Audition, ouverte à la presse, de Mme Nathalie Loiseau, Ministre auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, chargée des Affaires européennes, sur le traité d'Aix-la-Chapelle sur « la coopération et l'intégration franco-allemandes ».
La séance est ouverte à 17 heures 05.
Madame la ministre, je vous ai demandé de venir aujourd'hui, en votre qualité de ministre chargée des affaires européennes et, à ce titre, de secrétaire générale pour la coopération franco-allemande, car nous souhaitions que vous nous parliez du traité d'Aix-la-Chapelle, qu'ont signé le 22 janvier dernier le président Emmanuel Macron et la chancelière Angela Merkel.
Notre commission sera saisie, dans les mois qui viennent, du projet de loi qui autorisera la ratification de ce traité sur la coopération et l'intégration franco-allemandes. J'ai tenu à organiser ce débat, réclamé à juste titre par de nombreux députés de notre commission, pour une raison fondamentale. J'ai une intime conviction : la question de la ratification des traités est une grande question démocratique. Se pose inéluctablement la question de l'association des citoyens au moment de l'élaboration du texte, question qui renvoie à celle d'une éventuelle consultation, en amont, de la représentation nationale.
Certes, je n'ignore pas que, dans notre Constitution, la négociation des traités relève de l'exécutif et, plus précisément, du Président de la République. Mais existe aujourd'hui la nécessité, l'exigence d'une transparence accrue, de véritables débats au fond et d'une prise en compte des inquiétudes qui, faute d'être considérées, sont la source de toutes les peurs ou de tous les fantasmes.
C'est le cas pour les accords commerciaux, mais c'est aussi le cas, par exemple, pour le traité d'Aix-la-Chapelle – on l'a vu. On ne peut donc que regretter que notre commission n'ait eu communication du texte qu'au moment où il a été rendu public à tout un chacun.
Ce traité a été signé cinquante-six ans jour pour jour après le traité de l'Élysée, qu'il complète. Mais dispose-t-on d'un bilan précis de la mise en oeuvre du traité de l'Élysée ? Quels ont été les principaux succès et échecs de ce traité de 1963 ? Quelles perspectives nouvelles le traité d'Aix-la-Chapelle prétend-il développer ? Quelles traductions concrètes faut-il en attendre ? Quel sera le contenu de l'étude d'impact qui sera obligatoirement jointe au projet de loi de ratification ?
Les défis auxquels l'Europe est confrontée – je pense bien sûr au Brexit, mais, plus généralement, à l'ensemble des changements internationaux, comme l'urgence climatique, le bouleversement numérique, le défi migratoire, le terrorisme – renforcent aujourd'hui le besoin d'agir de manière concertée entre l'Allemagne et la France. Mais si l'on veut que les Français s'approprient l'idéal européen, il est indispensable qu'ils se considèrent comme partie prenante de ce mouvement et soient associés à sa mise en oeuvre.
Pour mémoire, avant la ratification du traité d'Aix-la-Chapelle, un accord parlementaire franco-allemand viendra en discussion devant notre assemblée, le 11 mars, prévoyant notamment la création d'une assemblée franco-allemande qui devrait se réunir le 25 mars.
Comme vous l'entendez, nous regrettons de n'avoir eu connaissance de ce texte que quelques jours avant sa signature. Cela vaut pour les accords commerciaux comme pour le traité franco-allemand. Je pense que l'époque où tout cela pouvait se faire dans le secret des chancelleries est une époque révolue. Il est d'ailleurs bon que les opinions publiques, et donc leurs représentants, nourrissent la légitime attente d'être associés à l'élaboration, aux objectifs et aux perspectives de ces textes importants. Voilà pour le sujet franco-allemand.
Mais je ne doute pas qu'il y aura des questions sur la situation européenne, probablement sur le Brexit, probablement sur la question franco-italienne.
Le 22 janvier dernier, la Chancelière fédérale et le Président de la République ont signé à Aix-La-Chapelle le traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne sur la coopération et l'intégration franco-allemandes. De nombreux parlementaires et acteurs de la coopération entre nos deux pays étaient réunis dans ce haut lieu du patrimoine européen, pour assister à ce moment d'histoire particulièrement important pour la France et pour l'Allemagne, cinquante-six ans après le traité de l'Élysée conclu par Konrad Adenauer et Charles de Gaulle.
Ce traité en reprend et en développe encore l'ambition. Celle-ci est remarquable, puisqu'il ne s'agit de rien de moins que de la convergence de nos économies et de nos sociétés, en s'adaptant aux enjeux de notre temps. Il s'agit de notre cadre européen commun, pour lequel le moteur franco-allemand reste essentiel, ou encore du développement de nos relations transfrontalières.
La négociation d'un nouveau traité de coopération franco-allemand a été proposée par le président dès son discours de la Sorbonne en septembre 2017. Il a ensuite réaffirmé cet objectif conjointement avec la chancelière, dans une déclaration commune, le 21 janvier 2018, à la veille du cinquante-cinquième anniversaire du traité de l'Élysée. La négociation s'est engagée immédiatement, malgré les contraintes liées à l'incertitude sur le gouvernement en Allemagne. Après une année 2018 riche en séquences mémorielles, ce traité a pour ambition d'ouvrir un nouveau chapitre de coopération entre nos deux pays. Il se tourne résolument vers l'avenir.
Avant d'évoquer les avancées que permettra ce traité, je voudrais d'abord rappeler combien cette relation nous a été mutuellement bénéfique, au cours des dernières décennies et, répondre ainsi à la question qui était la vôtre, madame la présidente, sur le bilan du traité de l'Élysée. Ce traité de l'Élysée avait scellé la réconciliation entre l'Allemagne et la France. Son texte est très souvent cité, mais rarement lu. Il organise un dialogue structurel systématique entre les deux gouvernements ; il a ouvert la voie à un rapprochement jamais tenté jusqu'alors, afin, notamment, que les jeunes générations apprennent à se connaître. Cela a été le défi des années d'après-guerre, relevé grâce à l'Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ), aux jumelages municipaux, aux rencontres politiques de toute nature, aux échanges de personnes et au commerce des biens et services culturels, comme à bien d'autres initiatives que je ne mentionnerai pas ici de manière exhaustive, tant elles sont nombreuses.
À l'actif de ce bilan, je voudrais insister, chronologiquement, sur quelques réalisations emblématiques qui jalonnent la route de ce succès : la création de l'OFAJ a permis chaque année, depuis 1963, à environ 190 000 jeunes de se rencontrer ; le lancement de l'Abibac, en 1994 ,et la fondation de l'Université franco-allemande, en 1999, sont venus compléter ces dispositions en faveur de la jeunesse ; décidée en 1986, la brigade franco-allemande s'est installée dès 1989 et un bataillon a été stationné dans l'euro-métropole de Strasbourg, à partir de 1993, précurseur du développement de la politique de sécurité de défense commune ; en 1988, le protocole additionnel au traité de l'Élysée institue respectivement le Conseil économique et financier franco-allemand et le Conseil franco-allemand de défense et sécurité ; la même année, est institué le Haut Conseil culturel franco-allemand ; en 2017, le Conseil franco-allemand à l'intégration s'est ajouté à ces instances ; en 1991 a été créée Arte, première chaîne de télévision binationale et biculturelle, dont l'ambition est de jouer un rôle primordial pour une meilleure connaissance réciproque de nos peuples ; en 1996, l'accord sur la coopération transfrontalière dans le bassin rhénan entre la France, l'Allemagne et la Suisse a permis de faciliter les projets entre les collectivités territoriales des trois pays ; en 2003, pour le quarantième anniversaire du traité de l'Élysée, pour la première fois, l'Assemblée nationale et le Bundestag se sont réunis de façon conjointe, alors que les gouvernements inauguraient le format du conseil des ministres franco-allemand ; dans les années suivantes, une équipe franco-allemande d'historiens a publié un manuel d'histoire commun inédit, qui est reconnu et utilisé dans les deux systèmes scolaires ; depuis 2007, la Deutsche Bahn et la SNCF exploitent ensemble des liaisons ferroviaires à grande vitesse entre Paris et Francfort, entre Paris et Stuttgart, et entre Francfort et Marseille, tandis que, sur le plan local, le tram relie depuis 2017 Strasbourg à la ville voisine de Kehl.
Cette liste pourrait vite devenir fastidieuse… Et je n'ai mentionné que quelques exemples ! Mais elle illustre la force et la diversité de notre réconciliation et de notre coopération, qui est une référence dans le monde entier. Nous devons garder à l'esprit la démarche visionnaire de ceux qui ont eu le courage de la lancer. C'est autour de cette réconciliation que l'Union européenne a progressé, en permettant aux États membres de constituer, puis de renforcer, ce qui est aujourd'hui le marché intérieur le plus vaste et le plus intégré au monde, de mener des politiques communes dans des domaines de plus en plus nombreux, qui touchent désormais tout le champ de l'action publique, des régimes de sécurité sociale à la monnaie, la sécurité ou même la défense. Certes, le couple franco-allemand ne peut suffire et il doit convaincre. Mais son poids est évident et nos partenaires n'ont d'ailleurs pas manqué, dans le passé, de nous critiquer, chaque fois qu'ils ont eu le sentiment que ce moteur de l'Europe tournait au ralenti. Sa force profonde, c'est sa capacité à trouver des solutions communes, à partir de constats souvent identiques, mais de manières très souvent différentes d'y réfléchir. Cela explique à la fois l'attractivité des compromis que nous mettons sur la table, mais aussi l'engagement politique de chaque instant qui est nécessaire pour y parvenir.
Le traité d'Aix-la-Chapelle constitue une étape nouvelle pour relever les défis d'aujourd'hui et de demain. Comme le président Emmanuel Macron et la chancelière Angela Merkel l'ont souligné, il s'agit, avec ce nouveau traité qui sera prochainement soumis à la ratification du Parlement, d'ouvrir un nouveau chapitre de coopération, en rapprochant davantage encore nos deux peuples. Nous avons longuement réfléchi, avec nos partenaires allemands, sur le point de savoir si ce nouveau traité devait remplacer ou compléter celui de 1963. C'est ce dernier choix qui a été fait. La très grande majorité des axes de coopération que prévoyait le traité de l'Élysée, au demeurant complétés par des déclarations conjointes et des protocoles, reste parfaitement valide de l'OFAJ à notre coopération administrative et politique.
Mais ce traité, si novateur, quelques années après la fin de la deuxième guerre mondiale et dans le contexte de la guerre froide, devait être adapté en profondeur pour prendre en compte des évolutions fondamentales : la construction européenne d'abord, au succès de laquelle le traité de l'Élysée a puissamment contribué et qui a pris une importance sans commune mesure avec ce qu'elle avait en 1963 ; la montée en puissance de nos relations transfrontalières ensuite, que le marché unique et les quatre libertés des traités européens ont permis de développer et qui doivent pouvoir continuer à prendre leur essor.
Pour adapter le traité de l'Élysée, le maître-mot est celui de convergence, notamment dans les domaines de la politique économique, de la politique étrangère et de sécurité, de l'éducation et de la culture, de la recherche et de la technologie, du climat et de l'environnement, ainsi qu'en matière de coopération entre les régions frontalières et entre les sociétés civiles.
Le premier chapitre est consacré à l'importance de la construction européenne. Il vise le renforcement de la coordination au sein de l'Union européenne, à tous les niveaux, et une harmonisation dans la transposition du droit européen. C'est un outil technique, mais très concret, inexploré jusqu'à présent, et qui peut être un élément puissant de convergence entre nos deux pays. Concernant la coopération au service de la paix de la sécurité et du développement, dont l'enjeu est crucial, notamment afin d'endiguer de nouvelles menaces comme le terrorisme ou la cybercriminalité, mais également pour lutter contre les causes des phénomènes migratoires incontrôlés et illégaux, nous avons besoin d'une concertation étroite, pour mieux définir nos objectifs prioritaires et conjuguer nos stratégies. La mutualisation de certains de nos moyens et le lancement de projets communs, y compris en matière d'armement, est déterminante pour notre crédibilité.
Elle représente, de surcroît, de véritables opportunités industrielles et technologiques. Le traité fait ici écho au projet commun annoncé par la France et l'Allemagne, concernant le développement de chars ou d'avions de combat. Nos deux pays renforcent leur coordination au sein de l'Organisation des Nations unies (ONU) et articule leur action diplomatique, en particulier au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, notamment dans le cadre de la participation allemande comme membre non permanent, en 2019 et 2020, et de nos présidences jumelées, en mars-avril 2019.
S'il faut le redire ici, la France ne partagera pas son siège de membre permanent du Conseil de sécurité. Il n'en a jamais été question et rien ne le justifierait. En revanche, nous renforçons notre coopération pour mieux promouvoir nos intérêts communs et nous sommes favorables à l'attribution à l'Allemagne de son propre siège de membre permanent, dans le cadre d'une révision de la composition du Conseil de sécurité.
Dans le domaine éducatif et culturel, notre rapprochement passe d'abord par un meilleur apprentissage de la langue du voisin. Le rétablissement en France des classes bi-langues, dès septembre 2017, a marqué la première étape d'un engagement que le traité confirme. La maîtrise d'une langue supplémentaire doit permettre à nos jeunes, particulièrement dans la région frontalière, de faciliter leur mobilité professionnelle, qui est un atout sur le marché du travail. Naturellement, je le redis ici comme une évidence, le français reste et restera la langue administrative en France. Dans l'enseignement supérieur, l'Université franco-allemande est un modèle que nous soutenons, tout en misant sur la création et le développement d'un réseau d'universités européennes, comme cela a été proposé par le Président de la République et comme nous commençons à l'organiser. Dans le domaine culturel, il est prévu de mettre en place une plateforme numérique destinée aux jeunes et de créer des instituts culturels intégrés en pays tiers, quatre sont identifiés : Bichkek, Rio de Janeiro, Erbil et Palerme.
Le traité comporte, dans son quatrième chapitre, un important volet sur la coopération transfrontalière et régionale. Ici encore, je veux condamner avec force les spéculations et les fausses informations trompeuses, auxquelles certains se sont livrés sans vergogne, en détournant les dispositions du traité. Même si cela devrait aller sans le dire, je dois donc redire ici – et je le regrette, car des élus de la République ont pu prétendre le contraire : évidemment, aucune des régions frontalières ne passerait sous une quelconque tutelle allemande. Notre ambition consiste à faciliter la vie quotidienne de dizaines de milliers de personnes, qui vivent et travaillent de part et d'autre de la frontière. C'est une demande forte des collectivités territoriales et c'est une demande forte de nos concitoyens. Ainsi, dans le plein respect de la législation que vous pourrez, le cas échéant, adapter à leurs spécificités conformément à l'article 72 de la Constitution, notre objectif est de lever les obstacles, tant juridiques qu'administratifs, qui empêchent, au quotidien, les habitants de ces régions de tirer pleinement profit de leur situation géographique. C'est une volonté partagée par les deux gouvernements et les adaptations se feront des deux côtés, Ce principe de réciprocité de rapprochement de nos législations doit permettre une approche équilibrée.
L'économie est le moteur du moteur franco-allemand. Dans la globalisation, nous avons respectivement des atouts et les faiblesses, de différentes natures. Nous sommes confrontés au même défi, qu'il s'agisse du changement climatique ou de la révolution numérique, qui ont un impact sur l'ensemble des citoyens. Nous pouvons ainsi réaliser des économies d'échelle et éviter les doublons coûteux, lorsqu'il s'agit d'imaginer des réponses à la lutte contre le changement climatique ou d'assurer nos besoins en énergie. Notre collaboration sur les technologies disruptives, à l'instar de l'intelligence artificielle, doit s'accentuer si nous voulons éviter, comme toute l'Europe, d'être réduits à une « e-dépendance ». Dans cet esprit, un conseil d'experts économiques franco-allemand réfléchira conjointement aux évolutions de nos économies.
La coopération entre les gouvernements, et singulièrement entre nos deux ministères des affaires étrangères, s'intensifiera dans tous les domaines pratiques. Les échanges de personnel, qui enrichissent le vivier franco-allemand et facilitent la compréhension réciproque, seront intensifiés. Bien entendu, le Quai d'Orsay accueille depuis longtemps des diplomates allemands et nous aurons dans quelques semaines le plaisir de recevoir une nouvelle fois de jeunes fonctionnaires des deux ministères, français et allemands, dans le cadre de leur formation initiale. Dans mon équipe elle-même, vous le savez probablement, travaille une diplomate allemande. Et mon homologue compte, depuis des années, sur les conseils d'une diplomate française.
Dès le début du processus de négociation de ce traité, le Président et la Chancelière ont également affirmé leur volonté d'inclure fortement les organes législatifs. Tout au long des négociations, le Gouvernement a ainsi régulièrement tenu informés les membres du groupe de travail parlementaire franco-allemand, devant lequel j'avais été auditionnée avec mon collègue allemand Michael Roth, le 20 juin dernier, de l'état d'avancement des discussions, qui se sont d'ailleurs fortement inspirées de la résolution commune adoptée par les parlements le 22 janvier 2018 et du rapport du député Sylvain Waserman sur la coopération transfrontalière franco-allemande.
Nous nous félicitons de ces avancées et de la création annoncée d'une assemblée franco-allemande de cent membres. Cette coordination pourra jouer un rôle primordial pour la transposition du droit communautaire dans nos systèmes normatifs nationaux et renforcera aussi la convergence des politiques économiques, fiscales et sociales, et le rapprochement de nos sociétés.
Les traités de l'Élysée et d'Aix- la-Chapelle, qu'il faut nommer désormais dans un seul souffle, forment les vecteurs juridiques et politiques de l'action de l'Allemagne et de la France, en Europe et dans le monde. Le traité d'Aix-la-Chapelle constitue notre feuille de route commune pour nous permettre, ensemble, Français et Allemands, de converger et de progresser sur la voie d'une Europe unie, démocratique et souveraine.
Je compte plus d'une vingtaine d'inscrits pour prendre la parole. Je vais tout de suite la leur donner à tous successivement.
Au nom du groupe La République en Marche, je vous remercie, madame la ministre, d'avoir rappelé l'impérieuse nécessité d'apprendre à se connaître et à mieux connaître la langue allemande. Il est tout de même malheureux d'être obligé de rappeler ce qui paraît évident.
J'ai moi-même, grâce à l'éducation nationale, appris l'allemand dès le collège. Il n'est pas une école primaire, un collège ou un lycée où je me rende sans y rappeler la nécessité et l'atout que constitue la maîtrise des langues étrangères. C'est bien grâce à elle que j'ai pu commander l'une des compagnies de la brigade franco-allemande. J'y ai, certes, parfois observé des différences. Ainsi, je plaisantais volontiers, comme commandant d'unité, sur le fait qu'en Allemagne, tout ce qui n'est pas désigné comme étant autorisé est interdit, alors qu'en France, tout ce qui n'est pas désigné comme étant interdit est autorisé… Dans le quotidien, cela m'a causé quelques soucis !
Mais, chaque jour, je me suis fait la remarque qu'énormément de choses nous unissaient. Beaucoup plus que de choses qui nous distinguaient. C'est pourquoi je suis intimement convaincue que ce traité va dans le bon sens et je vous remercie d'avoir tordu le cou à quelques idées reçues et à quelques « infox » ou fake news. J'aurais seulement souhaité que vous nous donniez, madame la ministre, quelques précisions sur les volontés d'espace partagé de liberté et d'espace culturel et médiatique franco-allemand.
Je voudrais revenir sur la forme de ce traité, puisque nous regrettons, au sein du groupe Les Républicains, que les députés aient été largement mis de côté quant à la rédaction de son contenu. Exemple frappant : nos collègues alsaciens en ont obtenu le texte non par le Gouvernement, non par l'Assemblée nationale, mais par le Bundestag… Cela montre quand même une différence de traitement assez importante entre nos deux assemblées !
Cela étant dit sur la forme, je voudrais revenir plus concrètement sur le texte. Comme vous l'avez dit, madame la ministre, il ne s'agit pas d'un nouveau traité, mais d'un approfondissement. Ce n'est donc pas un bouleversement complet du traité de l'Élysée. À cet égard, si nous comprenons les enjeux du traité d'Aix-la-Chapelle, nous voyons assez difficilement ce qu'il peut apporter de nouveau dans la relation franco-allemande.
L'enjeu politique de ce traité est de rattraper certaines bévues commises par la majorité. Ces bévues prennent elles-mêmes racine dans le discours de la Sorbonne, prononcé par le Président de la République à un moment où la Chancelière sortait d'une élection extrêmement difficile qui lui rendait très compliquée la recherche d'une majorité. Dans ce contexte, le discours de la Sorbonne a été vécu et reçu de façon peu cordiale de l'autre côté du Rhin. Mais il fallait également rattraper la bévue des parlementaires de la majorité qui, le 22 janvier 2018, étaient absents de l'hémicycle lors du vote et de la discussion de la résolution commune du Parlement français et du Parlement allemand. Ainsi, grâce à ce traité, on cherche à remettre un peu d'huile dans les rouages entre nos deux pays.
J'en viens à deux points précis. Premièrement, s'agissant des questions migratoires, pouvez-vous nous dire concrètement, madame la ministre, ce que ce traité change ? Car vous n'êtes pas sans savoir que la France a connu un pic de demandeurs d'asile en 2018 : 120 000 demandeurs d'asile en France, dont 60 % avaient été préalablement déboutés dans un autre pays européen, en particulier en Allemagne – l'Allemagne pratique en effet une politique d'ouverture et d'appel, ce qui conduit beaucoup de personnes à y demander l'asile, qu'elles se voient, au final, largement refuser. Ainsi, beaucoup d'Afghans se sont retrouvés en France après avoir vu leur demande d'asile rejetée en Allemagne. Est-ce que ce traité va permettre de faire évoluer la situation ?
Deuxièmement, je voudrais vous interroger sur la question de la pêche électrique. L'Allemagne compte en effet douze chalutiers de pêche électrique. J'étais, la semaine dernière, à Bruxelles, pour différentes rencontres. Nous avons malheureusement pu nous y apercevoir que la position du Parlement français – de l'Assemblée nationale, unanime à condamner la pêche électrique – semble ne pas être suivie d'effets dans le trilogue, en particulier dans la position qu'adopte le Conseil à ce stade. Pouvez-vous nous confirmer votre position sur la pêche électrique ? Êtes-vous en faveur de l'interdiction totale de cette pêche ?
Au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, je vous remercie, madame la ministre, pour votre présence et votre intervention sur un sujet qui, en ce début d'année 2019, marque la concrétisation d'une page nouvelle – d'une page majeure, à mon sens – dans l'histoire de nos relations avec l'Allemagne. J'en retiens deux éléments : le traité en lui-même et la création d'une Assemblée parlementaire franco-allemande, ayant fait l'objet d'une démarche parallèle, lancée le 22 janvier 2018 et menée à bien grâce à un groupe de travail réunissant l'ensemble des composantes politiques.
Ma question concerne les éléments du traité qui impactent significativement nos entreprises. Je songe en particulier à l'objectif d'une harmonisation de l'environnement réglementaire. L'espace transfrontalier constitue en ce domaine un observatoire des différences ; il permet de voir que beaucoup de différences existent.
Des initiatives de la société civile existent, notamment celle qui regroupe 200 juristes de la société civile, français et allemands, qui travaillent à l'harmonisation du code des affaires. Ce sujet peut paraître un peu technique et il peut passer en dessous des radars médiatiques ; pourtant, il compte beaucoup pour les petites et moyennes entreprises (PME) qui souhaitent se développer outre-Rhin.
À travers l'Assemblée parlementaire franco-allemande, mais aussi à travers l'article 20 qui structure un cran plus loin nos relations avec l'Allemagne, il me semble que nous avons une opportunité de progresser vers l'objectif clairement affichée d'une meilleure harmonisation de certains éléments réglementaires. Madame la ministre, comment voyez-vous l'articulation de ces initiatives, celles de la société civile, celles de l'Assemblée parlementaire et celles qui seront développées grâce aux outils qui sont prévus dans le traité ?
Nous avons, sur ce traité d'Aix-la-Chapelle, plusieurs questions mais aussi des regrets ; un regret sur le fond d'abord, car si nous ne trouvons rien à redire au fait que deux pays voisins et amis oeuvrent ensemble pour le bien commun, ce traité exclut de facto d'autres pays à l'origine de la création de l'Europe ; un regret sur la forme ensuite, car on ne peut que déplorer que l'exécutif impose ce traité aux parlementaires, qui n'ont pas été consultés.
Cela étant dit, je m'interroge sur les coûts que va générer ce traité, puisqu'il implique la création d'une nouvelle assemblée, censée se réunir alternativement en Allemagne et en France – mais où ? Cela implique la mise à disposition d'un certain nombre de fonctionnaires : sur quel budget cela sera-t-il financé ?
J'ai bien lu le traité et ce qui concerne les compétences dévolues à cette assemblée, mais j'aimerais savoir dans quelle mesure l'attribution de ces compétences à une assemblée binationale va modifier les compétences qui sont aujourd'hui celles des parlementaires français.
Si le groupe Socialistes et apparentés est favorable à l'approfondissement de la coopération franco-allemande, ce texte comporte selon nous un certain nombre de manques sur des sujets fondamentaux. Parmi ces sujets, le développement durable, la politique sociale ou encore l'immigration : ces thèmes ont en effet disparu du texte final, alors qu'ils avaient fait l'objet, comme les autres, des longs travaux du groupe d'amitié Allemagne-France du Bundestag.
Ainsi, ne figure dans le traité aucune mention de la garantie minimum des droits sociaux, du renforcement de la collaboration dans le domaine de l'intégration des migrants et des réfugiés ou encore de la création de l'Institut franco-allemand du développement durable.
À quelques mois des élections européennes, apporter des réponses à ces problématiques aurait été un argument de plus en faveur du projet européen. En les éludant, ce texte se limite à de l'affichage et ne comporte aucune réelle avancée. Comment pouvez-vous expliquer qu'il en soit ainsi ? Ce traité ne serait-il qu'un moyen détourné, pour La République en Marche, de préparer les élections européennes ?
D'où sort ce traité, madame la ministre ? Quelles sont les personnes qui se sont réunies autour d'une table pour l'écrire, et les Allemands et les Français y ont-ils pris la même part ? Je m'interroge plus globalement sur le processus constitutionnel de validation des traités de ce type dans notre pays, où le Président de la République a les pleins pouvoirs pour signer un traité que nous sommes ensuite obligés de ratifier, ce qui pose un problème démocratique.
Sur le fond, le traité d'Aix-la-Chapelle réaffirme les principes néolibéraux que notre groupe rejette. L'article 2, sous couvert de mettre en place une meilleure coordination, indique que les directives européennes seront transposées de manière coordonnée par l'Allemagne et la France, ce qui est inquiétant lorsque l'on sait comment certaines dispositions sont surtransposées pour favoriser les grandes entreprises ou celles dont le lobbying a été le plus efficace.
Les articles 3, 4 et 6 sur la coopération en matière de défense sont assez inquiétants. Le traité crée de toutes pièces un groupe d'intervention militaire franco-allemand dont les contours sont flous, tout comme l'organisation de son commandement et l'encadrement de ses missions.
L'article 13 prévoit qu'il soit possible de déroger au droit national dans les zones transfrontalières, ce qui introduit une potentielle rupture d'égalité sur le sol français : où s'arrêtent, d'ailleurs, lesdites zones, et comment sont-elles délimitées ?
L'article 20 vise à mettre en place une zone économique franco-allemande dotée de règles communes, qui devra harmoniser les législations des deux pays, notamment en matière de droit des affaires ; il crée pour cela un Conseil franco-allemand d'experts économiques. Pourtant, l'Union européenne est déjà une zone économique dotée de règles communes, et il nous paraît dangereux d'y rajouter une couche, qui pourrait s'avérer être une zone ultra-favorable aux très grandes entreprises.
Enfin, vous avez répondu à une question qui me taraudait depuis des mois sur la manière dont la France allait compenser le manque à gagner en énergie que va entraîner la fermeture de quatre de nos centrales à charbon, notamment lors des pics de consommation. C'est en fait très simple : vous avez parlé d'un accord franco-allemand sur l'énergie, aux termes duquel, tandis que nous fermons nos centrales, c'est l'Allemagne – qui produit son électricité essentiellement à partir du charbon – qui nous fournira en électricité… Merci pour le déplacement d'emplois de l'autre côté de la frontière !
Notre critique majeure est que ce traité installe encore plus fermement le couple franco-allemand comme seul pilote de l'Union européenne. Comment vont réagir les autres partenaires européens ?
Que se passera-t-il enfin si nous ne ratifions pas ce traité – dont je souligne au passage qu'il est la preuve de l'inefficacité des traités et des structures européennes pour favoriser les relations intra-européennes –, dans la mesure où beaucoup d'entre nous sont assez mécontents d'être mis devant le fait accompli ?
Le traité d'Aix-la-Chapelle est l'illustration renouvelée de la coopération franco-allemande, qui doit permettre à nos deux pays d'avancer ensemble, de resserrer les liens entre nos concitoyens, nos collectivités et nos entreprises. Poursuivre cette coopération engagée il y a plus de cinquante maintenant est, selon nous, une nécessité. Cela étant, ma question ne portera pas sur le traité mais sur la décision récente de la Commission européenne de s'opposer au traité de fusion entre Alstom et Siemens. Pensez-vous qu'il fallait s'attendre à cette décision, compte tenu de ce que sont les règles de la concurrence européennes ? Comment la coopération franco-allemande va-t-elle se poursuivre dans ce contexte ? Le Gouvernement a-t-il l'intention de faire évoluer ces règles pour permettre à l'Union européenne de concurrencer les géants mondiaux présents sur les marchés extérieurs mais aussi sur nos marchés nationaux ? Pensez-vous que l'on puisse arriver aux mêmes résultats non par la fusion mais par la coopération ?
Au vu des réactions suscitées par le traité d'Aix-la-Chapelle, j'ai envie de reprendre à mon compte cette phrase définissant la relation franco-allemande : quand elle n'existe pas, on s'en attriste ; quand elle existe, on s'en irrite.
Beaucoup de fausses informations ont circulé sur le chapitre 4 du traité, consacré à la coopération transfrontalière. Élue dans une circonscription frontalière, je suis désormais rassurée sur le fait que je ne deviendrai pas allemande, mais la puissance de la rumeur était telle qu'il a fallu publier un démenti dans la presse quotidienne régionale. J'aimerais donc que vous puissiez expliquer à ceux qui ont pu douter en quoi le traité leur sera réellement bénéfique.
La sortie de Royaume-Uni de l'Union européenne va certainement conduire le gouvernement de ce pays à réorienter ses relations diplomatiques avec des États n'appartenant pas à l'Union européenne, et les Britanniques ne participeront plus à la construction de la position diplomatique de l'Union vis-à-vis de ces pays tiers. De ce fait, pensez-vous que le Brexit puisse infléchir de façon substantielle les relations entre l'Union européenne et le reste du monde ?
En tant que président du groupe d'amitié France-Chine, j'aimerais tout particulièrement connaître votre point de vue sur l'évolution des relations entre la France et la Chine après le Brexit.
Par ailleurs, les négociations du Brexit n'étant pas achevées, et l'issue en étant à ce jour particulièrement incertaines, pensez-vous que cela aura une incidence sur les prochaines élections européennes ? Y a-t-il un risque de voir les Britanniques se prononcer sur des élections, dont ils savent par avance qu'ils n'auront pas à supporter les conséquences ?
Ma question, à laquelle j'associe Mireille Clapot, ne porte ni sur le traité d'Aix-la-Chapelle ni sur l'Europe, mais sur votre ministère.
En 2014, vous avez publié un livre, Choisissez tout, dans lequel vous expliquiez avec conviction est humour qu'il fallait cesser de demander aux femmes de choisir entre une carrière professionnelle ambitieuse et une vie privée épanouie, entre mener parcours exceptionnel de diplomate, de directrice de l'École nationale d'administration (ENA), puis de ministre, et être quatre fois maman ; que, oui, les femmes pouvaient tout avoir, comme les hommes.
Votre parcours est une inspiration pour nombre d'entre nous, femmes jeunes et moins jeunes, mais les chiffres des nominations de femmes au sein de votre ministère sont, eux, un peu moins encourageants : le Quai d'Orsay plafonne à 25 % de femmes dans les fonctions de direction et à 29 % dans celles de sous-direction. La loi Sauvadet impose certes, depuis 2012, une égalité de représentation dans l'encadrement supérieur et dirigeant de la fonction publique, mais cette loi ne porte que sur les primo-nominations et ne permet pas de rattraper le retard en termes de stock.
Au niveau du corps des secrétaires des affaires étrangères, la parité est presque atteinte, mais comment passe-t-on subitement de 50 % à 25 % au niveau des sous-directions et des directions ? Vous ne le savez que trop, madame la ministre, puisque vous le décrivez excellemment dans votre livre : les femmes se découragent quand il s'agit de postuler car rien ne les encourage, et surtout pas l'obsession du présentéisme au détriment de la généralisation du télétravail, l'absence de flexibilité en matière d'horaires, qui permettrait de concilier vie professionnelle et vie familiale, ou encore l'incapacité de beaucoup à imaginer qu'une femme puisse avoir la poigne virile indispensable à un ambassadeur, surtout en pays hostile.
La France est engagée partout dans le monde pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Le ministère soutient et promeut les stratégies de genre, comme la résolution « Femmes, paix et sécurité », et le G7 de Biarritz sera l'occasion de mettre en exergue la lutte contre les inégalités de genre.
Alors, à quand une ambassadrice à New York et à Washington – deux postes qui se libèrent cet été –, à Pékin, à Moscou, à Londres ou à Berlin ? À quand une directrice du cabinet du ministre ? À quand une femme haut fonctionnaire en charge de l'égalité au sein du ministère, qui soit membre du comité de sélection des ambassadeurs ? À quand enfin un processus de sélection qui garantisse jusqu'à son terme la présence d'au moins une personne de chaque sexe parmi les candidats ?
Madame la ministre, ne vous en déplaise, je vais vous exposer la position qui est celle de mon mouvement sur ce traité d'Aix-la-Chapelle, négocié dans une opacité absolument totale, hors la vue des députés que nous sommes. Il est mondialiste et prévoit un marché mondial ouvert ; il est multilatéraliste – nous y sommes évidemment opposés ; il est européiste au possible, prévoyant des convergences que nous refusons, surtout lorsqu'on voit la situation sociale de l'Allemagne ; il est d'inspiration totalitaire, rien de moins, car, lorsqu'on veut transformer la société dans le dos des peuples, on agit de manière antidémocratique ; il est attentatoire à la souveraineté des États et à leurs compétences régaliennes ; il hégémonique vis-à-vis des autres États européens ; il envisage enfin le partage de notre siège au Conseil de sécurité !
Je voudrais ensuite vous rappeler au respect que vous devez comme ministre aux députés : je fais ici référence à vos déclarations me concernant, selon lesquelles je ne dois pas me rendre souvent sur le terrain pour proférer des énormités comme celle que vous m'avez prêtées lorsque j'ai exposé les positions de mon parti – qui représente quand même quelques millions d'électeurs. Si, madame, je vais sur terrain ! Et je m'y suis même fait élire, ce qui n'est pas votre cas.
Vous avez fait faire une vidéo qui a été diffusée sur le compte Twitter de la France à l'ONU mais que vous avez choisi de supprimer six jours plus tard – on se demande pourquoi. Dans cette vidéo, par ailleurs très bien faite, vous indiquez que les deux pays doivent assurer une présidence conjointe du Conseil de sécurité. Je veux donc bien que vous nous racontiez ce que vous voulez, mais on peut se reporter à cette vidéo, qui figure toujours sur le compte Twitter de l'Allemagne.
Parmi les multiples reproches que nous faisons à ce traité, qui aurait sûrement mérité plus que les deux minutes dont je dispose pour vous en parler, figurent les divergences fondamentales qui existent entre l'Allemagne et la France en matière d'armement et d'exportation d'armes.
Lorsque nous avons dit notre inquiétude, on nous a ri au nez, nous accusant d'être des propagateurs de fake news. Or, nous avons appris tout récemment que l'Allemagne refusait l'exportation du missile Meteor de MBDA. Elle défend, ce faisant, ses propres intérêts, et le Bundestag ne changera pas d'avis rien que pour vous faire plaisir. Faut-il, dans ces conditions, continuer une collaboration dans laquelle nous dépendons du bon vouloir de l'Allemagne pour nos exportations, ou n'est-il pas préférable de reprendre notre autonomie pour, accessoirement, sauvegarder notre puissance ?
Certains analystes laissent parfois entendre que le couple franco-allemand, si important pour la construction européenne, n'existe plus ou ne fonctionne plus. La signature du traité d'Aix-la-Chapelle apporte clairement un démenti à ces théories et témoigne de la bonne santé du couple franco-allemand.
Élue dans une circonscription qui couvre une large partie du continent africain, je souhaiterais vous interroger plus particulièrement sur l'article 7 du traité, spécifiquement dédié à la coopération franco-allemande en Afrique. Il prévoit un rapprochement entre les deux pays et un dialogue annuel en matière de politique internationale de développement, notamment dans les secteurs de l'enseignement, de l'égalité des sexes, de l'autonomie des femmes, du développement du secteur privé, ainsi qu'en matière de prévention des conflits et de résolution des crises.
Nous connaissons tous l'engagement fort de la France sur le continent africain dans tous les domaines que je viens de citer. C'est particulièrement vrai en matière de résolution des crises et de prévention des conflits, mais aussi dans le domaine du développement, sans parler de notre influence culturelle en Afrique francophone et de nos liens économiques privilégiés, même s'ils ont tendance à se distendre.
L'Allemagne, elle, est de plus en plus présente sur le continent, et de récents articles de presse font état de la montée en puissance inédite de ce pays au plan économique. Alors que s'est ouvert hier, à Accra, le troisième sommet économique Afrique-Allemagne, l'Allemagne a dépassé la France en tant que premier fournisseur européen du continent africain. Elle nous devance par ailleurs largement désormais pour ce qui est du niveau de confiance que lui accordent les décideurs africains.
Pouvez-vous, dans ce contexte, nous donner votre opinion sur cette présence accrue de l'Allemagne en Afrique, nous expliquer quelles sont les attentes de la France vis-à-vis de l'Allemagne, notamment au Sahel, puisque je rappelle que l'Alliance Sahel a été lancée conjointement par la France et l'Allemagne ? Ce pays est-il devenu, pour la France, un acteur incontournable sur le continent africain ?
La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne pose la question du devenir des entreprises membres de l'Union européenne implantées dans un autre État membre. C'est le cas de nombreuses entreprises qui, pour des raisons sociales ou fiscales, préfèrent s'implanter dans un autre pays, y transférer leur siège ou y créer des succursales et des filiales.
La complexité du droit européen des sociétés ainsi que celle des différents droits nationaux freine bon nombre d'entrepreneurs qui, de fait, se cantonnent au marché national, ce qui peut ralentir leur développement et leur compétitivité.
La simplification des règles et l'assurance d'une plus grande sécurité juridique seraient sans doute un moyen de redonner confiance aux entrepreneurs. Tandis que le couple franco-allemand intensifie ses efforts pour réaffirmer son union, le moment n'est-il pas venu de s'intéresser de plus près à un droit européen des affaires et à une éventuelle harmonisation des règles en droit des sociétés et en droit fiscal ?
Quel regard portez-vous sur le code européen des affaires ? Ne pensez-vous pas que l'harmonisation des règles que je viens d'évoquer permettrait de relancer l'économie européenne et d'en finir par la même occasion avec les implantations frauduleuses uniquement motivées par une fiscalité avantageuse ?
Theresa May doit se rendre à Bruxelles jeudi prochain pour négocier un nouvel accord avec les Européens. Si cet accord voyait le jour, il pourrait être soumis au vote des parlementaires britanniques fin février. En cas d'échec cependant, c'est-à-dire en cas de Brexit sans accord, nous nous inquiétons de ce qu'il adviendra du secteur de la pêche dans notre pays, en particulier dans les régions Bretagne, Normandie et Hauts-de-France, la pêche constituant en effet l'un des sujets les plus épineux des négociations en cours dans la mesure où le Royaume-Uni a exprimé le souhait de récupérer le contrôle exclusif de ses droits de pêche. En cas d'absence d'accord, aucune disposition transitoire ne s'appliquerait, et le Royaume-Uni sortirait brutalement de la politique commune de la pêche le 29 mars prochain, sans que nous sachions s'il est décidé à autoriser l'accès des pêcheurs européens à ses eaux territoriales.
Dans le cadre du plan d'urgence visant à anticiper les effets négatifs d'un Brexit sans accord, la Commission européenne a fait deux propositions législatives. Pensez-vous qu'elles suffisent à soutenir le secteur de la pêche française, et pouvez-vous nous informer également sur les mesures d'accompagnement qui sont envisagées par le Gouvernement en faveur des pêcheurs et des industriels fortement dépendants des eaux britanniques ?
Je ne vois pas comment je pourrais voter ce traité, dont je me demande d'emblée s'il était véritablement nécessaire.
Si j'en comprends la nécessité politique, pour ne pas dire politicienne, à la veille des élections européennes, quelle autre utilité peut-il avoir, sachant qu'il s'inscrit dans un climat politique radicalement différent de celui sous lequel a été signé le traité précédent par le général de Gaulle ? Le traité de l'Élysée s'inscrivait avant tout dans une démarche européenne : ce n'est pas le cas de celui-ci, qui est même, dans une certaine mesure, anti-européen, puisqu'il exclut les autres fondateurs de l'Europe pour ne plus garder que le couple franco-allemand.
De plus, la position de la France par rapport à l'Allemagne n'a plus rien à voir avec ce qu'elle était en 1963 : à l'époque, la France signait avec l'Allemagne un accord semblable au foedus iniquum qui liait Rome aux cités qu'elle tenait sous son hégémonie ; c'est aujourd'hui exactement le contraire. J'ai été élu pour défendre la Nation, or la nation française est maltraitée.
Fallait-il réellement un traité international pour organiser les relations entre les collectivités territoriales de part et d'autre du Rhin ? Les collectivités peuvent parfaitement négocier entre elles, les universités peuvent coopérer – elles le font déjà.
Quant à la question de la langue, il me semble que l'allemand est, contrairement au français, une langue en déclin. Pourtant, l'article 15 pose le principe du bilinguisme, ce qui, dans un traité national me paraît à tout le moins douteux juridiquement, voire dangereux : si on s'amuse à faire des traités sur le bilinguisme avec tous nos voisins européens, on risque d'avoir quelques petites surprises, notamment du côté du sud de la France…
J'aimerais enfin que vous m'éclairiez sur ce que ce texte apporte à la France. J'ai beau avoir lu attentivement tous les articles, si je vois bien quels sont les intérêts de l'Allemagne, qu'en est-il pour notre pays ? On a évoqué notamment la question méditerranéenne et africaine, que je connais parfaitement : qu'on puisse prétendre que les Allemands ont l'intention de travailler avec les Français en Afrique et tout autour de la Méditerranée me fait sourire car, s'ils travaillent avec les Français, c'est pour les remplacer – les chiffres parlent d'eux-mêmes. De plus, permettez-moi de vous rappeler que l'Union de la Méditerranée, que nous avions créée, a été délibérément cassée par l'Allemagne, qui considère que le problème de la Méditerranée et de l'Afrique est le problème de l'Allemagne, pas le problème de l'Europe, encore moins celui de la France.
Avec le traité d'Aix-la-Chapelle, la France et l'Allemagne ont posé les bases de l'unification de leur droit des affaires, dans le cadre européen. Le véto récent de la Commission européenne sur le projet de fusion entre Alstom et Siemens montre bien la nécessité de réviser le droit de la concurrence. Parmi les nombreuses réactions à ce véto, beaucoup ont dénoncé une certaine naïveté de Bruxelles, qui semble avoir sous-évalué la puissance des Chinois : dans Le Figaro, la semaine dernière, le ministre de l'économie a ainsi jugé que la Commission n'avait pas défendu les intérêts de l'Europe mais ceux de la Chine, une économie étatique qui profite allègrement de l'ouverture du marché européen, voire des subventions attribuées par l'Europe.
Autrement dit, au lieu de réviser le droit de la concurrence afin de l'adapter à l'évolution des échanges et de préserver les intérêts de nos entreprises, Bruxelles reste désespérément tournée vers la défense des intérêts des consommateurs. Pourtant, ces objectifs ne me semblent pas totalement incompatibles. Comment peut-on alors éviter que Bruxelles ne rejette demain un prochain projet de fusion dans un autre secteur ?
Habitant dans une région frontalière où le bilinguisme se vit au quotidien, je considère le partenariat franco-allemand comme une chose importante. C'est lui qui a rendu possible l'énorme investissement de Daimler à Hambach, où doit être produite la future Mercedes électrique, ce qui va donner une véritable bouffée d'oxygène à tout le bassin de vie.
Cela étant, je ne vous interrogerai pas sur le traité d'Aix-la-Chapelle, mais sur la position de la France par rapport à la question des droits de l'homme et de l'État de droit, malmenés dans certains pays d'Europe, notamment en Pologne, où le nouveau gouvernement polonais s'est attaqué à un point névralgique de l'État de droit, à savoir le Tribunal constitutionnel. Cette situation rappelle celle de la Hongrie en 2010, quand Viktor Orbán s'en était pris aux mêmes cibles. Nous avions alors assez peu réagi, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui, mais qu'entend faire la France pour protéger l'État de droit et les droits de l'homme au sein de l'Union européenne.
Le projet gazier Nord Stream 2 pourrait devenir un sujet embarrassant pour la relation franco-allemande, madame la ministre. Ce gazoduc en cours de construction entre la Russie et l'Allemagne vise à doubler d'ici à 2020 les capacités de livraison de gaz russe en Europe en passant par la mer Baltique. En effet, les gisements de deux pays-clés, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, se tariront dans les années à venir. Or, les Européens restent divisés sur ce sujet, d'abord parce que le projet Nord Stream 2 accroîtrait la dépendance énergétique de l'Union européenne à l'égard de la Russie, à l'instar de l'Allemagne qui en importe déjà 40 % de son approvisionnement, mais aussi parce que les États baltes et la Pologne estiment que ce gazoduc constitue une menace pour leurs intérêts, tout comme l'Ukraine qui redoute la perte d'importantes recettes douanières en tant que pays de transit. À ces tensions s'ajoutent la compétition russo-américaine pour l'accès au marché européen et les pressions – pour ne pas dire les menaces – américaines.
Une modification de la directive sur le marché intérieur du gaz naturel est à l'étude. En cas d'adoption, ce texte, qui devra être approuvé par le Parlement européen, compliquerait le projet, car la modification proposée par la Commission européenne prévoit notamment que le fournisseur de gaz ne puisse pas être tout à la fois l'exploitant du gazoduc, ce qui est le cas du géant russe Gazprom dans le projet Nord Stream 2, et un acteur de la livraison de gaz et de la gestion du gazoduc. La nouvelle directive vise en effet à renforcer la concurrence entre les fournisseurs de gaz et la sécurité énergétique de l'Union.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer la position de la France sur ce véritable sujet de tension avec l'Allemagne ? À quel texte de compromis a donné lieu la réunion tenue le 8 février à Bruxelles entre les représentants permanents des vingt-huit États membres concernant la modification de la directive sur le marché intérieur du gaz naturel ?
Je vous remercie, madame la ministre, pour vos propos introductifs très diplomatiques qui nous ont tous touchés : quel gâchis ! Nous sommes la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et nous avons découvert le texte a posteriori dans les médias ! C'est incroyable ! Que sommes-nous donc ici ?
Absolument rien. Chacun vous interroge, qui sur sa circonscription, qui sur la Russie – Mme Clapot a raison : ce traité ne règle ni le problème de Minsk ni celui du gazoduc, pas plus que celui des GAFA, puisque nous échangeons des Mercedes contre leur non-imposition. Rien de tout cela n'est dans le traité, qui parle en revanche beaucoup de défense. Que nous nous subordonnions à l'OTAN, soit, mais était-il nécessaire d'aborder la question dès le préambule ? De surcroît, ce n'est plus guère d'actualité puisque le président des États-Unis lui-même ne veut plus en entendre parler – à moins que vous n'écoutiez pas M. Trump, madame la ministre…
La procédure est certes constitutionnelle, mais quel gâchis par rapport au traité précédent, que les Français avaient apprécié ! Oui, ils avaient aimé cette nouvelle amitié franco-allemande. Aujourd'hui, au mieux ils ne la regardent pas, au pire ils la critiquent, voire en font des fantasmes. Cette manière de communiquer et de faire de la politique étrangère me choque profondément en tant que député de la Nation et membre de cette commission. Quelles que soient nos opinions, nous n'avons été respectés en aucune manière. Rappelons que nous n'avons pas le droit d'amender le texte qui, de ce fait, passera comme un coup de vent sous la forme d'une décision unique. Nous ne sommes plus il y a cinquante ans ! Quel malheur pour la relation d'amitié franco-allemande. Il y avait pourtant bien des choses à dire dans un traité : l'excédent allemand, qui n'est jamais soumis au contrôle européen, ou encore nos rapports à l'euro, mais rien n'y figure ! Mme la présidente a employé des termes plus diplomatiques que les miens, mais je le dis : aucun d'entre nous n'a été respecté. Le Parlement n'a pas été respecté. Votre communication a été désastreuse.
Ma première question concerne les conséquences du Brexit sur la distribution des médicaments et dispositifs de santé en provenance du Royaume-Uni. En effet, les médicaments et dispositifs de santé ne sont pas des biens marchands comme les autres : leur nature et leur finalité exigent que leur conception, leur production et leur distribution soient soumises à des contrôles particulièrement stricts. Surtout, leur accessibilité est parfois vitale pour celles et ceux qui en ont besoin, pour qui une pénurie pourrait être fatale. Pouvez-vous nous informer des mesures que l'Union européenne et la France entendent prendre pour pallier les conséquences d'une éventuelle absence d'accord sur ce secteur ?
Deuxième question : l'article 7 du traité prévoit que la France et l'Allemagne s'engagent à établir un partenariat plus étroit entre l'Europe et l'Afrique, notamment dans le domaine de l'enseignement et de la formation professionnelle. Je suis un peu inquiet : la France et l'Allemagne n'ont pas le même modèle économique universitaire. Il y a quelques mois, le Premier ministre annonçait la différenciation des frais d'inscription entre étudiants communautaires et extra-communautaires, et voilà que ce traité prévoit le renforcement de notre coopération à l'égard de l'Afrique, en particulier en matière d'enseignement. Pouvez-vous nous éclairer, au besoin en interrogeant votre collègue ministre de l'enseignement supérieur, et nous dire en quoi l'article 7 permettrait de renforcer la coopération entre les deux États à l'égard de l'Afrique eu égard, encore une fois, aux différences qui séparent nos modèles économiques universitaires respectifs ?
Merci, madame la ministre, pour votre exposé qui présente en toute clarté l'avenir de la relation franco-allemande. À écouter les uns et les autres dans cette commission, je dirai simplement que l'un des poisons du débat politique français consistant à faire de l'Allemagne une puissance devant laquelle il ne faut surtout pas capituler existe encore bel et bien. Je regrette cet état de fait et je tiens naturellement à saluer la qualité de ce traité, qui témoigne de la volonté qu'ont la France et l'Allemagne de faire de l'Europe une véritable puissance politique capable de peser sur les grands enjeux de demain.
Notre discussion sur la relation franco-allemande est évidemment l'occasion d'évoquer la décision que la Commission européenne a prise la semaine dernière concernant Siemens et Alstom. Quelles leçons en retenez-vous ? Quelles réformes envisagez-vous avec nos partenaires européens ? J'ai lu une tribune dans laquelle Bruno Le Maire et son homologue allemand, Peter Altmaier, exprimaient leur volonté de repenser les règles de concurrence en Europe : quelles sont les orientations déjà imaginées ?
Enfin, la France a connu ces derniers jours une recrudescence des actes antisémites, en hausse de 74 % depuis un an. Ces actes rongent notre société mais le mal n'est pas exclusivement français. Il y a quelques semaines, une étude de CNN a donné une présentation détaillée de la progression de l'antisémitisme en Europe. La France, avec d'autres pays européens, est-elle à la manoeuvre pour proposer une stratégie européenne de lutte contre l'antisémitisme ?
Ma question porte sur la transformation d'Arte en véritable chaîne européenne. Née de la volonté politique de François Mitterrand et d'Helmut Kohl en 1992, Arte oeuvre depuis vingt-cinq ans au rapprochement des peuples européens par la culture. Le socle franco-allemand est solide et l'audience d'Arte progresse dans les deux pays. Ces dernières années, la chaîne s'est déployée de manière plus volontariste en Europe en fondant sa stratégie sur la coproduction européenne et le multilinguisme. Elle propose désormais des programmes en six langues européennes et rencontre notamment un grand succès en Pologne.
La question du développement et de la pérennisation d'Arte relève d'un enjeu non seulement d'offre audiovisuelle mais aussi de souveraineté culturelle. Ainsi, Arte a délibérément choisi d'affirmer sa différence par rapport à l'offre télévisuelle majoritaire en ne programmant pas de séries américaines. La chaîne propose plus de 85 % de programmes européens qui mettent en valeur les artistes, les créateurs, les penseurs, les chercheurs, les réalisateurs et les acteurs – bref, tous ceux qui font la vie scientifique et culturelle du continent. Autrement dit, Arte apporte la preuve qu'il existe bel et bien une audience européenne pour des contenus européens. Enfin, son succès montre qu'en matière de politique culturelle intégrée, la force du socle franco-allemand est incontournable.
À ce titre, j'ai eu l'honneur de co-rapporter avec M. Herbillon une mission d'information sur la diplomatie culturelle d'influence. L'une des propositions-phares qui en est ressortie au terme de nombreuses auditions consiste à transformer Arte en véritable média culturel européen de référence accessible partout en Europe. Cela permettrait de poursuivre le développement d'Arte sur le continent et de trouver une solution de financement pérenne en sortant de la logique d'appels d'offres annuels et en inscrivant la chaîne dans la base budgétaire de l'Union européenne pour 2019. Ce soutien au niveau européen est d'autant plus important que la subvention publique française est en baisse. En somme, transformer Arte en véritable média européen permettrait le développement et la pérennisation budgétaire de la chaîne et, plus globalement, le renforcement de notre souveraineté européenne. Que pensez-vous de cette proposition, madame la ministre ?
Vous m'interrogez, madame Saint-Paul, sur le sens que revêt « l'espace de partage et de liberté » mentionné à l'article 9 du traité, ce qui me permet d'indiquer à Mme Sylla que la France et l'Allemagne souhaitent créer une plateforme numérique commune de contenus audiovisuels et d'information en conjuguant les efforts déjà en cours de Radio France, de la Deutsche Welle, de France Médias Monde, d'Arte, de France Télévisions et d'autres interlocuteurs allemands, afin de développer une offre susceptible de toucher des publics divers, en particulier les jeunes. C'est à la création de cette plateforme numérique que nous souhaitons consacrer l'essentiel de nos efforts en privilégiant la promotion de la création et l'accès à des contenus européens – car c'est bien la vocation de ce type de projets.
Comme certains de vos collègues, monsieur Dumont, vous vous êtes étonné du fonctionnement de la Constitution de la Ve République. Je ne ferai pas l'injure aux parlementaires que vous êtes de rappeler que l'exécutif négocie et signe les traités et que le Parlement les ratifie. Il en va ainsi de l'ensemble des traités et je n'ai pas connaissance que cette Assemblée ait poussé à une révision constitutionnelle récente qui aurait permis de faire évoluer la situation en la matière.
Vous avez préféré vous intéresser à des faits divers ; c'est votre choix. Quoi qu'il en soit, ne soyez pas surpris que nous appliquions la Constitution telle qu'elle existe. En outre, comme je l'ai rappelé dans mon propos liminaire, le groupe de travail franco-allemand a procédé à diverses auditions dont celle de mon homologue, Michael Roth, et la mienne, en juin dernier, en pleine négociation de ce projet de traité. Ceux qui portaient un vif intérêt à sa conclusion ont donc été parfaitement informés et associés aux priorités qu'il contient.
M. Goasguen s'est étonné que l'on inclue la coopération transfrontalière dans le traité d'Aix-la-Chapelle ; il n'est plus là pour entendre ma réponse, mais peut-être l'intéressait-elle peu.
Chacun a des obligations et la réunion fait l'objet d'une retransmission et d'un compte rendu. Cette remarque n'était pas nécessaire !
Vous avez eu votre liberté de parole, j'ai la mienne.
J'ai également droit au respect et je n'en ai pas toujours entendu au cours de cette audition. Je vous remercie de me laisser poursuivre. Nous avons tous des obligations et j'ai modifié mon emploi du temps pour cette audition.
La liberté de parole a encore droit de cité !
Chers collègues, je vous demande de laisser la ministre répondre. Si certains d'entre vous souhaitent reprendre la parole à l'issue de son intervention, je la leur donnerai.
Je rappelle simplement que plusieurs députés élus dans des régions frontalières ont fortement appuyé l'insertion de ce chapitre sur la coopération transfrontalière dans le traité. S'il ne devait y avoir qu'une seule raison pour considérer que ce traité est à l'avantage des deux parties – car nous ne sommes plus dans une guerre mondiale : il n'y a ni vainqueur ni vaincu, et ce type de traité rend service aux deux parties –, ce sont les emplois et les investissements créés en zone frontalière, en particulier dans des territoires qui ont souffert du chômage de masse et de la désindustrialisation pendant de nombreuses années. Le rapprochement de nos législations et la facilitation du travail des entreprises – qui sont pour l'essentiel des TPE et des PME – de part et d'autre de la frontière favorisent l'emploi. De même, encourager le bilinguisme permet à de jeunes Alsaciens et à de jeunes Lorrains de trouver du travail dans des entreprises allemandes à la recherche de cadres intermédiaires germanophones, par exemple, ou de faire une expérience d'apprentissage, puisque nous avons développé l'Erasmus de l'apprentissage outre-Rhin. Ces perspectives d'emploi constituent selon moi une raison amplement suffisante pour justifier la signature d'un traité.
Vous m'avez également interrogée sur la pêche électrique, monsieur Dumont, et je vous confirme que la France est favorable à son interdiction totale, c'est-à-dire à une modification de la situation actuelle dans laquelle n'existe qu'une autorisation exceptionnelle portant sur 5 % de la flotte de pêche européenne. Nous considérons que les conséquences qu'entraîne la pêche électrique sur la faune de nos eaux justifient son interdiction totale.
Vous m'avez enfin interrogée sur les questions migratoires. Nous sommes favorables à la révision du règlement de Dublin pour renforcer tout à la fois la responsabilité des pays de première entrée et, surtout, la solidarité du reste de l'Union européenne de sorte que les personnes relevant du droit d'asile puissent bénéficier de l'accueil auquel elles ont droit dans l'Union européenne et que les personnes relevant de l'immigration économique illégale soient ramenées dans leurs pays d'origine moyennant un effort conjoint de l'Union, dans le respect de leur dignité mais avec plus d'efficacité qu'aujourd'hui. Nous partageons ce point de vue avec l'Allemagne mais nous regrettons de constater que siègent autour de la table du Conseil de l'Union certains pays qui cherchent les problèmes plus que les solutions, ce qui explique pourquoi nous n'avons pas encore réussi à réviser le règlement de Dublin. C'est pourtant notre intention et nous la partageons avec l'Allemagne. L'an dernier, nous avons d'ailleurs augmenté le nombre de retours des migrants économiques illégaux dans leurs pays d'origine. Je rappelle en outre que l'action de l'Union européenne a permis de diviser par dix le nombre de migrants illégaux arrivés par la Méditerranée centrale en un an. Cela ne signifie pas que le défi migratoire n'est pas devant nous mais lorsque nous parvenons à adopter des solutions européennes, elles sont efficaces. Je regrette simplement que certains pays préfèrent les éviter.
M. Waserman m'a interrogée sur l'harmonisation du droit des affaires, un axe de travail que d'autres députés ont également évoqué. Des associations de juristes français et allemands ont en effet entrepris depuis plus d'un an des travaux en vue d'élaborer un code des affaires franco-allemand. Nous soutenons cette démarche dont nous nous réjouissons tout à la fois pour son intérêt bilatéral – car elle facilitera la vie de nos entreprises – mais aussi pour l'effet d'entraînement que l'on peut en espérer sur le reste du droit de l'Union européenne. Nous avons tenu compte de ces travaux dans la rédaction du traité, en particulier à l'article 20 qui encourage les associations en question à poursuivre leurs travaux. Elles l'ont bien perçu, ont remercié les deux gouvernements et ont annoncé la tenue prochaine d'un nouveau séminaire juridique en mars, près de Bonn, pour aller de l'avant. Au-delà du couple franco-allemand, nous devons tendre vers une convergence européenne du droit des affaires. Nous continuerons d'encourager ces initiatives mais, à mon sens, l'Assemblée parlementaire franco-allemande jouera un rôle primordial en ce sens.
Vous m'avez précisément interrogée sur cette assemblée et sur son financement, monsieur Naegelen. Il s'agit d'une initiative parlementaire que le Gouvernement soutient naturellement mais il n'a pas à s'y immiscer. Il me semble très utile que les travaux des Parlements français et allemand permettent d'harmoniser la transposition des directives. Dans la situation actuelle, chaque État membre transpose les directives comme il le souhaite. Cette liberté donnée aux États débouche parfois sur des préférences collectives assumées et partagées par tous, débattues puis adoptées par les autorités politiques. Néanmoins, il se produit parfois des divergences de transposition liée à l'empilement des couches administratives ou à des habitudes bureaucratiques divergentes qui compliquent la vie des exportateurs français, par exemple, qui sont tenus de se conformer aux normes françaises alors qu'elles diffèrent dans d'autres pays de l'Union. Cela mérite que l'on s'interroge sur la transposition de futures directives et que l'on revisite les directives déjà transposées pour déterminer si nous étions bien conscients du fait que nous divergions, à dessein ou non, du reste de l'Union, en particulier de notre principal partenaire économique, l'Allemagne, pour des raisons tenant par exemple à un attachement particulier à certaines normes environnementales ou sanitaires. Si ces divergences étaient parfaitement assumées, il n'y a aucune raison de revenir sur la transposition. La question mérite toutefois d'être posée, et c'est au Parlement qu'il appartient de se demander si certaines surtranspositions ne portent pas atteinte aux intérêts de nos entreprises dans l'Union européenne.
Citons en exemple de surtransposition assumée la question du paquet de cigarettes neutre, qui a suscité un débat parmi les responsables politiques et dans la société. Son instauration découle de la surtransposition d'une directive européenne ; d'autres États membres de l'Union n'ont pas fait le même choix. La France a fait ce choix politique qui semble produire des résultats en termes de baisse de la consommation de tabac. Sur ce sujet, l'argumentation est aisée ; sur de nombreux autres, nous serions bien en peine d'expliquer pourquoi les directives ont été surtransposées.
S'agissant des manques que vous auriez décelés dans le domaine du développement durable et du social, monsieur David, je vous renvoie à la page 2 du traité : les considérants réaffirment les ambitions des deux pays en matière d'harmonisation sociale à la hausse et d'application de l'Accord de Paris. Là encore, nous comptons utiliser le levier franco-allemand pour promouvoir la convergence sociale et fiscale avec d'autres pays de l'Union. La question de la convergence fiscale ne figure pas dans le traité parce qu'elle est en cours d'examen mais, dans ce domaine, la France et l'Allemagne se sont accordées depuis le sommet de Meseberg afin d'harmoniser leurs assiettes de l'impôt sur les sociétés. C'est une manière d'accélérer un processus européen encore beaucoup trop lent et très insatisfaisant. Le fait que deux économies majeures comme la France et l'Allemagne décident d'harmoniser l'assiette de l'impôt sur les sociétés peut produire un effet d'attraction sur les autres pays.
Qui a écrit ce traité, monsieur Lecoq ? Comme pour tout traité, en vertu de la Constitution, c'est l'exécutif. En l'occurrence, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et la Présidence de la République pour la France, la Chancellerie fédérale et l'Auswärtiges Amt pour l'Allemagne, ont négocié ce traité ensemble.
Je partage les inquiétudes liées au constat selon lequel la France et l'Allemagne n'ont pas fait les mêmes choix énergétiques. La vision allemande de la protection de l'environnement consiste à sortir du nucléaire, ce qu'elle a fait, privilégiant du même coup le recours – entre autres – aux centrales à charbon. L'Allemagne vient de publier sa stratégie de sortie du charbon d'ici à 2035 en mettant l'accent sur les énergies renouvelables. La priorité de la France, en revanche, consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous avons pris des engagements de diminution du nombre de centrales nucléaires, l'un d'entre eux intéressant particulièrement l'Allemagne puisqu'il concerne la fermeture de la centrale de Fessenheim, qui sera effective dès lors que Flamanville aura pris le relais. Sur ce sujet, nous entretenons un dialogue continu avec l'Allemagne, au niveau fédéral et à celui du Land, et nous avons un projet de développement du territoire de Fessenheim que le volet relatif à la coopération transfrontalière du traité d'Aix-la-Chapelle facilitera. Nous avons en effet à l'esprit les perspectives de reconversion professionnelle, d'emploi et de développement économique de cette zone.
MM. Clément, Anglade et Portarrieu m'ont interrogée sur Alstom et Siemens. Vous avez entendu la réaction du Gouvernement français à la décision de la Commission européenne, que nous regrettons. Nous considérons d'une part que la manière dont la Commission a évalué le risque de position dominante en se limitant au marché européen n'est pas compatible avec la présence de grands acteurs sur le marché ferroviaire mondial. D'autre part, lorsque nous faisons face à des entreprises de pays émergents qui sont souvent fortement soutenues par des subventions publiques et des aides d'État, il faut utiliser tous les outils qui sont à notre disposition pour examiner les conditions de la concurrence avec la plus grande lucidité. Cela étant dit, nous constatons que la Commission, dans l'état actuel des règles de la concurrence, était dans son droit en rejetant cette fusion. Il est apparu conjointement à la France et à l'Allemagne – c'est une raison supplémentaire de renforcer notre coopération avec notre voisin – qu'il était urgent de réviser les règles de concurrence en vigueur dans l'Union, non pas pour oublier l'intérêt du consommateur, tant s'en faut, car nous nous réjouissons que la Commission puisse protéger le consommateur européen face aux géants de l'internet, par exemple, mais en veillant, dans des secteurs stratégiques où les investissements sont massifs et durables, à ce que des champions européens puissent atteindre une taille critique afin d'être présents sur le marché mondial. C'est dans cet esprit que nous travaillerons à la révision des règles de concurrence.
Mme Rauch m'a demandé ce qu'est réellement la coopération transfrontalière, après les descriptions fantaisistes dont celle-ci a malheureusement fait l'objet. Le traité dont nous parlons poursuit plusieurs objectifs, notamment celui qui consiste à doter les collectivités territoriales de compétences appropriées, de ressources dédiées et de procédures accélérées afin de surmonter les obstacles concrets que l'on rencontre sur le terrain au jour le jour, dans le cadre des projets frontaliers, et auxquels sont confrontés nos concitoyens et nos entreprises, en particulier les PME. Cela permet des adaptations ciblées du droit national, au niveau réglementaire ou législatif, quand c'est nécessaire et naturellement dans le respect des règles constitutionnelles des deux pays.
Le traité prévoit aussi la création d'un comité de coopération transfrontalière qui réunit pour la première fois l'ensemble des acteurs concernés et permet d'améliorer la gouvernance de la coopération. Il y a une très forte demande de la part de l'ensemble des protagonistes concernés dans cette partie du grand Est, qu'il s'agisse des élus, locaux ou nationaux, des acteurs économiques ou de l'ensemble des corps intermédiaires. Ils ont besoin qu'il y ait une structure dédiée sur le plan franco-allemand pour s'assurer que les obstacles à la fluidité des échanges au niveau transfrontalier sont parfaitement identifiés et surmontés.
Il y a également un objectif de bilinguisme, avec un effort important pour l'enseignement de la langue du partenaire, qui a reculé au cours des dernières années en France et en Allemagne – je regrette que M. Goasguen ne soit plus là pour entendre ma réponse. Cette évolution fait perdre des possibilités de travail en commun. Nous avons heureusement mis fin au sacrifice des classes bilangues auquel s'était livré un Gouvernement précédent.
Nous avons remis en place ces classes, mais c'est loin d'être suffisant. L'allemand est aujourd'hui le parent pauvre des langues étrangères en France. Comme l'Allemagne est notre premier partenaire économique, il ne fait pourtant aucun doute que parler sa langue est nécessaire pour favoriser les échanges, en particulier dans les territoires frontaliers.
Autre aspect de la coopération transfrontalière, les élus locaux appellent de leurs voeux depuis très longtemps une amélioration des liaisons ferroviaires. Je pense en particulier à celle entre Colmar et Fribourg : une étude pour le rétablissement du pont ferroviaire a été lancée. C'est une des premières conséquences pratiques du traité d'Aix-la-Chapelle.
J'en viens aux répercussions du Brexit sur la politique étrangère européenne, en réponse à M. Buon Tan. Je crains d'avoir à dire que la situation ne joue pas vraiment en faveur du Royaume-Uni dans ce domaine : les conséquences sont plutôt complexes pour ce pays, qui va sortir d'un bloc dont les membres ont eu de multiples expressions de solidarité à son égard, notamment après l'attaque chimique commise l'année dernière sur le sol britannique, l'affaire « Skripal ». L'ensemble des pays de l'Union européenne ont exprimé leur solidarité avec les Britanniques et un grand nombre d'États membres ont adopté des mesures coordonnées dès lors qu'il ne faisait aucun doute que l'attaque était d'origine russe. En ce qui concerne les grands sujets de politique étrangère, il est hors de question de ne pas nous coordonner avec le Royaume-Uni parce qu'il quitte l'Union européenne. Nous le faisons, par exemple, sur un sujet aussi important que l'accord nucléaire avec l'Iran : nous avons été capables de mettre en place un instrument particulier pour permettre le commerce des entreprises européennes avec l'Iran, dans le plein respect du droit. Cette initiative, basée à Paris, a été lancée avec l'implication de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni. À quelques semaines du Brexit, ce pays reste un grand partenaire en matière de politique étrangère, comme sur le plan de la défense.
Quel est l'impact du Brexit sur les élections européennes ? Mme May n'a pas cessé de répéter qu'elle ne reporterait pas la date de la sortie du Royaume-Uni, et nous sommes fondés à écouter ce que nous dit le Gouvernement britannique. Compte tenu du retard pris pour la ratification de l'accord de retrait, si cette ratification doit avoir lieu, Mme May aura-t-elle besoin de quelques jours ou de quelques semaines de plus, pour des raisons techniques, en vue d'achever l'adoption des véhicules législatifs concernés ? Je pense que ce n'est pas impossible et que nous aurions mauvaise grâce de le refuser. Mais reporter le Brexit après les élections européennes, sans autre motif qu'une raison technique très précise, n'est évidemment pas une voie que nous pensons explorer, et ce n'est pas non plus ce que le Gouvernement britannique nous a proposé.
Mme Tanguy m'a interrogée sur l'impact du Brexit pour le secteur de la pêche. En cas de ratification de l'accord de retrait, la pêche est identifiée comme un secteur prioritaire dans le cadre de la négociation de la relation future. La déclaration politique établie par le négociateur européen et le Gouvernement britannique comporte un engagement conjoint de négocier et de conclure un nouvel accord avant la fin du premier semestre 2020. Que la pêche soit reconnu comme un secteur prioritaire était important pour la France et pour quelques autres pays qui sont, comme nous, très attachés à pouvoir pêcher dans les eaux britanniques, comme la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark et, dans une moindre mesure, l'Espagne.
Que se passera-t-il en l'absence d'accord ? Le Royaume-Uni deviendra un État tiers et sortira de la politique européenne de la pêche. À partir de là, la question se pose de savoir comment maintenir les droits des pêcheurs européens dans les eaux britanniques. La Commission a fait connaître sa position : elle a mis en avant le fait que les quotas de pêche dans les eaux britanniques pour 2019 ont déjà été négociés et agréés, et elle demandera au Royaume-Uni, car c'est sa compétence, l'utilisation de ces quotas avant la négociation d'un nouvel accord de pêche. N'oublions pas qu'il y en a eu avec le Royaume-Uni avant son entrée dans l'Union européenne – depuis des siècles, en réalité. Notre objectif est bien d'en négocier un nouveau.
Combien faudra-t-il de temps et que se passera-t-il dans l'intervalle si les Britanniques refusent l'accès à leurs eaux ? Cela impliquerait une suspension temporaire de l'activité des pêcheurs et il faudrait dès lors un accompagnement de la part de la Commission européenne, avec les fonds européens, et nous réfléchissons également à un accompagnement national, qui serait complémentaire, afin de permettre aux pêcheurs de traverser cette période.
La seconde question qui se pose est celle de la transformation du poisson. Boulogne-sur-Mer est un centre important pour la transformation du poisson britannique dans l'Union européenne. Il est évidemment dans l'intérêt du Royaume-Uni de pouvoir continuer à le faire, et c'est aussi dans l'intérêt de nos entreprises.
Tout cela plaidera pour des négociations rapides sur la relation future. Quand on parle d'absence d'accord pour le Brexit, cela concerne le retrait, ce qui ne préjuge évidemment pas de la négociation qui aura lieu sur la relation future avec un partenaire aussi important que le Royaume-Uni.
M. Mbaye m'a posé une question sur la disponibilité des médicaments et des dispositifs de santé britanniques dans le marché européen en cas d'absence d'accord. L'Agence européenne des médicaments a saisi les industries pharmaceutiques britanniques, de longue date, du risque qu'elles encourraient si elles ne sollicitaient pas des autorisations de mise sur le marché pour les médicaments qu'elles produisent et qu'elles veulent exporter dans l'Union européenne. C'est naturellement ce qu'elles ont fait. La dernière fois qu'un décompte a été réalisé, il y a plus d'un mois, il ne restait plus que 8 médicaments pour lesquels la procédure de demande d'autorisation de mise sur le marché n'était pas achevée, et tous pouvaient être substitués par un autre médicament disponible dans l'Union européenne. La question est parfaitement identifiée et suivie de près au niveau européen comme national. La situation est moins simple pour le Royaume-Uni s'agissant de la disponibilité de substituables pour certains médicaments qui viendraient à manquer. Ce que les autorités britanniques ont demandé à leurs pharmacies est de constituer des stocks, mais il est très difficile de prendre le risque que des médicaments ne soient pas consommés à temps et finissent par être périmés. L'incertitude d'avoir tous les médicaments ou leurs substituables à disposition est évidemment plus forte du côté du Royaume-Uni : l'importance du marché européen fait que cette difficulté, dont la presse britannique parle beaucoup, ne se présente pas de la même manière de notre côté.
Il y a eu plusieurs questions sur la coopération franco-allemande en Afrique. La France et l'Allemagne s'engagent à établir un partenariat de plus en plus étroit entre l'Europe et ce continent. Nous voulons renforcer notre coopération dans le but d'améliorer les perspectives socio-économiques, la viabilité, la bonne gouvernance, la prévention des conflits et la résolution des crises. Nous avons intérêt à être plus nombreux à être engagés en Afrique et à le faire davantage qu'aujourd'hui. Nous devons d'ailleurs nous réjouir du fait que Berlin s'engage plus, en particulier au Sahel. L'Allemagne est ainsi présente dans la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), dans la mission européenne de formation EUTM Mali, dans la mission EUCAP Sahel, au Niger, et en soutien au G5 Sahel et à sa force conjointe. Nous n'éprouvons aucune fierté cocardière qui consisterait à vouloir être les seuls présents, à faire de la lutte contre les djihadistes ou de la stabilisation du Sahel notre exclusive. Nous avons au contraire intérêt à ce que d'autres partenaires européens soient présents et permettent de soulager, parfois, nos troupes combattantes en assumant d'autres types de fonctions, comme la formation et le soutien logistique. C'est notamment ce que fait l'Allemagne, et c'est une bonne nouvelle. Nous ne serons jamais trop d'Européens à mettre en place ce que certains appellent un « plan Marshall » ou, en tout cas, à contribuer d'une manière coordonnée et volontaire à l'éducation – en particulier.
La question m'a été posée tout à l'heure de la pertinence des modèles économiques dans ce domaine. Nous avons besoin de travailler sur l'éducation de base, en particulier celle des petites filles en Afrique, et de le faire avec des partenaires allemands dont l'aide au développement atteint déjà 0,7 % du produit intérieur brut (PIB). Quant à la compatibilité des modèles économiques universitaires de la France et de l'Allemagne, je rappelle que le Président de la République a mis en avant un projet d'universités européennes dans son discours de la Sorbonne. Ce projet est en train de voir le jour, notamment grâce à l'implication forte de partenaires universitaires allemands et en dépit du fait qu'il existe non pas un modèle économique distinct mais un modèle administratif et politique différent en Allemagne, où la responsabilité appartient aux Länder et non à l'État fédéral pour les questions d'éducation et d'enseignement supérieur. Malgré ces différences, nous arrivons à avancer d'une manière intéressante sur ces sujets.
Je reviens rapidement sur ce que M. Dumont a dit tout à l'heure : il s'est étonné que le Président de la République ait choisi son moment pour mettre en avant ses priorités en vue de la refondation de l'Union européenne. À nos yeux, cette refondation est urgente. S'il fallait attendre chaque échéance électorale dans chacun des vingt-sept autres États membres, nous ne ferions jamais rien. Nous avions naturellement à informer nos partenaires allemands, la chancelière comme l'ensemble des partis politiques, et je m'en suis moi-même chargée, de ce que nous avions l'intention d'annoncer dans le discours de la Sorbonne, ce qui a permis aux discussions de coalition propre à la vie politique allemande d'avoir lieu en pleine connaissance de ce qu'était la position du partenaire français. On nous a remerciés, à Berlin, du fait qu'il était possible de discuter de la future politique européenne de la future coalition, à l'époque, en ayant pleinement connaissance des positions de la France.
Mme Delphine O, qui est partie, m'a interrogée sur la place des femmes dans la diplomatie française. C'est évidemment un sujet qui me tient à coeur. Le nombre des ambassadrices en poste et des directrices a fortement augmenté depuis 2012, mais force est de constater que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a pris du retard dans la mise en oeuvre de la loi Sauvadet, qui fixe comme objectif un taux de 40 % de femmes pour les primo-nominations, et nous avons dû nous acquitter d'une contribution l'an dernier. Des efforts continuent à être réalisés pour permettre le recrutement et la promotion de femmes et pour veiller à ce qu'il y ait des viviers extérieurs au ministère afin d'arriver à ce que l'encadrement soit plus paritaire qu'il ne l'est aujourd'hui. Il ne s'agit pas du métier le plus féminisé, mais ce n'est pas non plus celui qui se trouve le plus loin du but. Le corps préfectoral est encore très loin de remplir ses obligations – j'évite de regarder Mme Saint-Paul et de parler du ministère des armées, où nous savons que la question est encore plus difficile à régler. Il y a une volonté forte et un effort, mais on ne peut partir que des recrutements que nous avons. Encore faut-il que dans l'ensemble de la chaîne des études on encourage les femmes à se tourner vers une diversité de métiers plus grande qu'aujourd'hui.
M. Hutin a dit regretter que des sujets tels que la taxation des GAFA ou Nord Stream 2 ne figurent pas dans ce traité, qui a vocation à durer quelques années, voire quelques décennies. Le dialogue franco-allemand sur ces questions est quotidien et extrêmement étroit, même s'il n'est pas toujours facile. Il nous permet de progresser.
En réponse à Mme Clapot, qui m'a interrogée sur ce sujet, la France considère que l'on ne peut pas se borner à voir en Nord Stream 2 un projet purement commercial. La diversification de l'approvisionnement de l'Union européenne en énergie est une préoccupation qui doit tenir toute sa place dans la manière dont nous abordons ce dossier. Nous sommes favorables à ce que la directive sur le gaz soit révisée et nous avons fait part de cette position à nos partenaires depuis un certain temps. Nous sommes parvenus la semaine dernière, au Conseil, à une formulation de compromis qui permet d'aller vers l'adoption d'une directive révisée imposant à un partenaire extérieur de respecter les conditions de concurrence en vigueur dans l'Union européenne pour la fourniture et la distribution du gaz. Nous avons pleinement à l'esprit les préoccupations d'un certain nombre de nos partenaires européens et extra-européens sur la question de la fourniture de gaz, notamment russe.
Mme Trisse m'a posé une question sur l'état de droit et le respect des droits de l'homme dans l'Union européenne. Cela fait évidemment partie des valeurs fondamentales de l'Union. La rejoindre, c'est accepter de se plier à ses règles. C'est ce que nous demandons aux pays qui sont candidats à l'adhésion, et il n'y a pas de raison d'être moins exigeant avec des États membres qu'avec des États candidats. Lorsqu'une préoccupation est exprimée à propos d'un risque grave de violation de l'état de droit, les traités nous donnent la possibilité d'entrer dans un processus de dialogue avec l'État concerné. C'est ce que nous faisons avec la Pologne. L'objectif n'est pas de sanctionner un État membre. La sanction est en réalité un aveu d'échec : c'est que nous n'avons pas réussi à convaincre. L'objectif est de poursuivre le dialogue afin que l'on revienne sur certaines mesures lorsqu'elles portent atteinte à l'indépendance de la justice et à celle des associations ou au pluralisme de la presse, c'est-à-dire à ce qui est constitutif du respect de l'état du droit et des droits de l'homme dans l'Union européenne. Le processus dit « de l'article 7 » est en cours s'agissant de la Pologne. C'est un processus dans lequel la France et l'Allemagne ont des positions similaires au point que, selon les cas, c'est moi-même ou mon homologue allemand qui s'exprime au nom de nos deux pays au sein du Conseil « Affaires générales ». J'ajoute que d'autres pays ont souhaité rejoindre la position commune de la France et de l'Allemagne – c'est en réalité celle d'une grande majorité de pays européens.
Je reviens, Mme Le Pen, sur l'affirmation, que vous avez réitérée, selon laquelle la France et l'Allemagne partageraient un siège au Conseil de sécurité des Nations unies.
Répéter un mensonge n'en fait pas une vérité. Je suis désolée de vous dire que la position de la France, telle qu'elle est inscrite dans le traité, dont vous avez communication, consiste à soutenir la volonté de l'Allemagne d'obtenir pour elle-même un siège de membre permanent du Conseil de sécurité. Quant à celui de la France, nous y sommes profondément attachés et nous n'avons aucune intention de le partager. Nous avons cette année la chance que cinq États européens siègent en même temps au Conseil de sécurité : la France, le Royaume-Uni, qui est encore dans l'Union européenne, l'Allemagne, la Belgique et ... – le cinquième État membre m'échappe, mais c'est parce que je suis fatiguée. Je considère que cinq voix européennes coordonnées et défendant des positions proches au Conseil de sécurité constituent un avantage qu'il serait vain de vouloir diminuer. Il n'y a jamais eu, de la part de quelque négociateur français que ce soit, l'idée de partager le siège de membre permanent de la France avec quelque pays européen que ce soit, et pas plus avec l'Allemagne qu'avec un autre État.
C'est un mensonge absolu compte tenu de ce que le ministre allemand des finances a déclaré.
C'est ce que contient le traité, c'est ce que je vous dis en tant que membre du Gouvernement, c'est ce que vous dira Jean-Yves Le Drian demain si vous l'interrogez sur ce point, c'est ce qu'a dit le Président de la République et c'est la position de la France. Une fois encore, répéter ad nauseam des mensonges n'en fait pas des vérités, je suis désolée de vous le dire, madame la députée.
Nous nous acheminons vers la fin de cette réunion. J'ai encore quatre demandes de prise de parole, et nous allons commencer par le président du groupe d'amitié France-Allemagne de notre Assemblée, Christophe Arend, que je suis heureuse de saluer.
Merci de m'accueillir au sein de la commission des affaires étrangères.
Je me réjouis tout particulièrement de vous entendre présenter, madame la ministre, l'aboutissement de plus d'une année de travaux, d'abord entre nos Gouvernements, nos exécutifs, ce qui a nécessité, pour arriver à ce beau résultat, de se comprendre, de s'écouter, de s'entendre, de converger et d'apprendre comment fonctionne l'autre, mais également d'impliquer dans ce travail les parlementaires, aussi bien français qu'allemands, et de les avoir ainsi obligés à s'entendre, à s'écouter, à se comprendre, à interpénétrer leur culture de communication, mais aussi à arriver à négocier et à discuter avec leurs Gouvernements.
J'en viens à Nord Stream 2. Pouvez-vous nous expliquer dans quelle mesure le travail de communication important qui a permis d'aboutir au traité d'Aix-la-Chapelle a servi à l'ensemble de l'Europe pour parvenir à un compromis dans cette situation qui semblait embourbée ?
Vous avez fait quelques rappels sur la Constitution de 1958, madame la ministre, et je voudrais vous en faire un, à mon tour, au sujet du contrôle qu'exercent les parlementaires sur l'action des ministres et du Gouvernement en général. Notre rôle, même si cela n'a pas tellement l'air de vous convenir, consiste à contrôler votre action : cela fait partie de notre mission en tant qu'élus, quelles que soient nos sensibilités politiques.
Sur le fond, j'aimerais aborder la question de la défense franco-allemande. On a souvent l'occasion dans cette commission d'évoquer le financement des opérations françaises sur un certain nombre de théâtres dans le monde et l'éventuel cofinancement qui pourrait voir le jour, non pas dans le cadre de la brigade franco-allemande, mais dans celui des actions menées par la France à l'étranger en matière de maintien de la paix ou dans d'autres domaines, sous mandat de l'ONU ou non. Ces questions ont-elles été abordées ? Je ne les trouve pas dans le traité et je pense que c'est un souci partagé par toutes et tous ici, quelles que soient les sensibilités politiques, encore une fois.
Merci de me redonner la parole, madame la présidente. Je voudrais dire à la ministre que je ne suis pas toujours un schlechter Junge... (Sourires.) Je tiens à la remercier de ne pas nous avoir accusés, bien que ce point ait été évoqué avec une certaine subtilité rhétorique, de ne pas connaître la Constitution, que ce soit notre présidente – elle en a parlé dans son propos introductif – ou d'autres membres de la commission, qui l'ont fait aussi, même si c'est plus difficile pour les membres de la majorité, je le conçois. De la même manière, mais avec moins de subtilité, je ne vous accuserai pas de ne pas avoir senti que la France des années 2018-2019 n'est pas celle des années 1960 et que, depuis quelque temps, depuis un certain référendum qui a fait l'objet de contestations, mais aussi depuis quelques mois, souffle sur la France un vent démocratique, participatif. C'est également le cas depuis deux ans dans cette commission, où l'on essaie de faire en sorte qu'elle soit plus impliquée sur un certain nombre de sujets. Il eût été judicieux, à mon sens, notamment pour éviter ce que vous appelez les fake news, d'informer en amont la commission des avancées des négociations : cela aurait permis d'éviter beaucoup de difficultés. C'est tout le problème de la verticalité, dont chacun a entendu parler et que bon nombre de Français contestent aujourd'hui.
Il y a quelque chose qui n'est pas une légende : c'est la réclamation du ministre allemand des finances, qui a demandé à la France de bien vouloir céder son siège à l'Union européenne. Je veux bien que vous traitiez ça de fake news mais vous savez pertinemment que c'est une réclamation de l'Allemagne. Dans ce traité d'Aix-la-Chapelle, la France s'engage à ce que l'entrée de l'Allemagne au Conseil de sécurité des Nations unies comme membre permanent soit une priorité de la diplomatie franco-allemande, ce que je trouve, pour ma part, totalement délirant – mais on peut avoir des avis divergents.
Vous dites qu'il n'y aura jamais de partage, que c'est un mensonge. Vous pouvez le répéter dix fois, mais il est écrit ceci : « Ils coordonneront étroitement leurs positions » et « ils coopéreront étroitement au sein de tous les organes de l'Organisation des Nations unies ». Quand on coordonne sa politique, c'est que l'on partage avec quelqu'un, par définition, la défense de ses intérêts. Ce ne sont donc plus exclusivement les intérêts de la France qui sont défendus mais les intérêts franco-allemands, dont on ne connaît d'ailleurs pas les contours. En réalité, c'est déjà un partage de notre autonomie, de la défense de nos intérêts, puisque nous défendons des intérêts qui sont communs.
J'ai une autre question qui concerne le bilinguisme. Je suis désolée, mais nous ne sommes pas au café du commerce : il s'agit d'un traité. Le bilinguisme veut donc dire quelque chose. Ce n'est pas uniquement le fait que des Allemands apprennent à parler français et que des Français apprennent à parler allemand. Personne ne vous a attendue pour que ça arrive dans les zones frontalières. Tout le monde s'en réjouit : on trouve ça très bien. Le bilinguisme, c'est autre chose, madame la ministre, et vous le savez bien. Il est question, à l'article 13, de « l'objectif du bilinguisme ». Je suis navrée, mais je suis une juriste. Pour moi, le bilinguisme veut dire quelque chose qui est exactement l'inverse de ce qui est prévu à l'article 2 de la Constitution française, à savoir le fait de mettre sur le même plan deux langues, y compris pour l'intégralité des actes administratifs et pour les procédures judiciaires. Voilà ce qu'est le bilinguisme. Vous le refusez d'ailleurs dans d'autres cadres.
J'aimerais que vous nous rassuriez sur le fait qu'il s'agit seulement de permettre aux jeunes Français d'apprendre l'allemand et non de mettre en place, de manière officielle, une double langue dans une région frontalière dont on connaît assez peu les contours, puisque vous ne nous avez pas dit précisément quelles sont les « compétences appropriées », les « ressources dédiées » et les « procédures accélérées » qui sont évoquées à l'article 13.
Vous ne m'en voudrez pas, mesdames et messieurs les députés, d'aller vite à cette heure tardive. Je ne peux pas répéter dix fois le texte d'un traité pour faire plaisir à quelqu'un. Je dirai simplement que le traité d'Aix-la-Chapelle respecte la Constitution.
Saisissez-le si vous le voulez, madame la députée ! Vous aurez toute latitude pour le faire.
Écoutez, il se trouve que nous savons ce que nous faisons quand nous rédigeons un traité, et que nous n'avons jamais eu l'intention de faire de l'allemand une langue administrative ou une langue dans laquelle on peut former des recours judiciaires. Vous vous amusez à broder des fables autour d'un texte qui ne dit absolument pas cela !
Vous dites que beaucoup de jeunes Français parlent allemand dans les régions frontalières, mais allez-y donc ! J'ai vécu cinq ans à Strasbourg. Les jeunes Alsaciens n'ont pas de travail en Allemagne parce qu'ils ne parlent pas, qu'ils ne parlent plus allemand, parce qu'aucun locuteur natif ne vient leur enseigner l'allemand. Dans les écoles primaires, l'allemand leur est enseigné par des professeurs des écoles qui l'apprennent autant qu'ils l'enseignent. Nous voulons rattraper ce temps perdu, ces très nombreuses années pendant lesquelles nous n'avons pas rendu service à nos populations. C'est de cela qu'il s'agit. De même, de l'autre côté du Rhin, la patronne de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, lorsqu'elle était ministre-présidente de la Sarre, a mis en place une stratégie pour la France pour la même raison : parce que l'enseignement de la langue française avait reculé. C'est contre cela que nous luttons, et rien d'autre. Et je sais à quel point tous les élus de la zone frontalière sont sensibles à cette question.
Quant au siège de la France au Conseil de sécurité, vous avez raison, madame la députée : le ministre allemand des finances a fait une déclaration, qui a sidéré la Chancelière allemande, qui a sidéré le ministre allemand des affaires étrangères et qui a sidéré le ministre allemand des affaires européennes. Tous l'ont désavoué, rappelant la position de l'Allemagne : elle souhaite un siège de membre permanent au Conseil de sécurité, nullement un siège partagé avec la France. Ce genre d'initiative malencontreuse – la chancelière Merkel l'a elle-même qualifiée ainsi – peut arriver au sein d'un gouvernement de coalition, mais ce n'est pas la position de l'Allemagne ; c'est encore moins la position de la France. J'espère qu'en l'ayant redit une quatrième, une cinquième ou une dixième fois, je vous aurai convaincue, mais je n'en suis pas sûre. C'est pourtant la réalité, c'est la position du Gouvernement, et il faudra faire avec.
Quant au vent qui souffle sur la France, monsieur Hutin, je ne sais si c'est un vent purement démocratique, je sais qu'il marque une défiance vis-à-vis de la représentation dans son ensemble. Je me garderai d'en faire 100 % de ma boussole, car tous, dans cette pièce, nous sommes l'objet d'une défiance.
Je remercie Christophe Arend d'avoir rappelé à quel point nous avions pu échanger, notamment lors des auditions, avec le groupe de travail franco-allemand.
Merci beaucoup, madame la ministre.
Je rappelle que seuls les États peuvent siéger au Conseil de sécurité. Des organisations ne peuvent le faire, et nous y sommes attachés à ce qu'il en soit ainsi, c'est bien, de même que nous sommes attachés au siège de membre permanent de la France.
Madame la ministre, nous connaissons les institutions, nous connaissons la Constitution, notamment ses articles 52 et 53, mais nous considérons – j'espère que vous le comprendrez – que rien n'interdit de prendre en compte les attentes du Parlement dans le cadre de la négociation ou de l'élaboration de traités internationaux. C'est en cela que nos institutions sont assez bien faites et pérennes : elles permettent l'association du Parlement. C'est la même problématique, au fond éternelle, qu'ont connu tous les exécutifs. Tous veulent s'occuper de ces questions de leur côté, et, ensuite, se présenter devant le Parlement, tandis que celui-ci trouve que ce serait mieux s'il pouvait participer, être associé. Il faut entendre cette voix, madame la ministre.
Quand Emmanuel Macron parle de l'Europe des peuples, je pense qu'il a absolument raison d'aborder ainsi la question. Nous réconcilierons les peuples avec l'idée européenne ou même avec l'idéal européen, si nous sommes capables de les entendre, s'ils sentent que leurs représentants, ici, défendent un certain nombre d'intérêts qui peuvent être les leurs. Prenons l'exemple des traités commerciaux. Quand un Président de la République – François Hollande – appelle un jour d'été le président de la Commission européenne pour lui annoncer qu'il l'autorise, au nom de la France, à négocier un traité commercial avec les États-Unis, sans qu'il y ait eu aucun débat au Parlement, c'est une question démocratique.
Je pense que nos institutions sont bien faites, et je souhaite que l'exécutif prenne en compte l'existence d'un Parlement disponible. Il est quelquefois mieux de débattre avant plutôt qu'après. Je vous remercie en tout cas, madame la ministre, d'avoir répondu à chacune et chacun et d'y avoir consacré le temps nécessaire.
La séance est levée à 19 heures 15.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 12 février 2019 à 17 h 05
Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Frédéric Barbier, Mme Mireille Clapot, M. Jean-Michel Clément, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Pierre-Henri Dumont, M. Michel Fanget, M. Claude Goasguen, M. Christian Hutin, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Amélia Lakrafi, M. Pascal Lavergne, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Marine Le Pen, M. Jean François Mbaye, M. Christophe Naegelen, Mme Delphine O, M. Jean-François Portarrieu, Mme Isabelle Rauch, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, Mme Sira Sylla, M. Buon Tan, Mme Liliana Tanguy, Mme Nicole Trisse, M. Sylvain Waserman
Excusés. - M. Lénaïck Adam, M. Moetai Brotherson, Mme Laurence Dumont, Mme Anne Genetet, M. Philippe Gomès, M. Meyer Habib, M. Bruno Joncour, Mme Nicole Le Peih, M. Adrien Quatennens, M. Hugues Renson
Assistaient également à la réunion. - M. Christophe Arend, M. Christophe Lejeune