherches menées sur des champs thématiques définis ; deuxièmement, développer des recherches d'interfaces. Elle estime que le CNRS doit exercer un rôle majeur vu la forte représentation de ses chercheurs et ingénieurs, techniciens et personnels administratifs dans les domaines de recherche fondamentale considérés. Quelle place réservez-vous au CNRS dans la lutte contre le Covid, et plus généralement dans l'avenir de la recherche ?

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Avec la ministre des armées, vous copilotez la politique spatiale et partagez la tutelle du centre national d'études spatiales (CNES). L'espace peut paraître éloigné de nos préoccupations, mais sans lui, bon nombre de nos activités économiques, dont certaines essentielles à la résilience de notre pays – GPS, smartphones –, ne fonctionneraient pas ; sans expériences en apesanteur, sans recherche spatiale, nombre de technologies médicales n'auraient pas vu le jour et la télémédecine en serait à ses balbutiements.

L'espace, aussi bien civil que militaire, doit occuper une place de premier rang dans le plan de relance. La France a des atouts sérieux, mais la crise risque d'affaiblir sa position. Le centre de Kourou est à l'arrêt : quand est-il envisagé de reprendre les lancements ? Le New Space a mis sous tension les acteurs européens. La faillite de OneWeb prive Airbus d'un marché prometteur et Arianespace d'un client important pour son programme Ariane 6. Comment donner, à la faveur de la relance, une impulsion nouvelle à ce secteur ?

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Frédérique Vidal, ministre

L'État garantit la qualité des formations et la capacité des établissements à les évaluer et à délivrer aux étudiants un diplôme national. Mais il n'existe pas de programme national de formation dans l'enseignement supérieur, ni en licence, ni en master : il ne peut donc pas y avoir d'examen national. La liberté pédagogique des enseignants-chercheurs fait qu'eux seuls peuvent évaluer leurs étudiants. L'ordonnance précise que l'on peut adapter les modalités de contrôle des connaissances, mais il n'est pas possible de supprimer ce contrôle, comme le réclament certains étudiants, pas plus que de mettre la même note à tout le monde, sans évaluer les connaissances de chacun. On peut adapter, moduler, tenir compte des difficultés : c'est à cela que servent les jurys. Mais je ne peux pas inventer, pas plus cette année que pour les autres années, des examens nationaux pour des programmes qui ne sont pas nationaux.

Il n'a jamais été question de repousser la rentrée universitaire au mois de janvier. Ce qui a été évoqué, c'est seulement la possibilité pour les étudiants internationaux de faire le premier semestre à distance et de ne rejoindre leur établissement qu'au deuxième semestre. Encore n'est-ce pour l'heure qu'une hypothèse : j'ai seulement demandé aux établissements d'y réfléchir dans le cas où les vols internationaux ne seraient pas rétablis aux mois de septembre ou octobre. Nous avons tout fait pour maintenir la rentrée au mois de septembre.

J'ai évidemment été interpellée par la tribune du docteur Bruno Canard, qui travaille sur le coronavirus depuis des années et qui dit avoir eu des difficultés à se financer. Deux des onze projets financés par l'ANR sur le coronavirus sont développés par son laboratoire. J'entends bien que lorsque l'on est passionné par un sujet, au surplus majeur en termes de santé publique, on se dise que si l'on avait eu tout l'argent dont on rêvait, on aurait pu faire les choses autrement… L'important pour les années à venir, c'est d'investir massivement dans la recherche et de soutenir tous les projets de qualité. Nous n'aurions pas pu aller aussi vite sur le SARS-Cov2 si nous n'avions pas maintenu, en France comme ailleurs, des recherches sur les coronavirus en général.

Avons-nous trop tardé à lancer les essais cliniques ? Les trois premiers cas ont été identifiés en France au mois de janvier et les cohortes ont été mises en place le 6 février. Jamais des essais cliniques n'ont été montés aussi rapidement : habituellement, cela prend plusieurs mois… Je tiens d'ailleurs à remercier tous les comités qui se sont réunis à chaque fois que nous en avons eu besoin pour autoriser ces essais cliniques.

Le CNRS est notre première agence nationale de recherche. Il est doté d'un Institut des sciences biologiques qui est engagé dans cet effort de recherche. Tout ne se passe pas à l'INSERM : des travaux sont en cours à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), à l'INRIA, à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)… Les équipes de recherche en biologie du CNRS sont totalement mobilisées et elles travaillent en synergie avec celles de l'INSERM. Tuer un organisme de recherche n'aboutit pas à en renforcer un autre.

S'agissant enfin de la politique spatiale, je me suis entretenue hier avec le président du Centre national d'études spatiales (CNES). Le plan de reprise d'activité du centre spatial de Kourou est prêt et les équipes vont pouvoir revenir sur le site, en suivant des procédures très strictes de contrôle et de mise en quarantaine, afin de ne pas importer le virus en Guyane.

La faillite de OneWeb pose effectivement une véritable difficulté. La crise a aggravé la situation mais ne l'a pas créée, puisque cette société cherchait déjà à se refinancer à hauteur de 2,5 milliards de dollars. Elle est placée sous le régime du chapitre 11 au tribunal des faillites de New York et ses actifs sont mis aux enchères. Nous suivons ce dossier avec attention car de nombreux industriels français sont directement concernés.

Il nous faut consacrer tous nos efforts à la recherche sur le Covid-19, mais nous ne devons pas pour autant négliger les autres champs de la recherche et de l'innovation, qu'il s'agisse de la R&D ou de l'espace. Mon ministère reste mobilisé sur tous les sujets qui relèvent de son champ de compétences.

L'audition s'achève à dix-sept heures dix.