COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Jeudi 11 juin 2020
Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission
La séance est ouverte à 10 h 40.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de notre réunion appelle l'examen, sur le rapport de Coralie Dubost, de la proposition de résolution européenne relative à la relocalisation de la fabrication des médicaments et des principes actifs pharmaceutiques en Europe. Nous examinerons ce texte en présence de Nathalie Colin-Oesterlé, députée européenne et rapporteure au Parlement européen d'une proposition de résolution portant sur un sujet très voisin, à qui je souhaite la bienvenue.
Je suis heureuse d'accueillir également notre collègue Fabrice Brun, auteur de cette proposition de résolution.
Mes chers collègues, c'est avec grand plaisir que je vous retrouve aujourd'hui dans cette salle de la commission des affaires européennes ; je salue la députée européenne Nathalie Colin-Oesterlé, qui est avec nous en visioconférence et avec qui j'ai déjà eu l'occasion d'échanger.
Notre commission est saisie d'une proposition de résolution européenne relative à la relocalisation de la fabrication des médicaments et des principes actifs pharmaceutiques en Europe, déposée par le député Fabrice Brun, que je remercie. La pénurie de médicaments et de principes actifs pharmaceutiques en Europe est un problème chronique, que la crise du Covid-19 a rendu encore plus aigu. Selon le rapport d'initiative sur la pénurie de médicaments de Mme Colin-Oesterlé, les tensions sur l'approvisionnement se sont multipliées par vingt entre 2000 et 2018. Cela s'explique notamment par la délocalisation des activités industrielles dans le secteur pharmaceutique. D'où il s'ensuit une dépendance croissante des États européens à l'égard des États tiers, particulièrement la Chine et l'Inde, ainsi qu'une perte de souveraineté européenne en matière sanitaire. Selon l'Agence européenne des médicaments (en anglais European Medicines Agency, EMA), 80 % des principes actifs pharmaceutiques sont fabriqués en Chine et en Inde, et 40 % des médicaments commercialisés dans l'Union ont été importés.
Devant ce constat, M. Brun a formulé cinq propositions visant à relocaliser la fabrication des médicaments et des principes actifs pharmaceutiques en Europe. Il s'agit d'élargir les compétences de l'Agence européenne des médicaments ; de définir la notion de médicament essentiel et d'établir une liste de médicaments et de principes pharmaceutiques actifs considérés comme stratégiques pour notre sécurité sanitaire européenne ; d'adopter une définition européenne de la rupture d'approvisionnement et d'harmoniser les critères d'évaluation du risque associés à une situation de tension ou de rupture ; d'utiliser des leviers de la politique fiscale et de la politique commerciale pour inciter l'implantation en Europe de sites de production de médicaments et de principes pharmaceutiques actifs ; enfin, de mener une véritable politique industrielle qui permette de coordonner les acteurs et d'accompagner l'augmentation des capacités de production en Europe de médicaments et de principes actifs pharmaceutiques essentiels.
La crise du Covid-19 a évidemment mis en lumière les fragilités de la chaîne d'approvisionnement en matière médicale et les lacunes de la politique européenne de santé. Pour répondre en urgence à cette crise, l'Union européenne, qui n'est dotée en la matière que d'une politique d'appui aux États membres, et non de compétences propres, a notamment eu recours à des instruments de coordination dont elle disposait en matière sanitaire, et elle a utilisé ses compétences dans le domaine de la régulation du marché intérieur.
Je salue l'initiative de M. Brun et je tiens sincèrement à le remercier, car il est crucial que le Parlement français se saisisse du sujet des délocalisations dans la filière pharmaceutique, et affirme que la souveraineté sanitaire fait partie intégrante de la souveraineté stratégique européenne, que la France défend depuis de nombreuses années.
En outre, cette proposition de résolution européenne s'inscrit pleinement dans les préconisations de l'initiative franco-allemande pour la relance européenne face à la crise du coronavirus, qui appelle à l'émergence d'une industrie sanitaire européenne ayant un positionnement stratégique, afin de réduire la dépendance de l'Union vis-à-vis des États tiers. L'enjeu pour l'Union est de définir une nouvelle approche européenne en matière de santé, qui repose sur la souveraineté sanitaire, en pérennisant et en complétant les outils dont elle dispose. Avant même la crise du Covid-19, la Commission préparait pour la fin de l'année 2020 une stratégie pharmaceutique – qui a, depuis, bien évidemment pris une tout autre dimension.
Les propositions du rapport d'initiative d'avril 2020 sur la pénurie de médicaments défendues par Mme Colin-Oesterlé s'inscrivent exactement dans cette logique et semblent tout à fait opportunes ; dans quelques instants, la députée européenne nous les présentera.
Sans remettre en cause les objectifs poursuivis par la proposition de résolution européenne déposée initialement par M. Brun, j'aimerais réexaminer les outils proposés pour les atteindre. Il me semble en effet que la proposition n° 4, suggérant la mise en place d'un pacte fiscal, se heurte à certains obstacles d'ordre juridique et politique, puisqu'il n'existe pas de fiscalité harmonisée des entreprises au niveau européen, et que ce domaine relève par ailleurs de l'unanimité au Conseil. Un tel pacte fiscal serait plus aisé à mettre en œuvre au niveau national, sans préjudice de la réglementation européenne relative aux aides d'État.
Le deuxième volet de la proposition n° 4, relatif au rehaussement des tarifs douaniers applicables aux médicaments et principes actifs produits à l'étranger, ne soulève pas de difficultés quant à la compétence – la politique commerciale étant une compétence exclusive de l'Union –, mais il risquerait de produire des effets pervers en alimentant des tensions commerciales internationales et en occasionnant des réactions protectionnistes chez certains de nos partenaires.
Votre rapporteure pense ainsi que les effets recherchés, à savoir la relocalisation des chaînes de production des médicaments et des principes actifs pharmaceutiques essentiels, auraient plus de chances d'être atteints en ayant recours à des outils européens de politique industrielle. Nous pouvons ainsi utiliser cet instrument que sont les projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC), développés depuis quelques années, qui permettent de soutenir les secteurs considérés comme stratégiques – c'est ce qui a été fait pour donner l'impulsion nécessaire à la création d'un Airbus des batteries.
Ce dispositif pourrait être étendu au secteur pharmaceutique, dont le caractère stratégique ne fait désormais plus aucun doute, ce qui permettrait aux États volontaires d'accorder des aides nationales aux entreprises de dimension européenne. En contrepartie de ces aides financières et conformément à l'esprit de la proposition initiale, des garanties de long terme seraient exigées afin d'assurer à l'Europe une véritable souveraineté sanitaire.
Tel est l'objet principal des amendements que je vous soumettrai.
Nous allons maintenant entendre Mme Nathalie Colin-Oesterlé, députée européenne.
Madame, je vous remercie de nous présenter vos travaux sur la proposition de résolution européenne et de nous indiquer comment se sont déroulés les débats sur cette question au Parlement européen. Nous sommes également désireux de connaître votre point de vue sur le texte que nous examinons aujourd'hui.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me permettre de m'exprimer devant la commission des affaires européennes.
Madame la rapporteure, j'ai eu l'occasion d'échanger avec vous sur le rapport d'initiative que j'ai présenté il y a quelques jours, en commission, au Parlement européen. Comme vous l'avez rappelé, les pénuries de médicaments au sein de l'Union européenne, qui ont été multipliées par vingt entre 2000 et 2018, entraînent des risques considérables pour la sécurité et la santé des patients. Ces pénuries portent sur les médicaments anticancéreux, les antibiotiques, les vaccins, les anesthésiants, le traitement de l'hypertension, des maladies cardiaques et des maladies du système nerveux. Parmi les médicaments concernés, les anticancéreux utilisés en chimiothérapie, les anti-infectieux et les médicaments du système nerveux – antiépileptiques et antiparkinsoniens – représentent à eux seuls plus de la moitié des ruptures, qui portent essentiellement sur des médicaments chimiques, simples à produire et peu coûteux.
Les causes des pénuries sont multiples : celles-ci sont dues aux délocalisations – s'expliquant elles-mêmes par un faible coût du travail et des normes environnementales moins contraignantes dans les États tiers –, mais résultent aussi de difficultés de fabrication, de problèmes de qualité et d'une augmentation très importante et soudaine de la demande, due notamment à la pandémie de Covid-19. Les pénuries s'expliquent également par la compression des prix et la massification de la demande, qui entraînent une concentration de l'offre : ainsi, pour de nombreuses molécules, vous n'avez que deux ou trois fournisseurs en Asie, ce qui fait qu'en cas de survenance d'un aléa de production entraînant une rupture d'approvisionnement, aucun autre site ne peut prendre le relais.
Dans le cadre du rapport d'initiative que j'ai présenté il y a quelques jours, j'ai fait plusieurs préconisations.
À court terme, je propose de pérenniser le système RescUE, c'est-à-dire la réserve d'urgence créée en matière de protection civile, puis étendue aux médicaments essentiels et au matériel médical, afin d'en faire une pharmacie européenne d'urgence – c'est aussi ce que propose la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dans le volet « santé » de son plan de relance. Si cette réserve d'urgence ne peut concerner tous les médicaments qui seraient en situation de pénurie, on pourrait déjà mettre en place quelques stratégies communes de médicaments et de vaccins prioritaires, concernant les médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique, c'est-à-dire ceux pour lesquels une rupture entraînerait un risque vital immédiat pour les patients et pour lesquels il n'existe pas d'alternative thérapeutique recommandée par les autorités.
Par ailleurs, dans le cadre des appels d'offres, il est nécessaire de faire de la sécurité d'approvisionnement un critère tout aussi prioritaire que le prix. De même, il existe dans les pays d'Europe du Nord des mécanismes d'appels d'offres avec plusieurs gagnants, ce qui permet de maintenir une forme de concurrence, et surtout de sécuriser l'approvisionnement.
À moyen-long terme, nous demandons une plus grande transparence dans la chaîne du médicament, mais également au niveau des stocks des États membres. Il est apparu assez clairement qu'en vertu du principe de précaution, certains États font du surstockage alors que d'autres sont en situation de pénurie. Les industriels eux-mêmes manquent considérablement de visibilité sur les stocks au sein des États membres. Nous souhaitons donc que l'Agence européenne du médicament devienne une véritable autorité régulatrice, tant au niveau des informations provenant des industriels que de celles des agences nationales.
Nous estimons qu'il faut davantage de flexibilité, mais aussi des mesures réglementaires en période de crise : les législations doivent être simplifiées pour faciliter la circulation des médicaments entre États membres, comme cela a été fait durant la crise du Covid-19. Lorsqu'un État est confronté à une situation de pénurie, il semble en effet nécessaire d'assouplir les règles tout en assurant un niveau élevé de qualité et de sécurité.
Nous devons également favoriser la relocalisation de la production de médicaments par des incitations financières et fiscales pour les industriels qui produisent en Europe – de la fabrication de la substance active jusqu'au conditionnement. Pour cela, il faudrait que la législation européenne permette ces aides d'État – dans le respect, bien sûr, des règles de la concurrence – dans le secteur de la santé, aussi stratégique que ceux de la défense ou de l'énergie. Sur ce point, chacun doit prendre conscience que la santé est devenue une arme géostratégique qui peut mettre à genoux un continent, comme on l'a vu durant la crise du Covid-19, ce qui rend nécessaire d'adapter la législation des aides d'État à ce secteur de la production pharmaceutique.
Nous préconisons également la création d'un ou plusieurs établissements à but non lucratif, capables de produire les médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique qui sont en situation de criticité, c'est-à-dire présentant une fragilité au niveau de la chaîne de production, ou les médicaments matures, fabriqués depuis longtemps et ne présentant plus d'intérêt en termes de rentabilité pour les industries pharmaceutiques. Quand je parle d'établissements pharmaceutiques européens à but non lucratif, je pense notamment aux pharmacies des armées ou encore à la pharmacie des hôpitaux de Paris, qui sont aujourd'hui capables de produire certains médicaments ayant perdu tout intérêt financier pour les industries pharmaceutiques.
Enfin, il est essentiel de faire de l'Europe le continent du médicament du futur, en investissant massivement dans la recherche et dans l'innovation, en diversifiant nos ressources – notamment en matière de biotechnologies –, en partageant nos résultats et nos objectifs et en mutualisant la recherche. Nous devons vraiment réapprendre à produire chez nous les principes actifs, ce qui passera par la relocalisation, l'harmonisation et la coopération renforcée entre États membres pour davantage de solidarité, dans le cadre d'une véritable stratégie industrielle et pharmaceutique européenne.
Je remercie nos collègues Fabrice Brun et Coralie Dubost pour le travail remarquable qu'ils ont accompli en bonne entente sur un sujet essentiel. La crise que nous traversons a mis en exergue un problème sérieux pour nos économies, celui de la dépendance de l'Union européenne envers certains pays en matière de produits pharmaceutiques : la quasi-totalité des principes actifs des médicaments sont produits en Chine et en Inde, et l'industrie pharmaceutique a largement délocalisé dans ces pays dans les années 1990.
Il est urgent de remédier à cette situation, et l'on ne compte plus les déclarations faites dans tous les pays de l'Union européenne, évoquant la nécessité pour l'Europe de retrouver une véritable souveraineté industrielle en la matière. Le 16 avril dernier, le Parlement européen a d'ailleurs adopté une résolution européenne portant sur l'organisation du rapatriement sur le territoire européen de la fabrication des principes actifs, afin que tous les Européens continuent à accéder librement à ces substances de base telles que le paracétamol, une molécule que nous utilisons tous très régulièrement.
La proposition de résolution de Fabrice Brun relative à la relocalisation de la fabrication des médicaments et des principes actifs, qui va dans ce sens, me semble de très bon aloi. En ce début de déconfinement, les vingt-sept États membres vont s'efforcer de trouver des solutions pour remédier à leur dépendance stratégique et accroître la production des produits pharmaceutiques sur le sol européen. J'estime que l'Union européenne doit inverser la situation actuelle, et s'assurer que tous les citoyens européens ont accès en toutes circonstances aux substances actives ainsi qu'à tous les produits et équipements de santé.
Je salue l'eurodéputée Nathalie Colin-Oesterlé et je la remercie pour son travail remarquable, qui a été l'une de nos sources d'inspiration. Je remercie également la commission des affaires européennes de m'accueillir pour examiner cette proposition de résolution sur la relocalisation en Europe de la fabrication des médicaments et des principes actifs pharmaceutiques – comme vous le savez, ces principes actifs sont un peu le cœur de réacteur du médicament. Enfin, je remercie les soixante-dix députés de diverses sensibilités qui, dès le départ, ont soutenu et cosigné cette proposition de résolution européenne, ce qui en souligne d'emblée son caractère transpartisan.
Il est important que notre assemblée se saisisse de ces questions de souveraineté sanitaire car, dans ce domaine comme dans tant d'autres, l'épidémie du Covid-19 a agi comme un accélérateur. Les députés de tous bords étaient nombreux à s'être déjà saisis des questions relatives aux pénuries de médicaments, mais notre perte de souveraineté sanitaire a éclaté au grand jour ces derniers mois et, comme l'a dit Nathalie Colin-Oesterlé, la santé publique est devenue une arme géostratégique qui peut mettre à genoux un pays, et même un continent.
Quand on s'intéresse à ces questions, on tombe tout de suite sur des chiffres qui font froid dans le dos : 80 % des principes actifs sont fabriqués en dehors de l'Europe – principalement en Chine et en Inde –, alors que cette proportion n'était que de 20 % il y a 30 ans. Durant la crise du Covid‑19 sont apparues des tensions importantes sur les produits d'anesthésie. Enfin, il faut savoir que les trente-cinq molécules de base utilisées en oncologie sont fabriquées en Orient – ce qui explique que de nombreuses personnes viennent nous expliquer dans nos permanences que leur traitement par chimiothérapie a dû être suspendu faute de disposer du produit nécessaire.
Face à une situation sanitaire et humaine très difficile, il est impératif pour notre pays et pour l'Europe tout entière de relocaliser la fabrication des médicaments, d'où l'idée de cette proposition de résolution européenne, visant à donner un cadre à cet objectif – un cadre susceptible d'adaptations, que nous apporterons au texte au fil du débat, par voie d'amendement. En tant qu'initiateur de ce texte, je souscris à l'idée de recourir au dispositif des PIIEC, consistant en des aides d'État plus flexibles, sans pour autant éluder le débat sur ce que j'appellerai un « protectionnisme intelligent aux frontières de l'Union européenne », visant à relocaliser la production dans des secteurs vitaux comme ceux de la santé ou de l'alimentation. Nous avons été très attentifs aux dernières déclarations de Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur, sur la protection aux frontières. Pour ma part, je suis heureux que les grands décideurs européens évoluent progressivement vers cette idée de protection. Il ne s'agit pas d'isolement ou d'autarcie, mais d'une protection intelligente destinée à nous permettre d'assurer le service minimum de la protection sanitaire de nos concitoyens.
Il convient de souligner qu'on assiste depuis trois ou quatre ans à un redémarrage de la production de médicaments en France, encore assez timide mais bien réel, et qu'il y a donc des industriels français qui produisent sur le sol national et réclament à ce titre une reconnaissance. Ce texte devrait permettre à la fois d'accompagner l'amorce du retour de la production en France et d'anticiper les évolutions à venir dans ce domaine : pour cela, j'espère que nous allons pouvoir lui apporter les adaptations nécessaires sans toutefois le dénaturer. Cela contribuera à donner plus de force à la France sur la scène européenne dans un contexte qui semble favorable, puisque la Commission européenne a annoncé le 28 mai dernier qu'elle était prête à encourager le rapatriement des capacités de production.
Cette proposition de résolution prévoit d'élargir les compétences de l'Agence européenne des médicaments. Elle vise à définir, sous l'égide de cette agence, la notion de médicament essentiel. Elle a également pour objet d'établir au niveau européen une définition de la rupture d'approvisionnement et du risque associé – il est assez incroyable de constater que, durant le vaste mouvement de délocalisation auquel on a assisté ces trente dernières années, personne ne s'est soucié de définir ce qu'est un médicament essentiel et ce qui peut constituer une alerte en cas de rupture. Le texte prévoit la signature d'un accord tripartite entre l'Union européenne, les entreprises pharmaceutiques et l'industrie chimique pour augmenter les capacités de production en Europe. Cela se traduira par des droits, mais aussi par des devoirs, à la manière d'un contrat d'objectifs : selon les principaux leaders pharmaceutiques, il y a encore un savoir-faire en France et en Europe ; il ne manque que la volonté politique de l'accompagner durant quelques années. Enfin, la proposition de résolution prévoit un pacte fiscal consistant en des exonérations ciblées pour les entreprises s'engageant sur des investissements pour l'implantation en France ou en Europe de sites de production de médicaments ou de principes pharmaceutiques actifs essentiels pour la sécurité sanitaire européenne, mais aussi en un renforcement de la taxation à l'entrée de l'Union européenne des médicaments et des principes pharmaceutiques actifs fabriqués en dehors de l'Union.
Je sais qu'en pratique, cette proposition de résolution se heurte à la nécessité de recueillir l'unanimité. Nous y serons très attentifs et, en tout état de cause, le fait d'orienter les PIIEC permet de disposer d'un outil plus flexible, qui pourrait trouver dans la crise du Covid-19 l'occasion de se développer.
En conclusion, pour les députés du groupe Les Républicains, la question de la relocalisation de la fabrication du médicament s'inscrit dans un débat bien plus large, celui du rétablissement à moyen terme par la France et l'Union européenne d'un protectionnisme intelligent, visant à relocaliser la production dans des secteurs vitaux tels que la santé et l'alimentation, et à rééquilibrer les échanges commerciaux avec les pays qui ne respectent pas nos normes sanitaires, environnementales ou sociales. Le protectionnisme n'est pas un gros mot, ce n'est pas l'autarcie ni l'isolement. En tout état de cause, nous avons besoin d'inventer un dispositif qui permette à l'Europe de protéger notre souveraineté sanitaire et de nous engager sur la voie de la relocalisation de la production, car c'est ce que nos concitoyens attendent de l'Union européenne.
Je me réjouis que nous ayons ce débat sur un sujet extrêmement important. Nous le devons à notre collègue Fabrice Brun, mais aussi à la députée européenne Nathalie Colin-Oesterlé, qui a rendu un rapport très intéressant sur cette question stratégique, et je leur rends hommage. Je m'étonne que, sur un sujet aussi important, tous les groupes n'aient pas jugé nécessaire d'être présents lors de cette réunion – je pense notamment aux groupes de gauche.
Je dois dire que je suis très gêné par le contenu du rapport. À cet égard, le fait que Fabrice Brun se sente obligé de qualifier le protectionnisme d'« intelligent » est très révélateur : cela montre que, spontanément, on a tendance à considérer que le protectionnisme est idiot – cela me fait un peu penser au porte-avions « pas coûteux », que l'on a un peu de mal à se représenter… Ce qui me gêne en réalité, c'est le côté hétéroclite et parfois obscur des objectifs poursuivis. Ainsi, je trouve que l'expression « produits pharmaceutiques essentiels » n'est pas pertinente, car on ne voit pas bien ce que signifie l'adjectif « essentiel » dans ce contexte. En tout état de cause, le caractère essentiel d'un produit pharmaceutique doit être jugé à l'aune de critères précis. Quels sont, en l'occurrence, les critères dont le non-respect a posé problème à l'Union européenne durant la pandémie et au-delà ?
Si l'on peut d'abord penser à la disponibilité, puisque nous avons été confrontés à des ruptures d'approvisionnement, les causes de ces ruptures ne me semblent pas à rechercher principalement dans le fait que les médicaments sont produits en dehors de la France ou de l'Europe : elles sont en fait dues à une demande massive, immédiate et improvisée, à laquelle les producteurs, quels qu'ils soient, ont eu du mal à s'adapter. En revanche, je suis très sensible à l'argumentation fondée sur l'idée que le surstockage peut avoir des effets néfastes indirects. Celui-ci est le revers de la médaille de la pénurie : c'est parce qu'il y en a trop à un endroit qu'il en manque ailleurs ! Les problèmes de disponibilité peuvent cependant avoir d'autres causes, notamment une concentration excessive de la production, indépendamment de sa localisation : du fait qu'ils sont très peu nombreux, les producteurs contrôlent assez facilement le marché. On peut aussi imaginer – cela n'a pas vraiment été le cas, mais il s'en est fallu de peu – que surviennent des phénomènes de rareté organisés pour des raisons politiques : si nous avions des relations commerciales avec la Corée du Nord, par exemple, nous n'aurions sans doute pas une grande confiance en cet État pour nous approvisionner régulièrement. Nous sommes en fait confrontés à des causes multiples, de différentes natures – le pic de demande, la concentration de la production, et des phénomènes de stockage pouvant eux-mêmes avoir une cause géostratégique –, et sur lesquelles on ne peut porter un jugement unique.
Le deuxième critère essentiel est celui du prix, que nous souhaitons aussi bas que possible – à niveau de sécurité constant, évidemment. Il s'agit d'un facteur dont nous ne pouvons faire abstraction, par exemple en introduisant, par l'application de droits de douane, une majoration des prix qui serait mise à la charge de la sécurité sociale française – ou des patients eux-mêmes, car tous les médicaments ne sont pas intégralement remboursés.
Le troisième critère essentiel est celui de la sécurité, notamment pour les génériques, qui ne seraient pas toujours produits dans des conditions satisfaisantes. Là encore, ce problème ne saurait se résoudre en diminuant la part des produits pharmaceutiques importés : il concerne tous les produits, qu'ils soient fabriqués en France ou à l'étranger.
Enfin se pose la question de la « souveraineté » en matière de production de médicaments. Je n'aime guère ce terme et je suis d'ailleurs en désaccord sur ce point avec le Président de la République, qui ferait sans doute mieux de parler d'« indépendance » – Jean-Yves Le Drian, avec qui j'ai eu une conversation à ce sujet, semble d'ailleurs partager mon point de vue. J'en profite pour vous faire remarquer, chers collègues, que le général de Gaulle n'a jamais employé le mot « souveraineté », sauf pour désigner le rétablissement de la souveraineté juridique des États récemment décolonisés : en dehors de cela, il parlait d'« indépendance ». La souveraineté n'a rien à voir avec cela : c'est la compétence de la compétence ; en d'autres termes, c'est l'Europe qui dit à l'ensemble des États qui la composent ce qu'ils doivent ou ne doivent pas faire. Or, notre système est celui de compétences déléguées à l'Union européenne par des États qui restent souverains. Pour quelqu'un d'aussi attaché que moi à l'idée européenne, cette distinction juridique a son importance.
En matière de production de médicaments, la véritable souveraineté résiderait dans notre capacité d'autonomie stratégique en termes de technologie. Sans doute y a-t-il certains médicaments qui posent un problème de ce point de vue, mais d'une part ce n'est pas le cas pour tous, d'autre part la vraie question est avant tout celle de l'identification et la production des molécules, pas celle de la fabrication des médicaments. Ne pas se rendre compte de cela reviendrait un peu à prétendre que la société Google n'est pas souveraine parce qu'elle fait produire son matériel par des usines chinoises, alors qu'en réalité elle détient la connaissance technologique, ce qui est l'essentiel. Tous ces points mériteraient d'être quantifiés et analysés avec précision, afin de parvenir à des solutions adaptées.
Pour ce qui est des solutions proposées, mon groupe est favorable à plusieurs d'entre elles, notamment celle de constituer une réserve stratégique. En revanche, nous sommes extrêmement réticents à l'égard de tout ce qui s'apparente au protectionnisme dit intelligent, à savoir les droits de douane directs ou indirects – qui provoquent une augmentation des prix – ainsi que vis-à-vis de la spécification fiscale, car rien ne justifie de créer l'une de ces niches fiscales que nous combattons à longueur de temps. La production de médicaments est une production industrielle comme les autres et, si je suis favorable à ce que l'on diminue les charges ou les impôts sur la production afin de favoriser la relocalisation de la production en général, je ne vois vraiment pas pourquoi le médicament devrait bénéficier d'un régime particulier.
En effet, un tel régime ne se justifie que dans certains cas très particuliers où la production peut se trouver exposée à une menace de strangulation technologique : c'est le cas de la production de batteries, par exemple, où une pénurie des terres rares entrant dans leur composition entraîne automatiquement un blocage, ce qui représente un gros problème en termes d'autonomie stratégique. En dehors de cette hypothèse, je suis tout à fait défavorable à ce que des aides d'État encadrées au niveau européen – du type des PIIEC évoqués par Mme Dubost et M. Brun – viennent soutenir un secteur spécifique.
En revanche, je suis d'accord avec la clause de disponibilité sur les marchés, car j'estime que tout ce qui touche à la disponibilité est essentiel. En d'autres termes, ce problème fondamental exige des actions fortes de la part de l'Union européenne et de la France – ce qui implique d'ailleurs de se pencher sur la question de la subsidiarité, afin de déterminer ce qui relève de la France et ce qui relève de l'Europe –, mais sans que se trouvent remis en question les principes généraux d'organisation. Si la France a perdu la maîtrise des productions industrielles, c'est parce que ses industries nationales sont trop taxées et trop chargées, que la formation professionnelle et scientifique y est insuffisante et qu'en dépit du crédit d'impôt, notre pays reste faiblement attractif en matière de recherche. Tous ces problèmes doivent être abordés de manière globale et il ne sert à rien de saucissonner les solutions en proposant de mettre en place un régime douanier, un régime fiscal et un régime d'aide aux entreprises s'appliquant spécifiquement à la fabrication du médicament.
J'ai bien entendu les avis des uns et des autres et, en dépit de leurs divergences, j'ai bon espoir que la discussion nous permette de parvenir à une solution commune. Entre le protectionnisme intelligent et l'indépendance, il me semble y avoir une place pour la notion de solidarité européenne – une solidarité à renforcer, car l'enjeu n'est pas national, mais européen –, et pour celles de coordination et de coopération, sur lesquelles nous pouvons tous tomber d'accord.
Je suis d'accord avec vous, monsieur Bourlanges, pour estimer qu'on ne peut proposer un pacte fiscal portant sur la totalité de l'industrie pharmaceutique : cela n'aurait pas de sens. Nous devons commencer par impulser une volonté politique forte, au niveau national et européen, afin de définir quels sont les secteurs présentant un intérêt stratégique et méritant à ce titre un coup de pouce. Au sein de l'industrie pharmaceutique, il nous manque une définition des médicaments dont l'intérêt sanitaire et stratégique a été révélé par la crise du Covid-19 ; par ailleurs, nous nous trouvons de longue date, et de façon chronique, en pénurie de médicaments présentant un intérêt thérapeutique majeur. Dans ces deux secteurs, nous pouvons proposer des définitions, harmoniser celles-ci, et donner en la matière un rôle à l'Agence européenne des médicaments, afin d'impulser une volonté politique forte. Cela se fera d'abord au moyen des PIIEC, ensuite peut-être – mais en tout état de cause à très long terme, car l'unanimité sera requise – grâce à des outils fiscaux.
Nous ne devons pas perdre de vue que, si certains États tiers concentrent les grandes industries pharmaceutiques qui fabriquent 80 % des principes actifs et nous fournissent 40 % de nos médicaments, c'est parce qu'ils ont mis en place une stratégie, il y a plus de vingt ans, grâce à des aides d'État. Si nous n'avons pas forcément vocation à engager les mêmes politiques ni à entretenir les mêmes relations diplomatiques, nous ne devons pas nous interdire de réagir à notre façon. Pour cela, je vous propose une action concertée, qui permette d'afficher une volonté forte du Parlement français en la matière et peut-être d'aller un peu plus loin à l'échelle européenne dans une dynamique d'harmonisation.
Pour ma part, je dis banco pour une Europe indépendante !
Il faut bien avoir conscience du fait que, quand on parle de relocaliser les industries pharmaceutiques, la première inquiétude de nos concitoyens porte sur l'incidence que cela va avoir sur le prix des médicaments en pharmacie. J'ai évoqué cette question avec des experts et, si je n'ai pas toutes les réponses, je sais qu'il existe plusieurs pistes pour stabiliser les prix.
Premièrement, je rappelle que c'est l'objet de l'article 18 de l'accord-cadre de 2015 sur l'évolution du prix du médicament, qui offre la possibilité de faire évoluer l'enveloppe pour les médicaments innovants et pour ces fameux médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique.
Deuxièmement, si cette proposition de résolution prévoit une convention tripartite qui définit les contreparties des aides de l'État, il faut pouvoir évoquer les questions relatives au prix avec les industriels de la chimie et de la pharmacie.
Troisièmement, la relocalisation prioritaire stratégique concerne avant tout les médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique : dans un premier temps, elle ne porterait donc pas sur l'intégralité de l'industrie pharmaceutique. Je précise au passage que les écarts de prix entre l'Europe et la Chine se sont réduits au cours des dernières années, notamment en raison de l'augmentation des salaires dans l'empire du Milieu – le différentiel est encore élevé, mais il se réduit constamment.
Quatrièmement, nous disposons d'un outil majeur en France, à savoir l'assurance maladie. Les géants de l'industrie pharmaceutique ont tendance à produire en interne les nouveaux produits et à délocaliser les anciens, devenus moins rentables. Il est tout à fait possible de rééquilibrer le prix des médicaments composés de molécules anciennes, par exemple en instaurant un système de prix planchers. Sans doute devrons-nous nous inspirer de plusieurs de ces idées pour parvenir à stabiliser les prix des principes actifs et des médicaments relocalisés.
Si je partage la plupart des réflexions de notre collègue Bourlanges, j'en tire des conclusions différentes.
Je suis d'accord pour considérer que la concentration de la production constitue le risque principal, mais j'insiste sur le fait que cette concentration est parfaitement logique si l'État n'intervient pas. Dans une logique d'efficacité, la production de médicaments – en particulier de génériques – ne peut que se concentrer.
Quant au deuxième risque évoqué, celui de l'origine politique, il ne fait que s'ajouter à celui de la concentration, car celle-ci se fait dans des pays dont l'orientation politique est susceptible de nous poser problème en cas de crise.
La crise du Covid-19 a mis en évidence le fait qu'il existe en réalité deux dynamiques de prix. Si la première est celle prévalant en temps normal, la seconde entre en jeu en période de crise, quand un produit devient rare. C'est dans cette situation que la puissance publique doit intervenir, afin de limiter la concentration qui aura spontanément tendance à s'appliquer sous l'effet d'un principe d'efficacité, et de s'assurer que la dynamique de prix en période de crise ne s'écarte pas trop de ce qu'elle serait en temps normal.
S'il est une chose qui ne fait aucun doute, c'est bien la situation de dépendance dans laquelle se trouve notre pays en matière de production pharmaceutique et les différentes problématiques que cela nous oblige à prendre en considération, qu'il s'agisse des pénuries de médicaments, des délocalisations intempestives, de la concentration de l'offre, de la dépendance vis-à-vis de deux pays en particulier, à savoir la Chine et l'Inde, ainsi que de la nécessaire relocalisation de la fabrication des médicaments et des principes actifs en Europe. Nous sommes donc tous d'accord sur le constat et sur l'objectif à atteindre, à savoir retrouver notre indépendance ou notre souveraineté – l'heure n'est pas aux querelles sémantiques – dans le domaine de la protection sanitaire et mettre en place une véritable stratégie sanitaire, en nous assurant que tous les citoyens européens aient accès à tous les équipements de santé et de protection sanitaire.
Cependant, deux points me semblent rester sans réponse pour le moment.
Premièrement, il ne s'agit pas seulement d'affirmer une volonté : il faut aussi savoir comment la concrétiser. Comment ce que nous allons mettre en œuvre va-t-il s'articuler avec les différents véhicules européens, à savoir la feuille de route de Thierry Breton (établie antérieurement à la crise sanitaire), les PIIEC, mais aussi le plan de relance élaboré sur une initiative franco-allemande, et qui doit être voté à l'unanimité ? Comme nous le savons tous, il n'est pas rare que l'affirmation d'une volonté ne dépasse pas le stade de l'incantation, ce qui serait fort regrettable sur un sujet aussi essentiel que celui de la sécurité sanitaire. Je rappelle par ailleurs qu'une mission d'information sur la politique industrielle en Europe a été lancée sous votre autorité, madame la présidente, avec pour objectif de déterminer comment cette politique industrielle pourrait se concevoir autrement que par le prisme jusqu'à présent excessif de la seule politique de concurrence.
Deuxièmement, chaque pays d'Europe va vouloir disposer de sa souveraineté en matière de médicaments, de protection et d'équipements sanitaires, y compris sur des matériels aussi basiques que les masques ou le gel hydroalcoolique. Ne va-t-il pas y avoir une contradiction entre la volonté de chaque pays de retrouver sa souveraineté dans le domaine sanitaire et la volonté de l'Europe d'en disposer à son niveau ?
Pour ce qui est de votre première question, monsieur Herbillon, nous sommes parlementaires et exprimons à ce titre la volonté nationale mais, pour ce qui est des mécanismes européens, les propositions que nous formulons doivent ensuite être reprises par les députés européens pour être mises en œuvre. Dans le cadre des auditions effectuées en vue de ce rapport, le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) a montré un engagement marqué sur l'utilisation des PIIEC. Dès lors que l'on parvient à se mettre d'accord sur la définition d'un intérêt sanitaire stratégique à l'échelle européenne, on peut avoir recours aux outils existants.
Nous, députés français, apportons notre pierre à l'édifice et espérons voir les parlements d'autres États membres se mobiliser sur ce même sujet et avoir des positions convergentes, afin de nous permettre d'avancer rapidement. Certains eurodéputés sont très mobilisés, et je sais qu'on entend à la Commission européenne des discours engagés sur le sujet. Le 27 mai dernier, il a été annoncé dans le cadre du plan de relance que le budget consacré à la campagne Europe for Health allait passer de 413 millions d'euros à 9,37 milliards d'euros : son montant a été multiplié par vingt-trois, ce qui montre bien qu'il y a aujourd'hui une vraie prise de conscience ! Je suis très fière que le Parlement français défende cette initiative, mais j'espère surtout qu'elle sera reprise par d'autres afin que se crée une véritable dynamique. Toutefois, si, en tant que parlementaires nationaux, nous avons le pouvoir de proposer des mécanismes européens, nous n'avons pas celui de les faire adopter.
La commission en vient à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution européenne.
Article unique
La commission examine l'amendement n° 12 de M. Fabrice Brun.
Cet amendement vise à compléter le visa relatif à l'article 168 du traité de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), en précisant que celui-ci dispose qu'un niveau élevé de protection de la santé humaine doit être assuré dans la définition et l'application de toutes les politiques et actions de l'Union.
Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l'amendement.
Elle examine l'amendement n° 1 de M. Fabrice Brun.
Le texte initial de la proposition de résolution, rédigé au cœur du confinement, tire les enseignements de la crise du Covid-19. La Commission européenne a présenté des orientations pour un approvisionnement optimal et rationnel en médicaments afin de lutter contre les pénuries. Le présent amendement propose de faire figurer dans les visas ce document essentiel de la Commission européenne.
Vous proposez d'harmoniser à l'échelle européenne la définition des notions d'approvisionnement et de pénurie : avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement n° 2 de M. Fabrice Brun.
L'amendement vise à intégrer la résolution transpartisane adoptée le 17 avril 2020 par le Parlement européen sur une action coordonnée de l'Union pour combattre la pandémie de Covid-19 dans notre texte afin de lui donner plus de force et de cohérence.
La commission adopte l'amendement.
Elle se saisit de l'amendement n° 3 de M. Fabrice Brun.
Le 20 mai 2020, l'Assemblée nationale a débattu de la souveraineté économique, écologique et sanitaire à l'épreuve de la crise du Covid-19. L'objet de cet amendement est d'y faire explicitement référence dans la proposition de résolution européenne. Je vous renvoie aux excellents propos tenus par nos collègues Bernard Perrut et Philippe Huppé sur la nécessité de relocaliser la fabrication de médicaments en Europe.
J'ajoute que la secrétaire d'État Agnès Pannier-Runacher est tout à fait favorable à cette relocalisation stratégique d'une partie de l'industrie pharmaceutique européenne. Avis favorable.
Je trouve assez particulier de viser des débats, dans lesquels les parlementaires se sont exprimés en leur nom avant tout vote.
S'il s'agissait d'un texte purement législatif, cela pourrait en effet soulever des interrogations. Mais il s'agit d'une proposition de résolution européenne et, compte tenu du contexte exceptionnel, nous témoignons ainsi de notre volonté politique auprès de nos partenaires européens.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine l'amendement n° 20 de M. Alexandre Holroyd.
Cet amendement a pour objet de mettre au cœur de la proposition de résolution l'objectif d'assurer la sécurité des patients en Europe, soulignant ainsi le travail de notre collègue Valérie Trillet-Lenoir au Parlement européen.
Votre proposition est d'autant plus intéressante que sa formulation est large et souple. Avis favorable.
Le terme « essentiels » me paraît encore un peu restrictif : j'évoquerais plutôt les médicaments « utiles ».
La commission adopte l'amendement.
Elle se saisit de l'amendement n° 15 de M. Fabrice Brun.
Votre amendement est un peu redondant avec le contenu de la proposition de résolution et peu opérationnel : je vous propose donc de le retirer.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'amendement n° 16 de M. Fabrice Brun.
Cet amendement a pour objet d'établir une cartographie pour déterminer quelles productions il faut faire revenir, afin de calibrer les investissements et la recherche nécessaires.
Il s'agit de l'amendement « chair de poule » car il nous permettra de voir ce que nous avons, ce que nous n'avons plus et ce que nous souhaiterions avoir : cela peut provoquer quelques frissons ! Cet amendement promeut la transparence : j'y suis évidemment favorable.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine l'amendement n° 21 de M. Alexandre Holroyd.
Le présent amendement vise à élargir les compétences de l'Agence européenne des médicaments à l'encadrement des essais cliniques en phases 1 et 2. Cela pose une question de subsidiarité car ce processus est du ressort des États membres. Plutôt que de lui conférer des compétences nouvelles, je propose d'élargir ses compétences actuelles : l'EMA, qui tient un registre des essais cliniques en cours afin d'éviter les doublons, est en contact permanent avec tous les acteurs institutionnels de la recherche. Elle aurait ainsi un rôle d'impulsion et de coordination de ces protocoles de recherche, pour pallier le risque de pénurie et pour mieux coordonner le processus d'innovation en faveur des citoyens européens. Par ailleurs, ses compétences pourraient également s'étendre à la coordination stratégique de la répartition de l'offre des médicaments essentiels, pour éviter le surstockage qui contribue à déséquilibrer le marché.
Nous nous entendons tous sur un point : l'absence de visibilité. Quand un État passe commande d'un médicament d'intérêt stratégique sanitaire ou d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur, l'industriel ne sait pas quel est son niveau de stock : il ne sait donc pas, quand il satisfait à une commande, à quel État il doit donner la priorité. Cela peut conduire à du surstockage dans certains États et à des pénuries dans d'autres. Pour éviter cette situation, il faudrait avoir un peu de visibilité sur l'état des stocks par État membre. Il est donc intéressant d'élargir le champ de compétence de l'EMA pour lui permettre de rapatrier de l'information et d'améliorer la transparence sur le surstockage et la pénurie. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine l'amendement n° 4 de la rapporteure.
Une définition au niveau européen de la notion de « médicament essentiel » est nécessaire. Elle devra être plus restrictive que celle, beaucoup plus générale, de « médicament à intérêt thérapeutique majeur ».
L'amendement vise également à remplacer « sous l'égide de l'EMA » par « en concertation avec l'EMA » car cette rédaction n'exclut pas la possibilité que la décision soit prise au niveau de la Commission, l'EMA ayant alors un rôle consultatif. La précision que cette définition sera harmonisée indique qu'elle aurait vocation à s'appliquer à l'ensemble des États membres.
Nous soutiendrons cet amendement car non seulement la fabrication de médicaments et des principes actifs a été délocalisée ces trente dernières années, mais la liste des médicaments essentiels et stratégiques n'a pas été définie : nous devons donc réparer cette faille profonde dans notre indépendance sanitaire.
La suppression de « sous l'égide » me paraît très importante car ce n'est pas à la chance de définir les choses, mais à une autorité politique. Or la Commission, responsable devant le Parlement européen et investie par lui, en est une. On a beaucoup discuté ces dernières semaines de la place des autorités scientifiques par rapport aux autorités politiques : cela met bien les choses en place. C'est donc une très bonne proposition.
Par ailleurs, tout le problème de ce rapport est que l'on ne sait pas ce qu'est le médicament essentiel. J'aurais préféré qu'on essaye de le définir dans le rapport, mais je ne peux qu'approuver le fait qu'on demande qu'il soit défini.
La commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'examen de l'amendement n° 5 de la rapporteure.
Dans le même esprit, je vous propose d'insérer, après le mot « approvisionnement », les mots « et du surstockage ». Cela correspond à l'objectif de M. Brun et permet d'enfoncer le clou.
La commission adopte l'amendement.
Elle est saisie des amendements identiques n° 8 de la rapporteure et n° 19 de M. Alexandre Holroyd.
Ces amendements sont issus des propositions contenues dans le rapport sur la pénurie de médicaments de l'eurodéputée Nathalie Colin-Oesterlé. Pendant la crise du coronavirus, la Commission a mis en place la toute première réserve de matériel médical, RescUE. Nous souhaitons pérenniser ce mécanisme pour ces fameux médicaments essentiels bientôt définis, nous le souhaitons, à l'échelle européenne, qui risquent de faire l'objet d'une rupture d'approvisionnement. La création d'un établissement pharmaceutique capable de produire certains médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique est essentielle pour la restauration d'une souveraineté européenne. Enfin, la notion de mieux-disant étant recommandée par la Commission, il apparaît opportun d'introduire dans les procédures d'appels d'offres la sécurité d'approvisionnement comme critère prioritaire, ou au moins équivalent à celui du prix, et d'éviter que le prix ne soit le seul critère.
La relocalisation des produits essentiels en Europe se heurtera à la question de la rentabilité de la fabrication pour l'industrie pharmaceutique. Certains produits pourront être assez facilement relocalisés avec des aides et de l'accompagnement ; pour d'autres, en revanche, il faudra sans doute permettre à un établissement européen de produire ces médicaments indispensables à notre réserve pharmaceutique.
Je m'en remets à l'éloquence de la rapporteure sur ce sujet. Je souhaite simplement poser une question à Jean-Louis Bourlanges : est-ce le rôle que l'établissement pharmaceutique est supposé jouer qui lui pose problème, ou bien est-ce le terme « créer » ? Est-ce l'objectif d'avoir la capacité de produire certains médicaments en Europe, ou bien est-ce l'idée de créer un établissement qui lui pose problème ?
C'est un sujet très intéressant. Je suis un enfant de l'époque Chaban et du rapport Nora, dont la philosophie est excellente : toute activité doit être rentable, à la SNCF comme ailleurs ; mais quand des raisons d'intérêt public justifient d'imposer une activité non rentable, alors on passe un contrat avec l'entreprise pour la solvabiliser avec de l'argent public. Le bon système consisterait donc à permettre à la puissance publique, qu'elle soit européenne ou nationale, de passer contrat avec l'industrie pharmaceutique pour financer en partie des productions non rentables. Cela serait beaucoup plus moderne que de « créer » un établissement à tout faire qui, par définition, serait un établissement à rien faire.
J'entends vos propos mais la situation est tout à fait différente de celle de l'époque Nora : en l'occurrence, nous n'avons ni les rails, ni la SNCF. C'est bien pour cela que l'on envisage de créer un établissement, qui serait chargé de produire l'essentiel dans le cadre de l'intérêt sanitaire stratégique.
Notre collègue députée européenne nous un peu éclairés tout à l'heure en citant des exemples comme la pharmacie des armées ou celle des hôpitaux de Paris. Quand un médicament n'est plus rentable mais revêt un intérêt stratégique sanitaire, il doit pouvoir être fabriqué. Ce point est l'un de ceux qui suscitent le plus de débats, notamment au Parlement européen.
Est-il possible de voter de manière séparée sur les trois points ? Je souhaite isoler dans le vote la formule « et à créer un établissement pharmaceutique capable de produire certains médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique ».
J'aimerais vous faire plaisir mais cette seconde partie de la phrase vient renforcer la première : si nous votons la réserve stratégique européenne des médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique, sans proposer dans le même temps la création de cet établissement, la première partie de la phrase risque d'être incantatoire et l'on fait perdre de la force à cette disposition.
Je propose d'écrire « capable de produire » ou « capable d'organiser la production », car on pourra avoir besoin de produire si l'on ne trouve pas d'opérateur privé ou, ce qui est plus souhaitable, d'organiser la production en s'appuyant sur le secteur.
Nous pourrions aussi rédiger ainsi : « et à garantir une capacité de production de certains médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique » à la place de « créer un établissement » : c'est l'établissement qui me gêne.
Je vois deux solutions : la première consiste à remplacer « créer » par « garantir », c'est-à-dire à fixer un objectif plutôt qu'à créer un outil ; mais c'est un changement considérable dont je ne discerne pas toutes les ramifications. La deuxième solution consiste à séparer les deux paragraphes. Notre collègue Bourlanges pourra ainsi s'associer à l'appel à redéfinir les règles.
Je vous propose de rédiger ainsi : « créer un établissement pharmaceutique capable de produire, si nécessaire à la garantie des médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique » On spécifie ainsi que cela n'a pas vocation à suppléer le marché mais simplement à apporter la garantie de la première partie de la phrase.
Si vous voulez : « à créer, si nécessaire à la garantie des médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique, un établissement pharmaceutique… ». Cela vous conviendrait-il ?
Oui. Il faut une conditionnalité : si c'est nécessaire à la production, alors on crée l'établissement.
Nous avons deux options : soit on précise « si nécessaire » après « créer », mais cela veut dire qu'on les laisse évaluer la pertinence et la nécessité de créer cet établissement pharmaceutique. Cela signifie, par conséquent, qu'au moment où nous en aurions besoin, il n'existerait pas. Soit on écrit « si nécessaire » après « produire » : l'établissement est créé en amont, il n'est pas forcément opérationnel tout de suite mais la structure existe et permet, au moment où la production s'avère nécessaire, de l'activer.
Notre collègue Jean-Louis Bourlanges est extrêmement clair : il n'est pas favorable à la création d'un établissement. Il faut donc mettre le terme « si nécessaire » après « créer ». Puisque nous en sommes là, et sans vouloir faire de sémantique, le mot « criticité » me gêne : je sais bien que c'est un mot technique, qui vient du nucléaire, mais comme il est directement traduit de l'anglais, j'émets une réserve sur ce point.
Quand on parle d'intérêt sanitaire et stratégique, on parle des produits qui nous manquent en cas de crise. Ce n'est pas en situation de crise et de tension sur certains produits pharmaceutiques à l'échelle mondiale qu'on a la capacité de créer un établissement. Cela ne concerne pas les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, mais ceux qui sont indispensables lors d'une crise. Si on doit créer des capacités de production en pleine crise, on ne s'en sortira pas ! Si on fait preuve de timidité dans une proposition de résolution européenne, on ne va pas faire grand-chose !
Ces amendements proposent un outil, à savoir la création en amont d'un établissement pharmaceutique qui aura les capacités de produire. Notre collègue Bourlanges préfère fixer un objectif, c'est-à-dire que les autorités européennes doivent prendre les mesures nécessaires pour remplir cette fonction, sans préciser quel outil devrait être utilisé. Je m'en remets à la rapporteure pour trancher entre ces deux options fondamentalement différentes.
Dans mon esprit, l'objectif précise aussi des moyens, donc ce n'est pas complètement antagoniste. Mais quand j'écoute la rapporteure, je me dis qu'il y a une petite confusion sur les objectifs : selon elle, c'est pour faire face à un moment critique ; on ne crée pas un établissement en pleine pandémie. Mais, en arrière-plan, il y a l'idée que cela concerne des médicaments d'intérêt stratégique, ce qui n'a rien à voir : dans la pandémie, ce qui nous a manqué, ce sont les écouvillons, les masques, les tests, tout un ensemble de choses très hétérogènes qu'un seul établissement ne pourrait pas produire. La stratégie de lutte contre la pandémie impliquerait d'être beaucoup plus prudent sur la nature de l'instrument.
En revanche, un instrument pourrait se justifier s'il a vocation à répondre à des problèmes spécifiques d'approvisionnement, par exemple en matière d'oncologie, lorsque les laboratoires ne couvrent pas tous les besoins à l'échelle européenne. Mais cela n'a rien à voir avec une crise : c'est un problème de défaillance structurelle de l'offre de médicaments.
Il faut se concentrer sur des besoins essentiels. Il peut exister un stress en matière d'approvisionnement lors de crises, d'où l'idée d'évaluer par des « stress tests » la résistance de nos réseaux d'approvisionnement, afin d'identifier les médicaments pouvant être sujets à des pénuries.
Il y a une confusion de départ : les médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique sont ceux qui seraient essentiels dans le cadre d'une crise. Les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur sont ceux qui sont nécessaires au quotidien pour traiter des maladies chroniques classiques : ce sont deux choses différentes.
Nous proposons la création d'un établissement centré sur l'intérêt sanitaire et stratégique critique. Cela ne concerne pas tant les masques et les écouvillons que les réactifs et le curare. Tout l'objectif de cette proposition de résolution européenne et du travail des eurodéputées Colin-Oesterlé et Trillet-Lenoir est précisément d'arriver à définir les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur – traitement du système nerveux ou des pathologies cardiaques, anticancéreux –, et les médicaments d'intérêt sanitaire stratégique, indispensables en cas de crise : c'est pour ceux-là que nous proposons la création d'un établissement car si l'on attend la crise, il sera trop tard.
Le texte de ces amendements serait ainsi modifié : « appelle à créer une réserve stratégique européenne de médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique critique et à créer un établissement pharmaceutique capable de produire, si nécessaire, certains médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique ».
Nous pouvons même écrire « ces médicaments » à la fin de la phrase, à la place de « certains médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique », dès lors que nous avons écrit « d'intérêt sanitaire et stratégique critique » au début de la phrase.
La commission adopte les amendements identiques ainsi modifiés.
Elle en vient à l'examen de l'amendement n° 9 de M. Fabrice Brun.
Il s'agit de faire de la sécurité de l'approvisionnement un critère prioritaire dans les procédures d'appel d'offres de fourniture de médicaments.
. Je partage l'objectif, mais un peu moins la rédaction. Je vous demande de retirer votre amendement au bénéfice de l'amendement n° 6, qui va dans le même sens.
Pour la bonne compréhension, je voudrais savoir à quel moment est évoquée, dans cet amendement n° 6, la notion de critère prioritaire dans les procédures d'appel d'offres, parce que je ne le vois pas.
Cela se trouve dans les amendements identiques que nous venons d'adopter. L'amendement n° 6 concerne le reste de votre amendement.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement n° 10 de M. Fabrice Brun.
Comme pour le précédent, je souhaite le retrait de cet amendement en faveur de l'amendement n° 6.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'amendement n° 14 de M. Fabrice Brun.
Comme pour le précédent, je souhaite le retrait de cet amendement en faveur de l'amendement n° 6.
L'amendement est retiré.
La commission examine les amendements identiques n° 6 de la rapporteure et n° 17 de M. Alexandre Holroyd.
Cela répond à l'objectif poursuivi par les amendements précédents de M. Brun. Il s'agit d'étendre le PIIEC à la production de médicaments et de principes actifs considérés comme essentiels et stratégiques pour l'indépendance sanitaire de l'Union européenne.
La commission adopte les amendements.
Elle se saisit de l'amendement n° 11 de M. Fabrice Brun.
Cet amendement se situe dans le registre des mesures d'incitation fiscale et financière en contrepartie de la relocalisation de la production. Il vise à autoriser les aides d'État à cet effet.
L'amendement est retiré.
La commission examine les amendements identiques n° 7 de la rapporteure et n° 18 de M. Alexandre Holroyd.
Cet amendement tire les conséquences de l'adoption de l'amendement n° 6 sur l'élargissement du périmètre des PIIEC. Les contreparties aux aides financières qui visent à accompagner l'augmentation des capacités de production de médicaments et de principes actifs essentiels sont justifiées par le but poursuivi lui-même, à savoir la sécurité de l'approvisionnement du marché intérieur en médicaments et l'accession à une souveraineté sanitaire européenne.
Le P.-D.G. de SANOFI a suscité l'émoi lorsqu'il a déclaré que le marché américain aurait accès en priorité à un éventuel vaccin. Les subventions doivent être utilisées dans un but stratégique : sans préjudice des règles de l'OMC, mais sans faire preuve de naïveté non plus, il importe de s'assurer que les subventions sont efficaces dans la réalisation des objectifs qui les justifient.
Les députés Les Républicains voteront ces amendements car il est très important de fixer une conditionnalité – le terme n'est pas très heureux juridiquement mais, politiquement, c'est bien de cela qu'il s'agit. Cela corrobore bien des propositions politiques que la famille de la droite républicaine formule depuis quelques années, pour ce secteur industriel comme pour d'autres. Je me réjouis donc de voir un amendement de cette facture émaner des rangs de la majorité.
La commission adopte les amendements.
Puis elle adopte l'article unique modifié.
La proposition de résolution est donc ainsi adoptée modifiée.
. La crise que nous vivons constitue une épreuve majeure pour la pêche européenne, comme pour d'autres secteurs. Toutefois, il ne faut pas oublier qu'une autre crise est à prévoir, venant fragiliser encore ce pan important de notre économie et de notre souveraineté alimentaire : le Brexit .
Avec mon collègue Pierre-Henri Dumont, nous avons travaillé depuis plusieurs mois pour évaluer l'impact du Brexit sur l'ensemble de la filière et tenter de dessiner des perspectives à la fois pour un accord de relation future qui nous paraîtrait équilibré, mais aussi et surtout pour tirer toutes les conséquences de ce qui pourrait devenir un drame pour la pêche, mais aussi le mareyage, les criées, les transformateurs, les distributeurs, c'est-à-dire pour toute une filière économique.
Je voudrais d'abord rapidement revenir sur les derniers événements du Brexit. La semaine dernière, s'est déroulée la quatrième semaine de négociation de l'accord de « relation future ». Ces discussions ont bien entendu été bouleversées par la crise que nous traversons, les deux négociateurs ayant été contaminés. Le Royaume-Uni continue toutefois de refuser d'envisager une extension de la période de transition, ce qui place les négociations sous une tension extrême.
En effet, les deux parties s'étaient engagées à tout mettre en œuvre pour trouver, avant le 1er juillet, un accord sur la pêche, qui aurait permis de passer ensuite à des discussions sur tous les autres sujets et préparer correctement le futur système de gestion des pêches. Or, cet engagement ne sera sans doute pas respecté, étant donné l'échec des quatre sessions de négociation.
Les éléments qui en ressortent tendent à montrer que le Royaume-Uni ne joue pas le jeu de la négociation mais au contraire la freine, tout particulièrement sur la pêche. Il y a fort à parier que leur stratégie est celle de « la montre » et que tout se jouera dans les dernières semaines de l'année. Nous nous trouvons donc dans une situation d'indécision totale pour la pêche européenne.
Une conférence doit avoir lieu dans le courant du mois de juin pour faire le bilan de ces premiers mois de négociation et, sans doute, acter qu'aucune extension de la période de transition ne sera décidée et que, par conséquent, un accord devra être trouvé au 31 décembre au plus tard, sans quoi le « no deal » deviendra une réalité. Celui-ci est donc une menace de plus en plus crédible. La crise n'a pas, comme on aurait pu s'y attendre, changé les positions britanniques, bien au contraire. L'analyse du Royaume-Uni est plutôt celle selon laquelle les conséquences de la crise sanitaire éclipseront celles du Brexit.
. Dans notre rapport, compte tenu de toutes les incertitudes qui planent encore autour du Brexit, nous nous sommes surtout placés dans l'éventualité d'une absence d'accord pour essayer de mesurer les conséquences que cela pourrait avoir sur la pêche européenne, même si nous montrons que le Royaume-Uni n'aurait rien à gagner à ce scénario. Le résultat est clair : un drame est à prévoir si rien n'est fait pour anticiper au maximum le « no deal ».
Pour résumer, la pêche européenne est, comme vous le savez, extrêmement dépendante des eaux britanniques : quand le Royaume-Uni génère 126 millions d'euros de revenus chaque année dans les eaux européennes, les pêcheurs européens en génèrent six fois plus dans les eaux britanniques ! Ce constat est variable selon les États membres et les espèces de poissons considérées : la Belgique est dépendante à 50 % des eaux britanniques, l'Irlande, le Danemark et les Pays-Bas aux alentours de 30 %. La France a un niveau de dépendance évalué aux alentours de 20 %.
Notre rapport fait également un focus sur la situation de dépendance de la pêche française aux eaux britanniques. Au total, les navires français pêchent en moyenne 98 000 tonnes de poissons dans les eaux britanniques chaque année. Ce sont donc environ 171 millions d'euros de chiffre d'affaires et 2 570 emplois directs qui sont concernés. Toutefois, ce degré de dépendance est très variable en fonction des régions : seuls 17 % des navires français travaillent dans les eaux britanniques (soit environ 440 navires), se situant principalement dans les Hauts-de-France, en Normandie et en Bretagne. Pour eux, le risque du Brexit est immense : ils réalisent en moyenne 47 % de leur tonnage et près de 40 % de leur chiffre d'affaires dans les eaux britanniques !
Nous avons également voulu rappeler à quel point le changement climatique est, dans cette situation, favorable aux Britanniques. Il entraîne en effet une tendance à la migration des poissons vers le nord et donc vers les eaux du Royaume-Uni. On l'observe notamment pour le cabillaud dont la proportion dans les eaux britanniques est passée de 40 % dans les années 2000 à 60 % aujourd'hui ! Les scientifiques ont d'ores et déjà fait ce constat pour au moins huit espèces.
Notre rapport démontre également pourquoi l'argument britannique d'un « Brexit vert » est totalement fallacieux. Le Brexit pourrait au contraire avoir des conséquences dramatiques pour la pérennité de la ressource et donc de la pêche.
. Il faut également bien avoir à l'esprit que la pêche britannique hors de ses eaux est loin d'être négligeable : cela représente 17 % des débarquements britanniques ! Toutefois, c'est dans les eaux norvégiennes (donc à l'extérieur de l'Union) que ces débarquements britanniques se font majoritairement (à 40 %), alors que les eaux françaises ne représentent que 0,9 % des débarquements britanniques dans les eaux étrangères.
Enfin, rappelons que le Royaume-Uni exporte une majorité de ses poissons vers l'Union européenne, bien qu'il soit, au global, un importateur net de produits de la mer. Cette situation paradoxale le rend doublement dépendant : à la fois de la Chine et de l'Islande pour se fournir en poissons et de l'Union européenne pour exporter ses produits de la mer ! La France représente environ 40 % des exportations britanniques pour ces produits.
In fine, il faut bien se rendre compte que la pêche ne représente aujourd'hui que 0,03 % du PIB du Royaume-Uni. Et pourtant, ce secteur bénéficie d'une influence politique et symbolique absolument majeure, totalement sans lien avec son poids économique.
Enfin, il ne faut pas oublier que la pêche est le maillon central de toute une filière qui en dépend et pour laquelle le Brexit constituera un véritable séisme. Les halles à marées françaises seront impactées à hauteur d'au moins 20 % de leurs achats et les entreprises françaises du mareyage anticipent également un impact à hauteur de 20 % de leur activité. La transformation et la distribution subiront également cet événement de plein fouet.
. Au total, le drame que peut constituer le Brexit aura des conséquences pour toute une filière. C'est pourquoi nous formulons des propositions selon trois axes : garantir un accord de pêche sécurisant pour nos pêcheurs, accroître fortement l'anticipation par l'Union européenne, l'État et la filière ; rénover la politique commune de la pêche pour éviter un nouveau Brexit .
Sur l'accord de pêche, d'abord, les positions britanniques n'ont pas changé depuis la crise : redevenant un État côtier indépendant, il souhaite un accord de pêche sur le modèle de l'accord UE-Norvège, et un processus annuel de négociation des quotas. Il demande également à ce qu'un système de licence soit mis en place pour les navires européens.
Nous demandons donc, comme l'Union européenne, un accord de pêche qui offre une triple garantie : un accès aux eaux britanniques ; un accès à la ressource présente dans ces eaux. En effet, ce n'est pas parce que les Britanniques accorderaient un accès aux eaux que nos pêcheurs pourraient travailler correctement. Les Britanniques peuvent introduire des « mesures techniques » déloyales pouvant entrainer une concurrence faussée et une absence d'accès réel à la ressource. Enfin, cet accord devra garantir un accès réciproque aux deux marchés.
Cet accord devra également garantir une gestion stable et pluriannuelle des stocks, notamment ceux qui sont partagés, et se baser sur le rendement maximal durable et les meilleurs avis scientifiques, afin de ne pas compromettre les objectifs européens de restauration des stocks halieutiques.
. Notre deuxième axe de propositions concerne l'anticipation. En effet, nous avons noté que, tant au niveau européen que national, les autorités n'anticipent que très peu le cas de « no deal » et se basent sur un accord potentiel, quelle qu'en soit la forme. Or, nous pensons qu'il faut tout faire pour nous préparer à l'absence d'accord !
Au niveau européen, il faut notamment : flexibiliser au maximum les conditions d'obtention de l'indemnisation d'arrêt d'activité ; prévoir un fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche post 2020 qui permette de soutenir les pêcheurs face au Brexit ; préparer un plan stratégique pour l'avenir de la pêche européenne, qui permette notamment de déterminer des marchés de substitution en cas de barrières douanières trop importantes avec le Royaume-Uni.
Au niveau national aussi, nous avons constaté une anticipation encore trop faible du « no deal ». La France doit donc aider à la diversification des pêches françaises, en sollicitant par exemple les pôles de compétitivité pour cela ; organiser une régulation stricte du report de l'effort de pêche car la fermeture des eaux britanniques entraînerait en effet des conflits voire des troubles à l'ordre public ; inciter toutes les entreprises de la filière à anticiper au maximum le « no deal » ; multiplier les « travaux pratiques » et « stress tests ».
Nous formulons également des propositions à destination des criées françaises, pour lesquelles le risque est immense. Il faut donc selon nous créer des structures inter-criées, développer des coopérations entre criées européennes et organiser des tests de marché pour des espèces sous valorisées. En bref, nous formulons des propositions pour que l'Europe et la France soient véritablement armées face au Brexit, quelle qu'en sera la forme.
. Enfin, notre troisième axe de recommandations concerne la politique commune de la pêche. En effet, il ne faut pas nous voiler la face : celle-ci est rejetée par la plupart des pêcheurs européens et a constitué un axe majeur de rejet de l'Union européenne par les Britanniques. Il faut tout faire pour que cela ne se reproduise plus. C'est pourquoi nous pensons que le Brexit doit constituer un catalyseur pour certains changements dont la politique de la pêche a besoin.
Deux réformes en particulier nous paraissent indispensables. D'abord, il faut introduire urgemment une programmation pluriannuelle des totaux admissibles de capture (TAC). L'annualité des TAC est en effet un facteur d'instabilité et de faible lisibilité pour les pêcheurs.
La deuxième réforme que notre rapport proposait concerne le principe de « stabilité relative ». Sans entrer dans les détails techniques, il s'agit de la clé de répartition des quotas entre les États membres qui a été décidée au début des années 1980. Le Royaume-Uni se considère, comme certains États membres, lésé par ce principe, qui se base sur un historique ancien des captures, ne correspondant plus à l'actualité. Ainsi, le Royaume-Uni propose de lui substituer le principe de « l'attachement zonal », déjà utilisé pour répartir les quotas entre l'UE et la Norvège. Ce nouveau principe se base sur la part du stock résidant dans la zone économique exclusive d'un pays donné, pondérée par le temps qu'elle y passe.
Notre rapport proposait d'entamer des discussions avec le Royaume-Uni sur ce sujet. Toutefois, sans aller aussi loin dans la version définitive de ce rapport, face aux difficultés importantes que cela pourrait engendrer, nous proposons plutôt de commencer par des discussions autour d'une future étude d'impact, zone par zone, État membre par État membre, pour voir quel système de répartition des quotas pourrait être le plus avantageux pour nos pêcheurs et le plus respectueux de la ressource.
. Enfin, nous pensons que cet événement majeur que constitue le Brexit doit conduire la politique commune de la pêche à s'ouvrir beaucoup plus fortement, pour former une « politique européenne de la pêche », au sens continental. Il n'est en effet plus possible de penser la pêche européenne sans d'autres États pêcheurs qui ne sont pas membres de l'Union. Je pense en particulier à l'Islande, la Norvège, les îles Féroé et désormais le Royaume-Uni. A minima, nous pensons qu'un forum de discussion doit être créé entre ces États et l'Union européenne pour déterminer les modalités d'une gestion partagée et durable de la pêche.
Le Brexit constituera une nouvelle crise pour la pêche, mais, celle-ci, nous pouvons l'anticiper et essayer de réparer ce qui, aujourd'hui, ne fonctionne plus. C'est de notre devoir de le faire et c'est le chemin que notre rapport veut dessiner. Je vous remercie.
Les négociations sur le Brexit, à cause de la crise du COVID-19, sont un peu passées en arrière-plan et il faut être très vigilant parce que le Royaume-Uni ne devrait probablement pas demander de période de transition et nous pourrions nous diriger vers un Brexit dur. Il faut donc redoubler notre attention.
Aujourd'hui il faut peut-être trouver des voies novatrices en matière de pêche. Vous mentionnez dans votre rapport qu'il faut aider à la diversification de la pêche avec notamment la pêche d'espèces sous exploitées comme le boulot, le sanglier de mer, l'encornet ou le calamar. Existe-t-il une réflexion chez nos pêcheurs pour aller vers une diversification et être moins dépendants des négociations liées au Brexit ? Qu'en est-il de la consommation de ces espèces ?
Non seulement il existe des réflexions mais cela se fait déjà, notamment à Boulogne-sur-Mer, Calais et Dunkerque. Cela concerne en particulier le bulot et l'encornet plutôt pour des exportations du côté des Espagnols qui sont de grands consommateurs de ce type de coquillages .
L'impact du réchauffement climatique est aussi primordial. Les espèces migrent, depuis les zones de pêches de l'océan l'Atlantique ou du sud de la Manche et de la Mer du Nord, pour remonter vers le haut. Il existe une transformation des pêches qui se fait naturellement de ce fait. On ne va pas imposer aux Français le poisson qu'ils doivent consommer mais plus l'offre est diversifiée, plus il est possible de les y inciter. On peut également penser à des incitations financières dans le cadre du FEAMP pour réussir à transformer les types de pêches et proposer des espèces qui sont moins utilisées parce que pas forcément dans les habitudes de consommation des Français.
Concernant le FEAMP, 500 millions d'euros supplémentaires lui ont été alloués dans le cadre du budget de relance de l'Union. Est-ce que ce montant vous paraît suffisant face au Brexit ?
Ce n'est jamais suffisant. Le FEAMP est utilisé aujourd'hui pour répondre à la crise économique liée au COVID-19 parce que malheureusement il a été sous-utilisé au préalable. Il a permis de soulager un certain nombre de marins pêcheurs qui ont dû rester à quai à cause du COVID-19 et ont moins péché. C'est pour cela que l'on parle de réalimenter le FEAMP en vue du Brexit .
Au-delà de la réalimentation, l'enjeu est aussi d'en simplifier les procédures et de flexibiliser les conditions d'accès. En effet les enveloppes prévues n'ont pas été totalement utilisées notamment par nos pêcheurs et il faut les inciter à utiliser ces enveloppes du FEAMP pour que le fonds devienne plus « grand public ». C'est un enjeu majeur que d'assurer l'accès de ces fonds à l'ensemble des pêcheurs.
Durant la crise du COVID-19 cette enveloppe a été redirigée mais dans un souci de simplification et avec rapidité. Les pêcheurs l'ont remarqué connaissant les difficultés liées aux aides européennes.
Je souhaitais vous féliciter pour vos travaux réalisés dans des conditions de crise sanitaire.
C'est à la fois en tant que co-présidente du groupe d'étude d'économie maritime de l'Assemblée nationale et député du Finistère en Bretagne, une région de pécheurs fortement dépendante des eaux britanniques, que j'ai lu votre rapport avec attention. Vos travaux sont d'une actualité brûlante puisque les négociations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni ont repris fin avril et que le quatrième cycle qui se tenait du 2 au 5 juin dernier a permis d'obtenir des résultats très modestes. À l'issue ce quatrième cycle, Michel Barnier, négociateur en chef de la Commission européenne, a évoqué plusieurs thématiques à l'origine du blocage des discussions à la tête desquelles figure la politique de pêche. Pourtant, l'UE et le Royaume-Uni doivent nécessairement s'accorder sur un texte au début de l'automne pour s'assurer de l'entrée en vigueur de celui-ci au lendemain de la fin de la période de transition, à savoir au 1er janvier 2021. Au niveau de l'Union européenne, ce sont 107 000 emplois de la filière pêche qui génèrent 3,7 milliards d'euros, à être concernés par ces négociations. En France, plus de 2 500 emplois directs seront affectés par le cadre juridique auquel seront soumises les eaux britanniques au 1er janvier 2021. Les mandats de négociation publiés par l'Union européenne en mars et par le Royaume-Uni en mai développent des propositions opposées en matière de politique de pêche, ce qui a conduit nos Rapporteurs à proposer des recommandations sur des thématiques au centre des préoccupations européennes, je pense notamment à l'autonomie alimentaire, à la préservation de la biodiversité et la protection des intérêts économiques des travailleurs et des consommateurs européens.
Vous avez aussi proposé des solutions sur le long terme avec une révision de la politique européenne de la pêche vers une approche plus continentale permettant aux acteurs du secteur d'appréhender leur avenir qui est déjà lourdement affecté par la crise économique actuelle. Enfin je souscris à vos choix de modifier la partie concernant la révision du principe de stabilité relative, sujet de tensions dans les négociations avec le Royaume-Uni. Ce système, aujourd'hui profitable à nos pêcheurs, est fondateur de la politique commune de la pêche. L'Union ne peut pas remettre en question, pour l'aboutissement des négociations du Brexit, la définition de ses propres politiques. Elle doit réserver ces discussions aux sujets qui relèvent des négociations. L'évaluation du principe de stabilité relative au travers de l'étude d'impact que vous proposez dans votre rapport semble être une première étape rassurante et efficace que je soutiens pleinement. Désormais, nous ne pouvons qu'espérer que ces propositions soient étudiées afin d'obtenir un accord cohérent et équitable pour les filières de pêche françaises et européennes.
Les premières paroles que j'ai retenues de Michel Barnier sont qu'il ne faut absolument pas être mieux dehors que dedans. Tout accepter de la part des Britanniques n'est pas concevable. Ils demandent beaucoup de choses ce qui est normal dans des discussions. Comme l'évoquait Pierre-Henri Dumont, on connaît la façon de négocier des Britanniques, mais je crois qu'il y a des lignes rouges qu'il ne faut pas dépasser. Nous avons fait un certain nombre de propositions. Déjà dans un premier rapport sur la pêche durable pour l'Union européenne de juillet 2019, il a été évoqué les TAC pluriannuels. C'est important pour nos marins pêcheurs d'avoir une visibilité plus importante. Le rendement maximal durable est aussi important. Même s'il existe des ZEE la mer appartient à tout le monde et le poisson n'a pas de frontières. C'est pour cela qu'il faut une politique européenne, au sens continental, de la pêche pour que nous puissions avoir une pêche durable.
Je voudrais ajouter deux précisions. La première n'engage que moi : je suis convaincu qu'il y a une volonté des Britanniques de faire durer les négociations pour mieux diviser. Il faut avoir conscience que si la pêche est importante pour la France, elle ne concerne en réalité que peu de pays européens. Imaginer qu'un pays comme la Slovaquie risque un « no deal » sur ces importations et exportations de véhicules à cause de la pêche permet de comprendre qu'il existe un risque que cela pèse dans les négociations entre les pays membres. D'ailleurs, à ce titre, on voit bien que la politique intérieure menée par le Royaume-Uni va dans ce sens-là avec une politique de quarantaine qui a été mise en place à l'entrée du Royaume-Uni accordant des passe-droits pour certains pays comme le Portugal ou la Grèce non soumis à quarantaine alors que d'autres pays le sont. C'est aussi un moyen de diviser l'Union européenne. Il faut bien avoir conscience de l'enjeu absolu de garder cette unité des 27 États membres. C'est aussi pour cela que l'on a adouci la proposition du rapport sur la stabilité relative, afin d'éviter de rouvrir en parallèle du Brexit une négociation qui devait avoir lieu mais qui ne pas être concomitante.
Je me permets de souligner que le rapport de François-Xavier Bellamy du Parlement européen sur le même sujet avait suscité une réaction du président de la Commission pêche qui avait demandé l'inscription du principe de stabilité relative. C'est une anecdote que je me permets de souligner, l'essentiel étant que dans notre rapport nous demandons un rapport pour évaluer les différentes positions sur ce point en prenant en compte que la situation n'est pas tenable et qu'il faudra à terme des négociations sur ce sujet.
Effectivement, il faut se poser la question de la politique européenne de la pêche, mais je pense qu'avant tout il faut trouver un bon accord qui soit équilibré et juste. Je voudrais rappeler que le secteur de la pêche ne doit pas être une variable d'ajustement dans les négociations : il doit s'inscrire dans l'accord global. Il s'agit d'un leitmotiv de la position française et européenne que tous nos pêcheurs approuvent.
Nous sommes tous pour qu'il y ait un bon accord sur la pêche, qui permette notamment une pêche durable.
Concernant les divisions intra-communautaires potentielles, je trouve la proposition de Pierre-Henri Dumont intéressante d'aller au-delà des négociations européennes et d'impliquer des pays comme la Norvège, l'Islande et les îles Féroé. Je pense qu'il faut aller dans cette direction.
En effet c'est important d'avoir cette approche continentale parce que la ressource remonte et, à partir de ce moment-là, il est nécessaire d'impliquer des pays comme l'Islande, la Norvège, les îles Féroé et le Royaume-Uni. Imaginer des politiques de quotas ou de gestion des ressources halieutiques sans y associer ces pays serait une erreur fondamentale et mettrait en partie à terre les efforts des pêcheurs européens faits depuis une dizaine d'années.
La commission a autorisé la publication du présent rapport.
La séance est levée à 13 h 05.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Éric Bothorel, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Bernard Deflesselles, Mme Coralie Dubost, M. Pierre-Henri Dumont, M. Michel Herbillon, M. Alexandre Holroyd, Mme Caroline Janvier, Mme Constance Le Grip, M. Thierry Michels, M. Jean-Pierre Pont, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye
Excusés. - Mme Frédérique Dumas, M. Christophe Jerretie, Mme Marietta Karamanli, Mme Nicole Le Peih, M. Christophe Naegelen, M. Damien Pichereau
Assistait également à la réunion. - M. Fabrice Brun
Assistaient également à la réunion. – Mme Annika Bruna, M. Jean-Lin Lacapelle, membres du Parlement européen