GROUPE DE TRAVAIL N° 2 – LES CONDITIONS DE TRAVAIL À L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET LE STATUT DES COLLABORATEURS PARLEMENTAIRES
Mardi 3 avril 2018
Présidence de M. Michel Larive, président du groupe de travail
La réunion commence à huit heures cinquante.
Madame la rapporteure, mes chers collègues, comme chaque mardi matin, nous poursuivons nos travaux sur la prise en compte du handicap dans le fonctionnement de l'Assemblée nationale, en débutant aujourd'hui nos échanges avec des acteurs institutionnels.
J'ai également le plaisir de vous annoncer que notre groupe de travail devrait pouvoir bénéficier prochainement de la mise en place d'une consultation citoyenne, qui permettra à la fois aux associations, mais aussi aux personnes handicapées elles-mêmes et à leurs proches, comme à tout citoyen, de donner un avis sur les progrès qui doivent encore être accomplis, et de formuler des propositions pour aider l'Assemblée nationale à y parvenir.
Nous avons d'abord le plaisir de recevoir, pour cette première audition de la matinée, des représentants des ministères respectivement chargés du travail, ainsi que des solidarités et de la santé. Je remercie de leur participation Mme Claire Descreux, cheffe de service, adjointe à la déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) du ministère du travail, et M. Jean-François LHOSTE, adjoint au sous-directeur de l'autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) du ministère des solidarités et de la santé.
Notre groupe de travail poursuivra ses travaux jusqu'à la fin du mois de mai. Nous remettrons alors, comme les six autres groupes de travail, nos propositions au Bureau de l'Assemblée. Nous espérons qu'elles pourront le convaincre et que nos instances pourront, dans la foulée, prendre de premières décisions contribuant à moderniser et à ouvrir davantage encore l'Assemblée nationale aux personnes en situation de handicap.
Ces dernières semaines, nous avons reçu les syndicats des personnels de l'Assemblée, les organisations représentant les collaborateurs parlementaires, les représentants du Réseau GESAT, ainsi que la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH), l'Unapei et LADAPT, associations qui ont en commun d'œuvrer à l'insertion et à la promotion des personnes handicapées.
Nous souhaitons également rencontrer la semaine prochaine les représentants du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) et du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).
Enfin, nous aborderons, à partir de mi-avril, une dernière phase de nos travaux, qui nous conduira à entendre les différents services de l'Assemblée nationale qui sont spécialement concernés par la prise en compte du handicap.
Avant de céder la parole à Mme la rapporteure et à nos invités, qui vont se présenter, je voudrais dire quelques mots d'introduction concernant la DGEFP et la DGCS.
La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle conçoit et met en œuvre les orientations du Gouvernement en matière d'emploi et de formation professionnelle. Elle déploie notamment une stratégie pour le développement de l'emploi et de la formation professionnelle, qui vise à encourager une croissance riche en emplois. Favoriser l'accès et le retour à l'emploi des travailleurs, ainsi que la sécurisation des parcours professionnels, doit naturellement la conduire à se pencher sur les difficultés spécifiques que peuvent rencontrer les personnes handicapées pour accéder à l'emploi.
La direction générale de la cohésion sociale, quant à elle, est une direction d'administration centrale gérée par le ministère en charge des affaires sociales et le secrétariat général des ministères sociaux. Elle a pour mission de concevoir, piloter et évaluer les politiques publiques de solidarité, de développement social et de promotion de l'égalité, afin de favoriser la cohésion sociale et le soutien à l'autonomie des personnes. À ce titre, la DGCS coordonne sept politiques publiques thématiques, dont l'autonomie des personnes handicapées, ainsi que la prévention et la lutte contre les exclusions et la pauvreté.
Madame, Monsieur, nous savons que votre action en matière de handicap est essentielle, et c'est pourquoi nous avons voulu vous solliciter dans le cadre de nos travaux. Nous considérons que votre expérience peut être déterminante pour bien éclairer l'Assemblée nationale. D'une façon générale, toutes les propositions que vous pourrez formuler pour permettre à notre assemblée de progresser dans sa prise en compte du handicap sont les bienvenues.
Je vous remercie de votre participation à nos travaux et vous propose donc de nous présenter brièvement votre activité et votre domaine d'expertise concernant la prise en compte du handicap. Nous vous poserons ensuite de premières questions - sachant que nous devrions terminer cette première audition un peu avant 10 heures.
Monsieur le président, vous avez déjà largement présenté la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle. Dans le cadre de la politique d'emploi, nous nous occupons de façon plus particulière des publics les plus vulnérables. Évidemment, les travailleurs handicapés font partie de ces publics qui ont plus de difficultés à accéder à l'emploi. C'est la raison pour laquelle nous avons un bureau, ce que nous appelons une mission, qui s'occupe de l'accès et du maintien dans l'emploi des personnes handicapées.
À la DGEFP, nous nous occupons de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, les fameux 6 %. Nous sommes d'ailleurs en train de lancer une réforme de cette obligation d'emploi des travailleurs handicapés, qui figurera dans le projet de loi relatif à la liberté de choisir son avenir professionnel – lequel traitera, notamment, d'apprentissage, de formation professionnelle et d'assurance chômage. Mais il est important que vous sachiez que l'on restera sur ce taux de 6 %.
Nous avons des liens avec l'AGEFIPH, l'organisme chargé de distribuer des aides aux travailleurs handicapés et aux employeurs du secteur privé. En effet, la DGEFP s'occupe des employeurs du secteur privé, puisque de l'autre côté, la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) s'occupe des employeurs de la fonction publique.
Nous avons des liens avec le secteur des Cap emploi, des organismes de placement spécialisés dans le service public de l'emploi. Ainsi, à côté de Pôle Emploi que tout le monde connaît, existent les Missions locales qui sont des organismes de placement spécialisés pour les jeunes, et les Cap emploi, qui sont des organismes de placement spécialisés pour les personnes handicapées.
Nous avons également des liens avec l'Union nationale des entreprises adaptées (UNEA), dont je ne pense pas que vous ayez auditionné les représentants. C'est l'organisme qui fédère la grande majorité des entreprises adaptées.
Notre rôle est d'animer la politique d'emploi et de maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés. Au niveau territorial, nous passons par nos services sur le terrain, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE), qui ont également des unités départementales. Et partout sur le territoire, nous avons des plans régionaux d'insertion des travailleurs handicapés (PRITH), qui réunissent l'ensemble des partenaires, très divers et très nombreux en matière de handicap, et qui sont animés par les DIRRECTE. Au niveau national, nous avons une convention multilatérale avec l'ensemble des partenaires. Il y en a une douzaine, voire une quinzaine ; je ne suis pas sûre de leur nombre, dans la mesure où beaucoup d'institutions sont concernées par la politique d'emploi des travailleurs handicapés.
Notre rôle est aussi de décliner les mesures qui sont décidées dans le cadre des comités interministériels du handicap (CIH). L'un de ces comités s'est tenu en septembre dernier, dans le cadre des Conférences nationales du handicap (CNH), qui ont lieu régulièrement ; il devrait y en avoir une cette année. Notre rôle est également de décliner et de concrétiser les mesures prises dans le cadre des différents plans. Vous saurez qu'actuellement, le quatrième plan sur l'autisme est en cours d'élaboration.
L'emploi entre dans le champ de la DGCS, tout en étant largement partagé avec la DGEFP. Mais notre politique des personnes handicapées porte sur l'ensemble de leur vie : elle passe par leur éventuelle prise en charge dès la naissance, par leur scolarisation, et par un accompagnement tout au long de leur existence, d'autant plus que leur espérance de vie augmente – accès à la culture, aux loisirs, et à la santé.
Certaines thématiques sont plus ciblées. Comme l'a dit Mme Descreux, il y a une politique spécifique de l'autisme – dont la semaine vient d'avoir lieu. Il y a également des stratégies nationales pour certains types de handicap moins mis en avant, mais qui nécessitent d'être davantage soutenus : le polyhandicap, qui frappe très lourdement certaines personnes ; le handicap psychique, indépendamment de l'autisme, dans le cadre de la stratégie quinquennale de l'offre médico-sociale engagée en 2017, juste à la fin de la précédente mandature.
Au niveau territorial, la DGCS s'appuie, pour l'essentiel, sur les agences régionales de santé (ARS), dont le champ d'intervention n'est pas que sanitaire. De fait, les ARS conventionnent et suivent les différents établissements et structures médico-sociales. En outre, depuis l'année dernière – et réellement depuis cette année –, elles interviennent dans le champ de l'emploi, en portant les conventionnements sur le nouveau dispositif d'emploi accompagné.
Madame, Monsieur, le Président de la République a annoncé qu'il souhaitait faire du handicap l'une des priorités de son quinquennat. Selon vous, quelles actions devraient être menées en priorité pour améliorer l'intégration civique des personnes en situation de handicap ?
Je vous poserai également quatre questions, plutôt en relation avec l'Assemblée nationale.
Quelles sont les filières professionnelles pour lesquelles vous recommanderiez tout particulièrement à l'Assemblée nationale de recourir à des entreprises issues du secteur adapté et protégé ?
Au sein d'une administration publique comme l'Assemblée nationale, certains métiers vous paraissent-ils particulièrement convenir à l'emploi de personnels présentant des handicaps mentaux ?
Quels sont selon vous les procédés à mettre en œuvre pour favoriser concrètement l'accessibilité numérique du site internet d'une institution publique comme l'Assemblée nationale ? Qu'est-ce qu'un site internet accessible ?
Quels sont les principaux problèmes dont souffrent encore les personnes en situation de handicap pour accéder aux bâtiments publics et auriez-vous, au vu de votre expérience, des suggestions à formuler pour l'Assemblée nationale ?
J'aurais moi aussi quelques questions à vous poser.
Est-ce que la prévention des risques professionnels prend suffisamment en compte la situation particulière des personnes handicapées ?
Afin d'optimiser le cadre de travail des personnels handicapés, le télétravail vous parait-il une solution satisfaisante ? Quels sont les avantages et les inconvénients de cette organisation du travail pour les travailleurs handicapés ?
Enfin, et cette question concerne plus spécifiquement la DGEFP : quelles sont les modalités pratiques du dispositif d'emploi accompagné, qui est promu par votre direction ? Les résultats de ce dispositif sont-ils concluants ?
Certaines questions sont très générales, d'autres très concrètes. Celles qui concernent l'Assemblée nationale, notamment, supposent que l'on en connaisse les conditions d'exercice. N'étant ni ergonome, ni spécialiste de l'Assemblée nationale, je ne pourrai pas répondre à toutes.
Quelles seraient les actions prioritaires à mener sur le quinquennat ? Il y a déjà eu d'assez nombreuses annonces. J'ai moi-même indiqué qu'il y avait eu un CIH en septembre dernier, et qu'une CNH allait se tenir dans l'année.
Le 26 avril aura lieu un « Duo day », une action très concrète qui peut être reproduite partout : des binômes sont constitués avec une personne handicapée, qui suit une personne valide dans son métier, pendant toute la journée, pour se familiariser avec les conditions de travail.
Nous avons également d'assez nombreuses orientations sur l'autisme.
J'en profite pour dire quelques mots sur les orientations générales en matière d'emploi des travailleurs handicapés. Comme je l'ai indiqué précédemment, nous lançons actuellement une transformation de la politique d'emploi des travailleurs handicapés – une priorité du quinquennat.
Il s'agit déjà de simplifier au maximum l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés. Les entreprises qui veulent avoir recours aux travailleurs handicapés doivent remplir des formulaires de déclaration et se plier à certaines procédures, ce qui représente pour elles autant d'obstacles.
Les règles, qui ont été complétées et affinées au fil des années, sont devenues complexes. Nous avons donc repris l'ensemble de règles qui aboutissent au calcul de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, pour essayer de les alléger.
Par ailleurs, comme cela avait été annoncé lors du CIH, nous allons faire basculer cette obligation d'emploi des travailleurs handicapés dans la déclaration sociale nominative (DSN). Ainsi, l'entrepreneur qui aura fourni toutes ses données salariales n'aura pas besoin de faire une déclaration ad hoc, ou n'aura que très peu de données supplémentaires à fournir, en vue du calcul de son obligation d'emploi de travailleurs handicapés.
Nous travaillons donc très fortement à cette simplification. Toutefois, nous nous heurtons à une difficulté : dès que l'on simplifie, on crée des impacts. Il faut donc mesurer soigneusement l'impact que peut avoir la suppression de telle ou telle disposition dérogatoire, particulière, pour tel ou tel type d'entreprise, ou pour tel ou tel secteur.
Il s'agit ensuite, et c'est notre deuxième orientation, de favoriser l'emploi direct de personnes handicapées. Aujourd'hui, il y a plusieurs façons de s'acquitter de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés à hauteur de 6 %. Ces différentes modalités, qui sont mises au même niveau dans les textes, sont les suivantes : soit on emploie directement des personnes handicapées ; soit on recourt au secteur protégé, à la sous-traitance du secteur – adapté ou du secteur protégé, ce qui amène à calculer un « équivalent emploi » de ce recours au travail adapté ou protégé ; soit, et cela ne vaut que dans le secteur privé, on passe, dans le cadre de la négociation collective, un accord agréé sur le travail handicapé, ce qui exonère de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés ; soit enfin, et c'est ce que choisissent encore trop d'entreprises, on paie simplement l'équivalent des ETP que l'on n'a pas embauchés.
L'idée de la réforme est de hiérarchiser ces différentes façons de s'acquitter de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés. Il faut vraiment faire de l'emploi direct la modalité première. C'est conforme à la philosophie du Gouvernement : on ne peut pas se contenter d'avoir d'un côté, des entreprises qui paient une contribution, et de l'autre, des personnes handicapées dont le taux de chômage atteint 18 %, soit le double de la population valide.
Par ailleurs, nous allons réformer l'offre de services en direction des personnes handicapées, notamment en nous interrogeant sur le fait qu'il y a aujourd'hui beaucoup de différence entre le secteur public et le secteur privé. Il y a deux fonds : d'une part l'AGEFIPH pour le secteur privé ; d'autre part, le FIPHFP pour le secteur public. L'un et l'autre sont alimentés par les contributions des employeurs qui ne remplissent pas leur obligation d'emploi de 6 % – du moins par l'emploi direct ou indirect. Il y a deux organismes différents, et deux gouvernances différentes, ce qui est normal. Mais les offres de service qui ont été élaborées sont assez différentes. Un rapport d'inspection a donc posé récemment la question de la pertinence d'avoir autant de différence d'offres entre le secteur privé et le secteur public, et entre les aides. L'un de nos axes de réflexion sera donc de remettre à plat l'offre de services pour les personnes handicapées et, pour les employeurs de personnes handicapées, dans le cadre de la vie active.
Enfin, au 1er janvier 2018, nous avons mis en place les nouveaux organismes de placement spécialisé. Nous avons fusionné le réseau des Cap emploi, en charge du placement des personnes handicapées et compétent à la fois pour les employeurs privés et publics, et le réseau des services d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés (SAMETH). L'objectif était de créer un guichet unique pour les entreprises comme pour les personnes handicapées, avec des organismes s'occupant à la fois de l'accès à l'emploi, du maintien dans l'emploi et de la prévention de la désinsertion professionnelle. Nous disposons donc aujourd'hui d'un réseau qui réunit les deux compétences en suivant la personne handicapée dans son parcours d'accès à l'emploi et dans l'emploi, et qui est à la fois l'interlocuteur de l'entreprise et celui du salarié.
Je laisserai mon collègue parler d'une réforme récente, qui a plutôt été portée par la DGCS, même si c'est une œuvre commune qui mobilise à la fois des acteurs du service public de l'emploi et des acteurs du secteur médico-social : je veux parler de l'emploi accompagné.
Telle est, brossée à très grands traits, l'actualité dans le secteur de l'emploi des travailleurs handicapés.
La DGCS s'attache à élaborer une stratégie d'ensemble pour la politique en faveur des personnes handicapées, et l'emploi est l'un des enjeux que nous prenons en compte.
Vous évoquiez le recours possible aux entreprises issues du secteur adapté et protégé. J'aurais tendance à dire qu'il n'y a pas de secteur spécifique pour l'emploi des personnes handicapées que l'on a trop souvent réduit à des tâches peu qualifiées de manutention ou d'aménagement paysager. Il est plus pertinent d'adopter la perspective inverse : partir de la volonté de recruter des personnes handicapées et voir quelles missions peuvent leur être confiées. Le champ des entreprises adaptées est plus large que le secteur protégé de type établissements et services d'aides par le travail (ESAT) où les tâches proposées sont souvent simples voire répétitives : il va du conseil en communication à l'informatique, de l'impression aux comptes rendus de réunion.
L'Assemblée pourrait mener une réflexion de fond sur les différents types de missions susceptibles d'être confiées à des personnes handicapées et mettre en place une stratégie de recrutement. Il ne suffit pas de recruter vingt travailleurs handicapés et de cocher des cases. Si l'on veut vraiment atteindre les quotas légaux, il convient d'anticiper et d'inscrire la stratégie d'emploi dans la durée. Il ne faut pas se restreindre aux tâches d'exécution. Certaines personnes handicapées sont parfaitement capables d'avoir des fonctions d'encadrement supérieur. Plusieurs ministères et plusieurs collectivités, dont la Ville de Paris, ont choisi cette stratégie de montée en charge progressive du recrutement.
Quant à la prévention des risques professionnels, elle me paraît relever d'une problématique plus large que l'accueil des personnes handicapées au sein des administrations publiques.
S'agissant des conditions de travail, il importe de tout mettre en œuvre pour compenser le handicap et permettre un exercice normal de l'activité professionnelle, qu'il s'agisse de l'aménagement, de l'adaptation du poste ou des horaires d'activité.
Le télétravail permet plus de souplesse et réduit la fatigue, notamment quand les conditions de transport ne sont pas optimales, mais il faut veiller à ne pas couper le lien de la personne concernée avec son collectif de travail sous prétexte de lui faciliter la vie. Cela peut devenir un facteur d'exclusion.
Un secrétariat général du Comité interministériel du handicap a été créé pour maintenir une impulsion continue au niveau interministériel et assurer une bonne coordination. Par ailleurs, la nouvelle secrétaire d'État chargée des personnes handicapées a procédé à l'installation de seize hauts fonctionnaires chargés du handicap et de l'inclusion dans tous les grands ministères. Si l'Assemblée veut définir une stratégie sur la durée pour le recrutement ou l'accompagnement des personnes handicapées, nommer une personne référente en ce domaine pourrait être une piste intéressante.
Enfin, pour ce qui est du dispositif d'emploi accompagné, je ne peux dresser qu'un état des lieux limité. Il a fait l'objet d'un appel à candidatures, qui a été pris en charge par les agences régionales de santé en lien avec les DIRECCTE ainsi qu'avec l'AGEFIP et la FIPHFP. Ces derniers le co-financent respectivement à hauteur de 2 millions d'euros et de 500 000 euros, 5 millions d'euros étant abondés au titre du programme 157 géré par la DGCS. L'objectif est d'apporter aux personnes handicapées un soutien médico-social pour leur entrée dans le dispositif, mais également la possibilité de s'appuyer sur l'ensemble du service public de l'emploi pour leur maintien dans leurs postes. Diverses conventions ont été passées avec des gestionnaires qui relèvent, pour l'essentiel, de structures liées aux politiques de l'emploi, comme les centres de réadaptation professionnelle ou les établissements et services d'aide par le travail. Comme ces conventions n'ont été signées qu'à la fin de l'année 2017 ou au début de l'année 2018, les entrées dans le dispositif sont assez réduites pour l'instant : 200 à la fin du mois de février, selon les derniers chiffres dont je dispose. Il est donc difficile, à l'heure actuelle, de tirer des conclusions sur la montée en charge du dispositif.
Je ne peux qu'aller dans le sens de mon collègue : il n'y a pas de filières professionnelles plus particulièrement destinées aux personnes handicapées. Dans le secteur adapté, tous types d'offres sont disponibles. Même si la population des personnes handicapées est globalement moins qualifiée que la moyenne de la population, de grands progrès ont été faits et il y a de plus en plus de diplômés de l'enseignement supérieur parmi elles. Certes, pendant longtemps, les personnes handicapées ont été recrutées dans des emplois de catégorie C mais elles sont de plus en plus nombreuses dans les emplois de catégorie A.
Dans le cadre de nos réflexions sur la réforme de l'obligation d'emploi, nous envisageons de supprimer la catégorie des emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières (ECAP), sorte de liste des métiers non accessibles aux personnes handicapées. Au-delà du fait que c'est une approche sujette à caution d'un point de vue philosophique, nous considérons que les handicaps sont tellement variés qu'il est impossible de décréter que tel ou tel poste ne peut être occupé par une personne handicapée.
Pour mener une politique plus volontariste en matière de handicap, il serait bon, en effet, que l'Assemblée mette en place une mission « handicap » ou un référent « handicap », comme c'est le cas dans la plupart des administrations ou dans certaines entreprises.
Enfin, à côté de l'impulsion donnée au sommet des institutions, il est important de former et de sensibiliser les encadrants directs et les collègues des personnes handicapées. Si tout le monde adhère aux grands principes d'inclusion, des craintes se font sentir au sein des équipes, qui redoutent notamment les transferts de tâches, et parmi les directeurs ou les chefs de service, qui peuvent avoir l'impression que la personne ne sera pas en mesure de travailler à 150 % en cas de besoin. Ces réactions proviennent souvent d'une mauvaise compréhension de ce qu'est le handicap.
J'ai la même réserve que mon collègue à l'égard du télétravail. Il peut apparaître comme un moyen de faciliter le travail des personnes handicapées qui ont des problèmes de mobilité, mais il ne faut pas en abuser sous peine de contribuer à leur isolement. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il n'est pas recommandé dans la fonction publique d'abuser du recours au télétravail pour raisons médicales.
Enfin, pour ce qui est des risques professionnels, il me semble que c'est la tâche des médecins de prévention et des médecins du travail de suivre plus particulièrement ces sujets.
Vos administrations ont-elles déjà eu recours à des retranscriptions de documents en version « Facile à lire et à comprendre » pour les personnes en situation de handicap mental ?
Ma réponse sera brève : non.
C'est un axe que nous souhaitons développer. Il est très important de fournir une information qui puisse être à la fois précise, simple et compréhensible.
Quelles actions devraient, selon vous, être menées en priorité pour améliorer l'intégration civique des personnes en situation de handicap ?
Cela relève du problème plus général de l'accès des personnes handicapées à l'éducation. Des efforts ont été faits pour développer les traductions en langue des signes pendant les campagnes électorales, mais cela ne concerne qu'un seul type de handicap. On ne peut pas dire que les documents de propagande électorale soient proches du « Facile à lire et à comprendre » – ce qui pose bien sûr la question de l'appropriation du débat politique et de la possibilité, pour certaines personnes handicapées, de faire un choix éclairé.
J'en viens à une question à laquelle je n'ai pas répondu. L'accessibilité des administrations renvoie à tout type d'informations diffusées sous forme téléphonique, mais aussi sous forme numérique, laquelle couvre un champ extrêmement large – sites internet, extranet, applications mobiles, progiciels, mobiliers urbains numériques. La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique fixe des objectifs qui excèdent les exigences de la directive européenne. Des échanges interministériels ont lieu en ce moment sur le degré de transposition que nous devons retenir pour définir le périmètre et les textes d'application, la transposition devant intervenir au plus tard au mois d'octobre 2018.
La semaine dernière, nous avons auditionné des représentants de L'Association pour l'insertion professionnelle et sociale des personnes handicapées (LADAPT), dont certains souffraient de handicap sensoriel – la surdité et la cécité. Au cours de la période récente, avez-vous constaté un effort de communication particulier des institutions publiques à l'égard des personnes ayant des handicaps sensoriels ? Vos administrations ont-elles déjà eu recours à des retranscriptions de documents en version Facile à lire et à comprendre pour les personnes en situation de handicap mental ?
En ce qui concerne les documents en version Facile à lire et à comprendre, la marge de progrès existe, comme je l'ai déjà indiqué, car nous n'en avons pas édité à grande échelle.
Pour l'accompagnement des personnes qui souffrent de cécité ou de surdité, il existe l'Institut national de jeunes sourds (INJS) et l'Institut national des jeunes aveugles (INJA). Ces filières de scolarisation dédiées emploient des professeurs, formés et contrôlés, notamment, sur les spécificités de ces apprentissages, par des inspecteurs pédagogiques rattachés à la direction générale de la cohésion sociale. Les personnes qui souffrent de ces deux types de handicap peuvent bénéficier de cet accompagnement particulier dès la naissance, afin qu'elles puissent suivre un cursus scolaire normal et avoir un parcours professionnel plus facile.
Il existe aussi de nombreux outils, supports et méthodes qui permettent d'intervenir en dehors du champ de la scolarisation. Les efforts sont-ils suffisants en termes d'outils de communication ? Il y aurait certainement des améliorations à apporter mais, pour le moment, nous n'avons pas engagé de chantiers dans ce domaine. Si vos échanges avec les représentants de LADAPT vous ont donné des idées, nous sommes preneurs.
Quels sont les principaux problèmes que rencontrent encore les personnes en situation de handicap pour accéder aux bâtiments publics ? D'après ce que vous savez des bâtiments de l'Assemblée nationale, avez-vous des suggestions à formuler pour leur adaptation ?
Vous allez auditionner le secrétariat général du Comité interministériel du handicap (CIH), qui est plus spécialement chargé de l'accessibilité. Pour l'Assemblée nationale, les flux de personnes concernées n'étant pas très importants, il me semble que l'accompagnement individualisé est la réponse la plus adaptée. La problématique n'est pas tout à fait la même que pour les lieux qui accueillent le grand public. À l'Assemblée nationale, c'est peut-être un peu plus facile à gérer dès l'accueil. Cela étant, on attend de tous les services publics qu'ils soient accessibles à tout le monde, ce qui suppose souvent des aménagements relativement coûteux. L'Assemblée nationale étant un bâtiment particulier, qui peut rendre plus complexe la réalisation de certains travaux comme la réfection complète d'un ascenseur, la meilleure solution peut consister à garder une aide humaine, qui permet à la personne d'accéder aux lieux où elle doit se rendre ainsi qu'aux outils de type traduction qui peuvent être mis en place.
Quelles solutions préconisez-vous dans des bâtiments anciens comme le nôtre, pour les personnes ayant un handicap moteur ? Prenons l'exemple d'une personne en fauteuil qui voudrait accéder aux balcons de l'hémicycle.
Cet ascenseur n'est pas très grand. À part les ascenseurs, auriez-vous d'autres préconisations ? En cas de handicap physique, l'accompagnement est compliqué. Il faut une infrastructure.
En ce qui concerne des sites comme celui de l'Assemblée nationale, dans lesquels on ne peut pas faire n'importe quels travaux, il me semble qu'il faut se poser la question en termes d'organisation. Ce qui compte, c'est que la personne puisse accéder aux lieux. Pour certains sites très spécifiques, l'accompagnement physique peut être préférable quand il s'agit d'aider la personne à monter trois marches. Ce sont souvent les petites ruptures de parcours qui sont gênantes. On peut aussi imaginer que certaines réunions de commission se tiennent au rez-de-chaussée ou un autre mode d'organisation plutôt que d'envisager des travaux très onéreux ou incompatibles avec le type de bâtiments.
Je ne partage pas tout à fait ce point de vue. Dans la loi de 2005, il est question d'accessibilité en toute autonomie. Pour certaines personnes en situation de handicap, l'accompagnement peut constituer une certaine forme d'humiliation. La personne en situation de handicap souhaite faire comme tout le monde.
En outre, par les textes que nous nous adoptons, nous imposons aux collectivités locales cette accessibilité en toute autonomie. Lors de l'une de nos auditions, j'ai déjà eu l'occasion de parler de la réaction des maires que nous recevons ici, notamment au moment de leur congrès. Ils sont parfois horrifiés de voir que l'Assemblée nationale ne soumet pas aux obligations que nous imposons aux collectivités en termes d'accessibilité. Pour une personne en fauteuil roulant qui fréquente couramment le Palais Bourbon, les déplacements s'apparentent à un véritable parcours du combattant.
Avez-vous quelque chose à ajouter sur un point que nous aurions oublié ou insuffisamment abordé ?
J'aimerais apporter une précision sur l'emploi accompagné : il vise plus spécifiquement le public des personnes avec handicap psychique, puisqu'il s'agit d'un dispositif de long terme et d'intensité variable : il peut être fort, cesser, puis reprendre.
Il me reste à vous remercier pour toutes les informations que vous nous avez apportées et qui nous aideront grandement dans la rédaction de notre rapport.
Suspendue à neuf heures quarante, la réunion reprend à dix heures.
Chers collègues, nous reprenons nos travaux. Avec cette seconde audition et celles qui se dérouleront la semaine prochaine, nous poursuivons nos échanges avec les administrations qui travaillent sur l'insertion sociale et professionnelle des personnes en situation de handicap.
Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir deux délégations, l'une du Comité interministériel du handicap (CIH) et l'autre de la Délégation nationale pour le handicap du ministère des armées.
Pour le CIH, nous recevons M. Étienne Petitmengin, secrétaire général, Mme Sophie Rattaire, coordinatrice interministérielle à l'accessibilité universelle et à l'inclusion et Mme Sophie Postollec, chargée des relations avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Présidé par le Premier ministre, le CIH a été créé en 2009 pour « définir, coordonner et évaluer les politiques conduites par l'État en direction des personnes handicapées. »
Pour la Délégation nationale pour le handicap du ministère des armées, nous recevons la déléguée nationale, Mme Martine Ricard, qui est accompagnée de M. Jérôme Cibadier, son adjoint technique.
Vous avez la parole pour les présentations d'usage, avant que Mme la Rapporteure ne vous pose ses premières questions.
Chargée de l'inclusion et de l'insertion des personnes en situation de handicap au sein du ministère, j'ai deux missions principales : le recrutement et le maintien en emploi.
Au sein du ministère, le réseau qui travaille sur ces deux thématiques s'organise entre une équipe parisienne et des équipes régionales. Au siège de Balard, dans le quinzième arrondissement de Paris, notre équipe est composée de cinq personnes : M. Cibadier et moi-même, une personne chargée des questions budgétaires, une assistante qui s'occupe de la facturation et une assistante un peu polyvalente, qui élabore notamment nos documents de présentation.
Cinq délégués régionaux sont implantés de manière à couvrir tout le territoire national : à Metz pour la région Nord-Est ; à Lyon pour la région Auvergne-Rhône-Alpes ; à Toulon pour le Sud-Est ; à Bordeaux pour le Sud-Ouest, de Biarritz jusqu'à Saintes ; à Rennes pour la Bretagne mais aussi les zones qui vont jusqu'à Évreux et Caen et qui descendent jusqu'à Bourges et Nantes. Une autre délégation, basée à Saint-Germain-en-Laye, couvre les départements et collectivités d'outre-mer (DOM-COM) et les hôpitaux d'instruction des armées (HIA). À Arcueil, sept personnes travaillent à l'insertion des personnes handicapées de l'administration centrale.
Nous disposons aussi de 115 relais handicap, implantés chez de grands employeurs tels que la Direction générale pour l'armement (DGA) mais aussi dans de plus petites structures et établissements publics, et répartis dans toute la France.
À la délégation nationale, nous élaborons la politique ministérielle du handicap, dans le respect des principes prônés par le Défenseur des droits sur l'aménagement raisonnable, l'inclusion et l'accessibilité universelle.
Je suis chargé d'apporter une expertise sur les infrastructures et l'accessibilité du cadre bâti, mais aussi sur l'aménagement de postes pour les personnes en situation de handicap. J'ai récemment réalisé une étude globale de rationalisation de la fonction technique, afin de rendre plus efficaces les aides humaines et techniques au plus près des agents.
Nous nous réjouissons de la mobilisation de l'Assemblée sur le handicap. Le CIH, présidé, vous l'avez dit, par le Premier ministre, réunit l'ensemble des ministres et secrétaires d'État concernés par le handicap, c'est-à-dire tous, ne serait-ce qu'au titre de l'obligation d'emploi et au titre de l'accessibilité des lieux publics ; au-delà, chaque ministère mène des politiques publiques destinées aux personnes handicapées.
Le secrétariat général du CIH comprend six personnes et organise son travail autour de quatre pôles, parmi lesquels l'autisme, dont on parle beaucoup et qui nous occupe énormément puisque le Président de la République et le Premier ministre vont annoncer, à la fin de la semaine, une stratégie en la matière. Sophie Postollec s'occupe du deuxième pôle et est chargée en particulier des relations avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), organisme comptant quelque 130 membres – personnes morales et physiques – qui représentent les syndicats, les associations qui concourent à la politique publique du handicap ; le CNPH est vraiment le lieu de la coconstruction de cette politique publique ; il comprend sept commissions dont l'une, pour ce qui nous concerne ce matin, est consacrée à l'emploi et une autre à l'accessibilité, chaque commission réunissant trente ou quarante personnes chaque mois. Un troisième pôle concerne l'accompagnement – il est intitulé : « Une réponse accompagnée pour tous » – : il s'agit de simplifier la vie des personnes en situation de handicap depuis l'accès à leurs droits jusqu'à la mise en œuvre de ces derniers ; une mission a été confiée, dans cette perspective, à Adrien Taquet sur la simplification administrative. Enfin, le quatrième et dernier pôle est l'accessibilité universelle et c'est Sophie Rattaire qui en est responsable.
Nous ne sommes pas une administration ordinaire, puisque notre objet est de faire travailler les autres, si je puis dire. Nous n'avons pas en propre la responsabilité de la mise en œuvre des politiques publiques, ce qui serait antinomique avec la volonté d'inclusivité exprimée par le Président de la République. La question du handicap n'est en effet pas une question à part, administrée par un secrétariat d'État fût-il placé auprès du Premier ministre. Nous évitons de faire converger vers nous toutes les responsabilités : chaque département ministériel doit prendre la sienne dans l'accueil, l'accompagnement et, si je puis m'exprimer ainsi, la facilitation de la vie des personnes fragiles parmi lesquelles les personnes handicapées.
J'ajoute pour finir que Mmes Postollec et Rattaire connaissent bien le Parlement pour y avoir travaillé pendant plusieurs années.
Le Président de la République a annoncé qu'il souhaitait faire du handicap l'une des priorités de son quinquennat. Quelles actions devraient, selon vous, être menées en premier lieu pour améliorer l'intégration civique des personnes en situation de handicap ?
Ensuite, quelles sont les filières professionnelles pour lesquelles vous recommanderiez tout particulièrement à l'Assemblée le recours à des entreprises du secteur adapté et protégé ?
Enfin, au sein d'une administration publique comme l'Assemblée, certains métiers vous paraissent-ils particulièrement convenir à l'emploi de personnels présentant des handicaps mentaux ?
Avez-vous constaté, à vos postes respectifs, un effort récent dans la communication des institutions publiques avec lesquelles vous travaillez au quotidien, notamment à destination des personnes qui souffrent d'un handicap sensoriel – surdité et cécité notamment ? Quelles adaptations recommanderiez-vous à l'Assemblé en la matière ? Enfin, votre administration a-t-elle déjà eu recours – j'imagine que oui – à des retranscriptions de documents dans une version facile à lire et à comprendre pour les personnes en situation de handicap mental ?
On se souvient que le candidat Emmanuel Macron, lors du débat de l'entre-deux tours de l'élection présidentielle, avait consacré sa « carte blanche » aux personnes en situation de handicap. On peut désormais évoquer cette priorité non plus au conditionnel mais bel et bien, au bout d'un an, en termes de mise en œuvre. Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, dès les mois de mai et juin 2017, a engagé le travail interministériel : un haut fonctionnaire a ainsi été nommé dans chaque administration pour relayer l'action gouvernementale ; au nombre de dix-sept, ces fonctionnaires se réunissent chaque mois.
Après le travail interministériel, l'éducation est notre seconde priorité. Dès la rentrée de 2017, nous nous sommes efforcés de faire en sorte que le plus d'enfants le souhaitant soient accompagnés.
L'emploi est la troisième priorité. Plusieurs réformes sont en cours, comme celle sur l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, qui fait actuellement l'objet de concertations.
Une dernière priorité de la feuille de route de Mme Cluzel est l'autisme.
Le 20 septembre dernier s'est réuni le premier comité interministériel du quinquennat, qui a fait l'objet d'un relevé de conclusions à partir duquel a été rédigée la feuille de route du Gouvernement sur la politique du handicap.
En ce qui concerne le handicap sensoriel évoqué par M. Juanico, il y a une volonté très forte du Président de la République, du Premier ministre et de la secrétaire d'État de faire changer le regard. On se rend compte, en effet, qu'à part l'autisme, les médias s'intéressent peu au handicap. Le comité interministériel du handicap a réuni une quinzaine de ministres pendant deux heures le 20 septembre dernier, je l'ai dit, or l'écho médiatique en a été quasi nul.
J'ajoute que le Gouvernement a la ferme volonté d'appliquer une disposition de la loi de 2005 qui prévoit l'organisation, tous les trois ans, d'une conférence nationale du handicap, laquelle doit donner lieu à la remise d'un rapport au Parlement, ce rapport devant lui-même faire l'objet d'un débat parlementaire. Or, si les rapports ont bien été rédigés et remis, ils semblent s'être perdus…
Le premier moyen d'améliorer l'intégration civique des personnes en situation de handicap est l'école. C'est là, en effet, que les enfants ont leurs premiers contacts avec l'éducation civique. Katalina Devandas-Aguilar, rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées, a souligné, lors de sa visite à Paris au mois d'octobre dernier, qu'elle était très satisfaite de cet enseignement destiné à sensibiliser les jeunes en situation de handicap. Les visites des écoles par les sénateurs et les députés participent de cette sensibilisation ; j'y ajouterai l'organisation du « parlement des enfants », même si j'ignore combien, parmi ces enfants, sont en situation de handicap et si je sais bien que ce n'est pas vous qui choisissez ces jeunes « députés » – mais peut-être pouvez-vous évoquer la question avec les enseignants.
Voilà qui me conduit à évoquer le vote. Il s'agit de sensibiliser les candidats aux élections elles-mêmes. Les élus doivent, pour leur part, visiter des établissements pour expliquer ce qu'il en est aux adultes. Il faudrait également simplifier la propagande électorale en fonction du principe « facile à lire et à compter » ; il faut pouvoir présenter des idées simples. Une expérimentation a été menée lors des dernières élections législatives sur les sites de quelque 5 000 candidats et mérite d'être développée. Il convient par ailleurs de sensibiliser les présidents des bureaux de vote : les dispositions réglementaires et législatives doivent être appliquées, car refuser, encore aujourd'hui, à des personnes en situation de handicap d'être accompagnées dans un isoloir n'est pas normal.
Enfin, une question touche beaucoup la secrétaire d'État : il faut reconnaître le droit de vote à l'ensemble des personnes en situation de handicap, même celles placées sous tutelle puisque, aux termes de la convention internationale des droits des personnes en situation de handicap, le droit de vote est partie intégrante de la citoyenneté et, à ce titre, on ne saurait le leur retirer.
Le CNCPH, M. Petitmengin l'a mentionné, est composé de différents collèges représentant l'ensemble des acteurs – syndicats et associations notamment – du monde du handicap et est associé, depuis plusieurs mois, aux différentes concertations comme celle concernant la réforme de la politique de l'emploi des personnes en situation de handicap. Ainsi l'apprentissage peut-il être pour elles un moyen d'accès à l'emploi.
Pour ce qui est de la communication des institutions publiques sur le handicap sensoriel, les associations manifestent leur volonté qu'il soit pris en compte. Les personnes sourdes souhaitent promouvoir la langue des signes française (LSF) sur internet : certaines vidéos, même si elles respectent les normes d'accessibilité, ne sont en effet pas forcément traduites en LSF. Je pense également aux documents en PDF, qui peuvent être sur un site internet accessible, mais dont les contenus – images, logos, schémas… – ne le sont pas – et toutes les personnes aveugles se retrouvent de ce fait exclues de l'information, ce qui en dit long, selon elles, sur la place que leur accorde la société.
Quand, au sein du CIH, nous organisons les réunions du CNCPH qui compte 130 personnes, nous pouvons également, malgré nous, ne pas être totalement accessibles. C'est le cas avec les boucles magnétiques : quand le système ne fonctionne pas correctement, les personnes mal entendantes sont exclues des débats. Et il faut également penser à bien placer les boucles au moment de l'accueil des participants.
Je pourrai, si vous le souhaitez, vous communiquer les rapports réalisés par le CNCPH sur l'accueil des apprentis en situation de handicap et sur la désinsertion professionnelle que peuvent subir les personnes en situation de handicap.
Vous nous demandez ce qu'il conviendrait, selon nous, d'améliorer en priorité. Au ministère des armées, cela se restreint au domaine de l'accès à l'emploi et à un poste de travail pour les agents que nous recrutons ou pour ceux de nos agents qui deviennent handicapés après avoir été blessés quand il s'agit de militaires, ou après un accident de la vie quand il s'agit de civils. Nous avons remarqué qu'il y avait deux grandes barrières : celle de l'accessibilité qui, de manière générale, est relativement physique, et celle de la communication avec les autres, notamment pour les personnes en situation de handicap auditif, de parole ou une ayant une forme d'autisme.
Comme beaucoup d'administrations, nous rencontrons des problèmes en matière d'accessibilité du cadre bâti, parce que le patrimoine immobilier est ancien. Réaliser des travaux nécessite beaucoup de moyens, tant techniques que financiers. Nous essayons au maximum de les réaliser ou de trouver des mesures compensatoires, tout en conservant bien entendu la qualité d'usage pour les personnes en situation de handicap.
Quant à la question des barrières liées à la communication, elle rejoint celle que vous avez posée sur les personnes en situation de handicap auditif. Depuis six ans, nous avons un marché qui nous permet de leur fournir une prestation de téléphonie adaptée, qui représente la partie la plus importante de leurs difficultés de communication avec les autres. Depuis six ans également, nous avons un autre marché à destination des personnes en situation de handicap visuel. Il s'agit de tout un panel d'aides techniques et d'aides humaines en direction des malvoyants, des non-voyants, et de ceux qui lisent le braille ; en résumé, des aides qui s'adaptent vraiment à la pathologie. Nous leur permettons de suivre des stages afin d'améliorer leurs capacités d'utilisation et de communication avec les autres.
Selon moi, les grandes barrières restent l'accessibilité, qui est l'un des cinq thèmes prioritaires de la stratégie du Conseil de l'Europe 2017-2023. Les autres thèmes sont l'égalité et la non-discrimination, (le ministère des armées étant rarement touché par ce genre de problème), la sensibilisation (qui est très importante et doit commencer très tôt par l'école, avant de se poursuivre dans le monde du travail), la reconnaissance de la personnalité juridique et, enfin, le droit à ne pas être soumis à l'exploitation, à la violence et la maltraitance – qui n'est pas non plus un problème dans notre ministère. L'accessibilité reste donc le problème majeur. Et quand on parle d'accessibilité, bien souvent tout le monde ne pense qu'au fauteuil roulant. Quand on construit des bâtiments neufs, le problème que nous rencontrons, c'est que les associations ne traitent que d'un seul handicap. Nous manquons de personnels ayant une connaissance globale du handicap. Quand vous parlez par exemple de sécurité incendie, vous ne vous adressez pas à un grand brûlé, mais à un pompier professionnel qui connaît toutes les situations de feu. Dans le monde du handicap, il faut malheureusement réussir à collecter les informations d'une quinzaine d'associations au minimum avant de parvenir à un résultat probant, sachant que, parfois, certains aménagements techniques d'accessibilité pour les uns risquent de pénaliser les autres. Ce qui manque en France à l'heure actuelle, c'est une formation au polyhandicap. Je me rends compte que j'ai cette formation, parce que j'ai appris sur le tas, mais je suis aussi le seul au ministère des armées à avoir cette formation et j'ai très peu d'homologues d'un point de vue technique. Il faudrait travailler en amont avec les écoles qui permettent de former les bâtisseurs, les concepteurs. En la matière, une directive du Conseil de l'Europe de 2001 n'a jamais été vraiment appliquée en France, c'est-à-dire que la notion de conception universelle n'a jamais été mise en place dans toutes les formations de bâtisseurs, permettant d'avoir des produits conçus pour le plus grand nombre, quels que soient le genre, la taille, les autres caractéristiques physiques, le handicap et les capacités culturelles.
Comme nous devons rendre notre copie à la fin du mois de mai, il serait souhaitable que vous nous transmettiez assez rapidement vos documents afin que nous puissions les analyser et les annexer à notre rapport.
Quels sont les obstacles les plus fréquents rencontrés par les personnes en situation de handicap sur le lieu de travail ? Les administrations publiques éprouvent-elles plus de difficulté que les entreprises à proposer des emplois aux personnes en situation de handicap ? Si oui, pour quelle raison ? Pour notre part, nous avons remarqué qu'il était plus difficile aux administrations qu'aux entreprises de proposer des postes.
Quels aménagements des conditions de travail des personnes en situation de handicap suggéreriez-vous de mettre en œuvre à l'Assemblée nationale ? Comment accompagner au mieux les personnes en situation de handicap au quotidien ?
Tout à l'heure, vous nous avez demandé quels métiers paraissent particulièrement convenir à l'emploi de personnes présentant des handicaps au sein d'une administration comme l'Assemblée nationale. Il est très difficile de vous répondre, tant le spectre du handicap est large. Il y a beaucoup de différences entre un handicap sensoriel, un handicap physique et une difficulté intellectuelle.
Dans les collectivités territoriales, les administrations, les tâches de numérisation sont souvent confiées à des personnes en situation de handicap.
Vous nous demandez si les entreprises éprouvent plus de difficultés que les entreprises à proposer des emplois aux personnes en situation de handicap. Le taux d'emploi des personnes handicapées n'est globalement pas moins bon dans les administrations, même si certaines sont plus en avance que les autres. C'est davantage une question de volonté politique que de frein objectif à la question de l'emploi des personnes en situation de handicap.
Nous réfléchissons actuellement à la façon dont on pourrait « doper » l'emploi des personnes en situation de handicap, de façon que cela ne soit plus une obligation mais une opportunité. Nous tenons beaucoup à ce que les personnes handicapées ne soient pas considérées comme des fardeaux, des personnes qu'il faut accompagner, qui coûtent cher, mais comme des ressources. Récemment, on a évoqué la capacité des autistes Asperger en matière de lecture de plans satellites. Il paraît qu'ils sont très doués pour cela. C'est un exemple assez emblématique de ressources portées par les personnes handicapées.
Je vous signale que le 26 avril aura lieu, à l'initiative du secrétariat d'État chargé des personnes handicapées, le duoday. C'est un dispositif qui consiste à ce qu'une personne valide soit accompagnée pendant une journée par une personne en situation de handicap. J'espère que l'Assemblée nationale pourra s'associer à cette initiative.
Certains députés m'ont dit qu'ils allaient prendre une personne dans leur circonscription.
Je peux répondre très précisément à votre question relative aux ressources à mettre en place à l'Assemblée nationale puisque cela correspond à l'étude que j'ai menée l'année dernière. Je me suis appuyé sur les textes internationaux, notamment ceux de l'Organisation des Nations unies (ONU), et je me suis rendu au Haut-commissariat des droits de l'Homme au mois d'octobre. Un document de l'Organisation internationale du travail (OIT) permet d'expliquer quels sont, d'un point de vue opérationnel, les moyens à mettre en place pour avoir une mission handicap efficiente dans une structure. Cela nécessite de connaître un certain nombre de paramètres et de faire une sorte d'audit pour savoir comment se passe le recrutement, la gestion des personnels au sein de l'entité, quelle est la nature des bâtiments, la nature de la culture d'aménagement de poste et d'aménagement raisonnable au sein de l'entité. Avant de pouvoir donner une réponse, il conviendrait d'effectuer un audit rapide du fonctionnement global de l'entité de l'Assemblée nationale. Mais c'est quelque chose qui est tout à fait faisable et dans un bref délai. Il faut partir sur des informations relativement générales dont pourrait découler une proposition d'organisation opérationnelle.
Quels sont, selon vous, les procédés à mettre en œuvre pour favoriser concrètement l'accessibilité numérique du site internet d'une institution publique comme l'Assemblée nationale ? Qu'est-ce qu'un site internet accessible ?
Les obligations d'accessibilité des sites en ligne résultent de l'article 47 de la loi du 11 février 2005. Un décret de 2009 pris en application de cet article crée un référentiel d'accessibilité. Un site accessible est un site qui répond au référentiel général d'accessibilité pour les administrations (RGAA). Une version 3.0 est en train de sortir. Cette loi a été complétée par l'article 106 de la loi pour une République numérique, qui rend obligatoire la publication d'un schéma pluriannuel de mise en accessibilité décliné en plans d'actions. Ce schéma est d'une durée de trois ans.
Très concrètement, la page d'accueil doit faire apparaître l'indication de conformité et doit renvoyer à un lien qui permet aux personnes en situation de handicap de pouvoir signaler toutes les difficultés qu'elles rencontrent par rapport à l'accessibilité du site.
Enfin, une directive européenne publiée en 2016 relative à l'accès des sites internet, qui concerne également les applications mobiles, n'a pas encore été transposée par la France, mais doit entrer en application le 23 septembre 2018.
Concrètement, quels outils sont mis en place vis-à-vis de ces obligations ? La direction interministérielle du numérique et du service d'information et de communication de l'État (DINSIC) est en train de mettre en place son site. Elle donne des éléments pour rendre un site accessible avec des bonnes pratiques, une méthodologie. Vous pourrez en prendre connaissance dès qu'il sera en ligne. Le RGAA ne suffit pas lui-même. Il répond aux obligations de mise en accessibilité pour les personnes déficientes visuelles. Il existe de nombreuses autres déficiences, comme la maladie de Parkinson, la dyslexie, le daltonisme, etc. Des applications permettent de répondre à tous ces besoins. C'est le cas de FACIL'iti qui est utilisée par la SNCF et par de grands groupes. La personne en situation de handicap remplit son profil et le site se transforme automatiquement pour lui permettre de naviguer sur le site.
Le ministère des armées a rendu son site accessible. Force est de constater que lorsque l'on part d'un site existant pour le rendre accessible, on aboutit à une succession de couches informatiques qui bien souvent le ralentissent et le rendent inopérant. Il faut donc partir du principe qu'une refonte complète du site est nécessaire pour s'adapter à l'ensemble des handicaps. En matière informatique, il est très compliqué de mettre des emplâtres sur des jambes de bois.
En fait, cela entraîne des coûts conséquents. Certaines administrations ont repéré quelles parties de leur site étaient les plus visitées, ce qui leur a permis de faire des choix stratégiques. Par exemple, Météo France a ciblé trois rubriques qu'elle a mises en accessibilité avant de rendre la totalité de son site accessible.
Ce qui nous anime, au ministère des armées, ce sont les compétences. On ne recrute quelqu'un que parce qu'il a des compétences, qu'il répond à une fiche de poste déjà rédigée qui elle-même correspond à un emploi vacant. Nous ne faisons ni de la discrimination positive ni de la discrimination négative vis-à-vis des handicapés. Pour l'Assemblée nationale, je pense que ce serait la même chose : il faudrait identifier les postes, élaborer une grille de compétences qui serait publiée sur la bourse interministérielle de l'emploi public (BIEP). À ce moment-là, vous aurez des candidats. Et c'est à partir de là que vous aménagez le poste. Pour notre part, nous mettons en concurrence les personnes en situation de handicap devant un jury de trois ou quatre personnes dont le chef d'établissement, et nous leur demandons ce qu'elles feraient dans telle situation. Puis nous leur demandons si le handicap dont elles sont porteuses – sans toutefois savoir de quel handicap il s'agit car c'est discriminatoire – nécessite un aménagement. Une fois la personne recrutée, nous mettons tout en œuvre pour que ses conditions de vie au travail soient les meilleures possibles.
Mesdames, messieurs, je vous remercie pour ces informations qui vont nous aider à établir notre rapport. Tous les documents sont les bienvenus. Ils nous permettront de rédiger un rapport le plus exhaustif possible.
La réunion s'achève à dix heures cinquante.
Membres présents ou excusés
Groupe de travail sur les conditions de travail à l'Assemblée nationale et le statut des collaborateurs parlementaires
Réunion du mardi 3 avril 2018 à 8 h 50
Présents. – M. Régis Juanico, M. Michel Larive, M. Gilles Lurton, Mme Jacqueline Maquet, M. Jean‑Paul Mattei, Mme Nicole Trisse
Excusés. – M. Jean-Charles Taugourdeau