La réunion débute à 14 heures 05.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente
La Commission examine, en nouvelle lecture, le projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire (n° 3818) (M. Jean Pierre Pont, rapporteur)
Mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire qui sera examiné demain en séance publique, la commission mixte paritaire, qui a eu lieu dans cette salle jeudi avec nos collègues sénateurs, ayant malheureusement échoué malgré nos efforts répétés.
L'évolution de la situation sanitaire est de plus en plus incertaine depuis l'examen en première lecture du présent projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire. Vendredi soir, cette évolution a conduit le Gouvernement à prendre des mesures plus strictes visant à tenter d'éviter un nouveau confinement national de la population, en total accord avec le Président de la République.
Auparavant, la commission mixte paritaire, réunie à l'Assemblée nationale avait acté la convergence de nos deux assemblées sur la nécessité de donner au Gouvernement les marges de manœuvre indispensables pour faire face à une situation désormais critique, sans toutefois s'accorder sur l'ensemble des dispositions restant en discussion.
Dans ce contexte grave, et alors que les personnels soignants ont besoin d'un soutien total, tout doit être mis en œuvre pour améliorer rapidement la situation sanitaire, limiter le nombre de décès et sortir au plus vite de cette crise, dans les prochains jours et les prochains mois, sous le contrôle du Parlement, comme cela a toujours été le cas jusqu'à présent.
Avec la présidente de la commission et la majorité de l'Assemblée nationale, nous avons abordé cette commission mixte paritaire avec la volonté d'aboutir à l'accord qu'exige la situation. Je le dis avec beaucoup d'honnêteté, avec la présidente, nous nous sommes personnellement beaucoup impliqués pour nous donner toutes les chances de réussir.
La suppression de l'article 3, actée dès l'examen en première lecture du projet de loi, avait jeté les bases favorables d'un accord. Des propositions complémentaires ont été formulées pour poursuivre le rapprochement avec le Sénat, comme la possibilité d'un contrôle des mesures de confinement et de couvre-feu par l'instauration d'un débat sur la nécessité de leur prorogation après six semaines de mise en œuvre. Nous étions prêts à discuter de ses modalités. Cet egangement, inédit et formel, que l'exécutif était prêt à prendre, se serait ajouté à la déclaration et au débat, eux aussi suivis d'un vote, promis par le Premier ministre en amont d'un éventuel nouveau confinement.
Je regrette vivement que cette proposition de compromis n'ait pas été retenue et que la commission mixte paritaire ait échoué sur un dispositif proposé par le Sénat, qui visait à imposer le vote d'une loi dans un délai de quatre semaines. Cette mesure irréaliste, et inapplicable tant elle était contraignante, ne permettait pas, en effet, de disposer d'éléments nouveaux sur lesquels nous prononcer de manière sérieuse quant à la poursuite d'un éventuel confinement. Elle affectait la capacité de l'exécutif à agir avec réactivité face à l'évolution constante de l'épidémie.
Forts du travail de fond que nous avons engagé sur ce texte dès son dépôt, je vous propose donc de revenir à la rédaction équilibrée adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, qui, je le sais, en tant que rapporteur et en tant que médecin, permettra de poursuivre efficacement notre lutte.
Nous nous retrouvons suite à l'échec de la commission mixte paritaire. Nous le regrettons car des efforts importants avaient été réalisés afin de trouver un accord – et il paraissait si proche… Je salue à mon tour l'engagement de la présidente de la commission des Lois et du rapporteur. Jusqu'au bout, ils ont œuvré pour trouver cet accord.
La commission mixte paritaire a permis d'acter certains points de convergence : nous partageons le même constat, celui de la gravité de la situation actuelle et de la nécessité de proroger le régime de l'état d'urgence sanitaire, afin de permettre au Gouvernement de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour protéger la santé et la vie de nos concitoyens, ainsi que des personnels de santé.
Mais nous avons échoué à nous mettre d'accord sur les modalités de contrôle du Parlement en cas de confinement, et nous le regrettons. La proposition me semblait sincère et honnête puisqu'il s'agissait de déclencher l'article 50-1 de la Constitution, avec vote à l'issue du débat, si le confinement durait six semaines. Le Gouvernement s'y était engagé. La proposition a été refusée ; nous en prenons acte.
Pour conclure, le groupe La République en Marche est favorable à la prorogation de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 1er juin 2021.
Nous regrettons également que la commission mixte paritaire n'ait pu aboutir, car des efforts très importants ont été consentis au début de la commission mixte paritaire par nos collègues sénateurs. Mais lorsque nous avons voulu négocier, nous nous sommes malheureusement heurtés à un mur…
Il ne fallait pas, et il ne faut pas, se focaliser uniquement sur le confinement – et son éventuelle prolongation au-delà de six semaines. Son hypothèse, largement évoquée jeudi, a sans doute contribué à la crispation des débats lors de la commission mixte paritaire. Il a été acté qu'il interviendrait à l'issue du débat et du vote prévus par l'article 50-1 de la Constitution. Mais, dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, le contrôle parlementaire est d'un tout autre ordre : il faut que nous disposions de réponses quand nous posons des questions à l'exécutif – et c'est le cas de façon beaucoup plus claire depuis quelques semaines. Le groupe du Mouvement Démocrate (MoDem) et Démoctates apparentés est également attaché à ce que toutes les décisions de l'exécutif qui relèvent du pouvoir législatif puissent être débattues au Parlement le plus rapidement possible. Je pense notamment aux ordonnances : dès leur publication, elles doivent être déposées sur le bureau de l'Assemblée et ratifiées par les parlementaires dans le cadre de leur mission de contrôle.
Le groupe MoDem et Démocrates apparentés reste sur sa position de première lecture et votera le texte dans sa version issue des débats à l'Assemblée nationale en première lecture.
À mon tour, je regrette l'échec de la commission mixte paritaire – j'y reviendrai.
Mais, alors que l'on parle beaucoup de contrôle parlementaire, qu'on s'en gargarise, la majorité décide de supprimer la commission d'enquête créée il y a quelques mois pour évaluer l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de covid-19. C'est un très mauvais signal : le Parlement serait au cœur du dispositif, mais la majorité vote la fin des travaux de cette commission d'enquête, ce qui a, à juste titre, fait réagir les oppositions.
On ne peut tenir deux discours : le Parlement serait le lieu de la concertation, du contrôle et de l'évaluation, mais on supprime les organes de contrôle de la crise ! Je tiens à prendre la commission à témoin de cette forme de schizophrénie !
J'en viens au projet de loi. La commission mixte paritaire a échoué, jeudi, dans un contexte très particulier – notre collègue Latombe l'a souligné. Cela faisait une dizaine de jours que les membres du Gouvernement préparaient les esprits à un nouveau confinement. Quelques heures encore avant que le deus ex machina n'apparaisse sur les écrans de télévision, le porte-parole du Gouvernement assurait à nos concitoyens qu'il y aurait un nouveau confinement très strict. Tout cela a pesé sur les débats de la commission mixte paritaire. Comment aurait-il pu en être autrement ? Voyez comment l'on considère le Parlement en ce moment : on nous malmène, on nous considère comme des pantins, on supprime les organes d'expression dont nous disposions grâce à la commission d'enquête, on présente certaines décisions comme inévitables compte tenu du contexte, puis, le lendemain, on change d'avis ! Il a même été question de nous réunir ce mardi pour une déclaration du Gouvernement suivie d'un vote, ce qui aurait amené à décaler l'examen de ce texte.
Je rends néanmoins hommage à la présidente de notre commission, qui a eu la bonne idée de décaler cette réunion, qui devait initialement se tenir quelques heures seulement après la commission mixte paritaire, afin de nous laisser le temps de travailler sur le texte et de déposer des amendements.
Tout cela montre bien la difficulté de banaliser l'état d'urgence sanitaire. Le Gouvernement déclare la main sur le cœur qu'il réunit le Parlement, mais il le fait contraint et forcé, en même temps que la majorité vote la suppression de la commission d'enquête. Quand comprendra-t-on que le cœur battant de la démocratie, c'est le Parlement ? Si je ne conteste pas que le Gouvernement doit pouvoir décider et qu'il tient ses pouvoirs de la Constitution, le bon fonctionnement de notre démocratie implique que l'on tienne compte des territoires et des institutions, à commencer par le Parlement. Il doit y avoir des clauses de revoyure ; il doit y avoir débat.
Voilà pourquoi le groupe Les Républicains ne pourra, pas plus que la fois précédente, apporter son soutien à ce mode de gestion de la crise. Tant que le Gouvernement jouera au yoyo, sans fixer de ligne directrice stable, nous resterons à l'écart, au lieu d'agir ensemble, dans l'intérêt collectif.
Je précise – mais vous le savez parfaitement, Monsieur Gosselin – que notre démocratie est régie notamment par l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, dont l'article 6, cinquième alinéa indique que les commissions d'enquête ont un caractère temporaire et que leur mission prend fin par le dépôt de leur rapport – or le rapport de la commission d'enquête relative à l'épidémie de covid-19 a été déposé le 8 décembre 2020 – et, au plus tard, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de l'adoption de la résolution qui les a créées. Ce n'est donc pas la majorité qui a décidé de supprimer la commission d'enquête, c'est l'ordonnance de 1958 qui en avait prévu la fin – et je vous sais suffisamment attaché à nos institutions pour espérer que vous saurez le respecter.
Mais il n'y avait pas urgence, madame la présidente – d'autant que nous étions à la veille d'un nouveau confinement annoncé. Dans ce climat d'incertitude et de prises de paroles anxiogènes, il n'y avait aucune nécessité à envoyer un tel signal. L'ordonnance prévoit un délai maximum de six mois, ce qui laissait jusqu'au 8 juin.
L'état d'urgence sanitaire a été déclaré de nouveau par décret du 14 octobre 2020. Une telle procédure ne peut valoir que pour une période courte ; au-delà, le recours à la loi s'impose.
Jeudi dernier, le Sénat et l'Assemblée nationale n'ont pas réussi à surmonter leurs points de désaccord, à savoir les échéances et les pouvoirs de contrôle du Parlement. Sur ce dernier point, nous avons été nombreux à souligner la nécessité d'un contrôle parlementaire strict. Plusieurs d'entre nous ont ainsi proposé non seulement de fixer une durée maximale pour la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, mais aussi de renforcer les conditions de majorité dans ce cas de figure. Nous souhaiterions qu'un débat parlementaire soit organisé pour chaque nouvelle prolongation et pour toute mesure générale prise suite à une évolution notable des données médicales et scientifiques, ce qui suppose qu'une expertise publique, collégiale, transparente et contradictoire soit au cœur de la décision.
La commission mixte paritaire a constaté un désaccord sur l'exercice du contrôle du Gouvernement par le Parlement. Ce qui est en cause, ce n'est pas le périmètre respectif de chacun des organes, ce sont l'équilibre des pouvoirs, l'encadrement des mesures de limitation des libertés et l'élaboration et l'application des dispositions jugées nécessaires. Les amendements que le groupe Socialistes et apparentés a déposé ayant été jugés recevables, leur adoption permettrait peut-être d'aller un peu plus loin dans cette voie.
Je tiens à remercier notre présidente pour le débat contradictoire qu'elle favorise au sein de la commission.
(Sourires.)
J'insiste, madame la présidente. Nous vivons des moments difficiles. Si nous ne sommes pas d'accord sur tout, nous sommes néanmoins des hommes et des femmes responsables. Que nous essayions de trouver des solutions sans donner de leçon à qui que ce soit, ça grandit notre commission et le Parlement. Notre souhait est précisément d'aboutir à un travail mieux coordonné avec le Gouvernement, afin que les décisions ne proviennent pas uniquement de l'exécutif. Le Parlement a son mot à dire, et il est parfois nécessaire de passer par un vote.
C'est pourquoi j'essaie dans la mesure du possible d'aboutir à un accord en commission mixte paritaire : je pense que cela ne peut qu'enrichir le Parlement et aller dans le sens de l'intérêt collectif. Quoi qu'il en soit, merci à tous deux pour vos propos, qui me touchent beaucoup.
La commission passe à l'examen des articles du projet de loi.
Article 1er
La commission adopte l'amendement CL13 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 1er modifié.
Article 2
La commission est saisie des amendements identiques CL14 du rapporteur et CL12 de M. Guillaume Gouffier-Cha.
Il s'agit de rétablir au 1er juin 2021 la date du terme de l'état d'urgence sanitaire, que le Sénat a fixée au 3 mai.
Je précise que nous serions amenés à nous revoir avant le 1er juin s'il fallait proroger cet état d'urgence sanitaire ou mettre en place un dispositif transitoire, dans la mesure où nous avons décidé en première lecture de supprimer l'article 3.
M. Gouffier-Cha prend trop de précautions : dans tous les cas, nous devrons adopter un nouveau texte qui servira de fondement à un certain nombre de décisions – c'est le principe même de la légalité.
Je ne suis pas monté au créneau dès l'article 1er, mais ma remarque vaut pour les deux premiers articles : nous voyons bien que la majorité entend revenir au texte voté par l'Assemblée nationale en en évacuant les ajouts intéressants que le Sénat y avait apportés. Deux amendements adoptés par le Sénat sont notamment issus du rapport d'information sur le régime juridique de l'état d'urgence sanitaire que Sacha Houlié et moi avons rédigé : ils avaient réussi à passer sous les fourches caudines de la recevabilité et étaient forts utiles, mais M. le rapporteur vient de vous proposer de supprimer ces dispositions. Je comprends que les deux assemblées puissent être en désaccord, notamment parce que les majorités y sont différentes, mais sur un tel sujet, il est dommage de passer par pertes et profits les échanges intéressants et fructueux qui ont eu lieu au Sénat. Il est, paraît-il, possible de former des vœux jusqu'à la Chandeleur, donc jusqu'à demain : je souhaite donc que nous développions les passerelles entre les deux chambres. Je regrette que nous rétablissions le texte voté par l'Assemblée nationale en première lecture, sans faire preuve d'ouverture.
Je ne vous surprendrai pas en vous annonçant que le groupe Les Républicains ne votera pas ces deux amendements identiques.
Je partage le regret exprimé par M. Gosselin. Pour avoir participé à la commission mixte paritaire, je peux attester que nous n'étions pas très loin d'un accord – s'agissant de la date de fin de l'état d'urgence sanitaire, par exemple, nous aurions coupé la poire en deux. Si la commission mixte paritaire a échoué, c'est parce que le Sénat demandait qu'un éventuel confinement ne puisse être prolongé au-delà d'un mois sans être autorisé par la loi. Nous ne pouvions l'accepter.
Nous avons discuté d'une première prorogation de l'état d'urgence sanitaire en novembre dernier et avons commencé l'examen du présent projet de loi fin janvier, soit un peu plus de deux mois plus tard. Le rythme des débats relatifs à la prorogation de l'état d'urgence sanitaire me semble donc suffisamment soutenu. S'il fallait prendre de nouvelles mesures et proroger encore cet état d'urgence sanitaire, nous devrions en débattre bien avant le 1er juin et nous nous retrouverions certainement de nouveau dans deux mois et demi. La date du 3 mai paraît donc beaucoup trop précoce, tandis que celle du 1er juin nous permettra de débattre d'une éventuelle prorogation supplémentaire en temps et en heure.
Très clairement, la date du 3 mai est trop précoce car les choses évoluent tous les jours ou tous les deux jours, notamment en matière de vaccination. Nous ne savons pas encore quand les laboratoires nous livreront les doses. Nous nous demandons toujours quel vaccin recevra quel type d'agrément, pour quel type de population. Nous avons besoin d'avoir un recul suffisant. Nous avions fait un effort, en commission mixte paritaire, en acceptant un compromis sur le 16 mai, qui n'était pourtant pas la date la plus adéquate compte tenu de certaines contraintes de calendrier – l'échéance intervenait après deux semaines d'interruption des travaux et une semaine de contrôle. Le 1er juin est une bonne date, qui nous laissera le temps de dresser un bilan des mesures prises jusque-là avant d'envisager la suite de façon sereine. Les débats contradictoires, que vous appelez de vos vœux, monsieur Gosselin, nécessitent des informations transparentes. Le rétablissement de la date du 1er juin, initialement votée par l'Assemblée nationale, ne traduit pas une volonté d'aller contre le Sénat, mais une volonté d'avancer dans la transparence, dans le cadre de débats sincères et contradictoires.
Je suis heureux d'entendre mes deux collègues regretter, d'une certaine façon, que nous n'ayons pas pu trouver un équilibre un peu différent en commission mixte paritaire jeudi dernier. Je leur en donne volontiers acte.
M. Rupin fait valoir que nous nous retrouvons régulièrement. Effectivement, nous avons débattu d'une première prorogation de l'état d'urgence sanitaire en novembre, et nous nous retrouvons maintenant par la force des choses, parce que le projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires, présenté en conseil des ministres le 21 décembre, a été retiré de l'ordre du jour de notre assemblée le lendemain. De fait, nous nous retrouvons bien, d'une façon ou d'une autre, tous les deux mois ou tous les deux mois et demi. Pourquoi attendre, pour organiser ces débats, d'y être contraints et forcés ? Nous demandons que le Parlement soit clairement placé en position de débattre et de faire des propositions. Nous ressentons une forme d'exaspération et de ras-le-bol face au non-respect de nos pouvoirs collectifs – je ne parle pas de ceux de l'opposition.
Il y a quinze jours, le ministre des solidarités et de la santé a déclaré que ce projet de loi était un texte technique, d'ordre calendaire. Je proteste : la prorogation d'un état d'urgence n'est jamais un texte technique et calendaire. Nous sommes certes peu nombreux aujourd'hui, mais nous nous apprêtons à proroger un régime d'exception, qui crée du droit exorbitant du droit commun. Gardons bien cela en tête, car à force de nous retrouver, nous pouvons banaliser nos propos. Au sein de cette commission, nous nous respectons – même si le ton monte parfois, nous ne sommes pas anti-républicains ni opposés au principe de légalité –, mais rappelons-nous bien que le droit que nous créons ou prorogeons en ce moment est celui d'un état d'exception.
Nous avons pesé de tout notre poids pour que la commission mixte paritaire aboutisse. Au-delà de la date du 16 mai, qui a effectivement été évoquée, nous avons également mis sur la table la saisine du Conseil scientifique par les présidents des deux chambres.
La commission adopte ces amendements.
La commission examine l'amendement CL19 du rapporteur.
Je ne voterai pas l'amendement. Au-delà du désaccord sur la date, que Philippe Gosselin a évoqué, le texte du Sénat offrait au Parlement une possibilité de se positionner. C'était l'objet de la proposition faite lors de la commission mixte paritaire ainsi que de l'amendement du groupe Socialistes et apparentés, qui prévoyait que le Parlement se positionne par un vote, par exemple, sur la prorogation d'un confinement. Nous avons déjà montré que nous pouvons nous réunir rapidement.
Ces dispositions seront supprimées avec l'adoption de l'amendement du rapporteur, qui rétablit le texte initial de l'Assemblée, sans tenir compte des débats qui se sont tenus ni d'un éventuel nouveau confinement, lequel sera décidé sans que le Parlement ne puisse se positionner sur sa prorogation. Lorsqu'un confinement est décidé, le Parlement doit pouvoir se réunir pour un débat, engagé par le Premier ministre, pour ensuite se positionner par un vote. Une telle mesure, où chacun se positionne, est responsable. Je regrette que le rétablissement du texte de l'Assemblée ne prenne pas en compte ces avancées, qui ont été proposées par le Sénat en première lecture, et lors de la commission mixte paritaire.
Ce n'est pas le Sénat qui a proposé un débat du Parlement : il a refusé cette proposition faite par la majorité et le Gouvernement.
En effet, et certains l'ont également repris en commission mixte paritaire, mais c'est bien le Sénat qui a refusé le débat dans le cadre de l'article 50-1 de la Constitution. Il tenait à une loi, non à un débat.
D'une part nous ne pouvons pas l'inscrire dans la loi ; d'autre part, nous avions entamé une négociation en commission mixte paritaire où, vous le savez, chacun doit faire un pas vers l'autre. Philippe Gosselin l'a relevé, il est plutôt coutumier de revenir au texte initial, si la négociation échoue.
La commission mixte paritaire a en effet discuté d'un débat en application de l'article 50-1, suivi d'un vote. L'exécutif s'est engagé pour qu'un tel débat, avec vote, ait lieu quoi qu'il arrive, s'il décidait d'un confinement. Il l'a dit à l'ensemble des groupes politiques lors des réunions de la semaine dernière. Le confinement n'a pas été décidé, mais cet engagement est encore valable. Si une telle décision était prise, un débat dans les conditions prévues par l'article 50-1 de la Constitution, suivi d'un vote, aurait lieu. Il y a donc eu une avancée très significative de l'exécutif vers le Parlement sur ce sujet. L'ensemble des parlementaires l'avait d'ailleurs demandée.
En commission mixte paritaire, la négociation a porté sur la prorogation éventuelle d'un éventuel confinement. Nous n'en sommes pas là. La mesure, globale, doit comprendre des précisions sur sa date et sa forme. Le Parlement ne peut pas faire d'injonction au Gouvernement sur ce sujet. On ne peut donc pas inscrire dans la loi que l'on demande à l'exécutif d'organiser un débat en application de l'article 50-1 avec vote : cela n'est pas constitutionnel.
Une loi pour proroger un tel dispositif, qui est à la main du Gouvernement, paraît complexe et ne semblait pas être la solution adéquate. Étant donné l'engagement du Gouvernement sur un débat selon les modalités de l'article 50-1, avec vote, le Parlement sera consulté préalablement à tout confinement, quoi qu'on en dise.
À défaut d'injonction du Parlement, ce que, fort heureusement sans doute, la Constitution interdit – les institutions de la Ve République ne sont pas mal faites et je ne les jetterai pas avec l'eau du bain –, le Gouvernement avance sous la pression des événements. Il faut sans cesse que le Parlement, qui représente l'ensemble de nos concitoyens, arrache une petite mesure ou demande l'aumône d'un pouvoir supplémentaire. Philippe Latombe l'a dit à juste titre, nous aurons le débat fondé sur l'article 50-1 avec un vote, le cas échéant. Oui, mais il a fallu batailler pour arriver à cela.
Je regrette qu'il faille ainsi batailler, simplement pour permettre la reconnaissance des droits élémentaires du Parlement. Nous ne sommes pas dans une période de pouvoir ordinaire. Les institutions de la Ve République sont sans doute faites pour résister aux tempêtes – c'est ce qu'a permis l'application de l'article 16. Nous avons aussi des textes antérieurs, comme la loi de 1955 relative à l'état d'urgence. Il faut s'armer, je ne dis pas le contraire, mais pourquoi faut-il, à chaque fois, et depuis des mois, piailler, demander l'aumône de la reconnaissance des pouvoirs du Parlement. C'est usant, mais, comme vous pouvez le constater, nous ne lâchons rien, et nous n'avons pas l'intention de lâcher sur ce point.
Le confinement n'est pas l'élément le plus simple de l'état d'urgence sanitaire, puisqu'il s'agit d'une privation de liberté, d'une atteinte à des droits importants, comme la liberté de circulation, du travail ou d'entreprendre. Cela nécessite des contrôles particuliers. Alors que l'on avait un peu avancé, je regrette que l'on reparte en arrière, même si, effectivement, la tradition – elle n'a pas toujours du bon, Madame la présidente – veut que l'on revienne au texte initial. Ce n'est évidemment pas la première fois. Nous aurions pu être un peu plus « nouveau monde » qu'« ancien monde » cette fois-ci.
Je veux revenir sur la disposition imposant le vote d'une loi de prorogation du confinement au bout d'un mois. Certes, nous pouvons travailler très vite – nous l'avons montré.
Pourtant, si un mois de confinement était décidé le 1er février, nous devrions nous réunir à partir du 15 février. Aurions-nous alors les éléments suffisants pour prendre une décision ? Je ne le crois pas.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'amendement CL18 tombe.
Puis la commission adopte l'article 2 modifié.
L'article 3 a été supprimé par l'Assemblée nationale en première lecture. Le Sénat en a maintenu la suppression.
Le texte ne nous donne pas satisfaction sur l'ensemble, mais, sur ce point, les demandes répétées de l'opposition ont été entendues par la majorité. Il est bon que cette période floue, qui, selon la décision du Conseil constitutionnel du 9 juillet 2020, relève de l'état d'urgence sanitaire ait été supprimée. On peut au moins reconnaître cette petite avancée.
La majorité a décidé de supprimer l'article 3 dans l'espoir de trouver un accord avec le Sénat et que les groupes d'opposition, à l'Assemblée nationale, se rapprochent d'elle.
Je trouve dommage que, malgré un texte très équilibré, nous achoppions toujours sur la demande, à mes yeux abusive, d'avoir à voter un projet de loi pour prolonger le confinement.
Je me réjouis que vous saluiez le pas effectué en direction des oppositions et du Sénat mais nous aurions également aimé que vous en fassiez de même en direction de la majorité.
Article 4
La commission examine l'amendement CL15 du rapporteur.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'article 4 modifié.
Article 4 bis
La commission adopte l'article 4 bis sans modification.
Article 4 ter
La commission examine l'amendement de suppression CL16 du rapporteur.
Le Sénat a tout de même formulé des propositions intéressantes, par exemple, en permettant aux collectivités de prolonger ou d'adapter des mesures de gestion de crise. On ne peut que regretter que de telles améliorations concrètes ne soient pas retenues. Même si vous jugez, monsieur le rapporteur, que les remerciements ne sont pas à la hauteur de votre présent, vous n'êtes pas obligé de repartir avec lui ! Peut-être pourrez-vous le « re-présenter » en séance publique !
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 4 ter est supprimé.
Article 4 quater
La commission adopte l'article 4 quater sans modification.
Article 5
La commission examine l'amendement CL17 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 5 modifié.
(Sourires)
La commission adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
Le texte sera examiné en séance publique demain, mardi 2 février, après la séance de questions au Gouvernement.
La réunion se termine à 14 heures 50.
Membres présents ou excusés
En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.