La commission des affaires économiques a auditionné, en visioconférence, M. François Bayrou, Haut–Commissaire au Plan.
Monsieur le Haut-Commissaire, je vous souhaite la bienvenue à la commission des affaires économiques. Vous avez été un des piliers de l'Assemblée nationale, mais j'ai découvert que vous n'avez jamais été membre de cette commission…
C'est à peu près la seule dont je n'ai jamais été membre !
Il était temps de corriger cet immense défaut ! J'ai noté dans votre parcours quelques sujets de prédilection que vous avez très tôt introduits dans le débat politique français. Dès 2007, à l'occasion de votre campagne présidentielle, vous aviez évoqué la gestion de la dette, un des énormes défis que nous devrons affronter à l'issue de cette crise – dont nous finirons bien par sortir un jour. En 2012, vous aviez mis en avant une thématique, devenue d'actualité, autour du produire et du consommer français. Vous êtes aussi un Européen convaincu et les sujets écologiques sont au cœur de vos préoccupations. La dette, l'Europe, la souveraineté, française et européenne, et les enjeux écologiques sont désormais au cœur de vos nouvelles fonctions. Je ne doute pas que vous évoquerez toutes ces questions, parmi d'autres, lors de votre intervention liminaire qui visera à préciser les grandes lignes de votre feuille de route. Ensuite, les orateurs des groupes vous interpelleront. Vous pourrez leur répondre collectivement, puis nous prendrons les questions individuelles.
J'étais impatient que nous ayons cette rencontre, mais je ne voulais pas la susciter car cela aurait été un peu irrespectueux à l'endroit de votre assemblée. Je suis très attaché au respect du Parlement et à la mise en valeur de ce que représente son apport aux grands choix du pays. Cela a toujours été l'un des cadres de ma pensée, même si d'importantes améliorations devraient être apportées, dont nous parlerons peut-être un jour dans d'autres enceintes.
Qu'est-ce que le Plan ? Quelle idée étrange, à croire certains experts, de ressusciter cette démarche, cette organisation, même si je tiens à ce qu'elle soit la plus légère possible – j'ai toujours pensé que les commandos étaient plus efficaces que les armées mexicaines…
J'ai toujours été frappé de constater que certains États réfléchissaient dans une perspective à trente ans alors que nous, nous ne réfléchissions parfois même pas à trente jours. Ce disant, je ne caricature pas du tout. Pour avoir exercé des fonctions gouvernementales et partagé les orientations du Gouvernement de l'époque comme responsable d'un des partis de la majorité, je sais que, la plupart du temps, les décisions gouvernementales obéissent à une dynamique de la réaction : un fait divers ou un accident se produit, il suscite une émotion dans l'opinion, les chaînes d'information en continu et les réseaux sociaux s'en emparent, les parlementaires se font interpeller le week-end dans leur circonscription et interpellent à leur tour le Gouvernement, les ministres tremblent à l'idée que les sondages risquent d'être mauvais, etc., et c'est ainsi, hélas ! que fonctionnent nos instances de décision. En revanche, des entités aussi différentes que la Chine et les États-Unis ont des plans. Celui de la Chine est presque caricatural tant il descend dans le détail, mais les États-Unis ne sont pas en reste : lorsque le président Eisenhower créa en 1958 l'ARPA ( Advanced Research Projects Agency ), qui devint plus tard la DARPA ( Defense Advanced Research Projects Agency ) – l'ajout de la défense ouvrait l'accès aux renseignements et aux financements –, ce n'était pas autre chose que la même volonté d'intégrer le long terme dans les décisions à prendre par les gouvernements au jour J.
En France, nous en sommes depuis très longtemps dépourvus. Je ne dis pas que ce soit le cas de toutes les organisations gouvernementales, mais le débat public n'intègre jamais cette dimension. Voilà pourquoi j'ai toujours défendu l'idée – en restant pendant longtemps très minoritaire et même solitaire – qu'il fallait faire autrement et que si nous sommes une nation, il faut qu'il y ait une volonté. Si nous avons construit l'Union européenne, il faut que nous y portions des orientations fortes et de long terme. D'où la nécessité de reconstituer cette mission destinée à enraciner, dans le débat public, les questions de moyen et de long terme.
J'ai toujours défendu l'idée que cette responsabilité soit confiée à un homme politique, le plus près possible du Président de la République. J'ai peut-être donné l'impression d'être obsédé par cette idée avant que le commissariat au Plan ne soit recréé, mais je ne suis pas le seul. Dans ses Mémoires, Jean Monnet, qui s'était vu confier cette fonction par le général de Gaulle, raconte comment il s'est battu pour être rattaché directement au chef de l'exécutif et non au ministère des finances. Pour ma part, j'ai toujours pensé que le Président de la République avait précisément pour fonction de définir les orientations de long terme. Il était donc dans la logique des choses que le commissariat au Plan ne soit pas une instance gouvernementale, mais indépendante du Gouvernement. J'ajoute que lorsque je me battais pour cette idée, je n'avais jamais pensé que je pourrais être amené à assumer cette fonction. Quand je parlais d'être au plus près de la présidence de la République, ce n'est pas au Plan que je m'imaginais, mon obsession était d'une autre nature…
Cette idée a cheminé lentement – en restant toujours minoritaire – jusqu'à ce que survienne un élément déclencheur : l'épidémie de la covid. Ce fut un moment clé, révélateur de plusieurs aspects de la situation du pays, dont j'en retiendrai plus particulièrement deux.
Le premier, c'est que l'on a découvert qu'un grand pays de médecine et de production pharmaceutique comme le nôtre était en situation de pénurie, ou du moins de menace de rupture, de molécules absolument essentielles à la santé tels que le curare, les anticancéreux, les antibiotiques, les anti-inflammatoires ou même le paracétamol. Ce fut la même chose pour les masques, et même ce qui se passait en Italie n'a pas provoqué la nécessaire prise de conscience chez nous ; et pourtant, c'était le nord de l'Italie qui était le frappé, autrement dit les régions qui avaient le réseau hospitalier le plus up to date. Et en élargissant, on s'est aperçu que bien d'autres secteurs étaient menacés par une pénurie de biens essentiels.
Le deuxième élément, vous le connaissez bien pour avoir été, en raison de vos fonctions, aux premières loges : nous avons déployé un réseau de solidarité extrêmement généreux à l'égard des entreprises, des salariés et des familles, et maintenant des étudiants, en mobilisant des centaines de milliards d'euros. J'avais d'emblée prévu que cela coûterait entre 500 et 700 milliards d'euros ; neuf mois plus tard, nous sommes bien dans cet ordre de grandeur.
Cette mobilisation d'argent public pose non seulement la question de la dette et du déficit, mais une autre, tout aussi vitale : un tel effort de solidarité sociale ne peut être soutenu sans un appareil productif qui permette de le financer. Or l'appareil productif français a suivi une pente désastreuse au cours des vingt-cinq dernières années, même si cela s'est un peu stabilisé ces derniers temps. En Allemagne, la part de l'industrie dans le PIB est de 25 %, contre seulement 13 % en France. Le ratio est à peu près le même pour les emplois. Et pour le commerce extérieur, cela aboutit à la catastrophe que vous savez : un déficit de 80 milliards d'euros pour l'économie française et un excédent de 250 milliards pour l'économie allemande – et même de 50 milliards pour l'économie italienne, alors que les Français imaginent souvent l'Italie comme un des « hommes malades » de l'Europe : ce n'est pas vrai, en tout cas pas du point de vue de l'appareil productif. Cette prise de conscience, à laquelle, j'en suis sûr, chacun d'entre vous est parvenu, a amené le Président de la République à me confier cette mission.
Je compte travailler avec vous, au sens large du terme – autrement dit, pas seulement avec la commission des affaires économiques. J'ai toujours été frappé par la quantité de productions intelligentes, d'études brillantes, d'expertises et d'expériences développées dans les innombrables rapports de l'Assemblée nationale, du Sénat, du Conseil économique, social et environnemental (CESE), et de divers think tanks. Ces rapports ont un point commun : ceux qui les signent prennent le temps d'entrer dans la profondeur des sujets, puis ils sont présentés devant vos commissions ; ils font quelquefois l'objet d'une dépêche AFP ; puis on les pose sur le plus bas rayon d'une étagère et personne n'en entend plus jamais parler. C'est une frustration incroyable pour vous, parlementaires, et il devrait en être autant pour la nation : on a bâti des équilibres institutionnels justement pour que la sève qui remonte du terrain, terrain d'expérience et terrain d'expertise, puisse servir ; or il y a là un missing link, un chaînon manquant, qui fait que rien ne sort plus jamais.
En l'occurrence, tous les problèmes que je viens de décrire avaient déjà été traités. Le livre blanc de la défense de 2008 et la revue stratégique de 2016 avaient ainsi parfaitement décrit les risques d'une pandémie virale pulmonaire – il suffisait d'ailleurs de regarder l'histoire : la grippe espagnole, qui n'était pas autre chose, a fait 50 millions de morts – et identifié le risque de déstabilisation qu'elle représenterait pour notre pays. De la même manière, un rapport sénatorial de 2018 analysait les risques de pénurie de médicaments et émettait des propositions. J'imagine qu'il a été présenté, mais je n'en ai pour ma part jamais entendu parler. Et on en est resté là, on a laissé arriver toute cette affaire.
On sait ce qui s'est passé pour les masques : nous avions une usine de Bretagne qui en produisait 200 millions par an avant d'être vendue à Honeywell, lequel a finalement décidé de la fermer. D'autres usines dans divers secteurs stratégiques ont connu le même sort : j'ai en mémoire l'achat par un fonds de pension de l'usine Celanese, à Lacq, la seule en Europe à produire de l'acide acétique, composant essentiel pour toute opération chimique. L'Europe a exigé qu'on ne touche pas à l'usine et à son personnel pendant cinq ans ; le fonds de pension a signé l'engagement et, à cinq ans et un mois, il a fermé l'usine, récupéré les carnets de commandes et concentré la production en Arabie saoudite… qui est peut-être une zone de sécurité dans le monde, mais peut-être pas avec toutes les garanties souhaitables.
Pendant des années, on a donc laissé faire, en tout cas respecté les décisions prises dans l'intérêt particulier des entreprises. Or j'ai toujours défendu l'idée, y compris contre quelqu'un que j'estime beaucoup, M. Alain Madelin, que l'intérêt général ne peut être réduit à la somme des intérêts particuliers. Je comprends qu'une entreprise fasse des choix de gestion en se concentrant sur tel produit et en abandonnant tel autre, mais il devrait y avoir une autorité publique pour rappeler ce que l'État ne laissera pas faire. Des tentatives ont été faites, des règles ont été écrites, des armes ont été offertes, mais elles sont peu utilisées et ce qui reste de la part de l'industrie dans le PIB français montre que l'on n'y est pas arrivé. Je compte donc travailler avec vous, et c'est pour cela que j'étais impatient que vous m'invitiez. Je suis allé devant le Sénat et cinq fois devant le CESE, qui a précisément cette vocation, et je compte travailler avec les relais de cette sève d'expérience et d'expertise, qui n'est plus qu'une mine à l'abandon.
Nous nous sommes installés, avec une toute petite équipe, et avons pris possession hier de nos bureaux, rue de Constantine, juste à côté de l'Assemblée. Nous avons commencé nos travaux par une étude intitulée « Et si la covid durait ? », que nous avons présentée au CESE. Nous vous en avons envoyé un exemplaire et sommes prêts à discuter avec vous. Il s'agit de la première étude en Europe consacrée à l'éventuelle prolongation de l'épidémie. Au départ, tout le monde croyait qu'il ne s'agirait que d'un épisode. Nombre de communications montraient d'ailleurs une courbe en cloche, avec une augmentation du nombre de cas suivie d'une régression et d'une disparition, à l'instar de la grippe aviaire ou du SRAS ; on s'aperçoit qu'il n'en a rien été. Nous avons connu un premier épisode, durant lequel nous avons été peu atteints, puis un deuxième marqué par la montée en flèche du nombre des contaminations suivie d'une chute significative pour atteindre un plateau, d'où elles semblent repartir à la hausse. Dans la région de Pau, qui compte 400 000 habitants, moins de dix morts avaient été recensés durant le premier épisode, mais on en compte maintenant près de 110.
Si l'épidémie durait, notre manière d'être en serait entièrement chamboulée. En quelques mois, nous sommes entrés dans un monde où l'on ne s'embrasse plus, on ne se serre plus la main, on ne se rend plus visite, on ne voyage plus ; un monde marqué par une crise économique inimaginable pour le transport aérien et l'aéronautique, un affaiblissement des ventes d'automobiles et de la consommation, et un blocage des échanges – dont l'augmentation exponentielle fondait, depuis cent cinquante ans, notre modèle de développement. Que va-t-il se passer dans le monde du travail, avec l'augmentation faramineuse du télétravail ? Quelles seront les conséquences de l'explosion du commerce en ligne pour les commerces de centre-ville comme pour les grandes surfaces, qui ne se portent pas mieux que les autres ? Qu'adviendra-t-il des équilibres internationaux, sachant que la Chine affirme avoir maîtrisé l'épidémie et que sa croissance est déjà positive ? Nous avons produit une étude là-dessus, que nous avons la volonté d'enrichir, car je n'ai pas l'intention de bloquer la réflexion. Comment notamment doit-on traiter les questions de la pauvreté et de la solitude, qui risque d'exploser ? Ces préoccupations méritent d'être examinées en enrichissant et en corrigeant continuellement les orientations.
Par ailleurs, nous publierons dans quelques jours une deuxième étude sur les produits vitaux dont nous pourrions être amenés à manquer en cas de crise du fait de l'organisation de la production et des échanges – par exemple, les gants médicaux. Le prix des boîtes de gants pour les soins infirmiers a augmenté d'un facteur 5 depuis le printemps. Nombre d'officines en ont manqué. Or en cas d'épidémie, les soignants ne peuvent pas faire leur travail sans protections – blouses, gants, charlottes, etc. L'objet de cette étude vise à savoir ce que l'on fait pour les productions vitales, qu'il convient de définir. Or, pour l'instant, cette liste n'existe pas. Il y en a bien dans certains secteurs : depuis quinze ans, le ministère de la défense conduit un très gros et beau travail de réflexion, de stratégie, d'équipement et de mise en conformité de ses outils. Mais pour nombre d'autres secteurs, il n'y a rien. Participer à la définition de ce qui est vital et stratégique sera un très beau travail pour vous. Comment identifier les secteurs stratégiques et les aider ? Cette première étude est une ébauche et je n'ai aucune jalousie en la matière : chacun pourra enrichir car tout est perfectible. J'essaierai d'ailleurs, dans ma méthode, d'éviter le piège qui consiste à attendre qu'une étude soit parfaite pour la publier. Les universitaires connaissent bien ce phénomène. Autrefois, la rédaction de certaines thèses d'État prenait jusqu'à douze ans. Ici, nous sommes dans l'action, en tout cas en liaison avec l'action.
Le troisième sujet que nous avons abordé concerne la façon de penser la reconquête d'un appareil productif dans les dix, vingt ou trente ans à venir – mais qui doit commencer demain matin. Comment bâtir une réflexion stratégique en la matière ? J'ai déjà dit à quel point les Américains sont conséquents dans cette affaire. Ils viennent d'acheter une entreprise britannique de design de microprocesseurs d'architecture, ARM, pour un montant de 40 milliards de dollars. Cette incroyable offensive, destinée à contrôler le secteur des microprocesseurs, est une orientation stratégique majeure pour les États-Unis, qui sont proches du monopole dans ce secteur essentiel pour la vie des économies et des nations. C'est dire l'œuvre impressionnante à laquelle nous nous attaquons.
Voilà pour notre calendrier de travail, qui est déjà bien avancé dans ces trois sujets. Nous avons également l'intention d'étudier bien d'autres domaines, comme la gestion de la dette, la dynamique démographique – où toute réflexion a été abandonnée depuis des années alors que les Allemands dont dû, en toute urgence, accepter un million d'immigrés pour limiter leur déficit en la matière –, le traitement de la pauvreté, autant de questions qu'il nous faut traiter sans attendre et en allant aussi vite que possible : nos concitoyens ont trop souvent le sentiment que l'action publique se limite à des discours, parfois de beaux discours, et à des idées, parfois de bonnes idées, mais qui n'engrènent jamais sur le réel.
Je voulais aussi défendre devant vous cette préoccupation d'une politique pensée d'abord dans le long terme, dans les dynamiques, dans les grandes orientations, dans une logique pluridisciplinaire : il ne s'agit pas de se cantonner à l'économie ou tel autre aspect de la vie de la nation, mais de les faire se rencontrer, de mettre en exploitation une mine extraordinaire de connaissances et d'expertises pour l'instant totalement inutilisée dans la réflexion de notre pays. La grande différence entre la France et les États-Unis tient au fait que ces derniers mettent à contribution quasi exclusivement les universitaires, alors que chez nous, ils ne sont pratiquement jamais associés à la réflexion. Et cela a un double « effet Kiss Cool », négatif celui-là : une capacité d'intelligence non utilisée et une recherche universitaire qui s'éloigne du réel.
Je terminerai en reprenant la formule du président Roland Lescure, car je la partage à 1 000 % : nous nous en sortirons ! Nos atouts et nos capacités peuvent nous offrir une chance comme nous n'en avons peut-être jamais eu dans les décennies précédentes, parce que le monde est à un moment d'inflexion. Si nous en prenons conscience, nous pourrons avancer. Je ne suis pas pessimiste, d'abord parce que cela n'est pas dans ma nature, ensuite parce que je crois que nous avons beaucoup d'atouts à mettre en valeur pour que notre pays retrouve cette dynamique qu'il a, hélas, perdue depuis trop longtemps et que la crise a permis de révéler.
La Banque de France publiait hier ses projections macroéconomiques, selon lesquelles l'épidémie ne cesserait pas immédiatement et le déploiement généralisé des vaccins ne serait pleinement effectif qu'à la fin de 2021, ce qui signifie que le niveau d'activité de fin 2019 ne serait retrouvé qu'à la mi-2022.
Dans la note d'ouverture que vous avez présentée au CESE le 28 octobre dernier, vous formulez une série de recommandations comme l'accélération de la couverture numérique du territoire, un système de couverture de soins ou encore une protection sociale repensés. Votre travail de coordination de travaux de planification et de réflexions prospectives est essentiel alors que la crise nous oblige à avoir une vision court-termiste et à prendre rapidement des mesures d'urgence. Conformément au décret du 1er septembre 2020, votre mission vise en effet à éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels. Le 1er décembre, le bureau du CESE a répondu à votre note en proposant une série de sujets à approfondir, comme les fractures de la société française qui se sont accentuées avec la crise, en particulier la grande pauvreté et la précarité. Quant aux enjeux environnementaux, ils conditionnent les termes de la souveraineté, de la relance et du développement durable. Il serait donc intéressant de réfléchir aux causes environnementales de la crise sanitaire actuelle et aux enseignements à en tirer au regard de ses conséquences pour la production culturelle et ses acteurs, ou encore pour l'éducation, les inégalités entre jeunes ayant été exacerbées durant le confinement et du fait des restrictions sanitaires. Le groupe LaREM souhaite connaître votre avis quant aux perspectives d'amélioration dans ces domaines. Comment envisagez-vous d'orienter le Gouvernement dans l'application des différentes options ?
Dans votre rapport d'octobre dernier, vous imaginez la transformation de notre société à la suite de cette crise sanitaire. Si nous avons dû prendre des mesures d'urgence, il est désormais nécessaire de déployer des stratégies qui permettent à notre nation de préparer l'avenir. Vous en avez fait mention dans vos propos liminaires. Comment comptez-vous définir les secteurs stratégiques ?
Vous avez également esquissé la question de la dépendance de notre économie sans véritablement entrer « dans le dur ». Notre pays a été mis en danger par cette dépendance, en matière d'offre comme de demande. La réflexion de notre commission devrait porter sur la manière de permettre à notre économie de se recentrer sur la fabrication française et européenne.
Enfin, que pensez-vous de l'avancée des travaux relatifs à l'intelligence artificielle et à la robotique ? Avez-vous des propositions pour relancer l'activité humaine, notamment les secteurs qui ont été mis à l'arrêt et ont besoin de redémarrer dans ce contexte de crise sanitaire ?
La crise que nous traversons nous a touchés au plus profond de ce que nous sommes, révélant nos forces comme nos faiblesses. Parmi ces faiblesses figurent les mutations économiques et industrielles que nous n'avons pas su anticiper et accompagner. Privés d'une réelle politique industrielle, nous n'avons pas eu de réflexion pour trouver de nouveaux relais d'activité pour nos territoires. Les secteurs de l'aéronautique et du transport aérien en sont des exemples frappants. Ils sont à l'arrêt depuis mars dernier et leur redécollage prendra probablement plus de cinq ans. Leur croissance continue de ces dernières décennies nous a aveuglés, à la fois quant à leur concentration géographique et quant à leur besoin de transition profonde, attendue par nos concitoyens. Au-delà de la transition écologique, que le Gouvernement accompagne par un plan spécifique au secteur, cette crise nous impose de traiter la reconversion inévitable d'une partie des salariés de l'aéronautique vers d'autres filières d'avenir qui pourraient profiter de ces savoir-faire et de ces capacités d'innovation technologique.
Sans cette planification, l'avion France ira droit dans le mur. D'ici à quelques mois, des licenciements toucheront plus du tiers des employés de l'aéronautique des régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, tant chez les donneurs d'ordres que chez les sous-traitants. Pourtant, face à cette catastrophe de grande ampleur, notre réaction ne couvre pas tous les enjeux. Nous proposons des mesures d'urgence de court terme, comme l'activité partielle et la formation, mais ces dispositifs ne pourront perdurer plusieurs années. Planifions la reconversion à grande échelle d'un nombre important d'emplois du secteur aéronautique. Dans cette optique, j'ai proposé au Gouvernement de créer un ambitieux dispositif de détachement, cofinancé par l'État et les régions, qui permettrait de mettre ces compétences de pointe actuellement à l'arrêt à la disposition d'autres filières d'avenir, dans des start-up existantes ou à créer, dans des domaines comme la robotisation industrielle, les mobilités du futur ou encore l'intelligence artificielle. De cette manière, l'État ne financerait pas des salariés pour qu'ils restent chez eux mais pour qu'ils aident à construire l'avenir.
Comment comptez-vous aborder cet enjeu de planification de notre stratégie industrielle et d'adéquation entre les ressources humaines disponibles et les filières d'avenir ?
Votre deuxième horizon, relatif à l'indépendance du pays, met en avant la question des productions vitales. Depuis trois ans, le groupe Socialistes et apparentés est très mobilisé autour de la question des pénuries de médicaments, qui se pose avec une acuité particulière dans un contexte de crise sanitaire. Quelles mesures de long terme préconisez-vous ? Que pensez-vous envisager pour que nous retrouvions une indépendance dans la production de certaines molécules ou de certains procédés médicaux ?
Vous posez aussi la question de la gestion de la dette publique, dont on sait qu'elle atteindra des niveaux inenvisageables il y a peu pour faire face à la situation actuelle. Certains mènent un lobbying intense pour que notre système de retraite en soit une première victime. D'autres, à l'opposé, évoquent l'idée d'une dette perpétuelle. En tout état de cause, la résorption ou la maîtrise de la dette sera un enjeu de la décennie à venir. Comment positionnerez-vous vos travaux dans ce contexte, alors même que la planification stratégique suppose la préparation de grands investissements pour réaliser la transition écologique et répondre aux enjeux extrêmement forts qui s'imposent à nous ?
Concernant la transition énergétique, notre groupe a été le seul à proposer un projet de planification, au sens des missions qui sont les vôtres, avec une prime pour le climat qui mobiliserait plus de 500 milliards d'euros sur trente ans pour engager la transition de notre parc de logements vers la neutralité carbone en 2050, échéance actée dans la loi. Qu'en pensez-vous ? Seriez-vous prêt, avec l'appui de France Stratégie, à évaluer cette proposition dans le cadre de vos travaux ?
Enfin, que pensez-vous du projet « Hercule » concernant EDF ? Vous avez montré votre intérêt pour les questions de souveraineté et d'indépendance sur les biens essentiels. Ce projet répond-il, à ces objectifs ?
La vertu est constitutive, pour ne pas dire consubstantielle de la République : il faut évidemment l'entendre non dans le sens de virilité ou de courage individuel, mais plutôt dans celui d'un courage collectif qui permet au citoyen de devenir souverain et de se projeter collectivement dans le futur. Votre mission principale concerne ce projet que nous pourrions nous approprier ensemble, souverainement, pour que la nation existe, se développe et soit prospère dans le futur. Comment penser la reconquête d'un appareil productif sans que cette vertu républicaine soit pleinement mobilisée ? Et surtout, comment mobiliser cette vertu républicaine ?
Je partage le constat selon lequel les gouvernements qui se sont succédé étaient dans la réaction, ce qui n'est pas une bonne façon de gouverner. Notre groupe considère que la planification est nécessaire, particulièrement pour ce qui concerne l'écologie, mais aussi l'économie, l'énergie et la santé. Vous avez évoqué la pénurie de certains médicaments. Que pensez-vous de la création d'un pôle public du médicament ?
Pour ce qui est de la production de masques, les entreprises du département de l'Ariège ont été très réactives pour répondre à l'urgence et certaines d'entre elles rencontrent désormais des difficultés à écouler leurs stocks. La réaction dans l'urgence était nécessaire et efficace, mais comment faire maintenant pour organiser ce secteur ? Quelles orientations concrètes pour définir et relocaliser les secteurs stratégiques ?
Vous posez, dans votre note, nombre de questions intéressantes : soutenabilité de la dette, avenir de notre système social, croissance, système démocratique… Les conditions matérielles d'existence dans notre pays se dégradent, ce qui est toujours le prélude d'un mouvement politique d'ampleur, pour ne pas dire révolutionnaire. Sur ce point également, je suis d'accord avec vous…
Si notre système de santé est sous tension, ce n'est pas en raison de l'augmentation du nombre de malades mais de la diminution des moyens qui lui sont affectés, et du fait que la trajectoire financière imposée au système de santé dans son ensemble n'est pas soutenable – je l'ai encore vu cette semaine dans le secteur de la psychiatrie. Quel exemple pouvez-vous apporter concernant la planification du secteur de la santé, par exemple en matière de vaccination ? Comment relocaliser les secteurs stratégiques ?
Certains dysfonctionnements rencontrés dans la gestion de la crise sanitaire, notamment en matière d'approvisionnement, et les questions relatives à la relance ou la réorientation de l'activité économique après l'épidémie ont fait réapparaître la notion de planification dans le débat public français. Vous recevez le soutien de France Stratégie, dont le rôle est d'éclairer ce débat public s'agissant des enjeux de moyen terme. Comment entendez-vous travailler avec cette agence ? Comment vous accompagnera-t-elle dans votre réflexion ?
À la différence des trois premiers plans d'investissements d'avenir, le PIA 4 fait le choix de l'agilité afin de permettre à l'État de définir ses stratégies d'investissement prioritaires tout au long du programme. Que pensez-vous de cette nouvelle méthodologie ?
Un dernier mot sur le partage de compétences entre les différents échelons en France. Le groupe Libertés et Territoires défend une organisation territoriale plus décentralisée, car mieux à même selon nous d'apporter des solutions économiques, environnementales et sociales concrètes aux problèmes quotidiens de nos concitoyens. Quelles sont vos propositions pour clarifier les compétences entre ce qui doit rester du domaine de l'État et ce qui doit être géré directement par les territoires, par le biais de nouveaux transferts de responsabilités ? Êtes-vous favorable à une plus grande autonomie fiscale ?
J'ai été très intéressé par vos propos : nombre de questions restent sans réponse en matière de santé, de stratégie industrielle ou encore de place des citoyens et des élus. Il est exact que, dans notre pays, on travaille davantage en fonction des échéances électorales, et pas forcément pour l'avenir : quand on crée une zone d'activité, par exemple, on ne pense jamais aux transports communs qui permettront d'y accéder…
En évoquant les pénuries dans la santé, vous parlez aussi d'avenir. Les professionnels de santé manquent de moyens et de temps. Ils souffrent. On ne peut pas s'arrêter à ce constat. Il faut aller beaucoup plus loin, en matière de stratégie du médicament notamment – ma collègue de La France insoumise vient de vous poser une question sur ce sujet. Vous dites aussi qu'il faut fixer des garde-fous à la stratégie des entreprises. Cela implique de légiférer.
J'ai de nombreuses questions à vous poser, en particulier sur la place des services publics dans les territoires, trop souvent fermés au mépris de la démocratie et de l'intérêt des citoyens. Enfin, quelle sera la place de la jeunesse ?
Notre mission, telle que l'a définie le Président de la République, vise à réenraciner, dans le débat public, des questions qui ne sont pas posées parce qu'elles sont de long terme. Je n'ai aucune intention d'entrer en concurrence avec le Gouvernement, qui détermine et conduit au présent la politique de la nation. Mais je sais d'expérience que ses décisions institutionnelles et exécutives sont toujours orientées par l'état de l'opinion publique, et il est bien obligé de répondre à ses interrogations. Ce disant, j'ai bien conscience de ne faire preuve d'aucune originalité, mais c'est ainsi que cela fonctionne. Et s'il arrive parfois que des gouvernements particulièrement visionnaires et audacieux parviennent à faire passer des questions dans l'opinion, la définition constitutionnelle du Gouvernement par le peuple et pour le peuple n'en reste pas moins une réalité.
Comment une institution comme la nôtre – toute petite, nous serons à peine plus d'une dizaine – peut-elle orienter les décisions du Gouvernement ? D'abord en montrant la nécessité de certaines décisions et en définissant des orientations. Traiter les questions stratégiques pour l'avenir, comme celle de la reconquête industrielle, ne passe pas par des décisions prises au sommet, par le vote de dispositions législatives. Nous sommes à un moment rarissime dans l'histoire des trente dernières années, qui sera peut-être le dernier avant plusieurs décennies : celui où l'évolution des techniques de production et de recherche, notamment grâce à l'utilisation des data, de la robotique et des algorithmes, nous offre peut-être l'occasion de faire revenir chez nous des productions qui étaient parties en Extrême-Orient ou ailleurs, et de retrouver ainsi notre capacité d'action dans ces domaines. Il était assez unanimement accepté que la délocalisation de ces productions était inéluctable en raison de la différence du coût de main-d'œuvre entre la France et ces pays. Cette question doit être reconsidérée de manière complètement différente.
Grâce aux machines-outils conduites par des algorithmes, notamment les imprimantes 3D, certaines pièces peuvent désormais être produites en quelques heures alors qu'elles exigeaient jusqu'alors des jours et des jours d'usinage. On dit même que des maisons pourraient être construites de cette façon. Or la France est très avancée dans la science des algorithmes. Nous pouvons donc envisager des productions qui, hier, nous étaient interdites. La notion que nous devons avoir en tête est celle de reconquête de productions depuis longtemps abandonnées. Il y a une chance que nous puissions être au rendez-vous, plutôt qu'à la traîne. On nous assurait hier que ce n'était pas possible ; or cela le redevient probablement aujourd'hui. Mais cela se produira-t-il si nous faisons confiance aux seules décisions internes des entreprises ? Je ne le crois pas, même si j'aurais aimé que cela suffise. Il faut qu'un organisme d'initiative de l'État identifie des domaines de reconquête – le Parlement peut avoir un rôle précieux en la matière – et fédère les acteurs pour qu'ils travaillent ensemble, s'ils acceptent l'effort partagé dans ces domaines, à l'exemple de ce qu'on fait les Américains avec l'ARPA. Nous devrions avoir, en France, une initiative similaire pour fédérer les acteurs.
Ainsi, ne pourrions-nous proposer à des groupes de l'aéronautique de partager leurs compétences avec d'autres entreprises, par exemple des start-up travaillant dans des domaines de reconquête ? Avec Dassault Systèmes, STMicroelectronics ou le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), la France dispose d'atouts incroyables ; nous avons au Collège de France une chaire d'algorithmique. Notre nation est très avancée dans ce domaine. Encore faut-il fédérer les efforts de recherche et de transfert technologique, et partager l'expérience acquise par nos grandes entreprises, souvent multinationales. M. Jean-Luc Lagleize a ouvert à cet égard des perspectives particulièrement intéressantes. Il s'agit d'une question politique essentielle qui implique planification, volonté nationale et capacité à fédérer les acteurs. Ce n'est pas exactement la même chose que les appels à projets, dans lesquels les propositions doivent venir des entreprises. Je considère qu'elles doivent être partagées avec l'État, qui retrouverait ainsi un rôle de stratège, pour peu qu'il soit capable de fédérer les acteurs, en discutant avec eux des domaines de reconquête possibles.
S'agissant des molécules pharmaceutiques, la première question à se poser est de savoir comment constituer des stocks de sécurité. Cela suppose un plan de mobilisation, comme ont toujours su le faire les armées en cas de menace de guerre. Une fois les stocks de sécurité assurés, il faut ensuite sécuriser les circuits de production et de distribution. Cela ne veut pas dire qu'il faille tout localiser en France, puisque nous appartenons à un ensemble européen – on pourrait même l'imaginer plus large. Mais la question de la sécurisation des unités de production et de distribution, et probablement de leur diversification – deux ou trois circuits valent mieux qu'un seul –, est essentielle.
Concernant la dette, une révolution s'est produite il y a peu dans la pensée et la politique monétaire des banques centrales. Après avoir eu l'obsession de l'inflation, la Federal Reserve américaine, suivie par la Banque centrale européenne, a décidé de ne plus raisonner sous ce seul angle, mais également sous celui de l'activité, dans une perspective de plein emploi. Cette révolution a été renforcée par des déclarations majeures de la Federal Reserve et des nominations tout aussi importantes en son sein. Vous me pardonnerez de défendre à nouveau des idées que j'avais déjà soutenues en tant que militant et candidat à des élections présidentielles : à la différence de la Banque centrale européenne, dont la seule mission clairement définie ne concerne que l'inflation, la Federal Reserve en a deux : premièrement, maîtriser l'inflation – ce qui suppose, à certains moments, de la limiter, mis à d'autres de la favoriser –, deuxièmement, permettre le plein emploi. Je considère donc comme une nécessité de confier à la Banque centrale européenne, sinon dans les textes, du moins dans les faits, la mission de créer également les conditions monétaires et financières du plein emploi.
Si je parle de « révolution », c'est parce que jusqu'alors, on considérait que les taux d'intérêt étaient proportionnels aux risques. Or la Banque centrale américaine a décidé d'inverser ce paradigme et de considérer que sa mission était d'alimenter l'économie américaine en argent, donc en capacités d'investissement, en vue d'obtenir le plein emploi. C'est ainsi qu'a débuté la chute des taux, au point qu'ils sont même devenus négatifs. C'est un changement capital. Nombre d'économistes classiques pensaient que cela ne durerait pas. Je pense au contraire qu'il y a de multiples raisons que cela dure, notamment parce que les banques commerciales ont dans leur bilan beaucoup d'obligations à taux zéro : si les taux remontaient, leur bilan serait reconsidéré très négativement. Il s'agit là d'un point crucial qui amène à poser différemment la question de la dette.
J'ai proposé que nous ayons une réflexion particulière pour la dette covid. La plupart des dettes sont des dettes d'initiative, décidées par un État soit pour réparer ses erreurs, soit pour s'offrir des perspectives d'investissement. La dette covid est fondamentalement différente. Personne n'est la cause du tsunami que nous avons dû affronter, pas même la Chine qui l'a subi comme les autres pays. Il faut donc la traiter différemment afin de rassurer l'opinion, à qui nous avions toujours expliqué que la dette était un risque et qui se demande légitimement d'où nous sortons ces centaines de milliards d'euros. Cela suppose de délimiter précisément son périmètre et de définir un plan d'amortissement à suffisamment long terme pour la rendre supportable. Il y a là une stratégie à définir.
Il n'est pas dans mes compétences de porter un avis sur le projet Hercule. J'ai écouté avec attention les questions que vous avez posées hier à ce sujet lors des questions au Gouvernement, mais je m'abstiendrai d'y répondre – ce qui ne veut pas dire que je m'abstiendrai de penser.
Vous dites que la République, c'est la vertu. En latin, virtus signifie « courage ». Cette interprétation permet de concilier appareil productif et vertu. Par ailleurs, fédérer ne veut pas dire imposer. Il faut proposer aux acteurs d'agir ensemble. La France étant ce qu'elle est, seule l'État est en mesure de le faire. En matière d'action publique, je ne fais pas de différence de fond entre l'État et les collectivités locales, mais je pense qu'il doit y avoir une capacité locale à fédérer. En Béarn, nous venons de constituer une entité pour les biocarburants de nouvelle génération, question particulièrement importante pour le secteur aéronautique. Nous n'en sommes pas encore au point de remplacer les carburants traditionnels, mais au moins pouvons-nous les rendre plus compatibles avec la lutte contre les gaz à effet de serre en y introduisant davantage de biocarburants. En se fédérant, toutes ces compétences peuvent porter un projet, que j'ai d'ailleurs défendu auprès du ministre de l'économie. L'initiative est locale, mais la clé est la capacité à fédérer.
Comment travaillerons-nous avec France Stratégie ? Le décret est parfaitement clair ; « Le Haut-Commissariat au Plan dispose de France Stratégie ». Je demanderai donc à cette institution des travaux précis, tout en lui laissant une capacité d'initiative.
La question de l'autonomie fiscale sera sans aucun doute centrale pour les collectivités locales. Pour autant, comme maire d'une ville qui est aussi la capitale d'une petite région, je suis très content que la taxe d'habitation ait été découplée, car les grands investissements étaient autrefois supportés par les villes centres pour des équipements – piscines, théâtres, stades, etc. – également utilisés par les communes immédiatement voisines. C'était donc une mesure de justice : il suffisait de bouger de cent mètres pour voir sa taxe d'habitation divisée par deux… Il faut inventer une meilleure répartition de la fiscalité. Tous ceux qui s'y sont risqués depuis des années savent que c'est loin d'être facile.
Madame Taurine, je suis d'accord avec vous sur plusieurs points, dont un en particulier : nous avons l'obligation de réfléchir aux impératifs de la psychiatrie. La crise sociale a des répercussions sur la vie intérieure et donc le psychisme de nos concitoyens. Tout le monde souligne l'augmentation du risque de dépression.
Par ailleurs, je mets beaucoup d'espoir dans le vaccin contre la covid, tout en rappelant deux impératifs avant sa généralisation : la vérification de son efficacité et celle de son innocuité. Même si ce vaccin fonctionne, qu'il s'agisse de celui de Pfizer ou de celui de Moderna, nous ne savons toujours pas quelle sera la durée de l'immunité créée, ni s'il empêchera la transmission du virus. Nous sommes dans l'expectative. Nous aurons des éléments de réponse rapidement, mais ils ne seront peut-être pas définitifs et ne susciteront pas nécessairement l'adhésion de la population.
L'épidémie repose la question de l'aménagement du territoire et d'une localisation différente des populations. Nombre de nos concitoyens, poussés par la nécessité ou par un désir personnel, familial ou professionnel, ont à l'idée de quitter les grandes zones urbaines. Alors que plusieurs régions avaient tendance à se désertifier, nous trouverons peut-être, grâce aux équipements numériques et à une répartition différente des services publics, l'équilibre du territoire recherché depuis longtemps. Et c'est là, Monsieur Bruneel, un élément très intéressant.
Enfin, nombre de jeunes ont le sentiment que le monde dans lequel nous les avons conduits ne répond plus aux difficultés et aux drames qu'ils sont en train de vivre. Ceux d'entre nous qui trouveront la réponse à cette question rendront un grand service à la société et au projet idéaliste que portent la République et la démocratie française.
Après avoir souligné la quantité et la qualité des productions effectuées par le Parlement, vous avez indiqué à trois reprises que vous comptiez travailler avec nous. Les auditions comme celle-ci sont une façon de travailler ensemble, mais elles ne représentent qu'une part infime d'une possible collaboration. Comment nous associerez-vous, en amont ou en aval, aux réflexions que vous menez ?
Le Haut-Commissariat emploie une dizaine de conseillers et, aux termes au décret, peut s'appuyer sur France Stratégie. Ironie du sort, France Stratégie avait été constituée en remplacement de l'ancien Commissariat général au plan… Autrement dit, la nouvelle version s'appuie sur l'ancienne ! Les parlementaires font valoir depuis plusieurs années qu'ils ne peuvent pas exercer pleinement les missions de contrôle que leur confie l'article 24 de la Constitution et regrettent de n'avoir que très peu de moyens d'expertise. Envisagez-vous de rattacher France Stratégie au Parlement ? Ce pourrait être de bonne politique.
Avant qu'elle ne devienne ministre, Mme Amélie de Montchalin avait formulé cette excellente proposition avec Mme Valérie Rabault. Nous pourrions la lui rappeler.
Il est une décision que vous pourriez prendre rapidement et qui aurait des effets de long terme pour le bien commun : une réforme foncière, pour que l'ensemble des marchés fonciers soient régulés et au service du renouvellement des générations. Qui plus est, une telle réforme, qui ne coûte rien sinon du courage politique, coche douze des vingt-cinq objectifs que vous avez annoncés – sécurité alimentaire, climat, biodiversité, renouvellement générationnel, civilisation rurale, etc. Pouvez-vous accompagner M. Julien Denormandie, la profession, les ONG et tous les acteurs pour s'unir et trouver le courage politique, dans ce mandat, d'avoir une perspective et une prospective de régulation foncière qui nous mette dans les pas du grand Edgard Pisani ?
Vous avez présenté le sujet de l'intelligence artificielle dans un cadre français. La commission des affaires européennes a engagé des travaux sur ce thème dans le cadre de l'assemblée parlementaire franco-allemande et présentera une résolution en janvier prochain. Comment coordonnerez-vous les travaux français avec le niveau européen ? Après le rachat de ARM par Nvidia pour un montant de 40 milliards de dollars, nous allons devoir unir nos forces face à d'autres blocs.
Par ailleurs, le secteur gazier nourrit plusieurs inquiétudes d'ordre stratégique. La première concerne la place qu'il doit occuper vis-à-vis au secteur électrique, notamment nucléaire. Il voit parfois en lui un concurrent, alors qu'il y a probablement une complémentarité à trouver. La deuxième inquiétude s'exprime vis-à-vis du bâtiment. Enfin, à l'échelle européenne, les politiques relatives à l'hydrogène et au gaz vert varient assez fortement d'un pays à l'autre.
Je partage vos propos liminaires quant à la sous-valorisation des travaux effectués par les parlementaires avec l'appui des administrateurs. Ils représentent des milliers d'heures de réflexion et ont vocation, entre autres, à alimenter la structure destinée à éclairer l'avenir que vous animez désormais.
Vous travaillez sur des thématiques transversales, comme la démographie, mais également sectorielles. Dans votre vision, la réindustrialisation de la France devrait être facilitée par la mise en place de l'économie circulaire et les objectifs européens de bas carbone. La filière automobile, notamment, va se transformer grâce aux batteries qu'il faudra produire, notamment dans mon département du Pas-de-Calais, dans le cadre du projet ACC à Douvrin, mais aussi recycler si possible à proximité des lieux de production. La filière du papier – matière végétale et écologique, et pas seulement à usage graphique –, qu'on a laissé se déliter, devrait aussi être restaurée grâce au recyclage. Une mission menée par deux collègues de la commission du développement durable y travaille. Il s'agit typiquement d'une filière dans laquelle il faudrait fédérer les acteurs. Qui plus est, faire rebondir ou relancer ces filières de production ne peut s'envisager sans une stratégie industrielle européenne. La forte capitalisation nécessaire – on annonce 1 milliard d'euros pour le projet Airbus de la batterie – impose le long terme et une autre échelle que celle de l'Hexagone. Jusqu'où travaillerez-vous avec vos homologues européens pour mener à bien cette stratégie de reconquête ?
Le 22 septembre dernier, vous avez présenté devant le CESE les contours de la feuille de route de votre Haut-Commissariat et proposé trois axes de travail, dont celui relatif à l'indépendance de notre pays. Notre agriculture et notre souveraineté alimentaire sont des enjeux essentiels pour la France. En dix ans, plus de 580 000 hectares ont été artificialisés. Protéger notre agriculture et la biodiversité, c'est protéger ce précieux foncier agricole, véritable atout de notre pays. Les conséquences pour la ressource rare et quasi-non renouvelable qu'est le sol sont souvent irréversibles. Nous mesurons plus que jamais l'importance de valoriser et de soutenir nos productions agricoles. Quelles sont vos préoccupations à ce sujet, et plus largement concernant la problématique du foncier agricole ?
S'agissant de la filière aéronautique, je souligne à mon tour l'importance de préserver les savoir-faire et les compétences, d'aller vers davantage d'innovation et un avion plus vert, en développant l'hydrogène, et de rappeler le rôle des collectivités territoriales, notamment des régions.
Concernant la mobilité, quels sont vos projets structurants et de long terme pour le déploiement du réseau ferroviaire, notamment les lignes à grande vitesse comme Bordeaux-Toulouse, qui joue un rôle essentiel dans l'aménagement du territoire ?
Le déploiement de la 4G dans les territoires ruraux a pris du retard du fait des enchères sur la 5G. Que préconisez-vous en matière de couverture numérique du territoire ?
Dans la note que vous avez soumise au CESE, vous évoquez à juste titre les inégalités face au logement. Cette problématique majeure appelle celle de l'innovation dans la construction, la rénovation mais aussi les formes d'habitat. Quelle vision portez-vous pour construire la ville de demain, durable ? L'innovation doit irriguer toutes ses étapes, en misant sur les matériaux décarbonés et biosourcés, mais aussi sur le BIM ( Building Information Modeling ) et la domotique. Des outils existent, qu'il faut promouvoir et amplifier. Y avez-vous travaillé ?
Dans le cadre de France Relance, un fonds de secours affecté aux structures de réutilisation et de réparation a été créé. Face à la crise sanitaire, les recycleries et les ressourceries, structures essentielles l'économie sociale et solidaire, connaissent un regain d'intérêt auprès des Français, notamment auprès des jeunes. Avec la crise sanitaire, ces structures sont en butte à des difficultés financières qui mettent en péril la poursuite de leurs activités. Pour les aider, l'État met en œuvre un dispositif exceptionnel de 10 millions d'euros au niveau national. Ces structures jouent un rôle de premier plan pour soutenir des modes de consommation plus responsables. Leur action est essentielle pour atteindre les objectifs fixés par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire : gaspiller moins, réparer et réutiliser au lieu de jeter. Comment renforcer ces tendances de consommation moins chères et écologiques pour le monde de demain ?
Le Mittelstand allemand fait la fierté de nos voisins et nous le regardons avec envie. Il a été constitué après-guerre par des entreprises artisanales et familiales. Nos PME-PMI endogènes, source d'emplois dans les territoires, sont-elles des entreprises d'avenir ? Ne faudrait-il pas miser davantage sur elles, dans une vision de long terme ?
Si je savais répondre à toutes ces questions, non seulement j'aurais non seulement terminé ma mission, mais embrassé la totalité des missions que crée la démocratie…
La question du rattachement d'institutions au Parlement se pose depuis l'après-guerre. La décision alors prise, en particulier sous l'impulsion de Jean Monnet, a consisté à laisser à ces dernières une assez grande indépendance et à les rattacher au sommet de l'exécutif – à l'époque le président du Conseil, aujourd'hui le Président de la République. C'est ce que je défends. Et j'aimerais éviter de multiplier les conflits avec la totalité des acteurs qui touchent au champ de la prospective, à commencer par France Stratégie qui, pour l'instant, est mise à ma disposition. Je n'ai aucune envie de prendre le contrôle d'institutions de cet ordre.
S'agissant du Commissariat au plan, je considère, et Monnet le pensait déjà, que plus il est restreint et au format commando, mieux c'est. Premièrement, j'ai décidé de réunir tous les anciens commissaires au plan dans une instance informelle, pour échanger les expériences. Deuxièmement, j'ai proposé de créer deux équipes de sherpas. C'est chose faite pour la première, pour laquelle j'ai demandé à chaque organisation syndicale et professionnelle de désigner un sherpa qui aurait pour caractéristiques d'avoir la pleine confiance de son principal responsable et d'être assez convivial pour permettre la discussion sans en faire une perpétuelle épreuve de force. Je ferai de même avec les partis politiques. Il faut que nous apprenions à moudre le grain de nos réflexions pour en tirer un peu de farine et même de son s'il le faut. Je ne veux pas aller plus loin. Une membre du CESE appelait à multiplier les moyens du Haut-Commissariat au plan tant ma tâche est énorme ; je pense exactement le contraire ! Tous ces organismes souffrent assez souvent d'hypertrophie, cause de blocages internes qui font perdre du temps ou empêchent d'avancer suffisamment vite. Or j'aime quand les projets avancent vite. Je vais donc essayer de le faire avec une toute petite équipe – à peine plus de dix personnes.
Mme Beaudouin-Hubiere me demande comment nous allons travailler ensemble, et Mme Taurine, tout à l'heure, me demandait de réfléchir au sujet des médicaments. Vous en avez le droit. Le droit de saisine sur telle ou telle question appartient à chacun de ceux qui sont associés à ce travail, au Parlement en particulier. Proposez ! Ensemble, dans une espèce de mouvement d'aller-retour, nous ferons progresser la réflexion. Ma mission est que tout cela ne soit pas stérile et qu'on ne passe son temps à émettre des idées, à les reprendre, à reculer, à avancer… Aussi avons-nous décidé de mettre rapidement sur la table des notes d'ouverture – que nous avions envisagé un temps, influencés par notre culture du rugby, d'appeler « entrées en mêlée » –, même si elles sont imparfaites. Pour reprendre votre exemple, Madame Deprez-Audebert, nous pourrions parler du papier. Il ne faut pas nous demander de produire la veille pour le lendemain, mais nous pouvons le faire assez vite : une bonne part du travail a déjà été fait. La capacité politique que je revendique, c'est de pouvoir définir la question et proposer des pistes de réponse. Je ne suis pas le Gouvernement ; je suis donc plus libre de proposer des idées. Je ne suis pas en concurrence avec les ministres, encore moins avec le chef du Gouvernement ; on peut faire avancer des sujets en définissant la question. Aux moments les plus chauds de la première guerre mondiale, Foch commençait toutes les réunions d'état-major en demandant : « Quelle est la question ? ». Dès lors qu'on sait définir la question et qu'on a un peu de capacité, d'expertise, d'habitude et d'expérience, on peut poser la question et définir des orientations. Ensuite, le débat public et l'exécutif – dans cet ordre – peuvent avancer des réponses. Vous avez donc, à mes yeux, pleinement le droit de demander qu'on traite telle ou telle question. Nous établirons un calendrier.
La réforme foncière a été faite, dans la même idée que celle que vous défendez s'agissant de l'agriculture. Les SAFER existent. Le foncier, ce n'est pas que l'agriculture ; c'est un outil central de l'action publique. À Pau, nous avons créé une ceinture verte le long de laquelle nous avons installé des maraîchers bios avec un circuit court permettant de vendre leurs productions aux cantines scolaires. Ces outils que vous défendez, et auxquels j'adhère, sont très importants. On en revient à la question des intérêts particuliers et de l'intérêt général : nous avons une capacité à définir l'intérêt général et, sans décider à leur place, à fédérer les acteurs pour le faire avancer.
Mme Christine Hennion me prend par les sentiments : Pau est la première ville au monde à avoir construit un BHNS (bus à haut niveau de service) à hydrogène. Cela fonctionne très bien, à condition qu'il s'agisse d'électricité verte. L'hydrogène n'est pas autre chose qu'un moyen de stocker l'électricité. S'il est moyennement efficace du strict point de vue énergétique, écologiquement, il est au sommet : on ne peut pas faire meilleur bilan écologique. Le bilan énergétique s'améliorera. La pile à combustible qui produit de l'électricité à partir de l'hydrogène à bord des BHNS a été inventée il y a cent soixante ans, avant de tomber dans l'oubli, puis de connaître des améliorations formidables. Quand nous aurons tranché quelle est la solution la plus efficace en matière d'énergie renouvelable et décarbonée – je fais ici allusion au débat relatif à la diminution des émissions de gaz à effet de serre versus l'électricité nucléaire, sur laquelle je trouve que le Président de la République a dit des choses très justes –, nous aurons fait un très grand pas. J'ajoute qu'à la différence des batteries, l'hydrogène ne pose pas de problème de recyclage et ne requiert par l'utilisation de matières premières ou de terres rares. C'est un véritable plus. Il ne me semble pas adapté aux véhicules individuels pour l'instant, mais il fonctionne très bien pour les transports en commun.
Je serais heureux que nous traitions de la question du gaz, d'autant qu'une des plus grandes unités de recherche au monde sur le sous-sol et le gaz, celle de Total, se situe à Pau.
Vous demandez aussi comment nous allons travailler avec l'Europe. L'Europe ne se résume pas au couple franco-allemand. Elle est plus large. En outre, la multiplication des institutions est un problème. Je plaide pour des simplifications, et je considère qu'il convient de poser les questions stratégiques en matière de recherche dans le cadre européen et pas seulement dans le cadre franco-allemand. Le vice-président de la Commission européenne, M. Sefcovic, m'a d'ailleurs fait part de son intention de lancer avec nous un travail de prospective.
Il existe des innovations considérables dans le bâtiment. Vous y avez déjà travaillé, Madame Pinel, et nous devons continuer à le faire. Comme pour l'industrie, je suis persuadé que nous sommes à un moment crucial. Nous devons saisir la chance qui nous est donnée de reprendre la maîtrise d'un certain nombre de secteurs d'activité.
Je suis tout à fait d'accord avec Mme Stéphanie Do sur la nécessité d'adopter des modes de consommation plus responsables, grâce à l'économie circulaire et au recyclage. Toute expérience dans ce domaine sera la bienvenue. Partageons toutes les initiatives qui nous semblent bonnes.
Notre société est-elle ouverte à l'innovation, à la création, à l'invention, au risque ? Le travail le plus profond que nous avons à conduire sera probablement celui-là. Le tissu d'entreprises intermédiaires de l'Allemagne, le Mittelstand, est le produit d'un climat culturel. Dans notre pays, ce climat peut être grandement soutenu et favorisé si nous réussissons à inventer cette capacité fédérative des acteurs des grandes entreprises et du partage de l'innovation et de la recherche. Or pour l'instant, les grands responsables d'entreprise pensent, et c'est normal, à leur propre entreprise. On a abandonné l'idée de les regrouper autour d'un projet partagé, collectif et national, un projet de reconquête. Nous devrions nous fixer l'objectif de porter la part de l'industrie de 13 % à 17 % du PIB dans les cinq ans qui viennent. Ce n'est pas un effort démesuré. Si nous réussissions à reprendre le chemin qui monte, la direction d'un décollage et d'une avancée, ce serait une très grande chance.
J'ai été particulièrement heureux de cette rencontre que j'espérais depuis longtemps et qui se reproduira aussi souvent que vous le voudrez : vous avez tout à fait le droit, la capacité et même le devoir de participer à une réflexion qui nous concerne tous.
Puis la commission des affaires économiques s'est réunie, en visioconférence, pour entendre le groupe de suivi sur les conséquences économiques du confinement (MM. Stéphane Travert et Julien Dive, co-rapporteurs). La réunion était consacrée aux fournisseurs et grossistes de la restauration hors domicile et à la restauration collective.
Je vous annonce que notre commission sera assez occupée lors des trois prochains mois. Les 19 et 20 janvier, notamment, elle examinera trois propositions de loi déposées par le groupe MoDem dans le cadre de sa « niche » parlementaire. Pour l'heure, nous examinons la présentation des travaux du groupe de suivi des conséquences économiques du second confinement.
Nous nous sommes attachés pour cette dernière présentation de l'année à une filière particulièrement touchée par la crise, la restauration hors domicile (la RHD). Lundi encore, nous avons tous entendu les restaurateurs clamer leur colère de ne pouvoir travailler depuis plusieurs semaines et de n'avoir pas de perspective de réouverture avant le 20 janvier. Nous n'avons aucun doute sur le choc économique et psychologique que cette situation représente pour toute la profession et nous savons que le Gouvernement s'efforce de répondre avec des mesures de soutien puissantes, comme en particulier la possibilité, pour ce mois de décembre, de choisir entre une aide forfaitaire pouvant aller jusqu'à 10 000 euros ou une indemnisation à hauteur de 20 % du chiffre d'affaires mensuel en 2019, dans la limite de 200 000 euros. Toutefois, ce n'est pas aux restaurateurs que nous nous sommes adressés cette semaine, mais aux autres acteurs de la filière : leurs fournisseurs et les grossistes, très impactés par répercussion, ainsi que la restauration collective, que la crise ne laisse pas non plus totalement indemne.
La restauration collective a subi les conséquences de la fermeture des écoles, et subit encore celles de la fermeture des universités. Et si ses autres segments sont restés ouverts (pour assurer notamment le service des hôpitaux, des EHPAD, des administrations et d'un certain nombre d'entreprises) et que les cantines scolaires ont repris depuis le premier confinement, les entreprises ont vu leur activité sensiblement réduite en raison des protocoles sanitaires appliqués et du développement du télétravail. Cette baisse d'activité s'est évidemment répercutée sur leurs fournisseurs et leurs grossistes ; mais elle ébranle aussi fortement les entreprises de la restauration collective concédée, qui représentent 40 % du secteur. Au premier confinement, leurs activités ont été presque toutes arrêtées ; et sur le second, elles ont diminué de 40 % à 70 %, particulièrement en Île-de-France. Les entreprises les plus engagées dans la restauration du travail en région parisienne sont aujourd'hui en grande difficulté ; certaines ont déjà engagé des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) et plusieurs milliers de licenciements pourraient survenir début 2021. Aussi le soutien de l'État, jusqu'à l'après-covid, pourrait être vraiment vital aux sociétés de restauration collective.
Le secteur sous contrat a pu prétendre à la prise en charge à 100 % du chômage partiel et être inscrit sur la liste S1 du Fonds de solidarité comme secteur particulièrement touché par la crise – sans toutefois bénéficier du régime spécial de la restauration commerciale. La restauration collective concédée demande aujourd'hui à faire partie des secteurs les plus touchés de la liste S1, qui devraient continuer à percevoir des aides renforcées au moins jusqu'en février.
Par ailleurs, les acteurs de la restauration collective, concédée ou en gestion directe, ont alerté le groupe de travail sur des contraintes qui leur semblent disproportionnées dans la crise actuelle : les représentants de la restauration concédée soulignent notamment la menace que représente l'application stricte du système de bonus-malus pour les employeurs de plus de 11 salariés recourant aux contrats à durée déterminée. Elle pèsera lourdement sur des entreprises qui pourraient expérimenter de nouvelles approches pour rebondir dans un contexte encore incertain. Ils nous indiquent aussi qu'il est inenvisageable aujourd'hui de demander à leurs équipes, qui sont réduites, comme à leurs fournisseurs, qui sont affaiblis, de mettre en place les diagnostics sur le gaspillage alimentaire que nous avons votés dans la loi ÉGALIM. Il leur sera donc difficile d'atteindre l'objectif de 50 % d'opérateurs engagés dans la démarche en 2022. De fait, nous voulons souligner, avec les membres du groupe de travail, la nécessité de redéfinir, peut-être, des objectifs atteignables et trouverions légitime d'adapter ce calendrier à la situation créée par la crise sanitaire.
S'agissant des fournisseurs et grossistes de la RHD, la situation est plus dégradée encore. La fermeture de nombreux points de restauration commerciale, couplée à la réduction de la restauration collective en entreprise et dans les administrations, ont drastiquement contracté leurs marchés. Même les ventes à emporter ou à livrer, autorisées pendant ce second confinement, ne représentent toujours que 15 à 20 % de l'activité dans la restauration commerciale.
Les fournisseurs de la RHD, pris dans leur globalité, ont déclaré des pertes de chiffre d'affaires mensuel de 40 % lors du premier confinement et une nouvelle chute supérieure à 50 % depuis le reconfinement.
Pami eux, les entreprises agroalimentaires qui travaillent avec la RHD ont encore plus souffert : après avoir accusé une baisse moyenne de 54 % de chiffre d'affaires lors du premier confinement, et constaté une tendance des restaurateurs à réduire le nombre de leurs fournisseurs malgré la reprise en été, le couvre‑feu puis le reconfinement sont venus aggraver des situations déjà très dégradées. Elles n'ont en effet pas pu anticiper l'arrêt de leurs débouchés et se sont retrouvées avec d'importants stocks de denrées périssables, qu'il leur est difficile de reporter sur d'autres marchés, sauf au prix d'adaptations coûteuses. Ainsi, non seulement elles subissent de nouvelles pertes de chiffre d'affaires, d'un niveau proche de la moitié pour 57 % d'entre elles, sur une période où la consommation de produits festifs devrait générer des recettes supérieures, mais leurs trésoreries sont sérieusement affaiblies.
Les achats auprès des producteurs agricoles se ressentent automatiquement de ces chutes d'activités, mais aussi les investissements et les projets de recrutement de ces entreprises. Bien que s'inscrivant dans un secteur alimentaire relativement épargné par la crise, grâce au dynamisme du commerce alimentaire, 10 % de celles-ci envisageraient des licenciements.
On soulignera enfin la situation plus dramatique encore des entreprises fournissant surtout l'évènementiel ou la restauration ferroviaire et aérienne, qui n'ont pas, ou peu, repris leurs activités, ainsi que celle des fournisseurs de distributeurs automatiques de produits alimentaires et de boissons. Nous avons reçu hier un témoignage alertant notre commission sur le couperet qu'a été pour ces derniers la mise à l'arrêt presque totale des appareils ou des lieux de pause où ils sont installés ; leur fédération parle de 25 000 emplois directement menacés à moyen terme.
Quant aux grossistes de la RHD, les impacts ne sont pas moins conséquents : dans les filières boissons, équipements, textiles, les pertes de chiffre d'affaires tournent autour de 90 % pendant les deux confinements, avec une dégradation marquée dès le couvre‑feu.
Sur la filière alimentaire du commerce de gros, l'activité a aussi nettement baissé. Cela dépend de la plus ou moins grande implication des entreprises dans le secteur de la RHD : les exploitants du Marché de Rungis, par exemple, ont globalement très bien tenu, parce que le commerce de détail constitue leur principal débouché. En revanche, les entreprises qui fournissent plus largement la RHD ont supporté un recul moyen de près de 30 % de leur chiffre d'affaires sur toute la période de crise. Quand on affine, le recul cumulé est de près de 34 % en moyenne chez celles qui approvisionnent plutôt la restauration commerciale ; il ira bien au-delà de 40 % sur l'année pour les plus dépendantes.
Dans ce contexte, les aides décidées par le Gouvernement et votées par le Parlement, et leur renforcement ont été, il faut le souligner, très appréciés. Tous ont salué le soutien rapide et fort que ces aides leur ont apporté, plus encore depuis que les fournisseurs de la RHD ont été inscrits sur la liste S1 bis du Fonds de solidarité. Ils regrettent toutefois qu'il ait fallu attendre le 2 novembre pour que leurs difficultés soient pleinement reconnues.
Cette prise en compte tardive est en partie liée aux catégories trop imprécises, ou trop restrictives selon les cas, qui sont retenues dans ces listes. Elles se fondent généralement sur des codes NAF et APE utilisés en statistique, que d'autres acteurs précédemment entendus par le groupe de suivi ont déjà critiqués. Or, ces catégories identifient les activités éligibles aux aides renforcées du Fonds de solidarité et de tous les autres dispositifs d'aide qui s'y réfèrent. Les listes en question ont bien été complétées au fil des mois. Mais les professionnels de la RHD indiquent que certains d'entre eux resteraient encore exclus des aides spécifiques, malgré l'importance de leurs difficultés – tels les fournisseurs alimentaires des débits de boissons et des évènements sportifs et culturels.
Un autre problème fondamental, encore non résolu, est celui des stocks, qui pèsent lourdement sur tous les maillons de la filière RHD. Quand il s'agit de denrées périssables, les dons alimentaires peuvent être une alternative à la destruction, après s'être efforcés de les écouler, difficilement et presque à perte, sur d'autres marchés. Mais ces dons ne résolvent pas complètement la perte de valeur des invendus. Et quand les stocks peuvent être conservés un certain temps, on sait qu'ils retarderont la reprise d'activité des fournisseurs, jusqu'à ce qu'ils soient écoulés. On peut aussi évoquer le coût que représente leur stockage et leur impact comptable sur la trésorerie des entreprises.
Parmi les autres difficultés signalées par les fournisseurs et les grossistes de la RHD, apparaissent aussi des contrôles réalisés par les URSSAF et les DIRRECTE, qui contestent parfois le bien-fondé du recours au chômage partiel des fournisseurs agroalimentaires, considérant que ce secteur ne souffre pas de la crise. Ils nous ont également signalé certaines pratiques des banques et des assurances qui compliqueront fortement l'accès aux financements des entreprises qui voudront relancer leurs activités : la caution personnelle demandée systématiquement aux chefs d'entreprise semble constituer une prise de risque disproportionnée dans le contexte actuel et menace clairement des individus qui par ailleurs ne bénéficient d'aucune aide. Quant à la tendance qu'ont les assureurs crédits à dégrader automatiquement la note de tous les acteurs de la RHD, elle risque ultérieurement de les empêcher d'obtenir, dans de bonnes conditions, les crédits qui leur permettront, demain, de redémarrer le mieux possible.
Face à ces problèmes, une nouvelle fois, nous rappelons – et nous le ferons par écrit – aux banques et aux assureurs qu'elles ont une mission d'accompagnement de l'économie nationale et qu'elles doivent adapter leurs exigences de sécurité financière à l'objectif prioritaire de relancer l'activité de nos entreprises. Nous savons que M. Bruno Le Maire a reçu récemment leurs fédérations pour évoquer à nouveau un certain nombre de points. Nous tenons également à réitérer ce message.
Enfin, parmi la liste des autres demandes des acteurs de la RHD, nous relèverons aussi que les plus grandes entreprises de la filière déplorent de ne pouvoir bénéficier des aides renforcées accordées aux TPE et PME, soulignant que leurs pertes et leurs difficultés sont proportionnellement équivalentes.
Mais au-delà de leurs demandes de « correction » et, surtout, de prolongation des dispositifs d'aide jusqu'à ce que l'activité reprenne réellement, les acteurs de la filière ont dit au groupe de travail leur besoin fondamental que les restaurants puissent rouvrir. Ils savent que les aides publiques ne pourront durer éternellement, et n'en peuvent plus de leur mise à l'arrêt, comme vous le savez tous. Ils affirment que leurs collègues restaurateurs seraient prêts à mettre en œuvre des protocoles sanitaires renforcés, comme l'application d'une jauge et des règles de distanciation, si cela leur permet de rouvrir et d'éviter de refermer ultérieurement.
Au demeurant, les professionnels auditionnés sont intuitivement convaincus qu'un restaurant peut fonctionner sans qu'il devienne un cluster. L'expérience de la restauration collective le montre, nous disent-ils.
Pour favoriser cette réouverture, ils ont suggéré de mener une étude française sur la réalité de la contamination dans les établissements de restauration mettant en œuvre des protocoles sanitaires sérieux. L'idée serait de fonder les décisions relatives à ces activités sur des constats et des critères objectifs.
Nous soutenons cette demande d'objectivation des décisions relatives aux activités qui sont mises en cause dans la propagation du virus, et des consignes données, et nous recommandons également la réalisation d'une étude rigoureuse sur la réalité des risques qui tienne compte des mesures de protection déjà prises. Les résultats d'une telle étude pourraient constituer d'importants outils d'aide à la décision dans les semaines à venir.
Merci d'avoir écouté cet ultime compte rendu de l'année. Nous aurons un autre rendez‑vous thématique en janvier sur les entreprises de l'évènementiel, du cinéma et du théâtre – en particulier les gestionnaires de ces salles.
Je voulais enfin excuser mon co-rapporteur, M. Julien Dive, avec qui je travaille en étroite collaboration et qui a été retardé par une autre réunion. Nous travaillons beaucoup sur ces sujets et nous faisons remonter nos constats au Gouvernement et aux cabinets ministériels concernés. Je reste à la disposition du président de notre commission pour définir les modalités et le calendrier des travaux qui sont encore nécessaires.
Merci beaucoup. Le sujet de l'évènementiel est très important, en effet. Je vous engage à prendre contact avec notre collègue Bruno Bonnell, même s'il n'est plus membre de notre commission. Il est très impliqué dans ce secteur. À l'issue de la présentation de la dernière thématique, on pourrait rédiger une note au Premier ministre, signée par tous les membres de la commission des affaires économiques, résumant brièvement les travaux du groupe de suivi, mais reprenant surtout les enseignements qu'il a tirés sur les adaptations structurelles nécessaires (les codes NAF, etc.) pour gagner en efficacité si cette crise devait durer malheureusement.
Merci cher collègue pour cette présentation sur un sujet d'envergure. Des milliers d'établissements de restauration qui couvrent tous les territoires sont malheureusement fermés. Je veux saluer le travail rigoureux du groupe de travail. Ces travaux sont présentés à peine deux jours après que les filières concernées par ces fermetures se sont réunies à deux pas de l'Assemblée nationale, pour exprimer leur mal-être face à cette situation qui s'éternise et que personne ne souhaite. Les restaurants sont fermés précisément parce que ce sont des lieux de convivialité, de partage et de vivre ensemble. Mais, parce que ce sont des lieux ancrés dans le quotidien, les répercussions de ces fermetures se font ressentir sur tout un écosystème. Ce nouveau confinement a mis en lumière les situations de ceux qui occupent des emplois qui ne peuvent être réalisés en télétravail et qui ne disposent pas d'offre de restauration collective. Ces hommes et ces femmes sont contraints de se restaurer dans leurs véhicules ou dehors, malgré des températures hivernales. Cette problématique a été soulevée lors du premier confinement par les secteurs du transport routier et du bâtiment travaux publics (BTP). Pour les premiers, une solution a été trouvée rapidement avec l'ouverture de certains relais. Pour les seconds, l'annonce cette semaine de la mise à disposition de salles polyvalentes apporte un certain réconfort. On peut cependant regretter qu'une distinction n'ait pas été faite entre les activités des restaurants, qui sont avant tout un lieu de sociabilité mais aussi un lieu où les travailleurs se restaurent pour le déjeuner.
Je dirai un mot sur les filières des fournisseurs de la restauration. Avec de nombreux collègues, nous avons saisi le Gouvernement sur la situation de ces filières particulièrement impactées. L'inscription sur la liste S1 bis constitue un « Graal », car elle conditionne l'accès au Fonds de solidarité et aux exonérations de charges. Une solution partielle a été trouvée avec l'intégration des entreprises dont 50 % du chiffre d'affaires dépend de la restauration. Pour autant, les aides sont encore à ajuster, notamment pour ce qui concerne les grossistes de boisson, confrontés à une situation particulièrement difficile. On ne le dira jamais assez, les aides de l'État permettent de sauvegarder nos entreprises et notamment celles de la restauration. C'est désormais vers l'année 2021 qu'il faut se tourner. Le Premier ministre a annoncé qu'elle serait celle de la gastronomie. Plus qu'un exercice de communication, il faudra que cela se matérialise par des perspectives concrètes pour accompagner la reprise et préparer l'avenir.
Je veux saluer la restitution faite par le rapporteur et je souhaiterais mettre en avant trois points. Tout d'abord, dès que l'on me parle de la restauration hors domicile, immédiatement, je pense aux circuits d'approvisionnement. Il y a en ce domaine deux origines possibles pour les produits : les produits français et les produits d'importation. Cela concerne tous types de produits, y compris la viande bovine. Est-ce que l'on sait distinguer la part de produits d'importation de la part de produits de production française ? Je pose cette question car je pense que les aides et la gestion des stocks doivent porter une attention particulière et différenciée à cette problématique, selon qu'il s'agit de produits d'importation ou de production française. Il y a peut-être une réorientation possible vers d'autres acteurs de la restauration.
Le deuxième point concerne le contrôle et le rôle des URSSAF et des DIRECCTE. Depuis le moins de mars, je milite pour que les URSSAF et les DIRECCTE se concentrent sur des contrôles afférents aux aides relatives aux critères retenus par le Gouvernement pour soutenir les activités économiques, dans le cadre des classifications S1 et S1 bis. Je m'étonne que les URSSAF continuent de réaliser des contrôles classiques dans certaines entreprises, comme si de rien n'était. C'est aussi le cas pour certaines directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Les contrôles doivent se concentrer aujourd'hui uniquement sur le respect des critères définis par le Gouvernement.
Mon dernier point concerne les professionnels de la route. Bien sûr, la mise à disposition de salles polyvalentes constitue un premier pas bienvenu. Mais je pense qu'il faut aller plus loin et permettre aux professionnels qui circulent sur la route d'avoir accès aux restaurants, au-delà des centres routiers ouverts aujourd'hui. Nous avons beaucoup de petits restaurants dans les campagnes et les villes moyennes qui pourraient être ouverts aux professionnels de la route.
Je suis ravi de ce que j'ai entendu. Je veux insister sur deux points. Je suis content que nos collègues aient relevé la situation des distributeurs de boissons. Ce sont des entreprises importantes qui regroupent beaucoup d'emplois et qui passent un peu à travers les mailles du filet. J'ai entendu dire que les listes S1 et S1 bis devaient être fusionnées, mais je ne vois pas cela se traduire au niveau gouvernemental. Il ne faut surtout pas laisser ces acteurs disparaître par voie de liquidation judiciaire, car dans ce cas-là, ils seront absents au moment de la relance. Mon second point concerne les restaurateurs, je crois qu'il faut s'y pencher sérieusement. Je ne suis pas sûr que le prolongement du confinement des restaurateurs soit bénéfique, ni pour la société, ni individuellement, car les restaurateurs sont soumis à une pression psychologique très forte. Si nous sommes exigeants concernant les mesures de sécurité et les gestes barrière, nous pouvons imaginer une réouverture partielle ; il faut desserrer la pression.
Nous sommes tous très sensibles à ces acteurs. Malheureusement la situation sanitaire est telle qu'elle est. Ailleurs en Europe, elle est même pire qu'ici.
Pour répondre à Mme Barbara Bessot Ballot et à M. Thierry Benoît, M. Alain Griset a fait publier un communiqué hier sur l'ouverture des salles polyvalentes pour les acteurs du BTP, c'est un premier pas à saluer. Sur la part des produits importés, nous n'avons pas de chiffres exacts. Pour autant, nous savons aujourd'hui que dans la restauration collective et commerciale, 70 % de la viande est importée. Nous avons conscience, depuis la loi EGALIM, que nous avons un important travail à effectuer pour faire en sorte que les filières françaises soient davantage choisies par les centrales d'achats. En partant de ce postulat, on peut considérer que la part de stocks de viande importée est plus importante que la part de viande française. Le débouché principal des viandes françaises se fait aussi à travers le Marché de Rungis et l'ensemble des petits commerces qui sont, eux, restés ouverts. Pour répondre à M. Philippe Huppé sur les distributeurs de boissons, nous avons un certain nombre PME qui placent des produits dans les marchés et les cinémas, et ces PME sont en grandes difficultés. Sur la restauration, il faut faire confiance à ce que nous disent les membres du comité scientifique, mais il faut peut-être envisager la différenciation territoriale, en fonction de la circulation du virus. C'est une conception personnelle que je porte là. Sur la différenciation territoriale, nous aurons l'occasion d'en reparler dans le cadre du projet de loi à venir dit « 4 D », porté par la ministre Jacqueline Gourault.
Informations relatives à la commission
Au cours de sa réunion du mercredi 16 décembre, la commission des affaires économiques a procédé à plusieurs nominations de rapporteurs.
Niche MoDem du jeudi 28 janvier 2021 :
– M. Nicolas Turquois a été nommé rapporteur pour le groupe MoDem de la proposition de loi n° 3682 visant à simplifier l'accès des experts forestiers aux données cadastrales ;
– M. Richard Ramos a été nommé rapporteur pour le groupe MoDem de la proposition de loi n° 3683 relative à l'interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie
– Mme Nadia Essayan a été nommée rapporteure pour le groupe MoDem de la proposition de loi n° 3684 visant à améliorer l'accessibilité des personnes qui ont un trouble du spectre de l'autisme par la mise en place d'une « heure silencieuse » dans les magasins de la grande distribution
– une mission d'information a été créée sur « l'autonomie alimentaire de la France et au sein de ses territoires ». M. Julien Dive a été nommé rapporteur pour le groupe LR et Mme Pascale Boyer, rapporteure pour le groupe LaREM.
– M. Thierry Benoit (UDI) a été nommé, en application de l'article 145-8 du règlement rapporteur sur la mise en œuvre des conclusions de la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs.